ESSAI
SUR
L’ORIGINE, LA SIGNIFICATION ET LES PRIVILÈGES
DE
LA MÉDAILLE OU CROIX   DE   SAINT   BENOIT

 

PAR

 

LE R. P. DOM PROSPER GUÉRANGER Abbé de Solesmes

 

 

ONZIÈME    ÉDITION

 

PARIS

ANCIENNE LIBRAIRIE RELIGIEUSE H. OUDIN

J. LEDAY ET Cie, SUCCESSEURS

10, RUE DE  MÉZIÈRES,   10

1890

 

Note du copiste : Cette savoureuse édition de Dom Guéranger est naturellement à relire dans notre contexte du XXIème siècle. Pour ce faire, on peut conseiller, le petit livre de l’abbé Philippe Beitia, La médaille de saint Benoît, Histoire et spiritualité, Paris 2005 Pierre Téqui éditeur, ISBN 2-404-1212-1 . Ce dernier auteur cite d’ailleurs abondamment Dom Guéranger.

 

Bibliothèque ; Institutions Liturgiques ; Accueil

 

 

 

ESSAI  SUR  L’ORIGINE, LA SIGNIFICATION ET LES PRIVILÈGES  DE  LA MÉDAILLE OU CROIX   DE   SAINT   BENOIT. 1

PRÉFACE.. 2

ESSAI SUR  L'ORIGINE,  LA SIGNIFICATION ET LES PRIVILÈGES DE LA MÉDAILLE OU  CROIX DE  SAINT BENOIT. 3

§ I. DE   L'IMAGE  DE   LA   CROIX  REPRÉSENTÉE SUR  LA  MÉDAILLE. 3

§ II. DE    L'IMAGE    DE     SAINT    BENOIT    REPRÉSENTÉE SUR  LA MÉDAILLE. 5

§ III. DES   CARACTÈRES   QUI   SE   LISENT   SUR   LA MÉDAILLE. 8

§ IV. ORIGINE DE LA MÉDAILLE DE SAINT BENOIT. 10

§ V. USAGE DE LA MÉDAILLE DE SAINT BENOIT. 13

§ VI. EFFETS MERVEILLEUX  DE  LA  MÉDAILLE DE SAINT BENOIT AU XVIIe SIÈCLE. 15

§ VII. EFFETS  DE  LA MÉDAILLE  DE   SAINT  BENOIT AU XIX° SIÈCLE.  — GUÉRISONS OBTENUES. 17

§ VIII. GRACES SPIRITUELLES. 21

§ IX. PROTECTION CONTRE  LES EMBUCHES DES DÉMONS. 24

§ X. PRÉSERVATION DANS LES DANGERS. 27

§ XI. SECOURS AUX ANIMAUX UTILES A  L'HOMME,  ET INFLUENCE SUR LES CONDITIONS NATURELLES. 32

§ XII. LA MÉDAILLE  DE   SAINT  BENOIT   DANS LES PAYS DE MISSIONS. 36

§ XIII. APPROBATION  DE   LA  MÉDAILLE  DE   SAINT BENOÎT PAR  LE  SIÈGE  APOSTOLIQUE. 40

BENEDICTUS P.P.XIV.. 41

BENOIT  XIV, PAPE.. 41

§ XIV. CONSÉQUENCES DU BREF DE BENOIT XIV  RELATIVEMENT  A LA MÉDAILLE DE SAINT BENOIT. 53

§ XV. DÉTAIL DES INDULGENCES ATTACHÉES A LA MÉDAILLE DE SAINT BENOIT, SELON LE BREF DE BENOIT XIV. 56

§ XVI. RITE A EMPLOYER POUR  LA   BÉNÉDICTION  DE LA MÉDAILLE DE SAINT BENOIT. 59

§ XVII. DE LA DÉVOTION ENVERS SAINT BENOIT. 61

TABLE.. 63

 

PRÉFACE

 

Il n'appartient pas aux hommes de juger les effets de la puissance et de la bonté de Dieu. Dans sa sagesse et sa providence, il emploie quelquefois, pour venir à notre secours dans nos besoins, des moyens d'une extrême simplicité, afin d'entretenir en nous l'humilité et la confiance filiale.

L'homme peu éclairé de la foi s'étonne, il est même tenté de se scandaliser, parce qu'il lui semble que les moyens par lesquels Dieu opère sont disproportionnés à sa grandeur. C'est orgueil ou légèreté de penser ainsi ; car Dieu ne se met à notre portée qu'à la condition de s'incliner vers nous.

Quelle grandeur, au contraire, ne fait-il pas paraître, lorsqu'il choisit de simples éléments matériels pour intermédiaires entre  lui et nous, ainsi qu'il le fait dans les divins sacrements! N'est-ce pas alors qu'il montre à quel point il est maître de tout, jusqu'à confier l'élément même de sa grâce à des formes si humbles et en apparence si vulgaires? Dirigée par son Esprit, la sainte Église se plaît à l'imiter de loin, en communiquant la vertu divine qui réside en elle aux objets qu'elle a sanctifiés pour le secours et la consolation de l'homme.

Il s'agit, dans cet opuscule, d'un de ces objets sacrés, honoré du contrôle et de la bénédiction de l'Église, et réunissant la vertu triomphante de la sainte Croix qui nous a. sauvés, au souvenir d'un des plus illustres serviteurs de Dieu. Quiconque aime et adore le Christ qui nous a rachetés, quiconque a foi dans l'intercession des Saints qui sont dans la gloire avec le Christ,   celui-là  considérera  avec   respect la Médaille de saint Benoît; et s'il entend le récit de quelqu'une des faveurs célestes dont elle a été l'instrument , il rendra grâces à Dieu qui nous autorise à nous servir de la Croix de son Fils comme d'un bouclier de salut, et à compter fermement sur la protection des habitants du ciel.

Nous avons rassemblé dans ce petit volume un certain nombre de faits qui témoignent de la protection particulière que Dieu veut bien étendre sur ceux qui mettent leur confiance dans les signes sacrés que retrace la Médaille. Ces faits, auxquels nous n'entendons en aucune façon attribuer la qualité de miracles proprement dits, nous ont été attestés par des personnes en qui nous avons la plus entière confiance. C'est au lecteur d'en apprécier la portée et de prononcer sur leur valeur. Quant  au nombre assez considérable de ces faits, nous aurions pu l'accroître encore à l'aide de renseignements que nous recevons de toutes parts ; mais nous avons cru devoir nous borner, et chercher plutôt la variété que le nombre.

Notre désir unique en publiant cet Essai sur un sujet assez délicat, dans un temps bu le rationalisme exerce encore tant de ravages, est d'être utile à nos frères dans la foi. Dans les moments où ils ressentiront le besoin d'un secours particulier du ciel, qu'ils recourent à la Médaille de saint Benoît, comme le font tant de chrétiens, et si leur foi est vive et simple, qu'ils comptent sur la promesse de Notre-Seigneur : cette foi ne restera pas sans récompense.

 

 


 

ESSAI
SUR
L'ORIGINE,  LA SIGNIFICATION ET LES PRIVILÈGES
DE
LA MÉDAILLE OU  CROIX DE  SAINT BENOIT

 

Un grand nombre de personnes désirent acquérir des notions certaines sur la célèbre médaille qui porte le nom du grand Patriarche des moines d'Occident. Déjà plusieurs notices plus ou moins exactes ont été publiées ; il nous a semblé qu'aucune d'elles n'avait jusqu'ici satisfait pleinement à l'attente du public, et nous avons pensé qu'il était utile d'offrir à la, piété des fidèles un ensemble plus complet de renseignements sur un objet qui lui est cher. Afin  de procéder  avec ordre dans notre exposé, nous commencerons par la  description de la médaille.

 

§ I. DE   L'IMAGE  DE   LA   CROIX  REPRÉSENTÉE SUR  LA  MÉDAILLE.

 

Il suffit aux chrétiens de réfléchir un moment sur la vertu souveraine de la Croix de Jésus-Christ, pour comprendre la dignité d'une médaille sur laquelle elle est représentée. La Croix a été I'instrument de la rédemption du monde ; elle est l'arbre salutaire sur lequel a été expié le péché que l'homme avait commis en mangeant le fruit de l'arbre défendu. Saint Paul nous enseigne que l'arrêt de notre condamnation a été attaché à la Croix, et qu'il a été effacé par le sang du Rédempteur  ( Col. II, 14) ; enfin la Croix en laquelle l'Église salue notre unique espérance, spes unica, doit paraître au dernier jour sur les nuées du ciel comme le trophée de la victoire de l’Homme-Dieu.

La représentation de la Croix réveille en nous tous les sentiments de la reconnaissance envers Dieu pour le bienfait de notre salut. Apres la sainte Eucharistie, il n'est rien sur la terre qui soit plus digne de nos respects que la Croix ; et c'est pour cela que nous lui rendons un culte d'adoration qui se rapporte au Seigneur dont le sang divin l'a arrosée.

Animés des sentiments de la religion la plus pure, les premiers chrétiens eurent dès le principe la plus profonde vénération pour l'image de la Croix, et les Pères de l'Église ne tarissent pas sur les louanges qu'ils donnent à ce signe auguste. Lorsque, après trois siècles de persécution, Dieu eut résolu de rendre la paix à son Eglise, une croix apparut au ciel avec ces paroles : « Tu vaincras par ce signe » ; et l'empereur Constantin, à qui était destinée cette vision qui lui promettait la victoire, voulut que son armée marchât désormais au combat sous un étendard qui offrait l'image de la Croix avec le monogramme du Christ, et qui fut appelé le Labarum.

La Croix est un objet de terreur pour les esprits de malice ; devant elle ils reculent toujours ; à son aspect ils ne tardent pas à lâcher leur proie et à s'enfuir. Enfin telle est pour les chrétiens l'importance de la Croix, telle est la bénédiction qu'elle apporte avec elle, que, depuis le temps des Apôtres jusqu'à nous, l'usage inviolable a été pour les fidèles d'en produire fréquemment le signe sur eux-mêmes, et, pour les ministres de l'Église, de l'employer sur tous les objets que le caractère sacerdotal leur donne le pouvoir de bénir et de sanctifier.

Notre médaille, qui représente d'abord l'image de la Croix, est donc parfaitement conforme à la piété chrétienne, et, par ce seul motif, digne déjà de toute sorte de respects.

 


 

§ II. DE    L'IMAGE    DE     SAINT    BENOIT    REPRÉSENTÉE SUR  LA MÉDAILLE.

 

L'honneur de paraître sur la même médaille avec l'image de la sainte Croix a été déféré à saint Benoît dans le but de marquer l'efficacité que ce signe sacré a eue entre ses mains. Saint Grégoire le Grand , qui a écrit la vie du saint Patriarche, nous le représente dissipant ses propres tentations par le signe de la Croix, et par ce même signe qu'il fit sur un breuvage empoisonne, brisant le vase, et découvrant le mauvais dessein de ceux qui avaient attenté à sa vie. Si le malin esprit, pour effrayer les frères, fait paraître en feu le monastère du Mont-Cassin, saint Benoît dissipe à l'instant ce prestige en produisant sur les flammes fantastiques ce même signe de la Passion du Sauveur. Si ses disciples sont agités intérieurement par les suggestions du tentateur,  il leur indique pour  remède de   former   sur   leur cœur l'image de la Croix.

Dans sa Règle,  il veut que le frère qui vient de lire au pied de l'autel l'engagement solennel de sa profession,   appose le signe de la Croix comme  un sceau irrévocable sur la cédule de ses vœux.

Pleins de confiance dans la puissance de ce signe sacré, les disciples de saint Benoît Ont opéré par la Croix d'innombrables prodiges. Il suffira de rappeler saint Maur rendant la vue à un aveugle, saint Placide guérissant de nombreux malades, saint Richmir délivrant les captifs, saint Wulstan préservant, dans sa chute, un ouvrier qui tombait du haut de la tour de l'église, saint Odilon arrachant de l'œil d'un homme blessé un éclat de bois qui l'avait transpercé, saint Anselme de Cantorbéry chassant les spectres horribles qui fatiguaient un vieillard mourant, saint Hugues de Cluny apaisant une tempête, saint Grégoire VII arrêtant l'embrasement de Rome, etc.   : tous ces prodiges et mille autres que contiennent les Actes des Saints de l'Ordre de Saint? Benoît, furent opérés par le signe de la Croix.

La gloire et l'efficacité de l'auguste instrument de notre salut ont été célébrées avec enthousiasme par la reconnaissance des enfants du grand Patriarche. Sans parler du petit Office de la sainte Croix que récitait saint Udalric, évêque d'Augsbourg, et que l'on célébrait au chœur dans les abbayes de Saint-Gall, de Reichenau, de Bursfeld, etc., le Bienheureux Rhaban Maur et saint Pierre Damien consacrèrent les efforts de leur poésie à la sainte Croix ; saint Anselme de Cantorbéry composa pour la louer d'admirables prières ; le vénérable Bède, saint Odilon de Cluny, Rupert de Deutz, Ekbert de Schonaugen et une foule d'autres, nous ont laissé des Sermons sur le sujet de la sainte Croix ; Eginhard écrivit un livre pour en soutenir le culte contre les Iconoclastes, et Pierre le Vénérable vengea dans un traité spécial l'usage du signe   de la  Croix,   attaqué   par   les Pétrobrusiens.

Entre les plus illustres abbayes de l'Ordre de Saint-Benoît, un grand nombre furent fondées sous le titre de la Sainte-Croix. Nous mentionnerons seulement le célèbre monastère bâti à Paris par l'évêque saint Germain ; dans le diocèse de Meaux, celui qu'édifia saint Faron ; l'abbaye de Sainte-Croix, fondée à Poitiers par sainte Radégonde; à Bordeaux, sous le même titre, celle que bâtit Clovis II ; Metten en Bavière, Reichenau en Suisse, Quimperlé dans notre Bretagne ; et dans les Vosges, les cinq fameux monastères qui furent disposés de manière à former entre eux la figure de la Croix.

Le Sauveur du monde, par une faveur spéciale, semble avoir voulu confier aux enfants de saint Benoît une partie notable de la Croix sur laquelle il a racheté les hommes. D'insignes fragments de ce bois sacré ont été placés sous leur garde; et le chrétien pourrait se réjouir d'avoir, pour ainsi dire, contemplé l'instrument de son salut, si l'on réunissait sous ses yeux les portions qui en ont été conservées dans les abbayes de cet Ordre. Parmi les monastères favorisés d'un tel trésor, nous citerons, en France, Saint-Germain-des-Prés, à Paris ; Saint-Denys ; Sainte-Croix de Poitiers ; Cormery, en Touraine ; Gellone, etc. ; Saint-Michel de Murano, à Venise ; en Espagne, Sahagun ; en Suisse, Reichenau ; en Allemagne, Saint-Ulrich et Sainte-Afra, à Augsbourg ; Saint-Michel, à Hildesheim ; Saint-Trudpert, dans la Forêt-Noire ; Mœlk, en Autriche ; l'illustre abbaye de Gandersheim, etc.

Mais la mission la plus glorieuse donnée aux Bénédictins pour la gloire de la sainte Croix a été celle de porter cet instrument de salut dans de nombreuses contrées par la prédication apostolique aux Gentils. La majeure partie de l'Occident fut arrachée aux ombres de l'infidélité par leur zèle, et l'on sait combien l'Angleterre est redevable à saint   Augustin   de   Cantorbéry,   l'Allemagne à saint Boniface, la Belgique à saint Amand, la Hollande et la Zélande à saint Willibrord, la Westphalie à saint Switbert, la Saxe à saint Ludger, la Bavière à saint Corbinien, la Suède et le Danemark à saint Anschaire, l'Autriche à saint Wolfgang, la Pologne et la Bohême à saint Adalbert de Prague, la Prusse à saint Othon de Bamberg, la Russie au second saint Boniface.

