CATÉCHISME de LÉGLISE catholique
Liste des sigles
1ère partie (1-1065) ; 2ème partie (1066-1690) ; 3ème partie (1691-2557) ; 4ème partie (20558-2865) ; Bibliothèque ; Accueil
AA Apostolicam actuositatem
AG Ad gentes
AHMA Analecta hymnica Medii Aevi
Ben De Benedictionibus
CA Centesimus annus
Catech. R. Catechismus Romanus
CCEO Corpus Canonum Ecclesiarum Orientalium
CD Christus Dominus
CDF Congrégation pour la doctrine de la foi
CJC Codex Iuris Canonici
CL Christifideles laici
COD Conciliorum oecumenicorum decreta
CT Catechesi tradendae
DCG Directorium Catecheticum Generale
DeV Dominum et Vivificantem
DH Dignitatis humanae
DM Dives in misericordia
DS Denzinger-Schönmetzer, Enchiridion Symbolorum, definitionum et declarationum de rebus
fidei et morum
DV Dei Verbum
EN Evangelii nuntiandi
FC Familiaris consortio
GB Gravissimum educationis
GS Gaudium et spes
HV Humanae vitae
IGLH Introductio generalis LH
IGMR Institutio generalis MR
IM Inter mirifica
LE Laborem exercens
LG Lumen gentium
LH Liturgia Horarum
MC Marialis cultus
MD Mulieris dignitatem
MF Mysterium fidei
MM Mater et magistra
MR Missale Romanum
NA Nostra aetate
OBA Ordo baptismi adultorum
OBP Ordo baptismi parvulorum
OCf Ordo confirmationis
OcM Ordo celebrandi Matrimonium
OCV Ordo consecrationis virginum
OE Orientalium ecclesiarum
OEx Ordo exsequiarum
off. lect. office des lectures
OICA Ordo initiationis christianae adultorum
OP Ordo poenitentiae
OT Optatam totius
PC Perfectae caritatis
PO Presbyterorum Ordinis
PP Populorum progressio
PT Pacem in terris
RH Redemptor hominis
RM Redemptoris Mater
RP Reconciliatio et poenitentia
SC Sacrosanctum concilium
SPF Credo du Peuple de Dieu: profession de foi solennelle
SRS Sollicitudo rei socialis
UR Unitatis redintegratio
Prologue
" Père, (...) la vie éternelle, cest quils Te connaissent, Toi, le seul véritable Dieu, et Ton envoyé, Jésus-Christ " (Jn 17, 3). " Dieu notre Sauveur (...) veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité " (1 Tm 2, 3-4). " Il ny a sous le ciel dautre nom donné aux hommes, par lequel il nous faille être sauvés " (Ac 4, 12) que le nom de JÉSUS.
I. La vie de lhomme connaître et aimer Dieu
1 Dieu, infiniment Parfait et Bienheureux en Lui-même, dans un dessein de pure bonté, a librement créé lhomme pour le faire participer à sa vie bienheureuse. Cest pourquoi, de tout temps et en tout lieu, Il se fait proche de lhomme. Il lappelle, laide à Le chercher, à Le connaître et à Laimer de toutes ses forces. Il convoque tous les hommes que le péché a dispersés dans lunité de sa famille, lÉglise. Pour ce faire, Il a envoyé son Fils comme Rédempteur et Sauveur lorsque les temps furent accomplis. En Lui et par Lui, Il appelle les hommes à devenir, dans lEsprit Saint, ses enfants dadoption, et donc les héritiers de sa vie bienheureuse.
2 Pour que cet appel retentisse par toute la terre, le Christ a envoyé les apôtres quIl avait choisis en leur donnant mandat dannoncer lÉvangile : " Allez, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous pour toujours, jusquà la fin du monde " (Mt 28, 19-20). Forts de cette mission, les apôtres " sen allèrent prêcher en tout lieu, le Seigneur agissant avec eux et confirmant la Parole par les signes qui laccompagnaient " (Mc 16, 20).
3 Ceux qui à laide de Dieu ont accueilli lappel du Christ et y ont librement répondu, ont été à leur tour pressés par lamour du Christ dannoncer partout dans le monde la Bonne Nouvelle. Ce trésor reçu des apôtres a été gardé fidèlement par leurs successeurs. Tous les fidèles du Christ sont appelés à le transmettre de génération en génération, en annonçant la foi, en la vivant dans le partage fraternel et en la célébrant dans la liturgie et la prière (cf. Ac 2, 42).
II. Transmettre la foi la catéchèse
4 Très tôt on a appelé catéchèse lensemble des efforts entrepris dans lÉglise pour faire des disciples, pour aider les hommes à croire que Jésus est le Fils de Dieu afin que, par la foi, ils aient la vie en son nom, pour les éduquer et les instruire dans cette vie et construire ainsi le Corps du Christ (cf. CT 1).
5 " La catéchèse est une éducation de la foi des enfants, des jeunes et des adultes, qui comprend spécialement un enseignement de la doctrine chrétienne, donné en général de façon organique et systématique, en vue dinitier à la plénitude de la vie chrétienne " (CT 18).
6 Sans se confondre avec eux, la catéchèse sarticule sur un certain nombre déléments de la mission pastorale de lÉglise, qui ont un aspect catéchétique, qui préparent la catéchèse ou qui en découlent : première annonce de lÉvangile ou prédication missionnaire pour susciter la foi ; recherche des raisons de croire ; expérience de vie chrétienne ; célébration des sacrements ; intégration dans la communauté ecclésiale ; témoignage apostolique et missionnaire (cf. CT 18).
7 " La catéchèse est liée intimement à toute la vie de lÉglise. Non seulement lextension géographique et laugmentation numérique mais aussi, et davantage encore, la croissance intérieure de lÉglise, sa correspondance avec le dessein de Dieu, dépendent essentiellement delle " (CT 13).
8 Les périodes de renouveau de lÉglise sont aussi des temps forts de la catéchèse. Ainsi voit-on à la grande époque des Pères de lÉglise de saints évêques y consacrer une part importante de leur ministère. Tels sont S. Cyrille de Jérusalem et S. Jean Chrysostome, S. Ambroise et S. Augustin, et bien dautres Pères dont les uvres catéchétiques demeurent des modèles.
9 Le ministère de la catéchèse puise des énergies toujours nouvelles dans les Conciles. Le Concile de Trente constitue à cet égard un exemple à souligner : il a donné à la catéchèse une priorité dans ses constitutions et ses décrets ; il est à lorigine du Catéchisme Romain qui porte aussi son nom et constitue une uvre de premier ordre comme abrégé de la doctrine chrétienne ; il a suscité dans lÉglise une organisation remarquable de la catéchèse ; il a entraîné, grâce à de saints évêques et théologiens tels S. Pierre Canisius, S. Charles Borromée, S. Toribio de Mogrovejo, S. Robert Bellarmin, la publication de nombreux catéchismes.
10 Il nest pas étonnant, dès lors, que, dans le mouvement à la suite du deuxième Concile du Vatican (considéré par le Pape Paul VI comme le grand catéchisme des temps modernes), la catéchèse de lÉglise ait de nouveau attiré lattention. Le " Directoire général de la Catéchèse " de 1971, les sessions du Synode des évêques consacrées à lévangélisation (1974) et à la catéchèse (1977), les exhortations apostoliques qui leur correspondent, " Evangelii nuntiandi " (1975) et " Catechesi tradendæ " (1979), en témoignent. La session extraordinaire du Synode des évêques de 1985 demanda " que soit rédigé un catéchisme ou compendium de toute la doctrine catholique tant sur la foi que sur la morale " (rapport final II B a 4). Le Saint-Père, Jean Paul II, a fait sien ce vu émis par le Synode des évêques en reconnaissant que " ce désir répond tout à fait à un vrai besoin de lÉglise universelle et des Églises particulières " (Discours 7 décembre 1985). Il mit tout en uvre pour la réalisation de ce vu des pères du Synode.
III. Le but et les destinataires de ce Catéchisme
11 Ce Catéchisme a pour but de présenter un exposé organique et synthétique des contenus essentiels et fondamentaux de la doctrine catholique tant sur la foi que sur la morale, à la lumière du Concile Vatican II et de lensemble de la Tradition de lÉglise. Ses sources principales sont lÉcriture Sainte, les saints Pères, la liturgie et le Magistère de lÉglise. Il est destiné à servir " comme un point de référence pour les catéchismes ou compendia qui sont composés dans les divers pays " (Synode des Évêques 1985, rapport final II B a 4).
12 Ce Catéchisme est destiné principalement aux responsables de la catéchèse : en premier lieu aux évêques, en tant que docteurs de la foi et pasteurs de lÉglise. Il leur est offert comme instrument dans laccomplissement de leur charge denseigner le Peuple de Dieu. A travers les évêques, il sadresse aux rédacteurs de catéchismes, aux prêtres et aux catéchistes. Il sera aussi dutile lecture pour tous les autres fidèles chrétiens.
IV. La structure de ce Catéchisme
13 Le plan de ce Catéchisme sinspire de la grande tradition des catéchismes qui articulent la catéchèse autour de quatre " piliers " : la profession de la foi baptismale (le Symbole), les sacrements de la foi, la vie de la foi (les Commandements), la prière du croyant (le Notre Père).
Première partie : La profession de la foi
14 Ceux qui par la foi et le Baptême appartiennent au Christ doivent confesser leur foi baptismale devant les hommes (cf. Mt 10, 32 ; Rm 10, 9). Pour cela, le Catéchisme expose dabord en quoi consiste la Révélation par laquelle Dieu sadresse et se donne à lhomme, et la foi, par laquelle lhomme répond à Dieu (première section). Le symbole de la foi résume les dons que Dieu fait à lhomme comme Auteur de tout bien, comme Rédempteur, comme Sanctificateur et les articule autour des " trois chapitres " de notre Baptême la foi en un seul Dieu : le Père Tout-puissant, le Créateur ; et Jésus-Christ, son Fils, notre Seigneur et Sauveur ; et lEsprit Saint, dans la Sainte Église (deuxième section).
Deuxième partie : Les sacrements de la foi
15 La deuxième partie du Catéchisme expose comment le salut de Dieu, réalisé une fois pour toutes par le Christ Jésus et par lEsprit Saint, est rendu présent dans les actions sacrées de la liturgie de lÉglise (première section), particulièrement dans les sept sacrements (deuxième section).
Troisième partie : La vie de la foi
16 La troisième partie du Catéchisme présente la fin ultime de lhomme, créé à limage de Dieu : la béatitude, et les chemins pour y parvenir : par un agir droit et libre, avec laide de la loi et de la grâce de Dieu (première section) ; par un agir qui réalise le double commandement de la charité, déployé dans les dix Commandements de Dieu (deuxième section).
Quatrième partie : La prière dans la vie de la foi
17 La dernière partie du Catéchisme traite du sens et de limportance de la prière dans la vie des croyants (première section). Elle sachève sur un bref commentaire des sept demandes de la prière du Seigneur (deuxième section). En elles, en effet, nous trouvons la somme des biens que nous devons espérer et que notre Père céleste veut nous accorder.
V. Indications pratiques pour lusage de ce Catéchisme
18 Ce Catéchisme est conçu comme un exposé organique de toute la foi catholique. Il faut donc le lire comme une unité. De nombreux renvois en marge du texte (numéros en italique se référant à dautres paragraphes traitant du même sujet) et lindex thématique à la fin du volume permettent de voir chaque thème dans son lien avec lensemble de la foi.
19 Souvent, les textes de lÉcriture Sainte ne sont pas cités littéralement mais avec la seule indication de leur référence (par " cf. ") en note. Pour une intelligence approfondie de tels passages il convient de se reporter aux textes eux-mêmes. Ces références bibliques sont un instrument de travail pour la catéchèse.
20 Lemploi des petits caractères pour certains passages indique quil sagit de remarques de type historique, apologétique ou dexposés doctrinaux complémentaires.
21 Les citations, en petits caractères, de sources patristiques, liturgiques, magistérielles ou hagiographiques sont destinées à enrichir lexposé doctrinal. Souvent ces textes ont été choisis en vue dun usage directement catéchétique.
22 A la fin de chaque unité thématique, une série de textes brefs résument en des formules ramassées lessentiel de lenseignement. Ces " En bref " ont pour but de donner des suggestions à la catéchèse locale pour des formules synthétiques et mémorisables.
VI. Les adaptations nécessaires
23 Laccent de ce Catéchisme porte sur lexposé doctrinal. En effet, il veut aider à approfondir la connaissance de la foi. Par là même il est orienté vers la maturation de cette foi, son enracinement dans la vie et son rayonnement dans le témoignage (cf. CT 20-22 ; 25).
24 Par sa finalité même, ce Catéchisme ne se propose pas de réaliser les adaptations de lexposé et des méthodes catéchétiques exigées par les différences de cultures, dâges, de maturité spirituelle, de situations sociales et ecclésiales de ceux à qui sadresse la catéchèse. Ces adaptations indispensables relèvent des catéchismes appropriés, et plus encore de ceux qui instruisent les fidèles :
Celui qui enseigne doit " se faire tout à tous " (1 Co 9, 22), pour gagner tout le monde à Jésus-Christ. (...) Surtout quil ne simagine pas quune seule sorte dâmes lui soit confiée, et que par conséquent il lui est loisible denseigner et de former également tous les fidèles à la vraie piété, avec une seule et même méthode et toujours la même ! Quil sache bien que les uns sont en Jésus-Christ comme des enfants nouvellement nés, dautres comme des adolescents, quelques-uns enfin, comme en possession de toutes leurs forces. (...) Ceux qui sont appelés au ministère de la prédication doivent, en transmettant lenseignement des mystères, de la foi et des règles des murs, proportionner leurs paroles à lesprit et à lintelligence de leurs auditeurs (Catech. R. préface 11).
Par dessus tout la Charité
25 Pour conclure cette présentation, il est opportun de rappeler ce principe pastoral quénonce le Catéchisme Romain :
Toute la finalité de la doctrine et de lenseignement doit être placée dans lamour qui ne finit pas. Car on peut bien exposer ce quil faut croire, espérer ou faire ; mais surtout on doit toujours faire apparaître lAmour de Notre Seigneur afin que chacun comprenne que tout acte de vertu parfaitement chrétien na pas dautre origine que lAmour et pas dautre terme que lAmour (Catech. R. préface 10).
Première Partie
La profession de la foi
Première section
" JE crois " " Nous croyons "
26 Lorsque nous professons notre foi, nous commençons par dire : " Je crois " ou " Nous croyons ". Avant dexposer la foi de lÉglise telle quelle est confessée dans le Credo, célébrée dans la liturgie, vécue dans la pratique des Commandements et dans la prière, demandons-nous donc ce que signifie " croire ". La foi est la réponse de lhomme à Dieu qui se révèle et se donne à lui, en apportant en même temps une lumière surabondante à lhomme en quête du sens ultime de sa vie. Nous considérons dès lors dabord cette quête de lhomme (chapitre premier), ensuite la Révélation divine, par laquelle Dieu vient au devant de lhomme (chapitre deuxième), enfin la réponse de la foi (chapitre troisième).
Chapitre premier
Lhomme est " capable " de Dieu
I. Le désir de Dieu
27 Le désir de Dieu est inscrit dans le cur de lhomme, car lhomme est créé par Dieu et pour Dieu ; Dieu ne cesse dattirer lhomme vers Lui, et ce nest quen Dieu que lhomme trouvera la vérité et le bonheur quil ne cesse de chercher :
Laspect le plus sublime de la dignité humaine se trouve dans cette vocation de lhomme à communier avec Dieu. Cette invitation que Dieu adresse à lhomme de dialoguer avec Lui commence avec lexistence humaine. Car si lhomme existe, cest que Dieu la créé par Amour et, par Amour, ne cesse de lui donner lêtre ; et lhomme ne vit pleinement selon la vérité que sil reconnaît librement cet Amour et sabandonne à son Créateur (GS 19, § 1).
28 De multiples manières, dans leur histoire, et jusquà aujourdhui, les hommes ont donné expression à leur quête de Dieu par leur croyances et leurs comportements religieux (prières, sacrifices, cultes, méditations, etc.). Malgré les ambiguïtés quelles peuvent comporter, ces formes dexpression sont si universelles que lon peut appeler lhomme un être religieux :
Dieu a fait habiter sur toute la face de la terre tout le genre humain, issu dun seul ; il a fixé aux peuples les temps qui leur étaient départis et les limites de leur habitat, afin que les hommes cherchent la divinité pour latteindre, si possible, comme à tâtons, et la trouver ; aussi bien nest-elle pas loin de chacun de nous. Cest en elle en effet que nous avons la vie, le mouvement et lêtre (Ac 17, 26-28).
29 Mais ce " rapport intime et vital qui unit lhomme à Dieu " (GS 19, § 1) peut être oublié, méconnu et même rejeté explicitement par lhomme. De telles attitudes peuvent avoir des origines très diverses (cf. GS 19-21) : la révolte contre le mal dans le monde, lignorance ou lindifférence religieuses, les soucis du monde et des richesses (cf. Mt 13, 22), le mauvais exemple des croyants, les courants de pensée hostiles à la religion, et finalement cette attitude de lhomme pécheur qui, de peur, se cache devant Dieu (cf. Gn 3, 8-10) et fuit devant son appel (cf. Jon 1, 3).
30 " Joie pour les curs qui cherchent Dieu " (Ps 105, 3). Si lhomme peut oublier ou refuser Dieu, Dieu, Lui, ne cesse dappeler tout homme à Le chercher pour quil vive et trouve le bonheur. Mais cette quête exige de lhomme tout leffort de son intelligence, la rectitude de sa volonté, " un cur droit ", et aussi le témoignage des autres qui lui apprennent à chercher Dieu.
Tu es grand, Seigneur, et louable hautement : grand est ton pouvoir et ta sagesse na point de mesure. Et lhomme, petite partie de ta création, prétend Te louer, précisément lhomme qui, revêtu de sa condition mortelle, porte en lui le témoignage de son péché et le témoignage que Tu résistes aux superbes. Malgré tout, lhomme, petite partie de ta création, veut Te louer. Toi-même Tu ly incites, en faisant quil trouve ses délices dans ta louange, parce que Tu nous a fait pour Toi et notre cur est sans repos tant quil ne se repose en Toi (S. Augustin, conf. 1, 1, 1).
II. Les voies daccès à la connaissance de Dieu
31 Créé à limage de Dieu, appelé à connaître et à aimer Dieu, lhomme qui cherche Dieu découvre certaines " voies " pour accéder à la connaissance de Dieu. On les appelle aussi " preuves de lexistence de Dieu ", non pas dans le sens des preuves que cherchent les sciences naturelles, mais dans le sens d" arguments convergents et convaincants " qui permettent datteindre à de vraies certitudes.
Ces " voies " pour approcher Dieu ont pour point de départ la création : le monde matériel et la personne humaine.
32 Le monde : A partir du mouvement et du devenir, de la contingence, de lordre et de la beauté du monde, on peut connaître Dieu comme origine et fin de lunivers.
S. Paul affirme au sujet des païens : " Ce quon peut connaître de Dieu est pour eux manifeste : Dieu en effet le leur a manifesté. Ce quil y a dinvisible depuis la création du monde se laisse voir à lintelligence à travers ses uvres, son éternelle puissance et sa divinité " (Rm 1, 19-20 ; cf. Ac 14, 15. 17 ; 17, 27-28 ; Sg 13, 1-9).
Et S. Augustin : " Interroge la beauté de la terre, interroge la beauté de la mer, interroge la beauté de lair qui se dilate et se diffuse, interroge la beauté du ciel (...) interroge toutes ces réalités. Toutes te répondent : Vois, nous sommes belles. Leur beauté est une profession (confessio). Ces beautés sujettes au changement, qui les a faites sinon le Beau (Pulcher), non sujet au changement ? " (Serm. 241, 2 : PL 38, 1134).
33 Lhomme : avec son ouverture à la vérité et à la beauté, son sens du bien moral, sa liberté et la voix de sa conscience, son aspiration à linfini et au bonheur, lhomme sinterroge sur lexistence de Dieu. A travers tout cela il perçoit des signes de son âme spirituelle. " Germe déternité quil porte en lui-même, irréductible à la seule matière " (GS 18, § 1 ; cf. 14, § 2), son âme ne peut avoir son origine quen Dieu seul.
34 Le monde et lhomme attestent quils nont en eux-mêmes ni leur principe premier ni leur fin ultime, mais participent à lÊtre en soi, sans origine et sans fin. Ainsi, par ces diverses " voies ", lhomme peut accéder à la connaissance de lexistence dune réalité qui est la cause première et la fin ultime de tout, " et que tous appellent Dieu " (S. Thomas dA., s. th. 1, 2, 3).
35 Les facultés de lhomme le rendent capable de connaître lexistence dun Dieu personnel. Mais pour que lhomme puisse entrer dans son intimité, Dieu a voulu se révéler à lui et lui donner la grâce de pouvoir accueillir cette révélation dans la foi. Néanmoins, les preuves de lexistence de Dieu peuvent disposer à la foi et aider à voir que la foi ne soppose pas à la raison humaine.
III. La connaissance de Dieu selon lÉglise
36 " La Sainte Église, notre mère, tient et enseigne que Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être connu avec certitude par la lumière naturelle de la raison humaine à partir des choses créées " (Cc. Vatican I : DS 3004 ; cf. 3026 ; DV 6). Sans cette capacité, lhomme ne pourrait accueillir la révélation de Dieu. Lhomme a cette capacité parce quil est créé " à limage de Dieu " (Gn 1, 27).
37 Dans les conditions historiques dans lesquelles il se trouve, lhomme éprouve cependant bien des difficultés pour connaître Dieu avec la seule lumière de sa raison :
Bien que la raison humaine, en effet, à parler simplement, puisse vraiment par ses forces et sa lumière naturelles arriver à une connaissance vraie et certaine dun Dieu personnel, protégeant et gouvernant le monde par sa Providence, ainsi que dune loi naturelle mise par le Créateur dans nos âmes, il y a cependant bien des obstacles empêchant cette même raison duser efficacement et avec fruit de son pouvoir naturel, car les vérités qui concernent Dieu et les hommes dépassent absolument lordre des choses sensibles, et lorsquelles doivent se traduire en action et informer la vie, elles demandent quon se donne et quon se renonce. Lesprit humain, pour acquérir de semblables vérités, souffre difficulté de la part des sens et de limagination, ainsi que des mauvais désirs nés du péché originel. De là vient quen de telles matières les hommes se persuadent facilement de la fausseté ou du moins de lincertitude des choses dont ils ne voudraient pas quelles soient vraies (Pie XII, enc. " Humani Generis " : DS 3875).
38 Cest pourquoi lhomme a besoin dêtre éclairé par la révélation de Dieu, non seulement sur ce qui dépasse son entendement, mais aussi sur " les vérités religieuses et morales qui, de soi, ne sont pas inaccessibles à la raison, afin quelles puissent être, dans létat actuel du genre humain, connues de tous sans difficulté, avec une ferme certitude et sans mélange derreur " (ibid., DS 3876 ; cf. Cc. Vatican I : DS 3005 ; DV 6 ; S. Thomas dA., s. th. 1, 1, 1).
IV. Comment parler de Dieu ?
39 En défendant la capacité de la raison humaine de connaître Dieu, lÉglise exprime sa confiance en la possibilité de parler de Dieu à tous les hommes et avec tous les hommes. Cette conviction est le point de départ de son dialogue avec les autres religions, avec la philosophie et les sciences, et aussi avec les incroyants et les athées.
40 Puisque notre connaissance de Dieu est limitée, notre langage sur Dieu lest également. Nous ne pouvons nommer Dieu quà partir des créatures, et selon notre mode humain limité de connaître et de penser.
41 Les créatures portent toutes une certaine ressemblance de Dieu, tout spécialement lhomme créé à limage et à la ressemblance de Dieu. Les multiples perfections des créatures (leur vérité, leur bonté, leur beauté) reflètent donc la perfection infinie de Dieu. Dès lors, nous pouvons nommer Dieu à partir des perfections de ses créatures, " car la grandeur et la beauté des créatures font, par analogie, contempler leur Auteur " (Sg 13, 5).
42 Dieu transcende toute créature. Il faut donc sans cesse purifier notre langage de ce quil a de limité, dimagé, dimparfait pour ne pas confondre le Dieu " ineffable, incompréhensible, invisible, insaisissable " (Liturgie de S. Jean Chrysostome, Anaphore) avec nos représentations humaines. Nos paroles humaines restent toujours en deçà du mystère de Dieu.
43 En parlant ainsi de Dieu, notre langage sexprime, certes, de façon humaine, mais il atteint réellement Dieu lui-même, sans pourtant pouvoir lexprimer dans son infinie simplicité. En effet, il faut se rappeler qu" entre le Créateur et la créature on ne peut marquer tellement de ressemblance que la dissemblance entre eux ne soit pas plus grande encore " (Cc. Latran IV : DS 806), et que " nous ne pouvons saisir de Dieu ce quIl est, mais seulement ce quIl nest pas, et comment les autres êtres se situent par rapport à Lui " (S. Thomas dA., s. gent. 1, 30)
En bref
44 Lhomme est par nature et par vocation un être religieux. Venant de Dieu, allant vers Dieu, lhomme ne vit une vie pleinement humaine que sil vit librement son lien avec Dieu.
45 Lhomme est fait pour vivre en communion avec Dieu en qui il trouve son bonheur : " Quand tout entier je serai en Toi, il ny aura plus jamais de chagrin et dépreuve ; tout entière pleine de Toi, ma vie sera accomplie " (S. Augustin, conf. 10, 28, 39).
46 Quand il écoute le message des créatures et la voix de sa conscience, lhomme peut atteindre la certitude de lexistence de Dieu, cause et fin de tout.
47 LÉglise enseigne que le Dieu unique et véritable, notre Créateur et Seigneur, peut être connu avec certitude par ses uvres grâce à la lumière naturelle de la raison humaine (cf. Cc. Vatican I : DS 3026).
48 Nous pouvons réellement nommer Dieu en partant des multiples perfections des créatures, similitudes du Dieu infiniment parfait, même si notre langage limité nen épuise pas le mystère.
49 " La créature sans le Créateur sévanouit " (GS 36). Voilà pourquoi les croyants se savent pressés par lamour du Christ dapporter la lumière du Dieu vivant à ceux qui lignorent ou le refusent.
Chapitre deuxième
Dieu à la rencontre de lhomme
50 Par la raison naturelle, lhomme peut connaître Dieu avec certitude à partir de ses uvres. Mais il existe un autre ordre de connaissance que lhomme ne peut nullement atteindre par ses propres forces, celui de la Révélation divine (cf. Cc. Vatican I : DS 3015). Par une décision tout à fait libre, Dieu se révèle et se donne à lhomme. Il le fait en révélant son mystère, son dessein bienveillant quIl a formé de toute éternité dans le Christ en faveur de tous les hommes. Il révèle pleinement son dessein en envoyant son Fils bien-aimé, notre Seigneur Jésus-Christ, et lEsprit Saint.
Article 1
La Révélation de Dieu
I. Dieu révèle son " dessein bienveillant "
51 " Il a plu à Dieu dans sa sagesse et sa bonté de se révéler en personne et de faire connaître le mystère de sa volonté grâce auquel les hommes, par le Christ, le Verbe fait chair, accèdent dans lEsprit Saint auprès du Père et sont rendus participants de la nature divine " (DV 2).
52 Dieu qui " habite une lumière inaccessible " (1 Tm 6, 16) veut communiquer sa propre vie divine aux hommes librement créés par Lui, pour en faire, dans son Fils unique, des fils adoptifs (cf. Ep 1, 4-5). En se révélant Lui-même, Dieu veut rendre les hommes capables de Lui répondre, de Le connaître et de Laimer bien au-delà de tout ce dont ils seraient capables deux-mêmes.
53 Le dessein divin de la Révélation se réalise à la fois " par des actions et par des paroles, intimement liées entre elles et séclairant mutuellement " (DV 2). Il comporte une " pédagogie divine " particulière : Dieu se communique graduellement à lhomme, Il le prépare par étapes à accueillir la Révélation surnaturelle quIl fait de lui-même et qui va culminer dans la Personne et la mission du Verbe incarné, Jésus-Christ.
S. Irénée de Lyon parle à maintes reprises de cette pédagogie divine sous limage de laccoutumance mutuelle entre Dieu et lhomme : " Le Verbe de Dieu a habité dans lhomme et sest fait Fils de lhomme pour accoutumer lhomme à saisir Dieu et accoutumer Dieu à habiter dans lhomme, selon le bon plaisir du Père " (Hær. 3, 20, 2 ; cf. par exemple 3, 17, 1 ; 4, 12, 4 ; 4, 21, 3).
II. Les étapes de la Révélation
Dès lorigine, Dieu se fait connaître
54 " Dieu qui a créé et conserve toutes choses par le Verbe, donne aux hommes dans les choses créées un témoignage incessant sur Lui-même ; voulant de plus ouvrir la voie dun salut supérieur, Il se manifesta aussi Lui-même, dès lorigine, à nos premiers parents " (DV 3) Il les a invités à une communion intime avec Lui-même en les revêtant dune grâce et dune justice resplendissantes.
55 Cette Révélation na pas été interrompue par le péché de nos premiers parents. Dieu, en effet, " après leur chute leur promit une rédemption, leur rendit courage en les faisant espérer le salut ; sans arrêt, Il montra sa sollicitude pour le genre humain, afin de donner la vie éternelle à tous ceux qui par la constance dans le bien cherchent le salut " (DV 3).
Comme il avait perdu ton amitié en se détournant de Toi, tu ne las pas abandonné au pouvoir de la mort. (...) Tu as multiplié les alliances avec eux (MR, prière eucharistique IV, 118).
Lalliance avec Noé
56 Une fois lunité du genre humain morcelée par le péché, Dieu cherche tout dabord à sauver lhumanité en passant par chacune de ses parties. Lalliance avec Noé daprès le déluge (cf. Gn 9, 9) exprime le principe de lÉconomie divine envers les " nations ", cest-à-dire envers les hommes regroupés " daprès leurs pays, chacun selon sa langue, et selon leurs clans " (Gn 10, 5 ; cf. 10, 20-31).
57 Cet ordre à la fois cosmique, social et religieux de la pluralité des nations (cf. Ac 17, 26-27) est destiné à limiter lorgueil dune humanité déchue qui, unanime dans sa perversité (cf. Sg 10, 5), voudrait faire par elle-même son unité à la manière de Babel (cf. Gn 11, 4-6). Mais, à cause du péché (cf. Rm 1, 18-25), le polythéisme ainsi que lidolâtrie de la nation et de son chef menacent sans cesse dune perversion païenne cette économie provisoire.
58 Lalliance avec Noé est en vigueur tant que dure le temps des nations (cf. Lc 21, 24), jusquà la proclamation universelle de lÉvangile. La Bible vénère quelques grandes figures des " nations ", tels qu " Abel le juste ", le roi-prêtre Melchisédech (cf. Gn 14, 18), figure du Christ (cf. He 7, 3) ou les justes " Noé, Daniel et Job " (Ez 14, 14). Ainsi, lÉcriture exprime quelle hauteur de sainteté peuvent atteindre ceux qui vivent selon lalliance de Noé dans lattente que le Christ " rassemble dans lunité tous les enfants de Dieu dispersés " (Jn 11, 52)
Dieu élit Abraham
59 Pour rassembler lhumanité dispersée, Dieu élit Abram en lappelant " hors de son pays, de sa parenté et de sa maison " (Gn 12, 1), pour faire de lui Abraham, cest-à-dire " le père dune multitude de nations " (Gn 17, 5) : " En toi seront bénies toutes les nations de la terre " (Gn 12, 3 LXX ; cf. Ga 3, 8).
60 Le peuple issu dAbraham sera le dépositaire de la promesse faite aux patriarches, le peuple de lélection (cf. Rm 11, 28), appelé à préparer le rassemblement, un jour, de tous les enfants de Dieu dans lunité de lÉglise (cf. Jn 11, 52 ; 10, 16) ; il sera la racine sur laquelle seront greffés les païens devenus croyants (cf. Rm 11, 17-18. 24).
61 Les patriarches et les prophètes et dautres personnages de lAncien Testament ont été et seront toujours vénérés comme saints dans toutes les traditions liturgiques de lÉglise.
Dieu forme son peuple Israël
62 Après les patriarches, Dieu forma Israël comme son peuple en le sauvant de lesclavage de lÉgypte. Il conclut avec lui lAlliance du Sinaï et lui donna, par Moïse, sa Loi, pour quil Le reconnaisse et Le serve comme le seul Dieu vivant et vrai, Père provident et juste juge, et quil attende le Sauveur promis (cf. DV 3).
63 Israël est le Peuple sacerdotal de Dieu (cf. Ex 19, 6), celui qui " porte le nom du Seigneur " (Dt 28, 10). Cest le peuple de ceux " à qui Dieu a parlé en premier " (MR, Vendredi Saint 13 : oraison universelle VI), le peuple des " frères aînés " dans la foi dAbraham (cf. Jean-Paul II, allocution dans la synagogue de Rome [13 avril 1986], 4).
64 Par les prophètes, Dieu forme son peuple dans lespérance du salut, dans lattente dune Alliance nouvelle et éternelle destinée à tous les hommes (cf. Is 2, 2-4), et qui sera inscrite dans les curs (cf. Jr 31, 31-34 ; He 10, 16). Les prophètes annoncent une rédemption radicale du Peuple de Dieu, la purification de toutes ses infidélités (cf. Ez 36), un salut qui incluera toutes les nations (cf. Is 49, 5-6 ; 53, 11). Ce seront surtout les pauvres et les humbles du Seigneur (cf. So 2, 3) qui porteront cette espérance. Les femmes saintes comme Sara, Rébecca, Rachel, Miryam, Débora, Anne, Judith et Esther, ont conservé vivante lespérance du salut dIsraël. La figure la plus pure en est Marie (cf. Lc 1, 38).
III Le Christ Jésus
" Médiateur et Plénitude de toute la Révélation " (DV 2)
Dieu a tout dit en son Verbe
65 " Après avoir, à bien des reprises et de bien des manières, parlé par les prophètes, Dieu en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par son Fils " (He 1, 1-2). Le Christ, le Fils de Dieu fait homme, est la Parole unique, parfaite et indépassable du Père. En Lui Il dit tout, et il ny aura pas dautre parole que celle-là. S. Jean de la Croix, après tant dautres, lexprime de façon lumineuse, en commentant He 1, 1-2 :
Dès lors quIl nous a donné son Fils, qui est sa Parole, Dieu na pas dautre parole à nous donner. Il nous a tout dit à la fois et dun seul coup en cette seule Parole et il na rien de plus à dire ; car ce quIl disait par parties aux prophètes, Il la dit tout entier dans son Fils, en nous donnant ce tout quest son Fils. Voilà pourquoi celui qui voudrait maintenant linterroger, ou désirerait une vision ou une révélation, non seulement ferait une folie, mais ferait injure à Dieu, en ne jetant pas les yeux uniquement sur le Christ, sans chercher autre chose ou quelque nouveauté (Carm. 2, 22, 3-5).
Il ny aura plus dautre Révélation
66 " LÉconomie chrétienne, étant lAlliance Nouvelle et définitive, ne passera donc jamais et aucune nouvelle révélation publique nest dès lors à attendre avant la manifestation glorieuse de notre Seigneur Jésus-Christ " (DV 4). Cependant, même si la Révélation est achevée, elle nest pas complètement explicitée ; il restera à la foi chrétienne den saisir graduellement toute la portée au cours des siècles.
67 Au fil des siècles il y a eu des révélations dites " privées ", dont certaines ont été reconnues par lautorité de lÉglise. Elles nappartiennent cependant pas au dépôt de la foi. Leur rôle nest pas d " améliorer " ou de " compléter " la Révélation définitive du Christ, mais daider à en vivre plus pleinement à une certaine époque de lhistoire. Guidé par le Magistère de lÉglise, le sens des fidèles sait discerner et accueillir ce qui dans ces révélations constitue un appel authentique du Christ ou de ses saints à lÉglise.
La foi chrétienne ne peut pas accepter des " révélations " qui prétendent dépasser ou corriger la Révélation dont le Christ est lachèvement. Cest le cas de certaines religions non chrétiennes et aussi de certaines sectes récentes qui se fondent sur de telles " révélations ".
En bref
68 Par amour, Dieu sest révélé et sest donné à lhomme. Il apporte ainsi une réponse définitive et surabondante aux questions que lhomme se pose sur le sens et le but de sa vie.
69 Dieu sest révélé à lhomme en lui communiquant graduellement son propre mystère par des actions et par des paroles.
70 Au delà du témoignage que Dieu donne de Lui-même dans les choses créées, Il sest manifesté Lui-même à nos premiers parents. Il leur a parlé et, après la chute, leur a promis le salut (cf. Gn 3, 15) et leur a offert son alliance.
71 Dieu conclut avec Noé une alliance éternelle entre Lui et tous les êtres vivants (cf. Gn 9, 16). Elle durera tant que dure le monde.
72 Dieu a élu Abraham et a conclu une alliance avec lui et sa descendance. Il en a formé son peuple auquel il a révélé sa loi par Moïse. Il la préparé par les prophètes à accueillir le salut destiné à toute lhumanité.
73 Dieu sest révélé pleinement en envoyant son propre Fils en qui Il a établi son Alliance pour toujours. Celui-ci est la Parole définitive du Père, de sorte quil ny aura plus dautre Révélation après Lui.
Article 2
La transmission de la Révélation divine
74 Dieu " veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité " (1 Tm 2, 4), cest-à-dire du Christ Jésus (cf. Jn 14, 6). Il faut donc que le Christ soit annoncé à tous les peuples et à tous les hommes et quainsi la Révélation parvienne jusquaux extrémités du monde :
Cette Révélation donnée pour le salut de toutes les nations, Dieu, avec la même bienveillance, prit des dispositions pour quelle demeurât toujours en son intégrité et quelle fût transmise à toutes les générations (DV 7).
I. La Tradition apostolique
75 " Le Christ Seigneur en qui sachève toute la Révélation du Dieu très haut, ayant accompli Lui-même et proclamé de sa propre bouche lÉvangile dabord promis par les prophètes, ordonna à ses apôtres de le prêcher à tous comme la source de toute vérité salutaire et de toute règle morale en leur communiquant les dons divins " (DV 7).
La prédication apostolique...
76 La transmission de lÉvangile, selon lordre du Seigneur, sest faite de deux manières :
Oralement " par les apôtres, qui, dans la prédication orale, dans les exemples et les institutions transmirent, soit ce quils avaient appris de la bouche du Christ en vivant avec Lui et en Le voyant agir, soit ce quils tenaient des suggestions du Saint-Esprit " ;
Par écrit " par ces apôtres et par des hommes de leur entourage, qui, sous linspiration du même Esprit Saint, consignèrent par écrit le message de salut " (DV 7).
... continuée dans la succession apostolique
77 " Pour que lÉvangile fût toujours gardé intact et vivant dans lÉglise, les apôtres laissèrent comme successeurs les évêques, auxquels ils transmirent leur propre charge denseignement " (DV 7). En effet, " la prédication apostolique, qui se trouve spécialement exprimée dans les livres inspirés, devait être conservée par une succession ininterrompue jusquà la consommation des temps " (DV 8).
78 Cette transmission vivante, accomplie dans lEsprit Saint, est appelée la Tradition en tant que distincte de la Sainte Écriture, quoique étroitement liée à elle. Par elle, " lÉglise perpétue dans sa doctrine, sa vie et son culte et elle transmet à chaque génération tout ce quelle est elle-même, tout ce quelle croit " (DV 8). " Lenseignement des saints Pères atteste la présence vivifiante de cette Tradition, dont les richesses passent dans la pratique et la vie de lÉglise qui croit et qui prie " (DV 8).
79 Ainsi, la communication que le Père a faite de Lui-même par son Verbe dans lEsprit Saint, demeure présente et agissante dans lÉglise : " Dieu qui parla jadis ne cesse de converser avec lÉpouse de son Fils bien-aimé, et lEsprit Saint, par qui la voix vivante de lÉvangile retentit dans lÉglise et par elle dans le monde, introduit les croyants dans la vérité tout entière et fait que la parole du Christ habite en eux avec abondance " (DV 8).
II. Le rapport entre la Tradition et lÉcriture Sainte
Une source commune...
80 " Elles sont reliées et communiquent étroitement entre elles. Car toutes deux jaillissent dune source divine identique, ne forment pour ainsi dire quun tout et tendent à une même fin " (DV 9). Lune et lautre rendent présent et fécond dans lÉglise le mystère du Christ qui a promis de demeurer avec les siens " pour toujours, jusquà la fin du monde " (Mt 28, 20).
... deux modes distincts de transmission
81 " La Sainte Écriture est la parole de Dieu en tant que, sous linspiration de lEsprit divin, elle est consignée par écrit. "
" Quant à la sainte Tradition, elle porte la parole de Dieu, confiée par le Christ Seigneur et par lEsprit Saint aux apôtres, et la transmet intégralement à leurs successeurs, pour que, illuminés par lEsprit de vérité, en la prêchant, ils la gardent, lexposent et la répandent avec fidélité " (DV 9).
82 Il en résulte que lÉglise à laquelle est confiée la transmission et linterprétation de la Révélation, " ne tire pas de la seule Écriture Sainte sa certitude sur tous les points de la Révélation. Cest pourquoi lune et lautre doivent être reçues et vénérées avec égal sentiment damour et de respect " (Ibid).
Tradition apostolique et traditions ecclésiales
83 La Tradition dont nous parlons ici vient des apôtres et transmet ce que ceux-ci ont reçu de lenseignement et de lexemple de Jésus et ce quils ont appris par lEsprit Saint. En effet, la première génération de chrétiens navait pas encore un Nouveau Testament écrit, et le Nouveau Testament lui-même atteste le processus de la Tradition vivante.
Il faut en distinguer les " traditions " théologiques, disciplinaires, liturgiques ou dévotionnelles nées au cours du temps dans les Églises locales. Elles constituent des formes particulières sous lesquelles la grande Tradition reçoit des expressions adaptées aux divers lieux et aux diverses époques. Cest à sa lumière que celles-ci peuvent être maintenues, modifiées ou aussi abandonnées sous la conduite du Magistère de lÉglise.
III. Linterprétation de lhéritage de la foi
Lhéritage de la foi confié à la totalité de lÉglise
84 " Lhéritage sacré " (cf. 1 Tm 6, 20 ; 2 Tm 1, 12-14) de la foi (depositum fidei), contenu dans la Sainte Tradition et dans lÉcriture Sainte a été confié par les apôtres à lensemble de lÉglise. " En sattachant à lui le peuple saint tout entier uni à ses pasteurs reste assidûment fidèle à lenseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières, si bien que, dans le maintien, la pratique et la confession de la foi transmise, sétablit, entre pasteurs et fidèles, une singulière unité desprit " (DV 10).
Le Magistère de lÉglise
85 " La charge dinterpréter de façon authentique la Parole de Dieu, écrite ou transmise, a été confiée au seul Magistère vivant de lÉglise dont lautorité sexerce au nom de Jésus-Christ " (DV 10), cest-à-dire aux évêques en communion avec le successeur de Pierre, lévêque de Rome.
86 " Pourtant, ce Magistère nest pas au-dessus de la parole de Dieu, mais il la sert, nenseignant que ce qui fut transmis, puisque par mandat de Dieu, avec lassistance de lEsprit Saint, il écoute cette Parole avec amour, la garde saintement et lexpose aussi avec fidélité, et puise en cet unique dépôt de la foi tout ce quil propose à croire comme étant révélé par Dieu " (DV 10).
87 Les fidèles, se souvenant de la parole du Christ à ses apôtres : " Qui vous écoute, mécoute " (Lc 10, 16 ; cf. LG 20), reçoivent avec docilité les enseignements et directives que leurs pasteurs leur donnent sous différentes formes.
Les dogmes de la foi
88 Le Magistère de lÉglise engage pleinement lautorité reçue du Christ quand il définit des dogmes, cest-à-dire quand il propose, sous une forme obligeant le peuple chrétien à une adhésion irrévocable de foi, des vérités contenues dans la Révélation divine ou bien quand il propose de manière définitive des vérités ayant avec celles-là un lien nécessaire.
89 Il existe un lien organique entre notre vie spirituelle et les dogmes. Les dogmes sont des lumières sur le chemin de notre foi, ils léclairent et le rendent sûr. Inversement, si notre vie est droite, notre intelligence et notre cur seront ouverts pour accueillir la lumière des dogmes de la foi (cf. Jn 8, 31-32).
90 Les liens mutuels et la cohérence des dogmes peuvent être trouvés dans lensemble de la Révélation du mystère du Christ (cf. Cc. Vatican I : DS 3016 : " nexus mysteriorum " ; LG 25). Il faut, en effet, se rappeler que " la diversité de leurs rapports avec les fondements de la foi chrétienne marque un ordre ou une hiérarchie des vérités de la doctrine catholique " (UR 11).
Le sens surnaturel de la foi
91 Tous les fidèles ont part à la compréhension et à la transmission de la vérité révélée. Ils ont reçu lonction de lEsprit Saint qui les instruit (cf. 1 Jn 2, 20. 27) et les conduit vers la vérité toute entière (cf. Jn 16, 13).
92 " Lensemble des fidèles (...) ne peut se tromper dans la foi et manifeste cette qualité par le moyen du sens surnaturel de la foi qui est celui du peuple tout entier, lorsque, des évêques jusquau dernier des fidèles laïcs, il apporte aux vérités concernant la foi et les murs un consentement universel " (LG 12).
93 " Grâce en effet à ce sens de la foi qui est éveillé et soutenu par lEsprit de vérité, et sous la conduite du Magistère sacré, (...) le Peuple de Dieu sattache indéfectiblement à la foi transmise aux saints une fois pour toutes, il y pénètre plus profondément en linterprétant comme il faut et dans sa vie la met plus parfaitement en uvre " (LG 12).
La croissance dans lintelligence de la foi
94 Grâce à lassistance du Saint-Esprit, lintelligence tant des réalités que des paroles de lhéritage de la foi peut croître dans la vie de lÉglise :
" Par la contemplation et létude des croyants qui les méditent en leur cur " (DV 8) ; cest en particulier " la recherche théologique qui approfondit la connaissance de la vérité révélée " (GS 62, § 7 ; cf. 44, § 2 ; DV 23 ; 24 ; UR 4).
" Par lintelligence intérieure que les croyants éprouvent des choses spirituelles " (DV 8) ; " les divines paroles et celui qui les lit grandissent ensemble " (S. Grégoire le Grand, hom. Ez. 1, 7, 8 : PL 76, 843D).
" Par la prédication de ceux qui, avec la succession épiscopale, reçurent un charisme certain de la vérité " (DV 8).
95 " Il est donc clair que la Sainte Tradition, la Sainte Écriture et le Magistère de lÉglise, par une très sage disposition de Dieu, sont tellement reliés et solidaires entre eux quaucune de ces réalités ne subsiste sans les autres, et que toutes ensemble, chacune à sa façon, sous laction du seul Esprit Saint, contribuent efficacement au salut des âmes " (DV 10, § 3).
En bref
96 Ce que le Christ a confié aux apôtres, ceux-ci lont transmis par leur prédication et par écrit, sous linspiration de lEsprit Saint, à toutes les générations, jusquau retour glorieux du Christ.
97 " La Sainte Tradition et la Sainte Écriture constituent un unique dépôt sacré de la parole de Dieu " (DV 10) en lequel, comme dans un miroir, lÉglise pérégrinante contemple Dieu, source de toutes ses richesses.
98 " Dans sa doctrine, sa vie et son culte, lÉglise perpétue et transmet à chaque génération tout ce quelle est elle-même, tout ce quelle croit " (DV 8).
99 Grâce à son sens surnaturel de la foi, le Peuple de Dieu tout entier ne cesse daccueillir le don de la Révélation divine, de le pénétrer plus profondément et den vivre plus pleinement.
100 La charge dinterpréter authentiquement la Parole de Dieu a été confiée au seul Magistère de lÉglise, au Pape et aux évêques en communion avec lui.
Article 3
La Sainte ÉCRITURE
I. Le Christ Parole unique de lÉcriture Sainte
101 Dans la condescendance de sa bonté, Dieu, pour se révéler aux hommes, leur parle en paroles humaines : " En effet, les paroles de Dieu, exprimées en langues humaines, ont pris la ressemblance du langage humain, de même que le Verbe du Père éternel, ayant assumé linfirmité de notre chair, est devenu semblable aux hommes " (DV 13).
102 A travers toutes les paroles de lÉcriture Sainte, Dieu ne dit quune seule Parole, son Verbe unique en qui Il se dit tout entier (cf. He 1, 1-3) :
Rappelez-vous que cest une même Parole de Dieu qui sétend dans toutes les Écritures, que cest un même Verbe qui résonne dans la bouche de tous les écrivains sacrés, lui qui, étant au commencement Dieu auprès de Dieu, ny a pas besoin de syllabes parce quil ny est pas soumis au temps (S. Augustin, Psal. 103, 4, 1 : PL 37, 1378).
103 Pour cette raison, lÉglise a toujours vénéré les divines Écritures comme elle vénère aussi le Corps du Seigneur. Elle ne cesse de présenter aux fidèles le Pain de vie pris sur la Table de la Parole de Dieu et du Corps du Christ (cf. DV 21).
104 Dans lÉcriture Sainte, lÉglise trouve sans cesse sa nourriture et sa force (cf. DV 24), car en elle, elle naccueille pas seulement une parole humaine, mais ce quelle est réellement : la Parole de Dieu (cf. 1 Th 2, 13). " Dans les Saints livres, en effet, le Père qui est aux Cieux vient avec tendresse au-devant de ses fils et entre en conversation avec eux " (DV 21).
II. Inspiration et vérité de la Sainte Écriture
105 Dieu est lAuteur de lÉcriture Sainte. " La vérité divinement révélée, que contiennent et présentent les livres de la Sainte Écriture, y a été consignée sous linspiration de lEsprit Saint ".
" Notre Sainte Mère lÉglise, de par sa foi apostolique, juge sacrés et canoniques tous les livres tant de lAncien que du Nouveau Testament, avec toutes leurs parties, puisque, rédigés sous linspiration de lEsprit Saint ils ont Dieu pour auteur et quils ont été transmis comme tels à lÉglise elle-même " (DV 11).
106 Dieu a inspiré les auteurs humains des livres sacrés. " En vue de composer ces livres sacrés, Dieu a choisi des hommes auxquels il eut recours dans le plein usage de leurs facultés et de leurs moyens, pour que, lui-même agissant en eux et par eux, ils missent par écrit, en vrais auteurs, tout ce qui était conforme à son désir, et cela seulement " (DV 11).
107 Les livres inspirés enseignent la vérité. " Dès lors, puisque toutes les assertions des auteurs inspirés ou hagiographes doivent être tenues pour assertions de lEsprit Saint, il faut déclarer que les livres de lÉcriture enseignent fermement, fidèlement et sans erreur la vérité que Dieu a voulu voir consignée pour notre salut dans les Lettres sacrées " (DV 11).
108 Cependant, la foi chrétienne nest pas une " religion du Livre ". Le christianisme est la religion de la " Parole " de Dieu, " non dun verbe écrit et muet, mais du Verbe incarné et vivant " (S. Bernard, hom. miss. 4, 11 : Opera, ed. J. Leclercq-H. Rochais, v. 4 [Romae 1966] p. 57). Pour quelles ne restent pas lettre morte, il faut que le Christ, Parole éternelle du Dieu vivant, par lEsprit Saint nous " ouvre lesprit à lintelligence des Écritures " (Lc 24, 45).
III. LEsprit Saint, interprète de lÉcriture
109 Dans lÉcriture Sainte, Dieu parle à lhomme à la manière des hommes. Pour bien interpréter lÉcriture, il faut donc être attentif à ce que les auteurs humains ont vraiment voulu affirmer et à ce que Dieu a bien voulu nous manifester par leurs paroles (cf. DV 12, § 1).
110 Pour découvrir lintention des auteurs sacrés, il faut tenir compte des conditions de leur temps et de leur culture, des " genres littéraires " en usage à cette époque, des manières de sentir, de parler et de raconter courantes en ce temps-là. " Car cest de façon bien différente que la vérité se propose et sexprime en des textes diversement historiques, en des textes, ou prophétiques, ou poétiques, ou même en dautres genres dexpression " (DV 12, § 2).
111 Mais puisque lÉcriture Sainte est inspirée, il y a un autre principe de linterprétation juste, non moins important que le précédent, et sans lequel lÉcriture demeurerait lettre morte : " La Sainte Écriture doit être lue et interprétée à la lumière du même Esprit qui la fit rédiger " (DV 12, § 3).
Le Concile Vatican II indique trois critères pour une interprétation de lÉcriture conforme à lEsprit qui la inspirée (cf. DV 12, § 3) :
112 1. Porter une grande attention " au contenu et à lunité de toute lÉcriture ". En effet, aussi différents que soient les livres qui la composent, lÉcriture est une en raison de lunité du dessein de Dieu, dont le Christ Jésus est le centre et le cur, ouvert depuis sa Pâque (cf. Lc 24, 25-27. 44-46).
Le cur (cf. Ps 22, 15) du Christ désigne la Sainte Écriture qui fait connaître le cur du Christ. Ce cur était fermé avant la passion car lÉcriture était obscure. Mais lÉcriture a été ouverte après la passion, car ceux qui désormais en ont lintelligence considèrent et discernent de quelle manière les prophéties doivent être interprétées (cf. S. Thomas dA., Psal. 21, 11).
113 2. Lire ensuite lÉcriture dans " la Tradition vivante de toute lÉglise ". Selon un adage des Pères, la Sainte Écriture se lit bien plus dans le cur de lÉglise que dans les moyens matériels de son expression. En effet, lÉglise porte dans sa Tradition la mémoire vivante de la Parole de Dieu, et cest lEsprit Saint qui lui donne linterprétation spirituelle de lÉcriture (" ... selon le sens spirituel dont lEsprit gratifie lÉglise " : Origène, hom. in Lev. 5, 5).
114 3. Être attentif " à lanalogie de la foi " (cf. Rm 12, 6). Par " analogie de la foi " nous entendons la cohésion des vérités de la foi entre elles et dans le projet total de la Révélation.
Les sens de lÉcriture
115 Selon une ancienne tradition, on peut distinguer deux sens de lÉcriture : le sens littéral et le sens spirituel, ce dernier étant subdivisé en sens allégorique, moral et anagogique. La concordance profonde des quatre sens assure toute sa richesse à la lecture vivante de lÉcriture dans lÉglise :
116 Le sens littéral. Cest le sens signifié par les paroles de lÉcriture et découvert par lexégèse qui suit les règles de la juste interprétation " Tous les sens de la Sainte Ecriture trouvent leur appui dans le sens littéral " (S. Thomas dA., s. th. 1, 1, 10, ad 1).
117 Le sens spirituel. Grâce à lunité du dessein de Dieu, non seulement le texte de lÉcriture, mais aussi les réalités et les événements dont il parle peuvent être des signes.
1. Le sens allégorique. Nous pouvons acquérir une compréhension plus profonde des événements en reconnaissant leur signification dans le Christ ; ainsi, la traversée de la Mer Rouge est un signe de la victoire du Christ, et ainsi du Baptême (cf. 1 Co 10, 2).
2. Le sens moral. Les événements rapportés dans lÉcriture peuvent nous conduire à un agir juste. Elles ont été écrites " pour notre instruction " (1 Co 10, 11 ; cf. He 3 4, 11).
3. Le sens anagogique. Nous pouvons voir des réalités et des événements dans leur signification éternelle, nous conduisant (en grec : anagoge) vers notre Patrie. Ainsi, lÉglise sur terre est signe de la Jérusalem céleste (cf. Ap 21, 1 22, 5).
118 Un distique médiéval résume la signification des quatre sens : Le sens littéral enseigne les événements, lallégorie ce quil faut croire, le sens moral ce quil faut faire, lanagogie vers quoi il faut tendre (Augustin de Dace, Rotulus pugillaris, I : ed. A. Walz, Angelicum 6 [1929] 256).
119 " Il appartient aux exégètes de sefforcer, suivant ces règles, de pénétrer et dexposer plus profondément le sens de la Sainte Écriture, afin que, par leurs études en quelque sorte préparatoires, mûrisse le jugement de lÉglise. Car tout ce qui concerne la manière dinterpréter lÉcriture est finalement soumis au jugement de lÉglise, qui exerce le ministère et le mandat divinement reçus de garder la parole de Dieu et de linterpréter " (DV 12, 3) :
Je ne croirais pas à lEvangile, si lautorité de lEglise catholique ne my poussait (S. Augustin, fund. 5, 6 : PL 42, 176).
IV. Le Canon des Écritures
120 Cest la Tradition apostolique qui a fait discerner à lÉglise quels écrits devaient être comptés dans la liste des Livres Saints (cf. DV 8, 3). Cette liste intégrale est appelée " Canon " des Écritures. Elle comporte pour lAncien Testament 46 (45, si lon compte Jr et Lm ensemble) écrits et 27 pour le Nouveau (cf. DS 179 ; 1334-1336 ; 1501-1504) :
Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome, Josué, Juges, Ruth, les deux livres de Samuel, les deux livres des Rois, les deux livres des Chroniques, Esdras et Néhémie, Tobie, Judith, Esther, les deux livres des Maccabées, Job, les Psaumes, les Proverbes, lEcclésiaste, le Cantique des Cantiques, la Sagesse, lEcclésiastique, Isaïe, Jérémie, les Lamentations, Baruch, Ezéchiel, Daniel, Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habaquq, Sophonie, Agée, Zacharie, Malachie pour lAncien Testament ;
les Évangiles de Matthieu, de Marc, de Luc et de Jean, les Actes des Apôtres, les Épîtres de S. Paul aux Romains, la première et la deuxième aux Corinthiens, aux Galates, aux Ephésiens, aux Philippiens, aux Colossiens, la première et la deuxième aux Thessaloniciens, la première et la deuxième à Timothée, à Tite, à Philémon, lÉpître aux Hébreux, lÉpître de Jacques, la première et la deuxième de Pierre, les trois Épîtres de Jean, lÉpître de Jude et lApocalypse pour le Nouveau Testament.
LAncien Testament
121 LAncien Testament est une partie inamissible de lÉcriture Sainte. Ses livres sont divinement inspirés et conservent une valeur permanente (cf. DV 14) car lAncienne Alliance na jamais été révoquée.
122 En effet, " lÉconomie de lAncien Testament avait pour principale raison dêtre de préparer lavènement du Christ Sauveur du monde ". " Bien quils contiennent de limparfait et du provisoire ", les livres de lAncien Testament témoignent de toute la divine pédagogie de lamour salvifique de Dieu : " En eux se trouvent de sublimes enseignements sur Dieu, une bienfaisante sagesse sur la vie humaine, dadmirables trésors de prière ; en eux enfin se tient caché le mystère de notre salut " (DV 15).
123 Les chrétiens vénèrent lAncien Testament comme vraie Parole de Dieu. LÉglise a toujours vigoureusement repoussé lidée de rejeter lAncien Testament sous prétexte que le Nouveau laurait rendu caduc (Marcionisme).
Le Nouveau Testament
124 " La Parole de Dieu qui est une force divine pour le salut de tout croyant, se présente dans les écrits du Nouveau Testament et sa puissance sy manifeste de façon singulière " (DV 17). Ces écrits nous livrent la vérité définitive de la Révélation divine. Leur objet central est Jésus-Christ, le Fils de Dieu incarné, ses actes, ses enseignements, sa passion et sa glorification ainsi que les débuts de son Église sous laction de lEsprit Saint (cf. DV 20).
125 Les Évangiles sont le cur de toutes les Écritures " en tant quils constituent le témoignage par excellence sur la vie et sur lenseignement du Verbe incarné, notre Sauveur " (DV 18).
126
Dans la formation des Évangiles on peut distinguer trois étapes :1. La vie et lenseignement de Jésus. LÉglise tient fermement que les quatre Évangiles, " dont elle affirme sans hésiter lhistoricité, transmettent fidèlement ce que Jésus le Fils de Dieu, durant sa vie parmi les hommes, a réellement fait et enseigné pour leur salut éternel, jusquau jour où il fut enlevé au ciel ".
2. La tradition orale. " Ce que le Seigneur avait dit et fait, les apôtres après son Ascension le transmirent à leurs auditeurs avec cette intelligence plus profonde des choses dont eux-mêmes, instruits par les événements glorieux du Christ et éclairés par lEsprit de vérité, jouissaient ".
3. Les Évangiles écrits. " Les auteurs sacrés composèrent donc les quatre Évangiles, choisissant certains des nombreux éléments soit oralement soit déjà par écrit, rédigeant un résumé des autres, ou les expliquant en fonction de la situation des Églises, gardant enfin la forme dune prédication, de manière à nous livrer toujours sur Jésus des choses vraies et sincères " (DV 19).
127 LÉvangile quadriforme occupe dans lÉglise une place unique, témoins la vénération dont lentoure la liturgie et lattrait incomparable quil a exercé de tout temps sur les saints :
Il ny a aucune doctrine qui soit meilleure, plus précieuse et plus splendide que le texte de lÉvangile. Voyez et retenez ce que notre Seigneur et Maître, le Christ, a enseigné par ses paroles et réalisé par ses actes (Ste Césarie la Jeune, Rich. : SC 345, 480).
Cest par-dessus tout lÉvangile qui mentretient pendant mes oraisons ; en lui je trouve tout ce qui est nécessaire à ma pauvre âme. Jy découvre toujours de nouvelles lumières, des sens cachés et mystérieux (Ste. Thérèse de lEnfant-Jésus, ms. autob. A 83v).
Lunité de lAncien et du Nouveau Testament
128 LÉglise, déjà aux temps apostoliques (cf. 1 Co 10, 6. 11 ; He 10, 1 ; 1 P 3, 21), et puis constamment dans sa Tradition, a éclairé lunité du plan divin dans les deux Testaments grâce à la typologie. Celle-ci discerne dans les uvres de Dieu dans lAncienne Alliance des préfigurations de ce que Dieu a accompli dans la plénitude des temps, en la personne de son Fils incarné.
129 Les chrétiens lisent donc lAncien Testament à la lumière du Christ mort et ressuscité. Cette lecture typologique manifeste le contenu inépuisable de lAncien Testament. Elle ne doit pas faire oublier quil garde sa valeur propre de Révélation que Notre Seigneur lui-même a réaffirmée (cf. Mc 12, 29-31). Par ailleurs, le Nouveau Testament demande dêtre lu aussi à la lumière de lAncien. La catéchèse chrétienne primitive y aura constamment recours (cf. 1 Co 5, 6-8 ; 10, 1-11). Selon un vieil adage, le Nouveau Testament est caché dans lAncien, alors que lAncien est dévoilé dans le Nouveau : " Le Nouveau se cache dans lAncien et dans le Nouveau lAncien se dévoile " (S. Augustin, Hept. 2, 73 : PL 34, 623 ; cf. DV 16).
130 La typologie signifie le dynamisme vers laccomplissement du plan divin quand " Dieu sera tout en tous " (1 Co 15, 28). Aussi la vocation des patriarches et lExode de lÉgypte, par exemple, ne perdent pas leur valeur propre dans le plan de Dieu, du fait quils en sont en même temps des étapes intermédiaires.
V. La Sainte Écriture dans la vie de lÉglise
131 " La force et la puissance que recèle la Parole de Dieu sont si grandes quelles constituent, pour lÉglise, son point dappui et sa vigueur et, pour les enfants de lÉglise, la force de leur foi, la nourriture de leur âme, la source pure et permanente de leur vie spirituelle " (DV 21). Il faut " que laccès à la Sainte Écriture soit largement ouvert aux chrétiens " (DV 22).
132 " Que létude de la Sainte Écriture soit donc pour la sacrée théologie comme son âme. Que le ministère de la Parole, qui comprend la prédication pastorale, la catéchèse, et toute linstruction chrétienne, où lhomélie liturgique doit avoir une place de choix, trouve, lui aussi, dans cette même Parole de lÉcriture, une saine nourriture et une saine vigueur " (DV 24).
133 LÉglise " exhorte instamment et spécialement tous les chrétiens (...) à acquérir, par la lecture fréquente des divines Écritures, la science éminente de Jésus-Christ (Ph 3, 8). En effet, ignorer les Écritures, cest ignorer le Christ (S. Jérôme, Is. prol. : PL 24, 17B) " (DV 25).
En bref
134 Toute lÉcriture divine nest quun seul livre, et ce seul livre cest le Christ, " car toute lÉcriture divine parle du Christ, et toute lÉcriture divine saccomplit dans le Christ " (Hugues de Saint Victor, De arca Noe 2, 8 : PL 176, 642 ; cf. ibid. 2, 9 : PL 176, 642-643: PL 176, 642C).
135 " Les Saintes Écritures contiennent la Parole de Dieu et, puisquelles sont inspirées, elles sont vraiment cette Parole " (DV 24).
136 Dieu est lAuteur de lÉcriture Sainte en inspirant ses auteurs humains ; Il agit en eux et par eux. Il donne ainsi lassurance que leurs écrits enseignent sans erreur la vérité salutaire (cf. DV 11).
137 Linterprétation des Écritures inspirées doit être avant tout attentive à ce que Dieu veut révéler par les auteurs sacrés pour notre salut. " Ce qui vient de lEsprit, nest pleinement entendu que par laction de lEsprit " (Origène, hom. in Ex. 4, 5).
138 LÉglise reçoit et vénère comme inspirés les 46 livres de lAncien et les 27 livres du Nouveau Testament.
139 Les quatre Évangiles tiennent une place centrale puisque le Christ Jésus en est le centre.
140 Lunité des deux Testaments découle de lunité du dessein de Dieu et de sa Révélation.. LAncien Testament prépare le Nouveau, alors que celui-ci accomplit lAncien ; les deux séclairent mutuellement ; les deux sont vraie Parole de Dieu.
141 " LÉglise a toujours vénéré les divines Écritures, comme elle la fait pour le Corps même du Seigneur " (DV 21) : ces deux nourrissent et régissent toute la vie chrétienne. " Ta Parole est la lumière de mes pas, la lampe de ma route " (Ps 119, 105 ; cf. Is 50, 4).
Chapitre troisième
La réponse de lhomme à Dieu
142 Par sa révélation, " provenant de limmensité de sa charité, Dieu, qui est invisible sadresse aux hommes comme à ses amis et converse avec eux pour les inviter à entrer en communion avec lui et les recevoir en cette communion " (DV 2). La réponse adéquate à cette invitation est la foi.
143 Par la foi lhomme soumet complètement son intelligence et sa volonté à Dieu. De tout son être lhomme donne son assentiment à Dieu révélateur (cf. DV 5). LÉcriture Sainte appelle " obéissance de la foi " cette réponse de lhomme au Dieu qui révèle (cf. Rm 1, 5 ; 16, 26).
Article 1
Je crois
I. Lobéissance de la foi
144 Obéir (ob-audire) dans la foi, cest se soumettre librement à la parole écoutée, parce que sa vérité est garantie par Dieu, la Vérité même. De cette obéissance, Abraham est le modèle que nous propose lÉcriture Sainte. La Vierge Marie en est la réalisation la plus parfaite.
Abraham " le père de tous les croyants "
145 LÉpître aux Hébreux, dans le grand éloge de la foi des ancêtres, insiste particulièrement sur la foi dAbraham : " Par la foi, Abraham obéit à lappel de partir vers un pays quil devait recevoir en héritage, et il partit ne sachant où il allait " (He 11, 8 ; cf. Gn 12, 1-4). Par la foi, il a vécu en étranger et en pèlerin dans la Terre promise (cf. Gn 23, 4). Par la foi, Sara reçut de concevoir le fils de la promesse. Par la foi enfin, Abraham offrit son fils unique en sacrifice (cf. He 11, 17).
146 Abraham réalise ainsi la définition de la foi donnée par lépître aux Hébreux : " La foi est la garantie des biens que lon espère, la preuve des réalités quon ne voit pas " (He 11, 1). " Abraham eut foi en Dieu, et ce lui fut compté comme justice " (Rm 4, 3 ; cf. Gn 15, 6). Grâce à cette " foi puissante " (Rm 4, 20), Abraham est devenu " le père de tous ceux qui croiraient " (Rm 4, 11. 18 ; cf. Gn 15, 5).
147 De cette foi, lAncien Testament est riche en témoignages. LÉpître aux Hébreux proclame léloge de la foi exemplaire des anciens " qui leur a valu un bon témoignage " (He 11, 2. 39). Pourtant, " Dieu prévoyait pour nous un sort meilleur " : la grâce de croire en son Fils Jésus, " le chef de notre foi, qui la mène à la perfection " (He 11, 40 ; 12, 2).
Marie " Bienheureuse celle qui a cru "
148 La Vierge Marie réalise de la façon la plus parfaite lobéissance de la foi. Dans la foi, Marie accueillit lannonce et la promesse apportées par lange Gabriel, croyant que " rien nest impossible à Dieu " (Lc 1, 37 ; cf. Gn 18, 14), et donnant son assentiment : " Je suis la servante du Seigneur, quil madvienne selon ta parole " (Lc 1, 38). Élisabeth la salua : " Bienheureuse celle qui a cru en laccomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur " (Lc 1, 45). Cest pour cette foi que toutes les générations la proclameront bienheureuse (cf. Lc 1, 48).
149 Pendant toute sa vie, et jusquà sa dernière épreuve (cf. Lc 2, 35), lorsque Jésus, son fils, mourut sur la croix, sa foi na pas vacillé. Marie na pas cessé de croire " en laccomplissement " de la parole de Dieu. Aussi bien, lÉglise vénère-t-elle en Marie la réalisation la plus pure de la foi.
II. " Je sais en qui jai mis ma foi " (2 Tm 1, 12)
Croire en Dieu seul
150 La foi est dabord une adhésion personnelle de lhomme à Dieu ; elle est en même temps, et inséparablement, lassentiment libre à toute la vérité que Dieu a révélé. En tant quadhésion personnelle à Dieu et assentiment à la vérité quil a révélé, la foi chrétienne diffère de la foi en une personne humaine. Il est juste et bon de se confier totalement en Dieu et de croire absolument ce quIl dit. Il serait vain et faux de mettre une telle foi en une créature (cf. Jr 17, 5-6 ; Ps 40, 5 ; 146, 3-4).
Croire en Jésus-Christ, le Fils de Dieu
151 Pour le chrétien, croire en Dieu, cest inséparablement croire en Celui quIl a envoyé, " son Fils bien-aimé " en qui Il a mis toute sa complaisance (cf. Mc 1, 11) ; Dieu nous a dit de Lécouter (cf. Mc 9, 7). Le Seigneur Lui-même dit à ses disciples : " Croyez en Dieu, croyez aussi en moi " (Jn 14, 1). Nous pouvons croire en Jésus-Christ parce quIl est Lui-même Dieu, le Verbe fait chair : " Nul na jamais vu Dieu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, Lui, La fait connaître " (Jn 1, 18). Parce quil " a vu le Père " (Jn 6, 46), Il est seul à Le connaître et à pouvoir Le révéler (cf. Mt 11, 27).
Croire en lEsprit Saint
152 On ne peut pas croire en Jésus-Christ sans avoir part à son Esprit. Cest lEsprit Saint qui révèle aux hommes qui est Jésus. Car " nul ne peut dire : Jésus est Seigneur, que sous laction de lEsprit Saint " (1 Co 12, 3). " LEsprit sonde tout, jusquaux profondeurs de Dieu (...) Nul ne connaît ce qui concerne Dieu, sinon lEsprit de Dieu " (1 Co 2, 10-11). Dieu seul connaît Dieu tout entier. Nous croyons en lEsprit Saint parce quil est Dieu.
LÉglise ne cesse de confesser sa foi en un seul Dieu, Père, Fils et Esprit Saint.
III. Les caractéristiques de la foi
La foi est une grâce
153 Lorsque S. Pierre confesse que Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant, Jésus lui déclare que cette révélation ne lui est pas venue " de la chair et du sang, mais de mon Père qui est dans les cieux " (Mt 16, 17 ; cf. Ga 1, 15 ; Mt 11, 25). La foi est un don de Dieu, une vertu surnaturelle infuse par Lui. " Pour prêter cette foi, lhomme a besoin de la grâce prévenante et aidante de Dieu, ainsi que des secours intérieurs du Saint-Esprit. Celui-ci touche le cur et le tourne vers Dieu, ouvre les yeux de lesprit et donne à tous la douceur de consentir et de croire à la vérité " (DV 5).
La foi est un acte humain
154 Croire nest possible que par la grâce et les secours intérieurs du Saint-Esprit. Il nen est pas moins vrai que croire est un acte authentiquement humain. Il nest contraire ni à la liberté ni à lintelligence de lhomme de faire confiance à Dieu et dadhérer aux vérités par lui révélées. Déjà dans les relations humaines il nest pas contraire à notre propre dignité de croire ce que dautres personnes nous disent sur elles-mêmes et sur leurs intentions, et de faire confiance à leurs promesses (comme, par exemple, lorsquun homme et une femme se marient), pour entrer ainsi en communion mutuelle. Dès lors, il est encore moins contraire à notre dignité de " présenter par la foi la soumission plénière de notre intelligence et de notre volonté au Dieu qui révèle " (Cc. Vatican I : DS 3008) et dentrer ainsi en communion intime avec Lui.
155 Dans la foi, lintelligence et la volonté humaines coopèrent avec la grâce divine : " Croire est un acte de lintelligence adhérant à la vérité divine sous le commandement de la volonté mue par Dieu au moyen de la grâce " (S. Thomas dA., s. th. 2-2, 2, 9 ; cf. Cc. Vatican I : DS 3010).
