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MANDEMENT de MONSEIGNEUR L'ÉVÊQUE DE MEAUX,

 

Pour la publication de la Constitution de notre saint Père le Pape Innocent XII, du 12 de mars 1639. portant condamnation et défense du livre intitule : Explication des Maximes des Saints sur la vie intérieure, etc.

 

Jacques Bénigne par la permission divine Evêque de Meaux : aux doyens ruraux, curés et vicaires, et à tous les fidèles de notre diocèse, salut et bénédiction en Notre-Seigneur.

Dans l'obligation où nous sommes de condamner les fausses spiritualités, même dans les livres où elles paraissent avec leurs plus belles couleurs, quoique toujours sans l'autorité de l'Ecriture et sans le témoignage des Saints ; nous parlerons avec d'autant plus de confiance, que cette condamnation est précédée d'une Constitution apostolique, où la foi de saint Pierre et de l'Eglise romaine, mère et maîtresse des Eglises, s'est expliquée en ces termes :

Condamnation et défense faite par notre très-saint Père Innocent par la Providence divine Pape XII; du livre imprimé à Paris en 1097, sous ce titre : Explication des Maximes des Saints sur la vie intérieure, etc.

Innocent Pape XII, pour perpétuelle mémoire. Comme il est venu à la connaissance de notre Siège apostolique, qu'un certain livre français avait été mis au jour sous ce titre : EXPLICATION DES MAXIMES DES SAINTS SUR LA VIE INTÉRIEURE, PAR MESSIRE FRANÇOIS DE SALIGNAC FÉNELON, archevêque duc de Cambray, précepteur de Messeigneurs les ducs de Bourgogne, d'Anjou et de Berry. A Paris, chez Pierre Auboüyn, Pierre

 

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Emery, Charles Clousier, 1697; et que le bruit extraordinaire que ce livre avait d'abord excité en France, à l'occasion de la doctrine qu'il contient, comme n'étant pas saine, s'était depuis tellement répandu, qu'il était nécessaire d'appliquer notre vigilance pastorale à y remédier ; Nous avons mis ce livre entre les mains de quelques-uns de nos vénérables Frères les Cardinaux de la sainte Eglise romaine, et d'autres Docteurs en théologie, pour être par eux examiné avec la maturité que l'importance de la matière semblait demander. En exécution de nos ordres, ils ont sérieusement et pendant un long temps examiné dans plusieurs congrégations, diverses propositions extraites de ce même livre, sur lesquelles ils nous ont rapporté de vive voix et par écrit ce qu'ils ont jugé de chacune. Nous donc, après avoir pris les avis de ces mêmes Cardinaux et Docteurs en théologie, dans plusieurs Congrégations tenues à cet effet en notre présence, désirant autant qu'il nous est donné d'en haut prévenir les périls qui pourraient menacer le troupeau du Seigneur qui nous a été confié par ce Pasteur éternel; de notre propre mouvement et de notre certaine science, après une nuire délibération et par la plénitude de l'autorité apostolique, condamnons et réprouvons, par la teneur des présentes, le livre susdit, en quelque lieu et en quelque autre langue qu'il ait été imprimé, de quelque édition et de quelque version qui s'en soit faite, ou qui s'en puisse faire dans la suite, d'autant que par la lecture et par l'usage de ce livre, les fidèles pourraient être insensiblement induits dans des erreurs déjà condamnées par l'Eglise catholique : et outre cela, comme contenant des propositions, qui, soit dans le sens des paroles, tel qu'il se présente d'abord, soit eu égard à la liaison des principes, sont téméraires, scandaleuses, malsonnantes, offensent les oreilles pieuses, sont pernicieuses dans la pratique, et même erronées respectivement. Faisons défense à tous et un chacun des fidèles, même à ceux qui devraient être ici nommément exprimés, de l'imprimer, le décrire, le lire, le garder et s'en servir, sous peine d'excommunication, que les contrevenants encourront par le fait même et sans autre déclaration. Voulons et commandons par l'autorité apostolique, que quiconque aura ce livre chez soi, aussitôt qu'il

 

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aura connaissance des présentes lettres, le mette sans aucun délai entre les mains des Ordinaires des lieux, ou des inquisiteurs d'hérésie : nonobstant toutes choses à ce contraires. Voici quelles sont les propositions contenues au livre susdit, que nous avons condamnées, comme nous venons de marquer, par notre jugement et censure apostolique, traduites du français en latin.

