MARTIN
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SAINT MARTIN, ÉVÊQUE

 

Martin, c'est comme si on disait qui tient Mars, c'est-à-dire la guerre contre les vices et les péchés; ou bien encore l’un des martyrs; car il fut martyr au moins de volonté et par la mortification de sa chair. Martin peut encore s'interpréter excitant, provoquant, dominant. En effet, par le mérite de sa sainteté, il excita le diable a l’envie, il provoqua Dieu à la miséricorde, et il dompta sa chair par des macérations continuelles. La chair doit être dominée par la raison ou l’âme, dit saint Denys dans l’épure à Démophile, comme un maître domino un serviteur, et un vieillard un jeune débauché. Sévère surnommé Sulpice, disciple de saint Martin, a écrit sa vie et cet auteur est compté au nombre des hommes illustres par Gennacle.

 

Martin, originaire de Sabarie, ville de Pannonie, mais élevé à Pavie en Italie, servit en qualité de militaire avec son père, tribun des soldats, sous les césars Constantin et Julien. Ce n'était pas cependant de son propre mouvement, car, tout jeune encore; poussé par l’inspiration de Dieu, à l’âge de douze ans, malgré ses parents, il alla à l’église et demanda, qu'on le fit catéchumène; et dès lors il. se serait retiré dans un ermitage, si la faiblesse de sa constitution ne s'y fût opposée.

Mais les empereurs ayant porté un décret par lequel tous les fils des vétérans étaient obligés à servir à la place de leurs pères, Martin, âgé de quinze ans, fut forcé d'entrer au service, se contentant d'un serviteur seulement qu'il servirait du reste lui-même le plats souvent, et dont il ôtait et nettoyait la chaussure.

 

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Un jour d'hiver, passant à la porte d'Amiens, il rencontra un homme nu qui n'avait reçu l’aumône de personne. Martin comprit que ce pauvre lui avait été réservé : il prit son épée, et partagea en deux le manteau qu'il avait sur lui, en donna une moitié au pauvre, et se recouvrit de l’autre moitié qui lui restait. La nuit suivante, il vit J.-C., revêtu de la partie du manteau dont il avait couvert le pauvre, et l’entendit dire aux anges qui l’entouraient : « Martin, qui n'est encore que catéchumène,  m’a couvert de ce vêtement » Le saint homme ne s'en glorifia point, mais connaissant par là combien Dieu est bon il se fit baptiser, à l’âge de dix-huit ans, et cédant aux instances  de son tribun, qui lui promettait de renoncer au monde à l’expiration de son tribunat, il servit encore deux ans.

Pendant ce temps, les barbares firent irruption dans la Gaule, et Julien César qui devait lui livrer bataille, donna de l’argent aux soldats; mais Martin, dont l’intention était de ne plus rester au service, ne voulut pas recevoir cette gratification, et dit à César : « Je suis soldat de J.-C. ; il ne  m’est pas permis de me battre. » Julien indigné répondit que ce n'était pas par religion, mais par peur de la bataille dont on était menacé, qu'il renonçait au service militaire. Martin répliqua avec intrépidité : « Si c'est à la lâcheté et non à la foi que l’on attribue ma démarche, demain je me placerai, sans armes, au-devant des rangs, et au nom de J.-C., avec le signe de la croix pour me protéger, et sans bouclier, ni casque, je pénétrerai sans crainte dans les bataillons ennemis. » On le fit garder, pour l’exposer sans armes, comme il l’avait (289) dit, au-devant des barbares. Mais le jour suivant, les ennemis envoyèrent une ambassade pour se rendre eux et tout ce qu'ils possédaient. Il n'y a pas de doute que ce ne fut aux mérites du saint personnage que cette victoire ait été remportée sans effusion de sang. Il quitta donc le service pour se retirer auprès de saint Hilaire, évêque de Poitiers qui l’ordonna acolyte.