La foi et lintelligence
156 Le motif de croire nest pas le fait que les vérités révélées apparaissent comme vraies et intelligibles à la lumière de notre raison naturelle. Nous croyons " à cause de lautorité de Dieu même qui révèle et qui ne peut ni se tromper ni nous tromper ". " Néanmoins, pour que lhommage de notre foi fût conforme à la raison, Dieu a voulu que les secours intérieurs du Saint-Esprit soient accompagnés des preuves extérieures de sa Révélation " (ibid., DS 3009). Cest ainsi que les miracles du Christ et des saints (cf. Mc 16, 20 ; He 2, 4), les prophéties, la propagation et la sainteté de lÉglise, sa fécondité et sa stabilité " sont des signes certains de la Révélation, adaptés à lintelligence de tous ", des " motifs de crédibilité " qui montrent que lassentiment de la foi nest " nullement un mouvement aveugle de lesprit " (Cc. Vatican I : DS 3008-3010).
157 La foi est certaine, plus certaine que toute connaissance humaine, parce quelle se fonde sur la Parole même de Dieu, qui ne peut pas mentir. Certes, les vérités révélées peuvent paraître obscures à la raison et à lexpérience humaines, mais " la certitude que donne la lumière divine est plus grande que celle que donne la lumière de la raison naturelle " (S. Thomas dA., s. th. 2-2, 171, 5, obj. 3). " Dix mille difficultés ne font pas un seul doute " (Newman, apol.).
158 " La foi cherche à comprendre " (S. Anselme, prosl. prom. : PL 153, 225A) : il est inhérent à la foi que le croyant désire mieux connaître Celui en qui il a mis sa foi, et mieux comprendre ce quIl a révélé ; une connaissance plus pénétrante appellera à son tour une foi plus grande, de plus en plus embrasée damour. La grâce de la foi ouvre " les yeux du cur " (Ep 1, 18) pour une intelligence vive des contenus de la Révélation, cest-à-dire de lensemble du dessein de Dieu et des mystères de la foi, de leur lien entre eux et avec le Christ, centre du mystère révélé. Or, pour " rendre toujours plus profonde lintelligence de la Révélation, lEsprit Saint ne cesse, par ses dons, de rendre la foi plus parfaite " (DV 5). Ainsi, selon ladage de S. Augustin (serm. 43, 7, 9 : PL 38, 258), " je crois pour comprendre et je comprends pour mieux croire ".
159 Foi et science. " Bien que la foi soit au-dessus de la raison, il ne peut jamais y avoir de vrai désaccord entre elles. Puisque le même Dieu qui révèle les mystères et communique la foi a fait descendre dans lesprit humain la lumière de la raison, Dieu ne pourrait se nier lui-même ni le vrai contredire jamais le vrai " (Cc. Vatican I : DS 3017). " Cest pourquoi la recherche méthodique, dans tous les domaines du savoir, si elle est menée dune manière vraiment scientifique et si elle suit les normes de la morale, ne sera jamais réellement opposée à la foi : les réalités profanes et celles de la foi trouvent leur origine dans le même Dieu. Bien plus, celui qui sefforce, avec persévérance et humilité, de pénétrer les secrets des choses, celui-là, même sil nen a pas conscience, est comme conduit par la main de Dieu, qui soutient tous les êtres et les fait ce quils sont " (GS 36, § 2).
La liberté de la foi
160 Pour être humaine, " la réponse de la foi donnée par lhomme à Dieu doit être volontaire ; en conséquence, personne ne doit être contraint à embrasser la foi malgré soi. Par sa nature même, en effet, lacte de foi a un caractère volontaire " (DH 10 ; cf. CIC, can. 748, § 2). " Dieu, certes, appelle lhomme à le servir en esprit et vérité ; si cet appel oblige lhomme en conscience, il ne le contraint pas. (...) Cela est apparu au plus haut point dans le Christ Jésus " (DH 11). En effet, le Christ a invité à la foi et à la conversion, il ny a nullement contraint. " Il a rendu témoignage à la vérité, mais il na pas voulu limposer par la force à ses contradicteurs. Son royaume (...) sétend grâce à lamour par lequel le Christ, élevé sur la croix, attire à lui tous les hommes " (DH 11).
La nécessité de la foi
161 Croire en Jésus-Christ et en Celui qui la envoyé pour notre salut est nécessaire pour obtenir ce salut (cf. Mc 16, 16 ; Jn 3, 36 ; 6, 40 e.a.). " Parce que sans la foi (...) il est impossible de plaire à Dieu (He 11, 6) et darriver à partager la condition de ses fils, personne jamais ne se trouve justifié sans elle et personne à moins quil nait persévéré en elle jusquà la fin (Mt 10, 22 ; 24, 13), nobtiendra la vie éternelle " (Cc. Vatican I : DS 3012 ; cf. Cc. Trente : DS 1532).
La persévérance dans la foi
162 La foi est un don gratuit que Dieu fait à lhomme. Ce don inestimable, nous pouvons le perdre ; S. Paul en avertit Timothée : " Combats le bon combat, possédant foi et bonne conscience ; pour sen être affranchis, certains ont fait naufrage dans la foi " (1 Tm 1, 18-19). Pour vivre, croître et persévérer jusquà la fin dans la foi nous devons la nourrir par la Parole de Dieu ; nous devons implorer le Seigneur de laugmenter (cf. Mc 9, 24 ; Lc 17, 5 ; 22, 32) ; elle doit " agir par la charité " (Ga 5, 6 ; cf. Jc 2, 14-26), être portée par lespérance (cf. Rm 15, 13) et être enracinée dans la foi de lÉglise.
La foi commencement de la vie éternelle
163 La foi nous fait goûter comme à lavance, la joie et la lumière de la vision béatifique, but de notre cheminement ici-bas. Nous verrons alors Dieu " face à face " (1 Co 13, 12), " tel quIl est " (1 Jn 3, 2). La foi est donc déjà le commencement de la vie éternelle :
Tandis que dès maintenant nous contemplons les bénédictions de la foi, comme un reflet dans un miroir, cest comme si nous possédions déjà les choses merveilleuses dont notre foi nous assure quun jour nous en jouirons (S. Basile, Spir. 15, 36 : PG 32, 132 ; cf. S. Thomas dA., s. th. 2-2, 4, 1).
164 Maintenant, cependant, " nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision " (2 Co 5, 7), et nous connaissons Dieu " comme dans un miroir, dune manière confuse, (...), imparfaite " (1 Co 13, 12). Lumineuse par Celui en qui elle croit, la foi est vécue souvent dans lobscurité. La foi peut être mise à lépreuve. Le monde en lequel nous vivons semble souvent bien loin de ce que la foi nous assure ; les expériences du mal et de la souffrance, des injustices et de la mort paraissent contredire la Bonne Nouvelle, elles peuvent ébranler la foi et devenir pour elle une tentation.
165 Cest alors que nous devons nous tourner vers les témoins de la foi : Abraham, qui crut, " espérant contre toute espérance " (Rm 4, 18) ; la Vierge Marie qui, dans " le pèlerinage de la foi " (LG 58), est allée jusque dans la " nuit de la foi " (Jean-Paul II, RM 18) en communiant à la souffrance de son Fils et à la nuit de son tombeau ; et tant dautres témoins de la foi : " Enveloppés dune si grande nuée de témoins, nous devons rejeter tout fardeau et le péché qui nous assiège et courir avec constance lépreuve qui nous est proposée, fixant nos yeux sur le chef de notre foi, qui la mène à la perfection, Jésus " (He 12, 1-2).
Article 2
Nous croyons
166 La foi est un acte personnel : la réponse libre de lhomme à linitiative de Dieu qui se révèle. Mais la foi nest pas un acte isolé. Nul ne peut croire seul, comme nul ne peut vivre seul. Nul ne sest donné la foi à lui-même comme nul ne sest donné la vie à lui-même. Le croyant a reçu la foi dautrui, il doit la transmettre à autrui. Notre amour pour Jésus et pour les hommes nous pousse à parler à autrui de notre foi. Chaque croyant est ainsi comme un maillon dans la grande chaîne des croyants. Je ne peux croire sans être porté par la foi des autres, et par ma foi, je contribue à porter la foi des autres.
167 " Je crois " (Symbole des Apôtres) : cest la foi de lÉglise professée personnellement par chaque croyant, principalement lors du baptême. " Nous croyons " (Symbole de Nicée-Constantinople, dans loriginal grec) : cest la foi de lÉglise confessée par les évêques assemblés en Concile ou, plus généralement, par lassemblée liturgique des croyants. " Je crois " : cest aussi lÉglise, notre Mère, qui répond à Dieu par sa foi et qui nous apprend à dire : " Je crois ", " Nous croyons ".
I. " Regarde, Seigneur, la foi de ton Église "
168 Cest dabord lÉglise qui croit, et qui ainsi porte, nourrit et soutient ma foi. Cest dabord lÉglise qui, partout, confesse le Seigneur (" Cest toi que par tout lunivers la Sainte Église proclame son Seigneur ", chantons-nous dans le " Te Deum "), et avec elle et en elle, nous sommes entraînés et amenés à confesser, nous aussi : " Je crois ", " Nous croyons ". Cest par lÉglise que nous recevons la foi et la vie nouvelle dans le Christ par le baptême. Dans le " Rituale Romanum ", le ministre du baptême demande au catéchumène : " Que demandes-tu à lÉglise de Dieu ? " Et la réponse : " La foi ". " Que te donne la foi ? " " La vie éternelle " (OICA 75 et 247).
169 Le salut vient de Dieu seul ; mais parce que nous recevons la vie de la foi à travers lÉglise, celle-ci est notre mère : " Nous croyons lÉglise comme la mère de notre nouvelle naissance, et non pas en lÉglise comme si elle était lauteur de notre salut " (Faustus de Riez, Spir. 1, 2 : CSEL 21, 104). Parce quelle est notre mère, elle est aussi léducatrice de notre foi.
II. Le langage de la foi
170 Nous ne croyons pas en des formules, mais dans les réalités quelles expriment et que la foi nous permet de " toucher ". " Lacte (de foi) du croyant ne sarrête pas à lénoncé, mais à la réalité (énoncée) " (S. Thomas dA., s. th. 2-2, 1, 2, ad 2). Cependant, ces réalités, nous les approchons à laide des formulations de la foi. Celles-ci permettent dexprimer et de transmettre la foi, de la célébrer en communauté, de lassimiler et den vivre de plus en plus.
171 LÉglise qui est " la colonne et le soutien de la vérité " (1 Tm 3, 15), garde fidèlement " la foi transmise aux saints une fois pour toutes " (Jude 3). Cest elle qui garde la mémoire des Paroles du Christ, cest elle qui transmet de génération en génération la confession de foi des apôtres. Comme une mère qui apprend à ses enfants à parler, et par là même à comprendre et à communiquer, lÉglise, notre Mère, nous apprend le langage de la foi pour nous introduire dans lintelligence et la vie de la foi.
III. Une seule foi
172 Depuis des siècles, à travers tant de langues, cultures, peuples et nations, lÉglise ne cesse de confesser sa foi unique, reçue dun seul Seigneur, transmise par un seul baptême, enracinée dans la conviction que tous les hommes nont quun seul Dieu et Père (cf. Ep 4, 4-6). S. Irénée de Lyon, témoin de cette foi, déclare :
173 " En effet, lÉglise, bien que dispersée dans le monde entier jusquaux extrémités de la terre, ayant reçu des apôtres et de leurs disciples la foi (...) garde [cette prédication et cette foi] avec soin, comme nhabitant quune seule maison, elle y croit dune manière identique, comme nayant quune seule âme et quun seul cur, et elle les prêche, les enseigne et les transmet dune voix unanime, comme ne possédant quune seule bouche " (hær. 1, 10, 1-2).
174 " Car, si les langues diffèrent à travers le monde, le contenu de la Tradition est un et identique. Et ni les Églises établies en Germanie nont dautre foi ou dautre Tradition, ni celles qui sont chez les Ibères, ni celles qui sont chez les Celtes, ni celles de lOrient, de lÉgypte, de la Libye, ni celles qui sont établies au centre du monde... " (ibid. 1, 10, 1-2) " Le message de lÉglise est donc véridique et solide, puisque cest chez elle quun seul chemin de salut apparaît à travers le monde entier " (ibid., 5, 20, 1).
175 " Cette foi que nous avons reçue de lÉglise, nous la gardons avec soin, car sans cesse, sous laction de lEsprit de Dieu, telle un dépôt de grand prix renfermé dans un vase excellent, elle rajeunit et fait rajeunir le vase même qui la contient " (ibid., 3, 24, 1).
En bref
176 La foi est une adhésion personnelle de lhomme tout entier à Dieu qui se révèle. Elle comporte une adhésion de lintelligence et de la volonté à la Révélation que Dieu a faite de lui-même par ses actions et ses paroles.
177 " Croire " a donc une double référence : à la personne et à la vérité ; à la vérité par confiance en la personne qui latteste.
178 Nous ne devons croire en nul autre que Dieu, le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
179 La foi est un don surnaturel de Dieu. Pour croire, lhomme a besoin des secours intérieurs du Saint-Esprit.
180 " Croire " est un acte humain, conscient et libre, qui correspond à la dignité de la personne humaine.
181 " Croire " est un acte ecclésial. La foi de lÉglise précède, engendre, porte et nourrit notre foi. LÉglise est la mère de tous les croyants. " Nul ne peut avoir Dieu pour Père qui na pas lÉglise pour mère " (S. Cyprien, unit. eccl. : PL 4, 503A).
182 " Nous croyons tout ce qui est contenu dans la parole de Dieu, écrite ou transmise, et que lÉglise propose à croire comme divinement révélé " (SPF 20).
183 La foi est nécessaire au salut. Le Seigneur lui-même laffirme : " Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé ; celui qui ne croira pas, sera condamné " (Mc 16, 16).
184 " La foi est un avant-goût de la connaissance qui nous rendra bienheureux dans la vie future " (S. Thomas dA., comp. 1, 2).
Le Credo
Symbole des Apôtres (DS 30) | Credo de Nicée-Constantinople (DS 150) |
Je crois en Dieu, | Je crois en un seul Dieu, |
le Père Tout-Puissant, | le Père Tout-Puissant, |
Créateur du ciel et de la terre. | Créateur du ciel et de la terre |
de lunivers visible et invisible. | |
Et en Jésus-Christ, son Fils unique | Je crois en un seul Seigneur, Jésus-Christ |
notre Seigneur, | le Fils unique de Dieu, |
né du Père avant tous les siècles | |
Il est Dieu, né de Dieu, | |
Lumière, né de la Lumière, | |
vrai Dieu, né du vrai Dieu, | |
engendré, non pas créé, | |
de même nature que le Père, | |
et par Lui tout a été fait. | |
Pour nous les hommes, et pour notre salut, | |
Il descendit du ciel ; | |
qui a été conçu du Saint-Esprit, | par lEsprit Saint, |
est né de la Vierge Marie, | Il a pris chair de la Vierge Marie, |
et Sest fait homme. | |
a souffert sous Ponce Pilate, | Crucifié pour nous sous Ponce Pilate, |
a été crucifié, est mort | Il souffrit sa passion et fut mis au tombeau. |
et a été enseveli, | |
est descendu aux enfers. | |
Le troisième jour est ressuscité des morts, | II ressuscita le troisième jour, |
conformément aux Ecritures, | |
est monté aux cieux, | et Il monta au ciel; |
est assis à la droite de Dieu le Père | Il est assis à la droite du Père. |
Tout-Puissant, | |
doù Il viendra juger les vivants et les morts. | Il reviendra dans la gloire, |
pour juger les vivants et les morts; | |
et son règne naura pas de fin. | |
Je crois en lEsprit Saint, | Je crois en lEsprit Saint, |
qui est Seigneur et qui donne la vie; | |
Il procède du Père et du Fils; | |
avec le Père et le Fils, | |
Il reçoit même adoration et même gloire; | |
II a parlé par les prophètes. | |
à la sainte Eglise catholique, | Je crois en lEglise, |
à la communion des saints, | une, sainte, catholique et apostolique. |
Je reconnais un seul baptême | |
à la rémission des péchés, | pour le pardon des péchés. |
à la résurrection de la chair, | Jattends la résurrection des morts, |
à la vie éternelle, | et la vie du monde à venir. |
Amen. | Amen. |
Deuxième section
La profession de la foi chrétienne
Les symboles de la foi
185 Qui dit " Je crois ", dit " Jadhère à ce que nous croyons ". La communion dans la foi a besoin dun langage commun de la foi, normatif pour tous et unissant dans la même confession de foi.
186 Dès lorigine, lÉglise apostolique a exprimé et transmis sa propre foi en des formules brèves et normatives pour tous (cf. Rm 10, 9 ; 1 Co 15, 3-5 ; etc.). Mais très tôt déjà, lÉglise a aussi voulu recueillir lessentiel de sa foi en des résumés organiques et articulés, destinés surtout aux candidats au Baptême :
Cette synthèse de la foi na pas été faite selon les opinions humaines ; mais de toute lÉcriture a été recueilli ce quil y a de plus important, pour donner au complet lunique enseignement de la foi. Et comme la semence de sénevé contient dans une toute petite graine un grand nombre de branches, de même ce résumé de la foi renferme-t-il en quelques paroles toute la connaissance de la vraie piété contenue dans lAncien et le Nouveau Testament (S. Cyrille de Jérusalem, catech. ill. 5, 12 : PG 33, 521-524).
187 On appelle ces synthèses de la foi " professions de foi " puisquelles résument la foi que professent les chrétiens. On les appelle " Credo " en raison de ce qui en est normalement la première parole : " Je crois ". On les appelle également " Symboles de la foi ".
188 Le mot grec symbolon signifiait la moitié dun objet brisé (par exemple un sceau) que lon présentait comme un signe de reconnaissance. Les parties brisées étaient mises ensemble pour vérifier lidentité du porteur. Le " symbole de la foi " est donc un signe de reconnaissance et de communion entre les croyants. Symbolon signifie ensuite recueil, collection ou sommaire. Le " symbole de la foi " est le recueil des principales vérités de la foi. Doù le fait quil sert de point de référence premier et fondamental de la catéchèse.
189 La première " profession de foi " se fait lors du Baptême. Le " symbole de la foi " est dabord le symbole baptismal. Puisque le Baptême est donné " au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit " (Mt 28, 19), les vérités de foi professées lors du Baptême sont articulées selon leur référence aux trois personnes de la Sainte Trinité.
190 Le Symbole est donc divisé en trois parties : " dabord il est question de la première Personne divine et de luvre admirable de la création ; ensuite, de la seconde Personne divine et du mystère de la Rédemption des hommes ; enfin de la troisième Personne divine, source et principe de notre sanctification " (Catech. R. 1, 1, 3). Ce sont là " les trois chapitres de notre sceau (baptismal) " (S. Irénée, dem. 100).
191 " Ces trois parties sont distinctes quoique liées entre elles. Daprès une comparaison souvent employée par les Pères, nous les appelons articles. De même, en effet, que dans nos membres, il y a certaines articulations qui les distinguent et les séparent, de même, dans cette profession de foi, on a donné avec justesse et raison le nom darticles aux vérités que nous devons croire en particulier et dune manière distincte " (Catech. R. 1, 1, 4). Selon une antique tradition, attestée déjà par S. Ambroise, on a aussi coutume de compter douze articles du Credo, symbolisant par le nombre des apôtres lensemble de la foi apostolique (cf. symb. 8 : PL 17, 1158D).
192 Nombreux ont été, tout au long des siècles, en réponse aux besoins des différentes époques, les professions ou symboles de la foi : les symboles des différentes Églises apostoliques et anciennes (cf. DS 1-64), le Symbole " Quicumque ", dit de S. Athanase (cf. DS 75-76), les professions de foi de certains Conciles (Tolède : DS 525-541 ; Latran : DS 800-802 ; Lyon : DS 851-861 ; Trente : DS 1862-1870) ou de certains papes, tels la " Fides Damasi " (cf. DS 71-72) ou le " Credo du Peuple de Dieu " [SPF] de Paul VI (1968).
193 Aucun des symboles des différentes étapes de la vie de lÉglise ne peut être considéré comme dépassé et inutile. Ils nous aident à atteindre et à approfondir aujourdhui la foi de toujours à travers les divers résumés qui en ont été faits.
Parmi tous les symboles de la foi, deux tiennent une place toute particulière dans la vie de lÉglise :
194 Le Symbole des apôtres, appelé ainsi parce quil est considéré à juste titre comme le résumé fidèle de la foi des apôtres. Il est lancien symbole baptismal de lÉglise de Rome. Sa grande autorité lui vient de ce fait : " Il est le symbole que garde lÉglise romaine, celle où a siégé Pierre, le premier des apôtres, et où il a apporté la sentence commune " (S. Ambroise, symb. 7 : PL 17, 1158D).
195 Le Symbole dit de Nicée-Constantinople tient sa grande autorité du fait quil est issu des deux premiers Conciles cuméniques (325 et 381). Il demeure commun, aujourdhui encore, à toutes les grandes Églises de lOrient et de lOccident.
196 Notre exposé de la foi suivra le Symbole des apôtres qui constitue, pour ainsi dire, " le plus ancien catéchisme romain ". Lexposé sera cependant complété par des références constantes au Symbole de Nicée-Constantinople, souvent plus explicite et plus détaillé.
197 Comme au jour de notre Baptême, lorsque toute notre vie a été confiée " à la règle de doctrine " (Rm 6, 17), accueillons le Symbole de notre foi qui donne la vie. Réciter avec foi le Credo, cest entrer en communion avec Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit, cest entrer aussi en communion avec lÉglise toute entière qui nous transmet la foi et au sein de laquelle nous croyons :
Ce Symbole est le sceau spirituel, il est la méditation de notre cur et la garde toujours présente, il est, à coup sûr, le trésor de notre âme (S. Ambroise, symb. 1 : PL 17, 1155C).
Chapitre premier
Je crois en Dieu le Père
198 Notre profession de foi commence par Dieu, car Dieu est " Le premier et Le dernier " (Is 44, 6), le Commencement et la Fin de tout. Le Credo commence par Dieu le Père, parce que le Père est la Première Personne Divine de la Très Sainte Trinité ; notre Symbole commence par la création du ciel et de la terre, parce que la création est le commencement et le fondement de toutes les uvres de Dieu .
Article 1
" Je crois en Dieu le Père Tout-puissant
Créateur du ciel et de la terre "
Paragraphe 1. Je crois en Dieu
199 " Je crois en Dieu " : cette première affirmation de la profession de foi est aussi la plus fondamentale. Tout le Symbole parle de Dieu, et sil parle aussi de lhomme et du monde, il le fait par rapport à Dieu. Les articles du Credo dépendent tous du premier, tout comme les commandements explicitent le premier. Les autres articles nous font mieux connaître Dieu tel quil sest révélé progressivement aux hommes. " Les fidèles font dabord profession de croire en Dieu " (Catech. R. 1, 2, 2).
I. " Je crois en un seul Dieu "
200 Cest avec ces paroles que commence le Symbole de Nicée-Constantinople. La confession de lUnicité de Dieu, qui a sa racine dans la Révélation Divine dans lAncienne Alliance, est inséparable de celle de lexistence de Dieu et tout aussi fondamentale. Dieu est Unique : il ny a quun seul Dieu : " La foi chrétienne confesse quil y a un seul Dieu, par nature, par substance et par essence " (Catech. R. 1, 2, 8).
201 A Israël, son élu, Dieu Sest révélé comme lUnique : " Écoute, Israël ! Le Seigneur notre Dieu est le Seigneur Un. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cur, de tout ton être, de toute ta force " (Dt 6, 4-5). Par les prophètes, Dieu appelle Israël et toutes les nations à se tourner vers Lui, lUnique : " Tournez-vous vers Moi et vous serez sauvés, tous les confins de la terre, car Je suis Dieu, il ny en a pas dautre (...). Oui, devant Moi tout genou fléchira, par Moi jurera toute langue en disant : en Dieu seul sont la justice et la force " (Is 45, 22-24 ; cf. Ph 2, 10-11).
202 Jésus Lui-même confirme que Dieu est " lunique Seigneur " et quil faut Laimer " de tout son cur, de toute son âme, de tout son esprit et de toutes ses forces " (cf. Mc 12, 29-30). Il laisse en même temps entendre quIl est Lui-même " le Seigneur " (cf. Mc 12, 35-37). Confesser que " Jésus est Seigneur " est le propre de la foi chrétienne. Cela nest pas contraire à la foi en Dieu lUnique. Croire en lEsprit Saint " qui est Seigneur et qui donne la Vie " nintroduit aucune division dans le Dieu unique :
Nous croyons fermement et nous affirmons simplement, quil y a un seul vrai Dieu, immense et immuable, incompréhensible, Tout-Puissant et ineffable, Père et Fils et Saint Esprit : Trois Personnes, mais une Essence, une Substance ou Nature absolument simple (Cc. Latran IV : DS 800).
II. Dieu révèle son nom
203 A son peuple Israël Dieu sest révélé en lui faisant connaître son nom. Le nom exprime lessence, lidentité de la personne et le sens de sa vie. Dieu a un nom. Il nest pas une force anonyme. Livrer son nom, cest se faire connaître aux autres ; cest en quelque sorte se livrer soi-même en se rendant accessible, capable dêtre connu plus intimement et dêtre appelé, personnellement.
204 Dieu sest révélé progressivement et sous divers noms à son peuple, mais cest la révélation du nom divin faite à Moïse dans la théophanie du buisson ardent, au seuil de lExode et de lalliance du Sinaï qui sest avérée être la révélation fondamentale pour lAncienne et la Nouvelle Alliance.
Le Dieu vivant
205 Dieu appelle Moïse du milieu dun buisson qui brûle sans se consumer. Dieu dit à Moïse : " Je suis le Dieu de tes pères, le Dieu dAbraham, le Dieu dIsaac et le Dieu de Jacob " (Ex 3, 6). Dieu est le Dieu des pères, Celui qui avait appelé et guidé les patriarches dans leurs pérégrinations. Il est le Dieu fidèle et compatissant qui se souvient deux et de Ses promesses ; Il vient pour libérer leurs descendants de lesclavage. Il est le Dieu qui par delà lespace et le temps le peut et le veux et qui mettra Sa Toute Puissance en uvre pour ce dessein.
" Je suis Celui qui suis "
Moïse dit à Dieu : " Voici, je vais trouver les Israélites et je leur dis : Le Dieu de vos pères ma envoyé vers vous. Mais sils me disent : quel est son nom ?, que leur dirai-je ? " Dieu dit à Moïse : " Je Suis Celui qui Suis ". Et il dit : " Voici ce que tu diras aux Israélites : Je suis ma envoyé vers vous. (...) Cest mon nom pour toujours, cest ainsi que lon minvoquera de génération en génération " (Ex 3, 13-15).
206 En révélant Son nom mystérieux de YHWH, " Je Suis Celui qui Est " ou " Je Suis Celui qui Suis " ou aussi " Je Suis qui Je Suis ", Dieu dit Qui Il est et de quel nom on doit Lappeler. Ce nom Divin est mystérieux comme Dieu est mystère. Il est tout à la fois un nom révélé et comme le refus dun nom, et cest par là même quil exprime le mieux Dieu comme ce quIl est, infiniment au-dessus de tout ce que nous pouvons comprendre ou dire : Il est le " Dieu caché " (Is 45, 15), son nom est ineffable (cf. Jg 13, 18), et Il est le Dieu qui Se fait proche des hommes :
207 En révélant son nom, Dieu révèle en même temps sa fidélité qui est de toujours et pour toujours, valable pour le passé (" Je suis le Dieu de tes pères ", Ex 3, 6), comme pour lavenir : (" Je serai avec toi ", Ex 3,12). Dieu qui révèle son nom comme " Je suis " se révèle comme le Dieu qui est toujours là, présent auprès de son peuple pour le sauver.
208 Devant la présence attirante et mystérieuse de Dieu, lhomme découvre sa petitesse. Devant le buisson ardent, Moïse ôte ses sandales et se voile le visage (cf. Ex 3, 5-6) face à la Sainteté Divine. Devant la gloire du Dieu trois fois saint, Isaïe sécrie : " Malheur à moi, je suis perdu ! Car je suis un homme aux lèvres impures " (Is 6, 5). Devant les signes divins que Jésus accomplit, Pierre sécrie : " Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un pécheur " (Lc 5, 8). Mais parce que Dieu est saint, Il peut pardonner à lhomme qui se découvre pécheur devant lui : " Je ne donnerai pas cours à lardeur de ma colère (...) car je suis Dieu et non pas homme, au milieu de toi je suis le Saint " (Os 10, 9). Lapôtre Jean dira de même : " Devant Lui nous apaiseront notre cur, si notre cur venait à nous condamner, car Dieu est plus grand que notre cur, et Il connaît tout " (1 Jn 3, 19-20).
209 Par respect pour sa sainteté, le peuple dIsraël ne prononce pas le nom de Dieu. Dans la lecture de lÉcriture Sainte le nom révélé est remplacé par le titre divin " Seigneur " (Adonaï, en grec Kyrios). Cest sous ce titre que sera acclamée la Divinité de Jésus : " Jésus est Seigneur ".
" Dieu de tendresse et de pitié "
210 Après le péché dIsraël, qui sest détourné de Dieu pour adorer le veau dor (cf. Ex 32), Dieu écoute lintercession de Moïse et accepte de marcher au milieu dun peuple infidèle, manifestant ainsi son amour (cf. Ex 33, 12-17). A Moïse qui demande de voir Sa gloire, Dieu répond : " Je ferai passer devant toi toute ma bonté [beauté] et je prononcerai devant toi le nom de YHWH " (Ex 33, 18-19). Et le Seigneur passe devant Moïse et proclame : " YHWH, YHWH, Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité " (Ex 34, 5-6). Moïse confesse alors que le Seigneur est un Dieu qui pardonne (cf. Ex 34, 9).
211 Le nom divin " Je suis " ou " Il est " exprime la fidélité de Dieu qui, malgré linfidélité du péché des hommes et du châtiment quil mérite, " garde sa grâce à des milliers " (Ex 34, 7). Dieu révèle quIl est " riche en miséricorde " (Ep 2, 4) en allant jusquà donner son propre Fils. En donnant sa vie pour nous libérer du péché, Jésus révélera quIl porte Lui-même le nom divin : " quand vous aurez élevé le Fils de lhomme, alors vous saurez que Je suis " (Jn 8, 28).
Dieu seul EST
212 Au cours des siècles, la foi dIsraël a pu déployer et approfondir les richesses contenues dans la révélation du nom divin. Dieu est unique, hormis Lui pas de dieux (cf. Is 44, 6). Il transcende le monde et lhistoire. Cest Lui qui a fait le ciel et la terre : " Eux périssent, Toi tu restes ; tous, comme un vêtement ils susent (...) mais Toi, le même, sans fin sont tes années " (Ps 102, 27-28). En Lui " nexiste aucun changement, ni lombre dune variation " (Jc 1, 17). Il est " Celui qui est ", depuis toujours et pour toujours, et cest ainsi quIl demeure toujours fidèle à Lui-même et à ses promesses.
213 La révélation du nom ineffable " Je suis celui qui suis " contient donc la vérité que Dieu seul EST. Cest en ce sens que déjà la traduction des Septante et à sa suite la Tradition de lÉglise, ont compris le nom divin : Dieu est la plénitude de lÊtre et de toute perfection, sans origine et sans fin. Alors que toutes les créatures ont reçu de Lui tout leur être et leur avoir, Lui seul est son être même et Il est de Lui-même tout ce quIl est.
III. Dieu , " Celui qui est ", est Vérité et Amour
214 Dieu, " Celui qui est ", sest révélé à Israël comme Celui qui est " riche en grâce et en fidélité " (Ex 34, 6). Ces deux termes expriment de façon condensée les richesses du nom divin. Dans toutes ses uvres Dieu montre sa bienveillance, sa bonté, sa grâce, son amour ; mais aussi sa fiabilité, sa constance, sa fidélité, sa vérité. " Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité " (Ps 138, 2 ; cf. Ps 85, 11). Il est la Vérité, car " Dieu est Lumière, en Lui point de ténèbres " (1 Jn 1, 5) ; Il est " Amour ", comme lapôtre Jean lenseigne (1 Jn 4, 8).
Dieu est Vérité
215 " Vérité, le principe de ta parole ! Pour léternité, tes justes jugements " (Ps 119, 160). " Oui, Seigneur Dieu, cest Toi qui es Dieu, tes paroles sont vérité " (2 S 7, 28) ; cest pourquoi les promesses de Dieu se réalisent toujours (cf. Dt 7, 9). Dieu est la Vérité même, ses paroles ne peuvent tromper. Cest pourquoi on peut se livrer en toute confiance à la vérité et à la fidélité de sa parole en toutes choses. Le commencement du péché et de la chute de lhomme fut un mensonge du tentateur qui induit à douter de la parole de Dieu, de sa bienveillance et de sa fidélité.
216 La vérité de Dieu est sa sagesse qui commande tout lordre de la création et du gouvernement du monde (cf. Sg 13, 1-9). Dieu qui, seul, a créé le ciel et la terre (cf. Ps 115, 15), peut seul donner la connaissance véritable de toute chose créée dans sa relation à Lui (cf. Sg 7, 17-21).
217 Dieu est vrai aussi quand Il se révèle : lenseignement qui vient de Dieu est " une doctrine de vérité " (Ml 2, 6). Quand Il enverra son Fils dans le monde ce sera " pour rendre témoignage à la Vérité " (Jn 18, 37) : " Nous savons que le Fils de Dieu est venu et quIl nous a donné lintelligence afin que nous connaissions le Véritable " (1 Jn 5, 20 ; cf. Jn 17, 3).
Dieu est Amour
218 Au cours de son histoire, Israël a pu découvrir que Dieu navait quune raison de sêtre révélé à lui et de lavoir choisi parmi tous les peuples pour être à lui : son amour gratuit (cf. Dt 4, 37 ; 7, 8 ; 10, 15). Et Israël de comprendre, grâce à ses prophètes, que cest encore par amour que Dieu na cessé de le sauver (cf. Is 43, 1-7) et de lui pardonner son infidélité et ses péchés (cf. Os 2).
219 Lamour de Dieu pour Israël est comparé à lamour dun père pour son fils (Os 11, 1). Cet amour est plus fort que lamour dune mère pour ses enfants (cf. Is 49, 14-15). Dieu aime son Peuple plus quun époux sa bien-aimée (cf. Is 62, 4-5) ; cet amour sera vainqueur même des pires infidélités (cf. Ez 16 ; Os 11) ; il ira jusquau don le plus précieux : " Dieu a tant aimé le monde quIl a donné son Fils unique " (Jn 3, 16).
220 Lamour de Dieu est " éternel " (Is 54, 8) : " Car les montagnes peuvent sen aller et les collines sébranler, mais mon amour pour toi ne sen ira pas " (Is 54, 10). " Dun amour éternel, je tai aimé ; cest pourquoi je tai conservé ma faveur " (Jr 31, 3).
221 S. Jean va encore plus loin lorsquil atteste : " Dieu est Amour " (1 Jn 4, 8. 16) : lÊtre même de Dieu est Amour. En envoyant dans la plénitude des temps son Fils unique et lEsprit dAmour, Dieu révèle son secret le plus intime (cf. 1 Co 2, 7-16 ; Ep 3, 9-12) : Il est Lui-même éternellement échange damour : Père, Fils et Esprit Saint, et Il nous a destinés à y avoir part.
IV. La portée de la foi en Dieu Unique
222 Croire en Dieu, lUnique, et Laimer de tout son être a des conséquences immenses pour toute notre vie :
223 Cest connaître la grandeur et la majesté de Dieu : " Oui, Dieu est si grand quIl dépasse notre science " (Jb 36, 26). Cest pour cela que Dieu doit être " premier servi " (Ste Jeanne dArc, dictum).
224 Cest vivre en action de grâce : si Dieu est lUnique, tout ce que nous sommes et tout ce que nous possédons vient de Lui : " Quas-tu que tu naies reçu ? " (1 Co 4, 7). " Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien quIl ma fait ? " (Ps 116, 12).
225 Cest connaître lunité et la vraie dignité de tous les hommes : tous, ils sont faits " à limage et à la ressemblance de Dieu " (Gn 1, 26).
226 Cest bien user des choses créées : la foi en Dieu lUnique nous amène à user de tout ce qui nest pas Lui dans la mesure où cela nous rapproche de Lui, et à nous en détacher dans la mesure où cela nous détourne de Lui (cf. Mt 5, 29-30 ; 16, 24 ; 19, 23-24) :
Mon Seigneur et mon Dieu, prends-moi tout ce qui méloigne de Toi. Mon Seigneur et mon Dieu, donne-moi tout ce qui me rapproche de Toi. Mon Seigneur et mon Dieu, détache-moi de moi-même pour me donner tout à Toi (S. Nicolas de Flüe, prière).
227 Cest faire confiance à Dieu en toute circonstance, même dans ladversité. Une prière de Ste. Thérèse de Jésus lexprime admirablement :
Que rien ne te trouble / Que rien ne teffraie
Tout passe / Dieu ne change pas
La patience obtient tout / Celui qui a Dieu
Ne manque de rien / Dieu seul suffit.
(Poes. 9)
En bref
228 " Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est lUnique Seigneur... " (Dt 6, 4 ; Mc 12, 29). " Il faut nécessairement que lÊtre suprême soit unique, cest-à-dire sans égal. (...) Si Dieu nest pas unique, il nest pas Dieu " (Tertullien, Marc. 1, 3).
229 La foi en Dieu nous amène à nous tourner vers Lui seul comme vers notre première origine et notre fin ultime, et ne rien Lui préférer ou Lui substituer.
230 Dieu, en se révélant, demeure mystère ineffable : " Si tu Le comprenais, ce ne serait pas Dieu " (S. Augustin, serm. 52, 6, 16 : PL 38, 360).
231 Le Dieu de notre foi sest révélé comme Celui qui est ; Il sest fait connaître comme " riche en grâce et en fidélité " (Ex 34, 6). Son Être même est Vérité et Amour.
Paragraphe 2. Le Père
I. " Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit "
232 Les chrétiens sont baptisés " au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit " (Mt 28, 19). Auparavant ils répondent " Je crois " à la triple interrogation qui leur demande de confesser leur foi au Père, au Fils et à lEsprit : " La foi de tous les chrétiens repose sur la Trinité " (S. Césaire dArles, symb. : CCL 103, 48).
233 Les chrétiens sont baptisés " au nom " du Père et du Fils et du Saint-Esprit et non pas " aux noms " de ceux-ci (cf. Profession de foi du pape Vigile en 552 : DS 415) car il ny a quun seul Dieu, le Père tout puissant et son Fils unique et lEsprit Saint : la Très Sainte Trinité.
234 Le mystère de la Très Sainte Trinité est le mystère central de la foi et de la vie chrétienne. Il est le mystère de Dieu en Lui-même. Il est donc la source de tous les autres mystères de la foi ; il est la lumière qui les illumine. Il est lenseignement le plus fondamental et essentiel dans la " hiérarchie des vérités de foi " (DCG 43). " Toute lhistoire du salut nest autre que lhistoire de la voie et des moyens par lesquels le Dieu vrai et unique, Père, Fils et Saint-Esprit, se révèle, se réconcilie et sunit les hommes qui se détournent du péché " (DCG 47).
235 Dans ce paragraphe, il sera exposé brièvement de quelle manière est révélé le mystère de la Bienheureuse Trinité (I), comment lÉglise a formulé la doctrine de la foi sur ce mystère (II), et enfin, comment, par les missions divines du Fils et de lEsprit Saint, Dieu le Père réalise son " dessein bienveillant " de création, de rédemption et de sanctification (III).
236 Les Pères de lÉglise distinguent entre la Theologia et lOikonomia, désignant par le premier terme le mystère de la vie intime du Dieu-Trinité, par le second toutes les uvres de Dieu par lesquelles Il Se révèle et communique Sa vie. Cest par lOikonomia que nous est révélée la Theologia ; mais inversement, cest la Theologia qui éclaire toute lOikonomia. Les uvres de Dieu révèlent qui Il est en Lui-même ; et inversement, le mystère de Son Être intime illumine lintelligence de toutes Ses uvres. Il en est ainsi, analogiquement, entre les personnes humaines. La personne se montre dans son agir, et mieux nous connaissons une personne, mieux nous comprenons son agir.
237 La Trinité est un mystère de foi au sens strict, un des " mystères cachés en Dieu, qui ne peuvent être connus sils ne sont révélés den haut " (Cc. Vatican I : DS 3015). Dieu certes a laissé des traces de son être trinitaire dans son uvre de Création et dans sa Révélation au cours de lAncien Testament. Mais lintimité de Son Être comme Trinité Sainte constitue un mystère inaccessible à la seule raison et même à la foi dIsraël avant lIncarnation du Fils de Dieu et la mission du Saint Esprit .
II. La révélation de Dieu comme Trinité
Le Père révélé par le Fils
238 Linvocation de Dieu comme " Père " est connue dans beaucoup de religions. La divinité est souvent considérée comme " père des dieux et des hommes ". En Israël, Dieu est appelé Père en tant que Créateur du monde (cf. Dt 32, 6 ; Ml 2, 10). Dieu est Père plus encore en raison de lalliance et du don de la Loi à Israël son " fils premier-né " (Ex 4, 22). Il est aussi appelé Père du roi dIsraël (cf. 2 S 7, 14). Il est tout spécialement " le Père des pauvres ", de lorphelin et de la veuve qui sont sous sa protection aimante (cf. Ps 68, 6).
239 En désignant Dieu du nom de " Père ", le langage de la foi indique principalement deux aspects : que Dieu est origine première de tout et autorité transcendante et quil est en même temps bonté et sollicitude aimante pour tous ses enfants. Cette tendresse parentale de Dieu peut aussi être exprimée par limage de la maternité (cf. Is 66, 13 ; Ps 131, 2) qui indique davantage limmanence de Dieu, lintimité entre Dieu et Sa créature. Le langage de la foi puise ainsi dans lexpérience humaine des parents qui sont dune certaine façon les premiers représentants de Dieu pour lhomme. Mais cette expérience dit aussi que les parents humains sont faillibles et quils peuvent défigurer le visage de la paternité et de la maternité. Il convient alors de rappeler que Dieu transcende la distinction humaine des sexes. Il nest ni homme, ni femme, il est Dieu. Il transcende aussi la paternité et la maternité humaines (cf. Ps 27, 10), tout en en étant lorigine et la mesure (cf. Ep 3, 14 ; Is 49, 15) : Personne nest père comme lest Dieu.
240 Jésus a révélé que Dieu est " Père " dans un sens inouï : Il ne lest pas seulement en tant que Créateur, Il est éternellement Père en relation à son Fils unique, qui éternellement nest Fils quen relation au Père : " Nul ne connaît le Fils si ce nest le Père, comme nul ne connaît le Père si ce nest le Fils et celui à qui le Fils veut bien Le révéler " (Mt 11, 27).
241 Cest pourquoi les apôtres confessent Jésus comme " le Verbe qui était au commencement auprès de Dieu et qui est Dieu " (Jn 1, 1), comme " limage du Dieu invisible " (Col 1, 15), comme " le resplendissement de sa gloire et leffigie de sa substance " (He 1, 3).
242 A leur suite, suivant la tradition apostolique, lÉglise a confessé en 325 au premier Concile cuménique de Nicée que le Fils est " consubstantiel " au Père, cest-à-dire un seul Dieu avec lui. Le deuxième Concile cuménique, réuni à Constantinople en 381, a gardé cette expression dans sa formulation du Credo de Nicée et a confessé " le Fils unique de Dieu, engendré du Père avant tous les siècles, lumière de lumière, vrai Dieu du vrai Dieu, engendré non pas créé, consubstantiel au Père " (DS 150).
Le Père et le Fils révélés par lEsprit
243 Avant sa Pâque, Jésus annonce lenvoi dun " autre Paraclet " (Défenseur), lEsprit Saint. A luvre depuis la création (cf. Gn 1, 2), ayant jadis " parlé par les prophètes " (Symbole de Nicée-Constantinople), il sera maintenant auprès des disciples et en eux (cf. Jn 14, 17), pour les enseigner (cf. Jn 14, 26) et les conduire " vers la vérité tout entière " (Jn 16, 13). LEsprit Saint est ainsi révélé comme une autre personne divine par rapport à Jésus et au Père.
244 Lorigine éternelle de lEsprit se révèle dans sa mission temporelle. LEsprit Saint est envoyé aux apôtres et à lÉglise aussi bien par le Père au nom du Fils, que par le Fils en personne, une fois retourné auprès du Père (cf. Jn 14, 26 ; 15, 26 ; 16, 14). Lenvoi de la personne de lEsprit après la glorification de Jésus (cf. Jn 7, 39) révèle en plénitude le mystère de la Sainte Trinité.
245 La foi apostolique concernant lEsprit a été confessée par le deuxième Concile cuménique en 381 à Constantinople : " Nous croyons dans lEsprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie ; il procède du Père " (DS 150). LÉglise reconnaît par là le Père comme " la source et lorigine de toute la divinité " (Cc. Tolède VI en 638 : DS 490). Lorigine éternelle de lEsprit Saint nest cependant pas sans lien avec celle du Fils : " LEsprit Saint qui est la Troisième Personne de la Trinité, est Dieu, un et égale au Père et au Fils, de même substance et aussi de même nature. (...) Cependant, on ne dit pas quil est seulement lEsprit du Père, mais à la fois lEsprit du Père et du Fils " (Cc. Tolède XI en 675 : DS 527). Le Credo du Concile de Constantinople de lÉglise confesse : " Avec le Père et le Fils il reçoit même adoration et même gloire " (DS 150).
246 La tradition latine du Credo confesse que lEsprit " procède du Père et du Fils (filioque) ". Le Concile de Florence, en 1438, explicite : " Le Saint Esprit tient son essence et son être à la fois du Père et du Fils et Il procède éternellement de lUn comme de lAutre comme dun seul Principe et par une seule spiration... Et parce que tout ce qui est au Père, le Père Lui-même la donné à Son Fils unique en Lengendrant, à lexception de son être de Père, cette procession même du Saint Esprit à partir du Fils, Il la tient éternellement de son Père qui La engendré éternellement " (DS 1300-1301).
247 Laffirmation du filioque
ne figurait pas dans le symbole confessé en 381 à Constantinople. Mais sur la base dune ancienne tradition latine et alexandrine, le Pape S. Léon lavait déjà confessée dogmatiquement en 447 (cf. DS 284) avant même que Rome ne connût et ne reçût, en 451, au Concile de Chalcédoine, le symbole de 381. Lusage de cette formule dans le Credo a été peu à peu admis dans la liturgie latine (entre le VIIIe et le XIe siècle). Lintroduction du filioque dans le Symbole de Nicée-Constantinople par la liturgie latine constitue cependant, aujourdhui encore, un différend avec les Églises orthodoxes.248 La tradition orientale exprime dabord le caractère dorigine première du Père par rapport à lEsprit. En confessant lEsprit comme " issu du Père " (Jn 15, 26), elle affirme que celui-ci est issu du Père par le Fils (cf. AG 2). La tradition occidentale exprime dabord la communion consubstantielle entre le Père et le Fils en disant que lEsprit procède du Père et du Fils (filioque). Elle le dit " de manière légitime et raisonnable " (Cc. Florence en 1439 : DS 1302), car lordre éternel des personnes divines dans leur communion consubstantielle implique que le Père soit lorigine première de lEsprit en tant que " principe sans principe " (DS 1331), mais aussi quen tant que Père du Fils unique, Il soit avec Lui " lunique principe doù procède lEsprit Saint " (Cc. Lyon II en 1274 : DS 850). Cette légitime complémentarité, si elle nest pas durcie, naffecte pas lidentité de la foi dans la réalité du même mystère confessé.
III. La Sainte Trinité dans la doctrine de la foi
La formation du dogme trinitaire
249 La vérité révélée de la Sainte Trinité a été dès les origines à la racine de la foi vivante de lÉglise, principalement au moyen du baptême. Elle trouve son expression dans la règle de la foi baptismale, formulée dans la prédication, la catéchèse et la prière de lÉglise. De telles formulations se trouvent déjà dans les écrits apostoliques, ainsi cette salutation, reprise dans la liturgie eucharistique : " La grâce du Seigneur Jésus-Christ, lamour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous " (2 Co 13, 13 ; cf. 1 Co 12, 4-6 ; Ep 4, 4-6).
250 Au cours des premiers siècles, lÉglise a cherché de formuler plus explicitement sa foi trinitaire tant pour approfondir sa propre intelligence de la foi que pour la défendre contre des erreurs qui la déformaient. Ce fut luvre des Conciles anciens, aidés par le travail théologique des Pères de lÉglise et soutenus par le sens de la foi du peuple chrétien.
251 Pour la formulation du dogme de la Trinité, lÉglise a dû développer une terminologie propre à laide de notions dorigine philosophique : " substance ", " personne " ou " hypostase ", " relation ", etc. Ce faisant, elle na pas soumis la foi à une sagesse humaine mais a donné un sens nouveau, inouï à ces termes appelés à signifier désormais aussi un mystère ineffable, " infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons concevoir à la mesure humaine " (SPF 9).
252 LÉglise utilise le terme " substance " (rendu aussi parfois par " essence " ou par " nature ") pour désigner lêtre divin dans son unité, le terme " personne " ou " hypostase " pour désigner le Père, le Fils et le Saint-Esprit dans leur distinction réelle entre eux, le terme " relation " pour désigner le fait que leur distinction réside dans la référence des uns aux autres.
Le dogme de la Sainte Trinité
253 La Trinité est Une. Nous ne confessons pas trois dieux, mais un seul Dieu en trois personnes : " la Trinité consubstantielle " (Cc. Constantinople II en 553 : DS 421). Les personnes divines ne se partagent pas lunique divinité mais chacune delles est Dieu tout entier : " Le Père est cela même quest le Fils, le Fils cela même quest le Père, le Père et le Fils cela même quest le Saint-Esprit, cest-à-dire un seul Dieu par nature " (Cc. Tolède XI en 675 : DS 530). " Chacune des trois personnes est cette réalité, cest-à-dire la substance, lessence ou la nature divine " (Cc. Latran IV en 1215 : DS 804).
254 Les personnes divines sont réellement distinctes entre elles. " Dieu est unique mais non pas solitaire " (Fides Damasi : DS 71). " Père ", " Fils ", " Esprit Saint " ne sont pas simplement des noms désignant des modalités de lêtre divin, car ils sont réellement distincts entre eux : " Celui qui est le Fils nest pas le Père, et celui qui est le Père nest pas le Fils, ni le Saint-Esprit nest celui qui est le Père ou le Fils " (Cc. Tolède XI en 675 : DS 530). Ils sont distincts entre eux par leurs relations dorigine : " Cest le Père qui engendre, le Fils qui est engendré, le Saint-Esprit qui procède " (Cc. Latran IV en 1215 : DS 804). LUnité divine est Trine.
255 Les personnes divines sont relatives les unes aux autres. Parce quelle ne divise pas lunité divine, la distinction réelle des personnes entre elles réside uniquement dans les relations qui les réfèrent les unes aux autres : " Dans les noms relatifs des personnes, le Père est référé au Fils, le Fils au Père, le Saint-Esprit aux deux ; quand on parle de ces trois personnes en considérant les relations, on croit cependant en une seule nature ou substance " (Cc. Tolède XI en 675 : DS 528). En effet, " tout est un [en eux] là où lon ne rencontre pas lopposition de relation " (Cc. Florence en 1442 : DS 1330). " A cause de cette unité, le Père est tout entier dans le Fils, tout entier dans le Saint-Esprit ; le Fils est tout entier dans le Père, tout entier dans le Saint-Esprit ; le Saint-Esprit tout entier dans le Père, tout entier dans le Fils " (Cc. Florence en 1442 : DS 1331).
256 Aux Catéchumènes de Constantinople, S. Grégoire de Nazianze, que lon appelle aussi " le Théologien ", confie ce résumé de la foi trinitaire :
Avant toutes choses, gardez-moi ce bon dépôt, pour lequel je vis et je combats, avec lequel je veux mourir, qui me fait supporter tous les maux et mépriser tous les plaisirs : je veux dire la profession de foi en le Père et le Fils et le Saint-Esprit. Je vous la confie aujourdhui. Cest par elle que je vais tout à lheure vous plonger dans leau et vous en élever. Je vous la donne pour compagne et patronne de toute votre vie. Je vous donne une seule Divinité et Puissance, existant Une dans les Trois, et contenant les Trois dune manière distincte. Divinité sans disparate de substance ou de nature, sans degré supérieur qui élève ou degré inférieur qui abaisse. (...) Cest de trois infinis linfinie connaturalité. Dieu tout entier chacun considéré en soi-même (...), Dieu les Trois considérés ensemble (...). Je nai pas commencé de penser à lUnité que la Trinité me baigne dans sa splendeur. Je nai pas commencé de penser à la Trinité que lunité me ressaisit ... (or. 40, 41 : PG 36, 417).
IV. Les uvres divines et les missions trinitaires
257 " O Trinité lumière bienheureuse, O primordiale unité " (LH, hymne " O lux beata Trinitas " de vêpres) ! Dieu est éternelle béatitude, vie immortelle, lumière sans déclin. Dieu est amour : Père, Fils et Esprit Saint. Librement Dieu veut communiquer la gloire de sa vie bienheureuse. Tel est le " dessein bienveillant " (Ep 1, 9) quil a conçu dès avant la création du monde en son Fils bien-aimé, " nous prédestinant à ladoption filiale en celui-ci " (Ep 1, 4-5), cest-à-dire " à reproduire limage de Son Fils " (Rm 8, 29) grâce à " lEsprit dadoption filiale " (Rm 8, 15). Ce dessein est une " grâce donnée avant tous les siècles " (2 Tm 1, 9-10), issue immédiatement de lamour trinitaire. Il se déploie dans luvre de la création, dans toute lhistoire du salut après la chute, dans les missions du Fils et de lEsprit, que prolonge la mission de lÉglise (cf. AG 2-9).
258 Toute léconomie divine est luvre commune des trois personnes divines. Car de même quelle na quune seule et même nature, la Trinité na quune seule et même opération (cf. Cc Constantinople II en 553 : DS 421). " Le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne sont pas trois principes des créatures mais un seul principe " (Cc. Florence en 1442 : DS 1331). Cependant, chaque personne divine opère luvre commune selon sa propriété personnelle. Ainsi lÉglise confesse à la suite du Nouveau Testament (cf. 1 Co 8, 6) : " un Dieu et Père de qui sont toutes choses, un Seigneur Jésus-Christ pour qui sont toutes choses, un Esprit Saint en qui sont toutes choses " (Cc. Constantinople II : DS 421). Ce sont surtout les missions divines de lIncarnation du Fils et du don du Saint-Esprit qui manifestent les propriétés des personnes divines.
259 uvre à la fois commune et personnelle, toute léconomie divine fait connaître et la propriété des personnes divines et leur unique nature. Aussi, toute la vie chrétienne est communion avec chacune des personnes divines, sans aucunement les séparer. Celui qui rend gloire au Père le fait par le Fils dans lEsprit Saint ; celui qui suit le Christ, le fait parce que le Père lattire (cf. Jn 6, 44) et que lEsprit le meut (cf. Rm 8, 14).
260 La fin ultime de toute léconomie divine, cest lentrée des créatures dans lunité parfaite de la Bienheureuse Trinité (cf. Jn 17, 21-23). Mais dès maintenant nous sommes appelés à être habités par la Très Sainte Trinité : " Si quelquun maime, dit le Seigneur, il gardera ma parole, et mon Père laimera et nous viendrons à lui, et nous ferons chez lui notre demeure " (Jn 14, 23) :
O mon Dieu, Trinité que jadore, aidez-moi à moublier entièrement pour métablir en Vous, immobile et paisible comme si déjà mon âme était dans léternité ; que rien ne puisse troubler ma paix ni me faire sortir de Vous, ô mon Immuable, mais que chaque minute memporte plus loin dans la profondeur de votre mystère ! Pacifiez mon âme. Faites-en votre ciel, votre demeure aimée et le lieu de votre repos. Que je ne Vous y laisse jamais seul, mais que je sois là, toute entière, toute éveillée en ma foi, toute adorante, toute livrée à votre action créatrice (Prière de la Bienheureuse Élisabeth de la Trinité).
En bref
261 Le mystère de la Très Sainte Trinité est le mystère central de la foi et de la vie chrétienne. Dieu seul peut nous en donner la connaissance en Se révélant comme Père, Fils et Saint-Esprit.
262 LIncarnation du Fils de Dieu révèle que Dieu est le Père éternel, et que le Fils est consubstantiel au Père, cest-à-dire quil est en lui et avec lui le même Dieu unique.
263 La mission du Saint-Esprit, envoyé par le Père au nom du Fils (cf. Jn 14, 26) et par le Fils " dauprès du Père " (Jn 15, 26) révèle quil est avec eux le même Dieu unique. " Avec le Père et le Fils il reçoit même adoration et même gloire ".
264 " Le Saint-Esprit procède du Père en tant que source première et, par le don éternel de celui-ci au Fils, du Père et du Fils en communion " (S. Augustin, Trin. 15, 26, 47).
265 Par la grâce du baptême " au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ", nous sommes appelés à partager la vie de la Bienheureuse Trinité, ici-bas dans lobscurité de la foi, et au-delà de la mort, dans la lumière éternelle (cf. SPF 9).
266 " La foi catholique consiste en ceci : vénérer un seul Dieu dans la Trinité, et la Trinité dans lUnité, sans confondre les personnes, sans diviser la substance : car autre est la personne du Père, autre celle du Fils, autre celle de lEsprit Saint ; mais du Père, du Fils et de lEsprit Saint une est la divinité, égale la gloire, coéternelle la majesté " (Symbolum " Quicumque " (DS 75).
267 Inséparables dans ce quelles sont, les personnes divines sont aussi inséparables dans ce quelles font. Mais dans lunique opération divine chacune manifeste ce qui lui est propre dans la Trinité, surtout dans les missions divines de lIncarnation du Fils et du don du Saint-Esprit.
Paragraphe 3 Le Tout-Puissant
268 De tous les attributs divins, seule la Toute-Puissance de Dieu est nommée dans le Symbole : la confesser est dune grande portée pour notre vie. Nous croyons quelle est universelle, car Dieu qui a tout créé (cf. Gn 1, 1 ; Jn 1, 3), régit tout et peut tout ; aimante, car Dieu est notre Père (cf. Mt 6, 9) ; mystérieuse, car seule la foi peut la discerner lorsqu " elle se déploie dans la faiblesse " (2 Co 12, 9 ; cf. 1 Co 1, 18).
" Tout ce quIl veut, Il le fait " (Ps 115, 3)
269 Les Saintes Écritures confessent à maintes reprises la puissance universelle de Dieu. Il est appelé " Le Puissant de Jacob " (Gn 49, 24 ; Is 1, 24 e.a.), " le Seigneur des armées ", " le Fort, le Vaillant " (Ps 24, 8-10). Si Dieu est Tout-Puissant " au ciel et sur la terre " (Ps 135, 6), cest quil les a faits. Rien ne lui est donc impossible (cf. Jr 32, 17 ; Lc 1, 37) et il dispose à son gré de son uvre (cf. Jr 27, 5) ; il est le Seigneur de lunivers dont il a établi lordre qui lui demeure entièrement soumis et disponible ; il est le Maître de lhistoire : il gouverne les curs et les événements selon son gré (cf. Est 4, 17b ; Pr 21, 1 ; Tb 13, 2) : " Ta grande puissance est toujours à ton service, et qui peut résister à la force de ton bras ? " (Sg 11, 21).
" Tu as pitié de tous, parce que Tu peux tout " (Sg 11, 23)
270 Dieu est le Père Tout-Puissant. Sa paternité et sa puissance séclairent mutuellement. En effet, il montre sa Toute-Puissance paternelle par la manière dont Il prend soin de nos besoins (cf. Mt 6, 32) ; par ladoption filiale quil nous donne (" Je serai pour vous un père, et vous serez pour moi des fils et des filles, dit le Seigneur Tout-Puissant " : 2 Co 6, 18) ; enfin par sa miséricorde infinie, puisquil montre sa puissance au plus haut point en pardonnant librement les péchés.
271 La Toute-Puissance divine nest nullement arbitraire : " En Dieu la puissance et lessence, la volonté et lintelligence, la sagesse et la justice sont une seule et même chose, de sorte que rien ne peut être dans la puissance divine qui ne puisse être dans la juste volonté de Dieu ou dans sa sage intelligence " (S. Thomas dA., s. th. 1, 25, 5, ad 1).
Le mystère de lapparente impuissance de Dieu
272 La foi en Dieu le Père Tout-Puissant peut-être mise à lépreuve par lexpérience du mal et de la souffrance. Parfois Dieu peut sembler absent et incapable dempêcher le mal. Or, Dieu le Père a révélé sa Toute-Puissance de la façon la plus mystérieuse dans labaissement volontaire et dans la Résurrection de son Fils, par lesquels Il a vaincu le mal. Ainsi, le Christ crucifié est " puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes " (1 Co 1, 24-25). Cest dans la Résurrection et dans lexaltation du Christ que le Père a " déployé la vigueur de sa force " et manifesté " quelle extraordinaire grandeur revêt sa puissance pour nous les croyants " (Ep 1, 19-22).
273 Seule la foi peut adhérer aux voies mystérieuses de la Toute-Puissance de Dieu. Cette foi se glorifie de ses faiblesses afin dattirer sur elle la puissance du Christ (cf. 2 Co 12, 9 ; Ph 4, 13). De cette foi, la Vierge Marie est le suprême modèle, elle qui a cru que " rien nest impossible à Dieu " (Lc 1, 37) et qui a pu magnifier le Seigneur : " Le Puissant fit pour moi des merveilles, saint est son nom " (Lc 1, 49).
274 " Rien nest donc plus propre à affermir notre Foi et notre Espérance que la conviction profondément gravée dans nos âmes que rien nest impossible à Dieu. Car tout ce que [le Credo] nous proposera ensuite à croire, les choses les plus grandes, les plus incompréhensibles, aussi bien que les plus élevées au-dessus des lois ordinaires de la nature, dès que notre raison aura seulement lidée de la Toute-Puissance divine, elle les admettra facilement et sans hésitation aucune " (Catech. R. 1, 2, 13).
En bref
275 Avec Job, le juste, nous confessons : " Je sais que Tu es Tout-Puissant : ce que Tu conçois, Tu peux le réaliser " (Jb 42, 2).
276 Fidèle au témoignage de lÉcriture, lÉglise adresse souvent sa prière au " Dieu Tout-Puissant et éternel " (" omnipotens sempiterne Deus... "), croyant fermement que " rien nest impossible à Dieu " (Lc 1, 37 ; cf. Gn 18, 14 ; Mt 19, 26).
277 Dieu manifeste sa Toute-Puissance en nous convertissant de nos péchés et en nous rétablissant dans son amitié par la grâce : " Dieu, qui donnes la preuve suprême de ta puissance, lorsque tu patientes et prends pitié... " (MR, collecte du 26e dimanche).
278 A moins de croire que lamour de Dieu est Tout-Puissant, comment croire que le Père a pu nous créer, le Fils nous racheter, lEsprit Saint nous sanctifier ?
Paragraphe 4 Le Créateur
279 " Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre " (Gn 1, 1). Cest avec ces paroles solennelles que commence lÉcriture Sainte. Le Symbole de la foi reprend ces paroles en confessant Dieu le Père Tout-puissant comme " le Créateur du ciel et de la terre ", " de lunivers visible et invisible ". Nous parlerons donc dabord du Créateur, ensuite de sa création, enfin de la chute du péché dont Jésus-Christ, le Fils de Dieu, est venu nous relever.
280 La création est le fondement de " tous les desseins salvifiques de Dieu ", " le commencement de lhistoire du salut " (DCG 51) qui culmine dans le Christ. Inversement, le mystère du Christ est la lumière décisive sur le mystère de la création ; il révèle la fin en vue de laquelle, " au commencement, Dieu créa le ciel et la terre " (Gn 1, 1) : dès le commencement, Dieu avait en vue la gloire de la nouvelle création dans le Christ (cf. Rm 8, 18-23).
281 Cest pour cela que les lectures de la Nuit Pascale, célébration de la création nouvelle dans le Christ, commencent par le récit de la création ; de même, dans la liturgie byzantine, le récit de la création constitue toujours la première lecture des vigiles des grandes fêtes du Seigneur. Selon le témoignage des anciens, linstruction des catéchumènes pour le baptême suit le même chemin (cf. Ethérie, pereg. 46 : PLS 1, 1089-1090 ; S. Augustin, catech. 3, 5).
I. La catéchèse sur la Création
282 La catéchèse sur la Création revêt une importance capitale. Elle concerne les fondements mêmes de la vie humaine et chrétienne : car elle explicite la réponse de la foi chrétienne à la question élémentaire que les hommes de tous les temps se sont posée : " Doù venons-nous ? " " Où allons-nous ? " " Quelle est notre origine ? " " Quelle est notre fin ? " " Doù vient et où va tout ce qui existe ? " Les deux questions, celle de lorigine et celle de la fin, sont inséparables. Elles sont décisives pour le sens et lorientation de notre vie et de notre agir.
283 La question des origines du monde et de lhomme fait lobjet de nombreuses recherches scientifiques qui ont magnifiquement enrichi nos connaissances sur lâge et les dimensions du cosmos, le devenir des formes vivantes, lapparition de lhomme. Ces découvertes nous invitent à admirer dautant plus la grandeur du Créateur, de lui rendre grâce pour toutes ses uvres et pour lintelligence et la sagesse quil donne aux savants et aux chercheurs. Avec Salomon, ceux-ci peuvent dire : " Cest Lui qui ma donné la science vraie de ce qui est, qui ma fait connaître la structure du monde et les propriétés des éléments (...) car cest louvrière de toutes choses qui ma instruit, la Sagesse " (Sg 7, 17-21).
284 Le grand intérêt réservé à ces recherches est fortement stimulé par une question dun autre ordre, et qui dépasse le domaine propre des sciences naturelles. Il ne sagit pas seulement de savoir quand et comment a surgi matériellement le cosmos, ni quand lhomme est apparu, mais plutôt de découvrir quel est le sens dune telle origine : si elle est gouvernée par le hasard, un destin aveugle, une nécessité anonyme, ou bien par un Être transcendant, intelligent et bon, appelé Dieu. Et si le monde provient de la sagesse et de la bonté de Dieu, pourquoi le mal ? Doù vient-il ? Qui en est responsable ? Et y en a-t-il une libération ?
285 Depuis ses débuts, la foi chrétienne a été confrontée à des réponses différentes de la sienne sur la question des origines. Ainsi, on trouve dans les religions et les cultures anciennes de nombreux mythes concernant les origines. Certains philosophes ont dit que tout est Dieu, que le monde est Dieu, ou que le devenir du monde est le devenir de Dieu (panthéisme) ; dautres ont dit que le monde est une émanation nécessaire de Dieu, sécoulant de cette source et retournant vers elle ; dautres encore ont affirmé lexistence de deux principes éternels, le Bien et le Mal, la Lumière et les Ténèbres, en lutte permanente (dualisme, manichéisme) ; selon certaines de ces conceptions, le monde (au moins le monde matériel) serait mauvais, produit dune déchéance, et donc à rejeter ou à dépasser (gnose) ; dautres admettent que le monde ait été fait par Dieu, mais à la manière dun horloger qui laurait, une fois fait, abandonné à lui-même (déisme) ; dautres enfin nacceptent aucune origine transcendante du monde, mais y voient le pur jeu dune matière qui aurait toujours existé (matérialisme). Toutes ces tentatives témoignent de la permanence et de luniversalité de la question des origines. Cette quête est propre à lhomme.
286 Lintelligence humaine peut, certes, déjà trouver une réponse à la question des origines. En effet, lexistence de Dieu le Créateur peut être connue avec certitude par ses uvres grâce à la lumière de la raison humaine (cf. DS 3026), même si cette connaissance est souvent obscurcie et défigurée par lerreur. Cest pourquoi la foi vient confirmer et éclairer la raison dans la juste intelligence de cette vérité : " Par la foi, nous comprenons que les mondes ont été formés par une parole de Dieu, de sorte que ce que lon voit provient de ce qui nest pas apparent " (He 11, 3).
287 La vérité de la création est si importante pour toute la vie humaine que Dieu, dans sa tendresse, a voulu révéler à son Peuple tout ce qui est salutaire à connaître à ce sujet. Au-delà de la connaissance naturelle que tout homme peut avoir du Créateur (cf. Ac 17, 24-29 ; Rm 1, 19-20), Dieu a progressivement révélé à Israël le mystère de la création. Lui qui a choisi les patriarches, qui a fait sortir Israël dÉgypte, et qui, en élisant Israël, la créé et formé (cf. Is 43, 1), il se révèle comme celui à qui appartiennent tous les peuples de la terre, et la terre entière, comme celui qui, seul, " a fait le ciel et la terre " (Ps 115, 15 ; 124, 8 ; 134, 3).
288 Ainsi, la révélation de la création est inséparable de la révélation et de la réalisation de lalliance de Dieu, lUnique, avec son Peuple. La création est révélée comme le premier pas vers cette alliance, comme le premier et universel témoignage de lamour Tout-Puissant de Dieu (cf. Gn 15, 5 ; Jr 33, 19-26). Aussi, la vérité de la création sexprime-t-elle avec une vigueur croissante dans le message des prophètes (cf. Is 44, 24), dans la prière des psaumes (cf. Ps 104) et de la liturgie, dans la réflexion de la sagesse (cf. Pr 8, 22-31) du Peuple élu.
289 Parmi toutes les paroles de lÉcriture Sainte sur la création, les trois premiers chapitres de la Genèse tiennent une place unique. Du point de vue littéraire ces textes peuvent avoir diverses sources. Les auteurs inspirés les ont placés au commencement de lÉcriture de sorte quils expriment, dans leur langage solennel, les vérités de la création, de son origine et de sa fin en Dieu, de son ordre et de sa bonté, de la vocation de lhomme, enfin du drame du péché et de lespérance du salut. Lues à la lumière du Christ, dans lunité de lÉcriture Sainte et dans la Tradition vivante de lÉglise, ces paroles demeurent la source principale pour la catéchèse des mystères du " commencement " : création, chute, promesse du salut.
II. La création uvre de la Sainte Trinité
290 " Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre " (Gn 1, 1) : trois choses sont affirmées dans ces premières paroles de lÉcriture : le Dieu éternel a posé un commencement à tout ce qui existe en dehors de lui. Lui seul est créateur (le verbe " créer " en hébreu bara a toujours pour sujet Dieu). La totalité de ce qui existe (exprimé par la formule " le ciel et la terre ") dépend de Celui qui lui donne dêtre.
291 " Au commencement était le Verbe (...) et le Verbe était Dieu. (...) Tout a été fait par lui et sans lui rien na été fait " (Jn 1, 1-3). Le Nouveau Testament révèle que Dieu a tout créé par le Verbe Éternel, son Fils bien-aimé. Cest en lui " quont été créées toutes choses, dans les cieux et sur la terre (...) tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose et tout subsiste en lui " (Col 1, 16-17). La foi de lÉglise affirme de même laction créatrice de lEsprit Saint : il est le " donateur de vie " (Symbole de Nicée-Constantinople), " lEsprit Créateur " (" Veni, Creator Spiritus "), la " Source de tout bien " (Liturgie byzantine, Tropaire des vêpres de Pentecôte).
292 Insinuée dans lAncien Testament (cf. Ps 33, 6 ; 104, 30 ; Gn 1, 2-3), révélée dans la Nouvelle Alliance, laction créatrice du Fils et de lEsprit, inséparablement une avec celle du Père, est clairement affirmée par la règle de foi de lÉglise : " Il nexiste quun seul Dieu (...) : il est le Père, il est Dieu, il est le Créateur, il est lAuteur, il est lOrdonnateur. Il a fait toutes choses par lui-même, cest-à-dire par son Verbe et par sa Sagesse " (S. Irénée, hær. 2, 30, 9), " par le Fils et lEsprit " qui sont comme " ses mains " (ibid., 4, 20, 1). La création est luvre commune de la Sainte Trinité.
III. " Le monde a été créé pour la gloire de Dieu "
293 Cest une vérité fondamentale que lÉcriture et la Tradition ne cessent denseigner et de célébrer : " Le monde a été créé pour la gloire de Dieu " (Cc. Vatican I : DS 3025). Dieu a créé toutes choses, explique S. Bonaventure, " non pour accroître la Gloire, mais pour manifester et communiquer cette gloire " (sent. 2, 1, 2, 2, 1). Car Dieu na pas dautre raison pour créer que son amour et sa bonté : " Cest la clef de lamour qui a ouvert sa main pour produire les créatures " (S. Thomas dA., sent. 2, prol.) Et le premier Concile du Vatican explique :
Dans sa bonté et par sa force toute-puissante, non pour augmenter sa béatitude, ni pour acquérir sa perfection, mais pour la manifester par les biens quil accorde à ses créatures, ce seul vrai Dieu a, dans le plus libre dessein, tout ensemble, dès le commencement du temps, créé de rien lune et lautre créature, la spirituelle et la corporelle (DS 3002).
294 La gloire de Dieu cest que se réalise cette manifestation et cette communication de sa bonté en vue desquelles le monde a été créé. Faire de nous " des fils adoptifs par Jésus-Christ : tel fut le dessein bienveillant de Sa volonté à la louange de gloire de sa grâce " (Ep 1, 5-6) : " Car la gloire de Dieu, cest lhomme vivant, et la vie de lhomme, cest la vision de Dieu : si déjà la révélation de Dieu par la création procura la vie à tous les êtres qui vivent sur la terre, combien plus la manifestation du Père par le Verbe procure-t-elle la vie à ceux qui voient Dieu " (S. Irénée, hær. 4, 20, 7). La fin ultime de la création, cest que Dieu, " qui est le Créateur de tous les êtres, devienne enfin tout en tous (1 Co 15, 28), en procurant à la fois sa gloire et notre béatitude " (AG 2).