Telles sont en abrégé les relations que présentent avec la sainte Croix les grandes œuvres qui se rapportent à personne et au nom de saint Benoît. Il est permis d'en conclure que c'est avec une convenance particulière que l'on a réuni l'image de ce saint Patriarche sur une même médaille avec celle de la Croix du Sauveur.

On le comprend plus aisément encore, si l'on se reporte aux récits contenus dans les Actes des deux grands disciples du serviteur de Dieu, saint Placide et saint Maur. L'un et l'autre, en opérant les prodiges dont leurs vies sont remplies, avaient coutume de faire intervenir, avec l'invocation du secours de la sainte Croix, le nom de leur saint législateur, et ils consacrèrent ainsi dès l'origine le pieux usage dont la médaille devait être l'expression dans la suite des temps.

Saint Placide venait à peine de quitter saint Benoît pour se rendre en Sicile ; à Capoue, on lui demande la guérison du primicier de l'église de cette ville. Après les longues résistances de son humilité, il consent à imposer sa main sur la tête de ce prêtre atteint d'une maladie mortelle, et il le guérit subitement, en prononçant ces paroles : « Au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui, par les prières et la vertu de notre maître Benoît, m'a retiré sain et sauf du milieu des eaux, que Dieu récompense ta foi et te rende ta première santé.  »

Bientôt un aveugle se présente, demandant à son tour d'être guéri. Placide fait sur ses yeux le signe de la Croix, qu'il accompagne de cette prière : « Médiateur de Dieu et des hommes, Seigneur Jésus-Christ, qui êtes descendu du ciel sur la terre afin d'éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et l'ombré de la mort ; vous qui avez donné à notre bienheureux maître Benoît la vertu de guérir toutes les maladies et toutes les blessures, daignez, par ses mérites, rendre la vue à cet aveugle, afin que, voyant la magnificence de vos œuvres, il vous craigne et vous adore comme le souverain Seigneur. » S'adressant ensuite à l'aveugle, Placide ajouta : « Par les mérites de notre très saint Père Benoît, je te le commande au nom de celui qui a créé le soleil et la lune pour être l'ornement du ciel, et qui a donné à l'aveugle-né les yeux que la nature lui avait refusés, lève-toi et sois guéri ; va annoncer à tous a les merveilles de notre Dieu. » L'aveugle recouvra tout aussitôt la vue. Nous pourrions citer encore d'autres faits miraculeux de la vie de saint Placide, guérisons de malades ou délivrances    de   possédés,   dans lesquels l'invocation ou le souvenir de saint Benoît, alors encore vivant, s'unissait à l'emploi du signe de la Croix. On entend, dans ces récits, jusqu'aux malades eux-mêmes reconnaître et proclamer cette mystérieuse relation.

Saint Maur,  ayant quitté le grand Patriarche qui l'envoyait établir sa Règle dans les Gaules, ne tarda pas non plus à   opérer  de nombreux miracles, ainsi que nous l'avons dit plus haut. Ces miracles furent accomplis au moyen de la sainte Croix, et le   saint Abbé avait  coutume aussi de joindre à la  vertu divine de l'instrument de notre  salut un appel à l'intervention de saint Benoît. Il en rendit témoignage lui-même,   lorsque, après avoir arraché à la mort un de ses compagnons de voyage, il fit cette déclaration ; « Si la divine majesté, dit-il  aux témoins du  miracle,  a daigné opérer ce prodige par le bois de notre rédemption, ce n'est donc pas à un homme, mais au divin Rédempteur lui-même qu'il en  faut attribuer la gloire, bien que personne ne puisse douter que ce ne soient les mérites de notre très saint Père Benoît qui nous ont obtenu de lui cette grâce. »

Il est donc évident par les faits que, dès le début de l'Ordre bénédictin, ce mode de recourir à la bonté divine fut mis en usage avec un plein succès. Saint Benoît était encore sur la terre, et ses disciples s'adressaient à Dieu en son nom ; mais si déjà la confiance en ses mérites était bénie du ciel, le pouvoir d'intercession d'un tel serviteur de Dieu devait s'accroître encore lorsqu'il serait élevé dans la gloire.


 

§ III. DES   CARACTÈRES   QUI   SE   LISENT   SUR   LA MÉDAILLE.

 

Outre l'image de la Croix et celle de saint Benoît, la médaille offre un certain nombre de lettres dont chacune représente un mot latin. Ces divers mots réunis forment un sens qui manifeste l'intention de la médaille. Leur but est d'exprimer les rapports du saint Patriarche des moines d'Occident avec le signe sacré du salut des hommes, et de fournir en même temps aux fidèles un moyen d'employer la vertu de la sainte Croix contre les esprits de malice. Ces lettres mystérieuses sont disposées sur le côté de la médaille où figure la Croix  (Voir la gravure placée au commencement de du volume). On doit observer d'abord les quatre qui sont placées entre les branches de cette Croix :

 

C

S

S

B

 

 

Elles signifient : CRUX SANCTI PATRIS BENEDICTI ; en français : La Croix du saint Père Benoît. Ces paroles expliquent déjà le but de la médaille.

Sur la ligne perpendiculaire de la Croix elle-même on lit :

 

C

S

S

M

L

 

 

ce qui veut dire : CRUX SACRA SIT MIHI LUX ; en français : Que la sainte Croix soit ma lumière.

Sur la ligne horizontale de la même Croix on lit :

 

N. D. S.M.D.

 

ce qui signifie : NON DRACO SIT MIHI DUX ; en français : Que le dragon ne soit pas mon chef.

Ces deux lignes réunies forment un vers pentamètre, dont le sens est une protestation du chrétien, exprimant sa confiance envers la sainte Croix, et sa résistance au joug que le démon lui voudrait imposer.

Autour de la médaille se trouve une plus longue inscription qui présente d'abord le saint nom de Jésus , exprimé par le monogramme ordinaire : IHS. La foi et l'expérience nous enseignent assez la toute-puissance de ce Nom divin. Viennent ensuite, en commençant à droite, les caractères suivants :

 

V. R. S. N. S. M. V. S. M. Q. L. I. V. B

 

Ces initiales représentent deux vers :

 

VADE RETRO SATANA ; NUNQUAM SUADE MIHI VANA;

SUNT MALA QUAE LIBAS ; IPSE VENENA BIBAS.

 

en français : Retire-toi, Satan ; ne viens pas me conseiller tes vanités : le breuvage que tu verses est le mal : bois toi-même tes poisons.

Ces paroles sont censées sortir de la bouche de saint Benoît; celles du premier vers, lors de la tentation qu'il éprouva et dont il triompha par le signe de la Croix ; celles du second vers, au moment où ses ennemis lui présentèrent un breuvage de mort, qu'il découvrit en produisant le signe de vie sur le vase qui le contenait.

Le chrétien peut s'approprier ces paroles toutes les fois qu'il est en butte aux tentations et aux insultes de l'ennemi invisible du salut. Notre-Seigneur a lui-même sanctifié les premiers mots : Vade retro, Satana : Retire-toi, Satan. Leur valeur est donc éprouvée, en même temps qu'elle est garantie par l'Évangile lui-même. Les vanités que le démon nous conseille sont les désobéissances à la loi de Dieu, les pompes et les fausses maximes du monde. Le breuvage que nous présente cet ange de ténèbres est le péché qui donne la mort à l'âme. Au lieu de l'accepter, nous devons le lui laisser, comme le partage qu'il s'est choisi lui-même.

Il n'est pas besoin d'expliquer longuement au lecteur chrétien la force de cette conjuration qui oppose aux artifices et aux violences de Satan tout ce qu'il craint le plus : la Croix, le saint nom de Jésus, les propres paroles du Sauveur dans la tentation, et enfin le souvenir des victoires que le grand Patriarche saint Benoît a remportées sur le dragon infernal. Il suffit de prononcer ces paroles avec foi pour se sentir immédiatement fortifié, et pour défier toutes les embûches de l'enfer. Quand nous ne connaîtrions pas les faits qui démontrent à quel point Satan redoute, celte médaille, la seule appréciation de ce qu'elle représente et de ce qu'elle exprime suffirait pour nous la faire considérer comme une des armes les plus puissantes que la bonté de Dieu ait mises entre nos mains contre la malice des démons.


 

§ IV. ORIGINE DE LA MÉDAILLE DE SAINT BENOIT.

 

Il serait impossible d'assigner avec précision l'époque à laquelle a commencé l'usage delà médaille dont nous venons de donner la description (C'est par erreur qu'on a interprété dans le sens d'une plus haute antiquité de notre médaille ce vers de Paul Diacre dans son hymne sur saint Benoît : Aether pluit numismata. Ces mots sont tout simplement une allusion à un miracle rapporté par saint Grégoire le Grand. dans la Vie de saint Benoît, chapitre XXVII.) ; mais nous pouvons constater les circonstances qui ont aidé à sa propagation, et préludé à son approbation expresse par le Saint-Siège.

En 1647, à Natremberg, en Bavière, des magiciennes, accusées d'avoir exercé leurs maléfices contre la sécurité des  habitants de la contrée, furent emprisonnées par l'autorité publique. Dans l'instruction du procès, elles déclarèrent que leurs manœuvres superstitieuses étaient toujours restées sans  résultat dans les lieux où l'image de la sainte Croix était suspendue ou cachée en terre. Elles ajoutèrent qu'elles n'avaient jamais pu exercer aucun pouvoir sur l'abbaye de Metten, et que cette impuissance leur avait fait  comprendre  que la Croix protégeait ce monastère.  Les  magistrats consultèrent les Bénédictins de Metten sur cette particularité. On fit des recherches dans l'abbaye, et l'on remarqua peintes sur les murs plusieurs représentations de la sainte Croix, accompagnées des caractères que nous avons rapportés plus haut. Ces signes remontaient à une époque éloignée ; mais depuis  longtemps on avait cessé d'y porter attention. Restait à expliquer ces caractères dont le sens  était  perdu, et qui seuls pouvaient révéler l'intention dans laquelle ces Croix avaient été ainsi tracées.

Après beaucoup de recherches, on mit la main sur un manuscrit de la bibliothèque de l'abbaye. C'était un Evangéliaire remarquable par sa reliure enrichie de reliques et de pierres précieuses, et portant sur la première page treize vers qui indiquaient que ce livre avait été écrit et ainsi orné par ordre de l'abbé Pierre, en l'an  1415. Le même manuscrit contenait à la suite le livre de Rhaban Maur sur la Croix, et plusieurs dessins à la plume exécutés par un moine anonyme de Metten. Un de  ces dessins représentait saint Benoît revêtu de la coulle monastique, et tenant dans la main droite un bâton terminé par une croix.  Sur le bâton était écrit ce vers :

 

CRUX SACRA  SIT M LUX N DRACO  SIT  MICHI DUX.

 

De la main gauche du saint Patriarche sortait une banderole portant ces deux autres vers:

 

VADE RETRO SATHANA NUQ SUADE M VANA.
SUNT MALA QUE LIBAS IPSE VENENA BIBAS .

 

(La description du manuscrit de Metten a été donnée au public en 4721 par le savant Dom Bernard Pez, au premier tome de son Thesaurus Anecdotorum novissimus, où il a  fait graver le dessin dont il est ici question.)

 

Ainsi, au commencement du XV° siècle, saint Benoît était représenté tenant une croix, et les vers dont on lit aujourd'hui les initiales sur la médaille existaient déjà. Ces vers devaient avoir été à cette époque l'objet d'une dévotion particulière, puisque l'image de la sainte Croix paraissait sur les murailles de l'abbaye de Metten, entourée des initiales de chacun des mots dont ils sont composés. Il faut reconnaître en même temps que la pieuse intention qui avait fait ériger ces Croix était tombée en oubli., et que le précieux Evangéliaire que nous venons de décrire d'après Dom Bernard Pez avait été fort négligé , jusqu'à ce qu'une circonstance inattendue eût engagé les religieux à y chercher l'interprétation des mystérieux caractères. Cette incurie ne s'explique que trop, si l'on se rappelle les vicissitudes par lesquelles avaient passé les monastères de l'Allemagne depuis plus d'un : siècle, par suite des agitations religieuses et politiques dont ce pays avait été le théâtre, et qui en renversèrent un si grand nombre, laissant les autres dans un état voisin de la destruction.

Si maintenant nous voulons rechercher à quelle époque on aurait commencé à représenter saint Benoît avec la sainte Croix, il sera possible de découvrir une certaine origine de cet usage dans les faits si caractéristiques que nous avons cités des Vies de saint Placide et de saint Maur, premiers fondateurs des traditions de l'Ordre. Nous y apprêtions que tous deux ont accompli leurs œuvres miraculeuses en associant à la puissance de la sainte Croix les mérites de leur maître saint Benoît. Un fait raconté dans la Vie du pape saint Léon IX, qui siégea de 1049 à 1054, apportera aussi quelque secours pour l'éclaircissement de la question. Ce saint Pontife, né en 1002, porta d'abord le nom de Brunon, et fut placé dans son enfance sous la conduite de Bertold, évêque de Toul. Étant allé visiter ses parents dans le château  d'Eginsheim, une nuit du samedi au dimanche, il dormait dans la chambre qu'on lui avait préparée. Pendant son sommeil, un horrible crapaud vint se placer sur son visage. L'animal immonde appuyait ses pattes de devant sur la région de l'oreille et au-dessous du menton : il pressait fortement le visage du jeune homme et en suçait les chairs. La pression et la douleur réveillèrent Brunon. Effrayé du danger qu'il court, il se lève du lit aussitôt, et secoue par un mouvement de la main contre l'oreille l'affreuse bête que les rayons de la lune lui permettent de distinguer.

A cette vue, il pousse un cri d'horreur : de nombreux serviteurs arrivent apportant de la lumière ; mais la bête venimeuse s'évanouit à leur approche. En vain cherche-t-on sa trace: tous les efforts sont infructueux. Il demeura donc douteux si l'apparition du monstre avait été réelle ou fantastique ; mais les suites de son passage n'en furent pas moins cruelles. Brunon sentit tout à coup une inflammation douloureuse au visage, à la gorge et à la poitrine, et son état ne tarda pas à donner les plus vives alarmes.

Pendant deux mois, ses parents désolés entourèrent sa couche, attendant de jour en jour son dernier moment. Mais Dieu, qui le réservait pour le salut de son Eglise, voulut mettre un terme à leur affliction en lui rendant la santé. Depuis huit jours il avait perdu la parole, lorsque tout à coup, se sentant parfaitement éveillé, il vit une échelle lumineuse qui partait de son lit, et, traversant la fenêtre de sa chambre, paraissait monter jusqu'au ciel. Un vieillard vénérable, revêtu de l'habit monastique et entouré d'une splendeur éclatante, descendit par cette échelle. Il tenait dans sa main droite une Croix placée à l'extrémité d'un long bâton. Arrivé près du malade, il appuya sa main gauche sur l'échelle, et de sa droite il posa la Croix qu'il portait sur le visage de Brunon, puis sur les autres parties enflammées. Cet attouchement fit sortir le virus par une ouverture qui se forma aussitôt dans la région de l'oreille. Le Vieillard, laissant le malade soulagé, suivit en se retirant la voie par laquelle il était venu.

