MARGUERITE

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LE X JUIN. SAINTE MARGUERITE, REINE D'ECOSSE.

 

Une semaine s'est écoulée depuis le jour où, s'élevant de la terre de France dédiée au Christ par ses soins, Clotilde apprenait au monde le rôle réservé à la femme près du berceau des peuples. Avant le christianisme, l'homme, amoindri par le péché dans sa personne et dans sa vie sociale, ne connaissait pas la grandeur en ce point des intentions divines ; la philosophie et l'histoire ignoraient l'une et l'autre que la maternité pût s'élever jusqu'à ces hauteurs. Mais l'Esprit-Saint, donné aux hommes pour les instruire de toute vérité (1), théoriquement et pratiquement, multiplie depuis sa venue les exemples, afin de nous révéler l'ampleur merveilleuse du plan divin, la force et la suavité présidant ici comme partout aux conseils de l'éternelle Sagesse.

L'Ecosse était chrétienne depuis longtemps déjà, lorsque Marguerite lui fut donnée, non pour l'amener au baptême, mais pour établir parmi ses peuplades diverses et trop souvent ennemies l'unité qui fait la nation. L'ancienne Calédonie, défendue par ses lacs, ses montagnes et ses fleuves, avait jusqu'à la fin de l'empire romain gardé son indépendance. Mais, inaccessible aux armées, elle était devenue le refuge des vaincus de toute race,

 

1.  JOHAN.  XVI,  13.

 

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des proscrits de toutes les époques. Les irruptions, qui s'arrêtaient à ses frontières, avaient été nombreuses et sans merci dans les provinces méridionales de la grande île britannique ; Bretons dépossédés, Saxons, Danois, envahisseurs chassés à leur tour et fuyant vers le nord, étaient venus successivement juxtaposer leurs mœurs à celles des premiers habitants, ajouter leurs rancunes mutuelles aux vieilles divisions des Pietés et des Scots. Mais du mal même le remède devait sortir. Dieu, pour montrer qu'il est le maître des révolutions aussi bien que des flots en furie, allait confier l'exécution de ses desseins miséricordieux sur l'Ecosse aux bouleversements politiques et à la tempête.

Dans les premières années du XI° siècle, l'invasion danoise chassait du sol anglais les fils du dernier roi saxon, Edmond Côte de fer. L'apôtre couronné de la Hongrie, saint Etienne Ier, recevait à sa cour les petits-neveux d'Edouard le Martyr et donnait à l'aîné sa tille en mariage, tandis que le second s'alliait à la nièce de l'empereur saint Henri, le virginal époux de sainte Cunégonde. De cette dernière union naquirent deux filles : Christine qui se voua plus tard au Seigneur, Marguerite dont l'Eglise célèbre la gloire en ce jour, et un prince, Edgard Etheling, que les événements ramenèrent bientôt sur les marches du trône d'Angleterre. La royauté venait en effet de passer des princes danois à Edouard le Confesseur, oncle d'Edgard ; et l'angélique union du saint roi avec la douce Editha n'étant appelée à produire de fruits que pour le ciel, la couronne semblait devoir appartenir après lui par droit de naissance au frère de sainte Marguerite, son plus proche héritier. Nés dans l'exil, Edgard et ses sœurs virent donc

 

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enfin s'ouvrir pour eux la patrie. Mais peu après, la mort d'Edouard et la conquête normande bannissaient de nouveau la famille royale ; le navire qui devait reconduire sur le continent les augustes fugitifs était jeté (1) par un ouragan sur les côtes d'Ecosse. Edgard Etheling, malgré les efforts du parti saxon, ne devait jamais relever le trône de ses pères ; mais sa sainte sœur conquérait la terre où le naufrage, instrument de Dieu, l'avait portée.