Le Seigneur l’avertit dans un songe d'aller visiter ses parents qui étaient encore païens. En partant, il prédit qu'il aurait à endurer beaucoup d'adversités : en effet, au milieu des Alpes, il tomba entre les mains des voleurs; et l’un d'eux avait levé sa hache pour lui frapper la tête, quand un entre retint son bras : cependant on lui lia les mains derrière le dos, et il fut livré à la garde d'un voleur. Celui-ci lui demanda s'il avait éprouvé quelque crainte; Martin lui répondit que jamais il n'avait été si exempt d'inquiétudes, parce qu'il savait que la miséricorde de Dieu se manifeste principalement dans le danger. Alors il commença à prêcher le larron qu'il convertit à la foi de J.-C. Cet homme remit Martin sur son chemin, et termina dans la suite sa vie avec édification.

Quand Martin eut passé Milan, le diable se présenta devant lui sous une forme humaine et lui demanda où il allait. Le saint répondit qu'il allait où le Seigneur l’appelait; alors le diable lui dit : « Partout où tu iras, tu rencontreras le diable pour te contrarier. » Martin lui répliqua : « Le Seigneur est mon soutien, et je ne craindrai point ce que l’homme pourra me faire », et à l’instant le diable s'évanouit. Il convertit sa mère, mais son père persévéra dans l’erreur. Comme (290) l’hérésie arienne était répandue par toute la terre, et que le saint était presque seul à la combattre, il fut fouetté publiquement et chassé d'une ville; il revint alors à Milan où il se construisit un monastère. Mais en ayant été chassé par les Ariens, il alla à l’île de Gallinaria, accompagné d'un seul prêtre: là, entre autres herbes, il mangea de l’ellébore qui est un poison, et il se sentait mourir, quand, par la force de sa prière, il fit disparaître tout danger et toute douleur. » Lorsqu'il apprit que saint Hilaire revenait de l’exil, il partit au-devant de lui, et fonda un monastère auprès de Poitiers.

Au retour d'un voyage hors de son monastère, il y trouva un catéchumène mort sans baptême. Il le porta dans sa cellule, et se prosternant sur son cadavre, il le rappela à la vie par sa prière. Cet homme avait coutume de dire, qu'après son jugement, il fut envoyé dans des endroits obscurs, quand deux anges suggérèrent au souverain juge que c'était pour lui que Martin priait. On leur ordonna donc de ramener cet homme vivant à Martin. Il rendit en outre à la vie un autre homme qui avait mis fin à ses jours en se pendant.

Le peuple de Tours se trouvait alors sans évêque et demanda qu'on promût Martin à l’épiscopat, malgré , les vives résistances du saint homme. Or, quelques-uns des évêques, qui se trouvaient là rassemblés, y mettaient opposition parce que Martin était d'un extérieur difforme et laid de visage. Le principal d'entre eux était un nommé Défenseur : or, comme le lecteur se trouvait absent pour le moment, quelqu'un prit le (291) psautier et lut le premier psaume qui se présenta; c'est celui dans lequel se trouve ce verset : « Ex ore infantium et lactentium, Deus, perfecisti laudem, ut destruas inimicum et defensorem *. O Dieu, vous avez tiré la louange la plus parfaite de la bouche des petits enfants, et de ceux qui sont à la mamelle pour détruire l’ennemi et. son défenseur » (Ps. VIII) **. En sorte que Défenseur resta confus en présence de tout le monde.

Quand Martin fut ordonné évêque, comme il ire pouvait supporter le bruit que faisait le peuple, il établit un monastère à deux milles environ de Tours, et il y vécut avec quatre-vingts disciples dans une grande: abstinence; personne en effet n'y buvait du vin, à moins d'y être forcé par le besoin : être habillé trop délicatement, y passait pour un crime: Plusieurs villes venaient choisir là leurs évêques. Un homme était honoré comme martyr, et Martin n'avait pu trouver aucun renseignement sur sa vie et ses mérites; un jour donc que le saint était debout en prières sur son tombeau, il supplia le Seigneur de lui faire connaître qui était cet homme et quel mérite il pouvait avoir. Et s'étant tourné à gauche, il vit debout un fantôme tout noir qui ayant été adjuré par Martin, répondit, qu'il avait été larron et qu'il avait subi le supplice pour son crime. Aussitôt donc, Martin fit détruire l’autel.