IV. Le mystère de la création
Dieu crée par sagesse et par amour
295 Nous croyons que Dieu a créé le monde selon sa sagesse (cf. Sg 9, 9). Il nest pas le produit dune nécessité quelconque, dun destin aveugle ou du hasard. Nous croyons quil procède de la volonté libre de Dieu qui a voulu faire participer les créatures à son être, sa sagesse et sa bonté : " Car cest toi qui créas toutes choses ; tu as voulu quelles soient, et elles furent créées " (Ap 4, 11). " Que tes uvres sont nombreuses, Seigneur ! Toutes avec sagesse tu les fis " (Ps 104, 24). " Le Seigneur est bonté envers tous, ses tendresses vont à toutes ses uvres " (Ps 145, 9).
Dieu crée " de rien "
296 Nous croyons que Dieu na besoin de rien de préexistant ni daucune aide pour créer (cf. Cc. Vatican I : DS 3022). La création nest pas non plus une émanation nécessaire de la substance divine (cf. Cc. Vatican I : DS 3023-3024). Dieu crée librement " de rien " (DS 800 ; 3025) :
Quoi dextraordinaire si Dieu avait tiré le monde dune matière préexistante ? Un artisan humain, quand on lui donne un matériau, en fait tout ce quil veut. Tandis que la puissance de Dieu se montre précisément quand il part du néant pour faire tout ce quil veut (S. Théophile dAntioche, Autol. 2, 4 : PG 6, 1052).
297 La foi en la création " de rien " est attestée dans lÉcriture comme une vérité pleine de promesse et despérance. Ainsi la mère des sept fils les encourage au martyre :
Je ne sais comment vous êtes apparus dans mes entrailles ; ce nest pas moi qui vous ai gratifiés de lesprit et de la vie ; ce nest pas moi qui ai organisé les éléments qui composent chacun de vous. Aussi bien le Créateur du monde, qui a formé le genre humain et qui est à lorigine de toute chose, vous rendra-t-il, dans sa miséricorde, et lesprit et la vie, parce que vous vous méprisez maintenant vous-mêmes pour lamour de ses lois (...). Mon enfant, regarde le ciel et la terre et vois tout ce qui est en eux, et sache que Dieu les a faits de rien et que la race des hommes est faite de la même manière (2 M 7, 22-23. 28).
298 Puisque Dieu peut créer de rien, il peut, par lEsprit Saint, donner la vie de lâme à des pécheurs en créant en eux un cur pur (cf. Ps 51, 12), et la vie du corps aux défunts par la Résurrection, Lui " qui donne la vie aux morts et appelle le néant à lexistence " (Rm 4, 17). Et puisque, par sa Parole, il a pu faire resplendir la lumière des ténèbres (cf. Gn 1, 3), il peut aussi donner la lumière de la foi à ceux qui lignorent (cf. 2 Co 4, 6).
Dieu crée un monde ordonné et bon
299 Puisque Dieu crée avec sagesse, la création est ordonnée : " Tu as tout disposé avec mesure, nombre et poids " (Sg 11, 20). Créée dans et par le Verbe éternel, " image du Dieu invisible " (Col 1, 15), elle est destinée, adressée à lhomme, image de Dieu (cf. Gn 1, 26), appelé à une relation personnelle avec Dieu. Notre intelligence, participant à la lumière de lIntellect divin, peut entendre ce que Dieu nous dit par sa création (cf. Ps 19, 2-5), certes non sans grand effort et dans un esprit dhumilité et de respect devant le Créateur et son uvre (cf. Jb 42, 3). Issue de la bonté divine, la création participe à cette bonté (" Et Dieu vit que cela était bon (...) très bon " : Gn 1, 4. 10. 12. 18. 21. 31). Car la création est voulue par Dieu comme un don adressé à lhomme, comme un héritage qui lui est destiné et confié . LÉglise a dû, à maintes reprises, défendre la bonté de la création, y compris du monde matériel (cf. DS 286 ; 455-463 ; 800 ; 1333 ; 3002).
Dieu transcende la création et lui est présent
300 Dieu est infiniment plus grand que toutes ses uvres (cf. Si 43, 28) : " Sa majesté est plus haute que les cieux " (Ps 8, 2), " à sa grandeur point de mesure " (Ps 145, 3). Mais parce quIl est le Créateur souverain et libre, cause première de tout ce qui existe, Il est présent au plus intime de ses créatures : " En Lui nous avons la vie, le mouvement et lêtre " (Ac 17, 28). Selon les paroles de S. Augustin, Il est " plus haut que le plus haut de moi, plus intime que le plus intime " (Conf. 3, 6, 11).
Dieu maintient et porte la création
301 Avec la création, Dieu nabandonne pas sa créature à elle-même. Il ne lui donne pas seulement dêtre et dexister, il la maintient à chaque instant dans lêtre, lui donne dagir et la porte à son terme. Reconnaître cette dépendance complète par rapport au Créateur est une source de sagesse et de liberté, de joie et de confiance :
Oui, tu aimes tout ce qui existe, et tu nas de dégoût pour rien de ce que tu as fait ; car si tu avais haï quelque chose, tu ne laurais pas formé. Et comment une chose aurait-elle subsisté, si tu ne lavais voulue ? Ou comment ce que tu naurais pas appelé aurait-il été conservé ? Mais tu épargnes tout, parce que tout est à toi, Maître ami de la vie (Sg 11, 24-26).
V. Dieu réalise son dessein : la divine providence
302 La création a sa bonté et sa perfection propres, mais elle nest pas sortie tout achevée des mains du Créateur. Elle est créée dans un état de cheminement (" in statu viæ ") vers une perfection ultime encore à atteindre, à laquelle Dieu la destinée. Nous appelons divine providence les dispositions par lesquelles Dieu conduit sa création vers cette perfection :
Dieu garde et gouverne par sa providence tout ce quIl a créé, " atteignant avec force dune extrémité à lautre et disposant tout avec douceur " (Sg 8, 1). Car " toutes choses sont à nu et à découvert devant ses yeux " (He 4, 13), même celles que laction libre des créatures produira (Cc. Vatican I : DS 3003).
303 Le témoignage de lÉcriture est unanime : la sollicitude de la divine providence est concrète et immédiate, elle prend soin de tout, des moindres petites choses jusquaux grands événements du monde et de lhistoire. Avec force, les livres saints affirment la souveraineté absolue de Dieu dans le cours des événements : " Notre Dieu, au ciel et sur la terre, tout ce qui lui plaît, Il le fait " (Ps 115, 3) ; et du Christ il est dit : " SIl ouvre, nul ne fermera, et sIl ferme, nul nouvrira " (Ap 3, 7) ; " Il y a beaucoup de pensées dans le cur de lhomme, seul le dessein de Dieu se réalisera " (Pr 19, 21).
304 Ainsi voit-on lEsprit Saint, auteur principal de lÉcriture Sainte, attribuer souvent des actions à Dieu, sans mentionner des causes secondes. Ce nest pas là " une façon de parler " primitive, mais une manière profonde de rappeler la primauté de Dieu et sa Seigneurie absolue sur lhistoire et le monde (cf. Is 10, 5-15 ; 45, 5-7 ; Dt 32, 39 ; Si 11, 14) et déduquer ainsi à la confiance en Lui. La prière des Psaumes est la grande école de cette confiance (cf. Ps 22 ; 32 ; 35 ; 103 ; 138 ; e.a.).
305 Jésus demande un abandon filial à la providence du Père céleste qui prend soin des moindres besoins de sens enfants : " Ne vous inquiétez donc pas en disant : quallons-nous manger ? quallons-nous boire ? (...) Votre Père céleste sait que vous avez besoin de tout cela. Cherchez dabord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît " (Mt 6, 31-33 ; cf. 10, 29-31).
La providence et les causes secondes
306 Dieu est le Maître souverain de son dessein. Mais pour sa réalisation, Il se sert aussi du concours des créatures. Ceci nest pas un signe de faiblesse, mais de la grandeur et de la bonté du Dieu Tout-puissant. Car Dieu ne donne pas seulement à ses créatures dexister, il leur donne aussi la dignité dagir elles-mêmes, dêtre causes et principes les unes des autres et de coopérer ainsi à laccomplissement de son dessein.
307 Aux hommes, Dieu accorde même de pouvoir participer librement à sa providence en leur confiant la responsabilité de " soumettre " la terre et de la dominer (cf. Gn 1, 26-28). Dieu donne ainsi aux hommes dêtre causes intelligentes et libres pour compléter luvre de la Création, en parfaire lharmonie pour leur bien et celui de leur prochains. Coopérateurs souvent inconscients de la volonté divine, les hommes peuvent entrer délibérément dans le plan divin, par leurs actions, par leurs prières, mais aussi par leurs souffrances (cf. Col 1, 24). Ils deviennent alors pleinement " collaborateurs de Dieu " (1 Co 3, 9 ; 1 Th 3, 2) et de son Royaume (cf. Col 4, 11).
308 Cest une vérité inséparable de la foi en Dieu le Créateur : Dieu agit en tout agir de ses créatures. Il est la cause première qui opère dans et par les causes secondes : " Car cest Dieu qui opère en nous à la fois le vouloir et lopération même, au profit de ses bienveillants desseins " (Ph 2, 13 ; cf. 1 Co 12, 6). Loin de diminuer la dignité de la créature, cette vérité la rehausse. Tirée du néant par la puissance, la sagesse et la bonté de Dieu, elle ne peut rien si elle est coupée de son origine, car " la créature sans le Créateur sévanouit " (GS 36, § 3) ; encore moins peut-elle atteindre sa fin ultime sans laide de la grâce (cf. Mt 19, 26 ; Jn 15, 5 ; Ph 4, 13).
La providence et le scandale du mal
309 Si Dieu le Père Tout-puissant, Créateur du monde ordonné et bon, prend soin de toutes ses créatures, pourquoi le mal existe-t-il ? A cette question aussi pressante quinévitable, aussi douloureuse que mystérieuse, aucune réponse rapide ne saura suffire. Cest lensemble de la foi chrétienne qui constitue la réponse à cette question : la bonté de la création, le drame du péché, lamour patient de Dieu qui vient au devant de lhomme par ses alliances, par lIncarnation rédemptrice de son Fils, par le don de lEsprit, par le rassemblement de lÉglise, par la force des sacrements, par lappel à une vie bienheureuse à laquelle les créatures libres sont invitées davance à consentir, mais à laquelle elles peuvent aussi davance, par un mystère terrible, se dérober. Il ny a pas un trait du message chrétien qui ne soit pour une part une réponse à la question du mal.
310 Mais pourquoi Dieu na-t-il pas créé un monde aussi parfait quaucun mal ne puisse y exister ? Selon sa puissance infinie, Dieu pourrait toujours créer quelque chose de meilleur (cf. S. Thomas dA., s. th. 1, 25, 6). Cependant dans sa sagesse et sa bonté infinies, Dieu a voulu librement créer un monde " en état de voie " vers sa perfection ultime. Ce devenir comporte, dans le dessein de Dieu, avec lapparition de certains êtres, la disparition dautres, avec le plus parfait aussi le moins parfait, avec les constructions de la nature aussi les destructions. Avec le bien physique existe donc aussi le mal physique, aussi longtemps que la création na pas atteint sa perfection (cf. S. Thomas dA., s. gent. 3, 71).
311 Les anges et les hommes, créatures intelligentes et libres, doivent cheminer vers leur destinée ultime par choix libre et amour de préférence. Ils peuvent donc se dévoyer. En fait, ils ont péché. Cest ainsi que le mal moral est entré dans le monde, sans commune mesure plus grave que le mal physique. Dieu nest en aucune façon, ni directement ni indirectement, la cause du mal moral (cf. S. Augustin, lib. 1, 1, 1 : PL 32, 1221-1223 ; S. Thomas dA., s. th. 1-2, 79, 1). Il le permet cependant, respectant la liberté de sa créature, et, mystérieusement, il sait en tirer le bien :
Car le Dieu Tout-puissant (...), puisquil est souverainement bon, ne laisserait jamais un mal quelconque exister dans ses uvres sil nétait assez puissant et bon pour faire sortir le bien du mal lui-même (S. Augustin, enchir. 11, 3).
312 Ainsi, avec le temps, on peut découvrir que Dieu, dans sa providence toute-puissante, peut tirer un bien des conséquences dun mal, même moral, causé par ses créatures : " Ce nest pas vous, dit Joseph à ses frères, qui mavez envoyé ici, cest Dieu ; (...) le mal que vous aviez dessein de me faire, le dessein de Dieu la tourné en bien afin de (...) sauver la vie dun peuple nombreux " (Gn 45, 8 ; 50, 20 ; cf. Tb 2, 12-18 vulg.). Du mal moral le plus grand qui ait jamais été commis, le rejet et le meurtre du Fils de Dieu, causé par les péchés de tous les hommes, Dieu, par la surabondance de sa grâce (cf. Rm 5, 20), a tiré le plus grand des biens : la glorification du Christ et notre Rédemption. Le mal nen devient pas pour autant un bien.
313 " Tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu " (Rm 8, 28). Le témoignage des saints ne cesse de confirmer cette vérité :
Ainsi, S. Catherine de Sienne dit à " ceux qui se scandalisent et se révoltent de ce qui leur arrive " : " Tout procède de lamour, tout est ordonné au salut de lhomme, Dieu ne fait rien que dans ce but " (dial. 4, 138).
Et S. Thomas More, peu avant son martyre, console sa fille : " Rien ne peut arriver que Dieu ne lait voulu. Or, tout ce quil veut, si mauvais que cela puisse nous paraître, est cependant ce quil y a de meilleur pour nous " (Margarita Roper, Epistula ad Aliciam Alington (mense augusti 1534).
Et Lady Julian of Norwich : " Jappris donc, par la grâce de Dieu, quil fallait men tenir fermement à la foi, et croire avec non moins de fermeté que toutes choses seront bonnes... Et tu verras que toutes choses seront bonnes ". " Thou shalt see thyself that all MANNER of thing shall be well " (rev. 13, 32).
314 Nous croyons fermement que Dieu est le Maître du monde et de lhistoire. Mais les chemins de sa providence nous sont souvent inconnus. Ce nest quau terme, lorsque prendra fin notre connaissance partielle, lorsque nous verrons Dieu " face à face " (1 Co 13, 12), que les voies nous seront pleinement connues, par lesquelles, même à travers les drames du mal et du péché, Dieu aura conduit sa création jusquau repos de ce Sabbat (cf. Gn 2, 2) définitif, en vue duquel Il a créé le ciel et la terre.
En bref
315 Dans la création du monde et de lhomme, Dieu a posé le premier et universel témoignage de son amour tout-puissant et de sa sagesse, la première annonce de son " dessein bienveillant " qui trouve sa fin dans la nouvelle création dans le Christ.
316 Bien que luvre de la création soit particulièrement attribuée au Père, cest également vérité de foi que le Père, le Fils et lEsprit Saint sont lunique et indivisible principe de la création.
317 Dieu seul a créé lunivers librement, directement, sans aucune aide.
318 Aucune créature na le pouvoir infini qui est nécessaire pour " créer " au sens propre du mot, cest-à-dire de produire et de donner lêtre à ce qui ne lavait aucunement (appeler à lexistence ex nihilo) (cf. DS 3624).
319 Dieu a créé le monde pour manifester et pour communiquer sa gloire. Que ses créatures aient part à Sa vérité, à Sa bonté et à Sa beauté, voilà la gloire pour laquelle Dieu les a créées.
320 Dieu qui a créé lunivers le maintient dans lexistence par son Verbe, " ce Fils qui soutient lunivers par sa parole puissante " (He 1, 3) et par son Esprit Créateur qui donne la vie.
321 La divine Providence, ce sont les dispositions par lesquelles Dieu conduit avec sagesse et amour toutes les créatures jusquà leur fin ultime.
322 Le Christ nous invite à labandon filial à la Providence de notre Père céleste (cf. Mt 6, 26-34), et lapôtre S. Pierre reprend : " De toute votre inquiétude, déchargez-vous sur lui, car il prend soin de vous " (1 P 5, 7 ; cf. Ps 55, 23).
323 La providence divine agit aussi par lagir des créatures. Aux êtres humains, Dieu donne de coopérer librement à ses desseins.
324 La permission divine du mal physique et du mal moral est un mystère que Dieu éclaire par son Fils, Jésus-Christ, mort et ressuscité pour vaincre le mal. La foi nous donne la certitude que Dieu ne permettrait pas le mal sil ne faisait pas sortir le bien du mal même, par des voies que nous ne connaîtrons pleinement que dans la vie éternelle.
Paragraphe 5 Le ciel et la terre
325 Le Symbole des apôtres professe que Dieu est " le Créateur du ciel et de la terre ", et le Symbole de Nicée-Constantinople explicite : " ... de lunivers visible et invisible ".
326 Dans lÉcriture Sainte, lexpression " ciel et terre " signifie : tout ce qui existe, la création toute entière. Elle indique aussi le lien, à lintérieur de la création, qui à la fois unit et distingue ciel et terre : " La terre ", cest le monde des hommes (cf. Ps 115, 16) " Le ciel " ou " les cieux " peut désigner le firmament (cf. Ps 19, 2), mais aussi le " lieu " propre de Dieu : " notre Père aux cieux " (Mt 5, 16 ; cf. Ps 115, 16) et, par conséquent, aussi le " ciel " qui est la gloire eschatologique. Enfin, le mot " ciel " indique le " lieu " des créatures spirituelles les anges qui entourent Dieu.
327 La profession de foi du quatrième Concile du Latran affirme que Dieu " a tout ensemble, dès le commencement du temps, créé de rien lune et lautre créature, la spirituelle et la corporelle, cest-à-dire les anges et le monde terrestre ; puis la créature humaine qui tient des deux, composée quelle est desprit et de corps " (DS 800 ; cf. DS 3002 et SPF 8).
I. Les Anges
Lexistence des anges une vérité de foi
328 Lexistence des êtres spirituels, non corporels, que lÉcriture Sainte nomme habituellement anges, est une vérité de foi. Le témoignage de lÉcriture est aussi net que lunanimité de la Tradition.
Qui sont-ils ?
329 S. Augustin dit à leur sujet : " Ange désigne la fonction, non pas la nature. Tu demandes comment sappelle cette nature ? Esprit. Tu demandes la fonction ? Ange ; daprès ce quil est, cest un esprit, daprès ce quil fait, cest un ange " (Psal. 103, 1, 15). De tout leur être, les anges sont serviteurs et messagers de Dieu. Parce quils contemplent " constamment la face de mon Père qui est aux cieux " (Mt 18, 10), ils sont " les ouvriers de sa parole, attentifs au son de sa parole " (Ps 103, 20).
330 En tant que créatures purement spirituelles, ils ont intelligence et volonté : ils sont des créatures personnelles (cf. Pie XII : DS 3801) et immortelles (cf. Lc 20, 36). Ils dépassent en perfection toutes les créatures visibles. Léclat de leur gloire en témoigne (cf. Dn 10, 9-12).
Le Christ " avec tous ses anges "
331 Le Christ est le centre du monde angélique. Ce sont ses anges à Lui : " Quand le Fils de lhomme viendra dans sa gloire avec tous ses anges ... " (Mt 25, 31). Ils sont à Lui parce que créés par et pour lui : " Car cest en lui quont été créées toutes choses, dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles : trônes, seigneuries, principautés, puissances ; tout a été créé par lui et pour lui " (Col 1, 16). Ils sont à Lui plus encore parce quIl les a faits messagers de son dessein de salut : " Est-ce que tous ne sont pas des esprits chargés dun ministère, envoyés en service pour ceux qui doivent hériter le salut ? " (He 1, 14).
332 Ils sont là, dès la création (cf. Jb 38, 7, où les anges sont appelés " fils de Dieu ") et tout au long de lhistoire du salut, annonçant de loin ou de près ce salut et servant le dessein divin de sa réalisation : ils ferment le paradis terrestre (cf. Gn 3, 24), protègent Lot (cf. Gn 19), sauvent Agar et son enfant (cf. Gn 21, 17), arrêtent la main dAbraham (cf. Gn 22, 11), la loi est communiquée par leur ministère (cf. Ac 7, 53), ils conduisent le Peuple de Dieu (cf. Ex 23, 20-23), ils annoncent naissances (cf. Jg 13) et vocations (cf. Jg 6, 11-24 ; Is 6, 6), ils assistent les prophètes (cf. 1 R 19, 5), pour ne citer que quelques exemples. Enfin, cest lange Gabriel qui annonce la naissance du Précurseur et celle de Jésus lui-même (cf. Lc 1, 11. 26).
333 De lIncarnation à lAscension, la vie du Verbe incarné est entourée de ladoration et du service des anges. Lorsque Dieu " introduit le Premier-né dans le monde, il dit : Que tous les anges de Dieu ladorent " (He 1, 6). Leur chant de louange à la naissance du Christ na cessé de résonner dans la louange de lÉglise : " Gloire à Dieu ... " (Lc 2, 14). Ils protègent lenfance de Jésus (cf. Mt 1, 20 ; 2, 13. 19), servent Jésus au désert (cf. Mc 1, 12 ; Mt 4, 11), le réconfortent dans lagonie (cf. Lc 22, 43), alors quil aurait pu être sauvé par eux de la main des ennemis (cf. Mt 26, 53) comme jadis Israël (cf. 2 M 10, 29-30 ; 11, 8). Ce sont encore les anges qui " évangélisent " (Lc 2, 10) en annonçant la Bonne Nouvelle de lIncarnation (cf. Lc 2, 8-14), et de la Résurrection (cf. Mc 16, 5-7) du Christ. Ils seront là au retour du Christ quils annoncent (cf. Ac 1, 10-11), au service de son jugement (cf. Mt 13, 41 ; 24, 31 ; Lc 12, 8-9).
Les anges dans la vie de lÉglise
334 Dici là toute la vie de lÉglise bénéficie de laide mystérieuse et puissante des anges (cf. Ac 5, 18-20 ; 8, 26-29 ; 10, 3-8 ; 12, 6-11 ; 27, 23-25).
335 Dans sa liturgie, lÉglise se joint aux anges pour adorer le Dieu trois fois saint ; elle invoque leur assistance (ainsi dans In Paradisum deducant te angeli... de la Liturgie des défunts [OEx 50], ou encore dans l" Hymne chérubinique " de la Liturgie byzantine [(Liturgie de S. Jean Chrysostome]), elle fête plus particulièrement la mémoire de certains anges (S. Michel, S. Gabriel, S. Raphaël, les anges gardiens).
336 Du début (de lexistence) (cf. Mt 18, 10) au trépas (cf. Lc 16, 22), la vie humaine est entourée de leur garde (cf. Ps 34, 8 ; 91, 10-13) et de leur intercession (cf. Jb 33, 23-24 ; Za 1, 12 ; Tb 12, 12). " Chaque fidèle a à ses côtés un ange comme protecteur et pasteur pour le conduire à la vie " (S. Basile, Eun. 3, 1 : PG 29, 656B). Dès ici-bas, la vie chrétienne participe, dans la foi, à la société bienheureuse des anges et des hommes, unis en Dieu.
II. Le Monde visible
337 Cest Dieu lui-même qui a créé le monde visible dans toute sa richesse, sa diversité et son ordre. LÉcriture présente luvre du Créateur symboliquement comme une suite de six jours " de travail " divin qui sachèvent sur le " repos " du septième jour (Gn 1, 1 2, 4). Le texte sacré enseigne, au sujet de la création, des vérités révélées par Dieu pour notre salut (cf. DV 11) qui permettent de " reconnaître la nature profonde de la création, sa valeur et sa finalité qui est la gloire de Dieu " (LG 36) :
338 Il nexiste rien qui ne doive son existence à Dieu créateur. Le monde a commencé quand il a été tiré du néant par la parole de Dieu ; tous les êtres existants, toute la nature, toute lhistoire humaine senracinent en cet événement primordial : cest la genèse même par laquelle le monde est constitué, et le temps commencé (cf. S. Augustin, Gen. Man. 1, 2, 4 : PL 35, 175).
339 Chaque créature possède sa bonté et sa perfection propres. Pour chacune des uvres des " six jours " il est dit : " Et Dieu vit que cela était bon ". " Cest en vertu de la création même que toutes les choses sont établies selon leur consistance, leur vérité, leur excellence propre avec leur ordonnance et leurs lois spécifiques " (GS 36, § 2). Les différentes créatures, voulues en leur être propre, reflètent, chacune à sa façon, un rayon de la sagesse et de la bonté infinies de Dieu. Cest pour cela que lhomme doit respecter la bonté propre de chaque créature pour éviter un usage désordonné des choses, qui méprise le Créateur et entraîne des conséquences néfastes pour les hommes et pour leur ambiance.
340 Linterdépendance des créatures est voulue par Dieu. Le soleil et la lune, le cèdre et la petite fleur, laigle et le moineau : les innombrables diversités et inégalités signifient quaucune créature ne se suffit à elle-même, quelles nexistent quen dépendance les unes des autres, pour se compléter mutuellement, au service les unes des autres.
341 La beauté de lunivers : Lordre et lharmonie du monde créé résultent de la diversité des êtres et des relations qui existent entre eux. Lhomme les découvre progressivement comme lois de la nature. Ils font ladmiration des savants. La beauté de la création reflète linfinie beauté du Créateur. Elle doit inspirer le respect et la soumission de lintelligence de lhomme et de sa volonté.
342 La hiérarchie des créatures est exprimée par lordre des " six jours ", qui va du moins parfait au plus parfait. Dieu aime toutes ses créatures (cf. Ps 145, 9), il prend soin de chacune, même des passereaux. Néanmoins, Jésus dit : " Vous valez mieux quune multitude de passereaux " (Lc 12, 6-7), ou encore : " Un homme vaut plus quune brebis " (Mt 12, 12).
343 Lhomme est le sommet de luvre de la création. Le récit inspiré lexprime en distinguant nettement la création de lhomme de celle des autres créatures (cf. Gn 1, 26).
344 Il existe une solidarité entre toutes les créatures du fait quelles ont toutes le même Créateur, et que toutes sont ordonnées à sa gloire :
Loué sois-tu, Seigneur, dans toutes tes créatures,
spécialement messire le frère Soleil,
par qui tu nous donnes le jour la lumière ;
il est beau, rayonnant dune grande splendeur,
et de toi, le Très-Haut, il nous offre le symbole. ...
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sur Eau,
qui est très utile et très humble,
précieuse et chaste. ...
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sur notre mère la Terre
qui nous porte et nous nourrit,
qui produit la diversité des fruits
avec les fleurs diaprées et les herbes. ...
Louez et bénissez mon Seigneur,
rendez-lui grâce et servez-le
en toute humilité.
(S. François dAssise, cant.)
345 Le Sabbat fin de luvre des " six jours ". Le texte sacré dit que " Dieu conclut au septième jour louvrage quIl avait fait " et quainsi " le ciel et la terre furent achevés ", et que Dieu, au septième jour, " chôma " et quIl sanctifia et bénit ce jour (Gn 2, 1-3). Ces paroles inspirées sont riches en enseignements salutaires :
346 Dans la création Dieu a posé un fondement et des lois qui demeurent stables (cf. He 4, 3-4), sur lesquels le croyant pourra sappuyer avec confiance, et qui lui seront le signe et le gage de la fidélité inébranlable de lalliance de Dieu (cf. Jr 31, 35-37 ; 33, 19-26). De son côté, lhomme devra rester fidèle à ce fondement et respecter les lois que le Créateur y a inscrites.
347 La création est faite en vue du Sabbat et donc du culte et de ladoration de Dieu. Le culte est inscrit dans lordre de la création (cf. Gn 1, 14). " Ne rien préférer au culte de Dieu ", dit la règle de S. Benoît (reg. 43, 3), indiquant ainsi le juste ordre des préoccupations humaines.
348 Le Sabbat est au cur de la loi dIsraël. Garder les commandements, cest correspondre à la sagesse et à la volonté de Dieu exprimées dans son uvre de création.
349 Le huitième jour. Mais pour nous, un jour nouveau sest levé : le jour de la Résurrection du Christ. Le septième jour achève la première création. Le huitième jour commence la nouvelle création. Ainsi, luvre de la création culmine en luvre plus grande de la rédemption. La première création trouve son sens et son sommet dans la nouvelle création dans le Christ, dont la splendeur dépasse celle de la première (cf. MR, Vigile Pascale 24 : prière après la première lecture).
En bref
350 Les anges sont des créatures spirituelles qui glorifient Dieu sans cesse et qui servent ses desseins salvifiques envers les autres créatures : " Les anges concourent à tout ce qui est bon pour nous " (S. Thomas dA., s. th. 1, 114, 3, ad 3).
351 Les anges entourent le Christ, leur Seigneur. Ils le servent particulièrement dans laccomplissement de sa mission salvifique envers les hommes.
352 LÉglise vénère les anges qui laident dans son pèlerinage terrestre. et qui protègent tout être humain.
353 Dieu a voulu la diversité de ses créatures et leur bonté propre, leur interdépendance et leur ordre. Il a destiné toutes les créatures matérielles au bien du genre humain. Lhomme, et toute la création à travers lui, est destiné à la gloire de Dieu.
354 Respecter les lois inscrites dans la création et les rapports qui dérivent de la nature des choses, est un principe de sagesse et un fondement de la morale.
Paragraphe 6 Lhomme
355 " Dieu créa lhomme à son image, à limage de Dieu il le créa, homme et femme il les créa " (Gn 1, 27). Lhomme tient une place unique dans la création : il est " à limage de Dieu " (I) ; dans sa propre nature il unit le monde spirituel et le monde matériel (II) ; il est créé " homme et femme " (III) ; Dieu la établi dans son amitié (IV).
I. " A limage de Dieu "
356 De toutes les créatures visibles, seul lhomme est " capable de connaître et daimer son Créateur " (GS 12, § 3) ; il est " la seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même " (GS 24, § 3) ;lui seul est appelé à partager, par la connaissance et lamour, la vie de Dieu. Cest à cette fin quil a été créé, et cest là la raison fondamentale de sa dignité :
Quelle raison Ta fait constituer lhomme en si grande dignité ? Lamour inestimable par lequel Tu as regardé en Toi-même Ta créature, et Tu Tes épris delle ; car cest par amour que Tu las créée, cest par amour que Tu lui as donné un être capable de goûter Ton Bien éternel (Ste. Catherine de Sienne, dial. 4, 13 : ed. G. Cavallini [Roma 1995] p. 43).
357 Parce quil est à limage de Dieu lindividu humain a la dignité de personne : il nest pas seulement quelque chose, mais quelquun. Il est capable de se connaître, de se posséder et de librement se donner et entrer en communion avec dautres personnes, et il est appelé, par grâce, à une alliance avec son Créateur, à Lui offrir une réponse de foi et damour que nul autre ne peut donner à sa place.
358 Dieu a tout créé pour lhomme (cf. GS 12, § 1 ; 24, § 3 ; 39, § 1), mais lhomme a été créé pour servir et aimer Dieu et pour Lui offrir toute la création :
Quel est donc lêtre qui va venir à lexistence entouré dune telle considération ? Cest lhomme, grande et admirable figure vivante, plus précieux aux yeux de Dieu que la création toute entière : cest lhomme, cest pour lui quexistent le ciel et la terre et la mer et la totalité de la création, et cest à son salut que Dieu a attaché tant dimportance quil na même pas épargné son Fils unique pour lui. Car Dieu na pas eu de cesse de tout mettre en uvre pour faire monter lhomme jusquà lui et le faire asseoir à sa droite (S. Jean Chrysostome, serm. in Gen. 2, 1 : PG 54, 587D-588A).
359 " En réalité, cest seulement dans le mystère du Verbe incarné que séclaire véritablement le mystère de lhomme " (GS 22, § 1) :
Saint Paul nous apprend que deux hommes sont à lorigine du genre humain : Adam et le Christ ... Le premier Adam, dit-il, a été créé comme un être humain qui a reçu la vie ; le dernier est un être spirituel qui donne la vie. Le premier a été créé par le dernier, de qui il a reçu lâme qui le fait vivre ... Le second Adam a établi son image dans le premier Adam alors quil le modelait. De là vient quil en a endossé le rôle et reçu le nom, afin de ne pas laisser perdre ce quil avait fait à son image. Premier Adam, dernier Adam : le premier a commencé, le dernier ne finira pas. Car le dernier est véritablement le premier, comme il la dit lui-même : " Je suis le Premier et le Dernier " (S. Pierre Chrysologue, serm. 117, 1-2 : PL 52, 520B).
360 Grâce à la communauté dorigine le genre humain forme une unité. Car Dieu " a fait sortir dune souche unique toute la descendance des hommes " (Ac 17, 26 ; cf. Tb 8, 6) :
Merveilleuse vision qui nous fait contempler le genre humain dans lunité de son origine en Dieu (...) ; dans lunité de sa nature, composée pareillement chez tous dun corps matériel et dune âme spirituelle ; dans lunité de sa fin immédiate et de sa mission dans le monde ; dans lunité de son habitation : la terre, des biens de laquelle tous les hommes, par droit de nature, peuvent user pour soutenir et développer la vie ; unité de sa fin surnaturelle : Dieu même, à qui tous doivent tendre ; dans lunité des moyens pour atteindre cette fin ; (...) dans lunité de son rachat opéré pour tous par le Christ (Pie XII, enc. " Summi pontificatus "; cf. NA 1).
361 " Cette loi de solidarité humaine et de charité " (Ibid.), sans exclure la riche variété des personnes, des cultures et des peuples, nous assure que tous les hommes sont vraiment frères.
II. " Un de corps et dâme "
362 La personne humaine, créée à limage de Dieu, est un être à la fois corporel et spirituel. Le récit biblique exprime cette réalité avec un langage symbolique, lorsquil affirme que " Dieu modela lhomme avec la glaise du sol ; il insuffla dans ses narines une haleine de vie et lhomme devint un être vivant " (Gn 2, 7). Lhomme tout entier est donc voulu par Dieu.
363 Souvent, le terme âme désigne dans lÉcriture Sainte la vie humaine (cf. Mt 16, 25-26 ; Jn 15, 13) ou toute la personne humaine (cf. Ac 2, 41). Mais il désigne aussi ce quil y a de plus intime en lhomme (cf. Mt 26, 38 ; Jn 12, 27) et de plus grande valeur en lui (cf. Mt 10, 28 ; 2 M 6, 30), ce par quoi il est plus particulièrement image de Dieu : " âme " signifie le principe spirituel en lhomme.
364 Le corps de lhomme participe à la dignité de l" image de Dieu " : il est corps humain précisément parce quil est animé par lâme spirituelle, et cest la personne humaine toute entière qui est destinée à devenir, dans le Corps du Christ, le Temple de lEsprit (cf. 1 Co 6, 19-20 ; 15, 44-45) :
Corps et âme, mais vraiment un, lhomme, dans sa condition corporelle, rassemble en lui-même les éléments du monde matériel qui trouvent ainsi, en lui, leur sommet, et peuvent librement louer leur Créateur. Il est donc interdit à lhomme de dédaigner la vie corporelle. Mais au contraire il doit estimer et respecter son corps qui a été créé par Dieu et qui doit ressusciter au dernier jour (GS 14, § 1).
365 Lunité de lâme et du corps est si profonde que lon doit considérer lâme comme la " forme " du corps (cf. Cc. Vienne en 1312 : DS 902) ; cest-à-dire, cest grâce à lâme spirituelle que le corps constitué de matière est un corps humain et vivant ; lesprit et la matière, dans lhomme, ne sont pas deux natures unies, mais leur union forme une unique nature.
366 LÉglise enseigne que chaque âme spirituelle est immédiatement créée par Dieu (cf. Pie XII, enc. " Humani generis ", 1950 : DS 3896 ; SPF 8) elle nest pas " produite " par les parents ; elle nous apprend aussi quelle est immortelle (cf. Cc. Latran V en 1513 : DS 1440) : elle ne périt pas lors de sa séparation du corps dans la mort, et sunira de nouveau au corps lors de la résurrection finale.
367 Parfois il se trouve que lâme soit distinguée de lesprit. Ainsi S. Paul prie pour que notre " être tout entier, lesprit, lâme et le corps " soit gardé sans reproche à lAvènement du Seigneur (1 Th 5, 23). LÉglise enseigne que cette distinction nintroduit pas une dualité dans lâme (Cc. Constantinople IV en 870 : DS 657). " Esprit " signifie que lhomme est ordonné dès sa création à sa fin surnaturelle (Cc. Vatican I : DS 3005 ; cf. GS 22, § 5), et que son âme est capable dêtre surélevée gratuitement à la communion avec Dieu (cf. Pie XII, Enc. " Humani generis ", 1950 : DS 3891).
368 La tradition spirituelle de lÉglise insiste aussi sur le cur, au sens biblique de " fond de lêtre " (Jr 31, 33) où la personne se décide ou non pour Dieu (cf. Dt 6, 5 ; 29, 3 ; Is 29, 13 ; Ez 36, 26 ; Mt 6, 21 ; Lc 8, 15 ; Rm 5, 5).
III. " Homme et femme il les créa "
Égalité et différence voulues par Dieu
369 Lhomme et la femme sont créés, cest-à-dire ils sont voulus par Dieu : dans une parfaite égalité en tant que personnes humaines, dune part, et dautre part dans leur être respectif dhomme et de femme. " Être homme ", " être femme " est une réalité bonne et voulue par Dieu : lhomme et la femme ont une dignité inamissible qui leur vient immédiatement de Dieu leur créateur (cf. Gn 2, 7. 22). Lhomme et la femme sont, avec une même dignité, " à limage de Dieu ". Dans leur " être-homme " et leur " être-femme ", ils reflètent la sagesse et la bonté du Créateur.
370 Dieu nest aucunement à limage de lhomme. Il nest ni homme ni femme. Dieu est pur esprit en lequel il ny a pas place pour la différence des sexes. Mais les " perfections " de lhomme et de la femme reflètent quelque chose de linfinie perfection de Dieu : celles dune mère (cf. Is 49, 14-15 ; 66, 13 ; Ps 130, 2-3) et celles dun père et époux (cf. Os 11, 1-4 ; Jr 3, 4-19).
" Lun pour lautre " " une unité à deux "
371 Créés ensemble, lhomme et la femme sont voulus par Dieu lun pour lautre. La Parole de Dieu nous le fait entendre par divers traits du texte sacré. " Il nest pas bon que lhomme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie " (Gn 2, 18). Aucun des animaux ne peut être ce " vis-à-vis " de lhomme (Gn 2, 19-20). La femme que Dieu " façonne " de la côte tirée de lhomme et quil amène à lhomme, provoque de la part de lhomme un cri dadmiration, une exclamation damour et de communion : " Cest los de mes os et la chair de ma chair " (Gn 2, 23). Lhomme découvre la femme comme un autre " moi ", de la même humanité.
372 Lhomme et la femme sont faits " lun pour lautre " : non pas que Dieu ne les aurait faits qu" à moitié " et " incomplets " ; Il les a créés pour une communion de personnes, en laquelle chacun peut être " aide " pour lautre parce quils sont à la fois égaux en tant que personnes (" os de mes os... ") et complémentaires en tant que masculin et féminin (MD 7). Dans le mariage, Dieu les unit de manière que, en formant " une seule chair " (Gn 2, 24), ils puissent transmettre la vie humaine : " Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre " (Gn 1, 28). En transmettant à leur descendants la vie humaine, lhomme et la femme comme époux et parents, coopèrent dune façon unique à luvre du Créateur (cf. GS 50, § 1).
373 Dans le dessein de Dieu, lhomme et la femme ont la vocation de " soumettre " la terre (cf. Gn 1, 28) comme " intendants " de Dieu. Cette souveraineté ne doit pas être une domination arbitraire et destructrice. A limage du Créateur " qui aime tout ce qui existe " (Sg 11, 24), lhomme et la femme sont appelés à participer à la Providence divine envers les autres créatures. De là, leur responsabilité pour le monde que Dieu leur a confié.
IV. Lhomme au Paradis
374 Le premier homme na pas seulement été créé bon, mais il a été constitué dans une amitié avec son Créateur et une harmonie avec lui-même et avec la création autour de lui telles quelles ne seront dépassées que par la gloire de la nouvelle création dans le Christ.
375 LÉglise, en interprétant de manière authentique le symbolisme du langage biblique à la lumière du Nouveau Testament et de la Tradition, enseigne que nos premiers parents Adam et Eve ont été constitué dans un état " de sainteté et de justice originelle " (Cc. Trente : DS 1511). Cette grâce de la sainteté originelle était une " participation à la vie divine " (LG 2).
376 Par le rayonnement de cette grâce toutes les dimensions de la vie de lhomme étaient confortées. Tant quil demeurait dans lintimité divine, lhomme ne devait ni mourir (cf. Gn 2, 17 ; 3, 19), ni souffrir (cf. Gn 3, 16). Lharmonie intérieure de la personne humaine, lharmonie entre lhomme et la femme (cf. Gn 2, 25), enfin lharmonie entre le premier couple et toute la création constituait létat appelé " justice originelle ".
377 La " maîtrise " du monde que Dieu avait accordée à lhomme dès le début, se réalisait avant tout chez lhomme lui-même comme maîtrise de soi. Lhomme était intact et ordonné dans tout son être, parce que libre de la triple concupiscence (cf. 1 Jn 2, 16) qui le soumet aux plaisirs des sens, à la convoitise des biens terrestres et à laffirmation de soi contre les impératifs de la raison.
378 Le signe de la familiarité avec Dieu, cest que Dieu le place dans le jardin (cf. Gn 2, 8). Il y vit " pour cultiver le sol et le garder " (Gn 2, 15) : le travail nest pas une peine (cf. Gn 3, 17-19), mais la collaboration de lhomme et de la femme avec Dieu dans le perfectionnement de la création visible.
379 Cest toute cette harmonie de la justice originelle, prévue pour lhomme par le dessein de Dieu, qui sera perdu par le péché de nos premiers parents.
En bref
380 " Dieu, Tu as fait lhomme à ton image et tu lui as confié lunivers, afin quen Te servant, toi, son Créateur, il règne sur la création " (MR, prière eucharistique IV, 118).
381 Lhomme est prédestiné à reproduire limage du Fils de Dieu fait homme " image du Dieu invisible " (Col 1, 15) afin que le Christ soit le premier-né dune multitude de frères et de surs (cf. Ep 1, 3-6 ; Rm 8, 29).
382 Lhomme est " un de corps et dâme " (GS 14, § 1). La doctrine de la foi affirme que lâme spirituelle et immortelle est créée immédiatement par Dieu.
383 " Dieu na pas créé lhomme solitaire : dès lorigine, il les créa homme et femme (Gn 1, 27) ; leur société réalise la première forme de communion entre personnes " (GS 12, § 4).
384 La révélation nous fait connaître létat de sainteté et de justice originelles de lhomme et de la femme avant le péché : de leur amitié avec Dieu découlait la félicité de leur existence au paradis.
Paragraphe 7 La Chute
385 Dieu est infiniment bon et toutes ses uvres sont bonnes. Cependant, personne néchappe à lexpérience de la souffrance, des maux dans la nature qui apparaissent comme liés aux limites propres des créatures , et surtout à la question du mal moral. Doù vient le mal ? " Je cherchais doù vient le mal et je ne trouvais pas de solution " dit S. Augustin (conf. 7, 7, 11), et sa propre quête douloureuse ne trouvera dissue que dans sa conversion au Dieu vivant. Car " le mystère de liniquité " (2 Th 2, 7) ne séclaire quà la lumière du mystère de la piété (cf. 1 Tm 3, 16). La révélation de lamour divin dans le Christ a manifesté à la fois létendue du mal et la surabondance de la grâce (cf. Rm 5, 20). Nous devons donc considérer la question de lorigine du mal en fixant le regard de notre foi sur Celui qui, seul, en est le Vainqueur (cf. Lc 11, 21-22 ; Jn 16, 11 ; 1 Jn 3, 8).
I. La où le péché a abondé, la grâce a surabondé
La réalité du péché
386 Le péché est présent dans lhistoire de lhomme : il serait vain de tenter de lignorer ou de donner à cette obscure réalité dautres noms. Pour essayer de comprendre ce quest le péché, il faut dabord reconnaître le lien profond de lhomme avec Dieu, car en dehors de ce rapport, le mal du péché nest pas démasqué dans sa véritable identité de refus et dopposition face à Dieu, tout en continuant à peser sur la vie de lhomme et sur lhistoire.
387 La réalité du péché, et plus particulièrement du péché des origines, ne séclaire quà la lumière de la Révélation divine. Sans la connaissance quelle nous donne de Dieu on ne peut clairement reconnaître le péché, et on est tenté de lexpliquer uniquement comme un défaut de croissance, comme une faiblesse psychologique, une erreur, la conséquence nécessaire dune structure sociale inadéquate, etc. Cest seulement dans la connaissance du dessein de Dieu sur lhomme que lon comprend que le péché est un abus de la liberté que Dieu donne aux personnes créées pour quelles puissent laimer et saimer mutuellement.
Le péché originel une vérité essentielle de la foi
388 Avec la progression de la Révélation est éclairée aussi la réalité du péché. Bien que le Peuple de Dieu de lAncien Testament ait connu dune certaine manière la condition humaine à la lumière de lhistoire de la chute narrée dans la Genèse, il ne pouvait pas atteindre la signification ultime de cette histoire, qui se manifeste seulement à la lumière de la Mort et de la Résurrection de Jésus-Christ (cf. Rm 5, 12-21). Il faut connaître le Christ comme source de la grâce pour connaître Adam comme source du péché. Cest lEsprit-Paraclet, envoyé par le Christ ressuscité, qui est venu " confondre le monde en matière de péché " (Jn 16, 8) en révélant Celui qui en est le Rédempteur.
389 La doctrine du péché originel est pour ainsi dire " le revers " de la Bonne Nouvelle que Jésus est le Sauveur de tous les hommes, que tous ont besoin du salut et que le salut est offert à tous grâce au Christ. LÉglise qui a le sens du Christ (cf. 1 Co 2, 16) sait bien quon ne peut pas toucher à la révélation du péché originel sans porter atteinte au mystère du Christ.
Pour lire le récit de la chute
390 Le récit de la chute (Gn 3) utilise un langage imagé, mais il affirme un événement primordial, un fait qui a eu lieu au commencement de lhistoire de lhomme (cf. GS 13, § 1). La Révélation nous donne la certitude de foi que toute lhistoire humaine est marquée par la faute originelle librement commise par nos premiers parents (cf. Cc. Trente : DS 1513 ; Pie XII : DS 3897 ; Paul VI, discours 11 juillet 1966).
II. La chute des anges
391 Derrière le choix désobéissant de nos premiers parents il y a une voix séductrice, opposée à Dieu (cf. Gn 3, 4-5) qui, par envie, les fait tomber dans la mort (cf. Sg 2, 24). LÉcriture et la Tradition de lÉglise voient en cet être un ange déchu, appelé Satan ou diable (cf. Jn 8, 44 ; Ap 12, 9). LÉglise enseigne quil a été dabord un ange bon, fait par Dieu. " Le diable et les autres démons ont certes été créés par Dieu naturellement bons, mais cest eux qui se sont rendus mauvais " (Cc. Latran IV en 1215 : DS 800).
392 LÉcriture parle dun péché de ces anges (cf. 2 P 2, 4). Cette " chute " consiste dans le choix libre de ces esprits créés, qui ont radicalement et irrévocablement refusé Dieu et son Règne. Nous trouvons un reflet de cette rébellion dans les paroles du tentateur à nos premiers parents : " Vous deviendrez comme Dieu " (Gn 3, 5). Le diable est " pécheur dès lorigine " (1 Jn 3, 8), " père du mensonge " (Jn 8, 44).
393 Cest le caractère irrévocable de leur choix, et non un défaut de linfinie miséricorde divine, qui fait que le péché des anges ne peut être pardonné. " Il ny a pas de repentir pour eux après la chute, comme il ny a pas de repentir pour les hommes après la mort " (S. Jean Damascène, f. o. 2, 4 : PG 94, 877C).
394 LÉcriture atteste linfluence néfaste de celui que Jésus appelle " lhomicide dès lorigine " (Jn 8, 44), et qui a même tenté de détourner Jésus de la mission reçue du Père (cf. Mt 4, 1-11). " Cest pour détruire les uvres du diable que le Fils de Dieu est apparu " (1 Jn 3, 8). La plus grave en conséquences de ces uvres a été la séduction mensongère qui a induit lhomme à désobéir à Dieu.
395 La puissance de Satan nest cependant pas infinie. Il nest quune créature, puissante du fait quil est pur esprit, mais toujours une créature : il ne peut empêcher lédification du Règne de Dieu. Quoique Satan agisse dans le monde par haine contre Dieu et son Royaume en Jésus-Christ, et quoique son action cause de graves dommages de nature spirituelle et indirectement même de nature physique pour chaque homme et pour la société, cette action est permise par la divine Providence qui avec force et douceur dirige lhistoire de lhomme et du monde. La permission divine de lactivité diabolique est un grand mystère, mais " nous savons que Dieu fait tout concourir au bien de ceux qui laiment " (Rm 8, 28).
III. Le péché originel
Lépreuve de la liberté
396 Dieu a créé lhomme à son image et la constitué dans son amitié. Créature spirituelle, lhomme ne peut vivre cette amitié que sur le mode de la libre soumission à Dieu. Cest ce quexprime la défense faite à lhomme de manger de larbre de la connaissance du bien et du mal, " car du jour où tu en mangeras, tu mourras " (Gn 2, 17). " Larbre de la connaissance du bien et du mal " (Gn 2, 17) évoque symboliquement la limite infranchissable que lhomme, en tant que créature, doit librement reconnaître et respecter avec confiance. Lhomme dépend du Créateur, il est soumis aux lois de la création et aux normes morales qui règlent lusage de la liberté.
Le premier péché de lhomme
397 Lhomme, tenté par le diable, a laissé mourir dans son cur la confiance envers son créateur (cf. Gn 3, 1-11) et, en abusant de sa liberté, a désobéi au commandement de Dieu. Cest en cela qua consisté le premier péché de lhomme (cf. Rm 5, 19). Tout péché, par la suite, sera une désobéissance à Dieu et un manque de confiance en sa bonté.
398 Dans ce péché, lhomme sest préféré lui-même à Dieu, et par là même, il a méprisé Dieu : il a fait choix de soi-même contre Dieu, contre les exigences de son état de créature et dès lors contre son propre bien. Constitué dans un état de sainteté, lhomme était destiné à être pleinement " divinisé " par Dieu dans la gloire. Par la séduction du diable, il a voulu " être comme Dieu " (cf. Gn 3, 5), mais " sans Dieu, et avant Dieu, et non pas selon Dieu " (S. Maxime le Confesseur, ambig. : PG 91, 1156C).
399 LÉcriture montre les conséquences dramatiques de cette première désobéissance. Adam et Eve perdent immédiatement la grâce de la sainteté originelle (cf. Rm 3, 23). Ils ont peur de ce Dieu (cf. Gn 3, 9-10) dont ils ont conçu une fausse image, celle dun Dieu jaloux de ses prérogatives (cf. Gn 3, 5).
400 Lharmonie dans laquelle ils étaient, établie grâce à la justice originelle, est détruite ; la maîtrise des facultés spirituelles de lâme sur le corps est brisée (cf. Gn 3, 7) ; lunion de lhomme et de la femme est soumise à des tensions (cf. Gn 3, 11-13) ; leurs rapports seront marqués par la convoitise et la domination (cf. Gn 3, 16). Lharmonie avec la création est rompue : la création visible est devenue pour lhomme étrangère et hostile (cf. Gn 3, 17. 19). A cause de lhomme, la création est soumise " à la servitude de la corruption " (Rm 8, 20). Enfin, la conséquence explicitement annoncée pour le cas de la désobéissance (cf. Gn 2, 17) se réalisera : lhomme " retournera à la poussière de laquelle il est formé " (Gn 3, 19). La mort fait son entrée dans lhistoire de lhumanité (cf. Rm 5, 12).
401 Depuis ce premier péché, une véritable " invasion " du péché inonde le monde : le fratricide commis par Caïn sur Abel (cf. Gn 4, 3-15) ; la corruption universelle à la suite du péché (cf. Gn 6, 5. 12 ; Rm 1, 18-32) ; de même, dans lhistoire dIsraël, le péché se manifeste fréquemment, surtout comme une infidélité au Dieu de lalliance et comme transgression de la Loi de Moïse ; après la Rédemption du Christ aussi, parmi les chrétiens, le péché se manifeste de nombreuses manières (cf. 1 Co 1-6 ; Ap 2-3). LÉcriture et la Tradition de lÉglise ne cessent de rappeler la présence et luniversalité du péché dans lhistoire de lhomme :
Ce que la révélation divine nous découvre, notre propre expérience le confirme. Car lhomme, sil regarde au-dedans de son cur, se découvre également enclin au mal, submergé de multiples maux qui ne peuvent provenir de son Créateur, qui est bon. Refusant souvent de reconnaître Dieu comme son principe, lhomme a, par le fait même, brisé lordre qui lorientait à sa fin dernière, et, en même temps, il a rompu toute harmonie, soit par rapport à lui-même, soit par rapport aux autres hommes et à toute la création (GS 13, § 1).
Conséquences du péché dAdam pour lhumanité
402 Tous les hommes sont impliqués dans le péché dAdam. S. Paul laffirme : " Par la désobéissance dun seul homme, la multitude (cest-à-dire tous les hommes) a été constituée pécheresse " (Rm 5, 19) : " De même que par un seul homme le péché est entré dans le monde et par le péché la mort, et quainsi la mort est passée en tous les hommes, du fait que tous ont péché... " (Rm 5, 12). A luniversalité du péché et de la mort lapôtre oppose luniversalité du salut dans le Christ : " Comme la faute dun seul a entraîné sur tous les hommes une condamnation, de même luvre de justice dun seul (celle du Christ) procure à tous une justification qui donne la vie " (Rm 5, 18).
403 A la suite de S. Paul lÉglise a toujours enseigné que limmense misère qui opprime les hommes et leur inclination au mal et à la mort ne sont pas compréhensibles sans leur lien avec le péché dAdam et le fait quil nous a transmis un péché dont nous naissons tous affectés et qui est " mort de lâme " (cf. Cc. Trente : DS 1512). En raison de cette certitude de foi, lÉglise donne le Baptême pour la rémission des péchés même aux petits enfants qui nont pas commis de péché personnel (cf. Cc. Trente : DS 1514).
404 Comment le péché dAdam est-il devenu le péché de tous ses descendants ? Tout le genre humain est en Adam " comme lunique corps dun homme unique " (S. Thomas dA., mal. 4, 1) Par cette " unité du genre humain " tous les hommes sont impliqués dans le péché dAdam, comme tous sont impliqués dans la justice du Christ. Cependant, la transmission du péché originel est un mystère que nous ne pouvons pas comprendre pleinement. Mais nous savons par la Révélation quAdam avait reçu la sainteté et la justice originelles non pas pour lui seul, mais pour toute la nature humaine : en cédant au tentateur, Adam et Eve commettent un péché personnel, mais ce péché affecte la nature humaine quils vont transmettre dans un état déchu (cf. Cc. Trente : DS 1511-1512). Cest un péché qui sera transmis par propagation à toute lhumanité, cest-à-dire par la transmission dune nature humaine privée de la sainteté et de la justice originelles. Et cest pourquoi le péché originel est appelé " péché " de façon analogique : cest un péché " contracté " et non pas " commis ", un état et non pas un acte.
405 Quoique propre à chacun (cf. Cc. Trente : DS 1513), le péché originel na, en aucun descendant dAdam, un caractère de faute personnelle. Cest la privation de la sainteté et de la justice originelles, mais la nature humaine nest pas totalement corrompue : elle est blessée dans ses propres forces naturelles, soumise à lignorance, à la souffrance et à lempire de la mort, et inclinée au péché (cette inclination au mal est appelée " concupiscence "). Le Baptême, en donnant la vie de la grâce du Christ, efface le péché originel et retourne lhomme vers Dieu, mais les conséquences pour la nature, affaiblie et inclinée au mal, persistent dans lhomme et lappellent au combat spirituel.
406 La doctrine de lÉglise sur la transmission du péché originel sest précisée surtout au cinquième siècle, en particulier sous limpulsion de la réflexion de S. Augustin contre le pélagianisme, et au seizième siècle, en opposition à la Réforme protestante. Pélage tenait que lhomme pouvait, par la force naturelle de sa volonté libre, sans laide nécessaire de la grâce de Dieu, mener une vie moralement bonne ; il réduisait ainsi linfluence de la faute dAdam à celle dun mauvais exemple. Les premiers réformateurs protestants, au contraire, enseignaient que lhomme était radicalement perverti et sa liberté annulée par le péché des origines ; ils identifiaient le péché hérité par chaque homme avec la tendance au mal (concupiscentia), qui serait insurmontable. LÉglise sest spécialement prononcée sur le sens du donné révélé concernant le péché originel au deuxième Concile dOrange en 529 (cf. DS 371-372) et au Concile de Trente en 1546 (cf. DS 1510-1516).
Un dur combat...
407 La doctrine sur le péché originel liée à celle de la Rédemption par le Christ donne un regard de discernement lucide sur la situation de lhomme et de son agir dans le monde. Par le péché des premiers parents, le diable a acquis une certaine domination sur lhomme, bien que ce dernier demeure libre. Le péché originel entraîne " la servitude sous le pouvoir de celui qui possédait lempire de la mort, cest-à-dire du diable " (Cc. Trente : DS 1511 ; cf. He 2, 14). Ignorer que lhomme a une nature blessée, inclinée au mal, donne lieu à de graves erreurs dans le domaine de léducation, de la politique, de laction sociale (cf. CA 25) et des murs.
408 Les conséquences du péché originel et de tous les péchés personnels des hommes confèrent au monde dans son ensemble une condition pécheresse, qui peut être désignée par lexpression de Saint Jean : " le péché du monde " (Jn 1, 29). Par cette expression on signifie aussi linfluence négative quexercent sur les personnes les situations communautaires et les structures sociales qui sont le fruit des péchés des hommes (cf. RP 16).
409 Cette situation dramatique du monde qui " tout entier gît au pouvoir du mauvais " (1 Jn 5, 19 ; cf. 1 P 5, 8) fait de la vie de lhomme un combat :
Un dur combat contre les puissances des ténèbres passe à travers toute lhistoire des hommes ; commencé dès les origines, il durera, le Seigneur nous la dit, jusquau dernier jour. Engagé dans cette bataille, lhomme doit sans cesse combattre pour sattacher au bien ; et non sans grands efforts, avec la grâce de Dieu, il parvient à réaliser son unité intérieure (GS 37, § 2).
IV. " Tu ne las pas abandonné au pouvoir de la mort "
410 Après sa chute, lhomme na pas été abandonné par Dieu. Au contraire, Dieu lappelle (cf. Gn 3, 9) et lui annonce de façon mystérieuse la victoire sur le mal et le relèvement de sa chute (cf. Gn 3, 15). Ce passage de la Genèse a été appelé " Protévangile ", étant la première annonce du Messie rédempteur, celle dun combat entre le serpent et la Femme et de la victoire finale dun descendant de celle-ci.
411 La tradition chrétienne voit dans ce passage une annonce du " nouvel Adam " (cf. 1 Co 15, 21-22. 45) qui, par son " obéissance jusquà la mort de la Croix " (Ph 2, 8) répare en surabondance la désobéissance dAdam (cf. Rm 5, 19-20). Par ailleurs, de nombreux Pères et docteurs de lÉglise voient dans la femme annoncée dans le " protévangile " la mère du Christ, Marie, comme " nouvelle Eve ". Elle a été celle qui, la première et dune manière unique, a bénéficié de la victoire sur le péché remportée par le Christ : elle a été préservée de toute souillure du péché originel (cf. Pie IX : DS 2803) et durant toute sa vie terrestre, par une grâce spéciale de Dieu, elle na commis aucune sorte de péché (cf. Cc. Trente : DS 1573).
412 Mais pourquoi Dieu na-t-il pas empêché le premier homme de pécher ? S. Léon le Grand répond : " La grâce ineffable du Christ nous a donné des biens meilleurs que ceux que lenvie du démon nous avait ôtés " (serm. 73, 4 : PL 54, 396). Et S. Thomas dAquin : " Rien ne soppose à ce que la nature humaine ait été destinée à une fin plus haute après le péché. Dieu permet, en effet, que les maux se fassent pour en tirer un plus grand bien. Doù le mot de S. Paul : Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé (Rm 5, 20). Et le chant de lExultet : O heureuse faute qui a mérité un tel et un si grand Rédempteur " (S. Thomas dA., s. th. 3, 1, 3, ad 3 ; lExsultet chante ces paroles de saint Thomas).
En bref
413 " Dieu na pas fait la mort, il ne se réjouit pas de la perte des vivants (...). Cest par lenvie du diable que la mort est entrée dans le monde " (Sg 1, 13 ; 2, 24).
414 Satan ou le diable et les autres démons sont des anges déchus pour avoir librement refusé de servir Dieu et son dessein. Leur choix contre Dieu est définitif. Ils tentent dassocier lhomme à leur révolte contre Dieu.
415 " Établi par Dieu dans un état de sainteté, lhomme séduit par le Malin, dès le début de lhistoire, a abusé de sa liberté, en se dressant contre Dieu et en désirant parvenir à sa fin hors de Dieu " (GS 13, § 1).
416 Par son péché, Adam, en tant que premier homme, a perdu la sainteté et la justice originelles quil avait reçues de Dieu non seulement pour lui, mais pour tous les humains.
417 A leur descendance, Adam et Eve ont transmis la nature humaine blessée par leur premier péché, donc privée de la sainteté et la justice originelles. Cette privation est appelée " péché originel ".
418 En conséquence du péché originel, la nature humaine est affaiblie dans ses forces, soumise à lignorance, à la souffrance et à la domination de la mort, et inclinée au péché (inclination appelée " concupiscence ").
419 " Nous tenons donc, avec le Concile de Trente, que le péché originel est transmis avec la nature humaine, non par imitation, mais par propagation, et quil est ainsi propre à chacun " (SPF 16).
420 La victoire sur le péché remportée par le Christ nous a donné des biens meilleurs que ceux que le péché nous avait ôtés : " La où le péché a abondé, la grâce a surabondé " (Rm 5, 20).
421 " Pour la foi des chrétiens, ce monde a été fondé et demeure conservé par lamour du créateur ; il est tombé, certes, sous lesclavage du péché, mais le Christ, par la Croix et la Résurrection, a brisé le pouvoir du Malin et la libéré... " (GS 2, § 2).
Chapitre Deuxième
Je crois en Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu
La Bonne Nouvelle : Dieu a envoyé son Fils
422 " Mais quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né dune femme, né sujet de la loi, afin de racheter les sujets de la loi, afin de nous conférer ladoption filiale " (Ga 4, 4-5). Voici " la Bonne Nouvelle touchant Jésus-Christ, Fils de Dieu " (Mc 1, 1) : Dieu a visité son peuple (cf. Lc 1, 68), il a accompli les promesses faites à Abraham et à sa descendance (cf. Lc 1, 55) ; il la fait au-delà de toute attente : Il a envoyé son " Fils bien-aimé " (Mc 1, 11).
423 Nous croyons et confessons que Jésus de Nazareth, né juif dune fille dIsraël, à Bethléem, au temps du roi Hérode le Grand et de lempereur César Auguste ; de son métier charpentier, mort crucifié à Jérusalem, sous le procureur Ponce Pilate, pendant le règne de lempereur Tibère, est le Fils éternel de Dieu fait homme, quil est " sorti de Dieu " (Jn 13, 3), " descendu du ciel " (Jn 3, 13 ; 6, 33), " venu dans la chair " (1 Jn 4, 2), car " le Verbe sest fait chair et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, gloire quil tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité (...). Oui, de sa plénitude nous avons tous reçu et grâce pour grâce " (Jn 1, 14. 16).
424 Mûs par la grâce de lEsprit Saint et attirés par le Père nous croyons et nous confessons au sujet de Jésus : " Tu es le Christ, le Fils du Dieu Vivant " (Mt 16, 16). Cest sur le roc de cette foi, confessée par S. Pierre, que le Christ a bâti son Église (cf. Mt 16, 18 ; S. Léon le Grand, serm. 4, 3 : PL 54, 151 ; 51, 1 : PL 54, 309B ; 62, 2 : PL 350C-351A ; 83, 3 : PL 54, 432A).
" Annoncer linsondable richesse du Christ " (Ep 3, 8)
425 La transmission de la foi chrétienne, cest dabord lannonce de Jésus-Christ, pour conduire à la foi en Lui. Dès le commencement, les premiers disciples ont brûlé du désir dannoncer le Christ : " Nous ne pouvons pas, quant à nous, ne pas publier ce que nous avons vu et entendu " (Ac 4, 20). Et ils invitent les hommes de tous les temps à entrer dans la joie de leur communion avec le Christ :
Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie ; car la vie sest manifestée : nous lavons vue, nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui était auprès du Père et qui nous est apparue ; ce que nous avons vu et entendu, nous vous lannonçons, afin que vous aussi vous soyez en communion avec nous. Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ. Tout ceci, nous vous lécrivons pour que notre joie soit complète (1 Jn 1, 1-4).
Au cur de la catéchèse : le Christ
426 " Au cur de la catéchèse nous trouvons essentiellement une Personne, celle de Jésus de Nazareth, Fils unique du Père (...), qui a souffert et qui est mort pour nous et qui maintenant, ressuscité, vit avec nous pour toujours (...). Catéchiser (...), cest dévoiler dans la Personne du Christ tout le dessein éternel de Dieu. Cest chercher à comprendre la signification des gestes et des paroles du Christ, des signes réalisés par lui " (CT 5). Le but de la catéchèse : " Mettre en communion avec Jésus-Christ : lui seul peut conduire à lamour du Père dans lEsprit et nous faire participer à la vie de la Trinité Sainte " (ibid.).
427 " Dans la catéchèse, cest le Christ, Verbe incarné et Fils de Dieu, qui est enseigné tout le reste lest en référence à lui ; et seul le Christ enseigne, tout autre le fait dans la mesure où il est son porte-parole, permettant au Christ denseigner par sa bouche (...). Tout catéchiste devrait pouvoir sappliquer à lui-même la mystérieuse parole de Jésus : Ma doctrine nest pas de moi, mais de celui qui ma envoyé (Jn 7, 16) " (ibid., 6).
428 Celui qui est appelé à " enseigner le Christ ", doit donc dabord chercher " ce gain suréminent quest la connaissance du Christ " ; il faut " accepter de tout perdre (...) afin de gagner le Christ et dêtre trouvé en lui ", et de " le connaître, lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme dans la mort, afin de parvenir si possible à ressusciter dentre les morts " (Ph 3, 8-11).
429 Cest de cette connaissance amoureuse du Christ que jaillit le désir de Lannoncer, d" évangéliser ", et de conduire dautres au " oui " de la foi en Jésus-Christ. Mais en même temps se fait sentir le besoin de toujours mieux connaître cette foi. A cette fin, en suivant lordre du Symbole de la foi, seront dabord présentés les principaux titres de Jésus : le Christ, le Fils de Dieu, le Seigneur (article 2). Le Symbole confesse ensuite les principaux mystères de la vie du Christ : ceux de son Incarnation (article 3), ceux de sa Pâque (articles 4 et 5), enfin ceux de sa glorification (articles 6 et 7).
Article 2
" Et en Jésus-Christ, son Fils Unique,
Notre Seigneur "
I. Jésus
430 Jésus veut dire en hébreu : " Dieu sauve ". Lors de lAnnonciation, lange Gabriel lui donne comme nom propre le nom de Jésus qui exprime à la fois son identité et sa mission (cf. Lc 1, 31). Puisque " Dieu seul peut remettre les péchés " (Mc 2, 7), cest lui qui, en Jésus, son Fils éternel fait homme " sauvera son peuple de ses péchés " (Mt 1, 21). En Jésus, Dieu récapitule ainsi toute son histoire de salut en faveur des hommes.
431 Dans lhistoire du salut, Dieu ne sest pas contenté de délivrer Israël de " la maison de servitude " (Dt 5, 6) en le faisant sortir dÉgypte. Il le sauve encore de son péché. Parce que le péché est toujours une offense faite à Dieu (cf. Ps 51, 6), cest Lui seul qui peut labsoudre (cf. Ps 51, 12). Cest pourquoi Israël, en prenant de plus en plus conscience de luniversalité du péché, ne pourra plus chercher le salut que dans linvocation du nom du Dieu Rédempteur (cf. Ps 79, 9).
432 Le nom de Jésus signifie que le nom même de Dieu est présent en la personne de son Fils (cf. Ac 5, 41 ; 3 Jn 7) fait homme pour la rédemption universelle et définitive des péchés. Il est le nom divin qui seul apporte le salut (cf. Jn 3, 5 ; Ac 2, 21) et il peut désormais être invoqué de tous car il sest uni à tous les hommes par lIncarnation (cf. Rm 10, 6-13) de telle sorte qu" il ny a pas sous le ciel dautre nom donné aux hommes par lequel nous puissions être sauvés " (Ac 4, 12 ; cf. Ac 9, 14 ; Jc 2, 7).
433 Le nom du Dieu Sauveur était invoqué une seule fois par an par le grand prêtre pour lexpiation des péchés dIsraël, quand il avait aspergé le propitiatoire du Saint des Saints avec le sang du sacrifice (cf. Lv 16, 15-16 ; Si 50, 20 ; He 9, 7). Le propitiatoire était le lieu de la présence de Dieu (cf. Ex 25, 22 ; Lv 16, 2 ; Nb 7, 89 ; He 9, 5). Quand S. Paul dit de Jésus que " Dieu la destiné à être propitiatoire par son propre sang " (Rm 3, 25), il signifie que dans lhumanité de celui-ci, " cétait Dieu qui dans le Christ se réconciliait le monde " (2 Co 5, 19).
434 La Résurrection de Jésus glorifie le nom du Dieu Sauveur (cf. Jn 12, 28) car désormais, cest le nom de Jésus qui manifeste en plénitude la puissance suprême du " nom au-dessus de tout nom " (Ph 2, 9-10). Les esprits mauvais craignent son nom (cf. Ac 16, 16-18 ; 19, 13-16) et cest en son nom que les disciples de Jésus font des miracles (cf. Mc 16, 17), car tout ce quils demandent au Père en son nom, celui-ci le leur accorde (Jn 15, 16).
435 Le nom de Jésus est au cur de la prière chrétienne. Toutes les oraisons liturgiques se concluent par la formule " par notre Seigneur Jésus-Christ ". Le " Je vous salue, Marie " culmine dans " et Jésus, le fruit de tes entrailles, est béni ". La prière du cur orientale appelée " prière à Jésus " dit : " Jésus-Christ, Fils de Dieu, Seigneur prend pitié de moi pécheur ". De nombreux chrétiens meurent en ayant, comme Ste Jeanne dArc, le seul mot de " Jésus " aux lèvres (cf. P. Doncoeur et Y. Lanhers, La réhabilitation de Jeanne la Pucelle, p. 39. 45. 56).
II. Christ
436 Christ vient de la traduction grecque du terme hébreu " Messie " qui veut dire " oint ". Il ne devient le nom propre de Jésus que parce que celui-ci accomplit parfaitement la mission divine quil signifie. En effet en Israël étaient oints au nom de Dieu ceux qui lui étaient consacrés pour une mission venant de lui. Cétait le cas des rois (cf. 1 S 9, 16 ; 10, 1 ; 16, 1. 12-13 ; 1 R 1, 39), des prêtres (cf. Ex 29, 7 ; Lv 8, 12) et, en de rares cas, des prophètes (cf. 1 R 19, 16). Ce devait être par excellence le cas du Messie que Dieu enverrait pour instaurer définitivement son Royaume (cf. Ps 2, 2 ; Ac 4, 26-27). Le Messie devait être oint par lEsprit du Seigneur (cf. Is 11, 2) à la fois comme roi et prêtre (cf. Za 4, 14 ; 6, 13) mais aussi comme prophète (cf. Is 61, 1 ; Lc 4, 16-21). Jésus a accompli lespérance messianique dIsraël dans sa triple fonction de prêtre, de prophète et de roi .
437 Lange a annoncé aux bergers la naissance de Jésus comme celle du Messie promis à Israël : " Aujourdhui, dans la ville de David vous est né un Sauveur qui est le Christ Seigneur " (Lc 2, 11). Dès lorigine il est " celui que le Père a consacré et envoyé dans le monde " (Jn 10, 36), conçu comme " saint " (Lc 1, 35) dans le sein virginal de Marie. Joseph a été appelé par Dieu à " prendre chez lui Marie son épouse " enceinte de " ce qui a été engendré en elle par lEsprit Saint " (Mt 1, 21) afin que Jésus " que lon appelle Christ " naisse de lépouse de Joseph dans la descendance messianique de David (Mt 1, 16 ; cf. Rm 1, 3 ; 2 Tm 2, 8 ; Ap 22, 16).
438 La consécration messianique de Jésus manifeste sa mission divine. " Cest dailleurs ce quindique son nom lui-même, car dans le nom de Christ est sous-entendu Celui qui a oint, Celui qui a été oint et lOnction même dont il a été oint : Celui qui a oint, cest le Père, Celui qui a été oint, cest le Fils, et il la été dans lEsprit qui est lOnction " (S. Irénée, hær. 3, 18, 3). Sa consécration messianique éternelle sest révélée dans le temps de sa vie terrestre lors de son baptême par Jean quand " Dieu la oint de lEsprit Saint et de puissance " (Ac 10, 38) " pour quil fût manifesté à Israël " (Jn 1, 31) comme son Messie. Ses uvres et ses paroles le feront connaître comme " le saint de Dieu " (Mc 1, 24 ; Jn 6, 69 ; Ac 3, 14).