Devenue l'épouse de Malcolm III, sa sereine influence assouplit les instincts farouches du fils de Duncan, et triompha de la barbarie trop dominante encore en ces contrées jusque-là séparées du reste du monde. Les habitants des hautes et des basses terres, réconciliés, suivaient leur douce souveraine dans les sentiers nouveaux qu'elle ouvrait devant eux à la lumière de l'Evangile. Les puissants se rapprochèrent du faible et du pauvre, et, déposant leur dureté de race, se laissèrent prendre aux charmes de la charité. La pénitence chrétienne reprit ses droits sur les instincts grossiers de la pure nature. La pratique des sacrements, remise en honneur, produisait ses fruits. Partout, dans l'Eglise et l'Etat, disparaissaient les abus. Tout le royaume n'était plus qu'une famille, dont Marguerite se disait à bon droit la mère; car l'Ecosse naissait par elle à la vraie civilisation. David Ier, inscrit comme sa mère au catalogue des Saints, achèvera l'œuvre commencée; pendant ce temps, un autre enfant de Marguerite, également digne d'elle, sainte Mathilde d'Ecosse, épouse d'Henri Ier fils de Guillaume de Normandie, mettra fin sur le sol anglais aux rivalités persévérantes des conquérants et des vaincus par le mélange du sang des deux races.

 

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Voici les lignes consacrées par l'Eglise à l'histoire de sainte Marguerite :

 

Marguerite , reine d'Ecosse, fut la noble fille des rois d'Angleterre par son père et des Césars par sa mère; mais la vertu chrétienne l'éleva encore au-dessus de sa naissance. Elle naquit en Hongrie , où son père était alors exilé. Après une enfance passée dans la plus haute piété , elle vint en Angleterre avec son père, qui était appelé par saint Edouard roi des Anglais , son oncle, à monter sur le trône de ses aïeux. Bientôt, partageant les revers de sa famille, Marguerite dut s'éloigner des rivages d'Angleterre. Une tempête, ou plutôt le dessein de la divine Providence, la jeta sur les côtes d'Ecosse. Le commandement de sa mère lui fit épouser Malcolm III, roi de ce pays, que ses belles qualités avaient touché. Par sa sainteté et ses œuvres pieuses, elle rendit à tout le royaume les plus grands services durant trente années qu'elle régna.

 

Au milieu de la mollesse d'une cour, elle mortifia son corps par les veilles et les austérités, employant à la prière une grande partie des nuits. Outre d'autres jeûnes qu'elle s'imposait de temps en temps, elle avait la coutume d'observer celui de quarante jours entiers avant la fête de Noël, avec une telle rigueur qu'elle ne le suspendit jamais dans ses maladies les plus aiguës. Adonnée au culte divin , elle bâtit un grand nombre d'églises et de monastères , répara les autres, les fournit d'ornements sacrés et les dota richement. Elle amena le roi son mari à une vie chrétienne, et le porta par ses exemples salutaires à partager ses saintes pratiques. Elle éleva tous ses enfants d'une manière si parfaite et avec un si heureux succès, que presque tous, ainsi que sa mère Agathe et sa sœur Christine, se vouèrent à une vie très sainte. Occupée enfin du bonheur de l’Ecosse entière, elle fit disparaître tous les désordres qui s'étaient glissés insensiblement dans les habitudes du pays, et rendit conformes à la piété chrétienne les mœurs de son  peuple.

 

Rien cependant ne fut plus admirable en elle que son ardente charité envers le prochain, principalement envers les pauvres. On la vit non seulement répandre ses largesses sur des multitudes d'indigents , mais encore en servir par elle-même trois cents chaque jour avec une maternelle bonté, leur donnant à manger, leur rendant tous les offices à genoux devant eux comme une servante, lavant leurs pieds de ses mains royales et déposant ses baisers sur leurs ulcères : telles étaient ses pratiques habituelles. On la vit se défaire de ses parures royales et de ses joyaux les plus précieux, et même plus d'une fois épuiser le trésor, pour subvenir à ses aumônes et autres œuvres pies. Après avoir supporté avec une patience qui tenait du prodige les cruelles douleurs d'une maladie de six mois, qui acheva de purifier son âme, elle la rendit à son Créateur le quatre des ides de juin. A ce moment, son visage, que la maigreur et la pâleur avaient défiguré dans le cours de ses longues souffrances, reprit les traits d'une beauté extraordinaire. Après sa mort, d'admirables prodiges illustrèrent aussi sa mémoire. Elle fut reconnue patronne de l'Ecosse par l'autorité de Clément X, et on l'honore d'un culte religieux dans toute la terre.