On lit encore dans le Dialogue de Sévère et de Gallus,

 

* C'est le texte tel qu'il se trouve dans l’ancienne version des psaumes en usage alors dans les Gaules, ps. VIII.

** Ce défenseur était l’évêque d'Angers.

 

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disciples de saint Martin, livre oit se trouvent rapportés une multitude de faits que Sévère avait laissés de côté *, que, un jour, Martin fut obligé d'aller trouver l’empereur Valentinien ; mais celui-ci sachant que Martin venait solliciter une faveur. qu'il ne voulait pas accorder, lui fit fermer les portes du palais. Martin, ayant supporté un premier et un second affront, s'enveloppa d'un cilice, se couvrit de cendres pendant une semaine et se mortifia par l’abstinence du boire et du manger. Après quoi, averti par un ange, il alla au palais, et sans que personne l’en empêchât, il parvint jusqu'à l’empereur.       Quand celui-ci le vit venir, il se mit en colère de ce qu'on l’avait laissé passer, et ne voulut pas se lever devant lui, jusqu'au moment où le feu se mit au fauteuil impérial et brûla l’empereur lui-même dans la partie du corps sur laquelle il était assis. Alors il fut forcé de se lever devant Martin, en avouant qu'il avait ressenti une force divine ; il l’embrassa tendrement, lui accorda tout, avant même qu'il le demandât, et lui offrit de nombreux présents que saint Martin n'accepta point. Dans le même Dialogue (c. V), on voit comment il ressuscita le troisième mort. Un jeune homme venait de mourir et sa mère conjurait avec larmes saint Martin de le ressusciter. Alors le saint, au milieu d'un champ où se trouvait une multitude innombrable de gentils, se mit à genoux, et sous les yeux de tout ce monde, l’enfant ressuscita. C'est pourquoi tous ces gentils

 

* Ce Dialogue est l’oeuvre de Sulpice Sévère qui y prend le nom de Gallus.

 

furent convertis à la foi. Les choses insensibles, les végétaux, les créatures privées de raison obéissaient à ce saint homme : 1° Les choses insensibles, comme l’eau et, le feu. Il avait mis le feu à un temple, et la flamme poussée par le vent se portait sur une maison voisine. Martin monta sur le toit de la maison et se mit au-devant des flammes qui s'avançaient : tout à coup elles rebroussèrent contre la violence du vent, de sorte qu'il paraissait exister un conflit entre les éléments qui luttaient l’un contre l’autre. Un navire était en péril, lit-on dans le même Dialogue (c. XVII) ; un marchand qui n'était pas encore chrétien, s'écria : « Dieu de Martin, sauvez-nous! » et aussitôt il se fit un grand calme. 2° Les végétaux lui obéissaient aussi de même. Dans un bourg, il avait fait abattre un temple fort ancien, et il voulait couper un pin consacré au diable, malgré les paysans et les gentils, quand l’un d'eux dit: « Si tu as confiance en ton Dieu, nous couperons cet arbre, et toi tu le recevras, et si ton Dieu est avec toi, ainsi que tu le dis, tu échapperas au péril. » Martin consentit; l’arbre était coupé et tombait déjà sur le saint qu'on avait lié de ce côté, quand il fit le signe de la croix vers l’arbre qui se renversa. de l’autre côté et faillit écraser les paysans qui s'étaient rais à l’abri. A la vue de ce miracle, ils se convertirent à la foi *. 3° Les créatures privées de raison, comme les animaux, lui obéirent, aussi plusieurs fois, ainsi. qu'on le voit dans le Dialogue cité plus haut (c. X). Avant vu des chiens qui poursuivaient un levreau, il

 

* Sulpice Sévère, Vie de saint Martin, c. X.