Brunon appelle aussitôt son clerc Adalbéron ; il le fait asseoir sur son lit et lui raconte l'heureuse visite qu'il vient de recevoir. La désolation qui remplissait la maison fait place à la joie la plus vive : peu de jours après, la plaie était cicatrisée et Brunon rendu à une santé parfaite. Dans tout le cours de sa vie, il aima à raconter cet événement miraculeux ; et l'archidiacre Wibert, auteur du récit que nous venons de reproduire, atteste que le Pontife avait reconnu le glorieux Patriarche saint Benoît dans le vieillard vénérable qui l'avait guéri par l'attouchement de la sainte Croix (Mabillon, Acta Sanctorum Ordinis S. Benedicti, sœculum VI).

Tel est le récit que nous lisons dans les Actes de saint Léon IX, rapportés par Dom Mabillon dans son sixième Siècle Bénédictin. Ce récit nous fournit l'occasion de former deux conjectures d'une égale vraisemblance. C'est d'abord qu'il est permis de penser que saint Benoît apparaissant à Brunon la Croix à la main fut reconnu du jeune homme, parce qu'on était déjà dans l'usage de représenter le saint législateur portant ce signe du salut ; c'est, en second lieu, que l'événement que nous venons de rapporter; se rattachant à un homme destiné à une si haute influence, et qui professait Une reconnaissance éclatante envers le saint Patriarche qui l'avait guéri par la Croix, a dû fortifier, sinon faire naître, en Allemagne surtout, où saint Léon IX passa la plus grande partie de sa vie, l'usage de donner pour attribut à saint Benoît la Croix qui a été entre ses mains l'instrument de tant de merveilles. Le manuscrit de l'abbaye de Metten est un des monuments de cette pratique, et le; vers dont était accompagnée l'effigie du saint Patriarche n'étaient pas simplement l'œuvre ignorée du transcripteur, mais une formule honorée déjà d'une certaine célébrité,  puisque les seules initiales de chacun des mots qui les composent se trouvaient peintes en divers lieux dans l'abbaye de Melfen, autour de l'image de la Croix, et depuis un temps assez éloigné pour que déjà en 1647 on eût perdu la signification des caractères.

L'événement de Nattremberg réveilla la dévotion des peuples envers saint Benoît représenté avec la sainte Croix. Ce fut alors que, pour faire jouir les fidèles de la protection assurée à ceux qui vénèrent la sainte Croix en union avec le saint Patriarche des moines d'Occident, la piété songea à multiplier et à propager les augustes symboles que l'on trouve réunis sur la médaille. On joignit à l'instrument du salut et à l'effigie de saint Benoît les caractères dont le manuscrit de Metten avait fourni l'explication. D'Allemagne où elle fut frappée d'abord, la médaille se répandit promptement dans toute l'Europe catholique, et fut regardée par les fidèles comme une défense assurée contre les esprits infernaux. Saint Vincent de Paul, qui mourut en 1660, paraît l'avoir connue : car toutes les Sœurs de la Charité la portent à leur chapelet de temps immémorial, et durant un long intervalle elle ne fut plus guère frappée en France que pour leur usage.


 

§ V. USAGE DE LA MÉDAILLE DE SAINT BENOIT.

 

Après avoir décrit la médaille de saint Benoît et raconté son origine, nous avons maintenant à expliquer l'usage qu'on en doit faire, et le secours qu'on en peut tirer. Nous n'ignorons pas qu'en ce siècle où le diable est regardé par beaucoup de gens comme un être de raison plutôt que Comme un être réel, il paraîtra étrange que l'on frappe une médaille, qu'on la bénisse, et qu'on l'emploie comme préservatif contre les embûches du malin esprit. Les saintes Écritures cependant nous fournissent assez de traits propres à nous donner une idée de la puissance et de l'activité des démons, ainsi que  des  dangers que nous courons sans cesse dans l'âme et dans le corps par suite de leurs embûches. Ne tenir aucun compte des démons, sourire aux récits de leurs opérations, ne suffit pas pour anéantir leur pouvoir. L'air n'en est pas moins rempli, comme l'enseigne saint Paul, des légions de ces esprits de malice (Eph. II, 2; VI, 12.) ; et si Dieu ne nous protégeait, le plus souvent même à notre insu, par le ministère des saints Anges, il nous serait impossible d'éviter les pièges innombrables de ces ennemis de toute créature de Dieu. Et qu'est-il besoin d'insister davantage, lorsque nous avons vu reparaître de nos jours ces pratiques imprudentes et coupables, renouvelées des païens, et à l'occasion desquelles un esprit malfaisant et trompeur vient donner la réponse attendue ; lorsque nous avons vu recommencer les évocations des morts, les oracles, et tous les prestiges à l'aide desquels Satan retint les hommes en esclavage durant tant de siècles?

Or,  telle est la puissance  de la  sainte Croix contre Satan et ses légions, que nous la pouvons considérer comme un bouclier invincible qui nous rend invulnérables à leurs traits. Le serpent d'airain élevé au désert par Moïse pour guérir les morsures des serpents de feu est donné par le Sauveur lui-même comme la figure de sa Croix (S. Jean, III, 14.). Le signe tracé sur la porte des maisons avec le sang de l'agneau pascal par les Israélites les préserva de la redoutable visite de l'Ange exterminateur (Exode, XII, 13.). Le prophète Ezéchiel désigne comme les élus de Dieu ceux qui porteront le Tau  empreint sur leur front (Ezech. IX, 4.) ; et c'est cette marque que saint Jean, dans l'Apocalypse, appelle le signe de l'Agneau (Apoc. IX, 4.). Il semble même que les païens avaient conscience du pouvoir que devait un jour exercer contre les démons ce signe sacré ; car lorsque le temple de Sérapis fut démoli à Alexandrie, sous le règne de Théodose, on trouva gravé dans ses fondations le Tau, image de la Croix, vénéré par les Gentils comme le symbole de la vie à venir ; et l'on entendit dire aux adorateurs de Sérapis eux-mêmes que, d'après une tradition répandue chez eux, l'idolâtrie prendrait fin lorsque ce symbole paraîtrait au jour.

L'histoire nous apprend que les mystères païens furent plus d'une fois rendus impuissants, parce qu'un chrétien perdu dans la foule avait fait le signe de la Croix. Au rapport de Tertullien dans son Apologétique, on vit jusqu'à des infidèles, témoins des merveilles que les chrétiens opéraient par la Croix, recourir eux-mêmes avec succès à ce signe mystérieux contre les maléfices et contre les insultes des démons. Saint Augustin atteste que des faits semblables se produisaient encore de son temps, « et nous ne devons pas en être surpris, dit-il. Ce sont, il est vrai, des étrangers, des gens qui n'ont pas donné leur nom à notre milice ; mais c'est là  puissance  de  notre  souverain  Roi qui se fait sentir dans  ces occasions (De diversis quœstionibus. Quaest. LXXXIX).

Après le triomphe de l'Eglise, le grand docteur saint Athanase exprimait ainsi sa conviction et ses espérances sur ce grave sujet : « Le signe de la Croix, dit-il, a la vertu de confondre tous les secrets de la magie, et de réduire à néant ses funestes breuvages. Que quelqu'un en fasse l'expérience ; qu'au milieu des prodiges des démons, de l'imposture des oracles, des prestiges de la magie, il emploie le signe de la Croix ; qu'il invoque le nom du Christ : il verra par lui-même avec quelle terreur les démons s'enfuient à ce signe et à ce nom, comment les oracles s'arrêtent, comment la magie et ses philtres perdent leur valeur (De Incarnatione Verbi. Cap. XLVIII.). »

Cette puissance de la Croix est donc une vérité historique en même temps qu'un dogme de notre religion; et si nous ne l'invoquons pas plus souvent, si nous n'en éprouvons pas plus de secours, il ne faut l'attribuer qu'à l'affaiblissement de notre foi. Les embûches de Satan nous environnent de toutes parts; nous courons des périls continuels pour l'âme et pour le corps. A l'exemple des vieux chrétiens, munissons-nous plus souvent du signe de la Croix. Que la Croix reparaisse pour nous protéger dans nos villes et dans nos campagnes y dans le secret de nos maisons comme dans les lieux publics, sur notre poitrine comme dans notre cœur.

Appliquant maintenant ces considérations à la médaille qui fait le sujet de cet opuscule , nous en conclurons qu'il doit être avantageux d'employer avec foi la médaille de saint Benoît dans les occasions où nous aurions à craindre les embûches de l'ennemi. Sa protection, n'en doutons pas, se montrera efficace dans toutes sortes de tentations. Des faits nombreux et incontestables ont signalé aussi son puissant secours dans mille occasions où, soit par l'action spontanée de Satan, soit par l'effet de quelque maléfice, les fidèles auraient eu à redouter un péril. Nous la pourrons employer aussi en faveur des autres, comme moyen de préservation ou de délivrance, dans la prévision des dangers qu'ils auraient à courir. Souvent des accidents imprévus nous menacent sur terre ou sur mer : portons sur nous avec foi la médaille, et nous serons protégés. Il n'est pas jusqu'aux circonstances les plus matérielles de la vie de l'homme dans lesquelles on n'ait éprouvé par son moyen la vertu de la sainte Croix et la puissance de saint Benoît. Ainsi, les esprits de malice, dans leur haine contre l'homme, s'attaquent aux animaux qui sont à son service, aux aliments qui doivent soutenir sa vie ; leur intervention malfaisante est souvent pour beaucoup dans la cause et la permanence des infirmités que nous ressentons; l'expérience a prouvé que l'emploi religieux de la médaille, en l'accompagnant de la prière, opérait souvent la cessation des embûches sataniques, un soulagement marqué dans les maladies , et quelquefois même une guérison  complète.

 


 

§ VI. EFFETS MERVEILLEUX  DE  LA  MÉDAILLE DE SAINT BENOIT AU XVIIe SIÈCLE.

 

La médaille de saint Benoît ayant été donnée pour subvenir aux nécessités des chrétiens dans des circonstances  très fréquentes, mais son usage étant purement privé, souvent même secret, on ne doit pas être étonné qu'il n'ait pas été publié de recueil officiel des effets salutaires qu'elle a produits. Sous donnerons ici cependant tout d'abord quelques faits qui ont signalé son action, en choisissant parmi ceux qui se rapportent à l'époque de sa première introduction en France.  Ils  ont été recueillis par le pieux et érudit Bucelin dans  son Benediclus redivivus (Veldkirk, 1679, pages  267-269).

Ce fut par la Franche-Comté que la médaille, qui se répandait beaucoup en Allemagne après l'événement de Nattremberg, pénétra  dans nos contrées.  En 1665, à Luxeuil, un jeune homme obsédé par l'esprit malin, était tourmenté de la manière la plus cruelle. Ses parents avaient employé tous les moyens pour l'arracher à cet état, et tous les moyens avaient été inutiles. La pensée leur vint de recourir, dans cette extrémité, à la médaille de saint Benoît. Ils donnèrent à boire à leur fils de l'eau dans laquelle ils avaient plongé cet objet sacré. A peine le jeune homme avait-il porté le breuvage à ses lèvres, que le démon recommença à tourmenter sa victime avec un acharnement extraordinaire, jusqu'à inspirer de la terreur à ceux qui étaient présents. Néanmoins les parents de l'obsédé commencèrent à se rassurer, lorsqu'ils eurent entendu le démon dire par la bouche de leur fils qu'il se sentait dominé par une puissance supérieure, et qu'il sortirait du jeune homme à trois heures de la nuit. L'événement justifia cet avertissement : l'ennemi infernal sortit à l'heure qu'il avait annoncée, et le jeune homme fut rendu à la paix de l'âme et à la santé du corps.

Le fait qui suit arriva aussi à Luxeuil, vers le même temps. Une jeune fille était dominée par l'esprit malin d'une  manière tellement irrésistible, que sa langue , ne cessait de proférer des paroles obscènes. On eût dit que le démon avait établi son siège sur  les lèvres de  sa victime. Pour la  délivrer de la violence que lui faisait l'ennemi de toute vertu, on lui  présenta aussi à boire de l'eau sanctifiée par le contact de la médaille de  saint  Benoît : aussitôt la contrainte qu'elle éprouvait s'arrêta, et jamais il n'arriva plus à cette fille de violer dans ses discours les règles de la modestie

chrétienne.

En la même année 1665, un homme avait une plaie au bras, si  grande et si envenimée, qu'elle n'avait cédé à aucun remède. On eut l'idée de placer la médaille sur le bras malade, en même  temps que l'appareil destiné au pansement. Le lendemain, à la levée de l'appareil, la plaie parut saine, et au bout de  quelques jours elle était cicatrisée.

Vers la même époque , un autre malade était tombé dans un état si désespéré, que les secours de la médecine étaient impuissants à le soulager. Dans cette extrémité, il désira boire un peu d'eau dans laquelle on avait mis un instant la médaille, et bientôt il recouvra une santé parfaite.

En 1666, le château de  Maillot, situé à quelques lieues de Besançon, était infesté par  les démons. Ses habitants éprouvaient des terreurs continuelles,  par  suite des bruits  étranges qu'ils y entendaient ; les bestiaux même étaient décimés par des maladies inconnues. La terreur devint si grande que cette demeure fut enfin abandonnée. Des personnes pieuses conseillèrent de suspendre  la médaille de saint Benoît en divers endroits des  murs du château, et l'événement justifia leur confiance.  Tout aussitôt la cause de tant de terreurs disparut ; cette résidence fut rendue à la paix, et ses habitants  purent désormais y vivre sans inquiétude.

En 1665, un village de Lorraine était désolé par de fréquents incendies ; chaque jour quelque nouvelle maison  périssait par les flammes, et nul ne pouvait assigner la cause de ces  sinistres. Déjà douze maisons avaient été successivement consumées, quand les habitants,  dans leur désespoir, vinrent demander du secours à une abbaye voisine. On leur donna plusieurs médailles de saint Benoît, en leur conseillant de les suspendre aux murailles des maisons que les  flammes avaient jusqu'alors épargnées. Les habitants du village suivirent ce conseil , et désormais leurs demeures n'eurent plus rien à redouter de ces incendies qui avaient causé tant de ravages.

Dans une contrée de la Bourgogne, une maladie sévissait sur les bestiaux, et l'ardeur du mal était si intense que les vaches donnaient du sang au lieu de lait. Ces animaux recouvrèrent la santé, lorsqu'on leur eut donné à boire de l'eau dans laquelle on avait jeté la médaille de saint Benoît. Ce fait se rapporte aussi à l'année 1665.

Le maître d'un  four à briques se plaignait de ne pouvoir plus cuire  sa terre, quelque soin que les ouvriers employassent à chauffer son four. On attacha aux murs de l'édifice la médaille de saint Benoît : tout aussitôt le feu y reprit son activité, et le phénomène malfaisant ne reparut plus. Ce fait eut lieu vers la même époque que le précédent.


 

§ VII. EFFETS  DE  LA MÉDAILLE  DE   SAINT  BENOIT AU XIX° SIÈCLE.  — GUÉRISONS OBTENUES.

 

L'heureux élan que la grâce divine  a imprimé depuis un certain nombre d'années aux fidèles  de France, en ranimant chez un grand nombre le sentiment des choses surnaturelles, a fait revivre la confiance dans les saintes pratiques auxquelles nos pères ont dû tant de précieux secours. La médaille de saint Benoît,  qui n'était bientôt plus qu'un secret que se transmettaient quelques âmes  pieuses, est devenue le recours de beaucoup de chrétiens. Leur confiance a été récompensée par de nouveaux traits de protection.

Nous en raconterons ici quelques-uns, en commençant par ceux qui se rapportent à la guérison des maladies du corps.