 

Nous vous saluons, ô reine, digne des éloges que la postérité consacre aux plus illustres souveraines. Dans vos mains, la puissance a été l'instrument du salut des peuples. Votre passage a marqué pour l'Ecosse le plein midi de la vraie lumière. Hier, en son Martyrologe, la sainte Eglise nous rappelait la mémoire de celui qui fut votre précurseur glorieux sur cette terre lointaine : au VI° siècle, Colomb-Kil, sortant de l'Irlande, y portait la foi. Mais le christianisme de ses

 

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habitants, comprimé par mille causes diverses dans son essor, n'avait point produit parmi eux tous ses effets civilisateurs. Une mère seule pouvait parfaire l'éducation surnaturelle de la nation. L'Esprit-Saint, qui vous avait choisie pour cette tâche, ô Marguerite, prépara votre maternité dans la trihulation et l'angoisse : ainsi avait-il procédé pour Clotilde; ainsi fait-il pour toutes les mères. Combien mystérieuses et cachées n'apparaissent pas en votre personne les voies de l'éternelle Sagesse ! Cette naissance de proscrite loin du sol des aïeux, cette rentrée dans la patrie, suivie bientôt d'infortunes plus poignantes, cette tempête, enfin, qui vous jette dénuée de tout sur les rochers d'une terre inconnue : quel prudent de ce monde eût pressenti, dans une série de désastres pareils, la conduite d'une miséricordieuse providence faisant servir à ses plus suaves résolutions la violence combinée des hommes et des éléments ? Et pourtant, c'est ainsi que se formait en vous la femme forte (1), supérieure aux tromperies de la vie présente et fixée en Dieu, le seul bien que n'atteignent pas les révolutions de ce monde.

Loin de s'aigrir ou de se dessécher sous la souffrance, votre cœur, établi au-dessus des variations de cette terre à la vraie source de l'amour, y puisait toutes les prévoyances et tous les dévouements qui , sans autre préparation , vous tenaient à la hauteur de la mission qui devait être la vôtre. Ainsi fûtes-vous en toute vérité ce trésor qui mérite qu'on l’aille chercher jusqu'aux extrémités du monde, ce navire qui apporte des plages lointaines la nourriture et toutes les richesses au rivage où les vents l'ont poussé (2). Heureuse votre

 

1. Prov. XXXI, 10-31. — 2. Ibid.

 

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patrie d'adoption, si jamais elle n'eût oublié vos enseignements et vos exemples ! Heureux vos descendants, si toujours ils s'étaient souvenus que le sang des Saints coulait dans leurs veines! Digne de vous dans la mort, la dernière reine d'Ecosse porta du moins sous la hache du bourreau une tête jusqu'au bout fidèle à son baptême. Mais on vit l'indigne fils de Marie Smart, par une politique aussi fausse que sacrilège, abandonner en même temps l'Eglise et sa mère. L'hérésie desséchait pour jamais la souche illustre d'où sortirent tant de rois, au moment où l'Angleterre et l'Ecosse s'unissaient sous leur sceptre agrandi ; car la trahison consommée par Jacques Ier ne devait pas être rachetée devant Dieu par la fidélité de Jacques II à la foi de ses pères. O Marguerite, du ciel où votre trône est affermi pour les siècles sans fin, n'abandonnez ni l'Angleterre à qui vous appartenez par vos glorieux ancêtres, ni l'Ecosse dont la protection spéciale vous reste confiée par l'Eglise de la terre. L'apôtre André partage avec vous les droits de ce puissant patronage. De concert avec lui, gardez les âmes restées fidèles, multipliez le nombre des retours à l'antique foi, et préparez pour un avenir prochain la rentrée du troupeau tout entier sous la houlette de l'unique Pasteur (1).

 

1. JOHAN. X, 16.

 

 

 

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