439 De nombreux juifs et même certains païens qui partageaient leur espérance ont reconnu en Jésus les traits fondamentaux du " fils de David " messianique promis par Dieu à Israël (cf. Mt 2, 2 ; 9, 27 ; 12, 23 ; 15, 22 ; 20, 30 ; 21, 9. 15). Jésus a accepté le titre de Messie auquel il avait droit (cf. Jn 4, 25-26 ; 11, 27), mais non sans réserve parce que celui-ci était compris par une partie de ses contemporains selon une conception trop humaine (cf. Mt 22, 41-46), essentiellement politique (cf. Jn 6, 15 ; Lc 24, 21).
440 Jésus a accueilli la profession de foi de Pierre qui le reconnaissait comme le Messie en annonçant la passion prochaine du Fils de lHomme (cf. Mt 16, 16-23). Il a dévoilé le contenu authentique de sa royauté messianique à la fois dans lidentité transcendante du Fils de lHomme " qui est descendu du ciel " (Jn 3, 13 ; cf. Jn 6, 62 ; Dn 7, 13) et dans sa mission rédemptrice comme Serviteur souffrant : " Le Fils de lHomme nest pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude " (Mt 20, 28 ; cf. Is 53, 10-12). Cest pourquoi le vrai sens de sa royauté nest manifesté que du haut de la Croix (cf. Jn 19, 19-22 ; Lc 23, 39-43). Cest seulement après sa Résurrection que sa royauté messianique pourra être proclamée par Pierre devant le Peuple de Dieu : " Que toute la maison dIsraël le sache avec certitude : Dieu la fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous, vous avez crucifié " (Ac 2, 36).
III. Fils unique de Dieu
441 Fils de Dieu, dans lAncien Testament, est un titre donné aux anges (cf. Dt 32, 8 ; Jb 1, 6), au peuple de lÉlection (cf. Ex 4, 22 ; Os 11, 1 ; Jr 3, 19 ; Si 36, 11 ; Sg 18, 13), aux enfants dIsraël (cf. Dt 14, 1 ; Os 2, 1) et à leurs rois (cf. 2 S 7, 14 ; Ps 82, 6). Il signifie alors une filiation adoptive qui établit entre Dieu et sa créature des relations dune intimité particulière. Quand le Roi-Messie promis est dit " fils de Dieu " (cf. 1 Ch 17, 13 ; Ps 2, 7), cela nimplique pas nécessairement, selon le sens littéral de ces textes, quil soit plus quhumain. Ceux qui ont désigné ainsi Jésus en tant que Messie dIsraël (cf. Mt 27, 54) nont peut-être pas voulu dire davantage (cf. Lc 23, 47).
442 Il nen va pas de même pour Pierre quand il confesse Jésus comme " le Christ, le Fils du Dieu vivant " (Mt 16, 16) car celui-ci lui répond avec solennité : " Cette révélation ne test pas venue de la chair et du sang mais de mon Père qui est dans les cieux " (Mt 16, 17). Parallèlement Paul dira à propos de sa conversion sur le chemin de Damas : " Quand Celui qui dès le sein maternel ma mis à part et appelé par sa grâce daigna révéler en moi son Fils pour que je lannonce parmi les païens... " (Ga 1, 15-16). " Aussitôt il se mit à prêcher Jésus dans les synagogues, proclamant quil est le Fils de Dieu " (Ac 9, 20). Ce sera dès le début (cf. 1 Th 1, 10) le centre de la foi apostolique (cf. Jn 20, 31) professée dabord par Pierre comme fondement de lÉglise (cf. Mt 16, 18).
443 Si Pierre a pu reconnaître le caractère transcendant de la filiation divine de Jésus Messie, cest que celui-ci la nettement laissé entendre. Devant le Sanhédrin, à la demande de ses accusateurs : " Tu es donc le Fils de Dieu ", Jésus a répondu : " Vous le dites bien, je le suis " (Lc 22, 70 ; cf. Mt 26, 64 ; Mc 14, 61). Bien avant déjà, Il sest désigné comme " le Fils " qui connaît le Père (cf. Mt 11, 27 ; 21, 37-38), qui est distinct des " serviteurs " que Dieu a auparavant envoyés à son peuple (cf. Mt 21, 34-36), supérieur aux anges eux-mêmes (cf. Mt 24, 36). Il a distingué sa filiation de celle de ses disciples en ne disant jamais " notre Père " (cf. Mt 5, 48 ; 6, 8 ; 7, 21 ; Lc 11, 13) sauf pour leur ordonner " vous donc priez ainsi : Notre Père " (Mt 6, 9) ; et il a souligné cette distinction : " Mon Père et votre Père " (Jn 20, 17).
444 Les Évangiles rapportent en deux moments solennels, le Baptême et la transfiguration du Christ, la voix du Père qui Le désigne comme son " Fils bien-aimé " (cf. Mt 3, 17 ; 17, 5). Jésus se désigne Lui-même comme " le Fils Unique de Dieu " (Jn 3, 16) et affirme par ce titre sa préexistence éternelle (cf. Jn 10, 36). Il demande la foi " au nom du Fils unique de Dieu " (Jn 3, 18). Cette confession chrétienne apparaît déjà dans lexclamation du centurion face à Jésus en croix : " Vraiment cet homme était Fils de Dieu " (Mc 15, 39). Dans le mystère pascal seulement le croyant peut donner sa portée ultime au titre de " Fils de Dieu ".
445 Cest après sa Résurrection que sa filiation divine apparaît dans la puissance de son humanité glorifiée : " Selon lEsprit qui sanctifie, par sa Résurrection dentre les morts, il a été établi comme Fils de Dieu dans sa puissance " (Rm 1, 4 ; cf. Ac 13, 33). Les apôtres pourront confesser : " Nous avons vu sa gloire, gloire quil tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité " (Jn 1, 14).
IV. Seigneur
446 Dans la traduction grecque des livres de lAncien Testament, le nom ineffable sous lequel Dieu sest révélé à Moïse (cf. Ex 3, 14), YHWH, est rendu par Kyrios (" Seigneur "). Seigneur devient dès lors le nom le plus habituel pour désigner la divinité même du Dieu dIsraël. Cest dans ce sens fort que le Nouveau Testament utilise le titre de " Seigneur " à la fois pour le Père, mais aussi, et cest là la nouveauté, pour Jésus reconnu ainsi comme Dieu lui-même (cf. 1 Co 2, 8).
447 Jésus lui-même sattribue de façon voilée ce titre lorsquil discute avec les Pharisiens sur le sens du Psaume 109 (cf. Mt 22, 41-46 ; cf. aussi Ac 2, 34-36 ; He 1, 13), mais aussi de manière explicite en sadressant à ses apôtres (cf. Jn 13, 13). Tout au long de sa vie publique ses gestes de domination sur la nature, sur les maladies, sur les démons, sur la mort et le péché, démontraient sa souveraineté divine.
448 Très souvent, dans les Évangiles, des personnes sadressent à Jésus en lappelant " Seigneur ". Ce titre exprime le respect et la confiance de ceux qui sapprochent de Jésus et qui attendent de lui secours et guérison (cf. Mt 8, 2 ; 14, 30 ; 15, 22 ; e.a.). Sous la motion de lEsprit Saint, il exprime la reconnaissance du mystère divin de Jésus (cf. Lc 1, 43 ; 2, 11). Dans la rencontre avec Jésus ressuscité, il devient adoration : " Mon Seigneur et mon Dieu ! " (Jn 20, 28). Il prend alors une connotation damour et daffection qui va rester le propre de la tradition chrétienne : " Cest le Seigneur ! " (Jn 21, 7).
449 En attribuant à Jésus le titre divin de Seigneur, les premières confessions de foi de lÉglise affirment, dès lorigine (cf. Ac 2, 34-36), que le pouvoir, lhonneur et la gloire dus à Dieu le Père conviennent aussi à Jésus (cf. Rm 9, 5 ; Tt 2, 13 ; Ap 5, 13) parce quil est de " condition divine " (Ph 2, 6) et que le Père a manifesté cette souveraineté de Jésus en le ressuscitant des morts et en lexaltant dans sa gloire (cf. Rm 10, 9 ; 1 Co 12, 3 ; Ph 2, 11).
450 Dès le commencement de lhistoire chrétienne, laffirmation de la seigneurie de Jésus sur le monde et sur lhistoire (cf. Ap 11, 15) signifie aussi la reconnaissance que lhomme ne doit soumettre sa liberté personnelle, de façon absolue, à aucun pouvoir terrestre, mais seulement à Dieu le Père et au Seigneur Jésus-Christ : César nest pas " le Seigneur " (cf. Mc 12, 17 ; Ac 5, 29). " LÉglise croit (...) que la clé, le centre et la fin de toute histoire humaine se trouve en son Seigneur et Maître " (GS 10, § 2 ; cf. 45, § 2).
451 La prière chrétienne est marquée par le titre " Seigneur ", que ce soit linvitation à la prière " le Seigneur soit avec vous ", ou la conclusion de la prière " par Jésus-Christ notre Seigneur " ou encore le cri plein de confiance et despérance : " Maran atha " (" le Seigneur vient ! ") ou " Marana tha " (" Viens, Seigneur ! ") (1 Co 16, 22) : " Amen, viens, Seigneur Jésus ! " (Ap 22, 20).
En bref
452 Le nom de Jésus signifie " Dieu qui sauve ". Lenfant né de la Vierge Marie est appelé " Jésus " " car cest Lui qui sauvera son peuple de ses péchés " (Mt 1, 21) : " Il ny a pas sous le ciel dautre nom donné aux hommes par lequel il nous faille être sauvés " (Ac 4, 12).
453 Le nom de Christ signifie " oint ", " Messie ". Jésus est le Christ car " Dieu La oint de lEsprit Saint et de puissance " (Ac 10, 38). Il était " celui qui doit venir " (Lc 7, 19), lobjet de " lespérance dIsraël " (Ac 28, 20).
454 Le nom de Fils de Dieu signifie la relation unique et éternelle de Jésus-Christ à Dieu son Père : Il est le Fils unique du Père (cf. Jn 1, 14. 18 ; 3, 16. 18) et Dieu lui-même (cf. Jn 1, 1). Croire que Jésus-Christ est le Fils de Dieu est nécessaire pour être chrétien (cf. Ac 8, 37 ; 1 Jn 2, 23).
455 Le nom de Seigneur signifie la souveraineté divine. Confesser ou invoquer Jésus comme Seigneur, cest croire en sa divinité. " Nul ne peut dire Jésus est Seigneur sil nest avec lEsprit Saint " (1 Co 12, 3)
.
Article 3
" Jésus-Christ a été conçu du Saint-Esprit, Il est né de la Vierge
Marie "
Paragraphe 1. Le Fils de Dieu sest fait homme
I. Pourquoi le Verbe sest-il fait chair
456 Avec le Credo de Nicée-Constantinople, nous répondons en confessant : " Pour nous les hommes et pour notre salut Il descendit du ciel ; par lEsprit Saint, Il a pris chair de la Vierge Marie et sest fait homme ".
457 Le Verbe sest fait chair pour nous sauver en nous réconciliant avec Dieu : " Cest Dieu qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime de propitiation pour nos péchés " (1 Jn 4, 10). " Le Père a envoyé son Fils, le sauveur du monde " (1 Jn 4, 14). " Celui-là a paru pour ôter les péchés " (1 Jn 3, 5) :
Malade, notre nature demandait à être guérie ; déchue, à être relevée ; morte, à être ressuscitée. Nous avions perdu la possession du bien, il fallait nous la rendre. Enfermés dans les ténèbres, il fallait nous porter la lumière ; captifs, nous attendions un sauveur ; prisonniers, un secours ; esclaves, un libérateur. Ces raisons-là étaient-elles sans importance ? Ne méritaient-elles pas démouvoir Dieu au point de le faire descendre jusquà notre nature humaine pour la visiter, puisque lhumanité se trouvait dans un état si misérable et si malheureux ? (S. Grégoire de Nysse, or. catech. 15 : PG 45, 48B).
458 Le Verbe sest fait chair pour que nous connaissions ainsi lamour de Dieu : " En ceci sest manifesté lamour de Dieu pour nous : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde afin que nous vivions par lui " (1 Jn 4, 9). " Car Dieu a tant aimé le monde quil a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle " (Jn 3, 16).
459 Le Verbe sest fait chair pour être notre modèle de sainteté : " Prenez sur vous mon joug et apprenez de moi... " (Mt 11, 29). " Je suis la voie, la vérité et la vie ; nul ne vient au Père sans passer par moi " (Jn 14, 6). Et le Père, sur la montagne de la Transfiguration, ordonne : " Écoutez-le " (Mc 9, 7 ; cf. Dt 6, 4-5). Il est en effet le modèle des Béatitudes et la norme de la Loi nouvelle : " Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés " (Jn 15, 12). Cet amour implique loffrande effective de soi-même à sa suite (cf. Mc 8, 34).
460 Le Verbe sest fait chair pour nous rendre " participants de la nature divine " (2 P 1, 4) : " Car telle est la raison pour laquelle le Verbe sest fait homme, et le Fils de Dieu, Fils de lhomme : cest pour que lhomme, en entrant en communion avec le Verbe et en recevant ainsi la filiation divine, devienne fils de Dieu " (S. Irénée, hær. 3, 19, 1). " Car le Fils de Dieu sest fait homme pour nous faire Dieu " (S. Athanase, inc. 54, 3 : PG 25, 192B). " Le Fils unique de Dieu, voulant que nous participions à sa divinité, assuma notre nature, afin que Lui, fait homme, fit les hommes Dieu " (S. Thomas dA., opusc. 57 in festo Corp. Chr. 1).
II. LIncarnation
461 Reprenant lexpression de S. Jean (" Le Verbe sest fait chair " : Jn 1, 14), lÉglise appelle " Incarnation " le fait que le Fils de Dieu ait assumé une nature humaine pour accomplir en elle notre salut. Dans une hymne attestée par S. Paul, lÉglise chante le mystère de lIncarnation :
" Ayez entre vous les mêmes sentiments qui furent dans le Christ Jésus : Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui légalait à Dieu. Mais il sanéantit lui-même prenant condition desclave et devenant semblable aux hommes. Sétant comporté comme un homme, il shumilia plus encore, obéissant jusquà la mort, et la mort sur la Croix ! " (Ph 2, 5-8 ; cf. LH, cantique des Vêpres du samedi).
462 Lépître aux Hébreux parle du même mystère :
Cest pourquoi, en entrant dans le monde, le Christ dit : Tu nas voulu ni sacrifice ni oblation ; mais tu mas façonné un corps. Tu nas agréé ni holocauste ni sacrifices pour les péchés. Alors jai dit : Voici, je viens (...) pour faire ta volonté (He 10, 5-7, citant Ps 40, 7-9 LXX).
463 La foi en lIncarnation véritable du Fils de Dieu est le signe distinctif de la foi chrétienne : " A ceci reconnaissez lesprit de Dieu : Tout esprit qui confesse Jésus-Christ venu dans la chair est de Dieu " (1 Jn 4, 2). Cest là la joyeuse conviction de lÉglise dès son commencement, lorsquelle chante " le grand mystère de la piété " : " Il a été manifesté dans la chair " (1 Tm 3, 16).
III. Vrai Dieu et vrai homme
464 Lévénement unique et tout à fait singulier de lIncarnation du Fils de Dieu ne signifie pas que Jésus-Christ soit en partie Dieu et en partie homme, ni quil soit le résultat du mélange confus entre le divin et lhumain. Il sest fait vraiment homme en restant vraiment Dieu. Jésus-Christ est vrai Dieu et vrai homme. Cette vérité de foi, lÉglise a dû la défendre et la clarifier au cours des premiers siècles face à des hérésies qui la falsifiaient.
465 Les premières hérésies ont moins nié la divinité du Christ que son humanité vraie (docétisme gnostique). Dès les temps apostolique la foi chrétienne a insisté sur la vraie incarnation du Fils de Dieu, " venu dans la chair " (cf. 1 Jn 4, 2-3 ; 2 Jn 7). Mais dès le troisième siècle, lÉglise a dû affirmer contre Paul de Samosate, dans un Concile réuni à Antioche, que Jésus-Christ est Fils de Dieu par nature et non par adoption. Le premier Concile cuménique de Nicée, en 325, confessa dans son Credo que le Fils de Dieu est " engendré, non pas créé, de la même substance (homousios DS 125) que le Père " et condamna Arius qui affirmait que " le Fils de Dieu est sorti du néant " (DS 130) et quil serait " dune autre substance que le Père " (DS 126).
466 Lhérésie nestorienne voyait dans le Christ une personne humaine conjointe à la personne divine du Fils de Dieu. Face à elle S. Cyrille dAlexandrie et le troisième Concile cuménique réuni à Ephèse en 431 ont confessé que " le Verbe, en sunissant dans sa personne une chair animée par une âme rationnelle, est devenu homme " (DS 250). Lhumanité du Christ na dautre sujet que la personne divine du Fils de Dieu qui la assumée et faite sienne dès sa conception. Pour cela le Concile dEphèse a proclamé en 431 que Marie est devenue en toute vérité Mère de Dieu par la conception humaine du Fils de Dieu dans son sein : " Mère de Dieu, non parce que le Verbe de Dieu a tiré delle sa nature divine, mais parce que cest delle quil tient le corps sacré doté dune âme rationnelle, uni auquel en sa personne le Verbe est dit naître selon la chair " (DS 251).
467 Les monophysites affirmaient que la nature humaine avait cessé dexister comme telle dans le Christ en étant assumée par sa personne divine de Fils de Dieu. Confronté à cette hérésie, le quatrième Concile cuménique, à Chalcédoine, a confessé en 451 :
A la suite des saints Pères, nous enseignons unanimement à confesser un seul et même Fils, notre Seigneur Jésus-Christ, le même parfait en divinité et parfait en humanité, le même vraiment Dieu et vraiment homme, composé dune âme rationnelle et dun corps, consubstantiel au Père selon la divinité, consubstantiel à nous selon lhumanité, " semblable à nous en tout, à lexception du péché " (He 4, 15) ; engendré du Père avant tout les siècles selon la divinité, et en ces derniers jours, pour nous et pour notre salut, né de la Vierge Marie, Mère de Dieu, selon lhumanité.
Un seul et même Christ, Seigneur, Fils unique, que nous devons reconnaître en deux natures, sans confusion, sans changement, sans division, sans séparation. La différence des natures nest nullement supprimée par leur union, mais plutôt les propriétés de chacune sont sauvegardées et réunies en une seule personne et une seule hypostase (DS 301-302).
468 Après le Concile de Chalcédoine, certains firent de la nature humaine du Christ une sorte de sujet personnel. Contre eux, le cinquième Concile cuménique, à Constantinople en 553, a confessé à propos du Christ : " Il ny a quune seule hypostase [ou personne], qui est notre Seigneur Jésus-Christ, un de la Trinité " (DS 424). Tout dans lhumanité du Christ doit donc être attribué à sa personne divine comme à son sujet propre (cf. déjà Cc. Ephèse : DS 255), non seulement les miracles mais aussi les souffrances (cf. DS 424) et même la mort : " Celui qui a été crucifié dans la chair, notre Seigneur Jésus-Christ, est vrai Dieu, Seigneur de la gloire et Un de la sainte Trinité " (DS 432).
469 LÉglise confesse ainsi que Jésus est inséparablement vrai Dieu et vrai homme. Il est vraiment le Fils de Dieu qui sest fait homme, notre frère, et cela sans cesser dêtre Dieu, notre Seigneur :
" Il resta ce quIl était, Il assuma ce quil nétait pas ", chante la liturgie romaine (LH, In Solemnitate Sanctae Dei Genetricis Mariae, antiphona ad " Benedictus "; cf. S. Léon le Grand, serm. 21, 2 : PL 54, 192A). Et la liturgie de S. Jean Chrysostome proclame et chante : " O Fils unique et Verbe de Dieu, étant immortel, tu as daigné pour notre salut tincarner de la sainte Mère de Dieu et toujours Vierge Marie, qui sans changement es devenu homme, et qui as été crucifié, O Christ Dieu, qui, par ta mort as écrasé la mort, qui es Un de la Sainte Trinité, glorifié avec le Père et le Saint-Esprit, sauve-nous ! " (Tropaire " O monoghenis ").
IV. Comment le Fils de Dieu est-il homme ?
470 Parce que dans lunion mystérieuse de lIncarnation " la nature humaine a été assumée, non absorbée " (GS 22, § 2), lÉglise a été amenée au cours des siècles à confesser la pleine réalité de lâme humaine, avec ses opérations dintelligence et de volonté, et du corps humain du Christ. Mais parallèlement, elle a eu à rappeler à chaque fois que la nature humaine du Christ appartient en propre à la personne divine du Fils de Dieu qui la assumée. Tout ce quil est et ce quil fait en elle relève " dUn de la Trinité ". Le Fils de Dieu communique donc à son humanité son propre mode dexister personnel dans la Trinité. Ainsi, dans son âme comme dans son corps, le Christ exprime humainement les murs divines de la Trinité (cf. Jn 14, 9-10) :
Le Fils de Dieu a travaillé avec des mains dhomme, il a pensé avec une intelligence dhomme, il a agi avec une volonté dhomme, il a aimé avec un cur dhomme. Né de la Vierge Marie, il est vraiment devenu lun de nous, en tout semblable à nous, hormis le péché (GS 22, § 2).
Lâme et la connaissance humaine du Christ
471 Apollinaire de Laodicée affirmait que dans le Christ le Verbe avait remplacé lâme ou lesprit. Contre cette erreur lÉglise a confessé que le Fils éternel a assumé aussi une âme raisonnable humaine (cf. DS 149).
472 Cette âme humaine que le Fils de Dieu a assumée est douée dune vraie connaissance humaine. En tant que telle celle-ci ne pouvait pas être de soi illimitée : elle était exercée dans les conditions historiques de son existence dans lespace et le temps. Cest pourquoi le Fils de Dieu a pu vouloir en se faisant homme " croître en sagesse, en taille et en grâce " (Lc 2, 52) et de même avoir à senquérir sur ce que dans la condition humaine on doit apprendre de manière expérimentale (cf. Mc 6, 38 ; Mc 8, 27 ; Jn 11, 34 ; etc.). Cela correspondait à la réalité de son abaissement volontaire dans " la condition desclave " (Ph 2,7).
473 Mais en même temps, cette connaissance vraiment humaine du Fils de Dieu exprimait la vie divine de sa personne (cf. S. Grégoire le Grand, ep. 10, 39 : DS 475 : PL 77, 1097B). " La nature humaine du Fils de Dieu, non par elle-même mais par son union au Verbe, connaissait et manifestait en elle tout ce qui convient à Dieu " (S. Maxime le Confesseur, qu. dub. 66 : PG 90, 840A). Cest en premier le cas de la connaissance intime et immédiate que le Fils de Dieu fait homme a de son Père (cf. Mc 14, 36 ; Mt 11, 27 ; Jn 1, 18 ; 8, 55 ; etc.). Le Fils montrait aussi dans sa connaissance humaine la pénétration divine quil avait des pensées secrètes du cur des hommes (cf. Mc 2, 8 ; Jn 2, 25 ; 6, 61 ; etc.).
474 De par son union à la Sagesse divine en la personne du Verbe incarné, la connaissance humaine du Christ jouissait en plénitude de la science des desseins éternels quil était venu révéler (cf. Mc 8, 31 ; 9, 31 ; 10, 33-34 ; 14, 18-20. 26-30). Ce quil reconnaît ignorer dans ce domaine (cf. Mc 13, 32), il déclare ailleurs navoir pas mission de le révéler (cf. Ac 1, 7).
La volonté humaine du Christ
475 De manière parallèle, lÉglise a confessé au sixième Concile cuménique (Cc. Constantinople III en 681) que le Christ possède deux volontés et deux opérations naturelles, divines et humaines, non pas opposées, mais coopérantes, de sorte que le Verbe fait chair a voulu humainement dans lobéissance à son Père tout ce quil a décidé divinement avec le Père et le Saint-Esprit pour notre salut (cf. DS 556-559). La volonté humaine du Christ " suit sa volonté divine, sans être en résistance ni en opposition vis-à-vis delle, mais bien plutôt en étant subordonnée à cette volonté toute-puissante " (DS 556).
Le vrai corps du Christ
476 Puisque le Verbe sest fait chair en assumant une vraie humanité, le corps du Christ était délimité (cf. Cc. Latran en 649 : DS 504). A cause de cela, le visage humain de Jésus peut être " dépeint " (Ga 3, 2). Au sixième Concile cuménique (Cc. Nicée II en 787 : DS 600-603) lÉglise a reconnu comme légitime quil soit représenté sur des images saintes.
477 En même temps lÉglise a toujours reconnu que, dans le corps de Jésus, " Dieu qui est par nature invisible est devenu visible à nos yeux " (MR, Préface de Noël). En effet, les particularités individuelles du corps du Christ expriment la personne divine du Fils de Dieu. Celui-ci a fait siens les traits de son corps humain au point que, dépeints sur une image sainte, ils peuvent être vénérés car le croyant qui vénère son image, " vénère en elle la personne qui y est dépeinte " (Cc. Nicée II : DS 601).
Le Cur du Verbe incarné
478 Jésus nous a tous et chacun connus et aimés durant sa vie, son agonie et sa passion et il sest livré pour chacun de nous : " Le Fils de Dieu ma aimé et sest livré pour moi " (Ga 2, 20). Il nous a tous aimés dun cur humain. Pour cette raison, le Cur sacré de Jésus, transpercé par nos péchés et pour notre salut (cf. Jn 19, 34), " est considéré comme le signe et le symbole éminents... de cet amour que le divin Rédempteur porte sans cesse au père éternel et à tous les hommes sans exception " (Pie XII, Enc. " Haurietis aquas " : DS 3924 ; cf. DS 3812).
En bref
479 Au temps établi par Dieu, le Fils unique du Père, la Parole éternelle, cest-à-dire le Verbe et lImage substantielle du Père, sest incarné : sans perdre la nature divine il a assumé la nature humaine.
480 Jésus-Christ est vrai Dieu et vrai homme, dans lunité de sa Personne divine ; pour cette raison il est lunique Médiateur entre Dieu et les hommes.
481 Jésus-Christ possède deux natures, la divine et lhumaine, non confondues, mais unies dans lunique Personne du Fils de Dieu.
482 Le Christ, étant vrai Dieu et vrai homme, a une intelligence et une volonté humaines, parfaitement accordées et soumises à son intelligence et sa volonté divines, quil a en commun avec le Père et le Saint-Esprit.
483 LIncarnation est donc le mystère de ladmirable union de la nature divine et de la nature humaine dans lunique Personne du Verbe.
Paragraphe 2. " ... Conçu du Saint-Esprit, né de la Vierge Marie "
I. Conçu du Saint-Esprit...
484 LAnnonciation à Marie inaugure la " plénitude des temps " (Ga 4, 4), cest-à-dire laccomplissement des promesses et des préparations. Marie est invitée à concevoir Celui en qui habitera " corporellement la plénitude de la divinité " (Col 2, 9). La réponse divine à son " comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point dhomme ? " (Lc 1, 34) est donnée par la puissance de lEsprit : " LEsprit Saint viendra sur toi " (Lc 1, 35).
485 La mission de lEsprit Saint est toujours conjointe et ordonnée à celle du Fils (cf. Jn 16, 14-15). LEsprit Saint est envoyé pour sanctifier le sein de la Vierge Marie et la féconder divinement, lui qui est " le Seigneur qui donne la Vie ", en faisant quelle conçoive le Fils éternel du Père dans une humanité tirée de la sienne.
486 Le Fils unique du Père en étant conçu comme homme dans le sein de la Vierge Marie est " Christ ", cest-à-dire oint par lEsprit Saint (cf. Mt 1, 20 ; Lc 1, 35), dès le début de son existence humaine, même si sa manifestation na lieu que progressivement : aux bergers (cf. Lc 2, 8-20), aux mages (cf. Mt 2, 1-12), à Jean-Baptiste (cf. Jn 1, 31-34), aux disciples (cf. Jn 2, 11). Toute la vie de Jésus-Christ manifestera donc " comment Dieu la oint dEsprit et de puissance " (Ac 10, 38).
II. ... Né de la Vierge Marie
487 Ce que la foi catholique croit au sujet de Marie se fonde sur ce quelle croit au sujet du Christ, mais ce quelle enseigne sur Marie éclaire à son tour sa foi au Christ.
La prédestination de Marie
488 " Dieu a envoyé son Fils " (Ga 4, 4), mais pour lui " façonner un corps " (cf. He 10, 5) il a voulu la libre coopération dune créature. Pour cela, de toute éternité, Dieu a choisi, pour être la Mère de Son Fils, une fille dIsraël, une jeune juive de Nazareth en Galilée, " une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph, de la maison de David, et le nom de la vierge était Marie " (Lc 1, 26-27) :
Le Père des miséricordes a voulu que lIncarnation fût précédée par une acceptation de la part de cette Mère prédestinée, en sorte que, une femme ayant contribué à luvre de mort, de même une femme contribuât aussi à la vie (LG 56 ; cf. 61).
489 Tout au long de lAncienne Alliance, la mission de Marie a été préparée par celle de saintes femmes. Tout au commencement, il y a Eve : malgré sa désobéissance, elle reçoit la promesse dune descendance qui sera victorieuse du Malin (cf. Gn 3, 15) et celle dêtre la mère de tous les vivants (cf. Gn 3, 20). En vertu de cette promesse, Sara conçoit un fils malgré son grand âge (cf. Gn 18, 10-14 ; 21, 1-2). Contre toute attente humaine, Dieu choisit ce qui était tenu pour impuissant et faible (cf. 1 Co 1, 27) pour montrer sa fidélité à sa promesse : Anne, la mère de Samuel (cf. 1 S 1), Débora, Ruth, Judith et Esther, et beaucoup dautres femmes. Marie " occupe la première place parmi ces humbles et ces pauvres du Seigneur qui espèrent et reçoivent le salut de lui avec confiance. Avec elle, la fille de Sion par excellence, après la longue attente de la promesse, saccomplissent les temps et sinstaure léconomie nouvelle " (LG 55).
LImmaculée Conception
490 Pour être la Mère du Sauveur, Marie " fut pourvue par Dieu de dons à la mesure dune si grande tâche " (LG 56). Lange Gabriel, au moment de lAnnonciation la salue comme " pleine de grâce " (Lc 1, 28). En effet, pour pouvoir donner lassentiment libre de sa foi à lannonce de sa vocation, il fallait quelle soit toute portée par la grâce de Dieu.
491 Au long des siècles lÉglise a pris conscience que Marie, " comblée de grâce " par Dieu (Lc 1, 28), avait été rachetée dès sa conception. Cest ce que confesse le dogme de lImmaculée Conception, proclamé en 1854 par le pape Pie IX :
La bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception, par une grâce et une faveur singulière du Dieu Tout-Puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel (DS 2803).
492 Cette " sainteté éclatante absolument unique " dont elle est " enrichie dès le premier instant de sa conception " (LG 56) lui vient tout entière du Christ : elle est " rachetée de façon éminente en considération des mérites de son Fils " (LG 53). Plus que toute autre personne créée, le Père la " bénie par toutes sortes de bénédictions spirituelles, aux cieux, dans le Christ " (Ep 1, 3). Il la " élue en Lui, dès avant la fondation du monde, pour être sainte et immaculée en sa présence, dans lamour " (cf. Ep 1, 4).
493 Les Pères de la tradition orientale appellent la Mère de Dieu " la Toute Sainte " (Panaghia), ils la célèbrent comme " indemne de toute tache de péché, ayant été pétrie par lEsprit Saint, et formée comme une nouvelle créature " (LG 56). Par la grâce de Dieu, Marie est restée pure de tout péché personnel tout au long de sa vie.
" Quil me soit fait selon ta parole... "
494 A lannonce quelle enfantera " le Fils du Très Haut " sans connaître dhomme, par la vertu de lEsprit Saint (cf. Lc 1, 28-37), Marie a répondu par " lobéissance de la foi " (Rm 1, 5), certaine que " rien nest impossible à Dieu " : " Je suis la servante du Seigneur ; quil madvienne selon ta parole " (Lc 1, 37-38). Ainsi, donnant à la parole de Dieu son consentement, Marie devint Mère de Jésus et, épousant à plein cur, sans que nul péché la retienne, la volonté divine de salut, se livra elle-même intégralement à la personne et à luvre de son Fils, pour servir, dans sa dépendance et avec lui, par la grâce de Dieu, au mystère de la Rédemption (cf. LG 56) :
Comme dit S. Irénée, " par son obéissance elle est devenue, pour elle-même et pour tout le genre humain, cause de salut " (Hær. 3, 22, 4). Aussi, avec lui, bon nombre danciens Pères disent : " Le nud dû à la désobéissance dEve, sest dénoué par lobéissance de Marie ; ce que la vierge Eve avait noué par son incrédulité, la Vierge Marie la dénoué par sa foi " (cf. ibid.) ; comparant Marie avec Eve, ils appellent Marie " la Mère des vivants " et déclarent souvent : " par Eve la mort, par Marie la vie " (LG 56).
La maternité divine de Marie
495 Appelée dans les Évangiles " la mère de Jésus " (Jn 2, 1 ; 19, 25 ; cf. Mt 13, 55), Marie est acclamée, sous limpulsion de lEsprit, dès avant la naissance de son fils, comme " la mère de mon Seigneur " (Lc 1, 43). En effet, Celui quelle a conçu comme homme du Saint-Esprit et qui est devenu vraiment son Fils selon la chair, nest autre que le Fils éternel du Père, la deuxième Personne de la Sainte Trinité. LÉglise confesse que Marie est vraiment Mère de Dieu (Theotokos) (cf. DS 251).
La virginité de Marie
496 Dès les premières formulations de la foi (cf. DS 10-64), lÉglise a confessé que Jésus a été conçu par la seule puissance du Saint-Esprit dans le sein de la Vierge Marie, affirmant aussi laspect corporel de cet événement : Jésus a été conçu " de lEsprit Saint sans semence virile " (Cc. Latran en 649 : DS 503). Les Pères voient dans la conception virginale le signe que cest vraiment le Fils de Dieu qui est venu dans une humanité comme la nôtre :
Ainsi, S. Ignace dAntioche (début IIe siècle) : " Vous êtes fermement convaincus au sujet de notre Seigneur qui est véritablement de la race de David selon la chair (cf. Rm 1, 3), Fils de Dieu selon la volonté et la puissance de Dieu (cf. Jn 1, 13), véritablement né dune vierge, (...) il a été véritablement cloué pour nous dans sa chair sous Ponce Pilate (...) il a véritablement souffert, comme il est aussi véritablement ressuscité " (Smyrn. 1-2).
497 Les récits évangéliques (cf. Mt 1, 18-25 ; Lc 1, 26-38) comprennent la conception virginale comme une uvre divine qui dépasse toute compréhension et toute possibilité humaines (cf. Lc 1, 34) : " Ce qui a été engendré en elle vient de lEsprit Saint ", dit lange à Joseph au sujet de Marie, sa fiancée (Mt 1, 20). LÉglise y voit laccomplissement de la promesse divine donnée par le prophète Isaïe : " Voici que la vierge concevra et enfantera un fils " (Is 7, 14, daprès la traduction grecque de Mt 1, 23).
498 On a été parfois troublé par le silence de lÉvangile de S. Marc et des Épîtres du Nouveau Testament sur la conception virginale de Marie. On a aussi pu se demander sil ne sagissait pas ici de légendes ou de constructions théologiques sans prétentions historiques. A quoi il faut répondre : La foi en la conception virginale de Jésus a rencontré vive opposition, moqueries ou incompréhension de la part des non-croyants, juifs et païens (cf. S. Justin, dial. 66, 67 ; Origène, Cels. 1, 32. 69 ; e.a.) : elle nétait pas motivée par la mythologie païenne ou par quelque adaptation aux idées du temps. Le sens de cet événement nest accessible quà la foi qui le voit dans ce " lien qui relie les mystères entre eux " (DS 3016), dans lensemble des mystères du Christ, de son Incarnation à sa Pâque. S. Ignace dAntioche témoigne déjà de ce lien : " Le prince de ce monde a ignoré la virginité de Marie et son enfantement, de même que la mort du Seigneur : trois mystères retentissants qui furent accomplis dans le silence de Dieu " (Eph. 19, 1 ; cf. 1 Co 2, 8).
Marie " toujours Vierge "
499 Lapprofondissement de sa foi en la maternité virginale a conduit lÉglise à confesser la virginité réelle et perpétuelle de Marie (cf. DS 427) même dans lenfantement du Fils de Dieu fait homme (cf. DS 291 ; 294 ; 442 ; 503 ; 571 ; 1880). En effet la naissance du Christ " na pas diminué, mais consacré lintégrité virginale " de sa mère (LG 57). La liturgie de lÉglise célèbre Marie comme la Aeiparthenos, " toujours vierge " (cf. LG 52).
500 A cela on objecte parfois que lÉcriture mentionne des frères et surs de Jésus (cf. Mc 3, 31-35 ; 6, 3 ; 1 Co 9, 5 ; Ga 1, 19). LÉglise a toujours compris ces passages comme ne désignant pas dautres enfants de la Vierge Marie : en effet Jacques et Joseph, " frères de Jésus " (Mt 13, 55), sont les fils dune Marie disciple du Christ (cf. Mt 27, 56) qui est désignée de manière significative comme " lautre Marie " (Mt 28, 1). Il sagit de proches parents de Jésus, selon une expression connue de lAncien Testament (cf. Gn 13, 8 ; 14, 16 ; 29, 15 ; etc.).
501 Jésus est le Fils unique de Marie. Mais la maternité spirituelle de Marie (cf. Jn 19, 26-27 ; Ap 12, 17) sétend à tous les hommes quil est venu sauver : " Elle engendra son Fils, dont Dieu a fait laîné dune multitude de frères (Rm 8, 29), cest-à-dire de croyants, à la naissance et à léducation desquels elle apporte la coopération de son amour maternel " (LG 63).
La maternité virginale de Marie dans le dessein de Dieu
502 Le regard de la foi peut découvrir, en lien avec lensemble de la Révélation, les raisons mystérieuses pour lesquelles Dieu, dans son dessein salvifique, a voulu que son Fils naisse dune vierge. Ces raisons touchent aussi bien la personne et la mission rédemptrice du Christ que laccueil de cette mission par Marie pour tous les hommes :
503 La virginité de Marie manifeste linitiative absolue de Dieu dans lIncarnation. Jésus na que Dieu comme Père (cf. Lc 2, 48-49). " La nature humaine quil a prise ne la jamais éloigné du Père (...) ; naturellement Fils de son Père par sa divinité, naturellement fils de sa mère par son humanité, mais proprement Fils de Dieu dans ses deux natures " (Cc. Frioul en 796 : DS 619).
504 Jésus est conçu du Saint-Esprit dans le sein de la Vierge Marie parce quil est le Nouvel Adam (cf. 1 Co 15, 45) qui inaugure la création nouvelle : " Le premier homme, issu du sol, est terrestre ; le second homme, lui, vient du ciel " (1 Co 15, 47). Lhumanité du Christ est, dès sa conception, remplie de lEsprit Saint car Dieu " lui donne lEsprit sans mesure " (Jn 3, 34). Cest de " sa plénitude " à lui, tête de lhumanité rachetée (cf. Col 1, 18), que " nous avons reçu grâce sur grâce " (Jn 1, 16).
505 Jésus, le Nouvel Adam, inaugure par sa conception virginale la nouvelle naissance des enfants dadoption dans lEsprit Saint par la foi. " Comment cela se fera-t-il ? " (Lc 1, 34 ; cf. Jn 3, 9). La participation à la vie divine ne vient pas " du sang, ni du vouloir de chair, ni du vouloir dhomme, mais de Dieu " (Jn 1, 13). Laccueil de cette vie est virginal car celle-ci est entièrement donnée par lEsprit à lhomme. Le sens sponsal de la vocation humaine par rapport à Dieu (cf. 2 Co 11, 2) est accompli parfaitement dans la maternité virginale de Marie.
506 Marie est vierge parce que sa virginité est le signe de sa foi " que nul doute naltère " (LG 63) et de sa donation sans partage à la volonté de Dieu (cf. 1 Co 7, 34-35). Cest sa foi qui lui donne de devenir la mère du Sauveur : " Bienheureuse Marie, plus encore parce quelle a reçu la foi du Christ que parce quElle a conçu la chair du Christ " (S. Augustin, virg. 3 : PL 40, 398).
507 Marie est à la fois vierge et mère car elle est la figure et la plus parfaite réalisation de lÉglise (cf. LG 63) : " LÉglise devient à son tour une Mère, grâce à la parole de Dieu quelle reçoit dans la foi : par la prédication en effet, et par le Baptême elle engendre, à une vie nouvelle et immortelle, des fils conçus du Saint-Esprit et nés de Dieu. Elle est aussi vierge, ayant donné à son Époux sa foi, quelle garde intègre et pure " (LG 64).
En bref
508 Dans la descendance dEve, Dieu a choisi la Vierge Marie pour être la Mère de son Fils. " Pleine de grâce ", elle est " le fruit le plus excellent de la Rédemption " (SC 103) : dès le premier instant de sa conception, elle est totalement préservée de la tache du péché originel et elle est restée pure de tout péché personnel tout au long de sa vie.
509 Marie est vraiment " Mère de Dieu " puisquelle est la mère du Fils éternel de Dieu fait homme, qui est Dieu lui-même.
510 Marie " est restée Vierge en concevant son Fils, Vierge en lenfantant, Vierge en le portant, Vierge en le nourrissant de son sein, Vierge toujours " (S. Augustin, serm. 186, 1 : PL 38, 999) : de tout son être elle est " la servante du Seigneur " (Lc 1, 38).
511 La Vierge Marie a " coopéré au salut des hommes avec sa foi et son obéissance libres " (LG 56). Elle a prononcé son oui " au nom de toute la nature humaine " (S. Thomas dA., s. th. 3, 30, 1) : Par son obéissance, elle est devenue la nouvelle Eve, mère des vivants.
Paragraphe 3. Les mystères de la Vie du Christ
512 Le Symbole de la foi ne parle, concernant la vie du Christ, que des mystères de lIncarnation (conception et naissance) et de la Pâque (passion, crucifixion, mort, sépulture, descente aux enfers, résurrection, ascension). Il ne dit rien, explicitement, des mystères de la vie cachée et publique de Jésus, mais les articles de la foi concernant lIncarnation et la Pâque de Jésus éclairent toute la vie terrestre du Christ. " Tout ce que Jésus a fait et enseigné, depuis le commencement jusquau jour où (...) Il fut enlevé au ciel " (Ac 1, 1-2) est à voir à la lumière des mystères de Noël et de Pâques.
513 La Catéchèse, selon les circonstances, déploiera toute la richesse des mystères de Jésus. Ici il suffit dindiquer quelques éléments communs à tous les mystères de la vie du Christ (I), pour esquisser ensuite les principaux mystères de la vie cachée (II) et publique (III) de Jésus.
I. Toute la vie du Christ est mystère
514 Beaucoup de choses qui intéressent la curiosité humaine au sujet de Jésus ne figurent pas dans les Évangiles. Presque rien nest dit sur sa vie à Nazareth, et même une grande part de sa vie publique nest pas relatée (cf. Jn 20, 30). Ce qui a été écrit dans les Évangiles, la été " pour que vous croyez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et quen croyant vous ayez la vie en son nom " (Jn 20, 31).
515 Les Évangiles sont écrits par des hommes qui ont été parmi les premiers à avoir la foi (cf. Mc 1, 1 ; Jn 21, 24) et qui veulent la faire partager à dautres. Ayant connu dans la foi qui est Jésus, ils ont pu voir et faire voir les traces de son mystère dans toute sa vie terrestre. Des langes de sa nativité (cf. Lc 2, 7) jusquau vinaigre de sa passion (cf. Mt 27, 48) et au suaire de sa Résurrection (cf. Jn 20, 7), tout dans la vie de Jésus est signe de son mystère. A travers ses gestes, ses miracles, ses paroles, il a été révélé qu" en Lui habite corporellement toute la plénitude de la divinité " (Col 2, 9). Son humanité apparaît ainsi comme le " sacrement ", cest-à-dire le signe et linstrument de sa divinité et du salut quil apporte : ce quil y avait de visible dans sa vie terrestre conduisit au mystère invisible de sa filiation divine et de sa mission rédemptrice.
Les traits communs des mystères de Jésus
516 Toute la vie du Christ est Révélation du Père : ses paroles et ses actes, ses silences et ses souffrances, sa manière dêtre et de parler. Jésus peut dire : " Qui me voit, voit le Père " (Jn 14, 9), et le Père : " Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; écoutez-le " (Lc 9, 35). Notre Seigneur sétant fait homme pour accomplir la volonté du Père (cf. He 10, 5-7), les moindres traits de ses mystères nous manifestent " lamour de Dieu pour nous " (1 Jn 4, 9).
517 Toute la vie du Christ est mystère de Rédemption. La Rédemption nous vient avant tout par le sang de la Croix (cf. Ep 1, 7 ; Col 1, 13-14 ; 1 P 1, 18-19), mais ce mystère est à luvre dans toute la vie du Christ : dans son Incarnation déjà, par laquelle, en se faisant pauvre, il nous enrichit par sa pauvreté (cf. 2 Co 8, 9) ; dans sa vie cachée qui, par sa soumission (cf. Lc 2, 51), répare notre insoumission ; dans sa parole qui purifie ses auditeurs (cf. Jn 15, 3) ; dans ses guérisons et ses exorcismes, par lesquels " il a pris nos infirmités et sest chargé de nos maladies " (Mt 8, 17 ; cf. Is 53, 4) ; dans sa Résurrection, par laquelle il nous justifie (cf. Rm 4, 25).
518 Toute la vie du Christ est mystère de Récapitulation. Tout ce que Jésus a fait, dit et souffert, avait pour but de rétablir lhomme déchu dans sa vocation première :
Lorsquil sest incarné et sest fait homme, il a récapitulé en lui-même la longue histoire des hommes et nous a procuré le salut en raccourci, de sorte que ce que nous avions perdu en Adam, cest-à-dire dêtre à limage et à la ressemblance de Dieu, nous le recouvrions dans le Christ Jésus (S. Irénée, hær. 3, 18, 1). Cest dailleurs pourquoi le Christ est passé par tous les âges de la vie, rendant par là à tous les hommes la communion avec Dieu (ibid. 3, 18, 7 ; cf. 2, 22, 4).
Notre communion aux mystères de Jésus
519 Toute la richesse du Christ " est destinée à tout homme et constitue le bien de chacun " (RH 11). Le Christ na pas vécu sa vie pour lui-même, mais pour nous, de son Incarnation " pour nous les hommes et pour notre salut " jusquà sa mort " pour nos péchés " (1 Co 15, 3) et à sa Résurrection " pour notre justification " (Rm 4, 25). Maintenant encore, il est " notre avocat auprès du Père " (1 Jn 2, 1), " étant toujours vivant pour intercéder en notre faveur " (He 7, 25). Avec tout ce quil a vécu et souffert pour nous une fois pour toutes, il reste présent pour toujours " devant la face de Dieu en notre faveur " (He 9, 24).
520 En toute sa vie, Jésus se montre comme notre modèle (cf. Rm 15, 5 ; Ph 2, 5) : il est " lhomme parfait " (GS 38) qui nous invite à devenir ses disciples et à le suivre : par son abaissement, il nous a donné un exemple à imiter (cf. Jn 13, 15), par sa prière, il attire à la prière (cf. Lc 11, 1), par sa pauvreté, il appelle à accepter librement le dénuement et les persécutions (cf. Mt 5, 11-12).
521 Tout ce que le Christ a vécu, il fait que nous puissions le vivre en Lui et quil le vive en nous. " Par son Incarnation, le Fils de Dieu sest en quelque sorte uni lui-même à tout homme " (GS 22, § 2). Nous sommes appelés à ne faire plus quun avec lui ; ce quil a vécu dans sa chair pour nous et comme notre modèle, il nous y fait communier comme les membres de son Corps :
Nous devons continuer et accomplir en nous les états et mystères de Jésus, et le prier souvent quil les consomme et accomplisse en nous et en toute son Église (...). Car le Fils de Dieu a dessein de mettre une participation, et de faire comme une extension et continuation de ses mystères en nous et en toute son Église, par les grâces quil veut nous communiquer, et par les effets quil veut opérer en nous par ces mystères. Et par ce moyen il veut les accomplir en nous (S. Jean Eudes, Le royaume de Jésus, 3, 4 : Oeuvres complètes, v. 1 [Vannes 1905] p. 310-311).
II. Les mystères de lenfance et de la vie cachée de Jésus
Les préparations
522 La venue du Fils de Dieu sur la terre est un événement si immense que Dieu a voulu le préparer pendant des siècles. Rites et sacrifices, figures et symboles de la Première alliance (cf. He 9, 15), Il fait tout converger vers le Christ ; Il lannonce par la bouche des prophètes qui se succèdent en Israël. Il éveille par ailleurs dans le cur des païens lobscure attente de cette venue.
523 Saint Jean le Baptiste est le précurseur (cf. Ac 13, 24) immédiat du Seigneur, envoyé pour Lui préparer le chemin (cf. Mt 3, 3). " Prophète du Très-Haut " (Lc 1, 76), il dépasse tous les prophètes (cf. Lc 7, 26), il en est le dernier (cf. Mt 11,13), il inaugure lÉvangile (cf. Ac 1, 22 ; Lc 16, 16) ; il salue la venue du Christ dès le sein de sa mère (cf. Lc 1, 41) et il trouve sa joie à être " lami de lépoux " (Jn 3, 29) quil désigne comme " lAgneau de Dieu qui ôte le péché du monde " (Jn 1, 29). Précédant Jésus " avec lesprit et la puissance dElie " (Lc 1, 17), il lui rend témoignage par sa prédication, son baptême de conversion et finalement son martyre (cf. Mc 6, 17-29).
524 En célébrant chaque année la liturgie de lAvent, lÉglise actualise cette attente du Messie : en communiant à la longue préparation de la première venue du Sauveur, les fidèles renouvellent lardent désir de son second Avènement (cf. Ap 22, 17). Par la célébration de la nativité et du martyre du Précurseur, lÉglise sunit à son désir : " Il faut que Lui grandisse et que moi je décroisse " (Jn 3, 30).
Le mystère de Noël
525 Jésus est né dans lhumilité dune étable, dans une famille pauvre (cf. Lc 2, 6-7) ; de simples bergers sont les premiers témoins de lévénement. Cest dans cette pauvreté que se manifeste la gloire du ciel (cf. Lc 2, 8-20). LÉglise ne se lasse pas de chanter la gloire de cette nuit :
La Vierge aujourdhui met au monde lÉternel
Et la terre offre une grotte à lInaccessible.
Les anges et les pasteurs le louent
Et les mages avec létoile savancent,
Car Tu es né pour nous,
Petit Enfant, Dieu éternel !
(Kontakion de Romanos le Mélode)
526 " Devenir enfant " par rapport à Dieu est la condition pour entrer dans le Royaume (cf. Mt 18, 3-4) ; pour cela il faut sabaisser (cf. Mt 23, 12), devenir petit ; plus encore : il faut " naître den haut " (Jn 3, 7), " naître de Dieu " (Jn 1, 13) pour " devenir enfants de Dieu " (Jn 1, 12). Le mystère de Noël saccomplit en nous lorsque le Christ " prend forme " en nous (Ga 4, 19). Noël est le mystère de cet " admirable échange " :
O admirable échange ! Le créateur du genre humain, assumant un corps et une âme, a daigné naître dune vierge et, devenu homme sans lintervention de lhomme, Il nous a fait don de sa divinité (LH, antienne de loctave de Noël).
Les mystères de lenfance de Jésus
527 La circoncision de Jésus, le huitième jour après sa naissance (cf. Lc 2, 21), est signe de son insertion dans la descendance dAbraham, dans le peuple de lalliance, de sa soumission à la loi (cf. Ga 4, 4), et de sa députation au culte dIsraël auquel Il participera pendant toute sa vie. Ce signe préfigure " la circoncision du Christ " quest le Baptême (cf. Col 2, 11-13).
528 LÉpiphanie est la manifestation de Jésus comme Messie dIsraël, Fils de Dieu et Sauveur du monde. Avec le Baptême de Jésus au Jourdain et les noces de Cana (cf. LH, antienne du Magnificat des secondes vêpres de lÉpiphanie), elle célèbre ladoration de Jésus par des " mages " venus dOrient (Mt 2, 1). Dans ces " mages ", représentants des religions païennes environnantes, lÉvangile voit les prémices des nations qui accueillent la Bonne Nouvelle du salut par lIncarnation. La venue des mages à Jérusalem pour " rendre hommage au roi des Juifs " (Mt 2, 2) montre quils cherchent en Israël, à la lumière messianique de létoile de David (cf. Nb 24, 17 ; Ap 22, 16), celui qui sera le roi des nations (cf. Nb 24, 17-19). Leur venue signifie que les païens ne peuvent découvrir Jésus et ladorer comme Fils de Dieu et Sauveur du monde quen se tournant vers les juifs (cf. Jn 4, 22) et en recevant deux leur promesse messianique telle quelle est contenue dans lAncien Testament (cf. Mt 2, 4-6). LÉpiphanie manifeste que " la plénitude des païens entre dans la famille des patriarches " (S. Léon le Grand, serm. 33, 3 : PL 54, 242) et acquiert la Israelitica dignitas (MR, Vigile Pascale 26 : prière après la troisième lecture).
529 La présentation de Jésus au Temple (cf. Lc 2, 22-39) Le montre comme le Premier-Né appartenant au Seigneur (cf. Ex 13, 12-13). Avec Siméon et Anne cest toute lattente dIsraël qui vient à la rencontre de son Sauveur (la tradition byzantine appelle ainsi cet événement). Jésus est reconnu comme le Messie tant attendu, " lumière des nations " et " gloire dIsraël ", mais aussi " signe de contradiction ". Le glaive de douleur prédit à Marie annonce cette autre oblation, parfaite et unique, de la Croix qui donnera le salut que Dieu a " préparé à la face de tous les peuples ".
530 La fuite en Égypte et le massacre des innocents (cf. Mt 2, 13-18) manifestent lopposition des ténèbres à la lumière : " Il est venu chez lui et les siens ne lont pas reçu " (Jn 1, 11). Toute la vie du Christ sera sous le signe de la persécution. Les siens la partagent avec lui (cf. Jn 15, 20). Sa montée dÉgypte (cf. Mt 2, 15) rappelle lExode (cf. Os 11, 1) et présente Jésus comme le libérateur définitif.
Les mystères de la vie cachée de Jésus
531 Pendant la plus grande partie de sa vie, Jésus a partagé la condition de limmense majorité des hommes : une vie quotidienne sans apparente grandeur, vie de travail manuel, vie religieuse juive soumise à la Loi de Dieu (cf. Ga 4, 4), vie dans la communauté. De toute cette période il nous est révélé que Jésus était " soumis " à ses parents et qu" il croissait en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes " (Lc 2, 51-52).
532 La soumission de Jésus à sa mère et son père légal accomplit parfaitement le quatrième commandement. Elle est limage temporelle de son obéissance filiale à son Père céleste. La soumission de tous les jours de Jésus à Joseph et à Marie annonçait et anticipait la soumission du Jeudi Saint : " Non pas ma volonté... " (Lc 22, 42). Lobéissance du Christ dans le quotidien de la vie cachée inaugurait déjà luvre de rétablissement de ce que la désobéissance dAdam avait détruit (cf. Rm 5, 19).
533 La vie cachée de Nazareth permet à tout homme de communier à Jésus par les voies les plus quotidiennes de la vie :
Nazareth est lécole où lon commence à comprendre la vie de Jésus : lécole de lÉvangile (...). Une leçon de silence dabord. Que naisse en nous lestime du silence, cette admirable et indispensable condition de lesprit (...). Une leçon de vie familiale. Que Nazareth nous enseigne ce quest la famille, sa communion damour, son austère et simple beauté, son caractère sacré et inviolable (...). Une leçon de travail. Nazareth, ô maison du " Fils du Charpentier ", cest ici que nous voudrions comprendre et célébrer la loi sévère et rédemptrice du labeur humain (...) ; comme nous voudrions enfin saluer ici tous les travailleurs du monde entier et leur montrer leur grand modèle, leur frère divin (Paul VI, discours 5 janvier 1964 à Nazareth ).
534 Le recouvrement de Jésus au Temple (cf. Lc 2, 41-52) est le seul événement qui rompt le silence des Évangiles sur les années cachées de Jésus. Jésus y laisse entrevoir le mystère de sa consécration totale à une mission découlant de sa filiation divine : " Ne saviez-vous pas que je me dois aux affaires de mon Père ? " Marie et Joseph " ne comprirent pas " cette parole, mais ils laccueillirent dans la foi, et Marie " gardait fidèlement tous ces souvenirs en son cur ", tout au long des années où Jésus restait enfoui dans le silence dune vie ordinaire.
III. Les mystères de la vie publique de Jésus
Le Baptême de Jésus
535 Le commencement (cf. Lc 3, 23) de la vie publique de Jésus est son Baptême par Jean dans le Jourdain (cf. Ac 1, 22). Jean proclamait " un baptême de repentir pour la rémission des péchés " (Lc 3, 3). Une foule de pécheurs, publicains et soldats (cf. Lc 3, 10-14), Pharisiens et Sadducéens (cf. Mt 3, 7) et prostituées (cf. Mt 21, 32) vient se faire baptiser par lui. " Alors paraît Jésus ". Le Baptiste hésite, Jésus insiste : il reçoit le Baptême. Alors lEsprit Saint, sous forme de colombe, vient sur Jésus, et la voix du ciel proclame : " Celui-ci est mon Fils bien-aimé " (Mt 3, 13-17). Cest la manifestation (" Épiphanie ") de Jésus comme Messie dIsraël et Fils de Dieu.
536 Le Baptême de Jésus, cest, de sa part, lacceptation et linauguration de sa mission de Serviteur souffrant. Il se laisse compter parmi les pécheurs (cf. Is 53, 12) ; il est déjà " lAgneau de Dieu qui ôte le péché du monde " (Jn 1, 29) ; déjà, il anticipe le " baptême " de sa mort sanglante (cf. Mc 10, 38 ; Lc 12, 50). Il vient déjà " accomplir toute justice " (Mt 3, 15), cest-à-dire quil se soumet tout entier à la volonté de son Père : il accepte par amour le baptême de mort pour la rémission de nos péchés (cf. Mt 26, 39). A cette acceptation répond la voix du Père qui met toute sa complaisance en son Fils (cf. Lc 3, 22 ; Is 42, 1). LEsprit que Jésus possède en plénitude dès sa conception, vient " reposer " sur lui (Jn 1, 32-33 ; cf. Is 11, 2). Il en sera la source pour toute lhumanité. A son Baptême, " les cieux souvrirent " (Mt 3, 16) que le péché dAdam avait fermés ; et les eaux sont sanctifiées par la descente de Jésus et de lEsprit, prélude de la création nouvelle.
537 Par le Baptême, le chrétien est sacramentellement assimilé à Jésus qui anticipe en son baptême sa mort et sa résurrection ; il doit entrer dans ce mystère dabaissement humble et de repentance, descendre dans leau avec Jésus, pour remonter avec lui, renaître de leau et de lEsprit pour devenir, dans le Fils, fils bien-aimé du Père et " vivre dans une vie nouvelle " (Rm 6, 4) :
Ensevelissons-nous avec le Christ par le Baptême, pour ressusciter avec lui ; descendons avec lui, pour être élevés avec lui ; remontons avec lui, pour être glorifiés en lui (S. Grégoire de Naz., or. 40, 9 : PG 36, 369B).
Tout ce qui sest passé dans le Christ nous fait connaître quaprès le bain deau, lEsprit Saint vole sur nous du haut du ciel et quadoptés par la Voix du Père, nous devenons fils de Dieu (S. Hilaire, Mat. 2 : PL 9, 927).
La Tentation de Jésus
538 Les Évangiles parlent dun temps de solitude de Jésus au désert immédiatement après son baptême par Jean : " Poussé par lEsprit " au désert, Jésus y demeure quarante jours sans manger ; il vit avec les bêtes sauvages et les anges le servent (cf. Mc 1, 12-13). A la fin de ce temps, Satan le tente par trois fois cherchant à mettre en cause son attitude filiale envers Dieu. Jésus repousse ces attaques qui récapitulent les tentations dAdam au Paradis et dIsraël au désert, et le diable séloigne de lui " pour revenir au temps marqué " (Lc 4, 13).
539 Les Évangélistes indiquent le sens salvifique de cet événement mystérieux. Jésus est le nouvel Adam, resté fidèle là où le premier a succombé à la tentation. Jésus accomplit parfaitement la vocation dIsraël : contrairement à ceux qui provoquèrent jadis Dieu pendant quarante ans au désert (cf. Ps 95, 10), le Christ se révèle comme le Serviteur de Dieu totalement obéissant à la volonté divine. En cela, Jésus est vainqueur du diable : il a " ligoté lhomme fort " pour lui reprendre son butin (Mc 3, 27). La victoire de Jésus sur le tentateur au désert anticipe la victoire de la passion, obéissance suprême de son amour filial du Père.
540 La tentation de Jésus manifeste la manière qua le Fils de Dieu dêtre Messie, à lopposé de celle que lui propose Satan et que les hommes (cf. Mt 16, 21-23) désirent lui attribuer. Cest pourquoi le Christ a vaincu le Tentateur pour nous : " Car nous navons pas un grand prêtre impuissant à compatir à nos faiblesses, lui qui a été éprouvé en tout, dune manière semblable, à lexception du péché " (He 4, 15). LÉglise sunit chaque année par les quarante jours du Grand Carême au mystère de Jésus au désert.
" Le Royaume de Dieu est tout proche "
541 " Après que Jean eut été livré, Jésus se rendit en Galilée. Il y proclamait en ces termes la Bonne Nouvelle venue de Dieu : Les temps sont accomplis et le Royaume de Dieu est tout proche : repentez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle " (Mc 1, 15). " Pour accomplir la volonté du Père, le Christ inaugura le Royaume des cieux sur la terre " (LG 3). Or, la volonté du Père, cest d" élever les hommes à la communion de la vie divine " (LG 2). Il le fait en rassemblant les hommes autour de son Fils, Jésus-Christ. Ce rassemblement est lÉglise, qui est sur terre " le germe et le commencement du Royaume de Dieu " (LG 5).
542 Le Christ est au cur de ce rassemblement des hommes dans la " famille de Dieu ". Il les convoque autour de lui par sa parole, par ses signes qui manifestent le règne de Dieu, par lenvoi de ses disciples. Il réalisera la venue de son Royaume surtout par le grand mystère de sa Pâque : sa mort sur la Croix et sa Résurrection. " Et moi, élevé de terre, jattirerai tous les hommes à moi " (Jn 12, 32). A cette union avec le Christ tous les hommes sont appelés (cf. LG 3).
Lannonce du Royaume de Dieu
543 Tous les hommes sont appelés à entrer dans le Royaume. Annoncé dabord aux enfants dIsraël (cf. Mt 10, 5-7), ce Royaume messianique est destiné à accueillir les hommes de toutes les nations (cf. Mt 8, 11 ; 28, 19). Pour y accéder, il faut accueillir la parole de Jésus :
La parole du Seigneur est en effet comparée à une semence quon sème dans un champ : ceux qui lécoutent avec foi et sont agrégés au petit troupeau du Christ ont accueilli son royaume lui-même ; puis, par sa propre vertu, la semence croît jusquau temps de la moisson (LG 5).
544 Le Royaume appartient aux pauvres et aux petits, cest-à-dire à ceux qui lont accueilli avec un cur humble. Jésus est envoyé pour " porter la bonne nouvelle aux pauvres " (Lc 4, 18 ; cf. 7, 22). Il les déclare bienheureux car " le Royaume des cieux est à eux " (Mt 5, 3) ; cest aux " petits " que le Père a daigné révéler ce qui reste caché aux sages et aux habiles (cf. Mt 11, 25). Jésus partage la vie des pauvres, de la crèche à la croix ; il connaît la faim (cf. Mc 2, 23-26 ; Mt 21, 18), la soif (cf. Jn 4, 6-7 ; 19, 28) et le dénuement (cf. Lc 9, 58). Plus encore : il sidentifie aux pauvres de toutes sortes et fait de lamour actif envers eux la condition de lentrée dans son Royaume (cf. Mt 25, 31-46).
545 Jésus invite les pécheurs à la table du Royaume : " Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs " (Mc 2, 17 ; cf. 1 Tm 1, 15). Il les invite à la conversion sans laquelle on ne peut entrer dans le Royaume, mais il leur montre en parole et en acte la miséricorde sans bornes de son Père pour eux (cf. Lc 15, 11-32) et limmense " joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent " (Lc 15, 7). La preuve suprême de cet amour sera le sacrifice de sa propre vie " en rémission des péchés " (Mt 26, 28).
546 Jésus appelle à entrer dans le Royaume à travers les paraboles, trait typique de son enseignement (cf. Mc 4, 33-34). Par elles, il invite au festin du Royaume (cf. Mt 22, 1-14), mais il demande aussi un choix radical : pour acquérir le Royaume, il faut tout donner (cf. Mt 13, 44-45) ; les paroles ne suffisent pas, il faut des actes (cf. Mt 21, 28-32). Les paraboles sont comme des miroirs pour lhomme : accueille-t-il la parole comme un sol dur ou comme une bonne terre (cf. Mt 13, 3-9) ? Que fait-il des talents reçus (cf. Mt 25, 14-30) ? Jésus et la présence du Royaume en ce monde sont secrètement au cur des paraboles. Il faut entrer dans le Royaume, cest-à-dire devenir disciple du Christ pour " connaître les mystères du Royaume des cieux " (Mt 13, 11). Pour ceux qui restent " dehors " (Mc 4, 11), tout demeure énigmatique (cf. Mt 13, 10-15).
Les signes du Royaume de Dieu
547 Jésus accompagne ses paroles par de nombreux " miracles, prodiges et signes " (Ac 2, 22) qui manifestent que le Royaume est présent en Lui. Ils attestent que Jésus est le Messie annoncé (cf. Lc 7, 18-23).
548 Les signes accomplis par Jésus témoignent que le Père la envoyé (cf. Jn 5, 36 ; 10, 25). Ils invitent à croire en lui (cf. Jn 10, 38). A ceux qui sadressent à lui avec foi, il accorde ce quils demandent (cf. Mc 5, 25-34 ; 10, 52 ; etc.). Alors les miracles fortifient la foi en Celui qui fait les uvres de son Père : ils témoignent quil est le Fils de Dieu (cf. Jn 10, 31-38). Mais ils peuvent aussi être " occasion de chute " (Mt 11, 6). Ils ne veulent pas satisfaire la curiosité et les désirs magiques. Malgré ses miracles si évidents, Jésus est rejeté par certains (cf. Jn 11, 47-48) ; on laccuse même dagir par les démons (cf. Mc 3, 22).
549 En libérant certains hommes des maux terrestres de la faim (cf. Jn 6, 5-15), de linjustice (cf. Lc 19, 8), de la maladie et de la mort (cf. Mt 11, 5), Jésus a posé des signes messianiques ; il nest cependant pas venu pour abolir tous les maux ici-bas (cf. Lc 12, 13. 14 ; Jn 18, 36), mais pour libérer les hommes de lesclavage le plus grave, celui du péché (cf. Jn 8, 34-36), qui les entrave dans leur vocation de fils de Dieu et cause tous leurs asservissements humains.
550 La venue du Royaume de Dieu est la défaite du royaume de Satan (cf. Mt 12, 26) : " Si cest par lEsprit de Dieu que jexpulse les démons, cest qualors le Royaume de Dieu est arrivé pour vous " (Mt 12, 28). Les exorcismes de Jésus libèrent des hommes de lemprise des démons (cf. Lc 8, 26-39). Ils anticipent la grande victoire de Jésus sur " le prince de ce monde " (Jn 12, 31). Cest par la Croix du Christ que le Royaume de Dieu sera définitivement établi : " Dieu a régné du haut du bois " (Hymne " Vexilla Regis ").
" Les clefs du Royaume "
551 Dès le début de sa vie publique, Jésus choisit des hommes au nombre de douze pour être avec Lui et pour participer à sa mission (cf. Mc 3, 13-19) ; il leur donne part à son autorité " et il les envoya proclamer le Royaume de Dieu et guérir " (Lc 9, 2). Ils restent pour toujours associés au Royaume du Christ car celui-ci dirige par eux lÉglise :
Je dispose pour vous du Royaume, comme mon Père en a disposé pour moi ; vous mangerez et boirez à la table en mon Royaume, et vous siégerez sur des trônes, pour juger les douze tribus dIsraël (Lc 22, 29-30).
552 Dans le collège des Douze Simon Pierre tient la première place (cf. Mc 3, 16 ; 9, 2 ; Lc 24, 34 ; 1 Co 15, 5). Jésus lui a confié une mission unique. Grâce à une révélation venant du Père, Pierre avait confessé : " Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ". Notre Seigneur lui avait alors déclaré : " Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les Portes de lHadès ne tiendront pas contre elle " (Mt 16, 18). Le Christ, " Pierre vivante " (1 P 2, 4), assure à son Église bâtie sur Pierre la victoire sur les puissances de mort. Pierre, en raison de la foi confessée par lui, demeurera le roc inébranlable de lÉglise. Il aura mission de garder cette foi de toute défaillance et dy affermir ses frères (cf. Lc 22, 32).
553 Jésus a confié à Pierre une autorité spécifique : " Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux : quoi que tu lies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour lié, et quoi que tu délies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour délié " (Mt 16, 19). Le " pouvoir des clefs " désigne lautorité pour gouverner la maison de Dieu, qui est lÉglise. Jésus, " le Bon Pasteur " (Jn 10, 11) a confirmé cette charge après sa Résurrection : " Pais mes brebis " (Jn 21, 15-17). Le pouvoir de " lier et délier " signifie lautorité pour absoudre les péchés, prononcer des jugements doctrinaux et prendre des décisions disciplinaires dans lÉglise. Jésus a confié cette autorité à lÉglise par le ministère des apôtres (cf. Mt 18, 18) et particulièrement de Pierre, le seul à qui il a confié explicitement les clefs du Royaume.
Un avant-goût du Royaume : La Transfiguration
554 A partir du jour où Pierre a confessé que Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant, le Maître " commença de montrer à ses disciples quil lui fallait sen aller à Jérusalem, y souffrir (...) être mis à mort et, le troisième jour, ressusciter " (Mt 16, 21) : Pierre refuse cette annonce (cf. Mt 16, 22-23), les autres ne la comprennent pas davantage (cf. Mt 17, 23 ; Lc 9, 45). Cest dans ce contexte que se situe lépisode mystérieux de la Transfiguration de Jésus (cf. Mt 17, 1-8 par. ; 2 P 1, 16-18), sur une haute montagne, devant trois témoins choisis par lui : Pierre, Jacques et Jean. Le visage et les vêtements de Jésus deviennent fulgurants de lumière, Moïse et Elie apparaissent, lui " parlant de son départ quil allait accomplir à Jérusalem " (Lc 9, 31). Une nuée les couvre et une voix du ciel dit : " Celui-ci est mon Fils, mon Élu ; écoutez-le " (Lc 9, 35).
555 Pour un instant, Jésus montre sa gloire divine, confirmant ainsi la confession de Pierre. Il montre aussi que, pour " entrer dans sa gloire " (Lc 24, 26), il doit passer par la Croix à Jérusalem. Moïse et Elie avaient vu la gloire de Dieu sur la Montagne ; la Loi et les prophètes avaient annoncé les souffrances du Messie (cf. Lc 24, 27). La passion de Jésus est bien la volonté du Père : le Fils agit en Serviteur de Dieu (cf. Is 42, 1). La nuée indique la présence de lEsprit Saint : " Toute la Trinité apparut : le Père dans la voix, le Fils dans lhomme, lEsprit dans la nuée lumineuse " (S. Thomas dA., s. th. 3, 45, 4, ad 2) :
Tu tes transfiguré sur la montagne, et, autant quils en étaient capables, tes disciples ont contemplé ta Gloire, Christ Dieu afin que lorsquils Te verraient crucifié, ils comprennent que ta passion était volontaire et quils annoncent au monde que Tu es vraiment le rayonnement du Père (Liturgie byzantine, Kontakion de la fête de la Transfiguration).
556 Au seuil de la vie publique : le Baptême ; au seuil de la Pâque : la Transfiguration. Par le Baptême de Jésus " fut manifesté le mystère de notre première régénération " : notre Baptême ; la Transfiguration " est le sacrement de la seconde régénération " : notre propre résurrection (S. Thomas dA., s. th. 3, 45, 4, ad 2). Dès maintenant nous participons à la Résurrection du Seigneur par lEsprit Saint qui agit dans les sacrements du Corps du Christ. La Transfiguration nous donne un avant-goût de la glorieuse venue du Christ " qui transfigurera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire " (Ph 3, 21). Mais elle nous rappelle aussi qu" il nous faut passer par bien des tribulations pour entrer dans le Royaume de Dieu " (Ac 14, 22) :
Cela Pierre ne lavait pas encore compris quand il désirait vivre avec le Christ sur la montagne (cf. Lc 9, 33). Il ta réservé cela, Pierre, pour après la mort. Mais maintenant il dit lui-même : Descend pour peiner sur la terre, pour servir sur la terre, pour être méprisé, crucifié sur la terre. La Vie descend pour se faire tuer ; le Pain descend pour avoir faim ; la Voie descend, pour se fatiguer en chemin ; la Source descend, pour avoir soif ; et tu refuses de peiner ? (S. Augustin, serm. 78, 6 : PL 38, 492-493).
La montée de Jésus à Jérusalem
557 " Or, comme approchait le temps où il devait être emporté de ce monde, Jésus prit résolument le chemin de Jérusalem " (Lc 9, 51 ; cf. Jn 13, 1). Par cette décision, il signifiait quil montait à Jérusalem prêt à mourir. A trois reprises il avait annoncé sa passion et sa Résurrection (cf. Mc 8, 31-33 ; 9, 31-32 ; 10, 32-34). En se dirigeant vers Jérusalem, il dit : " Il ne convient pas quun prophète périsse hors de Jérusalem " (Lc 13, 33).