Dans  les  premiers jours de juillet de l'année 1843, aux eaux de Néris, une dame est atteinte subitement  d'un fort saignement de nez.  Le médecin est  appelé,  il constate le danger ; mais les remèdes qu'il ordonne semblent activer l'hémorrhagie, au lieu de l'arrêter. On était arrivé à la soirée du troisième jour; sur les neuf heures, le péril augmente visiblement, et le médecin laisse paraître une vive anxiété. La maîtresse de l'hôtel sort éperdue de la chambre de la malade, et comme par inspiration elle demande si quelqu'un n'aurait pas la médaille de saint  Benoît.  Par bonheur on en trouve une dans l'hôtel :  la malade, femme d'une foi vive, accepte la médaille, et soudain le sang s'arrête. Elle se lave les mains et le visage, et se met en devoir de se coucher : ce qu'elle n'avait pu faire  depuis trois jours et  deux nuits. De retour chez elle, la personne qui avait donné la médaille trouva une lettre datée de Rome, 8 juillet 1843, dans laquelle on lui disait: « Je n'ai pu jusqu'à présent trouver le livre du Bénédictin, de Prague (Il s'agit du livre de Bennon Löbl, abbé de Sainte-Marguerite de Prague, qui a pour titre : Disquisitio sacra numismatica, de origine, quidditate, virtute, pioque usu Numismatum seu Crucularum S. Benedicti, Abbatis. Viennœ Aastriœ, apud Leopoldum Kalivoda, 1743. — Nous avons cet ouvrage entre les mains et nous l'avons consulté pour la rédaction de cette notice. ); toutefois voici sur le même sujet un livret que j'ai eu de nos Bénédictins de Rome. » Or, dans l'énumération que donne ce livret des effets miraculeux de la médaille de saint Benoît, on lit entre autres : « § VII. E rimedio efficace cissimo pel jetto di sangue (Elle est un remède très efficace dans les pertes de sang.).  »

Vers la même époque, une jeune personne, atteinte d'une fièvre typhoïde, était réduite depuis dix jours à se tenir dans un fauteuil, la position horizontale du lit lui étant devenue insupportable. A neuf heures du soir, un ami de la famille,  qui était  venu la visiter, lui parle des médailles de saint Benoît, et lui en glisse une dans son mouchoir. Moins de cinq minutes après, la malade s'étendait dans son lit, et le lendemain, après une nuit de profond sommeil, elle se sentait affranchie de cette fièvre redoutable qui jusque-là avait résisté à tous les moyens de la médecine.

En janvier 1849, à T..., le Révérend Père P..., de la Compagnie de Jésus, se présente chez un particulier auprès duquel il venait chercher du secours pour un mal de dents devenu intolérable. On lui parle de la médaille de saint Benoît. Après quelques mots d'explication, le malade en accepte une. Au moment où la médaille touche sa main, il pousse un cri semblable à ceux que les dentistes sont habitués à entendre, et articule ensuite distinctement ces mots : «Ma dent est cassée. » Il porte brusquement ses doigts à la bouche et les y enfonce profondément : ô surprise ! la dent est à sa place, et la douleur a disparu.

En 1858, un Bénédictin de l'abbaye de Saint-Paul à Rome ayant appris la maladie grave dont se trouvait atteint, à Juliers, dans la Prusse Rhénane, un enfant dont il était le parrain, fit passer à la mère une médaille de saint Benoît. Une violente inflammation de poitrine, accompagnée de vives douleurs d'estomac, avait peu à peu conduit cet enfant aux portes du tombeau. Une nuit, la mère, le voyant réduit à l'extrémité et sur le point d'expirer, est saisie tout à coup de la pensée d'employer cette médaille qu'elle avait reçue tout récemment. Eperdue et tremblante, elle la dépose sur la poitrine de l'enfant, et se jette à genoux au pied du lit dans une fervente prière. Aussitôt la pauvre petite créature s'endort paisiblement, et après quelques heures d'un sommeil très doux, elle se levait pleine de vie et débarrassée de son mal, qui jusqu'alors avait été rebelle à tous les moyens curatifs.

Dans l'été de la même année 1858, le choléra sévissait à Tivoli, et non loin de Subiaco un homme se  trouvait en proie à d'atroces douleurs.  La  terrible maladie  fit en peu  d'heures  de si grands progrès, que l'on courut en hâte chercher le curé  pour les derniers  sacrements. Avant l'arrivée du curé, le péril  devint tel que le malade se crut perdu, et tomba bientôt dans une atonie complète, effet de  la violence du mal. Tout à coup il reprend connaissance, et, sentant ses souffrances redoubler, il presse alors avec force de ses deux mains son estomac  en proie aux plus violentes crispations, et rencontre  la médaille de saint  Benoît qu'il portait habituellement sur lui. La pensée lui vient d'implorer le saint Patriarche, pour lequel il avait une grande vénération. Tout aussitôt les douleurs s'arrêtent ;  il se lève, descend de son lit, et voyant le curé qui arrive tout haletant, couvert de sueur et de poussière, il lui dit : « Mon Père, je suis guéri »  ; et montrant  la médaille : « Voilà ce qui m'a sauvé ! » Cet homme se présenta peu après à l'abbaye des Bénédictins de  Saint-Paul de Rome, apportant  les attestations du curé et du médecin qui constataient la réalité du prodige.

En février 1861, une colonie de Bénédictins,  envoyée de la même abbaye de Saint-Paul  de  Rome, venait  de s'établir près de la ville de Clèves,  dans la Prusse Rhénane. Le mois suivant, on eut à faire une clôture  autour du petit jardin qui avoisinait le  nouveau   monastère.  Un particulier, qui  était  fabricien de l'église paroissiale que desservaient les Bénédictins, leur proposa d'aller acheter lui-même le bois nécessaire  pour la construction de cette barrière. A cet effet, il se rendit au lieu où l'on faisait la coupe des bois du gouvernement. Cet  homme  avait reçu la médaille de saint Benoît, et il la portait sur lui avec grande  dévotion. Après avoir chargé sa charrette de plusieurs gros troncs de chêne,  il se disposait à partir pour le monastère. Au moment où la charrette se mettait en mouvement, il  se trouvait par derrière, et  ne put  se retirer  à temps, lorsqu'une des pièces de bois, mal assujettie, vint rouler sur le sol ; dans sa chute elle le renversa,  et lui écrasa presque la jambe droite.

On transporta le blessé dans sa demeure. En apprenant cette triste nouvelle, le prieur du monastère s'écria : « C'est au service de saint Benoît qu'il a reçu cette blessure : saint Benoît le guérira. » Un des religieux rapporta cette parole au malade, qui déjà pensait lui-même à employer le secours de la médaille dont il ne se séparait jamais. Il la place donc sur sa jambe si horriblement contusionnée, et l'y retient avec une bandelette. Bientôt il s'endort d'un profond sommeil. Le lendemain, le blessé ne se réveillait qu'au grand jour, il se levait sans effort, et sa jambe ne portait plus aucune trace du terrible accident de la veille.

En 1861, dans une maison dite de Saint-Benoît, à Chambéry, une Sœur souffrait depuis trois mois des douleurs très vives aux jambes, par suite d'un coup d'air et de fatigues extraordinaires. Elle hésitait à déclarer son mal, et n'avait encore employé aucun remède. La pensée lui vint de faire une neuvaine en l’honneur de saint Benoît, en employant la médaille pour obtenir la protection du saint Patriarche. Durant le cours de cette neuvaine, elle appuyait fortement sur ses jambes, l'une après l'autre, cette médaille, en invoquant le secours de saint Benoît, et chaque fois ses douleurs se calmaient. En même temps, elle continuait le service très laborieux dont elle était chargée dans la maison. La première neuvaine n'ayant apporté à la Sœur d'autre résultat que des secours intermittents, elle se décida à en commencer une seconde. Celle-ci fut couronnée d'un plein succès et enleva totalement l'infirmité. La même Sœur, s'étant trouvée atteinte d'une ophthalmie, eut recours au moyen qui l'avait si bien servie, et s'étant lavé les yeux avec de l'eau dans laquelle elle avait plongé la médaille, sa vue se fortifia tout aussitôt, et ne tarda pas à reprendre sa vigueur accoutumée.

Dans une localité de la Savoie, vers le même temps, une petite fille, âgée de six ans, était travaillée depuis plusieurs semaines par des douleurs aiguës. Les nerfs de cette enfant s'étaient contractés, et on n'eût pu la toucher même du bout du doigt sans lui occasionner les plus vives douleurs. Dans cet état, elle ne pouvait plus accepter ni nourriture, ni boisson. Les parents avaient épuisé la science des médecins, et tout espoir de guérison était perdu. Deux Sœurs de la maison de Saint-Benoît dont nous venons de parler étaient allées visiter leur petite élève, et apporter quelques consolations à la mère. Rentrées chez elles, la pensée de la médaille de saint Benoît se présente à leur esprit. Tout aussitôt elles en envoient une, en recommandant de la mettre au cou de l'enfant, et d'essayer de lui faire avaler quelque breuvage dans lequel on l'aurait trempée. La mère de la petite malade accomplit fidèlement cette pieuse prescription. Immédiatement un soulagement marqué se fait sentir,  et, au bout de quelques jours, l'enfant  se  lève   parfaitement guérie.

L'année précédente, dans la même contrée, une femme atteinte d'une fièvre miliaire, à la suite de ses couches, et une autre qu'une hydropisie de poitrine mettait en danger de la vie, furent guéries toutes deux par le même moyen, c'est-à-dire en usant d'un breuvage dans lequel on avait plongé la médaille de saint Benoît.

Dans le comté de Westmoreland, en Pensylvanie, au mois d'août 1861, une femme catholique, Madame X...., vit tout à coup une de ses filles frappée d'une atteinte violente de diphtérite. Le mal, qui avait commencé vers le soir, allait s'aggravant d'heure en heure, et d'une façon d'autant plus inquiétante, que les médecins sont rares dans les montagnes de ce pays. Le plus voisin avait sa résidence à quatre lieues. La mère était pleine de foi dans la protection de saint Benoît, et possédait la médaille. La pensée lui vint de plonger cette médaille dans un verre d'eau, qu'elle donnera à  boire à l'enfant. Elle exécute aussitôt sa religieuse inspiration. L'enfant boit l'eau sanctifiée par le contact de  la médaille, et dès le lendemain matin elle se trouvait hors de tout danger.

Dans les premiers mois de l'année 1863, à Montigny-le-Roy, une femme était atteinte d'un violent mal d'oreille qui la tourmentait depuis longtemps de la façon la plus cruelle. Des caillots de sang, des matières purulentes sortaient de temps en temps de son oreille, attestant le triste, état de cet organe. La pauvre femme avait fini par devenir impropre au service, à cause de la surdité qu'elle avait contractée. Ayant reçu une médaille de saint Benoît, elle la plaça dans son oreille et récita un Pater et un Ave en l'honneur du saint Patriarche : une minute après, elle était complètement guérie et entendait parfaitement.

La même année, à Andabres (Hérault), Mlle R. G. était depuis deux ans sous la menace d'un cancer au front. Une glande douloureuse  s'y était formée,  et  elle avait résisté à tous les moyens curatifs qu'on avait employés. Un soir, avant de se coucher, cette demoiselle eut la pensée de fixer pendant la nuit une médaille de saint Benoît sur son front, en se recommandant au saint Patriarche. Elle dormit d'un profond sommeil, et le lendemain matin, ayant détaché la médaille, elle s'aperçut que la glande avait entièrement disparu.

A Limoges, en 1864, dans la maison des Sœurs de Saint-Joseph, une postulante vient trouver une de ses supérieures, montrant son bras dans lequel s'était introduit un corps étranger. Elle souffrait des douleurs très aiguës : ce qui portait à conjecturer qu'une aiguille avait pénétré dans les chairs, et en maniant ce bras on sentait qu'en effet quelque chose de semblable devait être entré. On envoie chercher un médecin, dans la pensée qu'une incision pourrait délivrer la malade. Tout à coup, avant même l'arrivée du docteur, l'idée vint à l'Assistante de  recourir à la  médaille  de saint Benoît. Elle l'applique aussitôt sur le bras malade, et après avoir récité en commun cinq Pater et cinq Ave suivis de l'invocation à saint Benoît, la postulante dit : « Si j'essayais de faire sortir l'aiguille? » — « Essayez » , lui répond l'Assistante. Les efforts furent complètement inutiles, et ne firent qu'accroître la souffrance. L'Assistante dit alors à la Sœur : « Poussez d'un côté avec la médaille. » La Sœur obéit. A peine avait-elle opéré la pression sur un côté du bras, que l'aiguille paraissait de l'autre, et on put l'extraire facilement et sans douleur. Lorsque le médecin arriva, tout était fini.

A Montauban, en 1865, une dame malade était privée de mouvement et clouée sur son lit depuis deux ans et demi, et tout faisait craindre qu'elle restât ainsi percluse le reste de sa vie. Un jour qu'on lui avait apporté la sainte Communion, une Sœur de Charité qui l'était venue visiter lui plaça avec difficulté la médaille de saint  Benoît  entre les  doigts,  et parvint avec de grands efforts à conduire la main de la malade sur sa poitrine, espérant que le contact de cet objet sacré pourrait produire quelque bon résultat. Aussitôt la malade éprouva une vive commotion dans tout son être, une transpiration abondante se déclara, et ces paroles échappèrent de ses lèvres : « Je suis guérie. » Immédiatement le mouvement fut rendu à ses membres, elle se mit en devoir de se lever, et se débarrassant elle-même des flanelles dont elle était entourée depuis si longtemps, elle se revêtit des habits qu'elle portait avant sa maladie. Dès le lendemain elle se rendait à l'église pour remercier Dieu de sa guérison subite.

A S..., au diocèse du Mans, en 1868, une dame souffrait d'extrêmes douleurs d'une névralgie à la tête, qui avait sa source dans une dent gâtée. On avait essayé tous les remèdes ordinaires, et aucun n'avait agi. La malade a recours à la médaille de saint Benoît, et la tient serrée contre sa joue; mais aucun soulagement ne se fait sentir. Après une demi-heure environ, la malade, tenant toujours la médaille sur sa joue, reçoit la visite d'un voisin qui venait savoir de ses nouvelles, et lui rend compte, d'une manière entrecoupée, de la violence de ses souffrances. Le visiteur, saisi de compassion, émet l'idée que peut-être l'emploi d'un peu d'eau-de-vie conservée dans la bouche pourrait tant soit peu endormir la douleur. Comme il ne se trouvait pas d'eau-de-vie dans la maison, il charge une personne présente d'en aller prendre chez lui et de l'apporter promptement. A peine le commissionnaire avait-il franchi la porte, que la douleur cesse subitement pour ne plus revenir. Saint Benoît, dont la médaille n'avait été employée qu'après les secours médicaux, ne consentit pas qu'un moyen matériel succédât à l'usage que l'on avait fait du glorieux emblème de son pouvoir, et la guérison de la malade fut instantanée.


 

§ VIII. GRACES SPIRITUELLES.

 

Le plus grand nombre des grâces dont la médaille de saint Benoît a été de nos jours l'instrument est relatif à la conversion subite de certains pécheurs qui jusqu'alors avaient résisté à toutes les instances. Nous Citerons ici seulement quelques traits.

Un ancien administrateur vivait dans une ville de province, où il menait une existence très confortable. Sa soeur, veuve et fort pieuse, lui donnait de grands soins à l'occasion des fréquentes maladies dont il était atteint, et elle s'inquiétait en même temps des moyens de ramener une personne si chère aux pensées de l'éternité. Jusqu'alors ses efforts avaient été infructueux. Chaque tentative, même indirecte, dans ce sens, était aussitôt paralysée par ce refrain : « Si tu me parles d'un prêtre, tu me feras mourir. » La sœur faisait confidence de sa peine à quelqu'un de ses amis, el celui-ci lui répétait toujours : « Ne tenez aucun compte du propos. Si, par votre silence, vous laissiez votre frère tomber en enfer, il ne vous le pardonnerait pas. » Plusieurs années s'écoulèrent ainsi.