 

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leur commanda de cesser de le poursuivre : et aussitôt les chiens s'arrêtèrent et restèrent droits comme s'ils eussent été attachés par leurs pattes. Un serpent passait un fleuve à la nage et Martin lui dit : « Au nom du Seigneur, je t'ordonne de retourner. » Aussitôt et à la parole du saint, le serpent se retourna et passa sur l’autre rive. Alors Martin dit en gémissant : « Les serpents  m’écoutent et les hommes ne  m’écoutent pas. » Un chien encore aboyait contre un disciple de saint Martin : et se tournant vers lui, le disciple lui dit : « Au nom de Martin, je t'ordonne de te taire. » Et le chien se tut aussitôt, comme si on lui eût coupé la langue .

Le bienheureux Martin posséda une grande humilité; car un lépreux qui faisait horreur, s'étant rencontré sur son chemin à Paris, il l’embrassa, le bénit, et cet homme fut guéri de suite. Quand il était dans le sanctuaire, jamais il ne se servit de la chaire, car personne ne le vit jamais s'asseoir dans l’église : il se mettait sur un petit siège rustique, qu'on appelle trépied. Il jouissait d'une grande considération; car on disait qu'il était l’égal des apôtres, et cela pour la grâce du Saint-Esprit qui descendit en forme de feu sur lui afin de lui donner de la vigueur, comme cela eut lieu pour lés apôtres. Ceux-ci le visitaient fréquemment comme s'il eût été leur égal. On lit en effet, dans le livre** cité plus haut, qu'une fois saint Martin étant dans sa cellule, Sévère et Gallus, ses disciples,

 

* Dialogue, III, c. IV.

** Ibid., II, c. XIV.

 

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qui attendaient à la porte, furent frappés tout à coup d'une merveilleuse frayeur, en entendant plusieurs personnes en conversation dans la cellule. Ayant questionné plus tard à ce sujet saint Martin : « Je vous le dirai, répondit-il, mais vous, ne le dites à personne, je vous prie. Ce sont sainte Agnès, sainte Thècle et la sainte Vierge Marie qui sont venues vers moi. » Et il avoua que ce n'était pas ce jour-là seulement, ni la seule fois qu'il eût reçu leur visite. Il raconta que les apôtres saint Pierre et saint Paul lui apparaissaient souvent. — Il pratiquait une haute justice ; car ayant été invité par l’empereur Maxime et ayant reçu le premier la coupe, tout le monde attendait qu'après avoir bu, il la passerait à l’empereur, mais il la donna à son prêtre, ne jugeant personne plus digne de boire après lui, et pensant commettre une chose indigne que, de préférer à ce prêtre ou bien l’empereur, ou bien ceux qui venaient après ce dernier. Il était doué d'une grande patience. Tout évêque qu'il fût, souvent les clercs lui manquaient impunément; il ne les privait cependant pas de sa bienveillance. Personne ne le vit jamais en colère, jamais triste, jamais riant. Il n'avait jamais à la bouche que le nom de J.