558 Jésus rappelle le martyre des prophètes qui avaient été mis à mort à Jérusalem (cf. Mt 23, 37a). Néanmoins, il persiste à appeler Jérusalem à se rassembler autour de lui : " Combien de fois jai voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble ses poussins sous ses ailes (...) et vous navez pas voulu ! " (Mt 23, 37b). Quand Jérusalem est en vue, il pleure sur elle et exprime encore une fois le désir de son cur : " Ah ! Si en ce jour tu avais compris, toi aussi, le message de paix ! Mais, hélas, il est demeuré caché à tes yeux " (Lc 19, 41-42).
Lentrée messianique de Jésus à Jérusalem
559 Comment Jérusalem va-t-elle accueillir son Messie ? Alors quil sétait toujours dérobé aux tentatives populaires de le faire roi (cf. Jn 6, 15), Jésus choisit le temps et prépare les détails de son entrée messianique dans la ville de " David, son père " (Lc 1, 32 ; cf. Mt 21, 1-11) Il est acclamé comme le fils de David, celui qui apporte le salut ( "Hosanna " veut dire " sauve donc ! ", " donne le salut ! "). Or " Roi de Gloire " (Ps 24, 7-10) entre dans sa Ville " monté sur un ânon " (Za 9, 9) : il ne conquiert pas la Fille de Sion, figure de son Église, par la ruse ni par la violence, mais par lhumilité qui témoigne de la Vérité (cf. Jn 18, 37). Cest pourquoi les sujets de son Royaume, ce jour-là, sont les enfants (cf. Mt 21, 15-16 ; Ps 8, 3) et les " pauvres de Dieu ", qui lacclament comme les anges lannonçaient aux bergers (cf. Lc 19, 38 ; 2, 14). Leur acclamation, " Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur " (Ps 118, 26), est reprise par lÉglise dans le " Sanctus " de la liturgie eucharistique pour ouvrir le mémorial de la Pâque du Seigneur.
560 Lentrée de Jésus à Jérusalem manifeste la Venue du Royaume que le Roi-Messie va accomplir par la Pâque de sa Mort et de sa Résurrection. Cest par sa célébration, le dimanche des Rameaux, que la liturgie de lÉglise ouvre la grande Semaine Sainte.
En bref
561 " Toute la vie du Christ fut un continuel enseignement : ses silences, ses miracles, ses gestes, sa prière, son amour de lhomme, sa prédilection pour les petits et les pauvres, lacceptation du sacrifice total sur la Croix pour la rédemption du monde, sa Résurrection sont lactuation de sa parole et laccomplissement de la Révélation " (CT 9).
562 Les disciples du Christ doivent se conformer à Lui jusquà ce quil soit formé en eux (cf. Ga 4, 19). " Cest pourquoi nous sommes assumés dans les mystères de sa vie, configurés à lui, associés à sa mort et à sa Résurrection, en attendant de lêtre à son Règne " (LG 7).
563 Berger ou Mage, on ne peut atteindre Dieu ici-bas quen sagenouillant devant la crèche de Bethléem et en ladorant caché dans la faiblesse dun enfant.
564 Par sa soumission à Marie et Joseph, ainsi que par son humble travail pendant de longues années à Nazareth, Jésus nous donne lexemple de la sainteté dans la vie quotidienne de la famille et du travail.
565 Dès le début de sa vie publique, à son baptême, Jésus est le " Serviteur ", entièrement consacré à luvre rédemptrice qui saccomplira par le " baptême " de sa passion.
566 La tentation au désert montre Jésus, Messie humble qui triomphe de Satan par sa totale adhésion au dessein de salut voulu par le Père.
567 Le Royaume des cieux a été inauguré sur la terre par le Christ. " Il brille aux yeux des hommes dans la parole, les uvres et la présence du Christ " (LG 5). LÉglise est le germe et le commencement de ce Royaume. Ses clefs sont confiées à Pierre.
568 La Transfiguration du Christ a pour but de fortifier la foi des apôtres en vue de la passion : la montée sur la " haute montagne " prépare la montée au Calvaire. Le Christ, Tête de lÉglise, manifeste ce que son Corps contient et rayonne dans les sacrements : " lespérance de la Gloire " (Col 1, 27) (cf. S. Léon le Grand, serm. 51, 3 : PL 54, 310C).
569 Jésus est monté volontairement à Jérusalem tout en sachant quil y mourrait de mort violente à cause de la contradiction de la part des pécheurs (cf. He 12, 3)..
570 Lentrée de Jésus à Jérusalem manifeste la venue du Royaume que le Roi-Messie, accueilli dans sa ville par les enfants et les humbles de cur, va accomplir par la Pâque de sa Mort et de sa Résurrection.
Article 4
" Jésus-Christ a souffert sous PONCE PILATE,
il a été crucifié, il est mort,
il a été enseveli "
571 Le mystère pascal de la Croix et de la Résurrection du Christ est au centre de la Bonne Nouvelle que les apôtres, et lÉglise à leur suite, doivent annoncer au monde. Le dessein sauveur de Dieu sest accompli " une fois pour toutes " (He 9, 26) par la mort rédemptrice de son Fils Jésus-Christ.
572 LÉglise reste fidèle à " linterprétation de toutes les Écritures " donnée par Jésus lui-même avant comme après sa Pâque : " Ne fallait-il pas que le Messie endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire ? " (Lc 24, 26-27. 44-45). Les souffrances de Jésus ont pris leur forme historique concrète du fait quil a été " rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes " (Mc 8, 31) qui lont " livré aux païens pour être bafoué, flagellé et mis en croix " (Mt 20, 19).
573 La foi peut donc essayer de scruter les circonstances de la mort de Jésus, transmises fidèlement par les Évangiles (cf. DV 19) et éclairées par dautres sources historiques, pour mieux comprendre le sens de la Rédemption.
Paragraphe 1. Jésus et Israël
574 Dès les débuts du ministère public de Jésus, des Pharisiens et des partisans dHérode, avec des prêtres et des scribes, se sont mis daccord pour le perdre (cf. Mc 3, 6). Par certains de ses actes (expulsions de démons, cf. Mt 12, 24 ; pardon des péchés, cf. Mc 2, 7 ; guérisons le jour du sabbat, cf. Mc 3, 1-6 ; interprétation originale des préceptes de pureté de la Loi, cf. Mc 7, 14-23 ; familiarité avec les publicains et les pécheurs publics, cf. Mc 2, 14-17) Jésus a semblé à certains, mal intentionnés, suspect de possession (cf. Mc 3, 22 ; Jn 8, 48 ; 10, 20). On laccuse de blasphème (cf. Mc 2, 7 ; Jn 5, 18 ; 10, 33) et de faux prophétisme (cf. Jn 7, 12 ; 7, 52), crimes religieux que la Loi châtiait par la peine de mort sous forme de lapidation (cf. Jn 8, 59 ; 10, 31).
575 Bien des actes et des paroles de Jésus ont donc été un " signe de contradiction " (Lc 2, 34) pour les autorités religieuses de Jérusalem, celles que lÉvangile de S. Jean appelle souvent " les Juifs " (cf. Jn 1, 19 ; 2, 18 ; 5, 10 ; 7, 13 ; 9, 22 ; 18, 12 ; 19, 38 ; 20, 19), plus encore que pour le commun du Peuple de Dieu (cf. Jn 7, 48-49). Certes, ses rapports avec les Pharisiens ne furent pas uniquement polémiques. Ce sont des Pharisiens qui le préviennent du danger quil court (cf. Lc 13, 31). Jésus loue certains dentre eux comme le scribe de Mc 12, 34 et il mange à plusieurs reprises chez des Pharisiens (cf. Lc 7, 36 ; 14, 1). Jésus confirme des doctrines partagées par cette élite religieuse du Peuple de Dieu : la résurrection des morts (cf. Mt 22, 23-34 ; Lc 20, 39), les formes de piété (aumône, jeûne et prière, cf. Mt 6, 18) et lhabitude de sadresser à Dieu comme Père, le caractère central du commandement de lamour de Dieu et du prochain (cf. Mc 12, 28-34)
.576 Aux yeux de beaucoup en Israël, Jésus semble agir contre les institutions essentielles du Peuple élu :
La soumission à la Loi dans lintégralité de ses préceptes écrits et, pour les Pharisiens, dans linterprétation de la tradition orale.
La centralité du Temple de Jérusalem comme lieu saint où Dieu habite dune manière privilégiée.
La foi dans le Dieu unique dont aucun homme ne peut partager la gloire.
I. Jésus et la Loi
577 Jésus a fait une mise en garde solennelle au début du Sermon sur la Montagne où Il a présenté la Loi donnée par Dieu au Sinaï lors de la Première alliance à la lumière de la grâce de la Nouvelle Alliance :
Nallez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir mais accomplir. Car je vous le dis en vérité, avant que ne passent le ciel et la terre, pas un i, pas un point sur li ne passera de la Loi, que tout ne soit réalisé. Celui donc qui violera lun de ces moindres préceptes, sera tenu pour moindre dans le Royaume des cieux ; au contraire, celui qui les exécutera et les enseignera, celui-là sera tenu pour grand dans le Royaume de cieux " (Mt 5, 17-19).
578 Jésus, le Messie dIsraël, le plus grand donc dans le Royaume des cieux, se devait daccomplir la Loi en lexécutant dans son intégralité jusque dans ses moindres préceptes selon ses propres paroles. Il est même le seul à avoir pu le faire parfaitement (cf. Jn 8, 46). Les Juifs, de leur propre aveu, nont jamais pu accomplir la Loi dans son intégralité sans en violer le moindre précepte (cf. Jn 7, 19 ; Ac 13, 38-41 ; 15, 10). Cest pourquoi à chaque fête annuelle de lExpiation, les enfants dIsraël demandent à Dieu pardon pour leurs transgressions de la Loi. En effet, la Loi constitue un tout et, comme le rappelle S. Jacques, " aurait-on observé la Loi tout entière, si lon commet un écart sur un seul point, cest du tout que lon devient justiciable " (Jc 2, 10 ; cf. Ga 3, 10 ; 5, 3).
579 Ce principe de lintégralité de lobservance de la Loi, non seulement dans sa lettre mais dans son esprit, était cher aux Pharisiens. En le dégageant pour Israël, ils ont conduit beaucoup de Juifs du temps de Jésus à un zèle religieux extrême (cf. Rm 10, 2). Celui-ci, sil ne voulait pas se résoudre en une casuistique " hypocrite " (cf. Mt 15, 3-7 ; Lc 11, 39-54), ne pouvait que préparer le Peuple à cette intervention de Dieu inouïe que sera lexécution parfaite de la Loi par le seul Juste à la place de tous les pécheurs (cf. Is 53, 11 ; He 9, 15).
580 Laccomplissement parfait de la Loi ne pouvait être luvre que du divin Législateur né sujet de la Loi en la personne du Fils (cf. Ga 4, 4). En Jésus, la Loi napparaît plus gravée sur des tables de pierre mais " au fond du cur " (Jr 31, 33) du Serviteur qui, parce quil " apporte fidèlement le droit " (Is 42, 3) est devenu " lalliance du peuple " (Is 42, 6). Jésus accomplit la Loi jusquà prendre sur Lui " la malédiction de la Loi " (Ga 3, 13) encourue par ceux qui ne " pratiquent pas tous les préceptes de la Loi " (Ga 3, 10) car " la mort du Christ a eu lieu pour racheter les transgressions de la Première alliance " (He 9, 15).
581 Jésus est apparu aux yeux des Juifs et de leurs chefs spirituels comme un " rabbi " (cf. Jn 11, 38 ; 3, 2 ; Mt 22, 23-24. 34-36). Il a souvent argumenté dans le cadre de linterprétation rabbinique de la Loi (cf. Mt 12, 5 ; 9, 12 ; Mc 2, 23 27 ; Lc 6, 6-9 ; Jn 7, 22-23). Mais en même temps, Jésus ne pouvait que heurter les docteurs de la Loi car il ne se contentait pas de proposer son interprétation parmi les leurs, " il enseignait comme quelquun qui a autorité et non pas comme les scribes " (Mt 7, 28-29). En lui, cest la même Parole de Dieu qui avait retenti au Sinaï pour donner à Moïse la Loi écrite qui se fait entendre de nouveau sur la Montagne des Béatitudes (cf. Mt 5, 1). Elle nabolit pas la Loi mais laccomplit en fournissant de manière divine son interprétation ultime : " Vous avez appris quil a été dit aux ancêtres (...) moi je vous dis " (Mt 5, 33-34). Avec cette même autorité divine, il désavoue certaines " traditions humaines " (Mc 7, 8) des Pharisiens qui " annulent la Parole de Dieu " (Mc 7, 13).
582 Allant plus loin, Jésus accomplit la Loi sur la pureté des aliments, si importante dans la vie quotidienne juive, en dévoilant son sens " pédagogique " (cf. Ga 3, 24) par une interprétation divine : " Rien de ce qui pénètre du dehors dans lhomme ne peut le souiller (...) ainsi il déclarait purs tous les aliments. Ce qui sort de lhomme, voilà ce qui souille lhomme. Car cest du dedans, du cur des hommes que sortent les desseins pervers " (Mc 7, 18-21). En délivrant avec autorité divine linterprétation définitive de la Loi, Jésus sest trouvé affronté à certains docteurs de la Loi qui ne recevaient pas son interprétation de la Loi garantie pourtant par les signes divins qui laccompagnaient (cf. Jn 5, 36 ; 10, 25. 37-38 ; 12, 37). Ceci vaut particulièrement pour la question du sabbat : Jésus rappelle, souvent avec des arguments rabbiniques (cf. Mc 2, 25-27 ; Jn 7, 22-24), que le repos du sabbat nest pas troublé par le service de Dieu (cf. Mt 12, 5 ; Nb 28, 9) ou du prochain (cf. Lc 13, 15-16 ; 14, 3-4) quaccomplissent ses guérisons.
II. Jésus et le Temple
583 Jésus, comme les prophètes avant lui, a professé pour le Temple de Jérusalem le plus profond respect. Il y a été présenté par Joseph et Marie quarante jours après sa naissance (cf. Lc 2, 22-39). A lâge de douze ans, il décide de rester dans le Temple pour rappeler à ses parents quil se doit aux affaires de son Père (cf. Lc 2, 46-49). Il y est monté chaque année au moins pour la Pâque pendant sa vie cachée (cf. Lc 2, 41) ; son ministère public lui-même a été rythmé par ses pèlerinages à Jérusalem pour les grandes fêtes juives (cf. Jn 2, 13-14 ; 5, 1. 14 ; 7, 1. 10. 14 ; 8, 2 ; 10, 22-23).
584 Jésus est monté au Temple comme au lieu privilégié de la rencontre de Dieu. Le Temple est pour lui la demeure de son Père, une maison de prière, et il sindigne de ce que son parvis extérieur soit devenu un lieu de trafic (cf. Mt 21, 13). Sil chasse les marchands du Temple, cest par amour jaloux pour son Père : " Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de commerce. Ses disciples se rappelèrent quil est écrit : Le zèle pour ta maison me dévorera (Ps 69, 10) " (Jn 2, 16-17). Après sa Résurrection, les apôtres ont gardé un respect religieux pour le Temple (cf. Ac 2, 46 ; 3, 1 ; 5, 20. 21 ; etc.).
585 Au seuil de sa passion, Jésus a cependant annoncé la ruine de ce splendide édifice dont il ne restera plus pierre sur pierre (cf. Mt 24, 1-2). Il y a ici annonce dun signe des derniers temps qui vont souvrir avec sa propre Pâque (cf. Mt 24, 3 ; Lc 13, 35). Mais cette prophétie a pu être rapportée de manière déformée par de faux témoins lors de son interrogatoire chez le grand prêtre (cf. Mc 14, 57-58) et lui être renvoyée comme injure lorsquil était cloué sur la croix (cf. Mt 27, 39-40).
586 Loin davoir été hostile au Temple (cf. Mt 8, 4 ; 23, 21 ; Lc 17, 14 ; Jn 4, 22) où il a donné lessentiel de son enseignement (cf. Jn 18, 20), Jésus a voulu payer limpôt du Temple en sassociant Pierre (cf. Mt 17, 24-27) quil venait de poser comme fondement pour son Église à venir (cf. Mt 16, 18). Plus encore, il sest identifié au Temple en se présentant comme la demeure définitive de Dieu parmi les hommes (cf. Jn 2, 21 ; Mt 12, 6). Cest pourquoi sa mise à mort corporelle (cf. Jn 2, 18-22) annonce la destruction du Temple qui manifestera lentrée dans un nouvel âge de lhistoire du salut : " Lheure vient où ce nest ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père " (Jn 4, 21 ; cf. Jn 4, 23-24 ; Mt 27, 51 ; He 9, 11 ; Ap 21, 22).
III. Jésus et la foi dIsraël au Dieu Unique et Sauveur
587 Si la Loi et le Temple de Jérusalem ont pu être occasion de " contradiction " (cf. Lc 2, 34) de la part de Jésus pour les autorités religieuses dIsraël, cest son rôle dans la rédemption des péchés, uvre divine par excellence, qui a été pour elles la véritable pierre dachoppement (cf. Lc 20, 17-18 ; Ps 118, 22).
588 Jésus a scandalisé les Pharisiens en mangeant avec les publicains et les pécheurs (cf. Lc 5, 30) aussi familièrement quavec eux-mêmes (cf. Lc 7, 36 ; 11, 37 ; 14, 1). Contre ceux dentre eux " qui se flattaient dêtre des justes et navaient que mépris pour les autres " (Lc 18, 9 ; cf. Jn 7, 49 ; 9, 34), Jésus a affirmé : " Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs au repentir " (Lc 5, 32). Il est allé plus loin en proclamant face aux Pharisiens que, le péché étant universel (cf. Jn 8, 33-36), ceux qui prétendent ne pas avoir besoin de salut saveuglent sur eux-mêmes (cf. Jn 9, 40-41).
589 Jésus a surtout scandalisé parce quIl a identifié sa conduite miséricordieuse envers les pécheurs avec lattitude de Dieu Lui-même à leur égard (cf. Mt 9, 13 ; Os 6, 6). Il est allé jusquà laisser entendre quen partageant la table des pécheurs (cf. Lc 15, 1-2), Il les admettait au banquet messianique (cf. Lc 15, 23-32). Mais cest tout particulièrement en pardonnant les péchés que Jésus a mis les autorités religieuses dIsraël devant un dilemme. Ne diraient-elles pas avec justesse dans leur effroi : " Dieu seul peut pardonner les péchés " (Mc 2, 7) ? En pardonnant les péchés, ou bien Jésus blasphème car cest un homme qui se fait légal de Dieu (cf. Jn 5, 18 ; 10, 33), ou bien Il dit vrai et sa personne rend présent et révèle le nom de Dieu (cf. Jn 17, 6. 26).
590 Seule lidentité divine de la personne de Jésus peut justifier une exigence aussi absolue que celle-ci : " Celui qui nest pas avec moi est contre moi " (Mt 12, 30) ; de même quand Il dit quil y a en Lui " plus que Jonas, (...) plus que Salomon " (Mt 12, 41-42), " plus que le Temple " (Mt 12, 6) ; quand Il rappelle à son sujet que David a appelé le Messie son Seigneur (cf. Mt 12, 36. 37), quand Il affirme : " Avant quAbraham fut, Je Suis " (Jn 8, 58) ; et même : " Le Père et moi nous sommes un " (Jn 10, 30).
591 Jésus a demandé aux autorités religieuses de Jérusalem de croire en Lui à cause des uvres de son Père quIl accomplit (cf. Jn 10, 36-38). Mais un tel acte de foi devait passer par une mystérieuse mort à soi-même pour une nouvelle " naissance den haut " (Jn 3, 7) dans lattirance de la grâce divine (cf. Jn 6, 44). Une telle exigence de conversion face à un accomplissement si surprenant des promesses (cf. Is 53, 1) permet de comprendre la tragique méprise du Sanhédrin estimant que Jésus méritait la mort comme blasphémateur (cf. Mc 3, 6 ; Mt 26, 64-66). Ses membres agissaient ainsi à la fois par ignorance (cf. Lc 23, 34 ; Ac 3, 17-18) et par lendurcissement (cf. Mc 3, 5 ; Rm 11, 25) de lincrédulité (cf. Rm 11, 20).
En bref
592 Jésus na pas aboli la Loi du Sinaï, mais Il la accomplie (cf. Mt 5, 17-19) avec une telle perfection (cf. Jn 8, 46) quIl en révèle le sens ultime (cf. Mt 5, 33) et quIl rachète les transgressions contre elle (cf. He 9, 15).
593 Jésus a vénéré le Temple en y montant aux fêtes juives de pèlerinage et Il a aimé dun amour jaloux cette demeure de Dieu parmi les hommes. Le Temple préfigure son mystère. SIl annonce sa destruction, cest comme manifestation de sa propre mise à mort et de lentrée dans un nouvel âge de lhistoire du salut, où son Corps sera le Temple définitif.
594 Jésus a posé des actes, tel le pardon des péchés, qui Lont manifesté comme étant le Dieu Sauveur lui-même (cf. Jn 5, 16-18). Certains Juifs, qui, ne reconnaissant pas le Dieu fait homme (cf. Jn 1, 14), voyaient en Lui un homme qui se fait Dieu (cf. Jn 10, 33), Lont jugé comme un blasphémateur.
Paragraphe 2. Jésus est mort crucifié
I. Le procès de Jésus
Divisions des autorités juives à légard de Jésus
595 Parmi les autorités religieuses de Jérusalem, non seulement il sest trouvé le pharisien Nicodème (cf. Jn 7, 52) ou le notable Joseph dArimathie pour être en secret disciples de Jésus (cf. Jn 19, 38-39), mais il sest produit pendant longtemps des dissensions au sujet de Celui-ci (cf. Jn 9, 16-17 ; 10, 19-21) au point quà la veille même de sa passion, S. Jean peut dire deux qu" un bon nombre crut en lui ", quoique dune manière très imparfaite (Jn 12, 42). Cela na rien détonnant si lon tient compte quau lendemain de la Pentecôte " une multitude de prêtres obéissait à la foi " (Ac 6, 7) et que " certains du parti des Pharisiens étaient devenus croyants " (Ac 15, 5) au point que S. Jacques peut dire à S. Paul que " plusieurs milliers de Juifs ont embrassé la foi et ce sont tous dardents partisans de la Loi " (Ac 21, 20).
596 Les autorités religieuses de Jérusalem nont pas été unanimes dans la conduite à tenir vis-à-vis de Jésus (cf. Jn 9, 16 ; 10, 19). Les pharisiens ont menacé dexcommunication ceux qui le suivraient (cf. Jn 9, 22). A ceux qui craignaient que " tous croient en Jésus et que les Romains viennent détruire notre Lieu Saint et notre nation " (Jn 11, 48), le grand prêtre Caïphe proposa en prophétisant : " Il est de votre intérêt quun seul homme meure pour le peuple et que la nation ne périsse pas tout entière " (Jn 11, 49-50). Le Sanhédrin, ayant déclaré Jésus " passible de mort " (Mt 26, 66) en tant que blasphémateur, mais ayant perdu le droit de mise à mort (cf. Jn 18, 31), livre Jésus aux Romains en laccusant de révolte politique (cf. Lc 23, 2) ce qui mettra celui-ci en parallèle avec Barrabas accusé de " sédition " (Lc 23, 19). Ce sont aussi des menaces politiques que les grands prêtres exercent sur Pilate pour quil condamne Jésus à mort (cf. Jn 19, 12. 15. 21).
Les Juifs ne sont pas collectivement responsables de la mort de Jésus
597 En tenant compte de la complexité historique du procès de Jésus manifestée dans les récits évangéliques, et quel que puisse être le péché personnel des acteurs du procès (Judas, le Sanhédrin, Pilate) que seul Dieu connaît, on ne peut en attribuer la responsabilité à lensemble des Juifs de Jérusalem, malgré les cris dune foule manipulée (cf. Mc 15, 11) et les reproches globaux contenus dans les appels à la conversion après la Pentecôte (cf. Ac 2, 23. 36 ; 3, 13-14 ; 4, 10 ; 5, 30 ; 7, 52 ; 10, 39 ; 13, 27-28 ; 1 Th 2, 14-15). Jésus lui-même en pardonnant sur la croix (cf. Lc 23, 34) et Pierre à sa suite ont fait droit à " lignorance " (Ac 3, 17) des Juifs de Jérusalem et même de leurs chefs. Encore moins peut-on, à partir du cri du peuple : " Que son sang soit sur nous et sur nos enfants " (Mt 27, 25) qui signifie une formule de ratification (cf. Ac 5, 28 ; 18, 6), étendre la responsabilité aux autres Juifs dans lespace et dans le temps :
Aussi bien lÉglise a-t-elle déclaré au Concile Vatican II : " Ce qui a été commis durant la passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps. (...) Les Juifs ne doivent pas être présentés comme réprouvés par Dieu, ni maudits comme si cela découlait de la Sainte Écriture " (NA 4).
Tous les pécheurs furent les auteurs de la passion du Christ
598 LÉglise, dans le Magistère de sa foi et dans le témoignage de ses saints, na jamais oublié que " les pécheurs eux-mêmes furent les auteurs et comme les instruments de toutes les peines quendura le divin Rédempteur " (Catech. R. 1, 5, 11 ; cf. He 12, 3). Tenant compte du fait que nos péchés atteignent le Christ Lui-même (cf. Mt 25, 45 ; Ac 9, 4-5), lÉglise nhésite pas à imputer aux chrétiens la responsabilité la plus grave dans le supplice de Jésus, responsabilité dont ils ont trop souvent accablé uniquement les Juifs :
Nous devons regarder comme coupables de cette horrible faute, ceux qui continuent à retomber dans leurs péchés. Puisque ce sont nos crimes qui ont fait subir à Notre-Seigneur Jésus-Christ le supplice de la croix, à coup sûr ceux qui se plongent dans les désordres et dans le mal " crucifient de nouveau dans leur cur, autant quil est en eux, le Fils de Dieu par leurs péchés et le couvrent de confusion " (He 6, 6). Et il faut le reconnaître, notre crime à nous dans ce cas est plus grand que celui des Juifs. Car eux, au témoignage de lapôtre, " sils avaient connu le Roi de gloire, ils ne lauraient jamais crucifié " (1 Co 2, 8). Nous, au contraire, nous faisons profession de Le connaître. Et lorsque nous Le renions par nos actes, nous portons en quelque sorte sur Lui nos mains meurtrières (Catech. R. 1, 5, 11).
Et les démons, ce ne sont pas eux qui Lont crucifié ; cest toi qui avec eux Las crucifié et Le crucifies encore, en te délectant dans les vices et les péchés (S. François dAssise, admon. 5, 3).
II. La mort rédemptrice du Christ dans le dessein divin de salut
" Jésus livré selon le dessein bien arrêté de Dieu "
599 La mort violente de Jésus na pas été le fruit du hasard dans un concours malheureux de circonstances. Elle appartient au mystère du dessein de Dieu, comme S. Pierre lexplique aux Juifs de Jérusalem dès son premier discours de Pentecôte : " Il avait été livré selon le dessein bien arrêté et la prescience de Dieu " (Ac 2, 23). Ce langage biblique ne signifie pas que ceux qui ont " livré Jésus " (Ac 3, 13) nont été que les exécutants passifs dun scénario écrit davance par Dieu.
600 A Dieu tous les moments du temps sont présents dans leur actualité. Il établit donc son dessein éternel de " prédestination " en y incluant la réponse libre de chaque homme à sa grâce : " Oui, vraiment, ils se sont rassemblés dans cette ville contre ton saint serviteur Jésus, que tu as oint, Hérode et Ponce Pilate avec les nations païennes et les peuples dIsraël (cf. Ps 2, 1-2), de telle sorte quils ont accompli tout ce que, dans ta puissance et ta sagesse, tu avais prédestiné " (Ac 4, 27-28). Dieu a permis les actes issus de leur aveuglement (cf. Mt 26, 54 ; Jn 18, 36 ; 19, 11) en vue daccomplir son dessein de salut (cf. Ac 3, 17-18).
" Mort pour nos péchés selon les Écritures "
601 Ce dessein divin de salut par la mise à mort du " Serviteur, le Juste " (Is 53, 11 ; cf. Ac 3, 14) avait été annoncé par avance dans lÉcriture comme un mystère de rédemption universelle, cest-à-dire de rachat qui libère les hommes de lesclavage du péché (cf. Is 53, 11-12 ; Jn 8, 34-36). S. Paul professe, dans une confession de foi quil dit avoir " reçue " (1 Co 15, 3) que " le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures " (ibidem ; cf. aussi Ac 3, 18 ; 7, 52 ; 13, 29 ; 26, 22-23). La mort rédemptrice de Jésus accomplit en particulier la prophétie du Serviteur souffrant (cf. Is 53, 7-8 et Ac 8, 32-35). Jésus lui-même a présenté le sens de sa vie et de sa mort à la lumière du Serviteur souffrant (cf. Mt 20, 28). Après sa Résurrection, il a donné cette interprétation des Écritures aux disciples dEmmaüs (cf. Lc 24, 25-27), puis aux apôtres eux-mêmes (cf. Lc 24, 44-45).
" Dieu la fait péché pour nous "
602 S. Pierre peut en conséquence formuler ainsi la foi apostolique dans le dessein divin de salut : " Vous avez été affranchis de la vaine conduite héritée de vos pères par un sang précieux, comme dun agneau sans reproche et sans tache, le Christ, discerné avant la fondation du monde et manifesté dans les derniers temps à cause de vous " (1 P 1, 18-20). Les péchés des hommes, consécutifs au péché originel, sont sanctionnés par la mort (cf. Rm 5, 12 ; 1 Co 15, 56). En envoyant son propre Fils dans la condition desclave (cf. Ph 2, 7), celle dune humanité déchue et vouée à la mort à cause du péché (cf. Rm 8, 3), " Dieu la fait péché pour nous, lui qui navait pas connu le péché, afin quen lui nous devenions justice pour Dieu " (2 Co 5, 21).
603 Jésus na pas connu la réprobation comme sil avait lui-même péché (cf. Jn 8, 46). Mais dans lamour rédempteur qui lunissait toujours au Père (cf. Jn 8, 29), il nous a assumé dans légarement de notre péché par rapport à Dieu au point de pouvoir dire en notre nom sur la croix : " Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi mas-tu abandonné " (Mc 15, 34 ; Ps 22, 1). Layant rendu ainsi solidaire de nous pécheurs, " Dieu na pas épargné son propre Fils mais la livré pour nous tous " (Rm 8, 32) pour que nous soyons " réconciliés avec Lui par la mort de son Fils " (Rm 5, 10).
Dieu a linitiative de lamour rédempteur universel
604 En livrant son Fils pour nos péchés, Dieu manifeste que son dessein sur nous est un dessein damour bienveillant qui précède tout mérite de notre part : " En ceci consiste lamour : ce nest pas nous qui avons aimé Dieu, mais cest lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime de propitiation pour nos péchés " (1 Jn 4, 10 ; cf. 4, 19). " La preuve que Dieu nous aime, cest que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous " (Rm 5, 8).
605 Cet amour est sans exclusion Jésus la rappelé en conclusion de la parabole de la brebis perdue : " Ainsi on ne veut pas, chez votre Père qui est aux cieux, quun seul de ses petits ne se perde " (Mt 18, 14). Il affirme " donner sa vie en rançon pour la multitude " (Mt 20, 28) ; ce dernier terme nest pas restrictif : il oppose lensemble de lhumanité à lunique personne du Rédempteur qui se livre pour la sauver (cf. Rm 5, 18-19). LÉglise, à la suite des apôtres (cf. 2 Co 5, 15 ; 1 Jn 2, 2), enseigne que le Christ est mort pour tous les hommes sans exception : " Il ny a, il ny a eu et il ny aura aucun homme pour qui le Christ nait pas souffert " (Cc. Quiercy en 853 : DS 624).
III. Le Christ sest offert lui-même à son Père pour nos péchés
Toute la vie du Christ est offrande au Père
606 Le Fils de Dieu, " descendu du ciel non pour faire sa volonté mais celle de son Père qui la envoyé " (Jn 6, 38), " dit en entrant dans le monde : (...) Voici je viens (...) pour faire ô Dieu ta volonté. (...) Cest en vertu de cette volonté que nous sommes sanctifiés par loblation du corps de Jésus-Christ, une fois pour toutes " (He 10, 5-10). Dès le premier instant de son Incarnation, le Fils épouse le dessein de salut divin dans sa mission rédemptrice : " Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui ma envoyé et de mener son uvre à bonne fin " (Jn 4, 34). Le sacrifice de Jésus " pour les péchés du monde entier " (1 Jn 2, 2) est lexpression de sa communion damour au Père : " Le Père maime parce que je donne ma vie " (Jn 10, 17). " Il faut que le monde sache que jaime le Père et que je fais comme le Père ma commandé " (Jn 14, 31).
607 Ce désir dépouser le dessein damour rédempteur de son Père anime toute la vie de Jésus (cf. Lc 12, 50 ; 22, 15 ; Mt 16, 21-23) car sa passion rédemptrice est la raison dêtre de son Incarnation : " Père, sauve-moi de cette heure ! Mais cest pour cela que je suis venu à cette heure " (Jn 12, 27). " La coupe que ma donnée le Père ne la boirai-je pas ? " (Jn 18, 11). Et encore sur la croix avant que " tout soit accompli " (Jn 19, 30), il dit : " Jai soif " (Jn 19, 28).
" LAgneau qui enlève le péché du monde "
608 Après avoir accepté de Lui donner le Baptême à la suite des pécheurs (cf. Lc 3, 21 ; Mt 3, 14-15), Jean-Baptiste a vu et montré en Jésus lAgneau de Dieu, qui enlève les péchés du monde (cf. Jn 1, 29. 36). Il manifeste ainsi que Jésus est à la fois le Serviteur souffrant qui, silencieux, se laisse mener à labattoir (cf. Is 53, 7 ; Jr 11, 19) et porte le péché des multitudes (cf. Is 53, 12), et lagneau Pascal symbole de la rédemption dIsraël lors de la première Pâque (cf. Ex 12, 3-14 ; Jn 19, 36 ; 1 Co 5, 7). Toute la vie du Christ exprime sa mission : servir et donner sa vie en rançon pour la multitude (cf. Mc 10, 45).
Jésus épouse librement lamour rédempteur du Père
609 En épousant dans son cur humain lamour du Père pour les hommes, Jésus " les a aimés jusquà la fin " (Jn 13, 1) " car il ny a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux quon aime " (Jn 15, 13). Ainsi dans la souffrance et dans la mort, son humanité est devenue linstrument libre et parfait de son amour divin qui veut le salut des hommes (cf. He 2, 10. 17-18 ; 4, 15 ; 5, 7-9). En effet, il a librement accepté sa passion et sa mort par amour de son Père et des hommes que Celui-ci veut sauver : " Personne ne menlève la vie, mais je la donne de moi-même " (Jn 10, 18). Doù la souveraine liberté du Fils de Dieu quand il va lui-même vers la mort (cf. Jn 18, 4-6 ; Mt 26, 53).
A la Cène Jésus a anticipé loffrande libre de sa vie
610 Jésus a exprimé suprêmement loffrande libre de Lui-même dans le repas pris avec les douze apôtres (cf. Mt 26, 20), dans " la nuit où Il fut livré " (1 Co 11, 23). La veille de sa passion, alors quIl était encore libre, Jésus a fait de cette dernière Cène avec ses apôtres le mémorial de son offrande volontaire au Père (cf. 1 Co 5, 7) pour le salut des hommes : " Ceci est mon corps donné pour vous " (Lc 22, 19). " Ceci est mon sang, le sang de lalliance, qui va être répandu pour une multitude en rémission des péchés " (Mt 26, 28).
611 LEucharistie quil institue à ce moment sera le " mémorial " (1 Co 11, 25) de son sacrifice. Jésus inclut les apôtres dans sa propre offrande et leur demande de la perpétuer (cf. Lc 22, 19). Par là, Jésus institue ses apôtres prêtres de lAlliance Nouvelle : " Pour eux Je me consacre afin quils soient eux aussi consacrés dans la vérité " (Jn 17, 19 ; cf. Cc. Trente : DS 1752 ; 1764).
Lagonie à Gethsémani
612 La coupe de la Nouvelle Alliance, que Jésus a anticipée à la Cène en soffrant lui-même (cf. Lc 22, 20), il laccepte ensuite des mains du Père dans son agonie à Gethsémani (cf. Mt 26, 42) en se faisant " obéissant jusquà la mort " (Ph 2, 8 ; cf. He 5, 7-8). Jésus prie : " Mon Père, sil est possible que cette coupe passe loin de moi... " (Mt 26, 39). Il exprime ainsi lhorreur que représente la mort pour sa nature humaine. En effet celle-ci, comme la nôtre, est destinée à la vie éternelle ; en plus, à la différence de la nôtre, elle est parfaitement exempte du péché (cf. He 4, 15) qui cause la mort (cf. Rm 5, 12) ; mais surtout elle est assumée par la personne divine du " Prince de la Vie " (Ac 3, 15), du " Vivant " (Ap 1, 17 ; cf. Jn 1, 4 ; 5, 26). En acceptant dans sa volonté humaine que la volonté du Père soit faite (cf. Mt 26, 42), il accepte sa mort en tant que rédemptrice pour " porter lui-même nos fautes dans son corps sur le bois " (1 P 2, 24).
La mort du Christ est le sacrifice unique et définitif
613 La mort du Christ est à la fois le sacrifice Pascal qui accomplit la rédemption définitive des hommes (cf. 1 Co 5, 7 ; Jn 8, 34-36) par lAgneau qui porte le péché du monde (cf. Jn 1, 29 ; 1 P 1, 19) et le sacrifice de la Nouvelle Alliance (cf. 1 Co 11, 25) qui remet lhomme en communion avec Dieu (cf. Ex 24, 8) en le réconciliant avec Lui par le sang répandu pour la multitude en rémission des péchés (cf. Mt 26, 28 ; Lv 16, 15-16).
614 Ce sacrifice du Christ est unique, il achève et dépasse tous les sacrifices (cf. He 10, 10). Il est dabord un don de Dieu le Père lui-même : cest le Père qui livre son Fils pour nous réconcilier avec lui (cf. 1 Jn 4, 10). Il est en même temps offrande du Fils de Dieu fait homme qui, librement et par amour (cf. Jn 15, 13), offre sa vie (cf. Jn 10, 17-18) à son Père par lEsprit Saint (cf. He 9, 14), pour réparer notre désobéissance.
Jésus substitue son obéissance à notre désobéissance
615 " Comme par la désobéissance dun seul la multitude a été constituée pécheresse, ainsi par lobéissance dun seul la multitude sera constituée juste " (Rm 5, 19). Par son obéissance jusquà la mort, Jésus a accompli la substitution du Serviteur souffrant qui " offre sa vie en sacrifice expiatoire ", " alors quil portait le péché des multitudes " " quil justifie en saccablant lui-même de leurs fautes " (Is 53, 10-12). Jésus a réparé pour nos fautes et satisfait au Père pour nos péchés (cf. Cc. Trente : DS 1529).
Sur la croix, Jésus consomme son sacrifice
616 Cest " lamour jusquà la fin " (Jn 13, 1) qui confère sa valeur de rédemption et de réparation, dexpiation et de satisfaction au sacrifice du Christ. Il nous a tous connus et aimés dans loffrande de sa vie (cf. Ga 2, 20 ; Ep 5, 2. 25). " Lamour du Christ nous presse, à la pensée que, si un seul est mort pour tous, alors tous sont morts " (2 Co 5, 14). Aucun homme, fût-il le plus saint, nétait en mesure de prendre sur lui les péchés de tous les hommes et de soffrir en sacrifice pour tous. Lexistence dans le Christ de la Personne divine du Fils, qui dépasse et, en même temps, embrasse toutes les personnes humaines, et qui le constitue Tête de toute lhumanité, rend possible son sacrifice rédempteur pour tous.
617 " Par sa sainte passion, sur le bois de la Croix, Il nous a mérité la justification " enseigne le Concile de Trente (DS 1529) : soulignant le caractère unique du sacrifice du Christ comme " principe de salut éternel " (He 5, 9). Et lÉglise vénère la Croix en chantant : " Salut, O Croix, notre unique espérance " (Hymne " Vexilla Regis ").
Notre participation au sacrifice du Christ
618 La Croix est lunique sacrifice du Christ " seul médiateur entre Dieu et les hommes " (1 Tm 2, 5). Mais, parce que, dans sa Personne divine incarnée, " il sest en quelque sorte uni lui-même à tout homme " (GS 22, § 2), il " offre à tous les hommes, dune façon que Dieu connaît, la possibilité dêtre associés au mystère pascal " (GS 22, § 5). Il appelle ses disciples à " prendre leur croix et à le suivre " (Mt 16, 24) car " il a souffert pour nous, il nous a tracé le chemin afin que nous suivions ses pas " (1 P 2, 21). Il veut en effet associer à son sacrifice rédempteur ceux-là même qui en sont les premiers bénéficiaires (cf. Mc 10, 39 ; Jn 21, 18-19 ; Col 1, 24). Cela saccomplit suprêmement pour sa Mère, associée plus intimement que tout autre au mystère de sa souffrance rédemptrice (cf. Lc 2, 35) :
En dehors de la Croix il ny a pas dautre échelle par où monter au ciel (Ste. Rose de Lima, vita).
En bref
619 " Le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures " (1 Co 15, 3).
620 Notre salut découle de linitiative damour de Dieu envers nous car " cest lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime de propitiation pour nos péchés " (1 Jn 4, 10). " Cest Dieu qui dans le Christ se réconciliait le monde " (2 Co 5, 19).
621 Jésus sest offert librement pour notre salut. Ce don, il le signifie et le réalise à lavance pendant la dernière cène : " Ceci est mon corps, qui va être donné pour vous " (Lc 22, 19).
622 En ceci consiste la rédemption du Christ : il " est venu donner sa vie en rançon pour la multitude " (Mt 20, 28), cest-à-dire " aimer les siens jusquà la fin " (Jn 13, 1) pour quils soient " affranchis de la vaine conduite héritée de leurs pères " (1 P 1, 18).
623 Par son obéissance aimante au Père, " jusquà la mort de la croix " (Ph 2, 8), Jésus accomplit la mission expiatrice (cf. Is 53, 10) du Serviteur souffrant qui " justifie les multitudes en saccablant lui-même de leurs fautes " (Is 53, 11 ; cf. Rm 5, 19).
Paragraphe 3. Jésus-Christ a été enseveli
624 " Par la grâce de Dieu, au bénéfice de tout homme, il a goûté la mort " (He 2, 9). Dans son dessein de salut, Dieu a disposé que son Fils non seulement " mourrait pour nos péchés " (1 Co 15, 3) mais aussi quil " goûterait la mort ", cest-à-dire connaîtrait létat de mort, létat de séparation entre son âme et son corps, durant le temps compris entre le moment où il a expiré sur la croix et le moment où il est ressuscité. Cet état du Christ mort est le mystère du sépulcre et de la descente aux enfers. Cest le mystère du Samedi Saint où le Christ déposé au tombeau (cf. Jn 19, 42) manifeste le grand repos sabbatique de Dieu (cf. He 4, 7-9) après laccomplissement (cf. Jn 19, 30) du salut des hommes qui met en paix lunivers entier (cf. Col 1, 18-20).
Le Christ au sépulcre dans son corps
625 Le séjour du Christ au tombeau constitue le lien réel entre létat passible du Christ avant Pâque et son actuel état glorieux de Ressuscité. Cest la même personne du " Vivant " qui peut dire : " Jai été mort et me voici vivant pour les siècles des siècles " (Ap 1, 18) :
Dieu [le Fils] na pas empêché la mort de séparer lâme du corps, selon lordre nécessaire à la nature, mais il les a de nouveau réunis lun à lautre par la Résurrection, afin dêtre lui-même dans sa personne le point de rencontre de la mort et de la vie en arrêtant en lui la décomposition de la nature produite par la mort et en devenant lui-même principe de réunion pour les parties séparées (S. Grégoire de Nysse, or. catech. 16 : PG 45, 52B).
626 Puisque le " Prince de la vie " quon a mis à mort (Ac 3, 15) est bien le même que " le Vivant qui est ressuscité " (Lc 24, 5-6), il faut que la personne divine du Fils de Dieu ait continué à assumer son âme et son corps séparés entre eux par la mort :
Du fait quà la mort du Christ lâme a été séparée de la chair, la personne unique ne sest pas trouvée divisée en deux personnes ; car le corps et lâme du Christ ont existé au même titre dès le début dans la personne du Verbe ; et dans la mort, quoique séparés lun de lautre, ils sont restés chacun avec la même et unique personne du Verbe (S. Jean Damascène, f. o. 3, 27 : PG 94, 1098A).
" Tu ne laisseras pas ton saint voir la corruption "
627 La mort du Christ a été une vraie mort en tant quelle a mis fin à son existence humaine terrestre. Mais à cause de lunion que la Personne du Fils a gardé avec son Corps, il nest pas devenu une dépouille mortelle comme les autres car " il nétait pas possible quil fût retenu en son pouvoir (de la mort) " (Ac 2, 24). Cest pourquoi " la vertu divine a préservé le corps du Christ de la corruption " (S. Thomas dA., s. th. 3, 51, 3). Du Christ on peut dire à la fois : " Il a été retranché de la terre des vivants " (Is 53, 8) ; et : " Ma chair reposera dans lespérance que tu nabandonneras pas mon âme aux enfers et ne laisseras pas ton saint voir la corruption " (Ac 2, 26-27 ; cf. Ps 16, 9-10). La Résurrection de Jésus " le troisième jour " (1 Co 15, 4 ; Lc 24, 46 ; cf. Mt 12, 40 ; Jon 2, 1 ; Os 6, 2) en était la preuve car la corruption était censée se manifester à partir du quatrième jour (cf. Jn 11, 39).
" Ensevelis avec le Christ... "
628 Le Baptême, dont le signe originel et plénier est limmersion, signifie efficacement la descente au tombeau du chrétien qui meurt au péché avec le Christ en vue dune vie nouvelle : " Nous avons été ensevelis avec le Christ par le Baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle " (Rm 6, 4 ; cf. Col 2, 12 ; Ep 5, 26).
En bref
629 Au bénéfice de tout homme Jésus a goûté la mort (cf. He 2, 9). Cest vraiment le Fils de Dieu fait homme qui est mort et qui a été enseveli.
630 Pendant le séjour du Christ au tombeau sa Personne divine a continué à assumer tant son âme que son corps séparés pourtant entre eux par la mort. Cest pourquoi le corps du Christ mort " na pas vu la corruption " (Ac 12, 37).
Article 5
" Jésus-Christ est descendu aux enfers,
est ressuscité des morts le troisième jour "
631 " Jésus est descendu dans les régions inférieures de la terre. Celui qui est descendu est le même que celui qui est aussi monté " (Ep 4, 9-10). Le Symbole des apôtres confesse en un même article de foi la descente du Christ aux enfers et sa Résurrection des morts le troisième jour, parce que dans sa Pâque cest du fond de la mort quil a fait jaillir la vie :
Le Christ, ton Fils
qui, remonté des Enfers,
répandit sur le genre humain sa sereine clarté,
et vit et règne pour les siècles des siècles. Amen
(MR, Vigile Pascale 18 : Exsultet)
Paragraphe 1. Le Christ est descendu aux enfers
632 Les fréquentes affirmations du Nouveau Testament selon lesquelles Jésus " est ressuscité dentre les morts " (Ac 3, 15 ; Rm 8, 11 ; 1 Co 15, 20) présupposent, préalablement à la résurrection, que celui-ci soit demeuré dans le séjour des morts (cf. He 13, 20). Cest le sens premier que la prédication apostolique a donné à la descente de Jésus aux enfers : Jésus a connu la mort comme tous les hommes et les a rejoints par son âme au séjour des morts. Mais il y est descendu en Sauveur, proclamant la bonne nouvelle aux esprits qui y étaient détenus (cf. 1 P 3, 18-19).
633 Le séjour des morts où le Christ mort est descendu, lÉcriture lappelle les enfers, le Shéol ou lHadès (cf. Ph 2, 10 ; Ac 2, 24 ; Ap 1, 18 ; Ep 4, 9) parce que ceux qui sy trouvent sont privés de la vision de Dieu (cf. Ps 6, 6 ; 88, 11-13). Tel est en effet, en attendant le Rédempteur, le cas de tous les morts, méchants ou justes (cf. Ps 89, 49 ; 1 S 28, 19 ; Ez 32, 17-32) ce qui ne veut pas dire que leur sort soit identique comme le montre Jésus dans la parabole du pauvre Lazare reçu dans " le sein dAbraham " (cf. Lc 16, 22-26). " Ce sont précisément ces âmes saintes, qui attendaient leur Libérateur dans le sein dAbraham, que Jésus-Christ délivra lorsquil descendit aux enfers " (Catech. R. 1, 6, 3). Jésus nest pas descendu aux enfers pour y délivrer les damnés (cf. Cc. Rome de 745 : DS 587) ni pour détruire lenfer de la damnation (cf. DS 1011 ; 1077) mais pour libérer les justes qui lavaient précédé (cf. Cc. Tolède IV en 625 : DS 485 ; Mt 27, 52-53).
634 " La Bonne Nouvelle a été également annoncée aux morts... " (1 P 4, 6). La descente aux enfers est laccomplissement, jusquà la plénitude, de lannonce évangélique du salut. Elle est la phase ultime de la mission messianique de Jésus, phase condensée dans le temps mais immensément vaste dans sa signification réelle dextension de luvre rédemptrice à tous les hommes de tous les temps et de tous les lieux, car tous ceux qui sont sauvés ont été rendus participants de la Rédemption.
635 Le Christ est donc descendu dans la profondeur de la mort (cf. Mt 12, 24 ; Rm 10, 7 ; Ep 4, 9) afin que " les morts entendent la voix du Fils de Dieu et que ceux qui lauront entendue vivent " (Jn 5, 25). Jésus, " le Prince de la vie " (Ac 3, 15), a " réduit à limpuissance, par sa mort, celui qui a la puissance de la mort, cest-à-dire le diable, et a affranchi tous ceux qui, leur vie entière, étaient tenus en esclavage par la crainte de la mort " (He 2, 14-15). Désormais le Christ ressuscité " détient la clef de la mort et de lHadès " (Ap 1, 18) et " au nom de Jésus tout genou fléchit au ciel, sur terre et aux enfers " (Ph 2, 10).
Un grand silence règne aujourdhui sur la terre, un grand silence et une grande solitude. Un grand silence parce que le Roi dort. La terre a tremblé et sest calmée parce que Dieu sest endormi dans la chair et quil est allé réveiller ceux qui dormaient depuis des siècles (...). Il va chercher Adam, notre premier Père, la brebis perdue. Il veut aller visiter tous ceux qui sont assis dans les ténèbres et à lombre de la mort. Il va pour délivrer de leurs douleurs Adam dans les liens et Eve, captive avec lui, lui qui est en même temps leur Dieu et leur Fils (...) Je suis ton Dieu, et à cause de toi je suis devenu ton Fils. Lève-toi, toi qui dormais, car je ne tai pas créé pour que tu séjournes ici enchaîné dans lenfer. Relève-toi dentre les morts, je suis la Vie des morts (Ancienne homélie pour le Samedi Saint : PG 43, 440A. 452C. 461).
En bref
636 Dans lexpression " Jésus est descendu aux enfers ", le symbole confesse que Jésus est mort réellement, et que, par sa mort pour nous, il a vaincu la mort et le diable " qui a la puissance de la mort " (He 2, 14).
637 Le Christ mort, dans son âme unie à sa personne divine, est descendu au séjour des morts. Il a ouvert aux justes qui lavaient précédé les portes du ciel.
Paragraphe 2. Le troisième jour il est ressuscité des morts
638 " Nous vous annonçons la Bonne Nouvelle : la promesse faite à nos pères, Dieu la accomplie en notre faveur à nous, leurs enfants : Il a ressuscité Jésus " (Ac 13, 32-33). La Résurrection de Jésus est la vérité culminante de notre foi dans le Christ, crue et vécue comme vérité centrale par la première communauté chrétienne, transmise comme fondamentale par la Tradition, établie par les documents du Nouveau Testament, prêchée comme partie essentielle du mystère pascal en même temps que la Croix :
Le Christ est ressuscité des morts.
Par sa mort Il a vaincu la mort,
Aux morts Il a donné la vie.
(Liturgie byzantine, Tropaire de Pâques)
I. Lévénement historique et transcendant
639 Le mystère de la résurrection du Christ est un événement réel qui a eu des manifestations historiquement constatées comme latteste le Nouveau Testament. Déjà S. Paul peut écrire aux Corinthiens vers lan 56 : " Je vous ai donc transmis ce que javais moi-même reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures, quil a été mis au tombeau, quil est ressuscité le troisième jour selon les Écritures, quil est apparu à Céphas, puis aux Douze " (1 Co 15, 3-4). Lapôtre parle ici de la vivante tradition de la Résurrection quil avait apprise après sa conversion aux portes de Damas (cf. Ac 9, 3-18).
Le tombeau vide
640 " Pourquoi chercher le Vivant parmi les morts ? Il nest pas ici, mais il est ressuscité " (Lc 24, 5-6). Dans le cadre des événements de Pâques, le premier élément que lon rencontre est le sépulcre vide. Il nest pas en soi une preuve directe. Labsence du corps du Christ dans le tombeau pourrait sexpliquer autrement (cf. Jn 20, 13 ; Mt 28, 11-15). Malgré cela, le sépulcre vide a constitué pour tous un signe essentiel. Sa découverte par les disciples a été le premier pas vers la reconnaissance du fait de la Résurrection. Cest le cas des saintes femmes dabord (cf. Lc 24, 3. 22-23), puis de Pierre (cf. Lc 24, 12). " Le disciple que Jésus aimait " (Jn 20, 2) affirme quen entrant dans le tombeau vide et en découvrant " les linges gisant " (Jn 20, 6) " il vit et il crut " (Jn 20, 8). Cela suppose quil ait constaté dans létat du sépulcre vide (cf. Jn 20, 5-7) que labsence du corps de Jésus na pas pu être une uvre humaine et que Jésus nétait pas simplement revenu à une vie terrestre comme cela avait été le cas de Lazare (cf. Jn 11, 44).
Les apparitions du Ressuscité
641 Marie de Magdala et les saintes femmes, qui venaient achever dembaumer le corps de Jésus (cf. Mc 16, 1 ; Lc 24, 1) enseveli à la hâte à cause de larrivée du Sabbat le soir du Vendredi Saint (cf. Jn 19, 31. 42), ont été les premières à rencontrer le Ressuscité (cf. Mt 28, 9-10 ; Jn 20, 11-18). Ainsi les femmes furent les premières messagères de la Résurrection du Christ pour les apôtres eux-mêmes (cf. Lc 24, 9-10). Cest à eux que Jésus apparaît ensuite, dabord à Pierre, puis aux Douze (cf. 1 Co 15, 5). Pierre, appelé à confirmer la foi de ses frères (cf. Lc 22, 31-32), voit donc le Ressuscité avant eux et cest sur son témoignage que la communauté sécrie : " Cest bien vrai ! Le Seigneur est ressuscité et il est apparu à Simon " (Lc 24, 34. 36).
642 Tout ce qui est arrivé dans ces journées Pascales engage chacun des apôtres et Pierre tout particulièrement dans la construction de lère nouvelle qui a débuté au matin de Pâques. Comme témoins du Ressuscité ils demeurent les pierres de fondation de son Église. La foi de la première communauté des croyants est fondée sur le témoignage dhommes concrets, connus des chrétiens et, pour la plupart, vivant encore parmi eux. Ces " témoins de la Résurrection du Christ " (cf. Ac 1, 22) sont avant tout Pierre et les Douze, mais pas seulement eux : Paul parle clairement de plus de cinq cents personnes auxquelles Jésus est apparu en une seule fois, en plus de Jacques et de tous les apôtres (cf. 1 Co 15, 4-8).
643 Devant ces témoignages il est impossible dinterpréter la Résurrection du Christ en-dehors de lordre physique, et de ne pas la reconnaître comme un fait historique. Il résulte des faits que la foi des disciples a été soumise à lépreuve radicale de la passion et de la mort en croix de leur maître annoncée par celui-ci à lavance (cf. Lc 22, 31-32). La secousse provoquée par la passion fut si grande que les disciples (tout au moins certains dentre eux) ne crurent pas aussitôt à la nouvelle de la résurrection. Loin de nous montrer une communauté saisie par une exaltation mystique, les Évangiles nous présentent les disciples abattus ( "le visage sombre " : Lc 24, 17) et effrayés (cf. Jn 20, 19). Cest pourquoi ils nont pas cru les saintes femmes de retour du tombeau et " leurs propos leur ont semblé du radotage " (Lc 24, 11 ; cf. Mc 16, 11. 13). Quand Jésus se manifeste aux onze au soir de Pâques, " il leur reproche leur incrédulité et leur obstination à ne pas ajouter foi à ceux qui lavaient vu ressuscité " (Mc 16, 14).
644 Même mis devant la réalité de Jésus ressuscité, les disciples doutent encore (cf. Lc 24, 38), tellement la chose leur paraît impossible : ils croient voir un esprit (cf. Lc 24, 39). " Dans leur joie ils ne croient pas encore et demeurent saisis détonnement " (Lc 24, 41). Thomas connaîtra la même épreuve du doute (cf. Jn 20, 24-27) et, lors de la dernière apparition en Galilée rapportée par Matthieu, " certains cependant doutèrent " (Mt 28, 17). Cest pourquoi lhypothèse selon laquelle la résurrection aurait été un " produit " de la foi (ou de la crédulité) des apôtres est sans consistance. Bien au contraire, leur foi dans la Résurrection est née sous laction de la grâce divine de lexpérience directe de la réalité de Jésus ressuscité.
Létat de lhumanité ressuscitée du Christ
645 Jésus ressuscité établit avec ses disciples des rapports directs, à travers le toucher (cf. Lc 24, 39 ; Jn 20, 27) et le partage du repas (cf. Lc 24, 30. 41-43 ; Jn 21, 9. 13-15). Il les invite par là à reconnaître quil nest pas un esprit (cf. Lc 24, 39) mais surtout à constater que le corps ressuscité avec lequel il se présente à eux est le même qui a été martyrisé et crucifié puisquil porte encore les traces de sa passion (cf. Lc 24, 40 ; Jn 20, 20. 27). Ce corps authentique et réel possède pourtant en même temps les propriétés nouvelles dun corps glorieux : il nest plus situé dans lespace et le temps, mais peut se rendre présent à sa guise où et quand il veut (cf. Mt 28, 9. 16-17 ; Lc 24, 15. 36 ; Jn 20, 14. 19. 26 ; 21, 4) car son humanité ne peut plus être retenue sur terre et nappartient plus quau domaine divin du Père (cf. Jn 20, 17). Pour cette raison aussi Jésus ressuscité est souverainement libre dapparaître comme il veut : sous lapparence dun jardinier (cf. Jn 20, 14-15) ou " sous dautres traits " (Mc 16, 12) que ceux qui étaient familiers aux disciples, et cela pour susciter leur foi (cf. Jn 20, 14. 16 ; 21, 4. 7).
646 La Résurrection du Christ ne fut pas un retour à la vie terrestre, comme ce fut le cas pour les résurrections quil avait accomplies avant Pâques : la fille de Jaïre, le jeune de Naïm, Lazare. Ces faits étaient des événements miraculeux, mais les personnes miraculées retrouvaient, par le pouvoir de Jésus, une vie terrestre " ordinaire ". A un certain moment, ils mourront de nouveau. La Résurrection du Christ est essentiellement différente. Dans son corps ressuscité, il passe de létat de mort à une autre vie au-delà du temps et de lespace. Le corps de Jésus est, dans la Résurrection, rempli de la puissance du Saint-Esprit ; il participe à la vie divine dans létat de sa gloire, si bien que S. Paul peut dire du Christ quil est " lhomme céleste " (cf. 1 Co 15, 35-50).
La Résurrection comme événement transcendant
647 " O nuit, chante lExsultet de Pâques, toi seule as pu connaître le moment où le Christ est sorti vivant du séjour des morts " (MR, Vigile Pascale). En effet, personne na été le témoin oculaire de lévénement même de la Résurrection et aucun évangéliste ne le décrit. Personne na pu dire comment elle sétait faite physiquement. Moins encore son essence la plus intime, le passage à une autre vie, fut perceptible aux sens. Événement historique constatable par le signe du tombeau vide et par la réalité des rencontres des apôtres avec le Christ ressuscité, la Résurrection nen demeure pas moins, en ce quelle transcende et dépasse lhistoire, au cur du mystère de la foi. Cest pourquoi le Christ ressuscité ne se manifeste pas au monde (cf. Jn 14, 22) mais à ses disciples, " à ceux qui étaient montés avec lui de Galilée à Jérusalem, ceux-là mêmes qui sont maintenant ses témoins auprès du peuple " (Ac 13, 31).
II. La Résurrection uvre de la Sainte Trinité
648 La Résurrection du Christ est objet de foi en tant quelle est une intervention transcendante de Dieu lui-même dans la création et dans lhistoire. En elle, les trois Personnes divines à la fois agissent ensemble et manifestent leur originalité propre. Elle sest fait par la puissance du Père qui " a ressuscité " (cf. Ac 2, 24) le Christ, son Fils, et a de cette façon introduit de manière parfaite son humanité avec son corps dans la Trinité. Jésus est définitivement révélé " Fils de Dieu avec puissance selon lEsprit, par sa Résurrection dentre les morts " (Rm 1, 3-4). S. Paul insiste sur la manifestation de la puissance de Dieu (cf. Rm 6, 4 ; 2 Co 13, 4 ; Ph 3, 10 ; Ep 1, 19-22 ; He 7, 16) par luvre de lEsprit qui a vivifié lhumanité morte de Jésus et la appelée à létat glorieux de Seigneur.
649 Quant au Fils, il opère sa propre Résurrection en vertu de sa puissance divine. Jésus annonce que le Fils de lhomme devra beaucoup souffrir, mourir, et ensuite ressusciter (sens actif du mot) (cf. Mc 8, 31 ; 9, 9-31 ; 10, 34). Ailleurs, il affirme explicitement : " Je donne ma vie pour la reprendre. (...) Jai pouvoir de la donner et pouvoir de la reprendre " (Jn 10, 17-18). " Nous croyons (...) que Jésus est mort, puis est ressuscité " (1 Th 4, 14).
650 Les Pères contemplent la Résurrection à partir de la personne divine du Christ qui est restée unie à son âme et à son corps séparés entre eux par la mort : " Par lunité de la nature divine qui demeure présente dans chacune des deux parties de lhomme, celles-ci sunissent à nouveau. Ainsi la mort se produit par la séparation du composé humain, et la Résurrection par lunion des deux parties séparées " (S. Grégoire de Nysse, res. 1 : PG 46, 617B) ; cf. aussi DS 325 ; 359 ; 369 ; 539).
III. Sens et portée salvifique de la Résurrection
651 " Si le Christ nest pas ressuscité, alors notre prédication est vaine et vaine aussi notre foi " (1 Co 15, 14). La Résurrection constitue avant tout la confirmation de tout ce que le Christ lui-même a fait et enseigné. Toutes les vérités, même les plus inaccessibles à lesprit humain, trouvent leur justification si en ressuscitant le Christ a donné la preuve définitive quil avait promise, de son autorité divine.
652 La Résurrection du Christ est accomplissement des promesses de lAncien Testament (cf. Lc 24, 26-27. 44-48) et de Jésus lui-même durant sa vie terrestre (cf. Mt 28, 6 ; Mc 16, 7 ; Lc 24, 6-7). Lexpression " selon les Écritures " (cf. 1 Co 15, 3-4 et le Symbole de Nicée-Constantinople) indique que la Résurrection du Christ accomplit ces prédictions.
653 La vérité de la divinité de Jésus est confirmée par sa Résurrection. Il avait dit : " Quand vous aurez élevé le Fils de lHomme, alors vous saurez que Je Suis " (Jn 8, 28). La Résurrection du Crucifié démontra quil était vraiment " Je Suis ", le Fils de Dieu et Dieu Lui-même. S. Paul a pu déclarer aux Juifs : " La promesse faite à nos pères, Dieu la accomplie en notre faveur (...) ; il a ressuscité Jésus, ainsi quil était écrit au Psaume premier : Tu es mon Fils, moi-même aujourdhui je tai engendré " (Ac 13, 32. 34 ; cf. Ps 2, 7). La Résurrection du Christ est étroitement liée au mystère de lIncarnation du Fils de Dieu. Elle en est laccomplissement selon le dessein éternel de Dieu.
654 Il y a un double aspect dans le mystère Pascal : par sa mort il nous libère du péché, par sa Résurrection il nous ouvre laccès à une nouvelle vie. Celle-ci est dabord la justification qui nous remet dans la grâce de Dieu (cf. Rm 4, 25) " afin que, comme le Christ est ressuscité des morts, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle " (Rm 6, 4). Elle consiste en la victoire sur la mort du péché et dans la nouvelle participation à la grâce (cf. Ep 2, 4-5 ; 1 P 1, 3). Elle accomplit ladoption filiale car les hommes deviennent frères du Christ, comme Jésus lui-même appelle ses disciples après sa Résurrection : " Allez annoncer à mes frères " (Mt 28, 10 ; Jn 20, 17). Frères non par nature, mais par don de la grâce, parce que cette filiation adoptive procure une participation réelle à la vie du Fils unique, qui sest pleinement révélée dans sa Résurrection.
655 Enfin, la Résurrection du Christ et le Christ ressuscité lui-même est principe et source de notre résurrection future : " Le Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui se sont endormis (...), de même que tous meurent en Adam, tous aussi revivront dans le Christ " (1 Co 15, 20-22). Dans lattente de cet accomplissement, le Christ ressuscité vit dans le cur de ses fidèles. En Lui les chrétiens " goûtent aux forces du monde à venir " (He 6, 5) et leur vie est entraînée par le Christ au sein de la vie divine (cf. Col 3, 1-3) " afin quils ne vivent plus pour eux-mêmes mais pour Celui qui est mort et ressuscité pour eux " (2 Co 5, 15).
En bref
656 La foi en la Résurrection a pour objet un événement à la fois historiquement attesté par les disciples qui ont réellement rencontré le Ressuscité, et mystérieusement transcendant en tant quentrée de lhumanité du Christ dans la gloire de Dieu.
657 Le tombeau vide et les linges gisants signifient par eux-mêmes que le corps du Christ a échappé aux liens de la mort et de la corruption par la puissance de Dieu. Ils préparent les disciples à la rencontre du Ressuscité.
658 Le Christ, " premier né dentre les morts " (Col 1, 18), est le principe de notre propre résurrection, dès maintenant par la justification de notre âme (cf. Rm 6, 4), plus tard par la vivification de notre corps (cf. Rm 8, 11).
Article 6
" Jésus est monté aux cieux,
il siège à la droite de Dieu, le Père tout-puissant "
659 " Or le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et il sassit à la droite de Dieu " (Mc 16, 19). Le Corps du Christ a été glorifiée dès linstant de sa Résurrection comme le prouvent les propriétés nouvelles et surnaturelles dont jouit désormais son corps en permanence (cf. Lc 24, 31 ; Jn 20, 19. 26). Mais pendant les quarante jours où il va manger et boire familièrement avec ses disciples (cf. Ac 10, 41) et les instruire sur le Royaume (cf. Ac 1, 3), sa gloire reste encore voilée sous les traits dune humanité ordinaire (cf. Mc 16, 12 ; Lc 24, 15 ; Jn 20, 14-15 ; 21, 4). La dernière apparition de Jésus se termine par lentrée irréversible de son humanité dans la gloire divine symbolisée par la nuée (cf. Ac 1, 9 ; cf. aussi Lc 9, 34-35 ; Ex 13, 22) et par le ciel (cf. Lc 24, 51) où il siège désormais à la droite de Dieu (cf. Mc 16, 19 ; Ac 2, 33 ; 7, 56 ; cf. aussi Ps 110, 1). Ce nest que de manière tout à fait exceptionnelle et unique quil se montrera à Paul " comme à lavorton " (1 Co 15, 8) en une dernière apparition qui le constitue apôtre (cf. 1 Co 9, 1 ; Ga 1, 16).
660 Le caractère voilé de la gloire du Ressuscité pendant ce temps transparaît dans sa parole mystérieuse à Marie-Madeleine : " Je ne suis pas encore monté vers le Père. Mais va vers mes frères et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu " (Jn 20, 17). Ceci indique une différence de manifestation entre la gloire du Christ ressuscité et celle du Christ exalté à la droite du Père. Lévénement à la fois historique et transcendant de lAscension marque la transition de lune à lautre.
661 Cette dernière étape demeure étroitement unie à la première, cest-à-dire à la descente du ciel réalisée dans lIncarnation. Seul celui qui est " sorti du Père " peut " retourner au Père " : le Christ (cf. Jn 16, 28). " Personne nest jamais monté aux cieux sinon le Fils de lHomme qui est descendu des cieux " (Jn 3, 13 ; cf. Ep 4, 8-10). Laissée à ses forces naturelles, lhumanité na pas accès à la " Maison du Père " (Jn 14, 2), à la vie et à la félicité de Dieu. Le Christ seul a pu ouvrir cet accès à lhomme, " de sorte que nous, ses membres, nous ayons lespérance de le rejoindre là où Lui, notre Tête et notre Principe, nous a précédés " (MR, Préface de lAscension)
662 " Moi, une fois élevé de terre, jattirerai tous les hommes à moi " (Jn 12, 32). Lélévation sur la Croix signifie et annonce lélévation de lAscension au ciel. Elle en est le début. Jésus-Christ, lunique Prêtre de lAlliance nouvelle et éternelle, nest pas " entré dans un sanctuaire fait de mains dhommes (...) mais dans le ciel, afin de paraître maintenant à la face de Dieu en notre faveur " (He 7, 24). Au ciel le Christ exerce en permanence son sacerdoce, " étant toujours vivant pour intercéder en faveur de ceux qui par lui savancent vers Dieu " (He 9, 25). Comme " grand prêtre des biens à venir " (He 9, 11), il est le centre et lacteur principal de la liturgie qui honore le Père dans les cieux (cf. Ap 4, 6-11).
663 Le Christ, désormais, siège à la droite du Père : : " Par droite du Père nous entendons la gloire et lhonneur de la divinité, où celui qui existait comme Fils de Dieu avant tous les siècles comme Dieu et consubstantiel au Père, sest assis corporellement après quil sest incarné et que sa chair a été glorifiée " (S. Jean Damascène, f. o. 4, 2 : PG 94, 1104C).
664 La session à la droite du Père signifie linauguration du règne du Messie, accomplissement de la vision du prophète Daniel concernant le Fils de lhomme : " A lui fut conféré empire, honneur et royaume, et tous les peuples, nations et langues le servirent. Son empire est un empire à jamais, qui ne passera point et son royaume ne sera point détruit " (Dn 7, 14). A partir de ce moment, les apôtres sont devenus les témoins du " Règne qui naura pas de fin " (Symbole de Nicée-Constantinople).
En bref
665 Lascension du Christ marque lentrée définitive de lhumanité de Jésus dans le domaine céleste de Dieu doù il reviendra (cf. Ac 1, 11), mais qui entre-temps le cache aux yeux des hommes (cf. Col 3, 3).
666 Jésus-Christ, tête de lÉglise, nous précède dans le Royaume glorieux du Père pour que nous, membres de son corps, vivions dans lespérance dêtre un jour éternellement avec lui.
667 Jésus-Christ, étant entré une fois pour toutes dans le sanctuaire du ciel, intercède sans cesse pour nous comme le médiateur qui nous assure en permanence leffusion de lEsprit Saint .
Article 7
" Doù il viendra juger les vivants et les morts "
I. Il reviendra dans la gloire
Le Christ règne déjà par lÉglise...
668 " Le Christ est mort et revenu à la vie pour être le Seigneur des morts et des vivants " (Rm 14, 9). LAscension du Christ au Ciel signifie sa participation, dans son humanité, à la puissance et à lautorité de Dieu lui-même. Jésus-Christ est Seigneur : il possède tout pouvoir dans les cieux et sur la terre. Il est " au-dessus de toute autorité, pouvoir, puissance et souveraineté ", car le Père " a tout mis sous ses pieds " (Ep 1, 20-22). Le Christ est le Seigneur du cosmos (cf. Ep 4, 10 ; 1 Co 15, 24. 27-28) et de lhistoire. En lui, lhistoire de lhomme et même toute la création trouvent leur " récapitulation " (Ep 1, 10), leur achèvement transcendant.
669 Comme Seigneur, le Christ est aussi la tête de lÉglise qui est son Corps (cf. Ep 1, 22). Élevé au ciel et glorifié, ayant ainsi accompli pleinement sa mission, il demeure sur la terre dans son Église. La Rédemption est la source de lautorité que le Christ, en vertu de lEsprit Saint, exerce sur lÉglise (cf. Ep 4, 11-13). " Le règne du Christ est déjà mystérieusement présent dans lÉglise ", " germe et commencement de ce Royaume sur la terre " (LG 3 ; 5).
670 Depuis lAscension, le dessein de Dieu est entré dans son accomplissement. Nous sommes déjà à " la dernière heure " (1 Jn 2, 18 ; cf. 1 P 4, 7). " Ainsi donc déjà les derniers temps sont arrivés pour nous. Le renouvellement du monde est irrévocablement acquis et, en toute réalité, anticipé dès maintenant : en effet, déjà sur la terre lÉglise est parée dune sainteté imparfaite mais véritable " (LG 48). Le Royaume du Christ manifeste déjà sa présence par les signes miraculeux (cf. Mc 16, 17-18) qui accompagnent son annonce par lÉglise (cf. Mc 16, 20).