Au mois de décembre 1846, à la suite d'une courte maladie, la gangrène se déclare ; les médecins en constatent la présence ainsi que l'inutilité d'une opération : ils finissent par déclarer qu'en moins de deux jours le sujet aura succombé. La personne qui avait donné le conseil de ne pas s'arrêter au propos du malade entre chez lui. La sœur, tout éplorée, confesse que, même en ce danger suprême, elle n'oserait aborder la question. — « Eh bien ! lui dit-on, voici deux médailles de saint Benoît : prenez-en une pour vous, afin que le démon ne vous empêche pas d'agir, et placez l'autre sous l'oreiller de votre frère. » Elle exécute fidèlement ce double conseil. Cinq minutes après, s'ouvre le dialogue suivant: « Ma sœur? dit le malade. » — « Eh bien ! mon frère ? » — « Ma sœur ! eh bien ma sœur, tu ne songes donc pas à envoyer chercher un prêtre ?» Le prêtre est mandé, et arrive promptement ; le malade l'accueille avec empressement et reçoit tous les secours de l'Eglise. Deux jours après, il mourait dans les plus vifs sentiments de piété.

En 1854, une femme âgée habitait un hospice d'incurables, où elle était retenue constamment au lit par suite d'une paralysie presque complète dont elle était atteinte. Ses sentiments étaient ceux d'une impie forcenée, et des propos dégoûtants  sortaient sans cesse de sa bouche, au milieu des blasphèmes les plus audacieux, à ce point que beaucoup de personnes la considéraient comme possédée du démon. On se doutait qu'elle tenait en dépôt dans son lit certains objets capables de l'entretenir dans ses dispositions perverses. Un jour que l'on s'occupait à déménager le dortoir dans un but de propreté, on enleva de son lit la malade, et on la transporta dans une salle voisine,  malgré ses hurlements. Des Sœurs trouvèrent sous son  matelas un sac rempli d'objets d'une origine et d'une destination très suspectes. Elles déposèrent  à la place du sac une médaille de saint Benoît, et peu après la malade fut reportée dans son lit,  sans qu'on l'eût instruite de  ce qui avait été fait pendant son absence. Mais l'esprit  mauvais le lui révéla sans doute : car, au moment où elle approchait  du lit, elle apostropha  les Sœurs  avec   violence, se plaignant de l'enlèvement du sac. On la couche,  et tout à coup un calme inusité succède à ses cris ; la joie apparaît sur ce visage  qui n'avait offert jusqu'alors que des traits horriblement contractés. La pauvre  créature demande un prêtre.  Quelques jours après, l'infirmerie, changée en  chapelle, toute rayonnante de lumières et parsemée de fleurs,  recevait Notre-Seigneur  qui venait consoler et guérir cette âme, échappée comme le passereau,  après  la rupture du filet infernal.

En 1859, une  pauvre femme vint communiquer ses chagrins à une personne qui connaissait les vertus de la médaille de saint Benoît. Le mari de cette femme, brave ouvrier, avait la funeste habitude de boire outre mesure. Tout ce qu'ils gagnaient l'un et l'autre était régulièrement  épuisé à la fin de la semaine, et une misère  extrême régnait dans le ménage. La personne dont nous venons  de parler remit à  la pauvre femme une médaille, et lui conseilla de la faire  toucher  à la bouteille de vin qu'elle plaçait sur la table  à côté de son mari, tandis qu'elle-même se contentait d'eau pure. L'homme eut à peine bu qu'il s'écria : « Ce vin est exécrable. J'aime mieux boire de l'eau ; je prendrai ma revanche plus tard. » En effet, il sort de table, demande de l'argent, et se rend bientôt au  cabaret voisin, d'où il ne revenait jamais que fort avant dans la nuit, et toujours privé de raison. Au bout d'un quart d'heure environ, il rentre et dit à  sa  femme : « C'est un complot contre moi : le vin du cabaret est encore plus mauvais que le nôtre. » La nuit fut calme. Le lendemain et les jours suivants, l'eau était devenue la boisson du pauvre ivrogne. Sa femme, qui était bonne chrétienne, ne tarda pas à obtenir de lui qu'il remplirait désormais ses devoirs religieux.

La même année 1859, à T..., une femme octogénaire avait déclaré vouloir mourir sans se confesser, et il y avait plus de soixante ans qu'elle ne s'était approchée des sacrements. Le prêtre, appelé par un ami, s'attendait à un refus. On lui met dans la main une médaille de saint Benoît, en lui disant : « Allez, ne craignez pas. » La vieille femme se retourne du côté du mur et dit à haute voix : ce Je vais dormir. » Le prêtre lui répond : « Prenez cette médaille et dormez : je vais prier. » Il se met à genoux près du lit, et avant qu'il ait fini de réciter le Memorare, la vieille femme se retourne de son côté, fait signe à ses parents de s'éloigner, et commence sa confession.

Le 14 mars 1859, un pieux laïque rencontre dans la rue un prêtre qui paraissait fort inquiet sur le compte d'un jeune homme de dix-sept ans, revenu malade de Paris, et qui, au dire du médecin, n'avait plus que très peu de jours à vivre. Le prêtre s'était présenté par trois fois à la porte du malade ; il n'avait pas même été reçu par la famille. Le laïque lui parle de la médaille. de saint Benoît, et lui en remet une entre les mains, en l'engageant à retourner à l'assaut. Le prêtre éprouve d'abord un refus; il montre alors la médaille qu'il vient offrir au malade. « Ceci est différent, lui répond-on ; entrez, Monsieur. » Il pénètre enfin dans la chambre du malade. A la vue du prêtre, le jeune homme se couvre le visage de ses draps, « Acceptez cette médaille, mon cher ami », lui dit le prêtre. Aussitôt le malade se découvre, et commence sa confession avec les plus vifs sentiments de componction.

En 1860,  un vieillard protestant, recueilli dans un des  asiles de Paris, était tombé dangereusement malade, et il ne restait plus d'espoir de le conserver à la vie. Les Soeurs qui desservaient l'établissement, renonçant  à l'espérance de lui voir recouvrer la  santé du corps, se préoccupaient depuis longtemps de lui procurer du moins la vie de l'âme. A cette fin,  elles avaient fait  neuvaine sur neuvaine,  communions particulières et générales, fait dire beaucoup de messes ; et tous les efforts semblaient  devoir rester sans résultat. Enfin, un ami  de la maison étant venu visiter le malade un jour de dimanche, et  ayant appris l'imminent danger de mort auquel était exposé le pauvre protestant,  conseilla de lui donner la médaille de saint Benoît, et même de la placer sous le traversin de son lit, s'il  ne voulait  pas l'accepter. Le conseil fut immédiatement suivi,  et la médaille passée au cou du moribond. A la prochaine visite que fit le même particulier à l'établissement, il eut la consolation d'apprendre que ce même Dimanche, où il avait recommandé l'emploi de la médaille, le protestant avait imploré, à minuit, la grâce de rentrer dans l'Église. On lui avait proposé successivement  d'aller chercher  l'un des deux curés les plus voisins; il les avait refusés l'un  et l'autre, déclarant préférer l'aumônier de la maison, qu'il avait eu occasion de connaître.  Celui-ci n'ayant pas le pouvoir de recevoir l'abjuration ni d'absoudre de l'hérésie, on avait dû recourir à l'archevêché,  et, malgré la plus grande diligence, il n'avait pas été possible d'administrer les sacrements au moribond avant neuf heures du matin.  Le vieillard avait accompli avec  une grande piété tous ses devoirs religieux, et il était mort paisiblement dans la soirée.

Un docteur puséyste anglais, jeune ministre rempli d'instruction, se trouvait à T... en 1851. Plein d'ardeur pour la controverse, il chercha à nouer des relations avec trois ministres devenus zélés catholiques, qui étaient retirés à la campagne aux environs de la ville. Les discussions durèrent neuf jours, sans amener aucun résultat. Le dixième jour, 14 mai, avait été marqué par le ciel pour voir la fin de ces luttes destinées à préparer un retour éclatant. Le puséyste allait rentrer en ville; l'un de ses trois amis ayant à conduire plusieurs enfants au cirque établi en ce moment sur le champ de foire, lui proposa de l'accompagner. On arrive et l'on prend place. Pendant que les enfants jouissaient du spectacle, les deux controversistes avaient repris leur discussion, parlant anglais, sans s'inquiéter des voisins. Vers  le  milieu de la  soirée,  le puséyste résume la conversation par ces mots : « J'en ai assez; n'en parlons plus: vous n'obtiendrez rien. » Le catholique est d'abord interdit du coup; mais, se rappelant ce qu'il avait entendu dire au sujet de la médaille de saint Benoît , il  prend celle qu'il avait sur lui, et engage son interlocuteur à l'accepter. Celui-ci tend la main et la reçoit. Plusieurs minutes se passent en silence de part et d'autre. Le catholique priait. Tout à coup le puséyste  reprend en ces termes: « Mon ami, j'ai eu tort de discuter si longtemps avec vous. La lumière brille à mes yeux, et je n'ai plus à m'occuper que de mon abjuration. » Cinq jours après, cette abjuration était prononcée, et la vraie Église comptait un membre de plus.

Une pieuse ouvrière de la ville de Noyon était cruellement affligée au sujet de sa mère atteinte d'aliénation mentale, et poursuivie d'accès durant lesquels elle devenait furieuse. Cette malheureuse femme était redoutée des personnes qui apportaient de l'ouvrage à sa fille; elle jetait les meubles par les fenêtres, et donnait sans cesse lieu de craindre qu'elle ne s'y précipitât elle-même. Cet état durait depuis plusieurs années; mais ce qu'il offrait de plus pénible encore pour la fille, c'est que tout espoir lui était enlevé de voir sa mère recourir au sacrement de pénitence pour mettre ordre à sa conscience; et l’on avait d'autant plus raison de s'inquiéter, que la pauvre femme était tombée subitement dans cet état de démence. En 1861, une personne pieuse remit à la fille une  médaille de saint Benoît;  celle-ci la passa au cou de sa mère. A l'instant toutes les fureurs de cette infortunée se calmèrent; elle baisait sans cesse cette médaille, et elle ne tarda pas à se confesser : ce qu'elle fit avec toutes les marques de la plus vive componction. Depuis ce temps, elle est d'une douceur inaltérable, son grand âge la retient au lit depuis quelque temps, aucune impatience ne vient l'agiter, et tout fait espérer qu'elle aura une fin heureuse.


 

§ IX. PROTECTION CONTRE  LES EMBUCHES DES DÉMONS.

 

On peut, regarder l'action de la médaille de saint Benoît contre les embûches du démon comme le principal objet que la bonté divine s'est proposé en faisant ce don aux fidèles. Nous recueillons ici quelques faits qui pourront éclairer nos lecteurs, et les diriger dans certaines circonstances qui se rencontrent aujourd'hui plus souvent encore que dans le passé.

En 1839, un magnétiseur renommé, qui venait de parcourir avec succès plusieurs villes de France, s'arrêta à T... pour donner des séances publiques. Il menait avec lui une jeune fille somnambule, dont il tirait grand profit. La première séance eut lieu dans une ancienne et vaste église depuis longtemps livrée à la profanation. Une foule immense s'était rendue à l'appel ; mais elle fut trompée dans ses espérances, et l'argent fut rendu à ceux qui se plaignaient, le magnétiseur n'ayant pu rien obtenir ce jour-là de la pauvre somnambule. Bientôt on annonça, sur de nombreuses affiches, qu'une seconde séance aurait lieu à l'hôtel de ville ; mais, cette fois encore, la déconvenue fut entière. Le magnétiseur, qui en était pour ses frais, fut pressé de déguerpir, laissant les journaux de la cité discourir à perte de vue sur les causes de l'insuccès : appartement trop chaud, lumière trop vive du gaz, etc.

Voici ce qui s'était passé. Une religieuse ayant eu connaissance du projet en question, et sachant que l'Église improuve la pratique du magnétisme, pensa qu'il était à propos de combattre les opérations du magnétiseur, en ce qu'elles pouvaient avoir de diabolique. Elle se borna à suspendre une médaille de saint Benoît en dehors de la fenêtre de sa cellule, et recommanda l'affaire au saint Patriarche. La victoire ne pouvait être incertaine, et le prince des puissances de l'air, comme l'appelle saint Paul fut vaincu.

Un homme de notre connaissance se trouvait, en octobre 1858, dans une commune du département de la Vienne. Dans une réunion d'amis à laquelle il prenait part, on vint à parler des tables tournantes, et on relata tes succès que plusieurs des personnes présentes avaient obtenus dans ce genre d'expériences, l'année précédente. A la suite de cette conversation qui trouva quelques incrédules, il fut convenu qu'on se réunirait le lendemain à midi pour donner une séance. Malgré quelque scrupule chez  plusieurs, tous se rendirent à l'heure dite, et l'on se mit hardiment à l'œuvre, en observant exactement les conditions d'usage. Après deux longues heures d'essai, tout espoir de succès s'évanouit, et les amis allaient se séparer, cherchant à deviner la cause de ce mutisme inaccoutumé.

Mlle X***, qui avait fait partie de ce cercle, émit l'opinion que les médailles qu'elle portait sur elle, notamment celle de saint Benoît, pouvaient bien n'avoir pas été étrangères à la déconvenue. On convint alors d une autre séance pour le lendemain soir, à huit heures. Cette fois, Mlle X***, qui avait laissé chez elle toutes ses médailles, ne voulut pas, ainsi démunie, prendre une part active à l'opération, et elle se tint constamment à l'écart dans un coin du salon.

Au bout d'une demi-heure au plus, certains frémissements se firent sentir ; ils furent suivis de craquements dans la table: ce qui fit prévoir que bientôt elle allait remuer d'elle-même. Un médecin convint que lorsqu'elle voudrait parler, elle frapperait avec un de ses pieds deux coups pour oui, et un pour non. En effet, elle ne tarda pas à s'enlever, à la grande satisfaction des assistants, et l'on se mit à l'interroger, d'abord sur des sujets frivoles, puis sur son silence de la veille. — D. « Pourquoi n'as-tu pas voulu répondre hier ? Est-ce  parce que Mlle X*** avait sa médaille de la sainte Vierge ?» — R. « Non. » — D. « Est-ce parce qu'elle avait celle de « saint Benoît ? » — «  Oui » (deux coups très forts). —D. « La médaille de la sainte a. Vierge ne t'aurait donc pas empêché de venir ? » — R. « Non. » Il est à remarquer qu'en effet presque tous les assistants portaient sur eux habituellement des médailles de la sainte Vierge et des scapulaires (Quelques personnes ont paru étonnées de ce que, dans la circonstance que nous racontons, Dieu ait voulu agir par le moyen delà médaille de saint Benoît, plutôt que par celle de la sainte Vierge. Elles n'ont pas réfléchi que ce raisonnement  irait à anéantir le recours aux Saints, puisque la sainte Vierge exerce un pouvoir incontestablement plus étendu que celui de tous les Saints ensemble. Il serait à propos que ces personnes comprissent que Dieu lui-même nous accordant souvent par Marie des faveurs que nous lui avions demandées sans être exaucés, Marie daigne aussi trouver bon que nous obtenions par les Saints des secours qu'il ne dépendrait que d'elle de nous accorder.). On passa à d'autres questions.

