INNOCENTS
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LES INNOCENTS

 

Les Innocents furent ainsi nommés pour leur vie, leur châtiment et leur innocence acquise. Leur vie fut innocente, n'ayant jamais nui, ni à Dieu par désobéissance, ni au prochain par injustice, ni à eux-mêmes par malice en péchant. Ils furent innocents dans leur vie et simples dans la foi . Le châtiment, ils le subirent innocemment et injustement, ainsi qu'il est dit au psaume : «Ils répandirent un sang innocent. » Ils possédèrent l’innocence acquise; dans- leur martyre, ils méritèrent l’innocence baptismale, c'est-à-dire que le péché originel fut effacé. en eux.. En parlant de cette innocence, le psalmiste dit : « Conservez l’innocence et considérez la droiture, » c'est-à-dire conservez l’innocence baptismale et considérez la droiture d'une vie pleine de bonnes oeuvres.

Les Innocents furent tués par Hérode l’Ascalonite. La sainte Ecriture fait mention de trois Hérode que leur infâme cruauté a rendus célèbres. Le premier fut Hérode l’Ascalonite, sous (105) lequel naquit le Seigneur et par qui furent massacrés les enfants. Le second fut Hérode Antipas, qui fit décoller saint Jean-Baptiste. Le troisième fut Hérode Agrippa, qui tua saint  Jacques et emprisonna saint Pierre. On a fait ces vers à leur sujet :

 

Ascalonita necat pueros, Antipa Joannem,

Agrippa Jacobum, claudens in carcere Petrum.

 

Mais racontons en peu de mots l’histoire du premier Hérode. Antipater l’Icluméen, ainsi qu'on lit dans l’Histoire scholastique*, se maria à une nièce du roi des Arabes : il en eut un, fils, qu'il appela Hérode et qui plus tard fut surnommé l’Ascalonite. Ce fut lui qui reçut le royaume de Judée de César-Auguste et dès lors, pour la première fois; le sceptre sortit de Juda. Il eut six fils : Antipater, Alexandre, Aristobule, Archelaüs, Hérode, Antipas. et Philippe. Il envoya à Rome, pour s'instruire dans les arts libéraux, Alexandre et Aristobule dont la mère était juive; leurs études achevées, ils revinrent. Alexandre se fit grammairien et Aristobule devint un orateur très véhément : déjà ils avaient eu des différends. avec leur père pour la possession du trône. Le père eu fut offensé et s'attacha à faire prévaloir Antipater. Comme ils avaient comploté la mort de leur père et qu'ils avaient été chassés par lui, ils allèrent se plaindre à César de l’injustice qu'ils avaient subie. Sur ces entrefaites, les Mages viennent à Jérusalem et s'informent avec grand soin de la naissance d'un nouveau roi. A . cette nouvelle, Hérode se trouble, et, craignant que de la race légitime des rois, il ne fût né un rejeton qu'il ne pourrait chasser comme usurpateur, il prie les Mages de l’avertir aussitôt qu'ils l’auraient trouvé, simulant vouloir adorer celui qu'il voulait tuer. Cependant les Mages retournèrent en leur pays par un autre chemin. Hérode, ne les voyant pas revenir, crut qu'ils avaient eu honte de retourner vers lui, parce qu'ils auraient été les dupes de l’apparition de l’étoile et ne s'occupa plus de rechercher l’enfant. Mais ayant appris le récit des bergers et les prédictions de Siméon et d'Anne, ses appréhensions redoublèrent et il se

 

* Sozomène, Histoire Tripartite, ch. II.

