La fuite en Egypte.

Récréation pieuse (Fragment).

 

L'ANGE avertit saint Joseph.

Air : La folle de la plage.

 

Vers l'Egypte, bien vite,

Il faut prendre la fuite !...

Joseph, dès cette nuit,

Eloigne-toi sans bruit.

 

Hérode, en sa furie,

Cherche le Roi nouveau

A ce divin Agneau

Il veut ôter la vie.

Prends la Mère et l'Enfant,

Fuyez rapidement !

 

 

Chant des Anges accompagnant la sainte Famille.

Air: Les gondolières vénitiennes.

 

Ineffable mystère !

Jésus, le Roi du ciel,

Exilé sur la terre,

Fuit devant un mortel !

A ce Dieu dans les langes,

Offrons tout notre amour ;

Que nos blanches phalanges

Viennent former sa cour.

 

Couvrons-le de nos ailes

Et des fleurs les plus belles ;

Par nos concerts joyeux,

Berçons le Roi des cieux.

Pour consoler sa Mère, Chantons avec mystère

Les charmes du Sauveur,

Sa grâce et sa douceur !

 

Ah ! quittons ce rivage,

Bien loin de l'orage,

Fuyons cette nuit,

Loin de tout bruit.

 

La Vierge sous son voile

Cache notre étoile :

L'astre des élus,

L'Enfant Jésus.

 

Le Roi du ciel

Fuit devant un mortel !...

 

L'Ange du désert.

Air : du Credo d'Herculanum

 

Je viens chanter, de la sainte Famille,

L'éclat divin qui m'attire en ces lieux ;

Dans le désert, cette étoile qui brille

Me charme plus que la gloire des cieux.

Ah ! qui pourra comprendre ce mystère

Parmi les siens, Jésus est rejeté !

Il est errant, voyageur sur la terre,

Et nul ne sait découvrir sa beauté.

 

Mais, si les grands redoutent votre empire,

O Roi du ciel, Astre mystérieux !

Depuis longtemps plus d'un coeur vous désire,

C'est vous l'espoir de tous les malheureux.

Verbe éternel, ô Sagesse profonde !

Vous répandez vos ineffables dons

Sur les petits, les faibles de ce monde ;

Et dans le ciel vous écrivez leurs noms.

 

Si vous donnez la sagesse en partage

A l'ignorant, s'il est humble de coeur,

C'est que toute âme est faite à votre image.

Vous appelez, vous sauvez le pécheur !

Un jour viendra qu'en la même prairie,

L'agneau paîtra doucement près du lion ;

Et le désert, votre unique patrie,

Plus d'une fois entendra votre Nom.

 

O Dieu caché ! des âmes virginales,

Brûlant de zèle au foyer de l'amour,

S'élanceront sur vos traces royales,

Et les déserts se peupleront un jour.

Ces coeurs ardents, ces âmes séraphiques

Réjouiront tous les Anges des cieux,

Et l'humble accent de leurs divins cantiques

Fera trembler l'abîme ténébreux.

 

Dans sa fureur, sa basse jalousie,

Satan voudra dépeupler les déserts ;

Il ne sait pas la puissance infinie

Du faible Enfant qu'ignore l'univers.

Il ne sait pas que la vierge fervente

Trouve toujours le repos en son coeur;

Il ne sait pas combien elle est puissante

Cette âme unie à son divin Sauveur!

 

Peut-être un jour vos épouses chéries

Partageront votre exil, ô mon Dieu !

Mais les pécheurs qui les auront bannies,

De leur amour n'éteindront pas le feu.

Du monde impur la haine sacrilège

N'atteindra pas les vierges du Seigneur

Jusqu'à souiller leur vêtement de neige,

Jusqu'à ternir leur céleste blancheur.

 

O monde ingrat, déjà ton règne expire ;

Ne vois-tu pas que ce petit Enfant

Cueille joyeux la palme du martyre,

La rose d'or, le lis éblouissant ?

Ne vois-tu pas que ses vierges fidèles

Tiennent en main la lampe de l'amour ?

Ne vois-tu pas les portes éternelles,

Qui, pour les saints, doivent s'ouvrir un jour ?

 

Heureux instant ô bonheur sans mélange,

Quand les élus, paraissant glorieux,

De leur amour recevront en échange

L'éternité pour aimer dans les cieux !

Après l'exil, plus jamais de souffrance,

Mais le repos du céleste séjour;

Après l'exil, plus de foi, d'espérance,

Rien que la paix, l'extase de l'amour !

 

21 janvier 1896.

 

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