D. « Comment t'appelles-tu ? » La table s'arrêtant alors, comme il était convenu, sur les lettres de l'alphabet correspondantes à celles des mots qu'elle devait exprimer, indiqua successivement : S. A. T. Ces lettres ne laissaient plus de doute, et chacun devina Satan, avant que la table eût achevé le mot. Plusieurs personnes quittèrent alors le cercle avec effroi; quelques autres plus hardies continuèrent les interrogations. On adressa à la table diverses questions religieuses ou scientifiques sur lesquelles elle garda un complet silence; deux fois elle se renversa complètement par un mouvement spontané ; après quoi, elle recommença à tourner. Quelqu'un lui dit: « Voudras-tu revenir demain ? » Sur sa réponse affirmative, la même personne demanda l'heure : la table frappa douze coups. « D. Est-ce midi ? — R. Non. — D. Minuit? — R. Oui. »

Ces réponses, jointes à beaucoup d'autres qu'il serait trop long de rapporter ici, firent une vive impression sur les assistants, auxquels le doute fut enlevé quant à la nature de l'agent mystérieux qui s'explique par les tables tournantes. La séance s'était prolongée jusqu'à onze heures du soir, et chacun se sépara en se promettant de porter désormais sur soi la médaille de saint Benoît.

En 1840, le conseil municipal de la ville de S..., songeant à donner de l'élargissement à une voie publique, qui d'ailleurs satisfaisait parfaitement déjà aux besoins de la circulation, décida que l'on prendrait une partie notable d'une église dédiée à la sainte Vierge et pèlerinage fréquenté. Pour réaliser ce plan, on se mit à construire un mur de refend dans toute la longueur de l'église. La chapelle de la Madone se trouvait précisément  sacrifiée à cette mutile question de voirie. Déjà le mur s'élevait à vingt pieds de hauteur, et l'église livrée aux ouvriers était encombrée de matériaux. Un voyageur témoin de cette triste profanation propose d'attacher la médaille de saint Benoît au pied de la statue de la Madone, que l'on avait reléguée provisoirement dans la partie conservée de l'église. Peu de jours après, l'ingénieur qui avait eu la triste pensée de mutiler la maison de Dieu est enlevé par une maladie subite. Son successeur, dès la première visite qu'il fait sur le lieu des travaux, est frappé de l'inutilité d'une mutilation déjà si odieuse en elle-même ; il ordonne sur-le-champ aux ouvriers de suspendre les travaux. Le lendemain, sur un rapport amplement motivé, il obtient du conseil municipal mieux avisé la démolition du mur qui atteignait bientôt la voûte, et la remise de l'église en son premier état.

Dans une de nos villes de France, certain haut personnage, chargé d'œuvres importantes, avait à son service un homme dont l'ennemi de tout bien s'était fait un instrument pour amoindrir l'influence du maître. On désespérait d'ouvrir les yeux de ce dernier, et le désordre augmentait tous les jours, lorsque quelqu'un de la maison plaça une médaille de saint Benoît sur le chambranle de la porte du compromettant homme de confiance. Dès ce moment, il devint comme impossible à cet homme d'habiter sa chambre ; le 20 mars 18.., à midi, heure où finissaient à cause du Carême les premières vêpres de saint Benoît, il cessait son service, et le lendemain, jour de la fête, il quittait la maison.

A peu de distance de Rennes, une maison qui était à la fois café et billard était habitée et dirigée par un ménage chrétien. Dans ces dernières années, d'étranges symptômes de la présence des démons s'y firent tout à coup sentir. Alors même qu'il n'y avait personne au billard, de bruits et des voix imitaient une nombreuse assemblée de joueurs ; les meubles  changeaient de place dans la maison sans que personne y portât la main, les portes s'ouvraient et se refermaient, et un bruit extraordinaire se produisait dans les lits des diverses chambres. Une nuit de Noël, la servante, étant montée à sa mansarde pour s'habiller avant de se rendre à la Messe de minuit, trouva cette pièce remplie d'une épaisse fumée au sein de laquelle s'agitait quelque chose d'insaisissable. Elle poussa un cri, sortit précipitamment et tomba sans connaissance. Les habitants de la maison étaient en proie à une terreur continuelle par suite de ces étranges phénomènes. Ils avaient fait dire un grand nombre de messes pour les défunts, et réclamé les prières de l'Eglise pour la bénédiction des maisons infestées ; et jusqu'alors le fléau n'avait pas cessé. Il n'y avait plus rien à faire que d'abandonner enfin cette maison nouvellement construite, et dans laquelle les habitants avaient espéré trouver un logement commode et agréable. Une pieuse femme parla de la médaille de saint Benoît, et engagea les habitants de la maison à y recourir. On commença par en attacher une sur chaque porte, et tout aussitôt la délivrance se fit sentir. Mais on n'avait pas songé à placer le signe du salut à l'entrée de la cave, et toute la malice des démons sembla s'y être réfugiée, tant on y entendait de bruit, et tant il s'y faisait de désordre. On y apposa aussi la médaille, et l'influence diabolique quitta enfin la maison;  mais ce ne fut pas sans vengeance : car la personne de qui nous tenons le récit de ces faits qui se rapportent à l'année 1861,  fut subitement  saisie par une  cruelle obsession du démon qui la fit durement souffrir en son âme et en son corps. Elle a obtenu enfin du soulagement en suivant les conseils de son directeur qui lui a recommandé de s'armer de hardiesse contre le démon, et de prononcer  contre  lui fréquemment les saint à noms de Jésus, Marie et Joseph.

En  1863,  dans une communauté  religieuse qui tient un  pensionnat  à  A....., on s'aperçut que  les verres  de lampes se cassaient, tour à tour, dans la salle d'étude  et dans le réfectoire du pensionnat. Les Verres  à boire des Sœurs converses se trouvaient pareillement cassés dans les tiroirs au réfectoire,  sans  qu'aucune surveillance pût faire découvrir la cause d'un tel désordre qui était journalier. Cet état de choses durait depuis plusieurs semaines, lorsqu'il vint en pensée aux Sœurs  d'avoir recours à la  médaille de saint  Benoît. On  plaça  cette médaille dans les lampes et dans les tiroirs, et tout aussitôt  les  accidents cessèrent. Chose étonnante ! les verres des lampes  qui éclairaient dans les  galeries et dans les autres pièces de la maison furent attaqués à leur tour, et  les cassures recommencèrent comme de plus belle.  Elles ne  s'arrêtèrent que lorsque les Sœurs se furent résolues à employer le moyen qui leur avait si bien réussi dans la salle d'étude et dans le réfectoire du pensionnat. Alors tout fut fini.


 

§ X. PRÉSERVATION DANS LES DANGERS.

 

Entre les effets de la médaille, lorsqu'elle est employée avec une foi vive et simple, on a toujours compté la préservation efficace dans les dangers. Voici quelques faits récents qui prouveront que la vertu qu'elle a reçue de Dieu à cet effet est loin d'être épuisée.

Au mois de juin 1847, quatre Frères des Écoles chrétiennes et deux autres voyageurs occupaient l'intérieur de la diligence allant de Paris à Lyon. On partait d'Orléans. L'un des voyageurs, après avoir parlé de a médaille de saint Benoît, en remit une à chacun de ses compagnons de voyage. Il était occupé à leur donner le sens des lettres, lorsque tout à coup les chevaux, lancés au galop, et n'obéissant plus au postillon, entraînent la voiture dans une direction qui allait être fatale. La moitié de la route était dépavée, et les ouvriers avaient disposé les pierres qui devaient servir au repavage en manière de garde-fou, dans toute la longueur de la partie dépavée. Les chevaux franchissent cet obstacle, et précipitent la diligence de l'autre côté. La voiture penche d'une manière effrayante, mais elle ne verse pas. Durant quelques minutes, elle laboure le sable, puis, dans un clin d'oeil, elle se retrouve d'aplomb sur la route, et s'arrête au moment où tous les traits se rompent par l'effet de la secousse. Ce fait s'est passé près de Châleauneuf (Loiret), village situé à deux lieues environ de Saint-Benoît-sur-Loire. Les habitants, témoins de cette protection miraculeuse, criaient : « Miracle ! une voiture vide aurait versé. »

Quelques années auparavant, en juin 1843, près d'Ecommoy, sur la route du Mans à Tours, deux chevaux attelés à une diligence s'arrêtent tout à coup au milieu d'une pente très roide, et se mettent à reculer avec une rapidité effrayante. Deux des voyageurs du coupé ouvrent la portière et s'élancent sur la route ; le troisième, au lieu de descendre de la voiture, prend entre ses mains une médaille de saint Benoît qu'il avait sur lui ; soudain la diligence s'arrête immobile, et les chevaux qui s'étaient jetés de côté reprennent doucement le milieu de la route.

Un jour d'été, en 1858, à Paris, vers cinq heures de l'après-midi, un camion chargé de nombreux colis se trouvait arrêté devant le n° 4 ou 6 de la rue Royale-Saint-Honoré. Il occupait le milieu de la chaussée, et le désordre qui régnait dans son vigoureux attelage gênait la circulation et attirait l'attention des passants et des habitants de la rue. L'un des traits s'étant rompu ou décroché, le cheval de tête était revenu en arrière. Transporté d'une fureur aveugle, il se dressait de toute sa hauteur sur ses jambes de derrière, et levant celles de devant presque perpendiculairement, il se laissait tomber de tout son poids sur un autre cheval qu'il mordait à belles dents, ne lâchant prise que pour se cabrer de nouveau et recommencer le même manège. Tous les efforts du camionneur, en tirant sur  le cordeau,  ou en frappant la tête de l'animal à coups de manche de fouet, ne faisaient que l'irriter de plus en plus, et la scène menaçait de  se prolonger indéfiniment malgré l'assistance de l'agent de police et les conseils de tous ceux qui s'empressent d'en donner en pareille circonstance. Un pieux fidèle qui se trouvait au nombre des témoins de ce terrible embarras, et qui savait  par expérience combien est puissante l'intervention de saint Benoît, eut la. pensée de recourir secrètement à la médaille, en ajoutant une invocation au saint Patriarche. La formule était à peine achevée, que l'animal, tout tremblant  encore, passait du paroxysme de la fureur au calme le plus parfait, se laissant caresser et remettre en place.

Dans le cours du même été, par une belle matinée, deux militaires en petite tenue, revenant sans doute de promener les chevaux confiés à leurs soins, se trouvaient arrêtés devant la mairie du premier arrondissement, et attiraient l'attention des passants et des oisifs de la rue d'Anjou-Saint-Honoré, à Paris. L'un des chevaux, refusant de marcher, s'était mis en travers, et tous les efforts du cavalier semblaient impuissants à le tirer de là. L'animal, faisant face à un terrain vide qui se trouve vis-à-vis de la mairie, paraissait comme enchaîné à cette place, et par moments il frémissait. de tous ses membres. Un homme plein de foi dans la vertu de la médaille de saint Benoît, s'étant rendu compte de la situation, autant qu'il pouvait en juger à distance, mais n'étant pas encore arrivé sur le lieu, est saisi de la pensée que l'ennemi des hommes pourrai! bien n'être pas étranger à la situation pénible du cheval et du cavalier. Craignant un accident, il prononce la conjuration dont les initiales sont inscrites sur la médaille : Vade retro, Satana, etc. La formule n'est pas plustôt achevée, que le cheval se met à piaffer deux ou trois fois, en se cabrant; puis il reprend son immobilité première. La personne dont nous parlons, qui s'avançait toujours vers l'hôtel de la mairie, voyant que l'embarras n'avait pas cessé, prend en main la médaille qu'elle avait sur elle, et se met à dire intérieurement: « Grand saint Benoît, priez Dieu qu'il fasse que par votre intercession ce ces chevaux marchent docilement sous la conduite de leurs cavaliers, et ne causent pas d'accident. » Aussitôt le cheval rétif reprend sa route, et part au galop avec l'autre qui l'attendait. Le libérateur inconnu demanda alors à une femme qui était sur le trottoir, au coin de la rue de Suresnes, s'il y avait longtemps que les deux chevaux étaient arrêtés à cet endroit : il apprit qu'ils étaient retenus là depuis un quart d'heure.

Durant l'hiver de 1858 à 1859, la même personne se trouvait à l'entrée de la rue Miromesnil, à Paris. La foule des passants, arrêtée sur le trottoir en face de cette rue, appela son attention sur un palefrenier dont le cheval refusait  obstinément de marcher. L'animal s'était mis en travers, et restait comme insensible au double excitant de la cravache et de l'éperon. Le particulier dont nous parlons fit halte lui-même quelques instants pour se rendre compte de ce qui se passait. Lorsqu'il eut vu le jockey, à bout de patience, demander et prendre en selle un verre de vin, comme pour se donner contenance et aussi un peu de courage, l'animal persistant à ne pas vouloir bouger de place, il conclut que Satan pouvait y être pour quelque chose, et il s'empressa de s'en assurer au moyen de la médaille de saint Benoît. A peine la formule conjurative eut-elle été prononcée, que le cheval partit au galop par l'avenue de Marigny. Heureux de ce premier succès, mais se défiant encore des ruses de l'ennemi invisible, le pieux catholique continua sa route, en suivant des yeux l'homme et la bête. Tout à coup il voit celle-ci, après être arrivée vers le milieu de l'avenue, s'arrêter court et se mettre de nouveau en travers. Il prend alors en main la médaille, et dit intérieurement: « Grand saint Benoît, priez Dieu qu'il fasse que, par votre intercession, ce cheval obéisse à son cavalier et ne lui fasse pas de mal. » Immédiatement l'animal part ventre à terre, tourne à droite dans l'avenue des Champs-Elysées, et disparaît en un clin d'œil.

Le dimanche 28 novembre 1858, le jeune Henri S..., âgé de quatorze ans, apprenti chez Monsieur P..., émailleur en bijoux, à Paris, rencontre dans la rue une personne qu'il savait remplie d'intérêt pouf sa famille. Il la salue avec empressement, et, après quelques mots échangés, il reçoit d'elle une médaille de saint Benoît qu'elle lui offre, dit-elle, comme une protection contre les dangers qui pourraient le menacer. Le jeudi suivant, 2 décembre, notre apprenti s'étant laissé glisser sur les mains par la rampe de l'escalier, préoccupé de la pensée d'un choc avec une autre personne qui montait, avance la tête, perd l'équilibre et tombe d'un étage et demi. Dans sa chute, il rencontre d'abord la rampe inférieure contre laquelle heurtent ses reins; de là le contre-coup le rejette à la dernière marche,  sur laquelle il se trouve assis, sans autre mal que l'étourdissement causé par la chute elle-même. Bientôt il remonte à l'atelier pour reprendre son travail. Le patron le renvoya à sa  mère, voulant le laisser reposer quelques jours, dans la crainte  des suites  fâcheuses que pouvait entraîner un tel accident. La santé du jeune apprenti n'éprouva aucun  dérangement; et  il fut fondé  à attribuer  la protection insigne dont il avait été l'objet  à  la présence sur lui de la médaille de saint Benoît qui lui avait été offerte si à propos.