... en attendant que tout Lui soit soumis
671 Déjà présent dans son Église, le Règne du Christ nest cependant pas encore achevé " avec puissance et grande gloire " (Lc 21, 27 ; cf. Mt 25, 31) par lavènement du Roi sur la terre. Ce Règne est encore attaqué par les puissances mauvaises (cf. 2 Th 2, 7) même si elles ont été déjà vaincues à la base par la Pâque du Christ. Jusquà ce que tout lui ai été soumis (cf. 1 Co 15, 28), " jusquà lheure où seront réalisés les nouveaux cieux et la nouvelle terre où la justice habite, lÉglise en pèlerinage porte dans ses sacrements et ses institutions, qui relèvent de ce temps, la figure du siècle qui passe ; elle vit elle-même parmi les créatures qui gémissent présentement encore dans les douleurs de lenfantement et attendent la manifestation des fils de Dieu " (LG 48). Pour cette raison les chrétiens prient, surtout dans lEucharistie (cf. 1 Co 11, 26), pour hâter le retour du Christ (cf. 2 P 3, 11-12) en lui disant : " Viens, Seigneur " (1 Co 16, 22 ; Ap 22, 17. 20).
672 Le Christ a affirmé avant son Ascension que ce nétait pas encore lheure de létablissement glorieux du Royaume messianique attendu par Israël (cf. Ac 1, 6-7) qui devait apporter à tous les hommes, selon les prophètes (cf. Is 11, 1-9), lordre définitif de la justice, de lamour et de la paix. Le temps présent est, selon le Seigneur, le temps de lEsprit et du témoignage (cf. Ac 1, 8), mais cest aussi un temps encore marqué par la " détresse " (1 Co 7, 26) et lépreuve du mal (cf. Ep 5, 16) qui népargne pas lÉglise (cf. 1 P 4, 17) et inaugure les combats des derniers jours (cf. 1 Jn 2, 18 ; 4, 3 ; 1 Tm 4, 1). Cest un temps dattente et de veille (cf. Mt 25, 1. 13 ; Mc 13, 33-37).
Lavènement glorieux du Christ, espérance dIsraël
673 Depuis lAscension, lavènement du Christ dans la gloire est imminent (cf. Ap 22, 20) même sil ne nous " appartient pas de connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa seule autorité " (Ac 1, 7 ; cf. Mc 13, 32). Cet avènement eschatologique peut saccomplir à tout moment (cf. Mt 24, 44 ; 1 Th 5, 2) même sil est " retenu ", lui et lépreuve finale qui le précédera (cf. 2 Th 2, 3-12).
674 La venue du Messie glorieux est suspendue à tout moment de lhistoire (cf. Rm 11, 31) à sa reconnaissance par " tout Israël " (Rm 11, 26 ; Mt 23, 39) dont " une partie sest endurcie " (Rm 11, 25) dans " lincrédulité " (Rm 11, 20) envers Jésus. S. Pierre le dit aux juifs de Jérusalem après la Pentecôte : " Repentez-vous et convertissez-vous, afin que vos péchés soient effacés et quainsi le Seigneur fasse venir le temps de répit. Il enverra alors le Christ qui vous est destiné, Jésus, celui que le Ciel doit garder jusquau temps de la restauration universelle dont Dieu a parlé dans la bouche de ses saints prophètes " (Ac 3, 19-21). Et S. Paul lui fait écho : " Si leur mise à lécart fut une réconciliation pour le monde, que sera leur assomption, sinon la vie sortant des morts ? " (Rm 11, 15). Lentrée de " la plénitude des juifs " (Rm 11, 12) dans le salut messianique, à la suite de " la plénitude des païens " (Rm 11, 25 ; cf. Lc 21, 24), donnera au Peuple de Dieu de " réaliser la plénitude du Christ " (Ep 4, 13) dans laquelle " Dieu sera tout en tous " (1 Co 15, 28).
LÉpreuve ultime de lÉglise
675 Avant lavènement du Christ, lÉglise doit passer par une épreuve finale qui ébranlera la foi de nombreux croyants (cf. Lc 18, 8 ; Mt 24, 12). La persécution qui accompagne son pèlerinage sur la terre (cf. Lc 21, 12 ; Jn 15, 19-20) dévoilera le " mystère diniquité " sous la forme dune imposture religieuse apportant aux hommes une solution apparente à leurs problèmes au prix de lapostasie de la vérité. Limposture religieuse suprême est celle de lAnti-Christ, cest-à-dire celle dun pseudo-messianisme où lhomme se glorifie lui-même à la place de Dieu et de son Messie venu dans la chair (cf. 2 Th 2, 4-12 ; 1 Th 5, 2-3 ; 2 Jn 7 ; 1 Jn 2, 18. 22).
676 Cette imposture antichristique se dessine déjà dans le monde chaque fois que lon prétend accomplir dans lhistoire lespérance messianique qui ne peut sachever quau-delà delle à travers le jugement eschatologique : même sous sa forme mitigée, lÉglise a rejeté cette falsification du Royaume à venir sous le nom de millénarisme (cf. DS 3839), surtout sous la forme politique dun messianisme sécularisé, " intrinsèquement perverse " (cf. Pie XI, enc. " Divini Redemptoris " condamnant le " faux mysticisme " de cette " contrefaçon de la rédemption des humbles " ; GS 20-21).
677 LÉglise nentrera dans la gloire du Royaume quà travers cette ultime Pâque où elle suivra son Seigneur dans sa mort et sa Résurrection (cf. Ap 19, 1-9). Le Royaume ne saccomplira donc pas par un triomphe historique de lÉglise (cf. Ap 13, 8) selon un progrès ascendant mais par une victoire de Dieu sur le déchaînement ultime du mal (cf. Ap 20, 7-10) qui fera descendre du Ciel son Épouse (cf. Ap 21, 2-4). Le triomphe de Dieu sur la révolte du mal prendra la forme du Jugement dernier (cf. Ap 20, 12) après lultime ébranlement cosmique de ce monde qui passe (cf. 2 P 3, 12-13).
II. Pour juger les vivants et les morts
678 A la suite des prophètes (cf. Dn 7, 10 ; Jl 3-4 ; Ml 3, 19) et de Jean-Baptiste (cf. Mt 3, 7-12), Jésus a annoncé dans sa prédication le Jugement du dernier Jour. Alors seront mis en lumière la conduite de chacun (cf. Mc 12, 38-40) et le secret des curs (cf. Lc 12, 1-3 ; Jn 3, 20-21 ; Rm 2, 16 ; 1 Co 4, 5). Alors sera condamnée lincrédulité coupable qui a tenu pour rien la grâce offerte par Dieu (cf. Mt 11, 20-24 ; 12, 41-42). Lattitude par rapport au prochain révélera laccueil ou le refus de la grâce et de lamour divin (cf. Mt 5, 22 ; 7, 1-5). Jésus dira au dernier jour : " Tout ce que vous avez fait à lun de ces plus petits de mes frères, cest à moi que vous lavez fait " (Mt 25, 40).
679 Le Christ est Seigneur de la vie éternelle. Le plein droit de juger définitivement les uvres et les curs des hommes appartient à Lui en tant que Rédempteur du monde. Il a " acquis " ce droit par sa Croix. Aussi le Père a-t-il remis " le jugement tout entier au Fils " (Jn 5, 22 ; cf. Jn 5, 27 ; Mt 25, 31 ; Ac 10, 42 ; 17, 31 ; 2 Tm 4, 1). Or, le Fils nest pas venu pour juger, mais pour sauver ( cf. Jn 3, 17) et pour donner la vie qui est en lui (cf. Jn 5, 26). Cest par le refus de la grâce en cette vie que chacun se juge déjà lui-même (cf. Jn 3, 18 ; 12, 48), reçoit selon ses uvres (cf. 1 Co 3, 12-15) et peut même se damner pour léternité en refusant lEsprit damour (cf. Mt 12, 32 ; He 6, 4-6 ; 10, 26-31).
En bref
680 Le Christ Seigneur règne déjà par lÉglise, mais toutes choses de ce monde ne lui sont pas encore soumises. Le triomphe du Royaume du Christ ne se fera pas sans un dernier assaut des puissances du mal.
681 Au Jour du Jugement, lors de la fin du monde, le Christ viendra dans la gloire pour accomplir le triomphe définitif du bien sur le mal qui, comme le grain et livraie, auront grandi ensemble au cours de lhistoire .
682 En venant à la fin des temps juger les vivants et les morts, le Christ glorieux révélera la disposition secrète des curs et rendra à chaque homme selon ses uvres et selon son accueil ou son refus de la grâce.
Chapitre troisième
Je crois en lEsprit Saint
683 " Nul ne peut appeler Jésus Seigneur sinon dans lEsprit Saint " (1 Co 12, 3). " Dieu a envoyé dans nos curs lEsprit de son Fils qui crie : Abba, Père ! " (Ga 4, 6). Cette connaissance de foi nest possible que dans lEsprit Saint. Pour être en contact avec le Christ, il faut dabord avoir été touché par lEsprit Saint. Cest lui qui vient au devant de nous, et suscite en nous la foi. De par notre Baptême, premier sacrement de la foi, la Vie, qui a sa source dans le Père et nous est offerte dans le Fils, nous est communiquée intimement et personnellement par lEsprit Saint dans lÉglise :
Le Baptême nous accorde la grâce de la nouvelle naissance en Dieu le Père par le moyen de son Fils dans lEsprit Saint. Car ceux qui portent lEsprit de Dieu sont conduits au Verbe, cest-à-dire au Fils ; mais le Fils les présente au Père, et le Père leur procure lincorruptibilité. Donc, sans lEsprit, il nest pas possible de voir le Fils de Dieu, et, sans le Fils, personne ne peut approcher du Père, car la connaissance du Père, cest le Fils, et la connaissance du Fils de Dieu se fait par lEsprit Saint (S. Irénée, dem. 7).
684 LEsprit Saint par sa grâce, est premier dans léveil de notre foi et dans la vie nouvelle qui est de " connaître le Père et celui quil a envoyé, Jésus-Christ " (Jn 17, 3). Cependant il est dernier dans la révélation des Personnes de la Trinité Sainte. S. Grégoire de Nazianze, " le Théologien ", explique cette progression par la pédagogie de la " condescendance " divine :
LAncien Testament proclamait manifestement le Père, le Fils plus obscurément. Le Nouveau a manifesté le Fils, a fait entrevoir la divinité de lEsprit. Maintenant lEsprit a droit de cité parmi nous et nous accorde une vision plus claire de lui-même. En effet il nétait pas prudent, quand on ne confessait pas encore la divinité du Père, de proclamer ouvertement le Fils et, quand la divinité du Fils nétait pas encore admise, dajouter lEsprit Saint comme un fardeau supplémentaire, pour employer une expression un peu hardie... Cest par des avances et des progressions " de gloire en gloire " que la lumière de la Trinité éclatera en plus brillantes clartés (S. Grégoire de Naz., or. theol. 5, 26 : PG 36, 161C).
685 Croire en lEsprit Saint cest donc professer que lEsprit Saint est lune des Personnes de la Trinité Sainte, consubstantielle au Père et au Fils, " adoré et glorifié avec le Père et le Fils " (Symbole de Nicée-Constantinople). Cest pourquoi il a été question du mystère divin de lEsprit Saint dans la " théologie " trinitaire. Ici il ne sagira donc de lEsprit Saint que dans " léconomie " divine.
686 LEsprit Saint est à luvre avec le Père et le Fils du commencement à la consommation du dessein de notre salut. Mais cest dans les " derniers temps ", inaugurés avec lIncarnation rédemptrice du Fils, quIl est révélé et donné, reconnu et accueilli comme Personne. Alors ce dessein divin, achevé dans le Christ, " Premier-Né " et Tête de la nouvelle création, pourra prendre corps dans lhumanité par lEsprit répandu : lÉglise, la communion des saints, la rémission des péchés, la résurrection de la chair, la vie éternelle.
Article 8
" Je crois en lEsprit Saint "
687 " Nul ne connaît ce qui concerne Dieu, sinon lEsprit de Dieu " (1 Co 2, 11). Or, son Esprit qui le révèle nous fait connaître le Christ, son Verbe, sa Parole vivante, mais ne se dit pas lui-même. Celui qui " a parlé par les prophètes " nous fait entendre la Parole du Père. Mais lui, nous ne lentendons pas. Nous ne le connaissons que dans le mouvement où il nous révèle le Verbe et nous dispose à Laccueillir dans la foi. LEsprit de Vérité qui nous " dévoile " le Christ " ne parle pas de lui-même " (Jn 16, 13). Un tel effacement, proprement divin, explique pourquoi " le monde ne peut pas le recevoir, parce quil ne le voit pas ni ne le connaît ", tandis que ceux qui croient au Christ le connaissent parce quil demeure avec eux (Jn 14, 17).
688 LÉglise, communion vivante dans la foi des apôtres quelle transmet, est le lieu de notre connaissance de lEsprit Saint :
dans les Écritures quIl a inspirées ;
dans la Tradition, dont les Pères de lÉglise sont les témoins toujours actuels ;
dans le Magistère de lÉglise quIl assiste ;
dans la liturgie sacramentelle, à travers ses paroles et ses symboles, où lEsprit Saint nous met en communion avec le Christ ;
dans la prière dans laquelle Il intercède pour nous ;
dans les charismes et les ministères par lesquels lÉglise est édifiée ;
dans les signes de vie apostolique et missionnaire ;
dans le témoignage des saints où Il manifeste sa sainteté et continue luvre du salut.
I. La mission conjointe du Fils et de lEsprit
689 Celui que le Père a envoyé dans nos curs, lEsprit de son Fils (cf. Ga 4, 6) est réellement Dieu. Consubstantiel au Père et au Fils, il en est inséparable, tant dans la Vie intime de la Trinité que dans son don damour pour le monde. Mais en adorant la Trinité Sainte, vivifiante, consubstantielle et indivisible, la foi de lÉglise professe aussi la distinction des Personnes. Quand le Père envoie son Verbe, Il envoie toujours son Souffle : mission conjointe où le Fils et lEsprit Saint sont distincts mais inséparables. Certes, cest le Christ qui paraît, Lui, lImage visible du Dieu invisible, mais cest lEsprit Saint qui Le révèle.
690 Jésus est Christ, " oint ", parce que lEsprit en est lOnction et tout ce qui advient à partir de lIncarnation découle de cette plénitude (cf. Jn 3, 34). Quand enfin le Christ est glorifié (cf. Jn 7, 39), il peut à son tour, dauprès du Père, envoyer lEsprit à ceux qui croient en lui : il leur communique sa Gloire (cf. Jn 17, 22), cest-à-dire lEsprit Saint qui le glorifie (cf. Jn 16, 14). La mission conjointe se déploiera dès lors dans les enfants adoptés par le Père dans le Corps de son Fils : la mission de lEsprit dadoption sera de les unir au Christ et de les faire vivre en lui :
La notion de lonction suggère (...) quil ny a aucune distance entre le Fils et lEsprit. En effet de même quentre la surface du corps et lonction de lhuile ni la raison ni la sensation ne connaissent aucun intermédiaire, ainsi est immédiat le contact du Fils avec lEsprit, si bien que pour celui qui va prendre contact avec le Fils par la foi, il est nécessaire de rencontrer dabord lhuile par le contact. En effet il ny a aucune partie qui soit nue de lEsprit Saint. Cest pourquoi la confession de la Seigneurie du Fils se fait dans lEsprit Saint pour ceux qui la reçoivent, lEsprit venant de toutes parts au devant de ceux qui sapprochent par la foi (S. Grégoire de Nysse, Spir. 3, 1 : PG 45, 1321A-B).
II. Le nom, les appellations et les symboles de lEsprit Saint
Le nom propre de lEsprit Saint
691 " Saint-Esprit ", tel est le nom propre de Celui que nous adorons et glorifions avec le Père et le Fils. LÉglise la reçu du Seigneur et le professe dans le Baptême de ses nouveaux enfants (cf. Mt 28, 19).
Le terme " Esprit " traduit le terme hébreu Ruah qui, dans son sens premier, signifie souffle, air, vent. Jésus utilise justement limage sensible du vent pour suggérer à Nicodème la nouveauté transcendante de Celui qui est personnellement le Souffle de Dieu, lEsprit divin (Jn 3, 5-8). Dautre part, Esprit et Saint sont des attributs divins communs aux Trois Personnes divines. Mais en joignant les deux termes, lÉcriture, la liturgie et le langage théologique désignent la Personne ineffable de lEsprit Saint, sans équivoque possible avec les autres emplois des termes " esprit " et " saint ".
Les appellations de lEsprit Saint
692 Jésus, lorsquil annonce et promet la venue de lEsprit Saint, le nomme le " Paraclet ", littéralement : " celui qui est appelé auprès ", ad-vocatus (Jn 14, 16. 26 ; 15, 26 ; 16, 7). " Paraclet " est traduit habituellement par " Consolateur ", Jésus étant le premier consolateur (cf. 1 Jn 2, 1). Le Seigneur lui-même appelle lEsprit Saint " lEsprit de Vérité " (Jn 16, 13).
693 Outre son nom propre, qui est le plus employé dans les Actes des apôtres et les Épîtres, on trouve chez S. Paul les appellations : lEsprit de la promesse (Ga 3, 14 ; Ep 1, 13), lEsprit dadoption (Rm 8, 15 ; Ga 4, 6), lEsprit du Christ (Rm 8, 11), lEsprit du Seigneur (2 Co 3, 17), lEsprit de Dieu (Rm 8, 9. 14 ; 15, 19 ; 1 Co 6, 11 ; 7, 40), et chez S. Pierre, lEsprit de gloire (1 P 4, 14).
Les symboles de lEsprit Saint
694 Leau. Le symbolisme de leau est significatif de laction de lEsprit Saint dans le Baptême, puisque, après linvocation de lEsprit Saint, elle devient le signe sacramentel efficace de la nouvelle naissance : de même que la gestation de notre première naissance sest opérée dans leau, de même leau baptismale signifie réellement que notre naissance à la vie divine nous est donnée dans lEsprit Saint. Mais " baptisés dans un seul Esprit ", nous sommes aussi " abreuvés dun seul Esprit " (1 Co 12, 13) : lEsprit est donc aussi personnellement lEau vive qui jaillit du Christ crucifié (cf. Jn 19, 34 ; 1 Jn 5, 8) comme de sa source et qui en nous jaillit en Vie éternelle (cf. Jn 4, 10-14 ; 7, 38 ; Ex 17, 1-6 ; Is 55, 1 ; Za 14, 8 ; 1 Co 10, 4 ; Ap 21, 6 ; 22, 17).
695 Lonction. Le symbolisme de lonction dhuile est aussi significatif de lEsprit Saint, jusquà en devenir le synonyme (cf. 1 Jn 2, 20. 27 ; 2 Co 1, 21). Dans linitiation chrétienne, elle est le signe sacramentel de la Confirmation, appelée justement dans les Églises dOrient " Chrismation ". Mais pour en saisir toute la force, il faut revenir à lOnction première accomplie par lEsprit Saint : celle de Jésus. Christ [ "Messie " à partir de lhébreu] signifie " Oint " de lEsprit de Dieu. Il y a eu des " oints " du Seigneur dans lAncienne Alliance (cf. Ex 30, 22-32), le roi David éminemment (cf. 1 S 16, 13). Mais Jésus est lOint de Dieu dune manière unique : lhumanité que le Fils assume est totalement " ointe de lEsprit Saint ". Jésus est constitué " Christ " par lEsprit Saint (cf. Lc 4, 18-19 ; Is 61, 1). La Vierge Marie conçoit le Christ de lEsprit Saint qui par lange lannonce comme Christ lors de sa naissance (cf. Lc 2, 11) et pousse Siméon à venir au Temple voir le Christ du Seigneur (cf. Lc 2, 26-27) ; cest lui qui emplit le Christ (cf. Lc 4, 1) et dont la puissance sort du Christ dans ses actes de guérison et de salut (cf. Lc 6, 19 ; 8, 46). Cest lui enfin qui ressuscite Jésus dentre les morts (cf. Rm 1, 4 ; 8, 11). Alors, constitué pleinement " Christ " dans son Humanité victorieuse de la mort (cf. Ac 2, 36), Jésus répand à profusion lEsprit Saint jusquà ce que " les saints " constituent, dans leur union à lHumanité du Fils de Dieu, " cet Homme parfait (...) qui réalise la plénitude du Christ " (Ep 4, 13) : " le Christ total ", selon lexpression de S. Augustin (serm. 341, 1, 1 ; ibid., 9, 11).
696 Le feu. Alors que leau signifiait la naissance et la fécondité de la Vie donnée dans lEsprit Saint, le feu symbolise lénergie transformante des actes de lEsprit Saint. Le prophète Elie, qui " se leva comme un feu et dont la parole brûlait comme une torche " (Si 48, 1), par sa prière attire le feu du ciel sur le sacrifice du mont Carmel (cf. 1 R 18, 38-39), figure du feu de lEsprit Saint qui transforme ce quil touche. Jean-Baptiste, " qui marche devant le Seigneur avec lesprit et la puissance dElie " (Lc 1, 17) annonce le Christ comme celui qui " baptisera dans lEsprit Saint et le feu " (Lc 3, 16), cet Esprit dont Jésus dira : " Je suis venu jeter un feu sur la terre et combien je voudrais quil fût déjà allumé " (Lc 12, 49). Cest sous la forme de langues " quon eût dites de feu " que lEsprit Saint se pose sur les disciples au matin de la Pentecôte et les remplit de lui (Ac 2, 3-4). La tradition spirituelle retiendra ce symbolisme du feu comme lun des plus expressifs de laction de lEsprit Saint (cf. S. Jean de la Croix, llama). " Néteignez pas lEsprit " (1 Th 5, 19).
697 La nuée et la lumière. Ces deux symboles sont inséparables dans les manifestations de lEsprit Saint. Dès les théophanies de lAncien Testament, la Nuée, tantôt obscure, tantôt lumineuse, révèle le Dieu vivant et sauveur, en voilant la transcendance de sa Gloire : avec Moïse sur la montagne du Sinaï (cf. Ex 24, 15-18), à la Tente de Réunion (cf. Ex 33, 9-10) et durant la marche au désert (cf. Ex 40, 36-38 ; 1 Co 10, 1-2) ; avec Salomon lors de la dédicace du Temple (cf. 1 R 8, 10-12). Or ces figures sont accomplies par le Christ dans lEsprit Saint. Cest Celui-ci qui vient sur la Vierge Marie et la prend " sous son ombre " pour quelle conçoive et enfante Jésus (Lc 1, 35). Sur la montagne de la Transfiguration, cest lui qui " survient dans la nuée qui prend sous son ombre " Jésus, Moïse et Elie, Pierre, Jacques et Jean, et " de la nuée sort une voix qui dit : Celui-ci est mon Fils, mon Élu, écoutez-le " (Lc 9, 34-35). Cest enfin la même Nuée qui " dérobe Jésus aux yeux " des disciples le jour de lAscension (Ac 1, 9) et qui le révélera Fils de lhomme dans sa Gloire au Jour de son Avènement (cf. Lc 21, 27).
698 Le sceau est un symbole proche de celui de lOnction. Cest en effet le Christ que " Dieu a marqué de son sceau " (Jn 6, 27) et cest en lui que le Père nous marque aussi de son sceau (2 Co 1, 22 ; Ep 1, 13 ; 4, 30). Parce quelle indique leffet indélébile de lOnction de lEsprit Saint dans les sacrements du Baptême, de la Confirmation et de lOrdre, limage du sceau (sphragis) a été utilisée dans certaines traditions théologiques pour exprimer le " caractère " ineffaçable imprimé par ces trois sacrements qui ne peuvent être réitérés.
699 La main . Cest en imposant les mains que Jésus guérit les malades (cf. Mc 6, 5 ; 8, 23) et bénit les petits enfants (cf. Mc 10, 16). En son nom, les apôtres feront de même (cf. Mc 16, 18 ; Ac 5, 12 ; 14, 3). Mieux encore, cest par limposition des mains des apôtres que lEsprit Saint est donné (cf. Ac 8, 17-19 ; 13, 3 ; 19, 6). LÉpître aux Hébreux met limposition des mains au nombre des " articles fondamentaux " de son enseignement (cf. He 6, 2). Ce signe de leffusion toute-puissante de lEsprit Saint, lÉglise la gardé dans ses épiclèses sacramentelles.
700 Le doigt. " Cest par le doigt de Dieu que [Jésus] expulse les démons " (Lc 11, 20). Si la Loi de Dieu a été écrite sur des tables de pierre " par le doigt de Dieu " (Ex 31, 18), " la lettre du Christ ", remise aux soins des apôtres, " est écrite avec lEsprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur les curs " (2 Co 3, 3). Lhymne " Veni, Creator Spiritus " invoque lEsprit Saint comme " le doigt de la droite du Père " (In Dominica Pentecostes, Hymnus ad I et II Vesperas).
701 La colombe. A la fin du déluge (dont le symbolisme concerne le Baptême), la colombe lâchée par Noé revient, un rameau tout frais dolivier dans le bec, signe que la terre est de nouveau habitable (cf. Gn 8, 8-12). Quand le Christ remonte de leau de son baptême, lEsprit Saint, sous forme dune colombe, descend sur lui et y demeure (cf. Mt 3, 16 par.). LEsprit descend et repose dans le cur purifié des baptisés. Dans certaines églises, la sainte Réserve eucharistique est conservée dans un réceptacle métallique en forme de colombe (le columbarium) suspendu au-dessus de lautel. Le symbole de la colombe pour suggérer lEsprit Saint est traditionnel dans liconographie chrétienne.
III. LEsprit et la Parole de Dieu dans le temps des promesses
702 Du commencement jusquà " la Plénitude du temps " (Ga 4, 4), la mission conjointe du Verbe et de lEsprit du Père demeure cachée, mais elle est à luvre. LEsprit de Dieu y prépare le temps du Messie, et lun et lautre, sans être encore pleinement révélés, y sont déjà promis afin dêtre attendus et accueillis lors de leur manifestation. Cest pourquoi lorsque lÉglise lit lAncien Testament (cf. 2 Co 3, 14), elle y scrute (cf. Jn 5, 39. 46) ce que lEsprit, " qui a parlé par les prophètes ", veut nous dire du Christ.
Par " prophètes ", la foi de lÉglise entend ici tous ceux que lEsprit Saint a inspirés dans la vivante annonce et dans la rédaction des livres saints, tant de lAncien que du Nouveau Testament. La tradition juive distingue la Loi (les cinq premiers livres ou Pentateuque), les Prophètes (nos livres dits historiques et prophétiques) et les Écrits (surtout sapientiels, en particulier les Psaumes) (cf. Lc 24, 44).
Dans la création
703 La Parole de Dieu et son Souffle sont à lorigine de lêtre et de la vie de toute créature (cf. Ps 33, 6 ; 104, 30 ; Gn 1, 2 ; 2, 7 ; Qo 3, 20-21 ; Ez 37, 10) :
Au Saint-Esprit il convient de régner, de sanctifier et danimer la création, car il est Dieu consubstantiel au Père et au Fils (...). A Lui revient le pouvoir sur la vie, car étant Dieu il garde la création dans le Père par le Fils (Liturgie byzantine, Tropaire des matines des dimanches du second mode).
704 " Quant à lhomme, cest de ses propres mains [cest-à-dire le Fils et lEsprit Saint] que Dieu le façonna (...) et Il dessina sur la chair façonnée sa propre forme, de façon que même ce qui serait visible portât la forme divine " (S. Irénée, dem. 11).
LEsprit de la promesse
705 Défiguré par le péché et par la mort, lhomme demeure " à limage de Dieu ", à limage du Fils, mais il est " privé de la Gloire de Dieu " (Rm 3, 23), privé de la " ressemblance ". La promesse faite à Abraham inaugure léconomie du salut au terme de laquelle le Fils lui-même assumera " limage " (cf. Jn 1, 14 ; Ph 2, 7) et la restaurera dans " la ressemblance " avec le Père en lui redonnant la Gloire, lEsprit " qui donne la Vie ".
706 Contre toute espérance humaine, Dieu promet à Abraham une descendance, comme fruit de la foi et de la puissance de lEsprit Saint (cf. Gn 18, 1-15 ; Lc 1, 26-38. 54-55 ; Jn 1, 12-13 ; Rm 4, 16-21). En elle seront bénies toutes les nations de la terre (cf. Gn 12, 3). Cette descendance sera le Christ (cf. Ga 3, 16) en qui leffusion de lEsprit Saint fera " lunité des enfants de Dieu dispersés " (cf. Jn 11, 52). En sengageant par serment (cf. Lc 1, 73), Dieu sengage déjà au don de son Fils Bien-aimé (cf. Gn 22, 17-19 ; Rm 8, 32 ; Jn 3, 16) et au don de " lEsprit de la Promesse (...) qui (...) prépare la rédemption du Peuple que Dieu sest acquis " (Ep 1, 13-14 ; cf. Ga 3, 14).
Dans les Théophanies et la Loi
707 Les Théophanies (manifestations de Dieu) illuminent le chemin de la promesse, des patriarches à Moïse et de Josué jusquaux visions qui inaugurent la mission des grands prophètes. La tradition chrétienne a toujours reconnu que dans ces Théophanies le Verbe de Dieu se laissait voir et entendre, à la fois révélé et " ombré " dans la Nuée de lEsprit Saint.
708 Cette pédagogie de Dieu apparaît spécialement dans le don de la Loi (cf. Ex 19-20 ; Dt 1-11 ; 29-30). La Loi a été donnée comme un " pédagogue " pour conduire le Peuple vers le Christ (Ga 3, 24). Mais son impuissance à sauver lhomme privé de la " ressemblance " divine et la connaissance accrue quelle donne du péché (cf. Rm 3, 20) suscitent le désir de lEsprit Saint. Les gémissements des Psaumes en témoignent.
Dans le Royaume et lExil
709 La Loi, signe de la promesse et de lalliance, aurait dû régir le cur et les institutions du Peuple issu de la foi dAbraham. " Si vous écoutez ma voix et gardez mon alliance, je vous tiendrai pour un royaume de prêtres, pour une nation sainte " (Ex 19, 5-6 ; cf. 1 P 2, 9). Mais, après David, Israël succombe à la tentation de devenir un royaume comme les autres nations. Or le Royaume, objet de la promesse faite à David (cf. 2 S 7 ; Ps 89 ; Lc 1, 32-33) sera luvre de lEsprit Saint ; il appartiendra aux pauvres selon lEsprit.
710 Loubli de la Loi et linfidélité à lalliance aboutissent à la mort : cest lExil, apparemment échec des promesses, en fait fidélité mystérieuse du Dieu sauveur et début dune restauration promise, mais selon lEsprit. Il fallait que le Peuple de Dieu souffrît cette purification (cf. Lc 24, 26) ; lExil porte déjà lombre de la Croix dans le dessein de Dieu, et le Reste des pauvres qui en revient est lune des figures les plus transparentes de lÉglise.
Lattente du Messie et de son Esprit
711 " Voici que je vais faire du nouveau " (Is 43, 19) : Deux lignes prophétiques vont se dessiner, portant lune sur lattente du Messie, lautre sur lannonce dun Esprit nouveau, et elles convergent dans le petit Reste, le peuple des Pauvres (cf. So 2, 3), qui attend dans lespérance la " consolation dIsraël " et " la délivrance de Jérusalem " (cf. Lc 2, 25. 38).
On a vu plus haut comment Jésus accomplit les prophéties qui le concernent. On se limite ici à celles où apparaît davantage la relation du Messie et de son Esprit.
712 Les traits du visage du Messie attendu commencent à apparaître dans le Livre de lEmmanuel (cf. Is 6-12) (" quand Isaïe eut la vision de la Gloire " du Christ : Jn 12, 41), en particulier en Is 11, 1-2 :
Un rejeton sort de la souche de Jessé,
un surgeon pousse de ses racines :
sur lui repose lEsprit du Seigneur,
esprit de sagesse et dintelligence,
esprit de conseil et de force,
esprit de science et de crainte du Seigneur.
713 Les traits du Messie sont révélés surtout dans les chants du Serviteur (cf. Is 42, 1-9 ; cf. Mt 12, 18-21 ; Jn 1, 32-34, puis Is 49, 16 ; cf. Mt 3, 17 ; Lc 2, 32, enfin Is 50, 4-10 et 52, 13 53, 12). Ces chants annoncent le sens de la passion de Jésus, et indiquent ainsi la manière dont Il répandra lEsprit Saint pour vivifier la multitude : non pas de lextérieur, mais en épousant notre " condition desclave " (Ph 2, 7). Prenant sur lui notre mort, il peut nous communiquer son propre Esprit de vie.
714 Cest pourquoi le Christ inaugure lannonce de la bonne Nouvelle en faisant sien ce passage dIsaïe (Lc 4, 18-19 ; cf. Is 61, 1-2) :
LEsprit du Seigneur est sur moi,
car le Seigneur ma oint.
Il ma envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres,
panser les curs meurtris ;
annoncer aux captifs lamnistie
et aux prisonniers la liberté,
annoncer une année de grâce de la part du Seigneur.
715 Les textes prophétiques concernant directement lenvoi de lEsprit Saint sont des oracles où Dieu parle au cur de son Peuple dans le langage de la promesse, avec les accents de " lamour et de la fidélité " (cf. Ez 11, 19 ; 36, 25-28 ; 37, 1-14 ; Jr 31, 31-34 ; et Jl 3, 1-5) dont S. Pierre proclamera laccomplissement le matin de la Pentecôte (cf. Ac 2, 17-21). Selon ces promesses, dans les " derniers temps ", lEsprit du Seigneur renouvellera le cur des hommes en gravant en eux une Loi nouvelle ; il rassemblera et réconciliera les peuples dispersés et divisés ; il transformera la création première et Dieu y habitera avec les hommes dans la paix.
716 Le Peuple des " pauvres " (cf. So 2, 3 ; Ps 22, 27 ; 34, 3 ; Is 49, 13 ; 61, 1 ; etc.), les humbles et les doux, tout abandonnés aux desseins mystérieux de leur Dieu, ceux qui attendent la justice, non des hommes mais du Messie, est finalement la grande uvre de la mission cachée de lEsprit Saint durant le temps des promesses pour préparer la venue du Christ. Cest leur qualité de cur, purifié et éclairé par lEsprit, qui sexprime dans les Psaumes. En ces pauvres, lEsprit prépare au Seigneur " un peuple bien disposé " (cf. Lc 1, 17).
IV. LEsprit du Christ dans la plénitude du temps
Jean, Précurseur, Prophète et Baptiste
717 " Parut un homme envoyé de Dieu. Il se nommait Jean " (Jn 1, 6). Jean est " rempli de lEsprit Saint, dès le sein de sa mère " (Lc 1, 15. 41) par le Christ lui-même que la Vierge Marie venait de concevoir de lEsprit Saint. La " visitation " de Marie à Élisabeth est ainsi devenue " visite de Dieu à son peuple " (Lc 1, 68).
718 Jean est " Elie qui doit venir " (Mt 17, 10-13) : Le Feu de lEsprit lhabite et le fait " courir devant " [en " précurseur "] le Seigneur qui vient. En Jean le Précurseur, lEsprit Saint achève de " préparer au Seigneur un peuple bien disposé " (Lc 1, 17).
719 Jean est " plus quun prophète " (Lc 7, 26). En lui lEsprit Saint accomplit de " parler par les prophètes ". Jean achève le cycle des prophètes inauguré par Elie (cf. Mt 11, 13-14). Il annonce limminence de la Consolation dIsraël, il est la " voix " du consolateur qui vient (Jn 1, 23 ; cf. Is 40, 1-3). Comme le fera lEsprit de Vérité, " il vient comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière " (Jn 1, 7 ; cf. Jn 15, 26 ; 5, 33). Au regard de Jean, lEsprit accomplit ainsi les " recherches des prophètes " et la " convoitise " des anges (1 P 1, 10-12) : " Celui sur qui tu verras lEsprit descendre et demeurer, cest lui qui baptise dans lEsprit (...). Oui, jai vu et jatteste que cest Lui, le Fils de Dieu. (...) Voici lAgneau de Dieu " (Jn 1, 33-36).
720 Enfin, avec Jean le Baptiste, lEsprit Saint inaugure, en le préfigurant, ce quil réalisera avec et dans le Christ : redonner à lhomme " la ressemblance " divine. Le baptême de Jean était pour le repentir, celui dans leau et dans lEsprit sera une nouvelle naissance (cf. Jn 3, 5).
" Réjouis-toi, comblée de grâce "
721 Marie, la Toute Sainte Mère de Dieu, toujours Vierge est le chef-duvre de la mission du Fils et de lEsprit dans la plénitude du temps. Pour la première fois dans le dessein du salut et parce que son Esprit la préparée, le Père trouve la Demeure où son Fils et son Esprit peuvent habiter parmi les hommes. Cest en ce sens que la Tradition de lÉglise a souvent lu en relation à Marie les plus beaux textes sur la Sagesse (cf. Pr 8, 1 9, 6 ; Si 24) : Marie est chantée et représentée dans la liturgie comme le " Trône de la Sagesse ".
En elle commencent à se manifester les " merveilles de Dieu ", que lEsprit va accomplir dans le Christ et dans lÉglise :
722 LEsprit Saint a préparé Marie par sa grâce. Il convenait que fût " pleine de grâce " la mère de Celui en qui " habite corporellement la Plénitude de la Divinité " (Col 2, 9). Elle a été, par pure grâce, conçue sans péché comme la plus humble des créatures, la plus capable daccueil au Don ineffable du Tout-Puissant. Cest à juste titre que lange Gabriel la salue comme la " Fille de Sion " : " Réjouis-toi " (cf. So 3, 14 ; Za 2, 14). Cest laction de grâce de tout le Peuple de Dieu, et donc de lÉglise, quelle fait monter vers le Père dans lEsprit Saint en son cantique (cf. Lc 1, 46-55) alors quelle porte en elle le Fils éternel.
723 En Marie, lEsprit Saint réalise le dessein bienveillant du Père. Cest par lEsprit Saint que la Vierge conçoit et enfante le Fils de Dieu. Sa virginité devient fécondité unique par la puissance de lEsprit et de la foi (cf. Lc 1, 26-38 ; Rm 4, 18-21 ; Ga 4, 26-28).
724 En Marie, lEsprit Saint manifeste le Fils du Père devenu Fils de la Vierge. Elle est le Buisson ardent de la Théophanie définitive : comblée de lEsprit Saint, elle montre le Verbe dans lhumilité de sa chair et cest aux Pauvres (cf. Lc 1, 15-19) et aux prémices des nations (cf. Mt 2, 11) quelle Le fait connaître.
725 Enfin, par Marie, lEsprit Saint commence à mettre en communion avec le Christ les hommes " objets de lamour bienveillant de Dieu " (cf. Lc 2, 14), et les humbles sont toujours les premiers à le recevoir : les bergers, les mages, Siméon et Anne, les époux de Cana et les premiers disciples.
726 Au terme de cette mission de lEsprit, Marie devient la " Femme ", nouvelle Eve " mère des vivants ", Mère du " Christ total " (cf. Jn 19, 25-27). Cest comme telle quelle est présente avec les Douze, " dun même cur, assidus à la prière " (Ac 1, 14), à laube des " derniers temps " que lEsprit va inaugurer le matin de la Pentecôte avec la manifestation de lÉglise.
Le Christ Jésus
727 Toute la Mission du Fils et de lEsprit Saint dans la plénitude du temps est contenue en ce que le Fils est loint de lEsprit du Père depuis son Incarnation : Jésus est Christ, le Messie.
Tout le deuxième chapitre du Symbole de la foi est à lire à cette lumière. Toute luvre du Christ est mission conjointe du Fils et de lEsprit Saint. Ici, on mentionnera seulement ce qui concerne la promesse de lEsprit Saint par Jésus et son don par le Seigneur glorifié.
728 Jésus ne révèle pas pleinement lEsprit Saint tant que lui-même na pas été glorifié par sa Mort et sa Résurrection. Pourtant, Il le suggère peu à peu, même dans son enseignement aux foules, lorsquIl révèle que sa Chair sera nourriture pour la vie du monde (cf. Jn 6, 27. 51. 62-63). Il le suggère aussi à Nicodème (cf. Jn 3, 5-8), à la Samaritaine (cf. Jn 4, 10. 14. 23-24) et à ceux qui participent à la fête des Tabernacles (cf. Jn 7, 37-39). A ses disciples, Il en parle ouvertement à propos de la prière (cf. Lc 11, 13) et du témoignage quils auront à rendre (cf. Mt 10, 19-20).
729 Cest seulement quand lHeure est venue où Il va être glorifié que Jésus promet la venue de lEsprit Saint, puisque sa Mort et sa Résurrection seront laccomplissement de la promesse faite aux Pères (cf. Jn 14, 16-17. 26 ; 15, 26 ; 16, 7-15 ; 17, 26) : lEsprit de Vérité, lautre Paraclet, sera donné par le Père à la prière de Jésus ; il sera envoyé par le Père au nom de Jésus ; Jésus lenverra dauprès du Père car il est issu du Père. LEsprit Saint viendra, nous le connaîtrons, Il sera avec nous à jamais, Il demeurera avec nous ; Il nous enseignera tout et nous rappellera tout ce que le Christ nous a dit et lui rendra témoignage ; Il nous conduira vers la vérité tout entière et glorifiera le Christ. Quant au monde, Il le confondra en matière de péché, de justice et de jugement.
730 Enfin vient lHeure de Jésus (cf. Jn 13, 1 ; 17, 1) : Jésus remet son esprit entre les mains du Père (cf. Lc 23, 46 ; Jn 19, 30) au moment où par sa Mort il est vainqueur de la mort, de sorte que, " ressuscité des morts par la Gloire du Père " (Rm 6, 4), il donne aussitôt lEsprit Saint en " soufflant " sur ses disciples (cf. Jn 20, 22). A partir de cette Heure, la mission du Christ et de lEsprit devient la mission de lÉglise : " Comme le Père ma envoyé, moi aussi je vous envoie " (Jn 20, 21 ; cf. Mt 28, 19 ; Lc 24, 47-48 ; Ac 1, 8).
V. LEsprit et lÉglise dans les derniers temps
La Pentecôte
731 Le jour de la Pentecôte (au terme des sept semaines Pascales), la Pâque du Christ saccomplit dans leffusion de lEsprit Saint qui est manifesté, donné et communiqué comme Personne divine : de sa Plénitude, le Christ, Seigneur, répand à profusion lEsprit (cf. Ac 2, 33-36).
732 En ce jour est pleinement révélée la Trinité Sainte. Depuis ce jour, le Royaume annoncé par le Christ est ouvert à ceux qui croient en Lui : dans lhumilité de la chair et dans la foi, ils participent déjà à la communion de la Trinité Sainte. Par sa venue, et elle ne cesse pas, lEsprit Saint fait entrer le monde dans les " derniers temps ", le temps de lÉglise, le Royaume déjà hérité, mais pas encore consommé :
Nous avons vu la vraie Lumière, nous avons reçu lEsprit céleste, nous avons trouvé la vraie foi : nous adorons la Trinité indivisible car cest elle qui nous a sauvés (Liturgie byzantine, Tropaire des vêpres de Pentecôte ; il est repris dans les liturgies eucharistiques après la communion).
LEsprit Saint le Don de Dieu
733 " Dieu est Amour " (1 Jn 4, 8. 16) et lAmour est le premier don, il contient tous les autres. Cet amour, " Dieu la répandu dans nos curs par lEsprit qui nous fut donné " (Rm 5, 5).
734 Parce que nous sommes morts, ou, au moins, blessés par le péché, le premier effet du don de lAmour est la rémission de nos péchés. Cest la communion de lEsprit Saint (2 Co 13, 13) qui, dans lÉglise, redonne aux baptisés la ressemblance divine perdue par le péché.
735 Il donne alors les " arrhes " ou les " prémices " de notre Héritage (cf. Rm 8, 23 ; 2 Co 1, 21) : la Vie même de la Trinité Sainte qui est daimer " comme il nous a aimés " (cf. 1 Jn 4, 11-12). Cet amour (la charité de 1 Co 13) est le principe de la vie nouvelle dans le Christ, rendue possible puisque nous avons " reçu une force, celle de lEsprit Saint " (Ac 1, 8).
736 Cest par cette puissance de lEsprit que les enfants de Dieu peuvent porter du fruit. Celui qui nous a greffés sur la vraie Vigne, nous fera porter " le fruit de lEsprit qui est charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi " (Ga 5, 22-23). " LEsprit est notre Vie " : plus nous renonçons à nous-mêmes (cf. Mt 16, 24-26), plus " lEsprit nous fait aussi agir " (Ga 5, 25) :
Par communion avec lui, lEsprit Saint rend spirituels, rétablit au Paradis, ramène au Royaume des cieux et à ladoption filiale, donne la confiance dappeler Dieu Père et de participer à la grâce du Christ, dêtre appelé enfant de lumière et davoir part à la gloire éternelle (S. Basile, Spir. 15, 36 : PG 32, 132).
LEsprit Saint et lÉglise
737 La mission du Christ et de lEsprit Saint saccomplit dans lÉglise, Corps du Christ et Temple de lEsprit Saint. Cette mission conjointe associe désormais les fidèles du Christ à sa communion avec le Père dans lEsprit Saint : LEsprit prépare les hommes, les prévient par sa grâce, pour les attirer vers le Christ. Il leur manifeste le Seigneur ressuscité, Il leur rappelle sa parole et leur ouvre lesprit à lintelligence de sa Mort et de sa Résurrection. Il leur rend présent le mystère du Christ, éminemment dans lEucharistie, afin de les réconcilier, de les mettre en communion avec Dieu, afin de leur faire porter " beaucoup de fruit " (Jn 15, 5. 8. 16).
738 Ainsi la mission de lÉglise ne sajoute pas à celle du Christ et de lEsprit Saint, mais elle en est le sacrement : par tout sont être et dans tous ses membres elle est envoyée pour annoncer et témoigner, actualiser et répandre le mystère de la communion de la Sainte Trinité (ce sera lobjet du prochain article) :
Nous tous qui avons reçu lunique et même esprit, à savoir, lEsprit Saint, nous nous sommes fondus entre nous et avec Dieu. Car bien que nous soyons nombreux séparément et que le Christ fasse que lEsprit du Père et le sien habite en chacun de nous, cet Esprit unique et indivisible ramène par lui-même à lunité ceux qui sont distincts entre eux (...) et fait que tous apparaissent comme une seule chose en lui-même. Et de même que la puissance de la sainte humanité du Christ fait que tous ceux-là en qui elle se trouve forment un seul corps, je pense que de la même manière lEsprit de Dieu qui habite en tous, unique et indivisible, les ramène tous à lunité spirituelle (S. Cyrille dAlexandrie, Jo. 12 : PG 74, 560-561).
739 Parce que lEsprit Saint est lOnction du Christ, cest le Christ, la Tête du Corps, qui le répand dans ses membres pour les nourrir, les guérir, les organiser dans leurs fonctions mutuelles, les vivifier, les envoyer témoigner, les associer à son offrande au Père et à son intercession pour le monde entier. Cest par les sacrements de lÉglise que le Christ communique aux membres de son Corps son Esprit Saint et Sanctificateur (ce sera lobjet de la deuxième partie du Catéchisme).
740 Ces " merveilles de Dieu ", offertes aux croyants dans les sacrements de lÉglise, portent leurs fruits dans la vie nouvelle, dans le Christ, selon lEsprit (ce sera lobjet de la troisième partie du Catéchisme).
741 " LEsprit vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons que demander pour prier comme il faut ; mais lEsprit lui-même intercède pour nous en des gémissements ineffables " (Rm 8, 26). LEsprit Saint, artisan des uvres de Dieu, est le Maître de la prière (ce sera lobjet de la quatrième partie du Catéchisme).
En bref
742 " La preuve que vous êtes des fils, cest que Dieu a envoyé dans nos curs lEsprit de son Fils qui crie : Abba, Père " (Ga 4, 6).
743 Du commencement à la consommation du temps, quand Dieu envoie son Fils, il envoie toujours son Esprit : leur mission est conjointe et inséparable.
744 Dans la plénitude du temps, lEsprit Saint accomplit en Marie toutes les préparations à la venue du Christ dans le Peuple de Dieu. Par laction de lEsprit Saint en elle, le Père donne au monde lEmmanuel, " Dieu-avec-nous " (Mt 1, 23).
745 Le Fils de Dieu est consacré Christ (Messie) par lOnction de lEsprit Saint dans son Incarnation (cf. Ps 2, 6-7).
746 Par sa Mort et sa Résurrection, Jésus est constitué Seigneur et Christ dans la gloire (Ac 2, 36). De sa Plénitude, Il répand lEsprit Saint sur les apôtres et lÉglise.
747 LEsprit Saint que le Christ, Tête, répand dans ses membres, bâtit, anime et sanctifie lÉglise. Elle est le sacrement de la communion de la Trinité Sainte et des hommes.
Article 9
" Je crois à la Sainte ÉGLISE catholique "
748 " Le Christ est la lumière des peuples : réuni dans lEsprit Saint, le saint Concile souhaite donc ardemment, en annonçant à toutes créatures la bonne nouvelle de lÉvangile, répandre sur tous les hommes la clarté du Christ qui resplendit sur le visage de lÉglise "(LG 1). Cest sur ces paroles que souvre la " Constitution dogmatique sur lÉglise " du deuxième Concile du Vatican. Par là, le Concile montre que larticle de foi sur lÉglise dépend entièrement des articles concernant le Christ Jésus. LÉglise na pas dautre lumière que celle du Christ ; elle est, selon une image chère aux Pères de lÉglise, comparable à la lune dont toute la lumière est reflet du soleil.
749 Larticle sur lÉglise dépend aussi entièrement de celui sur le Saint-Esprit qui le précède. " En effet, après avoir montré que lEsprit Saint est la source et le donateur de toute sainteté, nous confessons maintenant que cest Lui qui a doté lÉglise de sainteté " (Catech. R. 1, 10, 1). LÉglise est, selon lexpression des Pères, le lieu " où fleurit lEsprit " (S. Hippolyte, trad. ap. 35).
750 Croire que lÉglise est " Sainte " et " Catholique ", et quelle est " Une " et " Apostolique " (comme lajoute le Symbole de Nicée-Constantinople) est inséparable de la foi en Dieu le Père, le Fils et le Saint Esprit. Dans le Symbole des apôtres, nous faisons profession de croire une Église Sainte (" Credo [...] Ecclesiam "), et non pas en lÉglise, pour ne pas confondre Dieu et ses uvres et pour attribuer clairement à la bonté de Dieu tous les dons quIl a mis dans son Église (cf. Catech. R. 1, 10, 22).
Paragraphe 1. LÉglise dans le dessein de Dieu
I. Les noms et les images de lÉglise
751 Le mot " Église " [ekklèsia, du grec ek-kalein, " appeler hors "] signifie " convocation ". Il désigne des assemblées du peuple (cf. Ac 19, 39), en général de caractère religieux. Cest le terme fréquemment utilisé dans lAncien Testament grec pour lassemblée du peuple élu devant Dieu, surtout pour lassemblée du Sinaï où Israël reçut la Loi et fut constitué par Dieu comme son peuple saint (cf. Ex 19). En sappelant " Église ", la première communauté de ceux qui croyaient au Christ se reconnaît héritière de cette assemblée. En elle, Dieu " convoque " son Peuple de tous les confins de la terre. Le terme Kyriakè dont sont dérivés church, Kirche, signifie " celle qui appartient au Seigneur ".
752 Dans le langage chrétien, le mot " Église " désigne lassemblée liturgique (cf. 1 Co 11, 18 ; 14, 19. 28. 34. 35), mais aussi la communauté locale (cf. 1 Co 1, 2 ; 16, 1) ou toute la communauté universelle des croyants (cf. 1 Co 15, 9 ; Ga 1, 13 ; Ph 3, 6). Ces trois significations sont en fait inséparables. " LÉglise ", cest le Peuple que Dieu rassemble dans le monde entier. Elle existe dans les communautés locales et se réalise comme assemblée liturgique, surtout eucharistique. Elle vit de la Parole et du Corps du Christ et devient ainsi elle-même Corps du Christ.
Les symboles de lÉglise
753 Dans lÉcriture Sainte, nous trouvons une foule dimages et de figures liées entre elles, par lesquelles la révélation parle du mystère inépuisable de lÉglise. Les images prises de lAncien Testament constituent des variations dune idée de fond, celle du " Peuple de Dieu ". Dans le Nouveau Testament (cf. Ep 1, 22 ; Col 1, 18), toutes ces images trouvent un nouveau centre par le fait que le Christ devient " la Tête " de ce peuple (cf. LG 9) qui est dès lors son Corps. Autour de ce centre se sont groupés des images " tirées soit de la vie pastorale ou de la vie des champs, soit du travail de construction ou de la famille et des épousailles " (LG 6).
754 " LÉglise, en effet, est le bercail dont le Christ est lentrée unique et nécessaire (cf. Jn 10, 1-10). Elle est aussi le troupeau dont Dieu a proclamé lui-même à lavance quil serait le pasteur (cf. Is 40, 11 ; Ez 34, 11-31), et dont les brebis, quoiquelles aient à leur tête des pasteurs humains, sont cependant continuellement conduites et nourries par le Christ même, Bon Pasteur et Prince des pasteurs (cf. Jn 10, 11 ; 1 P 5, 4), qui a donné sa vie pour ses brebis (cf. LG 6 ; Jn 10, 11-15) ".
755 " LÉglise est le terrain de culture, le champ de Dieu (1 Co 3, 9). Dans ce champ croît lantique olivier dont les patriarches furent la racine sainte et en lequel sopère et sopérera la réconciliation entre Juifs et Gentils (cf. Rm 11, 13-26). Elle fut plantée par le Vigneron céleste comme une vigne choisie (cf. Mt 21, 33-43 par. ; cf. Is 5, 1-7). La Vigne véritable, cest le Christ : cest lui qui donne vie et fécondité aux rameaux que nous sommes : par lÉglise nous demeurons en lui, sans qui nous ne pouvons rien faire (cf. Jn 15, 1-5) " (LG 6).
756 " Bien souvent aussi, lÉglise est dite la construction de Dieu (cf. 1 Co 3, 9). Le Seigneur lui-même sest comparé à la pierre rejetée par les bâtisseurs et devenue pierre angulaire (Mt 21, 42 par. ; cf. Ac 4, 11 ; 1 P 2, 7 ; Ps 118, 22). Sur ce fondement, lÉglise est construite par les apôtres (cf. 1 Co 3, 11), et de ce fondement elle reçoit fermeté et cohésion. Cette construction est décorée dappellations diverses : la maison de Dieu (cf. 1 Tm 3, 15), dans laquelle habite sa famille, lhabitation de Dieu dans lEsprit (cf. Ep 2, 19-22), la demeure de Dieu chez les hommes (cf. Ap 21, 3), et surtout le temple saint, lequel, représenté par les sanctuaires de pierres, est lobjet de la louange des saints Pères et comparé à juste titre dans la liturgie à la Cité sainte, la nouvelle Jérusalem. En effet, nous sommes en elle sur la terre comme les pierres vivantes qui entrent dans la construction (cf. 1 P 2, 5). Cette Cité sainte, Jean la contemple descendant du ciel dauprès de Dieu à lheure où se renouvellera le monde, prête comme une fiancée parée pour son époux (cf. Ap 21, 1-2) "(LG 6).
757 " LÉglise sappelle encore " la Jérusalem den haut " et " notre mère " (Ga 4, 26 ; cf. Ap 12, 17) ; elle est décrite comme lépouse immaculée de lAgneau immaculé (cf. Ap 19, 7 ; 21, 2. 9 ; 22, 17) que le Christ a aimée, pour laquelle il sest livré afin de la sanctifier (Ep 5, 26), quil sest associée par un pacte indissoluble, quil ne cesse de nourrir et dentourer de soins (Ep 5, 29) " (LG 6).
II. Origine, fondation et mission de lÉglise
758 Pour scruter le mystère de lÉglise, il convient de méditer dabord son origine dans le dessein de la Très Sainte Trinité et sa réalisation progressive dans lhistoire.
Un dessein né dans le cur du Père
759 " Le Père éternel par la disposition absolument libre et mystérieuse de sa sagesse et de sa bonté a créé lunivers ; il a décidé délever les hommes à la communion de sa vie divine ", à laquelle il appelle tous les hommes dans son Fils : " Tous ceux qui croient au Christ, le Père a voulu les appeler à former la sainte Église ". Cette " famille de Dieu " se constitue et se réalise graduellement au long des étapes de lhistoire humaine, selon les dispositions du Père : en effet, lÉglise a été " préfigurée dès lorigine du monde ; elle a été merveilleusement préparée dans lhistoire du peuple dIsraël et dans lAncienne Alliance ; elle a été instituée enfin en ces temps qui sont les derniers ; elle est manifestée grâce à leffusion de lEsprit Saint et, au terme des siècles, elle sera consommée dans la gloire " (LG 2).
LÉglise préfigurée dès lorigine du monde
760 " Le monde fut créé en vue de lÉglise ", disaient les chrétiens des premiers temps (Hermas, vis. 2, 4, 1 ; cf. Aristide, apol. 16, 6 ; Justin, apol. 2, 7). Dieu a créé le monde en vue de la communion à sa vie divine, communion qui se réalise par la " convocation " des hommes dans le Christ, et cette " convocation ", cest lÉglise. LÉglise est la fin de toutes choses (cf. S. Epiphane, hær. 1, 1, 5 : PG 41, 181C), et les vicissitudes douloureuses elles-mêmes, comme la chute des Anges et le péché de lhomme, ne furent permises par Dieu que comme occasion et moyen pour déployer toute la force de son bras, toute la mesure damour quil voulait donner au monde :
De même que la volonté de Dieu est un acte et quelle sappelle le monde, ainsi son intention est le salut des hommes, et elle sappelle lÉglise (Clément dAlexandrie, pæd. 1, 6).
LÉglise préparée dans lAncienne Alliance
761 Le rassemblement du Peuple de Dieu commence à linstant où le péché détruit la communion des hommes avec Dieu et celle des hommes entre eux. Le rassemblement de lÉglise est pour ainsi dire la réaction de Dieu au chaos provoqué par le péché. Cette réunification se réalise secrètement au sein de tous les peuples : " En toute nation, Dieu tient pour agréable quiconque le craint et pratique la justice " (Ac 10, 35 ; cf. LG 9 ; 13 ; 16).
762 La préparation lointaine du rassemblement du Peuple de Dieu commence avec la vocation dAbraham, à qui Dieu promet quil deviendra le père dun grand peuple (cf. Gn 12, 2 ; 15, 5-6). La préparation immédiate commence avec lélection dIsraël comme Peuple de Dieu (cf. Ex 19, 5-6 ; Dt 7, 6). Par son élection, Israël doit être le signe du rassemblement futur de toutes les nations (cf. Is 2, 2-5 ; Mi 4, 1-4). Mais déjà les prophètes accusent Israël davoir rompu lalliance et de sêtre comporté comme une prostituée (cf. Os 1 ; Is 1, 2-4 ; Jr 2 ; etc.). Ils annoncent une alliance nouvelle et éternelle (cf. Jr 31, 31-34 ; Is 55, 3). " Cette Alliance Nouvelle, le Christ la instituée " (LG 9).
LÉglise instituée par le Christ Jésus
763 Il appartient au Fils de réaliser, dans la plénitude des temps, le plan de salut de son Père ; cest là le motif de sa " mission " (cf. LG 3 ; AG 3). " Le Seigneur Jésus posa le commencement de son Église en prêchant lheureuse nouvelle, lavènement du Règne de Dieu promis dans les Écritures depuis des siècles " (LG 5). Pour accomplir la volonté du Père, le Christ inaugura le Royaume des cieux sur la terre. LÉglise " est le Règne du Christ déjà mystérieusement présent " (LG 3).
764 " Ce Royaume brille aux yeux des hommes dans la parole, les uvres et la présence du Christ " (LG 5). Accueillir la parole de Jésus, cest " accueillir le Royaume lui-même " (ibid.). Le germe et le commencement du Royaume sont le " petit troupeau " (Lc 12, 32) de ceux que Jésus est venu convoquer autour de lui et dont il est lui-même le pasteur (cf. Mt 10, 16 ; 26, 31 ; Jn 10, 1-21). Ils constituent la vraie famille de Jésus (cf. Mt 12, 49). A ceux quil a ainsi rassemblés autour de lui, il a enseigné une " manière dagir " nouvelle, mais aussi une prière propre (cf. Mt 5-6).
765 Le Seigneur Jésus a doté sa communauté dune structure qui demeurera jusquau plein achèvement du Royaume. Il y a avant tout le choix des Douze avec Pierre comme leur chef (cf. Mc 3, 14-15). Représentant les douze tribus dIsraël (cf. Mt 19, 28 ; Lc 22, 30) ils sont les pierres dassise de la nouvelle Jérusalem (cf. Ap 21, 12-14). Les Douze (cf. Mc 6, 7) et les autres disciples (cf. Lc 10, 1-2) participent à la mission du Christ, à son pouvoir, mais aussi à son sort (cf. Mt 10, 25 ; Jn 15, 20). Par tous ces actes, le Christ prépare et bâtit son Église.
766 Mais lÉglise est née principalement du don total du Christ pour notre salut, anticipé dans linstitution de lEucharistie et réalisé sur la Croix. " Le commencement et la croissance de lÉglise sont signifiés par le sang et leau sortant du côté ouvert de Jésus crucifié " (LG 3). " Car cest du côté du Christ endormi sur la Croix quest né ladmirable sacrement de lÉglise toute entière " (SC 5). De même quEve a été formée du côté dAdam endormi, ainsi lÉglise est née du cur transpercé du Christ mort sur la Croix (cf. S. Ambroise, Luc. 2, 85-89 : PL 15, 1583-1586).
LÉglise manifestée par lEsprit Saint
767 " Une fois achevée luvre que le Père avait chargé son Fils daccomplir sur la terre, le jour de Pentecôte, lEsprit Saint fut envoyé pour sanctifier lÉglise en permanence " (LG 4). Cest alors que " lÉglise se manifesta publiquement devant la multitude et que commença la diffusion de lÉvangile avec la prédication " (AG 4). Parce quelle est " convocation " de tous les hommes au salut, lÉglise est, par sa nature même, missionnaire envoyée par le Christ à toutes les nations pour en faire des disciples (cf. Mt 28, 19-20 ; AG 2 ; 5-6).
768 Pour réaliser sa mission, lEsprit Saint " équipe et dirige lÉglise grâce à la diversité des dons hiérarchiques et charismatiques " (LG 4). " Aussi lÉglise, pourvue des dons de son fondateur, et fidèlement appliquée à garder ses préceptes de charité, dhumilité et dabnégation, reçoit mission dannoncer le Royaume du Christ et de Dieu et de linstaurer dans toutes les nations ; elle constitue de ce royaume le germe et le commencement sur terre " (LG 5).
LÉglise consommée dans la gloire
769 " LÉglise (...) naura sa consommation que dans la gloire céleste " (LG 48), lors du retour glorieux du Christ. Jusquà ce jour, " lÉglise avance dans son pèlerinage à travers les persécutions du monde et les consolations de Dieu " (S. Augustin, civ. 18, 51 ; cf. LG 8). Ici-bas, elle se sait en exil, loin du Seigneur (cf. 2 Co 5, 6 ; LG 6), et elle aspire à lavènement plénier du Royaume, " lheure où elle sera, dans la gloire, réunie à son Roi " (LG 5). La consommation de lÉglise, et à travers elle, celle du monde, dans la gloire ne se fera pas sans de grandes épreuves. Alors seulement, " tous les justes depuis Adam, depuis Abel le juste jusquau dernier élu se trouveront rassemblés dans lÉglise universelle auprès du Père " (LG 2).
III. Le mystère de lÉglise
770 LÉglise est dans lhistoire, mais elle la transcende en même temps. Cest uniquement " avec les yeux de la foi " (Catech. R. 1, 10, 20) que lon peut voir en sa réalité visible en même temps une réalité spirituelle, porteuse de vie divine.
LÉglise à la fois visible et spirituelle
771 " Le Christ, unique médiateur, constitue et continuellement soutient son Église sainte, communauté de foi, despérance et de charité, ici-bas, sur terre, comme un tout visible par lequel il répand, à lintention de tous, la vérité et la grâce ". LÉglise est à la fois :
" société dotée dorganes hiérarchiques et Corps Mystique du Christ ;
assemblée visible et communauté spirituelle ;
Église terrestre et Église parée de dons célestes ".
Ces dimensions constituent ensemble " une seule réalité complexe, faite dun double élément humain et divin " (LG 8) :Il appartient en propre à lÉglise dêtre à la fois humaine et divine, visible et riche de réalités invisibles, fervente dans laction et occupée à la contemplation, présente dans le monde et pourtant étrangère. Mais de telle sorte quen elle ce qui est humain est ordonné et soumis au divin ; ce qui est visible, à linvisible ; ce qui relève de laction, à la contemplation ; et ce qui est présent, à la cité future que nous recherchons (SC 2).
Humilité ! Sublimité ! Tente de Cédar et sanctuaire de Dieu ; habitation terrestre et céleste palais ; maison dargile et cour royale ; corps mortel et temple de lumière ; objet de mépris enfin pour les orgueilleux et épouse du Christ ! Elle est noire mais belle, filles de Jérusalem, celle qui, pâlie par la fatigue et la souffrance dun long exil, a cependant pour ornement la parure céleste (S. Bernard, Cant. 27, 7, 14 : PL 183, 920D).
LÉglise mystère de lunion des hommes avec Dieu
772 Cest dans lÉglise que le Christ accomplit et révèle son propre mystère comme le but du dessein de Dieu : " récapituler tout en Lui " (Ep 1, 10). S. Paul appelle " grand mystère " (Ep 5, 32) lunion sponsale du Christ et de lÉglise. Parce quelle est unie au Christ comme à son Époux (cf. Ep 5, 25-27), lÉglise devient elle-même à son tour mystère (cf. Ep 3, 9-11). Contemplant en elle le mystère, S. Paul sécrit : " Le Christ en vous, lespérance de la gloire " (Col 1, 27).
773 Dans lÉglise cette communion des hommes avec Dieu par " la charité qui ne passe jamais " (1 Co 13, 8) est la fin qui commande tout ce qui en elle est moyen sacramentel lié à ce monde qui passe (cf. LG 48). " Sa structure est complètement ordonnée à la sainteté des membres du Christ. Et la sainteté sapprécie en fonction du grand mystère dans lequel lÉpouse répond par le don de lamour au don de lÉpoux " (MD 27). Marie nous précède tous dans la sainteté qui est le mystère de lÉglise comme " lÉpouse sans tâche ni ride " (Ep 5, 27). Cest pourquoi " la dimension mariale de lÉglise précède sa dimension pétrinienne " (MD 27).
LÉglise sacrement universel du salut
774 Le mot grec mysterion a été traduit en latin par deux termes : mysterium et sacramentum. Dans linterprétation ultérieure, le terme sacramentum exprime davantage le signe visible de la réalité cachée du salut, indiquée par le terme mysterium. En ce sens, le Christ est Lui-même le mystère du salut : " Non est enim aliud Dei mysterium, nisi Christus " (" Il ny a pas dautre mystère que le Christ ", S. Augustin, ep. 187, 11, 34 : PL 33, 845). Luvre salvifique de son humanité sainte et sanctifiante est le sacrement du salut qui se manifeste et agit dans les sacrements de lÉglise (que les Églises dOrient appellent aussi " les saints mystères "). Les sept sacrements sont les signes et les instruments par lesquels lEsprit Saint répand la grâce du Christ, qui est la Tête, dans lÉglise qui est son Corps. LÉglise contient donc et communique la grâce invisible quelle signifie. Cest en ce sens analogique quelle est appelée " sacrement ".
775 " LÉglise est, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, cest-à-dire à la fois le signe et linstrument de lunion intime avec Dieu et de lunité de tout le genre humain " (LG 1) : Être le sacrement de lunion intime des hommes avec Dieu : cest là le premier but de lÉglise. Parce que la communion entre les hommes senracine dans lunion avec Dieu, lÉglise est aussi le sacrement de lunité du genre humain. En elle, cette unité est déjà commencée puisquelle rassemble des hommes " de toute nation, race, peuple et langue " (Ap 7, 9) ; en même temps, lÉglise est " signe et instrument " de la pleine réalisation de cette unité qui doit encore venir.
776 Comme sacrement, lÉglise est instrument du Christ. " Entre ses mains elle est linstrument de la Rédemption de tous les hommes " (LG 9), " le sacrement universel du salut " (LG 48), par lequel le Christ " manifeste et actualise lamour de Dieu pour les hommes " (GS 45, § 1). Elle " est le projet visible de lamour de Dieu pour lhumanité " (Paul VI, discours 22 juin 1973) qui veut " que le genre humain tout entier constitue un seul Peuple de Dieu, se rassemble dans le Corps unique du Christ, soit construit en un seul temple du Saint-Esprit " (AG 7 ; cf. LG 17).
En bref
777 Le mot " Église " signifie " convocation ". Il désigne lassemblée de ceux que la Parole de Dieu convoque pour former le Peuple de Dieu et qui, nourris du Corps du Christ, deviennent eux-mêmes Corps du Christ
778 LÉglise est à la fois chemin et but du dessein de Dieu : préfigurée dans la création, préparée dans lAncienne Alliance, fondée par les paroles et les actions de Jésus-Christ, réalisée par sa Croix rédemptrice et sa Résurrection, elle est manifestée comme mystère de salut par leffusion de lEsprit Saint. Elle sera consommée dans la gloire du ciel comme assemblée de tous les rachetés de la terre (cf. Ap 14, 4).
779 LÉglise est à la fois visible et spirituelle, société hiérarchique et Corps Mystique du Christ. Elle est une, formée dun double élément humain et divin. Cest là son mystère que seule la foi peut accueillir.
780 LÉglise est dans ce monde-ci le sacrement du salut, le signe et linstrument de la communion de Dieu et des hommes.
Paragraphe 2. LÉglise Peuple de Dieu, Corps du Christ, temple de lEsprit Saint
I. LÉglise Peuple de Dieu
781 " A toute époque, à la vérité, et en toute nation, Dieu a tenu pour agréable quiconque le craint et pratique la justice. Cependant, il a plu à Dieu que les hommes ne reçoivent pas la sanctification et le salut séparément, hors de tout lien mutuel ; il a voulu au contraire en faire un Peuple qui le connaîtrait selon la vérité et le servirait dans la sainteté. Cest pourquoi il sest choisi le Peuple dIsraël pour être son Peuple avec qui il a fait alliance et quil a progressivement instruit (...). Tout cela cependant nétait que pour préparer et figurer lAlliance Nouvelle et parfaite qui serait conclue dans le Christ (...). Cest la Nouvelle Alliance dans son sang, appelant un Peuple, venu des Juifs et des païens, à se rassembler dans lunité, non pas selon la chair, mais dans lEsprit " (LG 9).
Les caractéristiques du Peuple de Dieu
782 Le Peuple de Dieu a des caractéristiques qui le distinguent nettement de tous les groupements religieux, ethniques, politiques ou culturels de lhistoire :
Il est le Peuple de Dieu : Dieu nappartient en propre à aucun peuple. Mais Il sest acquis un peuple de ceux qui autrefois nétaient pas un peuple : " une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte " (1 P 2, 9).
On devient membre de ce Peuple non par la naissance physique, mais par la " naissance den haut ", " de leau et de lEsprit " (Jn 3, 3-5), cest-à-dire par la foi au Christ et le Baptême.
Ce Peuple a pour Chef [Tête] Jésus le Christ [Oint, Messie] : parce que la même Onction, lEsprit Saint, découle de la Tête dans le Corps, il est " le Peuple messianique ".
" La condition de ce Peuple, cest la dignité de la liberté des fils de Dieu : dans leurs curs, comme dans un temple, réside lEsprit Saint ".
" Sa loi, cest le commandement nouveau daimer comme le Christ lui-même nous a aimés (cf. Jn 13, 34) ". Cest la loi " nouvelle " de lEsprit Saint (Rm 8, 2 ; Ga 5, 25).
Sa mission, cest dêtre le sel de la terre et la lumière du monde (cf. Mt 5, 13-16). " Il constitue pour tout le genre humain le germe le plus fort dunité, despérance et de salut ".
Sa destinée, enfin, cest le Royaume de Dieu, commencé sur la terre par Dieu lui-même, Royaume qui doit se dilater de plus en plus, jusquà ce que, à la fin des temps, il soit achevé par Dieu lui-même " (LG 9).
Un Peuple sacerdotal, prophétique et royal
783 Jésus-Christ est celui que le Père a oint de lEsprit Saint et quil a constitué " Prêtre, Prophète et Roi ". Le Peuple de Dieu tout entier participe à ces trois fonctions du Christ et il porte les responsabilités de mission et de service qui en découlent (cf. RH 18-21).
784 En entrant dans le Peuple de Dieu par la foi et le Baptême, on reçoit part à la vocation unique de ce Peuple : à sa vocation sacerdotale : " Le Christ Seigneur, grand prêtre pris dentre les hommes a fait du Peuple nouveau un royaume, des prêtres pour son Dieu et Père. Les baptisés, en effet, par la régénération et lonction du Saint-Esprit, sont consacrés pour être une demeure spirituelle et un sacerdoce saint " (LG 10).