-C. ; jamais dans le coeur que la pitié, la paix, la miséricorde. On lit encore, dans ce Dialogue, qu'un jour Martin, revêtu d'un habit à longs poils et couvert d'un manteau noir qui pendait deçà et de là, s'avançait, monté sur un petit âne : des chevaux venant du côté opposé s'en étant effrayés, les soldats qui les conduisaient tombèrent à terre immédiatement; puis saisissant Martin, ils le frappèrent (296) rudement. Or, le saint resta comme un muet, présentant le dos à ceux qui le maltraitaient : ceux-ci étaient d'autant plus furieux que le saint semblait les mépriser en ne paraissant pas ressentir les coups qu'ils lui portaient : mais à l’instant, leurs chevaux restèrent attachés par terre ; on avait beau les frapper à coups redoublas; ils ne pouvaient pas plus remuer que des pierres, jusqu'au moment où les soldats revenus vers saint Martin confessèrent le péché qu'ils avaient commis contre lui, sans le connaître ; il leur donna aussitôt la permission de partir: alors leurs chevaux s'éloignèrent d'un pas rapide. Il fut très assidu à la prière; car, ainsi qu'on le dit dans sa légende, jamais il ne passa une heure, un moment sans se livrer ou à la prière ou à la lecture. Pendant la lecture ou le travail, jamais il ne détournait son esprit de la prière. Et comme c'est la coutume des forgerons, de frapper de temps en temps sur l’enclume pendant qu'ils battent le fer, pour alléger leur labeur, de même saint Martin, au milieu de chacune de ses actions, priait toujours. Il exerçait sur lui-même de grandes austérités. Sévère rapporte, en effet, dans sa lettre à Eusèbe, que Martin étant venu dans 'un village de son diocèse, ses clercs lui avaient préparé un lit avec beaucoup de paille. Quand le saint se fut couché, il eut horreur de cette délicatesse inaccoutumée, lui qui se reposait d'ordinaire sur la terre nue, couvert seulement d'un cilice. Alors ému de l’injure qu'il croyait avoir reçue , il se leva, jeta de côté toute la paille et se coucha sur la terre nue. Or, vers minuit, cette paille prend feu ; saint Martin éveillé cherche à sortir, sans pouvoir le faire; (297) le feu le saisit et déjà ses vêtements brûlent. Mais il a recours, comme d'habitude, à la prière; il fait le signe de la croix et reste au milieu du feu qui ne le touche pas ; les flammes lui semblaient alors une rosée, quand tout à l’heure il venait d'en ressentir la vivacité. Aussitôt les moines éveillés accourent et tirent des flammes Martin sain et sauf, tandis qu'ils le croyaient consumé. Il témoignait une grande compassion pour les pécheurs, car il recevait dans son sein tous ceux qui voulaient se repentir. Le diable lui reprochait en effet clé recevoir à la pénitence ceux qui étaient tombés une fois; alors Martin lui dit : « Si toi-même, misérable, tu cessais de tourmenter les hommes et si tu te repentais de tes actions, j'ai assez de confiance dans le Seigneur pour pouvoir te promettre la miséricorde de J.-C. » Il avait une grande pitié à l’égard des pauvres. On lit dans le même Dialogue (II, c. I) que saint Martin, un jour de fête, allant à l’église, fut suivi par un pauvre qui était nu. Le saint ordonna à son archidiacre de revêtir cet indigent; mais celui-là ayant tardé à le faire, Martin entra dans la sacristie *, donna sa tunique au pauvre en lui commandant de sortir aussitôt. Or, comme l’archidiacre l’avertissait qu'il était temps de commencer les saints mystères, saint Martin répondit qu'il n'y pouvait aller avant que le pauvre n'eût reçu un habit. C'était de lui-même qu'il parlait. L'archidiacre qui ne comprenait pas, parce qu'il voyait saint Martin revêtu de sa chape de dessus, sans se