I. Il y a un état habituel d'amour de Dieu, qui est une charité pure et sans aucun mélange du motif de l'intérêt propre... Ni la crainte des châtiments, ni le désir des récompenses, n'ont plus de part à cet amour. On n'aime plus Dieu ni pour le mérite, ni pour la perfection, ni pour le bonheur qu'on doit trouver en l'aimant l.

II. Dans l'état de la vie contemplative ou unitive, on perd tout motif intéressé de crainte et d'espérance (2).

III. Ce qui est essentiel dans la direction, est de ne faire que suivre pas à pas la grâce avec une patience, une précaution et une délicatesse infinie. Il faut se borner à laisser faire Dieu, et ne (porter) jamais au pur amour, que quand Dieu par l'onction intérieure commence à ouvrir le cœur à cette parole, qui est si dure aux âmes encore attachées à elles-mêmes, et si capable ou de les scandaliser ou de les jeter dans le trouble (3).

IV. Dans L'état de la sainte indifférence, lame n'a plus de désirs volontaires et délibérés pour son intérêt, excepté dans les occasions où elle ne coopère pas fidèlement à toute sa grâce (4).

V. Dans cet état de la sainte indifférence, on ne veut rien pour soi; mais on veut tout pour Dieu : on ne veut rien pour être parfait ni bienheureux pour son propre intérêt ; mais on veut toute perfection et toute béatitude, autant qu'il plait à Dieu de nous faire vouloir ces choses par l'impression de sa grâce (5).

VI. En cet état on ne veut plus le salut, comme salut propre, comme délivrance éternelle, comme récompense de nos mérites, comme le plus grand de tous nos intérêts ; mais on le veut d'une volonté pleine, comme la gloire et le bon plaisir de Dieu, comme une chose qu'il veut, et qu'il veut que nous voulions pour lui (6).

 

1 Explic. des Maximes, etc., p. 10, 11, 15, etc. — 2 Ibid., p. 23, 24, etc.— 3 Ibid., p. 35. — 4 Ibid., p. 59, 50. — 5 Ibid., p. 52. — 6 Ibid., p. 52, 53.

 

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VII. L'abandon n'est que l'abnégation ou renoncement de soi-même , que Jésus-Christ nous demande dans l'Evangile, après que nous aurons tout quitté au dehors. Cette abnégation de nous-mêmes n'est que pour l'intérêt propre... Les épreuves extrêmes où cet abandon doit être exercé, sont les tentations par lesquelles Dieu jaloux veut purifier l'amour en ne lui faisant voir aucune ressource, ni aucune espérance pour son intérêt propre, même éternel (1).

VIII. Tous les sacrifices que les âmes les plus désintéressées font d'ordinaire sur leur béatitude éternelle sont conditionnels... Mais ce sacrifice ne peut être absolu dans l'état ordinaire. Il n'y a que le cas de ces dernières épreuves où ce sacrifice devient en quelque manière absolu (2).

IX. Dans les dernières épreuves une âme peut être invinciblement persuadée d'une persuasion réfléchie, et qui n'est pas le fond intime de la conscience, qu'elle est justement réprouvée de Dieu (3).

X. Alors l’âme divisée d'avec elle-même, expire sur la croix avec Jésus-Christ, en disant : O Dieu, mon Dieu! pourquoi m'avez-vous abandonné ? Dans cette impression involontaire de désespoir, elle fait le sacrifice absolu de son intérêt propre pour l'éternité (4).

XI. En cet état une âme perd toute espérance pour son propre intérêt: mais elle ne perd jamais dans la partie supérieure, c'est-à-dire dans ses actes directs et intimes, l'espérance parfaite, qui est le désir désintéressé des promesses (5).

XII. Un directeur peut alors laisser faire à cette âme un acquiescement simple à la perte de son intérêt propre, et à la condamnation juste où elle croit être de la part de Dieu (6).

XIII. La partie inférieure de Jésus-Christ sur la croix ne communiquait pas à la supérieure son trouble involontaire (7).