785 " Le Peuple saint de Dieu participe aussi à la fonction prophétique du Christ ". Il lest surtout :par le sens surnaturel de la foi qui est celui du Peuple tout entier, laïcs et hiérarchie, lorsquil " sattache indéfectiblement à la foi transmise aux saints une fois pour toutes " (LG 12) et en approfondit lintelligence et devient témoin du Christ au milieu de ce monde
786 Le Peuple de Dieu participe enfin à la fonction royale du Christ. Le Christ exerce sa royauté en attirant à soi tous les hommes par sa mort et sa Résurrection (cf. Jn 12, 32). Le Christ, Roi et Seigneur de lunivers, sest fait le serviteur de tous, nétant " pas venu pour être servi, mais pour servir et pour donner sa vie en rançon pour la multitude " (Mt 20, 28). Pour le chrétien, " régner, cest le servir " (LG 36), particulièrement " dans les pauvres et les souffrants, dans lesquels lÉglise reconnaît limage de son Fondateur pauvre et souffrant " (LG 8). Le Peuple de Dieu réalise sa " dignité royale " en vivant conformément à cette vocation de servir avec le Christ.
De tous les régénérés dans le Christ le signe de la Croix fait des rois, lonction du Saint-Esprit les consacre comme prêtres, afin que, mis à part le service particulier de notre ministère, tous les chrétiens spirituels et usant de leur raison se reconnaissent membres de cette race royale et participants de la fonction sacerdotale. Quy a-t-il, en effet, daussi royal pour une âme que de gouverner son corps dans la soumission à Dieu ? Et quy a-t-il daussi sacerdotal que de vouer au Seigneur une conscience pure et doffrir sur lautel de son cur les victimes sans taches de la piété ? (S. Léon le Grand, serm. 4, 1 : PL 54, 149).
II. LÉglise Corps du Christ
LÉglise est communion avec Jésus
787 Dès le début, Jésus a associés ses disciples à sa vie (cf. Mc 1, 16-20 ; 3, 13-19) ; il leur a révélé le mystère du Royaume (cf. Mt 13, 10-17) ; il leur a donné part à sa mission, à sa joie (cf. Lc 10, 17-20) et à ses souffrances (cf. Lc 22, 28-30). Jésus parle dune communion encore plus intime entre Lui et ceux qui le suivraient : " Demeurez en moi, comme moi en vous (...). Je suis le cep, vous êtes les sarments " (Jn 15, 4-5). Et Il annonce une communion mystérieuse et réelle entre son propre corps et le nôtre : " Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui " (Jn 6, 56).
788 Lorsque sa présence visible leur a été enlevée, Jésus na pas laissé orphelins ses disciples (cf. Jn 14, 18). Il leur a promis de rester avec eux jusquà la fin des temps (cf. Mt 28, 20), il leur a envoyé son Esprit (cf. Jn 20, 22 ; Ac 2, 33). La communion avec Jésus en est devenue, dune certaine façon, plus intense : " En communiquant son Esprit à ses frères, quil rassemble de toutes les nations, Il les a constitués mystiquement comme son corps " (LG 7).
789 La comparaison de lÉglise avec le corps jette une lumière sur le lien intime entre lÉglise et le Christ. Elle nest pas seulement rassemblée autour de lui ; elle est unifiée en lui, dans son Corps. Trois aspects de lÉglise Corps du Christ sont plus spécifiquement à relever : lunité de tous les membres entre eux par leur union au Christ ; le Christ Tête du Corps ; lÉglise, Épouse du Christ.
" Un seul corps "
790 Les croyants qui répondent à la Parole de Dieu et deviennent membres du Corps du Christ, deviennent étroitement unis au Christ : " Dans ce corps la vie du Christ se répand à travers les croyants que les sacrements, dune manière mystérieuse et réelle, unissent au Christ souffrant et glorifié " (LG 7). Ceci est particulièrement vrai du Baptême par lequel nous sommes unis à la mort et à la Résurrection du Christ (cf. Rm 6, 4-5 ; 1 Co 12, 13), et de lEucharistie, par laquelle, " participant réellement au corps du Christ ", " nous sommes élevés à la communion avec Lui et entre nous " (LG 7).
791 Lunité du corps nabolit pas la diversité des membres : " Dans lédification du corps du Christ règne une diversité de membres et de fonctions. Unique est lEsprit qui distribue des dons variés pour le bien de lÉglise à la mesure de ses richesses et des exigences des services " . Lunité du Corps mystique produit et stimule entre les fidèles la charité : " Aussi un membre ne peut souffrir, que tous les membres ne souffrent, un membre ne peut être à lhonneur, que tous les membres ne se réjouissent avec lui " (LG 7). Enfin, lunité du Corps mystique est victorieuse de toutes les divisions humaines : " Vous tous, en effet, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ ; il ny a ni Juif ni Grec, il ny a ni esclave ni homme libre, il ny a ni homme ni femme ; car tous vous ne faites quun dans le Christ Jésus " (Ga 3, 27-28).
" De ce Corps, le Christ est la Tête "
792 Le Christ " est la Tête du Corps qui est lÉglise " (Col 1, 18). Il est le Principe de la création et de la rédemption. Élevé dans la gloire du Père, " Il a en tout la primauté " (Col 1, 18), principalement sur lÉglise par laquelle il étend son règne sur toute chose :
793 Il nous unit à sa Pâque : Tous les membres doivent sefforcer de lui ressembler " jusquà ce que le Christ soit formé en eux " (Ga 4, 19). " Cest dans ce but que nous sommes introduits dans les mystères de sa vie, (...) associés à ses souffrances comme le corps à la tête, unis à sa passion pour être unis à sa gloire " (LG 7).
794 Il pourvoit à notre croissance (cf. Col 2, 19) : Pour nous faire grandir vers lui, notre Tête (cf. Ep 4, 11-16), le Christ dispose dans son corps, lÉglise, les dons et les services par lesquels nous nous aidons mutuellement sur le chemin du salut.
795 Le Christ et lÉglise, cest donc le " Christ total " (Christus totus). LÉglise est une avec le Christ. Les saints ont une conscience très vive de cette unité :
Félicitons-nous donc et rendons grâces de ce que nous sommes devenus, non seulement des chrétiens, mais le Christ lui-même. Comprenez-vous, frères, la grâce que Dieu nous a faite en nous donnant le Christ comme Tête ? Soyez dans ladmiration et réjouissez-vous, nous sommes devenus le Christ. En effet, puisquil est la Tête et que nous sommes les membres, lhomme tout entier, cest lui et nous (...). La plénitude du Christ, cest donc la Tête et les membres ; quest-ce à dire : la Tête et les membres ? Le Christ et lÉglise (S. Augustin, ev. Jo. 21, 8).
Notre Rédempteur sest montré comme une seule et même personne que lÉglise quil a assumée (S. Grégoire le Grand, mor. præf. 1, 6, 4 : PL 75, 525A).
Tête et membres, une seule et même personne mystique pour ainsi dire (S. Thomas dA., s. th. 3, 48, 2, ad 1).
Un mot de Ste Jeanne dArc à ses juges résume la foi des saints Docteurs et exprime le bon sens du croyant : " De Jésus-Christ et de lÉglise, il mest avis que cest tout un, et quil nen faut pas faire difficulté " (Jeanne dArc, proc.).
LÉglise est lÉpouse du Christ
796 Lunité du Christ et de lÉglise, Tête et membres du Corps, implique aussi la distinction des deux dans une relation personnelle. Cet aspect est souvent exprimé par limage de lépoux et de lépouse. Le thème du Christ Époux de lÉglise a été préparé par les prophètes et annoncé par Jean-Baptiste (cf. Jn 3, 29). Le Seigneur sest lui-même désigné comme " lÉpoux " (Mc 2, 19 ; cf. Mt 22, 1-14 ; 25, 1-13). Lapôtre présente lÉglise et chaque fidèle, membre de son Corps, comme une Épouse " fiancée " au Christ Seigneur, pour nêtre avec Lui quun seul Esprit (cf. 1 Co 6, 15-16 ; 2 Co 11, 2). Elle est lÉpouse immaculée de lAgneau immaculé (cf. Ap 22, 17 ; Ep 1, 4 ; 5, 27) que le Christ a aimée, pour laquelle Il sest livré " afin de la sanctifier " (Ep 5, 26), quIl sest associée par une alliance éternelle, et dont Il ne cesse de prendre soin comme de son propre Corps (cf. Ep 5, 29) :
Voilà le Christ total, Tête et Corps, un seul formé de beaucoup. (...) Que ce soit la Tête qui parle, que ce soit les membres, cest le Christ qui parle. Il parle en tenant le rôle de la Tête (ex persona capitis) ou bien en tenant le rôle du Corps (ex persona corporis). Selon ce qui est écrit : " Ils seront deux en une seule chair. Cest là un grand mystère, je veux dire en rapport avec le Christ et lÉglise " (Ep 5, 31-32). Et le Seigneur lui-même dans lÉvangile : " Non plus deux, mais une seule chair " (Mt 19, 6). Comme vous lavez vu, il y a bien en fait deux personnes différentes, et cependant, elles ne font quun dans létreinte conjugale. (...) En tant que Tête il se dit " Époux ", en tant que Corps il se dit " Épouse " (S. Augustin, Psal. 74, 4).
III. LÉglise Temple de lEsprit Saint
797 " Ce que notre esprit, je veux dire notre âme, est à nos membres, lEsprit Saint lest aux membres du Christ, au Corps du Christ, je veux dire lÉglise " (S. Augustin, serm. 267, 4 : PL 38, 1231D). " Cest à lEsprit du Christ comme à un principe caché quil faut attribuer que toutes les parties du Corps soient reliées, aussi bien entre elles quavec leur Tête suprême, puisquil réside tout entier dans la Tête, tout entier dans le Corps, tout entier dans chacun de ses membres " (Pie XII, Enc. " Mystici Corporis " : DS 3808). LEsprit Saint fait de lÉglise " le Temple du Dieu Vivant " (2 Co 6, 16 ; cf. 1 Co 3, 16-17 ; Ep 2, 21) :
Cest à lÉglise elle-même, en effet, qua été confié le Don de Dieu. (...) Cest en elle qua été déposée la communion avec le Christ, cest-à-dire lEsprit Saint, arrhes de lincorruptibilité, confirmation de notre foi et échelle de notre ascension vers Dieu (...) Car là où est lÉglise, là est aussi lEsprit de Dieu ; et là où est lEsprit de Dieu, là est lÉglise et toute grâce (S. Irénée, hær. 3, 24, 1).
798 LEsprit Saint est " le Principe de toute action vitale et vraiment salutaire en chacune des diverses parties du Corps " (Pie XII, enc. " Mystici Corporis " : DS 3808). Il opère de multiples manières lédification du Corps tout entier dans la charité (cf. Ep 4, 16) : par la Parole de Dieu, " qui a la puissance de construire lédifice " (Ac 20, 32), par le Baptême par lequel il forme le Corps du Christ (cf. 1 Co 12, 13) ; par les sacrements qui donnent croissance et guérison aux membres du Christ ; par " la grâce accordée aux apôtres qui tient la première place parmi ses dons " (LG 7), par les vertus qui font agir selon le bien, enfin par les multiples grâces spéciales [appelés " charismes "] par lesquels il rend les fidèles " aptes et disponibles pour assumer les diverses charges et offices qui servent à renouveler et à édifier davantage lÉglise " (LG 12 ; cf. AA 3).
Les charismes
799 Extraordinaires ou simples et humbles, les charismes sont des grâces de lEsprit Saint qui ont, directement ou indirectement, une utilité ecclésiale, ordonnés quils sont à lédification de lÉglise, au bien des hommes et aux besoins du monde.
800 Les charismes sont à accueillir avec reconnaissance par celui qui les reçoit, mais aussi par tous les membres de lÉglise. Ils sont, en effet, une merveilleuse richesse de grâce pour la vitalité apostolique et pour la sainteté de tout le Corps du Christ ; pourvu cependant quil sagisse de dons qui proviennent véritablement de lEsprit Saint et quils soient exercés de façon pleinement conforme aux impulsions authentiques de ce même Esprit, cest-à-dire selon la charité, vraie mesure des charismes (cf. 1 Co 13).
801 Cest dans ce sens quapparaît toujours nécessaire le discernement des charismes. Aucun charisme ne dispense de la référence et de la soumission aux Pasteurs de lÉglise. " Cest à eux quil convient spécialement, non pas déteindre lEsprit, mais de tout éprouver pour retenir ce qui est bon " (LG 12), afin que tous les charismes coopèrent, dans leur diversité et leur complémentarité, au " bien commun " (1 Co 12, 7) (cf. LG 30 ; CL 24).
En bref
802 " Le Christ Jésus sest livré pour nous afin de nous racheter de toute iniquité et de purifier un Peuple qui lui appartienne en propre " (Tt 2, 14).
803 " Vous êtes donc une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un Peuple acquis " (1 P 2, 9).
804 On entre dans le Peuple de Dieu par la foi et le Baptême. " Tous les hommes sont appelés à faire partie du Peuple de Dieu " (LG 13), afin que, dans le Christ, " les hommes constituent une seule famille et un seul Peuple de Dieu " (AG 1).
805 LÉglise est le Corps du Christ. Par lEsprit et son action dans les sacrements, surtout lEucharistie, le Christ mort et ressuscité constitue la communauté des croyants comme son Corps.
806 Dans lunité de ce Corps, il y a diversité de membres et des fonctions. Tous les membres sont liés les uns aux autres, particulièrement à ceux qui souffrent, sont pauvres et persécutés.
807 LÉglise est ce Corps dont le Christ est la Tête : elle vit de Lui, en Lui et pour Lui ; Il vit avec elle et en elle.
808 LÉglise est lÉpouse du Christ : Il la aimée et sest livré pour elle. Il la purifiée par son sang. Il a fait delle la Mère féconde de tous les fils de Dieu.
809 LÉglise est le Temple de lEsprit Saint. LEsprit est comme lâme du Corps Mystique, principe de sa vie, de lunité dans la diversité et de la richesse de ses dons et charismes.
810 " Ainsi lÉglise universelle apparaît comme un Peuple qui tire son unité de lunité du Père et du Fils et de lEsprit Saint (S. Cyprien, Dom. orat. 23 : PL 4, 535C-536A) " (LG 4).
Paragraphe 3. LÉglise est une, sainte, catholique et apostolique
811 " Cest là lunique Église du Christ, dont nous professons dans le symbole quelle est une, sainte, catholique et apostolique " (LG 8). Ces quatre attributs, inséparablement liés entre eux (cf. DS 2888), indiquent des traits essentiels de lÉglise et de sa mission. LÉglise ne les tient pas delle-même ; cest le Christ qui, par lEsprit Saint, donne à son Église, dêtre une, sainte, catholique et apostolique, et cest Lui encore qui lappelle à réaliser chacune de ces qualités.
812 Seule la foi peut reconnaître que lÉglise tient ces propriétés de sa source divine. Mais leurs manifestations historiques sont des signes qui parlent aussi clairement à la raison humaine. " LÉglise, rappelle le premier Concile du Vatican, en raison de sa sainteté, de son unité catholique, de sa constance invaincue, est elle-même un grand et perpétuel motif de crédibilité et une preuve irréfragable de sa mission divine " (DS 3013).
I. LÉglise est une
" Le mystère sacré de lUnité de lÉglise " (UR 2)
813 LÉglise est une de par sa source : " De ce mystère, le modèle suprême et le principe est dans la trinité des personnes lunité dun seul Dieu Père, et Fils, en lEsprit Saint " (UR 2). LÉglise est une de par son Fondateur : " Car le Fils incarné en personne a réconcilié tous les hommes avec Dieu par sa Croix, rétablissant lunité de tous en un seul Peuple et un seul Corps " (GS 78, §3). LÉglise est une de par son " âme " : " LEsprit Saint qui habite dans les croyants, qui remplit et régit toute lÉglise, réalise cette admirable communion des fidèles et les unit tous si intimement dans le Christ, quil est le principe de lUnité de lÉglise " (UR 2). Il est donc de lessence même de lÉglise dêtre une :
Quel étonnant mystère ! Il y a un seul Père de lunivers, un seul Logos de lunivers et aussi un seul Esprit Saint, partout identique ; il y a aussi une seule vierge devenue mère, et jaime lappeler lÉglise (S. Clément dAlexandrie, pæd. 1, 6).
814 Dès lorigine, cette Église une se présente cependant avec une grande diversité qui provient à la fois de la variété des dons de Dieu et de la multiplicité des personnes qui les reçoivent. Dans lunité du Peuple de Dieu se rassemblent les diversités des peuples et des cultures. Entre les membres de lÉglise existe une diversité de dons, de charges, de conditions et de modes de vie ; " au sein de la communion de lÉglise il existe légitimement des Églises particulières, jouissant de leurs traditions propres " (LG 13). La grande richesse de cette diversité ne soppose pas à lunité de lÉglise. Cependant, le péché et le poids de ses conséquences menacent sans cesse le don de lunité. Aussi lapôtre doit-il exhorter à " garder lunité de lEsprit par le lien de la paix " (Ep 4, 3).
815 Quels sont ces liens de lunité ? " Par-dessus tout [cest] la charité, qui est le lien de la perfection " (Col 3, 14). Mais lunité de lÉglise pérégrinante est assurée aussi par des liens visibles de communion :
la profession dune seule foi reçue des apôtres ;
la célébration commune du culte divin, surtout des sacrements ;
la succession apostolique par le sacrement de lordre, maintenant la concorde fraternelle de la famille de Dieu (cf. UR 2 ; LG 14 ; CIC, can. 205).
816 " Lunique Église du Christ, (...) est celle que notre Sauveur, après sa Résurrection, remit à Pierre pour quil en soit le pasteur, quil lui confia, à lui et aux autres apôtres, pour la répandre et la diriger (...). Cette Église comme société constituée et organisée dans le monde est réalisée dans (subsistit in) lÉglise catholique gouvernée par le successeur de Pierre et les évêques qui sont en communion avec lui " (LG 8) :
Le Décret sur lcuménisme du deuxième Concile du Vatican explicite : " Cest, en effet, par la seule Église catholique du Christ, laquelle est moyen général de salut, que peut sobtenir toute la plénitude des moyens de salut. Car cest au seul collège apostolique, dont Pierre est le chef, que le Seigneur confia, selon notre foi, toutes les richesses de la Nouvelle Alliance, afin de constituer sur la terre un seul Corps du Christ auquel il faut que soient pleinement incorporés tous ceux qui, dune certaine façon, appartiennent déjà au Peuple de Dieu " (UR 3).
Les blessures de lunité
817 De fait, " dans cette seule et unique Église de Dieu apparurent dès lorigine certaines scissions, que lapôtre réprouve avec vigueur comme condamnables ; au cours des siècles suivants naquirent des dissensions plus amples, et des communautés considérables furent séparées de la pleine communion de lÉglise catholique, parfois de par la faute des personnes de lune et de lautre partie " (UR 3). Les ruptures qui blessent lunité du Corps du Christ (on distingue lhérésie, lapostasie et le schisme [cf. CIC, can. 751]) ne se font pas sans les péchés des hommes :
Où se trouve le péché, là aussi la multiplicité, là le schisme, là lhérésie, là le conflit ; mais où se trouve la vertu, là aussi lunité, là lunion qui faisait que tous les croyants navaient quun corps et une âme (Origène, hom. in Ezech. 9, 1).
818 Ceux qui naissent aujourdhui dans des communautés issues de telles ruptures " et qui vivent la foi au Christ, ne peuvent être accusés de péché de division, et lÉglise catholique les entoure de respect fraternel et de charité (...). Justifiés par la foi reçue au Baptême, incorporés au Christ, ils portent à juste titre le nom de chrétiens, et les fils de lÉglise catholique les reconnaissent à bon droit comme des frères dans le Seigneur " (UR 3).
819 Au surplus, " beaucoup déléments de sanctification et de vérité " (LG 8) existent en dehors des limites visibles de lÉglise catholique : " la parole de Dieu écrite, la vie de la grâce, la foi, lespérance et la charité, dautres dons intérieurs du Saint-Esprit et dautres éléments visibles " (UR 3 ; cf. LG 15). LEsprit du Christ se sert de ces Églises et communautés ecclésiales comme moyens de salut dont la force vient de la plénitude de grâce et de vérité que le Christ a confié à lÉglise catholique. Tous ces biens proviennent du Christ et conduisent à lui (cf. UR 3) et appellent par eux-mêmes " lunité catholique " (LG 8).
Vers lunité
820 Lunité, " le Christ la accordée à son Église dès le commencement. Nous croyons quelle subsiste de façon inamissible dans lÉglise catholique et nous espérons quelle saccroîtra de jour en jour jusquà la consommation des siècles " (UR 4). Le Christ donne toujours à son Église le don de lunité, mais lÉglise doit toujours prier et travailler pour maintenir, renforcer et parfaire lunité que le Christ veut pour elle. Cest pourquoi Jésus lui-même a prié à lheure de sa passion, et Il ne cesse de prier le Père pour lunité de ses disciples : " ... Que tous soient un. Comme Toi, Père, Tu es en Moi et Moi en Toi, queux aussi soient un en Nous, afin que le monde croie que Tu Mas envoyé " (Jn 17, 21). Le désir de retrouver lunité de tous les chrétiens est un don du Christ et un appel de lEsprit Saint (cf. UR 1).
821 Pour y répondre adéquatement sont exigés :
un renouveau permanent de lÉglise dans une fidélité plus grande à sa vocation. Cette rénovation est le ressort du mouvement vers lunité (cf. UR 6) ;
la conversion du cur " en vue de vivre plus purement selon lÉvangile " (cf. UR 7), car cest linfidélité des membres au don du Christ qui cause les divisions ;
la prière en commun, car " la conversion du cur et la sainteté de vie, unies aux prières publiques et privées pour lunité des chrétiens, doivent être regardées comme lâme de tout cuménisme et peuvent être à bon droit appelées cuménisme spirituel " (UR 8) ;
la connaissance réciproque fraternelle (cf. UR 9) ;
la formation cuménique des fidèles et spécialement des prêtres (cf. UR 10) ;
le dialogue entre les théologiens et les rencontres entre les chrétiens des différentes Églises et communautés (cf. UR 4 ; 9 ; 11) ;
la collaboration entre chrétiens dans les divers domaines du service des hommes (cf. UR 12).
822 Le souci de réaliser lunion " concerne toute lÉglise, fidèles et pasteurs " (UR 5). Mais il faut aussi " avoir conscience que ce projet sacré, la réconciliation de tous les chrétiens dans lunité dune seule et unique Église du Christ, dépasse les forces et les capacités humaines " Cest pourquoi nous mettons tout notre espoir " dans la prière du Christ pour lÉglise, dans lamour du Père à notre égard, et dans la puissance du Saint-Esprit " (UR 24).
II. LÉglise est sainte
823 " LÉglise (...) est aux yeux de la foi indéfectiblement sainte. En effet le Christ, Fils de Dieu, qui, avec le Père et lEsprit, est proclamé seul Saint, a aimé lÉglise comme son épouse, il sest livré pour elle afin de la sanctifier, il se lest unie comme son Corps et la comblée du don de lEsprit Saint pour la gloire de Dieu " (LG 39). LÉglise est donc " le Peuple saint de Dieu " (LG 12), et ses membres sont appelés " saints " (cf. Ac 9, 13 ; 1 Co 6, 1 ; 16, 1).
824 LÉglise, unie au Christ, est sanctifiée par Lui ; par Lui et en Lui elle devient aussi sanctifiante. " Toutes les uvres de lÉglise tendent comme à leur fin, à la sanctification des hommes dans le Christ et à la glorification de Dieu " (SC 10). Cest dans lÉglise quest déposée " la plénitude des moyens de salut " (UR 3). Cest en elle que " nous acquérons la sainteté par la grâce de Dieu " (LG 48).
825 " Sur terre, lÉglise est parée dune sainteté véritable, bien quimparfaite " (LG 48). En ses membres, la sainteté parfaite est encore à acquérir : " Pourvue de moyens salutaires dune telle abondance et dune telle grandeur, tous ceux qui croient au Christ, quels que soient leur condition et leur état de vie, sont appelés par Dieu chacun dans sa route, à une sainteté dont la perfection est celle même du Père " (LG 11).
826 La charité est lâme de la sainteté à laquelle tous sont appelés : " Elle dirige tous les moyens de sanctification, leur donne leur âme et les conduit à leur fin " (LG 42) :
Je compris que si lÉglise avait un corps, composé de différents membres, le plus nécessaire, le plus noble de tous ne lui manquait pas, je compris que lÉglise avait un Cur, et que ce Cur était brûlant damour. Je compris que lAmour seul faisait agir les membres de lÉglise, que si lAmour venait à séteindre, les apôtres nannonceraient plus lÉvangile, les Martyrs refuseraient de verser leur sang (...). Je compris que lAmour renfermait toutes les vocations, que lamour était tout, quil embrassait tous les temps et tous les lieux (...) en un mot, quil est éternel ! (Ste. Thérèse de lEnfant-Jésus, ms. autob. B 3v).
827 " Tandis que le Christ saint, innocent, sans tache, venu uniquement pour expier les péchés du peuple, na pas connu le péché, lÉglise, elle, qui renferme des pécheurs dans son propre sein, est donc à la fois sainte et appelée à se purifier, et poursuit constamment son effort de pénitence et de renouvellement " (LG 8 ; cf. UR 3 ; 6). Tous les membres de lÉglise, ses ministres y compris, doivent se reconnaître pécheurs (cf. 1 Jn 1, 8-10). En tous, livraie du péché se trouve encore mêlée au bon grain de lÉvangile jusquà la fin des temps (cf. Mt 13, 24-30). LÉglise rassemble donc des pécheurs saisis par le salut du Christ mais toujours en voie de sanctification :
LÉglise est sainte tout en comprenant en son sein des pécheurs, parce quelle na elle-même dautre vie que celle de la grâce : cest en vivant de sa vie que ses membres se sanctifient ; cest en se soustrayant à sa vie quils tombent dans les péchés et les désordres qui empêchent le rayonnement de sa sainteté. Cest pourquoi elle souffre et fait pénitence pour ces fautes, dont elle a le pouvoir de guérir ses enfants par le sang du Christ et le don de lEsprit Saint (SPF 19).
828 En canonisant certains fidèles, cest-à-dire en proclamant solennellement que ces fidèles ont pratiqué héroïquement les vertus et vécu dans la fidélité à la grâce de Dieu, lÉglise reconnaît la puissance de lEsprit de sainteté qui est en elle et elle soutient lespérance des fidèles en les leur donnant comme modèles et intercesseurs (cf. LG 40 ; 48-51). " Les saints et les saintes ont toujours été source et origine de renouvellement dans les moments les plus difficiles de lhistoire de lÉglise " (CL 16, 3). En effet, " la sainteté est la source secrète et la mesure infaillible de son activité apostolique et de son élan missionnaire " (CL 17, 3).
829 " En la personne de la bienheureuse Vierge lÉglise atteint déjà à la perfection qui la fait sans tache ni ride. Les fidèles du Christ, eux, sont encore tendus dans leur effort pour croître en sainteté par la victoire sur le péché : cest pourquoi ils lèvent leurs yeux vers Marie " (LG 65) : en elle, lÉglise est déjà la toute sainte.
III. LÉglise est Catholique
Que veut dire " catholique " ?
830 Le mot " catholique " signifie " universel " dans le sens de " selon la totalité " ou " selon lintégralité ". LÉglise est catholique dans un double sens :
Elle est catholique parce quen elle le Christ est présent. " Là où est le Christ Jésus, là est lÉglise Catholique " (S. Ignace dAntioche, Smyrn. 8, 2). En elle subsiste la plénitude du Corps du Christ uni à sa Tête (cf. Ep 1, 22-23), ce qui implique quelle reçoive de lui " la plénitude des moyens de salut " (AG 6) quIl a voulus : confession de foi droite et complète, vie sacramentelle intégrale et ministère ordonné dans la succession apostolique. LÉglise était, en ce sens fondamental, catholique au jour de la Pentecôte (cf. AG 4) et elle le sera toujours jusquau jour de la Parousie.
831 Elle est catholique parce quelle est envoyée en mission par le Christ à luniversalité du genre humain (cf. Mt 28, 19) :
Tous les hommes sont appelés à faire partie du Peuple de Dieu. Cest pourquoi ce Peuple, demeurant un et unique, est destiné à se dilater aux dimensions de lunivers entier et à toute la suite des siècles pour que saccomplisse ce que sest proposé la volonté de Dieu créant à lorigine la nature humaine dans lunité, et décidant de rassembler enfin dans lunité ses fils dispersés (...). Ce caractère duniversalité qui brille sur le Peuple de Dieu est un don du Seigneur lui-même, grâce auquel lÉglise catholique, efficacement et perpétuellement, tend à récapituler lhumanité entière avec tout ce quelle comporte de biens sous le Christ chef, dans lunité de son Esprit (LG 13).
Chaque Église particulière est " catholique "
832 " LÉglise du Christ est vraiment présente en tous les légitimes groupements locaux de fidèles qui, unis à leurs pasteurs, reçoivent, dans le Nouveau Testament, eux aussi, le nom dÉglises (...). En elles, les fidèles sont rassemblés par la prédication de lÉvangile du Christ, le mystère de la Cène du Seigneur est célébré (...). Dans ces communautés, si petites et pauvres quelles puissent être souvent ou dispersées, le Christ est présent par la vertu de qui se constitue lÉglise une, sainte, catholique et apostolique " (LG 26).
833 On entend par Église particulière, qui est dabord le diocèse (ou léparchie), une communauté de fidèles chrétiens en communion dans la foi et les sacrements avec leur évêque ordonné dans la succession apostolique (cf. CD 11 ; CIC, can. 368-369 ; CCEO 177, 1 ; 178 ; 311, 1 ; 312). Ces Églises particulières " sont formées à limage de lÉglise universelle ; cest en elles et à partir delles quexiste lÉglise catholique une et unique " (LG 23).
834 Les Églises particulières sont pleinement catholiques par la communion avec lune dentre elles : lÉglise de Rome " qui préside à la charité " (S. Ignace dAntioche, Rom. 1, 1). " Car avec cette Église, en raison de son origine plus excellente doit nécessairement saccorder toute Église, cest-à-dire les fidèles de partout " (S. Irénée, hær. 3, 3, 2 : repris par Cc. Vatican I : DS 3057). " En effet, dès la descente vers nous du Verbe incarné, toutes les Églises chrétiennes de partout ont tenu et tiennent la grande Église qui est ici [à Rome] pour unique base et fondement parce que, selon les promesses mêmes du Sauveur, les portes de lenfer nont jamais prévalu sur elle " (S. Maxime le Confesseur, opusc. : PG 91, 137-140).
835 " LÉglise universelle ne doit pas être comprise comme une simple somme ou fédération déglises particulières. Mais cest bien plus lÉglise, universelle par vocation et mission, qui prend racine dans une variété de terrains culturels, sociaux et humains, prenant dans chaque partie du monde des aspects et des formes dexpression diverses " (EN 62). La riche variété de disciplines ecclésiastiques, de rites liturgiques, de patrimoines théologiques et spirituels propres aux Églises locales " montre avec plus déclat, par leur convergence dans lunité, la catholicité de lÉglise indivise " (LG 23).
Qui appartient à lÉglise catholique ?
836 " A lunité catholique du Peuple de Dieu (...) tous les hommes sont appelés ; à cette unité appartiennent sous diverses formes ou sont ordonnés, et les fidèles catholiques et ceux qui, par ailleurs, ont foi dans le Christ, et finalement tous les hommes sans exception que la grâce de Dieu appelle au salut " (LG 13) :
837 " Sont incorporés pleinement à la société quest lÉglise ceux qui, ayant lEsprit du Christ, acceptent intégralement son organisation et tous les moyens de salut institués en elle, et qui, en outre, grâce aux liens constitués par la profession de foi, les sacrements, le gouvernement ecclésiastique et la communion, sont unis, dans lensemble visible de lÉglise, avec le Christ qui la dirige par le Souverain Pontife et les évêques. Lincorporation à lÉglise, cependant, nassure pas le salut pour celui qui, faute de persévérer dans la charité, reste bien de corps au sein de lÉglise, mais non de cur "(LG 14).
838 " Avec ceux qui, étant baptisés, portent le beau nom de chrétiens sans professer pourtant intégralement la foi ou sans garder lunité de communion avec le successeur de Pierre, lÉglise se sait unie pour de multiples raisons " (LG 15). " Ceux qui croient au Christ et qui ont reçu validement le Baptême, se trouvent dans une certaine communion, bien quimparfaite, avec lÉglise catholique " (UR 3). Avec les Églises orthodoxes, cette communion est si profonde " quil lui manque bien peu pour quelle atteigne la plénitude autorisant une célébration commune de lEucharistie du Seigneur " (Paul VI, discours 14 décembre 1975 ; cf. UR 13-18).
LÉglise et les non-chrétiens
839 " Quant à ceux qui nont pas encore reçu lÉvangile, sous des formes diverses, eux aussi sont ordonnés au Peuple de Dieu " (LG 16) :
Le rapport de lÉglise avec le Peuple Juif. LÉglise, Peuple de Dieu dans la Nouvelle Alliance, découvre, en scrutant son propre mystère, son lien avec le Peuple Juif (cf. NA 4). " à qui Dieu a parlé en premier " (MR, Vendredi Saint 13 : oraison universelle VI). A la différence des autres religions non-chrétiennes la foi juive est déjà réponse à la révélation de Dieu dans lAncienne Alliance. Cest au Peuple Juif qu" appartiennent ladoption filiale, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses et les patriarches, lui de qui est né, selon la chair le Christ " (Rm 9, 4-5) car " les dons et lappel de Dieu sont sans repentance " (Rm 11, 29).
840 Par ailleurs, lorsque lon considère lavenir, le Peuple de Dieu de lAncienne Alliance et le nouveau Peuple de Dieu tendent vers des buts analogues : lattente de la venue (ou du retour) du Messie. Mais lattente est dun côté du retour du Messie, mort et ressuscité, reconnu comme Seigneur et Fils de Dieu, de lautre de la venue du Messie, dont les traits restent voilés, à la fin des temps, attente accompagnée du drame de lignorance ou de la méconnaissance du Christ Jésus.
841 Les relations de lÉglise avec les musulmans. " Le dessein de salut enveloppe également ceux qui reconnaissent le Créateur, en tout premier lieu les musulmans qui, en déclarant quils gardent la foi dAbraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, juge des hommes au dernier jour " (LG 16 ; cf. NA 3).
842 Le lien de lÉglise avec les religions non-chrétiennes est dabord celui de lorigine et de la fin communes du genre humain :
En effet, tous les peuples forment une seule communauté ; ils ont une seule origine, puisque Dieu a fait habiter toute la race humaine sur la face de la terre ; ils ont aussi une seule fin dernière, Dieu, dont la providence, les témoignages de bonté et les desseins de salut sétendent à tous, jusquà ce que les élus soient réunis dans la cité sainte (NA 1).
843 LÉglise reconnaît dans les autres religions la recherche, " encore dans les ombres et sous des images ", du Dieu inconnu mais proche puisque cest Lui qui donne à tous vie, souffle et toutes choses et puisquil veut que tous les hommes soient sauvés. Ainsi, lÉglise considère tout ce qui peut se trouver de bon et de vrai dans les religions " comme une préparation évangélique et comme un don de Celui qui illumine tout homme pour que, finalement, il ait la vie " (LG 16 ; cf. NA 2 ; EN 53).
844 Mais dans leur comportement religieux, les hommes montrent aussi des limites et des erreurs qui défigurent en eux limage de Dieu :
Bien souvent, trompés par le malin, ils se sont égarés dans leurs raisonnements, ils ont échangé la vérité de Dieu contre le mensonge, en servant la créature de préférence au Créateur ou bien vivant et mourant sans Dieu en ce monde, ils sont exposés à lextrême désespoir (LG 16).
845 Cest pour réunir de nouveau tous ses enfants que le péché a dispersés et égarés que le Père a voulu convoquer toute lhumanité dans lÉglise de son Fils. LÉglise est le lieu où lhumanité doit retrouver son unité et son salut. Elle est " le monde réconcilié " (S. Augustin, serm. 96, 7, 9 : PL 38, 588). Elle est ce navire qui " navigue bien en ce monde au souffle du Saint-Esprit sous la pleine voile de la Croix du Seigneur " (S. Ambroise, virg. 18, 118 : PL 16, 297B) ; selon une autre image chère aux Pères de lÉglise, elle est figurée par lArche de Noé qui seule sauve du déluge (cf. déjà 1 P 3, 20-21).
" Hors de lÉglise point de salut "
846 Comment faut-il entendre cette affirmation souvent répétée par les Pères de lÉglise ? Formulée de façon positive, elle signifie que tout salut vient du Christ-Tête par lÉglise qui est son Corps :
Appuyé sur la Sainte Écriture et sur la Tradition, le Concile enseigne que cette Église en marche sur la terre est nécessaire au salut. Seul, en effet, le Christ est médiateur et voie de salut : or, il nous devient présent en son Corps qui est lÉglise ; et en nous enseignant expressément la nécessité de la foi et du Baptême, cest la nécessité de lÉglise elle-même, dans laquelle les hommes entrent par la porte du Baptême, quil nous a confirmée en même temps. Cest pourquoi ceux qui refuseraient soit dentrer dans lÉglise catholique, soit dy persévérer, alors quils la sauraient fondée de Dieu par Jésus-Christ comme nécessaire, ceux-là ne pourraient être sauvés (LG 14).
847 Cette affirmation ne vise pas ceux qui, sans leur faute, ignorent le Christ et son Église :
En effet, ceux qui, sans faute de leur part, ignorent lÉvangile du Christ et son Église, mais cherchent pourtant Dieu dun cur sincère et sefforcent, sous linfluence de sa grâce, dagir de façon à accomplir sa volonté telle que leur conscience la leur révèle et la leur dicte, ceux-là peuvent arriver au salut éternel (LG 16 ; cf. DS 3866-3872).
848 " Bien que Dieu puisse par des voies connues de lui seul amener à la foi sans laquelle il est impossible de plaire à Dieu (He 11, 6) des hommes qui, sans faute de leur part, ignorent lÉvangile, lÉglise a le devoir en même temps que le droit sacré dévangéliser " (AG 7) tous les hommes.
La mission une exigence de la catholicité de lÉglise
849 Le mandat missionnaire. " Envoyée par Dieu aux nations pour être le sacrement universel du salut, lÉglise, en vertu des exigences intimes de sa propre catholicité et obéissant au commandement de son fondateur est tendue de tout son effort vers la prédication de lÉvangile à tous les hommes " (AG 1) : " Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je suis avec vous pour toujours, jusquà la fin du monde " (Mt 28, 19-20).
850 Lorigine et le but de la mission. Le mandat missionnaire du Seigneur a sa source ultime dans lamour éternel de la Très Sainte Trinité : " De par sa nature, lÉglise, durant son pèlerinage sur terre, est missionnaire, puisquelle-même tire son origine de la mission du Fils et de la mission du Saint-Esprit, selon le dessein de Dieu le Père " (AG 2). Et but dernier de la mission nest autre que de faire participer les hommes à la communion qui existe entre le Père et le Fils dans leur Esprit damour (cf. Jean-Paul II, RM 23).
851 Le motif de la mission.. Cest de lamour de Dieu pour tous les hommes que lÉglise a de tout temps tiré lobligation et la force de son élan missionnaire : " car lamour du Christ nous presse... " (2 Co 5, 14 ; cf. AA 6 ; RM 11). En effet, " Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité " (1 Tm 2, 4). Dieu veut le salut de tous par la connaissance de la vérité. Le salut se trouve dans la vérité. Ceux qui obéissent à la motion de lEsprit de vérité sont déjà sur le chemin du salut ; mais lÉglise à qui cette vérité a été confiée, doit aller à la rencontre de leur désir pour la leur apporter. Cest parce quelle croit au dessin universel de salut quelle doit être missionnaire.
852 Les chemins de la mission. " LEsprit Saint est le protagoniste de toute la mission ecclésiale " (RM 21). Cest lui qui conduit lÉglise sur les chemins de la mission. Celle-ci " continue et développe au cours de lhistoire la mission du Christ lui-même, qui fut envoyé pour annoncer aux pauvres la Bonne Nouvelle ; cest donc par la même route qua suivi le Christ lui-même que, sous la poussée de lEsprit du Christ, lÉglise doit marcher, cest-à-dire par la route de la pauvreté, de lobéissance, du service et de limmolation de soi jusquà la mort, dont il est sorti victorieux par sa résurrection " (AG 5). Cest ainsi que " le sang des martyrs est une semence de chrétiens " (Tertullien, apol. 50).
853 Mais dans son pèlerinage lÉglise fait aussi lexpérience de la " distance qui sépare le message quelle révèle et la faiblesse humaine de ceux auxquels cet Évangile est confié " (GS 43, § 6). Ce nest quen avançant sur le chemin " de la pénitence et du renouvellement " (LG 8 ; cf. 15) et " par la porte étroite de la Croix " (AG 1) que le Peuple de Dieu peut étendre le règne du Christ (cf. RM 12-20). En effet, " comme cest dans la pauvreté et la persécution que le Christ a opéré la Rédemption, lÉglise elle aussi est appelée à entrer dans cette même voie pour communiquer aux hommes les fruits du salut " (LG 8).
854
Par sa mission même " lÉglise fait route avec toute lhumanité et partage le sort terrestre du monde ; elle est comme le ferment et, pour ainsi dire, lâme de la société humaine appelée à être renouvelée dans le Christ et transformée en famille de Dieu " (GS 40, § 2). Leffort missionnaire exige donc la patience. Il commence par lannonce de lÉvangile aux peuples et aux groupes qui ne croient pas encore au Christ (cf. RM 42-47) ; il se poursuit dans létablissement de communautés chrétiennes qui soient des " signes de la présence de Dieu dans le monde " (AG 15), et dans la fondation dÉglises locales (cf. RM 48-49) ; il engage un processus dinculturation pour incarner lÉvangile dans les cultures des peuples (cf. RM 52-54) ; il ne manquera pas de connaître aussi des échecs. " En ce qui concerne les hommes, les groupes humains et les peuples, lÉglise ne les atteint et ne les pénètre que progressivement, et les assume ainsi dans la plénitude catholique " (AG 6).855 La mission de lÉglise appelle leffort vers lunité des chrétiens (cf. RM 50). En effet " les divisions entre chrétiens empêchent lÉglise de réaliser la plénitude de catholicité qui lui est propre en ceux de ses fils qui, certes, lui appartiennent par le Baptême, mais se trouvent séparés de sa pleine communion. Bien plus, pour lÉglise elle-même, il devient plus difficile dexprimer sous tous ses aspects la plénitude de la catholicité dans la réalité même de sa vie " (UR 4).
856 La tâche missionnaire implique un dialogue respectueux avec ceux qui nacceptent pas encore lÉvangile (cf. RM 55). Les croyants peuvent tirer profit pour eux-mêmes de ce dialogue en apprenant à mieux connaître " tout ce qui se trouvait déjà de vérité et de grâce chez les nations comme par une secrète présence de Dieu " (AG 9). Sils annoncent la Bonne Nouvelle à ceux qui lignorent, cest pour consolider, compléter et élever la vérité et le bien que Dieu a répandus parmi les hommes et les peuples, et pour les purifier de lerreur et du mal " pour la gloire de Dieu, la confusion du démon et le bonheur de lhomme " (AG 9).
IV. LÉglise est apostolique
857 LÉglise est apostolique parce quelle est fondée sur les apôtres, et ceci en un triple sens :
elle a été et demeure bâtie sur " le fondement des apôtres " (Ep 2, 20 ; Ap 21, 14), témoins choisis et envoyés en mission par le Christ lui-même (cf. Mt 28, 16-20 ; Ac 1, 8 ; 1 Co 9, 1 ; 15, 7-8 ; Ga 1, 1 ; etc.) ;
elle garde et transmet, avec laide de lEsprit qui habite en elle, lenseignement (cf. Ac 2, 42), le bon dépôt, les saines paroles entendues des apôtres (cf. 2 Tm 1, 13-14) ;
elle continue à être enseignée, sanctifiée et dirigée par les apôtres jusquau retour du Christ grâce à ceux qui leurs succèdent dans leur charge pastorale : le collège des évêques, " assisté par les prêtres, en union avec le successeur de Pierre, pasteur suprême de lÉglise " (AG 5) :
Père éternel, tu nabandonnes pas ton troupeau, mais tu le gardes par tes bienheureux apôtres sous ta constante protection. Tu le diriges encore par ces mêmes pasteurs qui continuent aujourdhui luvre de ton Fils (MR, Préface des apôtres).
La mission des apôtres
858 Jésus est lEnvoyé du Père. Dès le début de son ministère, il " appela à lui ceux quil voulut, et il en institua Douze pour être avec lui et pour les envoyer prêcher " (Mc 3, 13-14). Dès lors, ils seront ses " envoyés " (ce que signifie le mot grec apostoloi). En eux continue sa propre mission : " Comme le Père ma envoyé, moi aussi je vous envoie " (Jn 20, 21 ; cf. 13, 20 ; 17, 18). Leur ministère est donc la continuation de sa propre mission : " Qui vous accueille, Maccueille ", dit-il aux Douze (Mt 10, 40 ; cf. Lc 10, 16).
859 Jésus les unit à sa mission reçue du Père : comme " le Fils ne peut rien faire de Lui-même " (Jn 5, 19. 30), mais reçoit tout du Père qui la envoyé, ainsi ceux que Jésus envoie ne peuvent rien faire sans Lui (cf. Jn 15, 5) de qui ils reçoivent le mandat de mission et le pouvoir de laccomplir. Les apôtres du Christ savent donc quils sont qualifiés par Dieu comme " ministres dune alliance nouvelle " (2 Co 3, 6), " ministres de Dieu " (2 Co 6, 4), " en ambassade pour le Christ " (2 Co 5, 20), " serviteurs du Christ et dispensateurs des mystères de Dieu " (1 Co 4, 1).
860 Dans la charge des apôtres, il y a un aspect intransmissible : être les témoins choisis de la Résurrection du Seigneur et les fondements de lÉglise. Mais il y a aussi un aspect permanent de leur charge. Le Christ leur a promis de rester avec eux jusquà la fin des temps (cf. Mt 28, 20). " La mission divine confiée par Jésus aux apôtres est destinée à durer jusquà la fin des siècles, étant donné que lÉvangile quils doivent transmettre est pour lÉglise principe de toute sa vie, pour toute la durée du temps. Cest pourquoi les apôtres prirent soin dinstituer (...) des successeurs " (LG 20).
Les évêques successeurs des apôtres
861 " Pour que la mission qui leur avait été confiée pût se continuer après leur mort, les apôtres donnèrent mandat, comme par testament, à leurs coopérateurs immédiats dachever leur tâche et daffermir luvre commencée par eux, leur recommandant de prendre garde au troupeau dans lequel lEsprit Saint les avait institués pour paître lÉglise de Dieu. Ils instituèrent donc des hommes de ce genre, et disposèrent par la suite quaprès leur mort dautres hommes éprouvés recueilleraient leur ministère " (LG 20 ; cf. S. Clément de Rome, Cor. 42 ; 44).
862 " De même que la charge confiée personnellement par le Seigneur à Pierre, le premier des apôtres, et destinée à être transmise à ses successeurs, constitue une charge permanente, permanente est également la charge confiée aux apôtres dêtre les pasteurs de lÉglise, charge dont lordre sacré des évêques doit assurer la pérennité ". Cest pourquoi lÉglise enseigne que " les évêques, en vertu de linstitution divine, succèdent aux apôtres, comme pasteurs de lÉglise, en sorte que, qui les écoute, écoute le Christ, qui les rejette, rejette le Christ et celui qui a envoyé le Christ " (LG 20).
Lapostolat
863 Toute lÉglise est apostolique en tant quelle demeure, à travers les successeurs de S. Pierre et des apôtres, en communion de foi et de vie avec son origine. Toute lÉglise est apostolique en tant quelle est " envoyée " dans le monde entier ; tous les membres de lÉglise, toutefois de diverses manières, ont part à cet envoi. " La vocation chrétienne est aussi par nature vocation à lapostolat ". On appelle " apostolat " " toute activité du Corps mystique " qui tend à " étendre le règne du Christ à toute la terre " (AA 2).
864 " Le Christ envoyé par le Père étant la source et lorigine de tout lapostolat de lÉglise ", il est évident que la fécondité de lapostolat, celui des ministres ordonnés comme celui des laïcs, dépend de leur union vitale avec le Christ (cf. Jn 15, 5 ; AA 5). Selon les vocations, les appels du temps, les dons variés du Saint-Esprit, lapostolat prend les formes les plus diverses. Mais cest toujours la charité, puisée surtout dans lEucharistie, " qui est comme lâme de tout apostolat " (AA 3).
865 LÉglise est une, sainte, catholique et apostolique dans son identité profonde et ultime, parce que cest en elle quexiste déjà et sera accompli à la fin des temps " le Royaume des cieux ", " le Règne de Dieu " (cf. Ap 19, 6), advenu dans la Personne du Christ et grandissant mystérieusement au cur de ceux qui Lui sont incorporés, jusquà sa pleine manifestation eschatologique. Alors tous les hommes rachetés par Lui, rendus en lui " saints et immaculés en présence de Dieu dans lAmour " (cf. Ep 1, 4), seront rassemblés comme lunique Peuple de Dieu, " lÉpouse de lAgneau " (Ap 21, 9), " la Cité Sainte descendant du Ciel, de chez Dieu, avec en elle la Gloire de Dieu " (Ap 21, 10-11) ; et " le rempart de la ville repose sur les douze assises portant chacune le nom de lun des douze apôtres de lAgneau " (Ap 21, 14).
En bref
866 LÉglise est une : Elle a un seul Seigneur, elle confesse une seule foi, elle naît dun seul Baptême, elle ne forme quun Corps, vivifié par un seul Esprit, en vue dune unique espérance (cf. Ep 4, 3-5) au terme de laquelle seront surmontées toutes les divisions.
867 LÉglise est sainte : Le Dieu très saint est son auteur ; le Christ, son Époux, sest livré pour elle pour la sanctifier ; lEsprit de sainteté la vivifie. Encore quelle comprenne des pécheurs, elle est " la sans-péché faite de pécheurs ". Dans les saints brille sa sainteté ; en Marie elle est déjà la toute sainte.
868 LÉglise est catholique : Elle annonce la totalité de la foi ; elle porte en elle et administre la plénitude des moyens de salut ; elle est envoyée à tous les peuples ; elle sadresse à tous les hommes ; elle embrasse tous les temps ; " elle est, de par sa nature même, missionnaire " (AG 2).
869 LÉglise est apostolique : Elle est bâtie sur des assises durables : " les douze apôtres de lAgneau " (Ap 21, 14) ; elle est indestructible (cf. Mt 16, 18) ; elle est infailliblement tenue dans la vérité : le Christ la gouverne par Pierre et les autres apôtres, présents en leurs successeurs, le Pape et le collège des évêques.
870 " Lunique Église du Christ, dont nous professons dans le Symbole quelle est une, sainte, catholique et apostolique, (...) cest dans lÉglise catholique quelle existe, gouvernée par le successeur de Pierre et par les évêques qui sont en communion avec lui, encore que des éléments nombreux de sanctification et de vérité subsistent hors de ses structures " (LG 8).
Paragraphe 4. Les fideles du Christ Hiérarchie, laïcs, vie consacrée
871 " Les fidèles du Christ sont ceux qui, en tant quincorporés au Christ par le Baptême, sont constitués en peuple de Dieu et qui, pour cette raison, participant à leur manière à la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ, sont appelés à exercer, chacun selon sa condition propre, la mission que Dieu a confiée à lÉglise pour quelle laccomplisse dans le monde " (CIC, can. 204, §1 ; cf. LG 31).
872 " Entre tous les fidèles du Christ, du fait de leur régénération dans le Christ, il existe, quant à la dignité et à lactivité, une véritable égalité en vertu de laquelle tous coopèrent à lédification du Corps du Christ, selon la condition et la fonction propre de chacun " (CIC, can. 208 ; cf. LG 32).
873 Les différences mêmes que le Seigneur a voulu mettre entre les membres de son Corps servent son unité et sa mission. Car " il y a dans lÉglise diversité de ministères, mais unité de mission. Le Christ a confié aux apôtres et à leurs successeurs la charge denseigner, de sanctifier et de gouverner en son nom et par son pouvoir. Mais les laïcs rendus participants de la charge sacerdotale, prophétique et royale du Christ assument, dans lÉglise et dans le monde, leur part dans ce qui est la mission du Peuple de Dieu tout entier " (AA 2). Enfin il y a " des fidèles qui appartiennent à lune et lautre catégorie [hiérarchie et laïcs] et qui, par la profession des conseils évangéliques (...) sont consacrés à Dieu et concourent à la mission salvatrice de lÉglise à leur manière propre " (CIC, can. 207, § 2).
I. La constitution hiérarchique de lÉglise
Pourquoi le ministère ecclésial ?
874 Le Christ est lui-même la source du ministère dans lÉglise. Il la instituée, lui a donné autorité et mission, orientation et finalité :
Le Christ Seigneur, pour assurer au Peuple de Dieu des pasteurs et les moyens de sa croissance, a institué dans son Église des ministères variés qui tendent au bien de tout le corps. En effet, les ministres qui disposent du pouvoir sacré, sont au service de leurs frères, pour que tous ceux qui appartiennent au Peuple de Dieu (...) parviennent au salut (LG 18).
875 " Comment croire sans dabord entendre ? Et comment entendre sans prédicateur ? Et comment prêcher sans être dabord envoyé ? " (Rm 10, 14-15). Personne, aucun individu ni aucune communauté, ne peut sannoncer à lui-même lÉvangile. " La foi vient de lécoute " (Rm 10, 17). Personne ne peut se donner lui-même le mandat et la mission dannoncer lÉvangile. Lenvoyé du Seigneur parle et agit non pas par autorité propre, mais en vertu de lautorité du Christ ; non pas comme membre de la communauté, mais parlant à elle au nom du Christ. Personne ne peut se conférer à lui-même la grâce, elle doit être donnée et offerte. Cela suppose des ministres de la grâce, autorisés et habilités de la part du Christ. De Lui, les évêques et les prêtres reçoivent la mission et la faculté (le " pouvoir sacré ") dagir in persona Christi Capitis, les Diacres, la force de servir le peuple de Dieu dans la " diaconie " de la liturgie, de la parole et de la charité, en communion avec lévêque et son presbytérium. Ce ministère, dans lequel les envoyés du Christ font et donnent par don de Dieu ce quils ne peuvent faire et donner deux-mêmes, la tradition de lÉglise lappelle " sacrement ". Le ministère de lÉglise est conféré par un sacrement propre.
876 Intrinsèquement lié à la nature sacramentelle du ministère ecclésial est son caractère de service. En effet, entièrement dépendant du Christ qui donne mission et autorité, les ministres sont vraiment " esclaves du Christ " (Rm 1, 1), à limage du Christ qui a pris librement pour nous " la forme desclave " (Ph 2, 7). Parce que la parole et la grâce dont ils sont les ministres ne sont pas les leurs, mais celles du Christ qui les leurs a confiées pour les autres, ils se feront librement esclaves de tous (cf. 1 Co 9, 19).
877 De même, il est de la nature sacramentelle du ministère ecclésial quil ait un caractère collégial. En effet, dès le début de son ministère, le Seigneur Jésus institua les Douze, " les germes du Nouvel Israël et en même temps lorigine de la hiérarchie sacrée " (AG 5). Choisis ensemble, ils sont aussi envoyés ensemble, et leur unité fraternelle sera au service de la communion fraternelle de tous les fidèles ; elle sera comme un reflet et un témoignage de la communion des personnes divines (cf. Jn 17, 21-23). Pour cela, tout évêque exerce son ministère au sein du collège épiscopal, en communion avec lévêque de Rome, successeur de S. Pierre et chef du collège ; les prêtres exercent leur ministère au sein du presbyterium du diocèse, sous la direction de leur évêque.
878 Enfin il est de la nature sacramentelle du ministère ecclésial quil ait un caractère personnel. Si les ministres du Christ agissent en communion, ils agissent toujours aussi de façon personnelle. Chacun est appelé personnellement : " Toi, suis-moi " (Jn 21, 22 ; cf. Mt 4, 19. 21 ; Jn 1, 43) pour être, dans la mission commune, témoin personnel, portant personnellement responsabilité devant Celui qui donne la mission, agissant " en Sa personne " et pour des personnes : " Je te baptise au nom du Père... " ; " Je te pardonne... ".
879 Le ministère sacramentel dans lÉglise est donc un service exercé au nom du Christ. Il a un caractère personnel et une forme collégiale. Cela se vérifie dans les liens entre le collège épiscopal et son chef, le successeur de S. Pierre, et dans le rapport entre la responsabilité pastorale de lévêque pour son Église particulière et la sollicitude commune du collège épiscopal pour lÉglise Universelle.
Le collège épiscopal et son chef, le Pape
880 Le Christ, en instituant les Douze, " leur donna la forme dun collège, cest-à-dire dun groupe stable, et mit à leur tête Pierre, choisi parmi eux " (LG 19). " De même que S. Pierre et les autres apôtres constituent, de par linstitution du Seigneur, un seul collège apostolique, semblablement le Pontife romain, successeur de Pierre et les évêques, successeurs des apôtres, forment entre eux un tout " (LG 22 ; cf. CIC, can. 330).
881 Le Seigneur a fait du seul Simon, auquel Il donna le nom de Pierre, la pierre de son Église. Il lui en a remis les clefs (cf. Mt 16, 18-19) ; Il la institué pasteur de tout le troupeau (cf. Jn 21, 15-17). " Mais cette charge de lier et de délier qui a été donnée à Pierre a été aussi donnée, sans aucun doute, au collège des apôtres unis à leur chef " (LG 22). Cette charge pastorale de Pierre et des autres apôtres appartient aux fondements de lÉglise. Elle est continuée par les évêques sous la primauté du Pape.
882 Le Pape, évêque de Rome et successeur de S. Pierre, " est principe perpétuel et visible et fondement de lunité qui lie entre eux soit les évêques, soit la multitude des fidèles " (LG 23). " En effet, le Pontife romain a sur lÉglise, en vertu de sa charge de Vicaire du Christ et de Pasteur de toute lÉglise, un pouvoir plénier, suprême et universel quil peut toujours librement exercer " (LG 22 ; cf. CD 2 ; 9).
883 " Le collège ou corps épiscopal na dautorité que si on lentend comme uni au Pontife romain, comme à son chef ". Comme tel, ce collège est " lui aussi le sujet dun pouvoir suprême et plénier sur toute lÉglise, pouvoir cependant qui ne peut sexercer quavec le consentement du Pontife romain " (LG 22 ; cf. CIC, can. 336).
884 " Le Collège des Évêques exerce le pouvoir sur lÉglise tout entière de manière solennelle dans le Concile cuménique " (CIC, can. 337, §1). " Il ny a pas de Concile cuménique sil nest comme tel confirmé ou tout au moins accepté par le successeur de Pierre " (LG 22).
885 " Par sa composition multiple, ce collège exprime la variété et luniversalité du Peuple de Dieu ; il exprime, par son rassemblement sous un seul chef, lunité du troupeau du Christ " (LG 22).
886 " Les évêques sont, chacun pour sa part, principe et fondement de lunité dans leurs Églises particulières " (LG 23). Comme tels ils " exercent leur autorité pastorale sur la portion du Peuple de Dieu qui leur a été confiée " (LG 23), assistés des prêtres et des diacres. Mais, comme membres du collège épiscopal chacun dentre eux a part à la sollicitude pour toutes les Églises (cf. CD 3), quils exercent dabord " en gouvernant bien leur propre Église comme une portion de lÉglise universelle ", contribuant ainsi " au bien de tout le Corps mystique qui est aussi le Corps des Églises " (LG 23). Cette sollicitude sétendra particulièrement aux pauvres (cf. Ga 2, 10), aux persécutés pour la foi, ainsi quaux missionnaires qui uvrent sur toute la terre.
887 Les Églises particulières voisines et de culture homogène forment des provinces ecclésiastiques ou des ensembles plus vastes appelés patriarcats ou régions (cf. Canon des Apôtres 34). Les évêques de ces ensembles peuvent se réunir en synodes ou en conciles provinciaux. " De même, les Conférences épiscopales peuvent, aujourdhui, contribuer de façon multiple et féconde à ce que lesprit collégial se réalise concrètement " (LG 23).
La charge denseigner
888 Les évêques, avec les prêtres, leurs coopérateurs, " ont pour première tâche dannoncer lÉvangile de Dieu à tous les hommes " (PO 4), selon lordre du Seigneur (cf. Mc 16, 15). Ils sont " les hérauts de la foi, qui amènent au Christ de nouveaux disciples, les docteurs authentiques " de la foi apostolique, " pourvus de lautorité du Christ " (LG 25).
889 Pour maintenir lÉglise dans la pureté de la foi transmise par les apôtres, le Christ a voulu conférer à son Église une participation à sa propre infaillibilité, Lui qui est la Vérité. Par le " sens surnaturel de la foi ", le Peuple de Dieu " sattache indéfectiblement à la foi ", sous la conduite du Magistère vivant de lÉglise (cf. LG 12 ; DV 10).
890 La mission du Magistère est liée au caractère définitif de lalliance instaurée par Dieu dans le Christ avec son Peuple ; il doit le protéger des déviations et des défaillances, et lui garantir la possibilité objective de professer sans erreur la foi authentique. La charge pastorale du Magistère est ainsi ordonnée à veiller à ce que le Peuple de Dieu demeure dans la vérité qui libère. Pour accomplir ce service, le Christ a doté les pasteurs du charisme dinfaillibilité en matière de foi et de murs. Lexercice de ce charisme peut revêtir plusieurs modalités :
891 " De cette infaillibilité, le Pontife romain, chef du collège des évêques, jouit du fait même de sa charge quand, en tant que pasteur et docteur suprême de tous les fidèles, et chargé de confirmer ses frères dans la foi, il proclame, par un acte définitif, un point de doctrine touchant la foi et les murs (...). Linfaillibilité promise à lÉglise réside aussi dans le corps des évêques quand il exerce son Magistère suprême en union avec le successeur de Pierre ", surtout dans un Concile cuménique (LG 25 ; cf. Vatican I : DS 3074). Lorsque par son Magistère suprême, lÉglise propose quelque chose " à croire comme étant révélé par Dieu " (DV 10) et comme enseignement du Christ, " il faut adhérer dans lobéissance de la foi à de telles définitions " (LG 25). Cette infaillibilité sétend aussi loin que le dépôt lui-même de la Révélation divine (cf. LG 25).
892 Lassistance divine est encore donnée aux successeurs des apôtres, enseignant en communion avec le successeur de Pierre, et, dune manière particulière, à lévêque de Rome, Pasteur de toute lÉglise, lorsque, sans arriver à une définition infaillible et sans se prononcer dune " manière définitive ", ils proposent dans lexercice du Magistère ordinaire un enseignement qui conduit à une meilleure intelligence de la Révélation en matière de foi et de murs. A cet enseignement ordinaire les fidèles doivent " donner lassentiment religieux de leur esprit " (LG 25) qui, sil se distingue de lassentiment de la foi, le prolonge cependant.
La charge de sanctifier
893 Lévêque porte aussi " la responsabilité de dispenser la grâce du suprême sacerdoce " (LG 26), en particulier dans lEucharistie quil offre lui-même ou dont il assure loblation par les prêtres, ses coopérateurs. Car lEucharistie est le centre de la vie de lÉglise particulière. Lévêque et les prêtres sanctifient lÉglise par leur prière et leur travail, par le ministère de la parole et des sacrements. Ils la sanctifient par leur exemple, " non pas en faisant les seigneurs à légard de ceux qui vous sont échus en partage, mais en devenant les modèles du troupeau " (1 P 5, 3). Cest ainsi " quils parviennent, avec le troupeau qui leur est confié, à la vie éternelle " (LG 26).
La charge de régir
894 " Les évêques dirigent leurs Églises particulières comme vicaires et légats du Christ par leurs conseils, leurs encouragements, leurs exemples, mais aussi par leur autorité et par lexercice de leur pouvoir sacré " (LG 27), quils doivent cependant exercer pour édifier, dans lesprit de service qui est celui de leur Maître (cf. Lc 22, 26-27).
895 " Ce pouvoir quils exercent personnellement au nom du Christ est un pouvoir propre, ordinaire et immédiat : il est soumis cependant dans son exercice à la régulation dernière de lautorité suprême de lÉglise " (LG 27). Mais on ne doit pas considérer les évêques comme des vicaires du Pape dont lautorité ordinaire et immédiate sur toute lÉglise nannule pas, mais au contraire confirme et défend la leur. Celle-ci doit sexercer en communion avec toute lÉglise sous la conduite du Pape.
896 Le Bon Pasteur sera le modèle et la " forme " de la charge pastorale de lévêque. Conscient de ses faiblesses, " lévêque peut se montrer indulgent envers les ignorants et les égarés. Quil ne répugne pas à écouter ceux qui dépendent de lui, les entourant comme de vrais fils (...). Quant aux fidèles, ils doivent sattacher à leur évêque comme lÉglise à Jésus-Christ et comme Jésus-Christ à son Père " (LG 27) :
Suivez tous lévêque, comme Jésus-Christ [suit] son Père, et le presbytérium comme les apôtres ; quant aux diacres, respectez-les comme la loi de Dieu. Que personne ne fasse en dehors de lévêque rien de ce qui regarde lÉglise (S. Ignace dAntioche, Smyrn. 8, 1).
II. Les fidèles laïcs
897 " Sous le nom de laïcs, on entend ici lensemble des chrétiens excepté les membres de lordre sacré et de létat religieux reconnu par lÉglise, cest-à-dire les chrétiens qui, étant incorporés au Christ par le baptême, intégrés au Peuple de Dieu, faits participants à leur manière de la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ, exercent pour leur part, dans lÉglise et dans le monde, la mission qui est celle de tout le peuple chrétien " (LG 31).
La vocation des laïcs
898 " La vocation propre des laïcs consiste à chercher le règne de Dieu précisément à travers la gérance des choses temporelles quils ordonnent selon Dieu (...). Cest à eux quil revient, dune manière particulière, déclairer et dorienter toutes les réalités temporelles auxquelles ils sont étroitement unis, de telle sorte quelles se fassent et prospèrent constamment selon le Christ et soient à la louange du Créateur et Rédempteur " (LG 31).
899 Linitiative des chrétiens laïcs est particulièrement nécessaire lorsquil sagit de découvrir, dinventer des moyens pour imprégner les réalités sociales, politiques, économiques, les exigences de la doctrine et de la vie chrétiennes. Cette initiative est un élément normal de la vie de lÉglise :
Les fidèles laïcs se trouvent sur la ligne la plus avancée de la vie de lÉglise ; par eux, lÉglise est le principe vital de la société. Cest pourquoi eux surtout doivent avoir une conscience toujours plus claire, non seulement dappartenir à lÉglise, mais dêtre lÉglise, cest-à-dire la communauté des fidèles sur la terre sous la conduite du Chef commun, le Pape, et des Évêques en communion avec lui. Ils sont lÉglise (Pie XII, discours 20 février 1946 : cité par Jean-Paul II, CL 9).
900 Parce que, comme tous les fidèles, ils sont chargés par Dieu de lapostolat en vertu du baptême et de la confirmation, les laïcs sont tenus par lobligation et jouissent du droit, individuellement ou groupés en associations, de travailler à ce que le message divin du salut soit connu et reçu par tous les hommes et par toute la terre ; cette obligation est encore plus pressante lorsque ce nest que par eux que les hommes peuvent entendre lÉvangile et connaître le Christ. Dans les communautés ecclésiales, leur action est si nécessaire que, sans elle, lapostolat des pasteurs ne peut, la plupart du temps, obtenir son plein effet (cf. LG 33)..
La participation des laïcs à la charge sacerdotale du Christ
901 " Les laïcs, en vertu de leur consécration au Christ et de lonction de lEsprit Saint, reçoivent la vocation admirable et les moyens qui permettent à lEsprit de produire en eux des fruits toujours plus abondants. En effet, toutes leurs activités, leurs prières et leurs entreprises apostoliques, leur vie conjugale et familiale, leurs labeurs quotidiens, leurs détentes desprit et de corps, sils sont vécus dans lEsprit de Dieu, et même les épreuves de la vie, pourvu quelles soient patiemment supportées, tout cela devient offrande spirituelle, agréable à Dieu par Jésus-Christ (1 P 2, 5) ; et dans la célébration eucharistique, ces offrandes rejoignent loblation du Corps du Seigneur pour être offertes en toute piété au Père. Cest ainsi que les laïcs consacrent à Dieu le monde lui-même, rendant partout à Dieu dans la sainteté de leur vie un culte dadoration " (LG 34 ; cf. LG 10).
902 De façon particulière, les parents participent de la charge de sanctification " lorsquils mènent une vie conjugale selon lesprit chrétien et procurent à leurs enfants une éducation chrétienne " (CIC, can. 835, § 4).
903 Les laïcs, sils ont les qualités requises, peuvent être admis de manière stable aux ministères de lecteurs et dacolyte (cf. CIC, can. 230, § 1). " Là où le besoin de lÉglise le demande par défaut de ministres, les laïcs peuvent aussi, même sils ne sont ni lecteurs ni acolytes, suppléer à certaines de leurs fonctions, à savoir exercer le ministère de la parole, présider les prières liturgiques, conférer le baptême et distribuer la sainte communion, selon les dispositions du droit " (CIC, can. 230, § 3).
Leur participation à la charge prophétique du Christ
904 " Le Christ (...) accomplit sa fonction prophétique non seulement par la hiérarchie (...) mais aussi par les laïcs dont il fait pour cela des témoins en les pourvoyant du sens de la foi et de la grâce de la parole " (LG 35) :
Enseigner quelquun pour lamener à la foi est la tâche de chaque prédicateur et même de chaque croyant (S. Thomas dA., s. th. 3 71, 4, ad 3).
905 Leur mission prophétique, les laïcs laccomplissent aussi par lévangélisation, " cest-à-dire lannonce du Christ faite par le témoignage de la vie et par la parole ". Chez les laïcs, " cette action évangélisatrice (...) prend un caractère spécifique et une particulière efficacité du fait quelle saccomplit dans les conditions communes du siècle " (LG 35) :
Cet apostolat ne consiste pas dans le seul témoignage de la vie : le véritable apôtre cherche les occasions dannoncer le Christ par la parole, soit aux incroyants (...), soit aux fidèles (AA 6 ; cf. AG 15).
906 Ceux dentre les fidèles laïcs qui en sont capables et qui sy forment peuvent aussi prêter leur concours à la formation catéchétique (cf. CIC, can. 774 ; 776 ; 780), à lenseignement des sciences sacrées (cf. CIC, can. 229), aux moyens de communication sociale (cf. CIC, can. 823, § 1).
907 " Selon le devoir, la compétence et le prestige dont ils jouissent, ils ont le droit et même parfois le devoir de donner aux Pasteurs sacrés leur opinion sur ce qui touche le bien de lÉglise et de la faire connaître aux autres fidèles, restant sauves lintégrité de la foi et des murs et la révérence due aux pasteurs, et tenant compte de lutilité commune et de la dignité des personnes " (CIC, can. 212, § 3).
Leur participation à la charge royale du Christ
908 Par son obéissance jusquà la mort (cf. Ph 2, 8-9), le Christ a communiqué à ses disciples le don de la liberté royale, " pour quils arrachent au péché son empire en eux-mêmes par leur abnégation et la sainteté de leur vie " (LG 36) :
Celui qui soumet son propre corps et régit son âme, sans se laisser submerger par les passions est son propre maître : il peut être appelé roi parce quil est capable de régir sa propre personne ; il est libre et indépendant et ne se laisse captiver par un esclavage coupable (S. Ambroise, Psal. 118, 14, 30 : PL 15, 1403A).
909 " Que les laïcs, en outre, unissant leurs forces, apportent aux institutions et aux conditions de vie dans le monde, quand elles provoquent au péché, les assainissements convenables, pour quelles deviennent toutes conformes aux règles de la justice et favorisent lexercice de la vertu au lieu dy faire obstacle. En agissant ainsi ils imprègnent de valeur morale la culture et les uvres humaines " (LG 36).
910 " Les laïcs peuvent aussi se sentir appelés ou être appelés à collaborer avec les pasteurs au service de la communauté ecclésiale, pour la croissance et la vie de celle-ci, exerçant des ministères très diversifiés, selon la grâce et les charismes que le Seigneur voudra bien déposer en eux " (EN 73).
911 Dans lÉglise, " les fidèles laïcs peuvent coopérer selon le droit à lexercice du pouvoir de gouvernement " (CIC, can. 129, § 2). Ainsi de leur présence dans les Conseils particuliers (can. 443, § 4), les Synodes diocésains (can. 463, §§ 1. 2), les Conseils pastoraux (can. 511 ; 536) ; dans lexercice de la charge pastorale dune paroisse (can. 517, § 2) ; la collaboration aux Conseils des affaires économiques (can. 492, § 1 ; 536) ; la participation aux tribunaux ecclésiastiques (can. 1421, § 2), etc.
912 Les fidèles doivent " distinguer avec soin entre les droits et devoirs qui leur incombent en tant que membres de lÉglise et ceux qui leur reviennent comme membres de la société humaine. Quils sefforcent daccorder harmonieusement les uns et les autres entre eux, se souvenant que la conscience chrétienne doit être leur guide en tous domaines temporels, car aucune activité humaine, fut-elle dordre temporel, ne peut être soustraite à lempire de Dieu " (LG 36).
913 " Ainsi tout laïc, en vertu des dons qui lui ont été faits, constitue un témoin et en même temps un instrument vivant de la mission de lÉglise elle-même à la mesure du don du Christ (Ep 4, 7) " (LG 33).
III. La vie consacrée
914 " Létat de vie constitué par la profession des conseils évangéliques, sil ne concerne pas la structure hiérarchique de lÉglise, appartient cependant sans conteste à sa vie et à sa sainteté " (LG 44).
Conseils évangéliques, vie consacrée
915 Les conseils évangéliques sont, dans leur multiplicité, proposés à tout disciple du Christ. La perfection de la charité à laquelle tous les fidèles sont appelés comporte pour ceux qui assument librement lappel à la vie consacrée, lobligation de pratiquer la chasteté dans le célibat pour le Royaume, la pauvreté et lobéissance. Cest la profession de ces conseils dans un état de vie stable reconnu par lÉglise, qui caractérise la " vie consacrée " à Dieu (cf. LG 42-43 ; PC 1).