 

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crut indignement trompé par les Mages. Il pensa donc alors à tuer les enfants qui étaient à Bethléem, pour faire périr avec eux celui qu'il ne connaissait pas. Mais sur les avis de l’Ange, Joseph avec sa mère et l’Enfant s'enfuit en Egypte et demeura sept ans à Hermopolis, jusqu'à la mort d'Hérode. Or, quand le Seigneur entra en Egypte, toutes les idoles furent renversées, selon la prédiction d'Isaïe. Et de même que lors de la sortie des enfants d'Israël de l’Égypte, il n'y eut pas une maison où parla main de Dieu, le premier né, ne fût mort, de même il n'y eut pas de temple dans lequel une idole ne fût renversée. Cassiodore rapporte dans son Histoire Tripartite *, qu'à Hermopolis, en Thébaïde, il existe un arbre appelé Persidis qui a la propriété de guérir ceux des malades au cou desquels on attache de son fruit, de ses feuilles ou de son écorce. Or, comme la bienheureuse Marie s'enfuyait en Egypte avec son fils; cet arbre s'inclina jusqu'à terre et adora humblement Jésus-Christ.

 

Hérode se préparait à massacrer les enfants, lorsqu'une lettre de César-Auguste le cita à comparaître devant lui pour répondre aux accusations de ses fils. En traversant Tharse, il sut que les mages avaient passé la mer sur des vaisseaux tharsiens, et il fit brûler toute la flotte, selon qu'il avait été prédit : « D'un souffle impétueux vous briserez les vaisseaux de Tharsis. » (Ps. VI.) Le père ayant vidé ses différends avec ses enfants devant César, il fut arrêté que ceux-ci obéiraient en tout à leur père, et que celui-là céderait l’empire à qui il voudrait. Hérode, devenu plus hardi à son retour par l’affermissement de son pouvoir, envoya égorger tous les enfants qui se trouvaient à Bethléem, âgés de deux ans et au-dessous, selon le temps qu'il avait supputé d'après les mages. Ceci a

 

* Liv. VI, chap. XLII.

 

besoin de deux éclaircissements : le premier par rapport au temps, et voici comment on l’explique : âgés de deux ans et au-dessous, c'est-à-dire, en commençant par les enfants de deux ans jusqu'aux enfants d'une nuit.

Hérode avait en effet appris des mages qu'un prince était né le jour même de l’apparition de l’étoile, et comme il s'était déjà écoulé un an depuis son voyage à Rome et son retour, il croyait que le Seigneur avait un an et quelques jours de plus; c'est pour cela qu'il exerça sa fureur sur ceux qui étaient plus âgés, c'est-à-dire, qui avaient deux ans et au-dessous, jusqu'aux enfants qui, n'avaient qu'une nuit : dans la crainte que cet enfant, auquel les autres obéissaient, ne subît quelque transformation qui le rendrait ou plus vieux ou plus jeune. C'est le sentiment le plus commun et le plus vraisemblable. Le second éclaircissement se tire de l’explication qu'en donne saint Chrysostome. Il entend ainsi l’ordre du nombre d'années ; depuis deux ans et au-dessous, c'est-à-dire, depuis les enfants de deux ans jusqu'à cinq., Il avance ainsi que l’étoile, apparut aux mages pendant un an avant là naissance du Sauveur. Or, depuis qu'il avait: appris cela, Hérode avait: été à Rome et son. projet fut différé d'un an. Il croyait donc que le Sauveur était né quand l’étoile apparut aux mages. D'après son calcul, le Sauveur aurait eu deux ans: voilà pourquoi il fit massacrer les enfants de deux à cinq ans, mais pas moins jeunes que de deux ans. Ce qui rend cette assertion vraisemblable, ce sont les ossements des innocents dont quelques-uns sont trop grands pour ne (108) pouvoir appartenir à des corps qui n'auraient eu que deux ans *. On pourrait peut-être encore dire que les hommes étaient de plus haute taille alors qu'aujourd'hui. Mais Hérode en fut bientôt puni. En effet Macrobe rapporte et Méthodien en sa chronique dit que le petit fils d'Hérode était en nourrice et qu'il fut tué avec les autres par les bourreaux. Alors fut accomplie la parole du Prophète : « Rama, c'est-à-dire les hauts lieux, retentirent des pleurs et des gémissements des pieuses mères. »

Mais Dieu dont les desseins sont souverainement équitables ** ne permit pas que l’affreuse cruauté d'Hérode restât impunie. Il arriva, par le jugement de Dieu, que celui qui avait privé tant de parents de leurs enfants fut aussi privé des siens plus misérablement encore. Car Alexandre et Aristobule inspirèrent de nouveaux soupçons à leur père.