XIV. Il se fait dans les dernières épreuves pour la purification de l'amour, une séparation de la partie supérieure de l’âme d'avec l'inférieure... Les actes de la partie inférieure dans cette séparation,

 

1 Explicat. des Max., etc., p. 72, 73. — 2 Ibid., p. 87. — 3 Ibid. — 4 Ibid., p. 90. — 5 Ibid., p. 90, 91. — 6 Ibid., p. 91. — 7 Ibid., p. 122.

 

 

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sont d'un trouble entièrement aveugle et involontaire, parce que tout ce qui est intellectuel et volontaire est de la partie supérieure (1).

XV. La méditation consiste dans des actes discursifs qui sont faciles à distinguer les uns des autres..... Cette composition d'actes discursifs et réfléchis est propre à l'exercice de l'amour intéressé (2).

XVI. Il y a un état de contemplation si haute et si parfaite, qu'il devient habituel, en sorte que toutes les fois qu'une âme se met en actuelle oraison, son oraison est contemplative et non discursive. Alors elle n'a plus besoin de revenir à la méditation, ni à ses actes méthodiques (3).

XVII. Les âmes contemplatives sont privées de la vue distincte, sensible et réfléchie de Jésus-Christ en deux temps différents :... premièrement, dans la ferveur naissante de leur contemplation :... secondement une âme perd de vue Jésus-Christ dans les dernières épreuves (4).

XVIII. Dans l'état passif,.... on exerce toutes les vertus distinctes, sans penser qu'elles sont vertus : on ne pense en chaque moment qu'à faire ce que Dieu veut, et l'amour jaloux fait tout ensemble qu'on ne veut plus être vertueux (pour soi), et qu'on ne l'est jamais tant que quand on n'est plus attaché à l'être (5).

XIX. On peut dire en ce sens que l’âme passive et désintéressée ne veut plus même l'amour en tant qu'il est sa perfection et son bonheur, mais seulement en tant qu'il est ce que Dieu veut de nous

XX. Les âmes transformées,.. en se confessant doivent détester leurs fautes, se condamner et désirer la rémission de leurs péchés , non comme leur propre purification et délivrance, mais comme chose que Dieu veut, et qu'il veut que nous voulions pour sa gloire (7).

XXI. Les saints mystiques ont exclus de l'état des âmes transformées les pratiques de vertus (8).

 

1 Explic. des Max., etc., p. 121, 123.— 2 Ibid., p. 164, 165.— 3 Ibid., p. 176.—  4 Ibid., p. 191, 195. —  5 Ibid., p. 223, 225. — 6 Ibid., p. 226. — 7 Ibid., p. 241. — 8 Ibid., p. 253.

 

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XXII. Quoique cette doctrine ( du pur amour ) fût la pure et simple perfection de l'Evangile marquée dans toute la tradition, les anciens pasteurs ne proposaient d'ordinaire au commun des justes que les pratiques de l'amour intéressé proportionnées à leur grâce (1).

XXIII. Le pur amour fait lui seul toute la vie intérieure, et devient alors l'unique principe et l'unique motif de tous les actes délibérés et méritoires (2).

Au reste nous n'entendons point, par la condamnation expresse de ces propositions, approuver aucunement les autres choses contenues au même livre. Et afin que ces présentes lettres viennent plus aisément à la connaissance de tous, et que personne n'en puisse prétendre cause d'ignorance, nous voulons pareillement, et ordonnons par l'autorité susdite, qu'elles soient publiées aux portes de la basilique du Prince des apôtres, de la Chancellerie apostolique, et de la Cour générale au Mont Citorio, et à la tète du Champ de Flore dans la ville, par l'un de nos huissiers suivant la coutume, et qu'il en demeure des exemplaires affichés aux mêmes lieux : en sorte qu'étant ainsi publiées, elles aient envers tous et un chacun de ceux qu'elles regardent, le même effet qu'elles auraient étant signifiées et intimées à chacun d'eux en personne ; voulant aussi qu'on ajoute la même foi aux copies et aux exemplaires même imprimés des présentes lettres, signés de la main d'un notaire public et scellés du sceau d'une personne constituée en dignité ecclésiastique, tant en jugement que dehors, et par toute la terre, qu'on ajouterait à ces mêmes lettres représentées et produites en original. Donné à Rome, à sainte Marie-Majeure, sous l'Anneau du Pêcheur, le douzième jour de mars M. DC. XCIX, l'an huitième de notre pontificat.