916 Létat de la vie consacrée apparaît dès lors comme lune des manières de connaître une consécration " plus intime ", qui senracine dans le Baptême et dédie totalement à Dieu (cf. PC 5). Dans la vie consacrée, les fidèles du Christ se proposent, sous la motion de lEsprit Saint, de suivre le Christ de plus près, de se donner à Dieu aimé par-dessus tout et, poursuivant la perfection de la charité au service du Royaume, de signifier et dannoncer dans lÉglise la gloire du monde à venir (cf. CIC, can. 573).
Un grand arbre, de multiples rameaux
917 " Comme un arbre qui se ramifie de façons admirables et multiples dans le champ du Seigneur, à partir dun germe semé par Dieu, ainsi se développèrent des formes variées de vie solitaire ou commune, des familles diverses dont le capital spirituel profite à la fois aux membres de ces familles et au bien de tout le Corps du Christ " (LG 43).
918
" Dès les origines de lÉglise, il y eut des hommes et des femmes qui voulurent, par la pratique des conseils évangéliques, suivre plus librement le Christ et limiter plus fidèlement et qui, chacun à sa manière, menèrent une vie consacrée à Dieu. Beaucoup parmi eux, sous limpulsion du Saint-Esprit, vécurent dans la solitude, ou bien fondèrent des familles religieuses que lÉglise accueillit volontiers et approuva de son autorité " (PC 1).919 Les évêques sefforceront toujours de discerner les nouveaux dons de vie consacrée confiés par lEsprit Saint à son Église ; lapprobation de nouvelles formes de vie consacrée est réservée au Siège Apostolique (cf. CIC, can. 605).
La vie érémitique
920 Sans toujours professer publiquement les trois conseils évangéliques, les ermites, " dans un retrait plus strict du monde, dans le silence de solitude, dans la prière assidue et la pénitence, vouent leur vie à la louange de Dieu et au salut du monde " (CIC, can. 603, § 1).
921 Ils montrent à chacun cet aspect intérieur du mystère de lÉglise quest lintimité personnelle avec le Christ. Cachée aux yeux des hommes, la vie de lermite est prédication silencieuse de Celui auquel il a livré sa vie, parce quIl est tout pour lui. Cest là un appel particulier à trouver au désert, dans le combat spirituel même, la gloire du Crucifié.
Les vierges et les veuves consacrées
922 Dès les temps apostoliques, des vierges (cf. 1 Co 7, 34-36) et des veuves chrétiennes (cf. Jean-Paul II, exh. ap. Vita Consecrata, 7), appelées par le Seigneur à sattacher à Lui sans partage dans une plus grande liberté de cur, de corps et desprit, ont pris la décision, approuvée par lÉglise, de vivre, respectivement, dans létat de la virginité ou de la chasteté perpétuelle " à cause du Royaume des cieux " (Mt 19, 12).
923 " Exprimant le propos sacré de suivre le Christ de plus près, [des vierges] sont consacrées à Dieu par lévêque diocésain selon le rite liturgique approuvé, sont épousées mystiquement par le Christ Fils de Dieu et sont vouées au service de lÉglise " (CIC, can. 604, § 1). Par ce rite solennel (Consecratio virginum), " la vierge est constituée personne consacrée, " signe transcendant de lamour de lÉglise envers le Christ, image eschatologique de cette Épouse du Ciel et de la vie future " (OCV prænotanda 1).
924 " Proche des autres formes de vie consacrée " (CIC, can. 604, § 1), lordre des vierges établit la femme vivant dans le monde (ou la moniale) dans la prière, la pénitence, le service de ses frères et le travail apostolique, selon létat et les charismes respectifs offerts à chacune (OCV prænotanda 2). Les vierges consacrées peuvent sassocier pour garder plus fidèlement leur propos (cf. CIC, can. 604, § 2).
La vie religieuse
925 Née en Orient dans les premiers siècles du christianisme (cf. UR 15) et vécue dans les instituts canoniquement érigés par lÉglise (cf. CIC, can. 573), la vie religieuse se distingue des autres formes de la vie consacrée par laspect cultuel, la profession publique des conseils évangéliques, la vie fraternelle menée en commun, le témoignage rendu à lunion du Christ et de lÉglise (cf. CIC, can. 607).
926 La vie religieuse relève du mystère de lÉglise. Elle est un don que lÉglise reçoit de son Seigneur et quelle offre comme un état de vie stable au fidèle appelé par Dieu dans la profession des conseils. Ainsi lÉglise peut-elle à la fois manifester le Christ et se reconnaître Épouse du Sauveur. La vie religieuse est invitée à signifier, sous ses formes variées, la charité même de Dieu, dans le langage de notre temps.
927 Tous les religieux, exempts ou non (cf. CIC, can. 591), prennent place parmi les coopérateurs de lévêque diocésain dans sa charge pastorale (cf. CD 33-35). Limplantation et lexpansion missionnaire de lÉglise requièrent la présence de la vie religieuse sous toutes ses formes dès les débuts de lévangélisation (cf. AG 18 ; 40). " Lhistoire atteste les grands mérites des familles religieuses dans la propagation de la foi et dans la formation de nouvelles Églises, depuis les antiques Institutions monastiques et les Ordres médiévaux jusquaux Congrégations modernes " (Jean-Paul II, RM 69).
Les instituts séculiers
928 " Linstitut séculier est un institut de vie consacrée où les fidèles vivant dans le monde tendent à la perfection de la charité et sefforcent de contribuer surtout de lintérieur à la sanctification du monde " (CIC, can. 710).
929 Par une " vie parfaitement et entièrement consacrée à [cette] sanctification " (Pie XII, const. ap. " Provida Mater "), les membres de ces instituts participent à la tâche dévangélisation de lÉglise, " dans le monde et à partir du monde ", où leur présence agit " à la manière dun ferment " (PC 11). Leur témoignage de vie chrétienne vise à ordonner selon Dieu les réalités temporelles et pénétrer le monde de la force de lÉvangile. Ils assument par des liens sacrés les conseils évangéliques et gardent entre eux la communion et la fraternité propres à leur mode de vie séculier (cf. CIC, can. 713).
Les sociétés de vie apostolique
930 Au côté des formes diverses de vie consacrée " prennent place les sociétés de vie apostolique dont les membres, sans les vux religieux, poursuivent la fin apostolique propre de leur société et, menant la vie fraternelle en commun, tendent, selon leur mode de vie propre, à la perfection de la charité par lobservation des constitutions. Il y a parmi elles des sociétés dont les membres assument les conseils évangéliques ", selon leurs constitutions (CIC, can. 731, §§ 1. 2).
Consécration et mission : annoncer le Roi qui vient
931 Livré à Dieu suprêmement aimé, celui que le Baptême avait déjà voué à Lui se trouve ainsi consacré plus intimement au service divin et dédié au bien de lÉglise. Par létat de consécration à Dieu, lÉglise manifeste le Christ et montre comment lEsprit Saint agit en elle de façon admirable. Ceux qui professent les conseils évangéliques ont donc dabord pour mission de vivre leur consécration. Mais puisquils se vouent au service de lÉglise en vertu même de leur consécration, ils sont tenus par obligation de travailler de manière spéciale à luvre missionnaire, selon le mode propre à leur Institut " (CIC, can. 783 ; cf. RM 69).
932 Dans lÉglise qui est comme le sacrement, cest-à-dire le signe et linstrument de la vie de Dieu, la vie consacrée apparaît comme un signe particulier du mystère de la Rédemption. Suivre et imiter le Christ " de plus près ", manifester " plus clairement " son anéantissement, cest se trouver " plus profondément " présent, dans le cur du Christ, à ses contemporains. Car ceux qui sont dans cette voie " plus étroite " stimulent leurs frères par leur exemple, ils rendent ce témoignage éclatant " que le monde ne peut être transfiguré et offert à Dieu sans lesprit des béatitudes " (LG 31).
933 Que ce témoignage soit public, comme dans létat religieux, ou plus discret, ou même secret, la venue du Christ demeure pour tous les consacrés lorigine et lorient de leur vie :
Comme le Peuple de Dieu na pas ici-bas de cité permanente, [cet état] (...) manifeste pour tous les croyants la présence, déjà dans ce siècle, des biens célestes ; il témoigne de la vie nouvelle et éternelle acquise par la Rédemption du Christ, il annonce la résurrection future et la gloire céleste (LG 44).
En bref
934 " Dinstitution divine, il y a dans lÉglise parmi les fidèles des ministres sacrés, qui en droit sont aussi appelés clercs ; quant aux autres, ils sont nommés laïcs ". Il y a enfin des fidèles qui appartiennent à lune et lautre catégorie et qui, par la profession des conseils évangéliques, se sont consacrés à Dieu et servent ainsi la mission de lÉglise (CIC, can. 207, § 1. 2).
935 Pour annoncer la foi et pour implanter son Règne, le Christ envoie ses apôtres et leurs successeurs. Il leur donne part à sa mission. De lui ils reçoivent le pouvoir dagir en sa personne.
936 Le Seigneur a fait de S. Pierre le fondement visible de son Église. Il lui en a remis les clefs. Lévêque de lÉglise de Rome, successeur de S. Pierre, est " le chef du Collège des Évêques, Vicaire du Christ et Pasteur de lÉglise toute entière sur cette terre " (CIC, can. 331).
937 Le Pape " jouit, par institution divine, du pouvoir suprême, plénier, immédiat, universel pour la charge des âmes " (CD 2).
938 Les évêques, établis par lEsprit Saint, succèdent aux apôtres. Ils sont, " chacun pour sa part, principe visible et fondement de lunité dans leurs Églises particulières " (LG 23).
939 Aidés des prêtres, leurs coopérateurs, et des diacres, les évêques ont la charge denseigner authentiquement la foi, de célébrer le culte divin, surtout lEucharistie, et de diriger leur Église en vrais pasteurs. A leur charge appartient aussi le souci de toutes les Églises, avec et sous le Pape.
940 " Le propre de létat des laïcs étant de mener leur vie au milieu du monde et des affaires profanes, ils sont appelés par Dieu à exercer leur apostolat dans le monde à la manière dun ferment, grâce à la vigueur de leur esprit chrétien " (AA 2).
941 Les laïcs participent au sacerdoce du Christ : de plus en plus unis à Lui, ils déploient la grâce du Baptême et de la Confirmation dans toutes les dimensions de la vie personnelle, familiale, sociale et ecclésiale, et réalisent ainsi lappel à la sainteté adressé à tous les baptisés.
942 Grâce à leur mission prophétique les laïcs " sont aussi appelés à être, en toute circonstance et au cur même de la communauté humaine, les témoins du Christ " (GS 43, § 4).
943 Grâce à leur mission royale, les laïcs ont le pouvoir darracher au péché son empire en eux-mêmes et dans le monde par leur abnégation et la sainteté de leur vie (cf. LG 36).
944 La vie consacrée à Dieu se caractérise par la profession publique des conseils évangéliques de pauvreté, de chasteté et dobéissance dans un état de vie stable reconnu par lÉglise.
945 Livré à Dieu suprêmement aimé, celui que le Baptême avait déjà destiné à Lui se trouve, dans létat de vie consacrée, voué plus intimement au service divin et dédié au bien de toute lÉglise.
Paragraphe 5. La communion des saints
946 Après avoir confessé " la sainte Église catholique ", le Symbole des apôtres ajoute " la communion des saints ". Cet article est, dune certaine façon, une explicitation du précédent : " Quest-ce que lÉglise sinon lassemblée de tous les saints ? " (Nicétas, symb. 10 : PL 52, 871B). La communion des saints est précisément lÉglise.
947 " Puisque tous les croyants forment un seul corps, le bien des uns est communiqué aux autres (...) Il faut de la sorte croire quil existe une communion des biens dans lÉglise. Mais le membre le plus important est le Christ, puisquIl est la tête (...) Ainsi, le bien du Christ est communiqué à tous les membres, et cette communication se fait par les sacrements de lÉglise " (S. Thomas dA., symb. 13). " Comme cette Église est gouvernée par un seul et même Esprit, tous les biens quelle a reçus deviennent nécessairement un fonds commun " (Catech. R. 1, 10, 24).
948 Le terme " communion des saints " a dès lors deux significations, étroitement liées : " communion aux choses saintes, sancta " et " communion entre les personnes saintes, sancti ".
" Sancta sanctis ! (Ce qui est saint pour ceux qui sont saints) " est proclamé par le célébrant dans la plupart des liturgies orientales lors de lélévation des saints Dons avant le service de la communion. Les fidèles (sancti) sont nourris du Corps et du Sang du Christ (sancta) afin de croître dans la communion de lEsprit Saint (Koinônia) et de la communiquer au monde.
I. La communion des biens spirituels
949 Dans la communauté primitive de Jérusalem, les disciples " se montraient assidus à lenseignement des apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières " (Ac 2, 42) :
La communion dans la foi. La foi des fidèles est la foi de lÉglise reçue des apôtres, trésor de vie qui senrichit en étant partagé.
950 La communion des sacrements. " Le fruit de tous les sacrements appartient à tous. Car les sacrements, et surtout le Baptême qui est comme la porte par laquelle les hommes entrent dans lÉglise, sont autant de liens sacrés qui les unissent tous et les attachent à Jésus-Christ. La communion des saints, cest la communion des sacrements (...). Le nom de communion peut sappliquer à chacun deux, car chacun deux nous unit à Dieu (...). Mais ce nom convient mieux à lEucharistie quà tout autre, parce que cest elle principalement qui consomme cette communion " (Catech. R. 1, 10, 24).
951 La communion des charismes : Dans la communion de lÉglise, lEsprit Saint " distribue aussi parmi les fidèles de tous ordres (...) les grâces spéciales " pour lédification de lÉglise (LG 12). Or, " à chacun la manifestation de lEsprit est donnée en vue du bien commun " (1 Co 12, 7).
952 " Ils mettaient tout en commun " (Ac 4, 32) : " Tout ce que le vrai chrétien possède, il doit le regarder comme un bien qui lui est commun avec tous, et toujours il doit être prêt et empressé à venir au secours de lindigent et de la misère du prochain " (Catech. R. 1, 10, 27). Le chrétien est un administrateur des biens du Seigneur (cf. Lc 16, 1. 3).
953 La communion de la charité : dans la sanctorum communio " nul dentre nous ne vit pour soi-même, comme nul ne meurt pour soi-même " (Rm 14, 7). " Un membre souffre-t-il ? tous les membres souffrent avec lui. Un membre est-il à lhonneur ? tous les membres prennent part à sa joie. Or vous êtes le Corps du Christ, et membres chacun pour sa part " (1 Co 12, 26-27). " La charité ne cherche pas ce qui est à elle " (1 Co 13, 5 ; cf. 10, 24). Le moindre de nos actes fait dans la charité retentit au profit de tous, dans cette solidarité avec tous les hommes, vivants ou morts, qui se fonde sur la communion des saints. Tout péché nuit à cette communion.
II. La communion de lÉglise du ciel et de la terre
954 Les trois états de lÉglise. " En attendant que le Seigneur soit venu dans sa majesté accompagné de tous les anges et que la mort détruite, tout lui soit soumis, les uns parmi ses disciples continuent sur terre leur pèlerinage ; dautres, ayant achevé leur vie, se purifient encore ; dautres enfin sont dans la gloire contemplant dans la pleine lumière, tel quil est, le Dieu un en trois Personnes " (LG 49) :
Tous cependant, à des degrés divers et sous des formes diverses, nous communions dans la même charité envers Dieu et envers le prochain, chantant à notre Dieu le même hymne de gloire. En effet, tous ceux qui sont du Christ et possèdent son Esprit, constituent une seule Église et se tiennent mutuellement comme un tout dans le Christ (LG 49).
955 " Lunion de ceux qui sont encore en chemin avec leurs frères qui se sont endormis dans la paix du Christ ne connaît pas la moindre intermittence ; au contraire, selon la foi constante de lÉglise, cette union est renforcée par léchange des biens spirituels " (LG 49).
956 Lintercession des saints. " Étant en effet plus intimement liés avec le Christ, les habitants du ciel contribuent à affermir plus solidement lÉglise en sainteté (...). Ils ne cessent dintercéder pour nous auprès du Père, offrant les mérites quils ont acquis sur terre par lunique Médiateur de Dieu et des hommes, le Christ Jésus (...). Ainsi leur sollicitude fraternelle est du plus grand secours pour notre infirmité " (LG 49) :
Ne pleurez pas, je vous serai plus utile après ma mort et je vous aiderai plus efficacement que pendant ma vie (S. Dominique, mourant, à ses frères, cf. Jourdain de Saxe, lib. 93).
Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre (Ste. Thérèse de lEnfant-Jésus, verba).
957 La communion avec les saints. " Nous ne vénérons pas seulement au titre de leur exemple la mémoire des habitants du ciel ; nous cherchons bien davantage par là à renforcer lunion de toute lÉglise dans lEsprit grâce à lexercice de la charité fraternelle. Car tout comme la communion entre les chrétiens de la terre nous approche de plus près du Christ, ainsi la communauté avec les saints nous unit au Christ de qui découlent, comme de leur chef, toute grâce et la vie du Peuple de Dieu lui-même " (LG 50) :
Le Christ, nous ladorons, parce quil est le fils de Dieu ; quant aux martyrs, nous les aimons comme disciples et imitateurs du Seigneur, et cest juste, à cause de leur dévotion incomparable envers leur roi et maître ; puissions-nous, nous aussi, être leurs compagnons et leurs condisciples (S. Polycarpe, mart. 17).
958 La communion avec les défunts. " Reconnaissant dès labord cette communion qui existe à lintérieur de tout le corps mystique de Jésus-Christ, lÉglise en ses membres qui cheminent sur terre a entouré de beaucoup de piété la mémoire des défunts dès les premiers temps du christianisme en offrant aussi pour eux ses suffrages ; car la pensée de prier pour les morts, afin quils soient délivrés de leurs péchés, est une pensée sainte et pieuse (2 M 12, 45) " (LG 50). Notre prière pour eux peut non seulement les aider mais aussi rendre efficace leur intercession en notre faveur.
959 Dans lunique famille de Dieu. " Lorsque la charité mutuelle et la louange unanime de la Très Sainte Trinité nous font communier les uns aux autres, nous tous, fils de Dieu qui ne faisons dans le Christ quune seule famille, nous répondons à la vocation profonde de lÉglise " (LG 51).
En bref
960 LÉglise est " communion des saints " : cette expression désigne dabord les " choses saintes " (sancta), et avant tout lEucharistie, par laquelle " est représentée et réalisée lunité des fidèles qui, dans le Christ, forment un seul Corps " (LG 3).
961 Ce terme désigne aussi la communion des " personnes saintes " (sancti) dans le Christ qui est " mort pour tous ", de sorte que ce que chacun fait ou souffre dans et pour le Christ porte du fruit pour tous.
962 " Nous croyons à la communion de tous les fidèles du Christ, de ceux qui sont pèlerins sur la terre, des défunts qui achèvent leur purification, des bienheureux du ciel, tous ensemble formant une seule Église, et nous croyons que dans cette communion lamour miséricordieux de Dieu et de ses saints est toujours à lécoute de nos prières " (SPF 30).
Paragraphe 6. Marie Mère du Christ, Mère de lÉglise
963 Après avoir parlé du rôle de la Vierge Marie dans le mystère du Christ et de lEsprit, il convient de considérer maintenant sa place dans le mystère de lÉglise. " En effet, la Vierge Marie (...) est reconnue et honorée comme la véritable Mère de Dieu et du Rédempteur (...). Elle est aussi vraiment Mère des membres [du Christ] (...) ayant coopéré par sa charité à la naissance dans lÉglise des fidèles qui sont les membres de ce Chef (S. Augustin, virg. 6 : PL 40, 399) " (LG 53). " ... Marie Mère du Christ, Mère de lÉglise " (Paul VI, discours 21 novembre 1964).
I. La maternité de Marie envers lÉglise
Toute unie à son Fils...
964 Le rôle de Marie envers lÉglise est inséparable de son union au Christ, elle en découle directement. " Cette union de Marie avec son Fils dans luvre du salut est manifeste dès lheure de la conception virginale du Christ, jusquà sa mort " (LG 57). Elle est particulièrement manifeste à lheure de sa passion :
La bienheureuse Vierge avança dans son pèlerinage de foi, gardant fidèlement lunion avec son Fils jusquà la Croix où, non sans un dessein divin, elle était debout, souffrant cruellement avec son Fils unique, associée dun cur maternel à son sacrifice, donnant à limmolation de la victime, née de sa chair, le consentement de son amour, pour être enfin, par le même Christ Jésus mourant sur la Croix, donnée comme sa Mère au disciple par ces mots : " Femme, voici ton fils " (Jn 19, 26-27) (LG 58).
965 Après lAscension de son Fils, Marie a " assisté de ses prières lÉglise naissante " (LG 69). Réunie avec les apôtres et quelques femmes, " on voit Marie appelant elle aussi de ses prières le don de lEsprit qui, à lAnnonciation, lavait déjà elle-même prise sous son ombre " (LG 59).
... aussi dans son Assomption...
966 " Enfin la Vierge immaculée, préservée par Dieu de toute atteinte de la faute originelle, ayant accompli le cours de sa vie terrestre, fut élevée corps et âme à la gloire du ciel, et exaltée par le Seigneur comme la Reine de lunivers, pour être ainsi plus entièrement conforme à son Fils, Seigneur des seigneurs, victorieux du péché et de la mort " (LG 59 ; cf. la proclamation du dogme de lAssomption de la Bienheureuse Vierge Marie par le Pape Pie XII en 1950 : DS 3903). LAssomption de la Sainte Vierge est une participation singulière à la Résurrection de son Fils et une anticipation de la résurrection des autres chrétiens :
Dans ton enfantement tu as gardé la virginité, dans ta dormition tu nas pas quitté le monde, ô Mère de Dieu : tu as rejoint la source de la Vie, toi qui conçus le Dieu vivant et qui, par tes prières, délivreras nos âmes de la mort (Liturgie byzantine, Tropaire de la fête de la Dormition [15 août]).
... elle est notre Mère dans lordre de la grâce
967 Par son adhésion entière à la volonté du Père, à luvre rédemptrice de son Fils, à toute motion de lEsprit Saint, la Vierge Marie est pour lÉglise le modèle de la foi et de la charité. Par là elle est " membre suréminent et absolument unique de lÉglise " (LG 53), elle constitue même " la réalisation exemplaire ", typus, de lÉglise (LG 63).
968 Mais son rôle par rapport à lÉglise et à toute lhumanité va encore plus loin. " Elle a apporté à luvre du Sauveur une coopération absolument sans pareil par son obéissance, sa foi, son espérance, son ardente charité, pour que soit rendue aux âmes la vie surnaturelle. Cest pourquoi elle est devenue pour nous, dans lordre de la grâce, notre Mère " (LG 61).
969 " A partir du consentement quelle apporta par sa foi au jour de lAnnonciation et quelle maintint dans sa fermeté sous la Croix, cette maternité de Marie dans léconomie de la grâce se continue sans interruption jusquà la consommation définitive de tous les élus. En effet, après son Assomption au ciel, son rôle dans le salut ne sinterrompt pas : par son intercession répétée elle continue à nous obtenir les dons qui assurent notre salut éternel. (...) Cest pourquoi la bienheureuse Vierge est invoquée dans lÉglise sous les titres davocate, dauxiliatrice, de secourable, de médiatrice " (LG 62).
970 " Le rôle maternel de Marie à légard des hommes noffusque cependant et ne diminue en rien lunique médiation du Christ : il en manifeste au contraire la vertu. Car toute influence salutaire de la part de la bienheureuse Vierge (...) découle de la surabondance des mérites du Christ ; elle sappuie sur sa médiation, dont elle dépend en tout et doù elle tire toute sa vertu " (LG 60). " Aucune créature en effet ne peut jamais être mise sur le même plan que le Verbe incarné et rédempteur. Mais tout comme le sacerdoce du Christ est participé sous formes diverses, tant par les ministres que par le peuple fidèle, et tout comme lunique bonté de Dieu se répand réellement sous des formes diverses dans les créatures, ainsi lunique médiation du Rédempteur nexclut pas, mais suscite au contraire une coopération variée de la part des créatures, en dépendance de lunique source " (LG 62).
II. Le culte de la Sainte Vierge
971 " Toutes les générations me diront bienheureuse " (Lc 1, 48) : " La piété de lÉglise envers la Saint Vierge est intrinsèque au culte chrétien " (MC 56). La sainte Vierge " est légitimement honorée par lÉglise dun culte spécial. Et de fait, depuis les temps les plus reculés, la bienheureuse Vierge est honorée sous le titre de Mère de Dieu ; les fidèles se réfugient sous sa protection, limplorant dans tous leurs dangers et leurs besoins (...). Ce culte (...) bien que présentant un caractère absolument unique (...) nen est pas moins essentiellement différent du culte dadoration qui est rendu au Verbe incarné ainsi quau Père et à lEsprit Saint ; il est éminemment apte à le servir " (LG 66) ; il trouve son expression dans les fêtes liturgiques dédiées à la Mère de Dieu (cf. SC 103) et dans la prière mariale, telle le Saint Rosaire, " abrégé de tout lÉvangile " (cf. MC 42).
III. Marie Icône eschatologique de lÉglise
972 Après avoir parlé de lÉglise, de son origine, de sa mission et de sa destinée, nous ne saurions mieux conclure quen tournant le regard vers Marie pour contempler en elle ce quest lÉglise dans son mystère, dans son " pèlerinage de la foi ", et ce quelle sera dans la patrie au terme de sa marche, où lattend, " dans la gloire de la Très Sainte et indivisible Trinité ", " dans la communion de tous les saints " (LG 69), celle que lÉglise vénère comme la Mère de son Seigneur et comme sa propre Mère :
Tout comme dans le ciel où elle est déjà glorifiée corps et âme, la Mère de Jésus représente et inaugure lÉglise en son achèvement dans le siècle futur, de même sur terre, en attendant la venue du jour du Seigneur, elle brille déjà comme un signe despérance assurée et de consolation devant le Peuple de Dieu en pèlerinage (LG 68).
En bref
973 En prononçant le " fiat " de lAnnonciation et en donnant son consentement au mystère de lIncarnation, Marie collabore déjà à toute luvre que doit accomplir son Fils. Elle est mère partout où Il est Sauveur et Tête du Corps mystique.
974 La Très Sainte Vierge Marie, ayant accompli le cours de sa vie terrestre, fut enlevée corps et âme à la gloire du ciel, où elle participe déjà à la gloire de la résurrection de son Fils, anticipant la résurrection de tous les membres de son Corps.
975 " Nous croyons que la Très Sainte Mère de Dieu, nouvelle Eve, Mère de lÉglise, continue au ciel son rôle maternel à légard des membres du Christ " (SPF 15).
Article 10
" Je crois au pardon des péchés "
976 Le Symbole des apôtres lie la foi au pardon des péchés à la foi en lEsprit Saint, mais aussi à la foi en lÉglise et en la communion des saints. Cest en donnant lEsprit Saint à ses apôtres que le Christ ressuscité leur a conféré son propre pouvoir divin de pardonner les péchés : " Recevez lEsprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus " (Jn 20, 22-23).
(La deuxième partie du Catéchisme traitera explicitement du pardon des péchés par le Baptême, le sacrement de Pénitence et les autres sacrements, surtout lEucharistie. Il suffit donc dévoquer ici brièvement quelques données de base).
I. Un seul baptême pour le pardon des péchés
977 Notre Seigneur a lié le pardon des péchés à la foi et au Baptême : " Allez par le monde entier, proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé " (Mc 16, 15-16). Le Baptême est le premier et principal sacrement du pardon des péchés parce quil nous unit au Christ mort pour nos péchés, ressuscité pour notre justification (cf. Rm 4, 25), afin que " nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle " (Rm 6, 4).
978 " Au moment où nous faisons notre première profession de Foi, en recevant le saint Baptême qui nous purifie, le pardon que nous recevons est si plein et si entier, quil ne nous reste absolument rien à effacer, soit de la faute originelle, soit des fautes commises par notre volonté propre, ni aucune peine à subir pour les expier (...). Mais néanmoins la grâce du Baptême ne délivre personne de toutes les infirmités de la nature. Au contraire nous avons encore à combattre les mouvements de la concupiscence qui ne cessent de nous porter au mal " (Catech. R. 1, 11, 3).
979 En ce combat avec linclination au mal, qui serait assez vaillant et vigilant pour éviter toute blessure du péché ? " Si donc il était nécessaire que lÉglise eût le pouvoir de remettre les péchés, il fallait aussi que le Baptême ne fût pas pour elle lunique moyen de se servir de ces clefs du Royaume des cieux quelle avait reçues de Jésus-Christ ; il fallait quelle fût capable de pardonner leurs fautes à tous les pénitents, quand même ils auraient péché jusquau dernier moment de leur vie " (Catech. R. 1, 11, 4).
980 Cest par le sacrement de Pénitence que le baptisé peut être réconcilié avec Dieu et avec lÉglise :
Les pères ont eu raison dappeler la pénitence " un baptême laborieux " (S. Grégoire de Naz., or. 39, 17 : PG 36, 356A). Ce sacrement de Pénitence est, pour ceux qui sont tombés après le Baptême, nécessaire au salut, comme lest le Baptême lui-même pour ceux qui ne sont pas encore régénérés (Cc. Trente : DS 1672).
II. Le pouvoir des clefs
981 Le Christ après sa résurrection a envoyé ses apôtres " annoncer à toutes les nations le repentir en son nom en vue de la rémission des péchés " (Lc 24, 47). Ce " ministère de la réconciliation " (2 Co 5, 18), les apôtres et leurs successeurs ne laccomplissent pas seulement en annonçant aux hommes le pardon de Dieu mérité pour nous par le Christ et en les appelant à la conversion et à la foi, mais aussi en leur communicant la rémission des péchés par le Baptême et en les réconciliant avec Dieu et avec lÉglise grâce au pouvoir des clefs reçu du Christ :
LÉglise a reçu les clés du Royaume des cieux, afin que se fasse en elle la rémission des péchés par le sang du Christ et laction du Saint-Esprit. Cest dans cette Église que lâme revit, elle qui était morte par les péchés, afin de vivre avec le Christ, dont la grâce nous a sauvés (S. Augustin, serm. 214, 11 : PL 38, 1071-1072).
982 Il ny a aucune faute, aussi grave soit-elle, que la Sainte Église ne puisse remettre. " Il nest personne, si méchant et si coupable quil soit, qui ne doive espérer avec assurance son pardon, pourvu que son repentir soit sincère " (Catech. R. 1, 11, 5). Le Christ qui est mort pour tous les hommes, veut que, dans son Église, les portes du pardon soient toujours ouvertes à quiconque revient du péché (cf. Mt 18, 21-22).
983 La catéchèse sefforcera déveiller et de nourrir chez les fidèles la foi en la grandeur incomparable du don que le Christ ressuscité a fait à son Église : la mission et le pouvoir de pardonner véritablement les péchés, par le ministère des apôtres et de leurs successeurs :
Le Seigneur veut que ses disciples aient un pouvoir immense : il veut que ses pauvres serviteurs accomplissent en son nom tout ce quil avait fait quand il était sur la terre (S. Ambroise, pnit. 1, 34 : PL 16, 477A).
Les prêtres ont reçu un pouvoir que Dieu na donné ni aux anges ni aux archanges. (...) Dieu sanctionne là-haut tout ce que les prêtres font ici-bas (S. Jean Chrysostome, sac. 3, 5 : PG 48, 643A).
Si dans lÉglise il ny avait pas la rémission des péchés, nul espoir existerait, nulle espérance dune vie éternelle et dune libération éternelle. Rendons grâce à Dieu qui a donné à son Église un tel don (S. Augustin, serm. 213, 8 : PL 38, 1064).
En bref
984 Le Credo met en relation " le pardon des péchés " avec la profession de foi en lEsprit Saint. En effet, le Christ ressuscité a confié aux apôtres le pouvoir de pardonner les péchés lorsquil leur a donné lEsprit Saint.
985 Le Baptême est le premier et principal sacrement pour le pardon des péchés : il nous unit au Christ mort et ressuscité et nous donne lEsprit Saint.
986 De par la volonté du Christ, lÉglise possède le pouvoir de pardonner les péchés des baptisés et elle lexerce par les évêques et les prêtres de façon habituelle dans le sacrement de pénitence.
987 " Dans la rémission des péchés, les prêtres et les sacrements sont de purs instruments dont notre Seigneur Jésus-Christ, unique auteur et dispensateur de notre salut, veut bien se servir pour effacer nos iniquités et nous donner la grâce de la justification " (Catech. R. 1, 11, 6).
Article 11
" Je crois à la résurrection de la chair "
988 Le Credo chrétien profession de notre foi en Dieu le Père, le Fils et le Saint Esprit, et dans son action créatrice, salvatrice et sanctificatrice culmine en la proclamation de la résurrection des morts à la fin des temps, et en la vie éternelle.
989 Nous croyons fermement, et ainsi nous espérons, que de même que le Christ est vraiment ressuscité des morts, et quil vit pour toujours, de même après leur mort les justes vivront pour toujours avec le Christ ressuscité et quil les ressuscitera au dernier jour (cf. Jn 6, 39-40). Comme la sienne, notre résurrection sera luvre de la Très Sainte Trinité :
Si lEsprit de Celui qui a ressuscité Jésus dentre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité Jésus-Christ dentre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels, par son Esprit qui habite en vous (Rm 8, 11 ; cf. 1 Th 4, 14 ; 1 Co 6, 14 ; 2 Co 4, 14 ; Ph 3, 10-11).
990 Le terme " chair " désigne lhomme dans sa condition de faiblesse et de mortalité (cf. Gn 6, 3 ; Ps 56, 5 ; Is 40, 6). La " résurrection de la chair " signifie quil ny aura pas seulement, après la mort, la vie de lâme immortelle, mais que même nos " corps mortels " (Rm 8, 11) reprendront vie.
991 Croire en la résurrection des morts a été dès ses débuts un élément essentiel de la foi chrétienne. " Une conviction des chrétiens : la résurrection des morts ; cette croyance nous fait vivre " (Tertullien res. 1, 1) :
Comment certains dentre vous peuvent-ils dire quil ny a pas de résurrection des morts ? Sil ny a pas de résurrection des morts, le Christ non plus nest pas ressuscité. Mais si le Christ nest pas ressuscité, alors notre prédication est vide, vide aussi votre foi. (...) Mais non, le Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui se sont endormis (1 Co 15, 12-14. 20).
I. La résurrection du Christ et la nôtre
Révélation progressive de la Résurrection
992 La résurrection des morts a été révélée progressivement par Dieu à son Peuple. Lespérance en la résurrection corporelle des morts sest imposée comme une conséquence intrinsèque de la foi en un Dieu créateur de lhomme tout entier, âme et corps. Le créateur du ciel et de la terre est aussi Celui qui maintient fidèlement son alliance avec Abraham et sa descendance. Cest dans cette double perspective que commencera à sexprimer la foi en la résurrection. Dans leurs épreuves, les martyrs Maccabées confessent :
Le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle, nous qui mourons pour ses lois (2 M 7, 9). Mieux vaut mourir de la main des hommes en tenant de Dieu lespoir dêtre ressuscité par lui (2 M 7, 14 ; cf. 7, 29 ; Dn 12, 1-13).
993 Les Pharisiens (cf. Ac 23, 6) et bien des contemporains du Seigneur (cf. Jn 11, 24) espéraient la résurrection. Jésus lenseigne fermement. Aux Sadducéens qui la nient il répond : " Vous ne connaissez ni les Écritures ni la puissance de Dieu, vous êtes dans lerreur " (Mc 12, 24). La foi en la résurrection repose sur la foi en Dieu qui " nest pas un Dieu des morts, mais des vivants " (Mc 12, 27).
994 Mais il y a plus : Jésus lie la foi en la résurrection à sa propre personne : " Je suis la Résurrection et la vie " (Jn 11, 25). Cest Jésus lui-même qui ressuscitera au dernier jour ceux qui auront cru en lui (cf. Jn 5, 24-25 ; 6, 40) et qui auront mangé son corps et bu son sang (cf. Jn 6, 54). Il en donne dès maintenant un signe et un gage en rendant la vie à certains morts (cf. Mc 5, 21-42 ; Lc 7, 11-17 ; Jn 11), annonçant par là sa propre Résurrection qui sera cependant dun autre ordre. De cet événement unique Il parle comme du " signe de Jonas " (Mt 12, 40), du signe du Temple (cf. Jn 2, 19-22) : il annonce sa Résurrection le troisième jour après sa mise à mort (cf. Mc 10, 34).
995 Être témoin du Christ, cest être " témoin de sa Résurrection " (Ac 1, 22 ; cf. 4, 33), " avoir mangé et bu avec lui après sa Résurrection dentre les morts " (Ac 10, 41). Lespérance chrétienne en la résurrection est toute marquée par les rencontres avec le Christ ressuscité. Nous ressusciterons comme Lui, avec Lui, par Lui.
996 Dès le début, la foi chrétienne en la résurrection a rencontré incompréhensions et oppositions (cf. Ac 17, 32 ; 1 Co 15, 12-13). " Sur aucun point la foi chrétienne ne rencontre plus de contradiction que sur la résurrection de la chair " (S. Augustin, Psal. 88, 2, 5). Il est très communément accepté quaprès la mort la vie de la personne humaine continue dune façon spirituelle. Mais comment croire que ce corps si manifestement mortel puisse ressusciter à la vie éternelle ?
Comment les morts ressuscitent-ils ?
997 Quest-ce que " ressusciter " ? Dans la mort, séparation de lâme et du corps, le corps de lhomme tombe dans la corruption, alors que son âme va à la rencontre de Dieu, tout en demeurant en attente dêtre réunie à son corps glorifié. Dieu dans sa Toute-Puissance rendra définitivement la vie incorruptible à nos corps en les unissant à nos âmes, par la vertu de la Résurrection de Jésus.
998 Qui ressuscitera ? Tous les hommes qui sont morts : " ceux qui auront fait le bien ressusciteront pour la vie, ceux qui auront fait le mal, pour la damnation " (Jn 5, 29 ; cf. Dn 12, 2).
999 Comment ? Le Christ est ressuscité avec son propre corps : " Regardez mes mains et mes pieds : cest bien moi " (Lc 24, 39) ; mais Il nest pas revenu à une vie terrestre. De même, en Lui, " tous ressusciteront avec leur propre corps, quils ont maintenant " (Cc. Latran IV : DS 801), mais ce corps sera " transfiguré en corps de gloire " (Ph 3, 21), en " corps spirituel " (1 Co 15, 44) :
Mais, dira-t-on, comment les morts ressuscitent-ils ? Avec quel corps reviennent-ils ? Insensé ! Ce que tu sèmes, toi, ne reprend vie, sil ne meurt. Et ce que tu sèmes, ce nest pas le corps à venir, mais un grain tout nu (...). On sème de la corruption, il ressuscite de lincorruption ; (...) les morts ressusciteront incorruptibles (...). Il faut en effet que cet être corruptible revête lincorruptibilité, que cet être mortel revête limmortalité (1 Co 15, 35-37. 42. 52-53).
1000 Ce " comment " dépasse notre imagination et notre entendement ; il nest accessible que dans la foi. Mais notre participation à lEucharistie nous donne déjà un avant-goût de la transfiguration de notre corps par le Christ :
De même que le pain qui vient de la terre, après avoir reçu linvocation de Dieu, nest plus du pain ordinaire, mais eucharistie, constituée de deux choses, lune terrestre et lautre céleste, de même nos corps qui participent à leucharistie ne sont plus corruptibles, puisquils ont lespérance de la résurrection (S. Irénée, hær. 4, 18, 4-5)
1001 Quand ? Définitivement " au dernier jour " (Jn 6, 39-40. 44. 54 ; 11, 24) ; " à la fin du monde " (LG 48). En effet, la résurrection des morts est intimement associée à la Parousie du Christ :
Car lui-même, le Seigneur, au signal donné par la voix de larchange et la trompette de Dieu, descendra du ciel, et les morts qui sont dans le Christ ressusciteront en premier lieu (1 Th 4, 16).
Ressuscités avec le Christ
1002 Sil est vrai que le Christ nous ressuscitera " au dernier jour ", il est vrai aussi que, dune certaine façon, nous sommes déjà ressuscités avec le Christ. En effet, grâce à lEsprit Saint, la vie chrétienne est, dès maintenant sur terre, une participation à la mort et à la Résurrection du Christ :
Ensevelis avec le Christ lors du Baptême, vous en êtes aussi ressuscités avec lui, parce que vous avez cru en la force de Dieu qui La ressuscité des morts (...). Du moment donc que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses den haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu (Col 2, 12 ; 3, 1)
1003 Unis au Christ par le Baptême, les croyants participent déjà réellement à la vie céleste du Christ ressuscité (cf. Ph 3, 20), mais cette vie demeure " cachée avec le Christ en Dieu " (Col 3, 3) " Avec lui Il nous a ressuscités et fait asseoir au cieux, dans le Christ Jésus " (Ep 2, 6). Nourris de son Corps dans lEucharistie, nous appartenons déjà au Corps du Christ. Lorsque nous ressusciterons au dernier jour nous serons aussi " manifestés avec lui pleins de gloire " (Col 3, 3).
1004 Dans lattente de ce jour, le corps et lâme du croyant participent déjà à la dignité dêtre " au Christ " ; doù lexigence de respect envers son propre corps, mais aussi envers celui dautrui, particulièrement lorsquil souffre :
Le corps est pour le Seigneur, et le Seigneur pour le corps. Et Dieu, qui a ressuscité le Seigneur, nous ressuscitera, nous aussi, par sa puissance. Ne savez-vous pas que vos corps sont des membres du Christ ? (...) Vous ne vous appartenez pas (...) Glorifiez donc Dieu dans votre corps (1 Co 6, 13-15. 19-20).
II. Mourir dans le Christ Jésus
1005 Pour ressusciter avec le Christ, il faut mourir avec le Christ, il faut " quitter ce corps pour aller demeurer auprès du Seigneur " (2 Co 5, 8). Dans ce " départ " (Ph 1, 23) quest la mort, lâme est séparée du corps. Elle sera réunie à son corps le jour de la résurrection des morts (cf. SPF 28).
La mort
1006 " Cest en face de la mort que lénigme de la condition humaine atteint son sommet " (GS 18). En un sens, la mort corporelle est naturelle, mais pour la foi elle est en fait " salaire du péché " (Rm 6, 23 ; cf. Gn 2, 17). Et pour ceux qui meurent dans la grâce du Christ, elle est une participation à la mort du Seigneur, afin de pouvoir participer aussi à sa Résurrection (cf. Rm 6, 3-9 ; Ph 3, 10-11).
1007 La mort est le terme de la vie terrestre. Nos vies sont mesurées par le temps, au cours duquel nous changeons, nous vieillissons et, comme chez tous les êtres vivants de la terre, la mort apparaît comme la fin normale de la vie. Cet aspect de la mort donne une urgence à nos vies : le souvenir de notre mortalité sert aussi à nous rappeler que nous navons quun temps limité pour réaliser notre vie :
Souviens-toi de ton Créateur aux jours de ton adolescence, (...) avant que la poussière ne retourne à la terre, selon quelle était, et que le souffle ne retourne à Dieu qui lavait donné (Qo 12, 1. 7).
1008 La mort est conséquence du péché. Interprète authentique des affirmations de la Sainte Écriture (cf. Gn 2, 17 ; 3, 3 ; 3, 19 ; Sg 1, 13 ; Rm 5, 12 ; 6, 23) et de la Tradition, le Magistère de lÉglise enseigne que la mort est entrée dans le monde à cause du péché de lhomme (cf. DS 1511). Bien que lhomme possédât une nature mortelle, Dieu le destinait à ne pas mourir. La mort fut donc contraire aux desseins de Dieu Créateur, et elle entra dans le monde comme conséquence du péché (cf. Sg 2, 23-24). " La mort corporelle, à laquelle lhomme aurait été soustrait sil navait pas péché " (GS 18), est ainsi " le dernier ennemi " de lhomme à devoir être vaincu (cf. 1 Co 15, 26).
1009 La mort est transformée par le Christ. Jésus, le Fils de Dieu, a souffert lui aussi la mort, propre de la condition humaine. Mais, malgré son effroi face à elle (cf. Mc 14, 33-34 ; He 5, 7-8), il lassuma dans un acte de soumission totale et libre à la volonté de son Père. Lobéissance de Jésus a transformé la malédiction de la mort en bénédiction (cf. Rm 5, 19-21).
Le sens de la mort chrétienne
1010 Grâce au Christ, la mort chrétienne a un sens positif. " Pour moi, la vie cest le Christ et mourir un gain " (Ph 1, 21). " Cest là une parole certaine : si nous mourons avec lui, nous vivrons avec lui " (2 Tm 2, 11). La nouveauté essentielle de la mort chrétienne est là : par le Baptême, le chrétien est déjà sacramentellement " mort avec le Christ ", pour vivre dune vie nouvelle ; et si nous mourons dans la grâce du Christ, la mort physique consomme ce " mourir avec le Christ " et achève ainsi notre incorporation à Lui dans son acte rédempteur :
Il est bon pour moi de mourir dans (eis) le Christ Jésus, plus que de régner sur les extrémités de la terre. Cest lui que je cherche, qui est mort pour nous ; lui que je veux, qui est ressuscité pour nous. Mon enfantement approche (...). Laissez-moi recevoir la pure lumière ; quand je serai arrivé là, je serai un homme (S. Ignace dAntioche, Rom. 6, 1-2).
1011 Dans la mort, Dieu appelle lhomme vers Lui. Cest pourquoi le chrétien peut éprouver envers la mort un désir semblable à celui de S. Paul : " Jai le désir de men aller et dêtre avec le Christ " (Ph 1, 23) ; et il peut transformer sa propre mort en un acte dobéissance et damour envers le Père, à lexemple du Christ (cf. Lc 23, 46) :
Mon désir terrestre a été crucifié ; (...) il y a en moi une eau vive qui murmure et qui dit au dedans de moi " Viens vers le Père " (S. Ignace dAntioche, Rom. 7, 2).
Je veux voir Dieu, et pour le voir il faut mourir (Ste. Thérèse de Jésus, vida 1).
Je ne meurs pas, jentre dans la vie (Ste. Thérèse de lEnfant-Jésus, verba).
1012 La vision chrétienne de la mort (cf. 1 Th 4, 13-14) est exprimée de façon privilégiée dans la liturgie de lÉglise :
Pour tous ceux qui croient en toi, Seigneur, la vie nest pas détruite, elle est transformée ; et lorsque prend fin leur séjour sur la terre, ils ont déjà une demeure éternelle dans les cieux (MR, Préface des défunts).
1013 La mort est la fin du pèlerinage terrestre de lhomme, du temps de grâce et de miséricorde que Dieu lui offre pour réaliser sa vie terrestre selon le dessein divin et pour décider son destin ultime. Quand a pris fin " lunique cours de notre vie terrestre " (LG 48), nous ne reviendrons plus à dautres vies terrestres. " Les hommes ne meurent quune fois " (He 9, 27). Il ny a pas de " réincarnation " après la mort.
1014 LÉglise nous encourage à nous préparer pour lheure de notre mort (" Délivre-nous, Seigneur, dune mort subite et imprévue " : ancienne Litanie des saints), à demander à la Mère de Dieu dintercéder pour nous " à lheure de notre mort " (Prière Ave Maria), et à nous confier à saint Joseph, patron de la bonne mort :
Dans toutes tes actions, dans toutes tes pensées tu devrais te comporter comme si tu devais mourir aujourdhui. Si ta conscience était en bon état, tu ne craindrais pas beaucoup la mort. Il vaudrait mieux se garder de pécher que de fuir la mort. Si aujourdhui tu nes pas prêt, comment le seras-tu demain ? (Imitation du Christ 1, 23, 1).
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sur notre mort corporelle, à qui nul homme vivant ne peut échapper. Malheur à ceux qui mourront dans les péchés mortels, heureux ceux quelle trouvera dans ses très saintes volontés, car la seconde mort ne leur fera pas mal (S. François dAssise, cant.).
En bref
1015 " La chair est le pivot du salut " (Tertullien, res. 8, 2). Nous croyons en Dieu qui est le créateur de la chair ; nous croyons au Verbe fait chair pour racheter la chair ; nous croyons en la résurrection de la chair, achèvement de la création et de la rédemption de la chair.
1016 Par la mort lâme est séparée du corps, mais dans la résurrection Dieu rendra la vie incorruptible à notre corps transformé en le réunissant à notre âme. De même que le Christ est ressuscité et vit pour toujours, tous nous ressusciterons au dernier jour.
1017 " Nous croyons en la vraie résurrection de cette chair que nous possédons maintenant " (DS 854). Cependant, on sème dans le tombeau un corps corruptible, il ressuscite un corps incorruptible (cf. 1 Co 15, 42), un " corps spirituel " (1 Co 15, 44).
1018 En conséquence du péché originel, lhomme doit subir " la mort corporelle, à laquelle il aurait été soustrait sil navait pas péché " (GS 18).
1019 Jésus, le Fils de Dieu, a librement souffert la mort pour nous dans une soumission totale et libre à la volonté de Dieu, son Père. Par sa mort il a vaincu la mort, ouvrant ainsi à tous les hommes la possibilité du salut.
Article 12
" Je crois à la vie éternelle "
1020 Le chrétien qui unit sa propre mort à celle de Jésus voit la mort comme une venue vers Lui et une entrée dans la vie éternelle. Lorsque lÉglise a, pour la dernière fois, dit les paroles de pardon de labsolution du Christ sur le chrétien mourant, la scellé pour la dernière fois dune onction fortifiante et lui a donné le Christ dans le viatique comme nourriture pour le voyage, elle lui parle avec une douce assurance :
Quitte ce monde, âme chrétienne, au nom du Père Tout-Puissant qui ta créé, au nom de Jésus-Christ, le Fils du Dieu vivant, qui a souffert pour toi, au nom du Saint-Esprit qui a été répandu en toi. Prends ta place aujourdhui dans la paix, et fixe ta demeure avec Dieu dans la sainte Sion, avec la Vierge Marie, la Mère de Dieu, avec saint Joseph, les anges et tous les saints de Dieu (...). Retourne auprès de ton Créateur qui ta formé de la poussière du sol. Quà lheure où ton âme sortira de ton corps, Marie, les anges et tous les saints se hâtent à ta rencontre (...). Que tu puisses voir ton Rédempteur face à face ... (OEx " Commendatio animæ ").
I. Le jugement particulier
1021 La mort met fin à la vie de lhomme comme temps ouvert à laccueil ou au rejet de la grâce divine manifestée dans le Christ (cf. 2 Tm 1, 9-10). Le Nouveau Testament parle du jugement principalement dans la perspective de la rencontre finale avec le Christ dans son second avènement, mais il affirme aussi à plusieurs reprises la rétribution immédiate après la mort de chacun en fonction de ses uvres et de sa foi. La parabole du pauvre Lazare (cf. Lc 16, 22) et la parole du Christ en Croix au bon larron (cf. Lc 23, 43), ainsi que dautres textes du Nouveau Testament (cf. 2 Co 5, 8 ; Ph 1, 23 ; He 9, 27 ; 12, 23) parlent dune destinée ultime de lâme (cf. Mt 16, 26) qui peut être différente pour les unes et pour les autres.
1022 Chaque homme reçoit dans son âme immortelle sa rétribution éternelle dès sa mort en un jugement particulier qui réfère sa vie au Christ, soit à travers une purification (cf. Cc. Lyon : DS 857-858 ; Cc. Florence : DS 1304-1306 ; Cc. Trente : DS 1820), soit pour entrer immédiatement dans la béatitude du ciel (cf. Benoît XII : DS 1000-1001 ; Jean XXII : DS 990), soit pour se damner immédiatement pour toujours (cf. Benoît XII : DS 1002).
Au soir de notre vie, nous serons jugés sur lamour (S. Jean de la Croix, dichos 64)
II. Le Ciel
1023 Ceux qui meurent dans la grâce et lamitié de Dieu, et qui sont parfaitement purifiées, vivent pour toujours avec le Christ. Ils sont pour toujours semblables à Dieu, parce quils le voient " tel quil est " (1 Jn 3, 2), face à face (cf. 1 Co 13, 12 ; Ap 22, 4) :
De notre autorité apostolique nous définissons que, daprès la disposition générale de Dieu, les âmes de tous les saints (...) et de tous les autres fidèles morts après avoir reçu le saint Baptême du Christ, en qui il ny a rien eu à purifier lorsquils sont morts, (...) ou encore, sil y a eu ou quil y a quelque chose à purifier, lorsque, après leur mort, elles auront achevé de le faire, (...) avant même la résurrection dans leur corps et le Jugement général, et cela depuis lAscension du Seigneur et Sauveur Jésus-Christ au ciel, ont été, sont et seront au ciel, au Royaume des cieux et au Paradis céleste avec le Christ, admis dans la société des saints anges. Depuis la passion et la mort de notre Seigneur Jésus-Christ, elles ont vu et voient lessence divine dune vision intuitive et même face à face, sans la médiation daucune créature (Benoît XII : DS 1000 ; cf. LG 49).
1024 Cette vie parfaite avec la Très Sainte Trinité, cette communion de vie et damour avec Elle, avec la Vierge Marie, les anges et tous les bienheureux est appelée " le ciel ". Le ciel est la fin ultime et la réalisation des aspirations les plus profondes de lhomme, létat de bonheur suprême et définitif.
1025 Vivre au ciel cest " être avec le Christ " (cf. Jn 14, 3 ; Ph 1, 23 ; 1 Th 4, 17). Les élus vivent " en Lui ", mais ils y gardent, mieux, ils y trouvent leur vraie identité, leur propre nom (cf. Ap 2, 17) :
Car la vie cest dêtre avec le Christ : là où est le Christ, là est la vie, là est le royaume. (S. Ambroise, Luc. 10, 121: PL 15, 1834A).
1026 Par sa mort et sa Résurrection Jésus-Christ nous a " ouvert " le ciel. La vie des bienheureux consiste dans la possession en plénitude des fruits de la rédemption opérée par le Christ qui associe à sa glorification céleste ceux qui ont cru en Lui et qui sont demeurés fidèles à sa volonté. Le ciel est la communauté bienheureuse de tous ceux qui sont parfaitement incorporés à Lui.
1027 Ce mystère de communion bienheureuse avec Dieu et avec tous ceux qui sont dans le Christ dépasse toute compréhension et toute représentation. LÉcriture nous en parle en images : vie, lumière, paix, festin de noces, vin du royaume, maison du Père, Jérusalem céleste, paradis : " Ce que lil na pas vu, ce que loreille na pas entendu, ce qui nest pas monté au cur de lhomme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui laiment " (1 Co 2, 9).
1028 A cause de sa transcendance, Dieu ne peut être vu tel quIl est que lorsquil ouvre lui-même son mystère à la contemplation immédiate de lhomme et quIl lui en donne la capacité. Cette contemplation de Dieu dans sa gloire céleste est appelée par lÉglise " la vision béatifique " :
Quelle ne sera pas ta gloire et ton bonheur : être admis à voir Dieu, avoir lhonneur de participer aux joies du salut et de la lumière éternelle dans la compagnie du Christ le Seigneur ton Dieu, (...) jouir au Royaume des cieux dans la compagnie des justes et des amis de Dieu, les joies de limmortalité acquise (S. Cyprien, ep. 56, 10, 1 : PL 4, 357B).
1029 Dans la gloire du ciel, les bienheureux continuent daccomplir avec joie la volonté de Dieu par rapport aux autres hommes et à la création toute entière. Déjà ils règnent avec le Christ ; avec Lui " ils régneront pour les siècles des siècles " (Ap 22, 5 ; cf. Mt 25, 21. 23).
III. La purification finale ou Purgatoire
1030 Ceux qui meurent dans la grâce et lamitié de Dieu, mais imparfaitement purifiés, bien quassurés de leur salut éternel, souffrent après leur mort une purification, afin dobtenir la sainteté nécessaires pour entrer dans la joie du ciel .
1031 LÉglise appelle Purgatoire cette purification finale des élus qui est tout à fait distincte du châtiment des damnés. LÉglise a formulé la doctrine de la foi relative au Purgatoire surtout aux Conciles de Florence (cf. DS 1304) et de Trente (cf. DS 1820 ; 1580). La tradition de lÉglise, faisant référence à certains textes de lÉcriture (par exemple 1 Co 3, 15 ; 1 P 1, 7), parle dun feu purificateur :
Pour ce qui est de certaines fautes légères, il faut croire quil existe avant le jugement un feu purificateur, selon ce quaffirme Celui qui est la Vérité, en disant que si quelquun a prononcé un blasphème contre lEsprit Saint, cela ne lui sera pardonné ni dans ce siècle-ci, ni dans le siècle futur (Mt 12, 31). Dans cette sentence nous pouvons comprendre que certaines fautes peuvent être remises dans ce siècle-ci, mais certaines autres dans le siècle futur (S. Grégoire le Grand, dial. 4, 39).
1032 Cet enseignement sappuie aussi sur la pratique de la prière pour les défunts dont parle déjà la Sainte Écriture : " Voilà pourquoi il (Judas Maccabée) fit faire ce sacrifice expiatoire pour les morts, afin quils fussent délivrés de leur péché " (2 M 12, 46). Dès les premiers temps, lÉglise a honoré la mémoire des défunts et offert des suffrages en leur faveur, en particulier le sacrifice eucharistique (cf. DS 856 ;), afin que, purifiés, ils puissent parvenir à la vision béatifique de Dieu. LÉglise recommande aussi les aumônes, les indulgences et les uvres de pénitence en faveur des défunts :
Portons-leur secours et faisons leur commémoraison. Si les fils de Job ont été purifiés par le sacrifice de leur père (cf. Jb 1, 5), pourquoi douterions-nous que nos offrandes pour les morts leur apportent quelque consolation ? Nhésitons pas à porter secours à ceux qui sont partis et à offrir nos prières pour eux (S. Jean Chrysostome, hom. in 1 Cor. 41, 5 : PG 61, 361C).
IV. Lenfer
1033 Nous ne pouvons pas être unis à Dieu à moins de choisir librement de laimer. Mais nous ne pouvons pas aimer Dieu si nous péchons gravement contre Lui, contre notre prochain ou contre nous-mêmes : " Celui qui naime pas demeure dans la mort. Quiconque hait son frère est un homicide ; or vous savez quaucun homicide na la vie éternelle demeurant en lui " (1 Jn 3, 15). Notre Seigneur nous avertit que nous serons séparés de Lui si nous omettons de rencontrer les besoins graves des pauvres et des petits qui sont ses frères (cf. Mt 25, 31-46). Mourir en péché mortel sans sen être repenti et sans accueillir lamour miséricordieux de Dieu, signifie demeurer séparé de Lui pour toujours par notre propre choix libre. Et cest cet état dauto-exclusion définitive de la communion avec Dieu et avec les bienheureux quon désigne par le mot " enfer ".
1034 Jésus parle souvent de la " géhenne " du " feu qui ne séteint pas " (cf. Mt 5, 22. 29 ; 13, 42. 50 ; Mc 9, 43-48), réservé à ceux qui refusent jusquà la fin de leur vie de croire et de se convertir , et où peuvent être perdus à la fois lâme et le corps (cf. Mt 10, 28). Jésus annonce en termes graves quil " enverra ses anges, qui ramasseront tous les fauteurs diniquité (...), et les jetteront dans la fournaise ardente " (Mt 13, 41-42), et quil prononcera la condamnation : " Allez loin de moi, maudits, dans le feu éternel ! " (Mt 25, 41).
1035 Lenseignement de lÉglise affirme lexistence de lenfer et son éternité. Les âmes de ceux qui meurent en état de péché mortel descendent immédiatement après la mort dans les enfers, où elles souffrent les peines de lenfer, " le feu éternel " (cf. DS 76 ; 409 ; 411 ; 801 ; 858 ; 1002 ; 1351 ; 1575 ; SPF 12). La peine principale de lenfer consiste en la séparation éternelle davec Dieu en qui seul lhomme peut avoir la vie et le bonheur pour lesquels il a été crée et auxquels il aspire.
1036 Les affirmations de la Sainte Écriture et les enseignements de lÉglise au sujet de lenfer sont un appel à la responsabilité avec laquelle lhomme doit user de sa liberté en vue de son destin éternel. Elles constituent en même temps un appel pressant à la conversion : " Entrez par la porte étroite. Car large et spacieux est le chemin qui mène à la perdition, et il en est beaucoup qui le prennent ; mais étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la Vie, et il en est peu qui le trouvent " (Mt 7, 13-14) :
Ignorants du jour et de lheure, il faut que, suivant lavertissement du Seigneur, nous restions constamment vigilants pour mériter, quand sachèvera le cours unique de notre vie terrestre, dêtre admis avec lui aux noces et comptés parmi les bénis de Dieu, au lieu dêtre, comme de mauvais et paresseux serviteurs, écartés par lordre de Dieu vers le feu éternel, vers ces ténèbres du dehors où seront les pleurs et les grincements de dents (LG 48).
1037 Dieu ne prédestine personne à aller en enfer (cf. DS 397 ; 1567) ; il faut pour cela une aversion volontaire de Dieu (un péché mortel), et y persister jusquà la fin. Dans la liturgie eucharistique et dans les prières quotidiennes de ses fidèles, lÉglise implore la miséricorde de Dieu, qui veut " que personne ne périsse, mais que tous arrivent au repentir " (2 P 3, 9) :
Voici loffrande que nous présentons devant toi, nous, tes serviteurs, et ta famille entière : dans ta bienveillance, accepte-la. Assure toi-même la paix de notre vie, arrache-nous à la damnation et reçois-nous parmi tes élus (MR, Canon Romain 88).
V. Le Jugement dernier
1038 La résurrection de tous les morts, " des justes et des pécheurs " (Ac 24, 15), précédera le Jugement dernier. Ce sera " lheure où ceux qui gisent dans la tombe en sortiront à lappel de la voix du Fils de lHomme ; ceux qui auront fait le bien ressusciteront pour la vie, ceux qui auront fait le mal pour la damnation " (Jn 5, 28-29). Alors le Christ " viendra dans sa gloire, escorté de tous les anges (...). Devant lui seront rassemblés toutes les nations, et il séparera les gens les uns des autres, tout comme le berger sépare les brebis des boucs. Il placera les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche (...). Et ils sen iront, ceux-ci à une peine éternelle, et les justes à la vie éternelle " (Mt 25, 31. 32. 46).
1039 Cest face au Christ qui est la Vérité que sera définitivement mise à nu la vérité sur la relation de chaque homme à Dieu (cf. Jn 12, 49). Le jugement dernier révélera jusque dans ses ultimes conséquences ce que chacun aura fait de bien ou omis de faire durant sa vie terrestre :
Tout le mal que font les méchants est enregistré et ils ne le savent pas. Le Jour où " Dieu ne se taira pas " (Ps 50, 3) (...) Il se tournera vers les mauvais : " Javais, leur dira-t-il, placé sur terre mes petits pauvres, pour vous. Moi, leur chef, je trônais dans le ciel à la droite de mon Père mais sur la terre mes membres avaient faim. Si vous aviez donné à mes membres, ce que vous auriez donné serait parvenu jusquà la tête. Quand jai placé mes petits pauvres sur la terre, je les ai institués vos commissionnaires pour porter vos bonnes uvres dans mon trésor : vous navez rien déposé dans leurs mains, cest pourquoi vous ne possédez rien auprès de moi " (S. Augustin, serm. 18, 4, 4 : PL 38, 130-131).
1040 Le jugement dernier interviendra lors du retour glorieux du Christ. Le Père seul en connaît lheure et le jour, Lui seul décide de son avènement. Par son Fils Jésus-Christ Il prononcera alors sa parole définitive sur toute lhistoire. Nous connaîtrons le sens ultime de toute luvre de la création et de toute léconomie du salut, et nous comprendrons les chemins admirables par lesquels Sa Providence aura conduit toute chose vers sa fin ultime. Le jugement dernier révélera que la justice de Dieu triomphe de toutes les injustices commises par ses créatures et que son amour est plus fort que la mort (cf. Ct 8, 6).
1041 Le message du Jugement dernier appelle à la conversion pendant que Dieu donne encore aux hommes " le temps favorable, le temps du salut " (2 Co 6, 2). Il inspire la sainte crainte de Dieu. Il engage pour la justice du Royaume de Dieu. Il annonce la " bienheureuse espérance " (Tt 2, 13) du retour du Seigneur qui " viendra pour être glorifié dans ses saints et admiré en tous ceux qui auront cru " (2 Th 1, 10).
VI. Lespérance des cieux nouveaux et de la terre nouvelle
1042 A la fin des temps, le Royaume de Dieu arrivera à sa plénitude. Après le jugement universel, les justes régneront pour toujours avec le Christ, glorifiés en corps et en âme, et lunivers lui-même sera renouvelé :
Alors lÉglise sera " consommée dans la gloire céleste, lorsque, avec le genre humain, tout lunivers lui-même, intimement uni avec lhomme et atteignant par lui sa destinée, trouvera dans le Christ sa définitive perfection " (LG 48).
1043 Cette rénovation mystérieuse, qui transformera lhumanité et le monde, la Sainte Écriture lappelle " les cieux nouveaux et la terre nouvelle " (2 P 3, 13 ; cf. Ap 21, 1). Ce sera la réalisation définitive du dessein de Dieu de " ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ, les êtres célestes comme les terrestres " (Ep 1, 10).
1044 Dans cet " univers nouveau " (Ap 21, 5), la Jérusalem céleste, Dieu aura sa demeure parmi les hommes. " Il essuiera toute larme de leurs yeux ; de mort, il ny en aura plus ; de pleur, de cri et de peine, il ny en aura plus, car lancien monde sen est allé " (Ap 21, 4 ; cf. 21, 27).
1045 Pour lhomme, cette consommation sera la réalisation ultime de lunité du genre humain, voulue par Dieu dès la création et dont lÉglise pérégrinante était " comme le sacrement " (LG 1). Ceux qui seront unis au Christ formeront la communauté des rachetés, la Cité Sainte de Dieu (Ap 21, 2), " lÉpouse de lAgneau " (Ap 21, 9). Celle-ci ne sera plus blessée par le péché, les souillures (cf. Ap 21, 27), lamour propre, qui détruisent ou blessent la communauté terrestre des hommes. La vision béatifique, dans laquelle Dieu souvrira de façon inépuisable aux élus, sera la source intarissable de bonheur, de paix et de communion mutuelle.
1046 Quant au cosmos, la Révélation affirme la profonde communauté de destin du monde matériel et de lhomme :
Car la création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu (...) avec lespérance dêtre elle aussi libérée de la servitude de la corruption. (...) Nous le savons en effet, toute la création jusquà ce jour gémit en travail denfantement. Et non pas elle seule ; nous-mêmes qui possédons les prémices de lEsprit, nous gémissons nous aussi intérieurement dans lattente de la rédemption de notre corps (Rm 8, 19-23).
1047 Lunivers visible est donc destiné, lui aussi, à être transformé, " afin que le monde lui-même, restauré dans son premier état, soit, sans plus aucun obstacle, au service des justes ", participant à leur glorification en Jésus-Christ ressuscité (S. Irénée, hær. 5, 32, 1).
1048 " Nous ignorons le temps de lachèvement de la terre et de lhumanité, nous ne connaissons pas le mode de transformation du cosmos. Elle passe, certes, la figure de ce monde déformée par le péché ; mais nous lavons appris, Dieu nous prépare une nouvelle demeure et une nouvelle terre où régnera la justice et dont la béatitude comblera et dépassera tous les désirs de paix qui montent au cur de lhomme " (GS 39, § 1).
1049 " Mais lattente de la terre nouvelle, loin daffaiblir en nous le souci de cultiver cette terre, doit plutôt le réveiller : le corps de la nouvelle famille humaine y grandit, qui offre déjà quelque ébauche du siècle à venir. Cest pourquoi, sil faut soigneusement distinguer le progrès terrestre de la croissance du règne du Christ, ce progrès a cependant beaucoup dimportance pour le royaume de Dieu, dans la mesure où il peut contribuer à une meilleure organisation de la société humaine " (GS 39, § 2).
1050 " Car tous les fruits excellents de notre nature et de notre industrie, que nous aurons propagés sur terre selon le commandement du Seigneur et dans son Esprit, nous les retrouverons plus tard, mais purifiés de toute souillure, illuminés, transfigurés, lorsque le Christ remettra à son Père le royaume éternel et universel " (GS 39, § 3 ; cf. LG 2). Dieu sera alors " tout en tous " (1 Co 15, 28), dans la vie éternelle :
La vie subsistante et vraie, cest le Père qui, par le Fils et en lEsprit Saint, déverse sur tous sans exception les dons célestes. Grâce à sa miséricorde, nous aussi, hommes, nous avons reçu la promesse indéfectible de la vie éternelle (S. Cyrille de Jérusalem, catech. ill. 18, 29 : PG 33, 1049).
En bref
1051 Chaque homme dans son âme immortelle reçoit sa rétribution éternelle dès sa mort en un jugement particulier par le Christ, juge des vivants et des morts.
1052 " Nous croyons que les âmes de tous ceux qui meurent dans la grâce du Christ (...) sont le Peuple de Dieu dans lau-delà de la mort, laquelle sera définitivement vaincue le jour de la résurrection où ces âmes seront réunies à leurs corps " (SPF 28).
1053 " Nous croyons que la multitude de celles qui sont rassemblées autour de Jésus et de Marie au Paradis forme lÉglise du ciel, où dans léternelle béatitude elles voient Dieu tel quil est et où elles sont aussi, à des degrés divers, associées avec les saints anges au gouvernement divin exercé par le Christ en gloire, en intercédant pour nous et aidant notre faiblesse par leur sollicitude fraternelle " (SPF 29).
1054 Ceux qui meurent dans la grâce et lamitié de Dieu, mais imparfaitement purifiés, bien quassurés de leur salut éternel, souffrent après leur mort une purification, afin dobtenir la sainteté nécessaire pour entrer dans la joie de Dieu.
1055 En vertu de la " communion des saints ", lÉglise recommande les défunts à la miséricorde de Dieu et offre en leur faveur des suffrages, en particulier le saint sacrifice eucharistique.
1056 Suivant lexemple du Christ, lÉglise avertit les fidèles de la " triste et lamentable réalité de la mort éternelle " (DCG 69), appelée aussi " enfer ".
1057 La peine principale de lenfer consiste en la séparation éternelle davec Dieu en qui seul lhomme peut avoir la vie et le bonheur pour lesquels il a été crée et auxquels il aspire.
1058 LÉglise prie pour que personne ne se perde : " Seigneur, ne permets pas que je sois jamais séparé de toi ". Sil est vrai que personne ne peut se sauver lui-même, il est vrai aussi que " Dieu veut que tous soient sauvés " (1 Tm 2, 4) et que pour Lui " tout est possible " (Mt 19, 26).
1059 " La très sainte Église romaine croit et confesse fermement quau jour du Jugement tous les hommes comparaîtront avec leur propre corps devant le tribunal du Christ pour rendre compte de leurs propres actes " (DS 859 ; cf. DS 1549).
1060 A la fin des temps, le Royaume de Dieu arrivera à sa plénitude. Alors les justes régneront avec le Christ pour toujours, glorifiés en corps et en âme, et lunivers matériel lui-même sera transformé. Dieu sera alors " tout en tous " (1 Co 15, 28), dans la vie éternelle.
" Amen "
1061 Le Credo, comme aussi le dernier livre de lÉcriture Sainte (cf. Ap 22, 21), se termine avec le mot hébreu Amen. On le trouve fréquemment à la fin des prières du Nouveau Testament. De même, lÉglise termine ses prières par " Amen ".
1062 En hébreux, " Amen " se rattache à la même racine que le mot " croire ". Cette racine exprime la solidité, la fiabilité, la fidélité. Ainsi on comprend pourquoi le " Amen " peut être dit de la fidélité de Dieu envers nous et de notre confiance en Lui.
1063 Dans le prophète Isaïe on trouve lexpression " Dieu de vérité ", littéralement " Dieu de lAmen ", cest-à-dire le Dieu fidèle à ses promesses : " Quiconque voudra être béni sur terre voudra être béni par le Dieu de lAmen " (Is 65, 16). Notre Seigneur emploie souvent le terme " Amen " (cf. Mt 6, 2. 5. 16), parfois sous forme redoublée (cf. Jn 5, 19), pour souligner la fiabilité de son enseignement, son Autorité fondée sur la Vérité de Dieu.
1064 L" Amen " final du Credo reprend et confirme donc ses deux premiers mots : " Je crois ". Croire, cest dire " Amen " aux paroles, aux promesses, aux commandements de Dieu, cest se fier totalement en Celui qui est l" Amen " dinfini amour et de parfaite fidélité. La vie chrétienne de chaque jour sera alors l" Amen " au " Je crois " de la Profession de foi de notre Baptême :
Que ton Symbole soit pour toi comme un miroir. Regarde-toi en lui : pour voir si tu crois tout ce que tu déclares croire. Et réjouis-toi chaque jour en ta foi (S. Augustin, serm. 58, 11, 13 : PL 38, 399).
1065 Jésus-Christ lui-même est " lAmen " (Ap 3, 14). Il est l" Amen " définitif de lamour du Père pour nous ; il assume et achève notre " Amen " au Père : " Toutes les promesses de Dieu ont en effet leur oui en lui ; aussi bien est-ce par lui que nous disons notre Amen à la gloire de Dieu " (2 Co 1, 20) :
Par Lui, avec Lui et en Lui,
à toi, Dieu le Père Tout-Puissant,
dans lunité du Saint-Esprit,
tout honneur et toute gloire,
pour les siècles des siècles.
AMEN.
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