 

* Secretarium, c'était un lieu attenant à l’église où les clercs se réunissaient pour vaquer à la prière et à la lecture.

 

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douter qu'il eût été nu sur lui, répond qu'il n'y a pas de pauvre. Alors le saint dit: « Qu'on  m’apporte uni habit, et il n'y aura pas de pauvre à vêtir. » L'archidiacre fut forcé d'aller au marché et prenant pour cinq pièces d'argent une tunique sale et courte, qu'on appelle pénule, comme on dirait presque nulle, il la jeta en colère: aux pieds de Martin, qui se retira à l’écart pour la mettre : or, les manches de la pénule n'allaient que jusqu'au coude et elle descendait seulement à ses genoux. Néanmoins, Martin s'avança ainsi revêtu pour célébrer la messe. Mais pendant le saint sacrifice, un globe de feu apparut sur, sa tête, et beaucoup de personnes l’y remarquèrent. C'est pour cela qu'on dit qu'il était l’égal des apôtres. A ce miracle, Maître Jean Beleth ajoute (c. CLXIII) que le saint levant les mains vers Dieu à la préface de la messe, comme c'est la coutume, les manches de toile venant à retomber sur elles-mêmes, parce que ses bras n'étaient ni gros, ni gras et que la tunique dont il vient d'être parlé, n'allait que jusqu'aux coudes, ses bras restèrent nus. Alors des bracelets miraculeux, couverts d'or et de pierreries, sont apportés par des anges pour couvrir ses bras avec décence. En apercevant un jour une religieuse : « Celle-ci, dit-il, a accompli le commandement évangélique : elle possédait deux tuniques, et elle en a donné une à qui n'en avait point. Et vous; ajouta-t-il, vous devez faire de même. » Il eut une grande puissance pour chasser les démons du corps des hommes. On lit dans le même Dialogue (II, c. IX) qu'une vache, agitée par le démon, exerçait partout sa fureur, tuait beaucoup de monde et accourait, pleine de rage, (299) dans un chemin; contre Martin et ses compagnons le saint leva la main en lui commandant de s'arrêter. Cette bête resta immobile et Martin vit un démon assis sur son dos, et lui insultant : « Va-t-en, méchant, lui dit-il; sors de cet animal inoffensif, et cesse de l’agiter. » Le démon s'en alla aussitôt, et la vache vint se prosterner aux pieds du saint qui lui commanda de retourner tranquillement à son troupeau. Il avait une grande adresse pour connaître les démons qui devenaient pour lui si faciles à distinguer qu'il les voyait sous quelque forme qu'ils prissent. En effet les démons se présentaient à lui sous la figure de Jupiter, le plus souvent de Mercure, quelquefois de Vénus et de Minerve; à l’instant il les gourmandait par leur nom : Il regardait Mercure comme acharné à nuire; il disait que Jupiter était un brutal et un hébété. Une fois le démon lui apparut encore sous la forme d'un roi, orné de la pourpre, avec un diadème, et des chaussures dorées ; la bouche sereine et le visage gai. Tous les deux se turent pendant longtemps. « Reconnais, Martin, dit enfin le démon, celui que tu adores. Je suis le Christ qui vais descendre sur la terre; mais auparavant, j'ai voulu me manifester à toi... » Et comme Martin étonné gardait encore le silence, le démon ajouta : « Martin, pourquoi hésites-tu de croire, puisque tu me vois ? Je suis Jésus-Christ. » Alors Martin, éclairé par le Saint-Esprit, répondit : « Notre-Seigneur J.-C. n'a jamais prédit qu'il viendrait revêtu de pourpre et ceint d'un diadème éclatant. Je croirai que c'est le Christ, quand. je le verrai avec l’extérieur et la' figure sous lesquels il a souffert, quand il portera les (300) stigmates de la croix. » A ces paroles, le démon disparut, en laissant dans la cellule' du saint une odeur infecte *.

Martin connut longtemps d'avance l’époque de sa mort, qu'il révéla aussi à ses frères. Sur ces entrefaites, il visita la paroisse ** de Candé pour apaiser des querelles (Sulp. Sév., Ep. à Bassula). Dans sa route, il vit, sur la rivière, des plongeons qui épiaient les poissons et qui en prenaient quelques-uns : « C'est, dit-il, la figure des démons: ils cherchent à surprendre ceux qui ne sont point sur leur garde ; ils les prennent sans qu'ils s'en aperçoivent; ils dévorent ceux qu'ils ont saisis; et plus ils en dévorent moins ils sont rassasiés. » Alors il commanda à ces oiseaux de quitter ces eaux profondes et d'aller dans des pays déserts. Etant resté quelque temps dans cette paroisse, ses forces commencèrent à baisser, et il annonça à ses disciples que sa fin était prochaine. Alors tous se mirent à pleurer : « Père, lui dirent-ils, pourquoi nous quitter, et à qui confiez-vous des gens désolés? Les loups ravisseurs se jetteront sur votre troupeau. » Martin, ému par leurs prières et par leurs larmes, se mit à prier ainsi en pleurant lui-même : « Seigneur, si je suis encore nécessaire à votre peuple, je ne refuse point le travail; que votre volonté soit faite. » Il balançait sur ce qu'il avait à préférer; car il ne voulait pas les quitter comme aussi il ne voulait pas être séparé plus longtemps de J.-C. La fièvre l’ayant

 

* Sulpice Sévère, Vie de saint Martin, c. XXV.