 

Signé J. F. Card. Albano.

 

Et plus bas :

 

L'an de N. S. J. C. 1699, indiction septième, le 13 de mars, et du pontificat de notre saint Père le Pape par la Providence divine Innocent XII, fan huitième, le Bref susdit a été affiché et publié

 

1 Explic. des Max., etc., p. 261. — 2 Ibid., p. 272.

 

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aux portes de la Basilique du Prince des apôtres, de la grande Cour d'Innocent, à la tête du Champ de Flore, et aux autres lieux de la ville accoutumés, par moi François Périno, huissier de notre très-saint Père le Pape.

 

Signé, Sébastien Vasello, Maître des huissiers.

 

Une censure si claire et si solennelle a eu tout l'effet qu'on en pouvait espérer ; le même esprit de la tradition qui a fait parler le Chef visible de l'Eglise, lui a uni les membres : toutes les provinces ecclésiastiques de ce royaume ont reçu et accepté la Constitution, avec le respect et la soumission ordinaire : et nous avons eu la consolation tant désirée et tant espérée, de voir Monseigneur l'archevêque de Cambray s'y soumettre le premier, simplement, absolument, et sans aucune restriction (1) : en ajoutant même depuis, quelque pensée qu'il ait pu avoir de son livre, qu'il renonçait à son jugement, pour se conformer simplement à celui du souverain Pontife.

Ainsi on ne songe plus à défendre un livre avec lequel on aurait à craindre, selon la Constitution, d'induire les pieux lecteurs à des erreurs déjà condamnées par l’Eglise catholique, et on renonce en termes exprès à toute pensée de l’expliquer, après que le saint Siège en a condamné les propositions en toutes manières, soit dans leur sens naturel, soit dons la liaison de leurs principes.

Les ennemis de l'Eglise, si attentifs aux divisions qui semblaient s'y élever, peuvent voir par cet exemple, que ce n'est pas en vain qu'elle se glorifie en Notre-Seigneur du remède qu'il a opposé aux dissensions, en donnant un Chef aux évêques et à l'Eglise visible, avec lequel tout le corps garde l'unité.

Nous rendons grâces à Dieu d'avoir inspiré à notre saint Père le Pape Innocent XII, digne successeur de saint Pierre, une censure qui prévoit si bien les inconvénients des nouvelles spiritualités tant dans la spéculative que dans la pratique, avec une si ferme volonté de surmonter les travaux d'un examen si pénible : et adhérant à son jugement, nous condamnons le livre susdit,

 

1 Proc. verbal de la Prov. de Camb., imprimé à Paris, p. 16.

 

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intitulé : Explication des Maximes des Saints sur la vie intérieure , etc. et lesdites vingt-trois propositions, avec les mêmes qualifications de la Constitution apostolique, sans approuver les autres.

A CES CAUSES : Nous vous mandons de publier dans vos prunes et prédications, la Constitution ci-dessus traduite, avec notre présent mandement, pour être suivie et exécutée dans tout notre diocèse, selon sa forme et teneur : ordonnons qu'elle sera enregistrée au greffe de notre officialité, pour y avoir recours et être procédé par les voies de droit contre les contrevenants : Défendons à toutes personnes de lire ledit livre, même de le garder, sous toutes les peines portées par la Constitution ; enjoignant sous les mêmes peines à ceux qui en auraient quelque exemplaire, de nous le remettre incessamment entre les mains.

Nous vous mandons pareillement, d'envoyer et signifier ces présentes à tous curés et vicaires, communautés séculières et régulières de notre diocèse, et autres qu'il appartiendra, soi-disant exempts et non exempts, pour être lues, publiées et exécutées dans la même forme. Donné à Meaux, dans notre Palais épis-copal, le seizième jour du mois d'août, l'an mil six cent nonante-neuf.

 

Signé + J. BÉNIGNE, Ev. de Meaux.

 

Et plus bas :

 

Par le commandement de mondit Seigneur,

Royer.

 

Lu et publié en synode, le jeudi troisième jour de septembre, l'an mil six cent nonante-neuf.

 

FIN DU MANDEMENT DE M. L’ÊVÊQLE LE MEAUX.

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