A Tours, en 1859, un jeune homme s'exerçait à la gymnastique dans un établissement spécial. Il exécutait un des exercices qui consiste à se hisser jusqu'au plancher supérieur, que l'on doit ensuite toucher de tout son corps, en se tenant étendu parallèlement au sol, et à la force des poignets. À peine a-t-il pris la position horizontale, que les écrous qui retenaient la perche se rompent, et le jeune homme tombe de quinze pieds à plat sur le dos, avec la perche elle-même sur la poitrine. Le maître qui présidait à l'exercice pousse un cri d'effroi; le jeune homme se relève, prend sa médaille de saint Benoît, et dit en la lui montrant : « Voyez, elle m'a sauvé a la vie; je n'ai rien, touchez mon pouls. » Un jour de février 1859,  un enfant en très bas âge avait été conduit par sa bonne au jardin des Tuileries. Vers trois heures de l'après-midi, l'Empereur  vint à passer. La gardienne de l'enfant, entraînée par la curiosité, se met à courir du côté de la voiture impériale, et se perd dans la foule sans plus songer à l'enfant qu'elle était chargée de garder. Celui-ci, se croyant abandonné, se  décide immédiatement  à regagner la demeure de ses parents, rue Saint-Florentin. L'affluence des  équipages était  effrayante à ce moment dans la rue de Rivoli. L'intrépide enfant n'en est pas intimidé; il traverse résolument la rue,  et arrive chez ses parents, consternés de le voir rentrer seul. Interrogé sur l'absence de sa bonne, et entendant les exclamations de sa sœur aînée sur les dangers qu'il avait courus, il répond avec calme: « Eh ! n'avais-je pas sur moi la médaille de saint Benoît? Quand j'ai été pour traverser la rue, les voitures ont fait frrou ! frrou ! et m'ont laissé passer. »

En 1859, une communauté religieuse, vouée à l'éducation des jeunes filles, venait de faire construire à Paris un vaste bâtiment destiné à servir de dortoir aux élèves. Terminé depuis assez longtemps pour que l'on pût déjà l'habiter, les parents qui profitaient des parloirs établis au rez-de-chaussée, et les élèves qui appréciaient les excellentes conditions de leur nouveau logement, applaudissaient à l'heureuse pensée qu'on avait eue de le construire, lorsque des craquements de nature à inquiéter commencèrent à se faire entendre dans toutes les parties de l'édifice. On les attribua d'abord au travail de la charpente; mais les choses en vinrent bientôt à ce point que les parents, effrayés du danger auquel leurs enfants pouvaient être exposées, parlèrent de les retirer. On essaya de calmer leurs inquiétudes en faisant appeler l'architecte ; mais rien n'était capable de les rassurer. Pour leur faire prendre patience, les Religieuses durent s'engager à ne plus faire coucher les enfants dans le nouveau dortoir, et à prendre les mesures nécessaires pour prévenir tout accident. Il ne s'agissait de rien moins que d'entreprendre une nouvelle construction ; mais la dernière avait absorbé toutes les ressources disponibles de la communauté. Un ami de la maison, auquel deux de ces dames faisaient part de leur embarras, conseilla de recourir à saint Benoît. Dans ce but, il les invita à placer une médaille du saint Patriarche à chaque étage du nouveau bâtiment, et à en enterrer une aux quatre points cardinaux, dans les fondations, en récitant cinq Gloria Patri en l'honneur de la Passion, trois Ave Maria en l'honneur delà sainte Vierge, et enfin  trois Gloria Patri , en l'honneur de saint Benoît. Le conseil fut adopté, et dès les premiers jours qui suivirent l'emploi des médailles, on n'entendit plus de craquements, et la communauté n'eut plus qu'à rendre grâces à Dieu, à la sainte Vierge et à saint Benoît, pour la protection qui lui avait été si visiblement accordée. En juillet 1859, à Paris, M. M.... passait avec un cheval ombrageux  dans l'avenue Gabrielle.  Il était rendu derrière le jardin de l'Elysée, au moment où l'un des jardiniers arrosait  les parterres. Une charrette chargée de bois se trouvait arrêtée en cet  endroit par  suite d'un accident  survenu à une voiture dont  le cheval s'était abattu. Le jet de la pompe effraie le cheval de M....;  l'animal se retourne brusquement et ramène son cavalier à vingt-cinq pas. Celui-ci le reporte en avant, en criant au jardinier : « Cessez d'arroser » ; mais le jardinier n'en tient aucun compte, et le cheval ramène de nouveau  son cavalier. Enfin, pressé par l'éperon et la cravache, il passe au galop en se dérobant, et se presse si violemment sur la charrette, que le moyeu de la roue déchire les deux sangles et  tord l'étrier d'acier. M...., attentif au danger, a dégagé son pied de l'étrier ; mais en se penchant à droite  pour se soustraire au choc, il perd l'équilibre et se trouve lancé par-dessus la tête du cheval, qui le  franchit étendu par terre, sans le toucher. L'animal avait été tellement effrayé du jet d'eau, que, bien que le cavalier eût essayé de lui tourner la tête du côté opposé, il s'était précipité sur la charrette, comme il se serait lancé en plaine ou partout ailleurs. Le cavalier,  qui  était muni de la médaille de saint Benoît, n'eut pas de contusion, et en fut quitte pour une courbature. Quant au cheval, écorché par la roue au flanc et au-dessus  de la hanche, il dut être soigné pendant  une  douzaine de jours. L'étrier fut porté chez un sellier de la rue  de Suresnes, auquel des personnes, présentes au moment de  l'accident, témoignèrent une vive surprise d'avoir vu le cavalier se relever sans aucune blessure.

Dans le cours du printemps de 1861, un particulier attendait un jour l'omnibus devant le bureau de la rue Royale-Saint-Honoré. Il voit arrivera toute vitesse du haut de la rue une voiture de place qui tout à coup s'arrête au milieu de la chaussée, à dix pas de lui. Les deux chevaux  qui  traînaient cette voiture se mettent en travers, et tournent avec le timon tantôt à  gauche, tantôt à droite. Le cocher les  fouette vigoureusement ; mais c'est en vain qu'il tente de les réunir. Chacun tire de son côté ; la voiture reste exposée à  un  choc que rend imminent l'affluence de celles qui circulent en cet endroit et à cette heure de la journée. Déjà  les voyageurs mettent la tête à la portière et songent à descendre. Le cocher est au désespoir. Un catholique zélé, qui voit leur inquiétude à  tous, ne la laisse durer que le temps nécessaire pour en constater l'existence. Il dit à un  homme de peine qu'il connaissait, et qui se trouvait à côté de lui sur le trottoir : « Ce pauvre cocher est bien embarrassé avec ses chevaux ; je vais le faire marcher de ce suite ; vous allez voir : ce ne sera pas long ». Il prononce ensuite intérieurement la formule inscrite sur la médaille de saint Benoît. A l'instant les deux chevaux s'arrêtent, se remettent ensemble et partent au galop. « Eh bien ! dit le libérateur à son voisin , comment trouvez-vous le procédé? » — « Ma foi ! il n'est pas mauvais du tout », répond l'autre, en ouvrant des yeux tout réjouis, et comme en attendant une révélation que des raisons particulières né permettaient pas de lui faire.

Une médaille de saint Benoît avait été donnée à une pauvre femme qui venait de perdre son mari, et qui dès lors habitait seule une petite maison isolée,à quelque distance de Rennes. La nécessité d'habiter seule celte maison occasionnait une grande terreur à cette pauvre veuve, et ce fut la cause qui avait porté une personne pieuse de Rennes à lui faire part de cette médaille comme gage de protection. En 1862, un forçat libéré rôdait dans le pays, et il imagina de mettre le feu à cette petite maison afin d'y attirer les paysans, et d'être à même pendant ce temps-là de faire son coup dans leurs demeures, sur lesquelles personne ne veillerait à ce moment. La pauvre veuve, se trouvant chez un voisin, éprouve tout à coup une inquiétude extraordinaire, et dit  qu'elle se sent pressée de retourner chez elle. Elle arrive bientôt, et voit sortir de sa petite étable un nuage de fumée.  En même temps elle aperçoit un homme qui avait l'air de se sauver  à travers champs. Sans trop se rendre compte, elle se met à la poursuite de cet homme , dans lequel elle reconnaît un vagabond qui était venu lui demander à boire peu de temps auparavant. En le poursuivant, elle pousse des cris qui éveillent l'attention du métayer le plus voisin. Celui-ci sort  avec ses domestiques, et il reconnaît à son tour, dans l'homme qui fuyait, un malfaiteur par qui il avait été attaqué de nuit peu de temps auparavant. On ne tarde pas à se saisir de ce malheureux, et il est remis entre les mains de la justice. Condamné à quatorze ans de travaux forcés, il avoua à 1 audience ses efforts pour incendier la petite maison, et déclara que, n'ayant pu en venir à bout, il avait fini par jeter un fagot enflammé dans l'étable, après quoi il s'était enfui. Cette tentative d'incendie ne produisit aucun mauvais résultat, ni dans l'étable, ni dans le reste de la maison.

Au mois d'avril 1864, M. D..., de Tours, raconta qu'étant aux eaux de Bourbon-Lancy pendant l'été d'une des années précédentes, la foudre vint à tomber sur une maison et la réduisit en cendres. Une seule chambre, habitée par deux pauvres filles, fut préservée sans qu'on pût s'expliquer le prodige de sa conservation, si bien que toute la ville allait voir cette merveille. M. D... s'y rendit aussi en compagnie de quelques baigneurs. Après avoir examiné la  disposition des lieux et écouté le récit des habitantes, il ne douta pas qu'il n'y eût là quelque intervention surnaturelle. Il eut même le sentiment que saint Benoît ne devait pas être étranger à l'événement, et tirant de sa poche une médaille du saint Patriarche, il l'offrit à ces bonnes filles. Mais à peine eurent-elles considéré ce qu'on leur présentait, qu'elles s'écrièrent : « Mais nous l'avons déjà, cette médaille ! Hier, notre frère, ayant été abreuver des chevaux, rencontra une personne qui avait de ces médailles, et, sachant qu'il nous ferait plaisir, il en demanda une qu'il nous apporta quelques moments avant l’orage. »


 

§ XI. SECOURS AUX ANIMAUX UTILES A  L'HOMME,  ET INFLUENCE SUR LES CONDITIONS NATURELLES.

 

La Notice italienne sur les effets de la médaille de saint Benoît constate la protection qu'elle a souvent attirée sur les animaux domestiques, en les délivrant de leurs maladies et en leur rendant la fécondité (Libera gli animali delle malattie, e loro da la fecondità). Cette particularité ne saurait étonner un chrétien qui sait que l'Église emploie l'efficacité de ses prières en faveur des animaux que la- Providence a destinés au service de l'homme. Voici un fait qui s'est passé à T..., et qui semble de nature à justifier cette confiance. Depuis le mois de septembre 1858, une vingtaine de poules, parfaitement installées, nourries et soignées de toutes les manières, n'avaient pas pondu un seul œuf. Six à sept d'entre elles furent tuées et ouvertes sans que l'on trouvât en elles le moindre indice de fécondité. Le 20 février 1859, on en tuait encore une sans plus de succès. L'idée vint d'attacher une médaille de saint Benoît à l'une des murailles du poulailler. Quatre jours après, on recueille un œuf, le lendemain deux ; tous les jours depuis, une pondaison régulière et abondante s'établit.

En l'année 1857, au village de la Jouaudière, commune de Bais, département d'Ille-et-Vilaine, une écurie était l'objet de poursuites malicieuses de la part d'un homme fort suspect dans le pays. Déjà trois chevaux avaient péri à la suite d'une maladie qui faisait tomber tout le poil de ces animaux, et les  enlevait  tour à tour.  Le quatrième et dernier se trouvait dans le même état, lorsque la pauvre femme sur laquelle tombait cette calamité rencontre une personne qui lui recommande l'usage de la médaille de saint Benoît,  et lui en remet une. L'ayant reçue, elle court à l'écurie, et s'étant mise à genoux, recommande ses intérêts à saint Benoît ; puis, sans perdre de temps, elle trempe la médaille dans de l'eau, qu'elle donne à boire au cheval malade. L'animal, ayant goûté cette eau, paraît éprouver quelque soulagement. Sa maîtresse,  qui  avait quitté l'écurie quelques instants, revient bientôt, et son bonheur est au comble de voir le cheval debout et mangeant à son râtelier  avec un sincère appétit. On  cesse alors les remèdes impuissants du vétérinaire ; la bête reprend son poil en quelques jours, et se trouve en état de supporter tous les travaux qu'on lui imposait auparavant.

L'année suivante, la même fermière eut à subir une épreuve analogue. L'accident était tombé sur une de ses vaches, et le vétérinaire consulté  avait jugé la maladie tellement incurable, qu'il conseillait d'abattre l'animal au plus tôt. On entraîna donc la vache dans le champ le plus voisin  de l'étable, et l'on fit venir le boucher, qui arriva avec ses aides. Avant de procéder au but de leur venue, ces  hommes se mirent à table,  pour prendre un  petit repas qu'on leur  avait  servi.  Pendant qu'ils mangeaient, la maîtresse de la vache sortit un  moment, et s'étant rendue près de cette bête, elle se jeta à genoux et s'adressa avec une vive foi  à saint  Benoît. « Grand saint  Benoît, lui dit-elle, je ne sais ce que je pourrai faire  pour vous si vous guérissez  ma  vache. Je ne connais pas  de lieu où l'on vous honore particulièrement  ;  mais si vous m'accordez ce que je vous demande, je promets de faire, en votre honneur, une offrande à  l'autel  de la sainte Vierge. » Pleine d'espoir, elle rentre à la maison pour veiller aux besoins de ses convives. Un quart d'heure s'était à peine écoulé que ces gens se lèvent, se dirigeant, armés de leurs instruments, vers l'endroit où ils avaient entraîné la vache. Quel n'est pas leur étonnement de voir l'animal debout et paissant l'herbe avec une tranquillité complète! Ils examinèrent l'animal, et, après avoir constaté sa guérison subite, ils déclarèrent à sa maîtresse que leur mission était désormais inutile, et qu'ils n'avaient plus qu'à se retirer. La vache a continué de jouir d'une excellente santé, et la brave femme s'est empressée d'aller faire l'offrande qu'elle avait promise.

Dans l'hiver de 1859 à 1860, sur trois vaches que possédait un asile de vieillards à Paris, les Religieuses chargées de diriger l'établissement avaient le chagrin d'en avoir vu mourir deux d'une affection aux poumons ; et déjà la troisième, fatiguée par une toux opiniâtre et par le manque d'appétit, menaçait de suivre les premières, si l'on ne se hâtait de l'expédier à la campagne, pour la mettre au vert. Un catholique,  propagateur zélé  de la médaille, se trouvait en visite dans l'établissement ; la Sœur supérieure lui fit part de ses regrets  et  de ses inquiétudes. Celui-ci demanda si l'on avait mis dans i'étable la médaille de saint Benoît, et, apprenant qu'on n'y  avait  pas même songé, se fit conduire auprès  delà vache malade. La pauvre bête toussait d'une manière violente, ne mangeait point, et ne donnait plus de lait. Le visiteur traça sur le front de l'animal le signe de la croix en employant la formule inscrite sur la médaille; il recommanda de plonger celle-ci dans un peu d'eau et de son, que l'on ferait boire tous les jours à la vache, jusqu'à parfaite guérison; enfin, avant de  se retirer, il suspendit une médaille dans I'étable et indiqua certaines prières à réciter.  Quelques semaines plus tard, étant allé savoir  des nouvelles de la vache, il eut la satisfaction d'apprendre qu'elle était entièrement rétablie; que dès les premiers jours qui avaient suivi l'emploi de la médaille, elle avait cessé de tousser, que l'appétit lui était revenu, et que depuis elle donnait par jour seize litres de lait, au grand contentement de la maison.