** Le texte copié sur Sulpice Sévère porte diocesin; on appelait ainsi les paroisses éloignées de l’église cathédrale.

 

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tourmenté pendant quelque temps, ses disciples le priaient de leur laisser mettre un peu de paille sur le lit où il était couché sur la cendre et sous le silice : « Il n'est pas convenable, mes enfants, leur dit-il, qu'un chrétien meure autrement que sous un silice et sur la cendre

si je vous laisse un autre exemple, je suis un pécheur. » Toujours les yeux et les mains élevés au ciel, il ne sait pas donner de relâche à son esprit infatigable dans la prière; or, comme il était toujours étendu sur le dos et que ses prêtres le suppliaient de se soulager en changeant de position : « Laissez, dit-il, mes frères, laissez-moi regarder le ciel plutôt que la terre, afin que l’esprit se dirige vers le Seigneur. » Et en disant ces mots, il vit le diable auprès de lui : « Que fais-tu, ici, dit-il, bête cruelle? tu ne trouveras en moi rien de mauvais : c'est le sein d'Abraham qui me recevra. » En disant ces mots, sous Ariade et Honorius, qui commencèrent à régner vers l’an du Seigneur 395, et de sa vie la quatre-vingt-unième, il rendit son esprit à Dieu. Le visage du saint devint resplendissant; car il était déjà dans la gloire. Un choeur d'antes se fit entendre, dans l’endroit même, de beaucoup de personnes. A son trépas lés Poitevins comme les Tourangeaux se rassemblèrent, et il s'éleva entre eux une grande contestation. Les Poitevins disaient : « C'est un moine de notre pays; nous réclamons ce qui nous a été confié. » Les Tourangeaux répliquaient : « Il vous a été enlevé, c'est Dieu qui nous l’a donné. » Mais au milieu de la nuit, les Poitevins s'endormirent tous sans exception; alors les Tourangeaux faisant passer le corps du saint par une fenêtre, le transportèrent (302) dans une barque, sur la Loire, jusqu'à la ville de Tours, avec une grande joie. Saint Séverin, évêque de Cologne, faisait par un dimanche, selon sa coutume, le tour des lieux saints, quand, à l’heure de la mort du saint homme, il entendit les Anges qui chantaient dans le ciel, et il appela l’archidiacre pour lui demander s'il entendait quelque chose. Sur sa réponse qu'il n'entendait rien, l’archevêque l’engagea à prêter une sérieuse attention; il se mit donc à allonger le cou, à tendre les oreilles et à se tenir sur l’extrémité de ses pieds en se soutenant sur son bâton : Et tandis que l’archevêque priait pour lui, il dit qu'il entendait quelques voix dans le ciel, et l’archevêque lui dit : « C'est mon seigneur Martin qui est sorti de ce monde et en ce moment les anges le portent dans le ciel. Les diables se sont présentés aussi, et voulaient le retenir, mais ne trouvant rien en lui qui leur appartînt, ils se sont retirés confus. » Alors l’archidiacre prit note dit jour et de l’heure et il apprit qu'à cet instant saint Martin mourait. Le moine Sévère, qui a écrit sa vie, s'étant endormi légèrement après matines, comme il le raconte lui-même dans une épître, vit lui apparaître saint Martin revêtu d'habits blancs, le visage en feu, les veux étincelants, les cheveux comme de la pourpre et tenant, à la main droite le livre que Sévère avait écrit sur sa vie: et comme il le voyait monter au ciel, après l’avoir béni, et qu'il souhaitait y monter avec lui, il s'éveilla. Alors, des messagers vinrent lui apprendre que, saint Martin était mort cette nuit-là.