Un de leurs complices avoua que Alexandre lui avait fait de grandes promesses s'il empoisonnait son père: un barbier déclara aussi qu'on lui avait promis des récompenses considérables, si en rasant la barbe d'Hérode, il lui coupait la gorge : il ajouta qu'Alexandre aurait dit que l’on ne pouvait .rien espérer d'un vieillard qui se teignait les cheveuxpour paraître jeune. Le père, irrité, les fit tuer ; sur le trône, il établit Antipater pour régner après lui, et il substitua encore Antipas à Antipater. De plus, Hérode affectionnait particulièrement Agrippa, ainsi qu'Hérodiade, femme

 

* Tout ce récit est copié dans l’Histoire scholastique, Ev, C. XI.

** Eusèbe, Histoire-ecclésiastique, livreI1, c. VIII.

 

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de Philippe, qu'il avait eus d'Aristobule. Pour ces deux motifs Antipater conçut une haine si implacable contre son père, qu'il tenta de s'en défaire par le poison ; Hérode s'en méfiant, le fit jeter en prison. César-Auguste apprenant qu'il avait tué ses fils : « J'aimerais mieux, dit-il, être le pourceau d'Hérode que son fils ; car comme prosélyte, il épargne ses porcs et il tue ses enfants. » Parvenu à l’âge de 70 ans, Hérode tomba gravement malade: il était miné par une forte fièvre, ses membres se pourrissaient et ses douleurs étaient incessantes; il avait les pieds enflés, les testicules rongés de vers; il exhalait une puanteur intolérable ; sa respiration était courte et ses soupirs continuels. Ayant pris un bain d'huile par l’ordre des médecins, on l’en sortit presque mort.

Ayant entendu dire que les juifs seraient contents de le voir mourir, il fit rassembler dans une prison les plus nobles jeunes gens de toute la Judée et dit à Salomé sa soeur : « Je sais que les juifs se réjouiront de ma mort; mais il pourra s'y répandre bien des larmes et j'aurai de nobles funérailles, si vous voulez obéir à mon ordre; c'est, aussitôt que j'aurai rendu l’esprit, de tuer tous ceux que je garde en prison afin qu'ainsi toute la Judée me pleure malgré qu'elle en ait. » Après chaque repas, il avait coutume de manger une pomme qu'il pelait lui-même avec une épée. Or, comme il tenait cette arme à la main, il fut pris d'une toux violente et regardant autour de lui si personne ne l’empêcherait de se frapper, il leva la main pour le faire, mais un de ses cousins lui retint le bras en l’air. Aussitôt, comme s'il eût été mort, des gémissements (110) retentirent dans le palais. A ces cris, Antipater bondit de .joie, et promit toute sorte de présents aux gardes, si on l’en délivrait. Quand Hérode en fut informé, il souffrit plus de la joie de son fils que de :sa propre mort ; il envoya alors des satellites, le fit tuer et institua Archélaüs son successeur. Il mourut cinq jours après. Il avait été fort heureux en bien des circonstances, mais il eut fort à souffrir dans son intérieur.

Salomé délivra tous ceux dont le roi avait ordonné la mort. Remi, dans son original sur saint Mathieu *, dit que Hérode se suicida de l’épée avec laquelle il pelait une pomme, et que sa sueur Salomé fit tuer tous ceux qui étaient en prison, ainsi qu'elle l’avait décidé avec son frère.

 

* Homélie 6e de Remi d'Auxerre.

 

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