Le même jour encore, saint Ambroise, évêque de Milan, en célébrant la messe, s'endormit sur l’autel (303) entre la prophétie et l’épître: personne n'osait le réveiller, et le sous-diacre ne voulait pas lire l’épître, sans en avoir reçu l’ordre; après deux ou trois heures écoulées on éveilla Ambroise en disant : « L'heure est passée, et le peuple se lasse fort d'attendre; que notre Seigneur ordonne au clerc de lire l’épître. » Saint Ambroise leur répondit : « Ne vous troublez point : car mon frère Martin est passé à Dieu ; j'ai assisté à ses funérailles, et je lui ai rendu les derniers devoirs ; mais vous  m’avez empêché, en me réveillant, d'achever le dernier répons. Alors on prit note à l’instant de ce jour, et on apprit que saint Martin était trépassé en ce moment*. Maître Jean Beleth dit que les rois de France ont coutume de porter sa chape dans les combats; de là le nom de chapelains donné aux gardiens de cette chape. Soixante-quatre ans après sa mort, le bienheureux Perpet ayant agrandi l’église de saint Martin, voulut y faire la translation de son corps; et après trois jours passés dans le jeûne et l’abstinence, on ne put jamais remuer le sépulcre. On allait renoncer à ce projet, quand apparut un vieillard magnifique qui dit : « Que tardez-vous ? vous ne voyez pas saint Martin prêta vous aider, si vous approchez les mains ? » Alors ce vieillard souleva de ses mains le tombeau avec les assistants qui l’enlevèrent avec la

 

* Baronius attaqua l’authenticité de cette vision en se basant sur ce que, d'après lui, saint Ambroise était mort lors du décès de saint Martin; mais saint Martin étant mort le 9 nov. 395 pouvait apparaître à saint Ambroise ne mourut qu’en 397 Baronius allait contre la tradition appuyée sur la liturgie, sur des historiens dignes de foi. Honorius d'Autun.

 

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plus grande facilité, et le placèrent à l’endroit où il est honoré maintenant. Or, après cela on ne rencontra ce vieillard en aucun lieu. On célèbre la fête de cette translation le 4 juillet. Saint Odon, abbé de Cluny, rapporte * qu'alors toutes les cloches étaient en branle dans toutes les églises, sans que personne n'y touchât, et toutes les lampes s'allumèrent par miracle. Il rapporte encore qu'il y avait deux camarades dont l’un était aveugle et l’autre paralytique., L'aveugle portait le paralytique et celui-ci indiquait le chemin à l’autre, et en mendiant de cette façon, ils amassaient beaucoup d'argent. Quand ils apprirent qu'une multitude d'infirmes étaient guéris auprès du corps de saint Martin, qu'on conduisait à l’église en procession ; ils se prirent à craindre que le saint corps ne fût amené vis-à-vis de la maison où ils demeuraient et que peut-être ils fussent guéris aussi ; car ils ne voulaient pas recouvrer la santé pour ne rien perdre de leurs bénéfices. Alors ils se sauvaient, d'une rue à l’autre, où ils pensaient que le corps ne serait pas conduit. Or, au milieu de leur course, ils se rencontrèrent tout à coup, à l’improviste avec le corps ; et parce que Dieu accorde beaucoup de faveurs à ceux qui n'en veulent pas recevoir, tous les deux furent guéris à l’instant malgré eux, quoiqu'ils s'en affligeassent grandement. Saint Ambroise s'exprime ainsi au sujet de saint Martin « Saint Martin abattit les temples de l’erreur, païenne, il leva les étendards de la piété, il ressuscita les morts, il chassa les démons cruels du corps des possédés; il

 

* De Translatione B. Martini a Burgundia, c, X.

 

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rendit le bienfait de la santé à des malades attaqués de nombreuses infirmités. Il fut jugé tellement parfait qu'il mérita de couvrir J.-C. dans la personne d'un pauvre, et qu'il revêtit le Seigneur du monde d'un habit que pauvre il avait reçu lui-même. O l’heureuse largesse qui couvrit la divinité ! O glorieux partage de chlamide qui couvrit un soldat et son roi tout à la fois ! O présent inestimable qui mérita de revêtir la divinité. Il était digne, Seigneur, que vous lui accordassiez la récompense octroyée à vos confesseurs; il était digne que les barbares ariens fussent vaincus par lui. L'amour du martyre ne lui a pas fait redouter les tourments d'un persécuteur. Que doit-il recevoir pour s'être offert tout entier, celui qui pour une part de manteau a mérité de revêtir Dieu et de le voir? A ceux qui avaient l’espoir, il accorda la santé, aux uns par ses prières, aux autres par son regard. »

 

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