Dans une vaste maison du faubourg Saint-Germain, habitée par de nombreux locataires, un pauvre chat galeux excitait l'animadversion de tous les habitants, chez lesquels sa maladie avait provoqué une si forte répugnance, que chacun semblait avoir juré sa mort. Violemment expulsé de partout, et même brutalement poursuivi quand il se permettait de paraître au grand jour, il avait fini par se faire accorder droit d'asile chez la locataire d'une des chambres du rez-de-chaussée. Quelques preuves de compassion que cette personne avait données au pauvre animal, jointes à l'intérêt de sa propre conservation, avaient porté celui-ci à chercher un refuge auprès d'elle. La maîtresse du logis l'accueillait pendant le jour, mais elle le renvoyait le soir. Dès le matin la bête se présentait, et par ses miaulements plaintifs  et ses coups de griffes sur la porte, témoignait son désir de  se mettre de nouveau  en sûreté. Usant avec trop de liberté peut-être des droits de l'hospitalité, le malheureux chat  ne craignait pas, comme s'il eût été en pleine santé, de  se coucher sur les sièges. La personne  hospitalière dont nous parlons, recevant un jour la visite d'un homme rempli de foi dans la puissance de la  médaille de saint Benoît, voulut lui faire accepter un fauteuil sur lequel le chat s'était étendu  quelques instants auparavant. Celui-ci s'en défendit, et demanda à la  maîtresse du logis pourquoi elle ne le guérissait pas,  puisqu'elle l'avait adopté. Cette dame répondit qu'elle ne demandait pas mieux,  mais qu'elle ne savait comment s'y prendre.

Le visiteur lui conseilla de plonger chaque jour la médaille de saint Benoît dans le vase d'eau qu'elle avait coutume de mettre à la portée du chat, pour qu'il allât s'y désaltérer. La dame lui objecta qu'elle y avait déjà pensé ; mais, dans la crainte de profaner une chose sainte en l'employant à un usage si vulgaire, elle s'en était abstenue. Le visiteur lui répondit que la vertu de la croix ayant réhabilité la création tout entière, elle pouvait être appliquée à tous les êtres qui sont utiles à l'homme. « Au reste, ajouta-t-il, Dieu sait bien que notre intention est pure, et que nous ne voulons que sa gloire; s'il nous approuve, il guérira la pauvre bête ; sinon, elle restera malade, et il n'en sera que cela. » Là-dessus, il plongea la médaille dans l'écuelle d'eau, et engagea la personne à continuer de faire de même jusqu'à parfaite guérison de l'animal. Peu de jours après, la gale avait complètement disparu, le poil était devenu parfaitement propre, et l'on put constater, une fois de plus, que la bonté de Dieu s'étend à toutes ses créatures.

Au mois de mars 1862, le nommé G... de S... fut adressée une pieuse personne de Noyon, pour recevoir d'elle une médaille de saint Benoît. Cet homme raconta que, dans la commune qu'il habitait présentement, il avait lait un héritage à la mort de sa belle-mère. Cet héritage se composait d'une maison avec les bâtiments d'exploitation. La cour de cette maison était commune avec un homme du pays qui avait chez lui de très mauvais livres, et qui passait pour s'être donné au démon, lui et sa femme ; il était même redouté des habitants, à qui plus d'une fois il avait joué de mauvais tours.

G... prit possession de sa maison, au grand mécontentement du voisin qui lui demanda d'abord à l'acheter, et qui, sur son refus, le menaçait, lui disant : « Tu ne veux pas me la vendre : tu y seras  forcé. » En effet, G... fut à peine installé qu'une mortalité désastreuse se fit sentir chez ses bestiaux ; le lait des vaches qui avaient survécu était impropre à se convertir en beurre, bien qu'on le battit quelquefois toute une journée ; une troupe de rats, qui s'élevaient à des milliers, dévoraient tout chez lui : le linge, les effets, les harnais des chevaux étaient mis en pièces ; les couvertures sur les lits étaient  dévorées ; et rien ne pouvait empêcher  ce ravage,  ni pièges, ni poison, ni aimes à feu : en sorte que ce ne fut qu'avec la plus stricte économie et un travail assidu que G... parvint à conserver une partie de son avoir.

Au bout de dix  années,  voyant que sa position devenait  toujours plus malheureuse, il se résolut enfin de proposer à son voisin d'acheter cette  maison que celui-ci convoitait depuis si longtemps ; et après la lui avoir vendue, il alla se placer à l'extrémité de la commune, espérant que, par ce changement, sa triste situation  aurait un terme ; mais il fut trompé dans son attente, et son infortune sembla même s'être aggravée. Il éprouva cependant un moment de relâche après la mort de sa mère, ayant introduit dans sa maison un reliquaire qui lui advint dans la succession, et qui contenait du bois de la vraie Croix, avec des reliques de saint Médard, de saint Éloi, de saint Mommole  et de  sainte Godeberte.  G.., se crut délivré ; mais le calme dura peu, et les calamités reparurent bientôt, avec plus d'intensité que jamais. IL était comme désespéré, quand on l'amena à la personne dont nous avons parlé plus haut. Elle l'exhorta à avoir confiance et à prier avec foi; ensuite elle lui donna plusieurs médailles de saint Benoît, une petite notice sur les grâces de protection dont cette médaille pouvait être l'occasion. G... fit avec zèle tout ce qui lui était recommandé, et immédiatement la situation commença à devenir meilleure. Ayant trempé la médaille dans l'eau et adressé à Dieu une fervente prière, il lava avec cette eau les murailles de sa maison, le seuil de la porte, et il en donna à boire à ses bestiaux. Il en versa même quelques gouttes dans la baratte où l'on battait le beurre, y mit ensuite la crème et obtint au bout de vingt minutes le plus beau et le meilleur beurre que l'on pût désirer (La vertu de la médaille, pour dissiper les embûches des démons lorsqu'ils s'opposent au succès des opérations domestiques dans un détail aussi familier que la confection du beurre, est assez reconnue en Italie pour qu'on l'ait mentionnée expressément sur les notices relatives à la médaille. Ainsi on y lit ces mots: « In tutte quelle cose che dipendono dal latte di essi animali, come ne fare il butiro, ed altro ad uso degli umani bisogni.»). Un de ses bestiaux était près de mourir : il lui attacha une médaille au cou, et l'animal se leva bientôt, se mit à manger, et fut pleinement guéri. En peu de jours tous les fléaux qui l'obsédaient depuis  tant d'années  avaient disparu, et il jouit bientôt de la plus complète tranquillité. Dans sa joie, il ne tarda pas à venir remercier la personne qui  lui avait confié la médaille ; mais il lui lit  part en même temps d'une chose qui l'affectait beaucoup : c'était que l'auteur de toutes ces peines  souffrait d'une étisie, et, dans sa charitable compassion, il craignait que cet homme ne vînt à mourir. Nous savons qu'il fit des démarches pour  obtenir une médaille à son intention; mais nous n'avons pas reçu de renseignements sur la suite de cette affaire.

A ces traits relatifs à l'action de la médaille de saint Benoît, nous ajouterons  ici le récit de deux faits dans lesquels a paru son influence sur des choses inanimées, à l'occasion desquelles la foi avait sollicité le secours de Dieu par l'entremise du saint Patriarche. 

En 1867, au  diocèse du Mans, dans le local  d'une Communauté nouvellement établie, on avait  creusé à grands frais un  puits destiné à  porter l'eau dans  toute la maison. Cette eau s'étant trouvée   dépourvue  des   qualités  qui devaient la rendre potable, on se vit contraint de  creuser un  nouveau puits dans l'enceinte même*de la maison. Le résultat de celte nouvelle opération ne fut  pas  plus   favorable.   L'eau vint assez  abondamment; mais,  si elle n'était pas sulfureuse comme la première, elle empruntait au terrain une couleur noirâtre, avec une  mauvaise odeur et un  goût  détestable.  Le   conseil  fut donné aux  Religieuses de  jeter  dans ce puits la  médaille de saint Benoît , et d'aller y puiser  de l'eau une  heure après.  Les Sœurs   accomplirent  cette prescription avec  foi et simplicité ; et, une heure après, l'eau tirée du puits apparut  limpide comme  du  cristal, sans odeur et parfaitement potable. Depuis lors, elle a conservé ces qualités en toute saison, et  les  conditions  fâcheuses sous lesquelles  elle  s'était  d'abord montrée ne sont déjà  plus pour  les habitants du monastère qu'un souvenir qui leur rappelle  la puissance et la  bonté du saint Patriarche.

En   1864,  à  Boën-sur-Lignon,  un vignoble  était envahi par la maladie des raisins. Non  seulement  le  feuillage était endommagé, mais les grappes  qui commençaient à se développer  paraissaient frappées à mort.   Le  propriétaire  eut la pensée d'enfouir la médaille de  saint Benoît dans la  terre  qui portait les ceps. Peu après, un  phénomène nouveau se  manifesta.  Le  feuillage  gardait sa triste apparence ; mais les grappes avaient grossi et mûrissaient, sans conserver la trace de l'ulcération qui avait d'abord paru sur elles. La maladie avait envahi un tiers des ceps ; elle rétrograda subitement , et tout le raisin de ce vignoble, au moment de la vendange, se retrouva dans les meilleures conditions.


 

§ XII. LA MÉDAILLE  DE   SAINT  BENOIT   DANS LES PAYS DE MISSIONS.

 

La vertu de la médaille de saint Benoît ne s'arrête pas aux limites du monde occidental. Des témoignages récents nous apprennent que son action est toute-puissante dans les pays de missions, et spécialement dans les Indes, encore si infestées par les esprits de ténèbres.

En 1867, le Révérend Père A... , de la Compagnie de Jésus, résidant au collège de Saint-Denis (Réunion), fut chargé d'aller prendre, après les vacances de Pâques, au sein de leurs familles, quatorze enfants qu'il devait ramener  par  mer à Saint-Denis. La mer était mauvaise, et on avait quelque crainte pour le retour.  Le Père Recteur remit au Religieux partant une médaille de saint Benoît, et lui  dit: « Soyez tranquille; demain la mer sera moins mauvaise ; du reste, si, une fois partis, elle devenait houleuse, ne craignez rien : saint Benoît viendra à votre secours. »  Ce qu'avait dit le Supérieur arriva de point en  point. Quand le Religieux et  les enfants s'embarquèrent, le temps était très beau ; depuis une heure ils voguaient sans obstacle  vers  Saint-Denis,  lorsqu'au détour d'un cap, la barque fut  assaillie par une rafale épouvantable qui  faillit jeter les voyageurs sur les rochers du  rivage, où ils auraient été à coup sûr broyés par les vagues. Le pilote tout tremblant gagne la haute mer, dans la pensée d'y être moins exposé  ; mais la mort s'y présentait sous des couleurs non moins sombres.   La frêle embarcation, devenue le jouet des vagues et des vents, n'obéissait plus au gouvernail;  une pluie torrentielle cachait tout horizon ; les enfants étaient couchés au fond de la barque, plus morts que vifs. A ce moment de suprême danger, le Père se rappelle la médaille de saint Benoît; il la prend, et la jette à la mer en disant : « Saint Benoît, priez pour nous ! » Effet merveilleux de la puissance du grand Patriarche ! En moins de cinq minutes, la pluie eut cessé, les flots se calmèrent, le pilote put regagner la côte, et les voyageurs continuèrent leur navigation, pleins de reconnaissance pour celui qui venait de les arracher à une mort certaine. Le lendemain, le Révérend Père A... mettait au cou de ses huit rameurs une médaille de saint Benoît, et ces bons noirs lui promirent bien de ne jamais la quitter.

Le fait qu'on vient de lire nous a été transmis par le Père A... lui-même, quelques années après l'événement. Une autre lettre, datée de Salem, vicariat apostolique de Pondichéry, 21 novembre 1874, nous transmet, sur l'usage de la  médaille dans ce pays, une longue suite de faits intéressants, dont nous ne pouvons rapporter ici que les principaux.

Selvam,  jeune fille indienne, souffrait depuis longtemps d'une perte de sang qui l'affaiblissait au point de ne  pouvoir supporter presque aucune espèce de nourriture ; tout son corps  s'affaissait, et elle en venait à désirer la mort. Le  missionnaire qui nous écrit arrivant dans le village, lui fit boire de l'eau dans laquelle avait plongé la médaille de saint Benoît. Ce jour-là même le sang s'arrêta, et la malade  put manger divers mets,  « Cette eau », dit la relation, « a une vertu toute spéciale contre les  pertes de sang, quelles qu'elles soient. » Témoignage précieux, venant s'adjoindre inopinément, du  fond des Indes, à celui que nous citons plus haut (§ VII) : « E rimedio efficacissimo pel jetto di  sangue ». Il serait facile de rapporter plus d'un fait rappelant de même les récits des paragraphes précédents.  C'est ainsi que, dans une Communauté de Religieuses indigènes, une eau saumâtre et presque impropre à tout usage perdit son caractère saumâtre, lorsqu'on eut mis dans le puits une médaille de saint Benoît. Mais nous avons cru devoir nous borner, et chercher plutôt la variété que le nombre dans le rassemblement des faits de cette notice.

Servammôl, ancienne élève des Religieuses, était minée depuis quatre mois environ par la fièvre. Une personne charitable, entrant chez elle dans un moment où elle souffrait davantage, lui fit prendre, en forme de remède, une tasse de café sans sucre dans laquelle avait plongé la médaille. L'accès devint alors d'une violence extrême, avec vomissement et délire ; toutefois, la crise passée, Servammôl ne se découragea pas : elle se mit à boire de l'eau de la médaille, et, huit jours après, elle était entièrement guérie.

Des voleurs étant venus pendant la nuit piller une maison, un enfant de trois ans qui s'y trouvait eut tellement peur que la fièvre le prit, et ne le quitta  presque pas pendant cinq jours. Quelqu'un ayant alors offert de l’eau de la médaille,  on en fit boire au malade, en frictionnant doucement de cette même eau son visage et sa poitrine. La fièvre disparut aussitôt, et ne revint plus,  « J'ai cru remarquer », dit le missionnaire, « que cette médaille avait une grande vertu contre la peur et tout ce qui vient de la peur,  surtout chez les enfants.  » Il  ajoute  : « Comme il est reconnu que cette médaille donne une vertu aux remèdes, je l'ai souvent employée en la plongeant dans les remèdes liquides, ou en la faisant toucher à ceux qui ne le sont pas. J'en ai usé pour des lièvre continues,  quotidiennes, tierces,  quartes, et je n'ai  pas  souvenance d'avoir vu la fièvre résister au remède, a réitéré s'il le faut. »

Madelegammôl, jeune femme de dix-huit à vingt ans, était sourde depuis six ans ; ses oreilles suppuraient, quand elle mangeait autre chose que du riz. Dès le premier jour que l'eau de la médaille lui fut versée dans les oreilles, la suppuration s'arrêta dans l'oreille droite, et elle entendit mieux de ce côté. Le remède ayant été continué durant quelques jours, la suppuration s'arrêta également du côté gauche ; l'oreille droite entendit bientôt parfaitement, mais la gauche ne fut guérie qu'à moitié, Dieu voulant qu'il restât à cette femme un souvenir de son premier état.

Le mal d'yeux prend sous le soleil des Indes un caractère d'intensité qui le rend redoutable, surtout aux enfants. Deux petites filles païennes souffrantes de ce mal furent instantanément guéries, en se lavant les yeux de l'eau de la médaille.

Mais ce qui, par-dessus tout, rend la médaille de saint Benoît chère aux Indiens, c'est le secours puissant qu'elle leur apporte contre un des plus grands fléaux du pays, la piqûre des insectes ou la morsure des serpents. Mariannen, piqué un soir d'un poûram, insecte très venimeux, passa la nuit à se lamenter sous le coup de la douleur ; il avait la poitrine oppressée, les côtes gonflées. Les endroits soutirants ayant été frottés le matin d'eau-de-Cologne pure dans laquelle on avait plongé la médaille, il fut parfaitement guéri, à la minute.

Nôyégam  avait été piquée  par  une virienne,  serpent dont la morsure, si elle ne tue  pas  en quelques heures, laisse la vie en danger durant  quarante jours, et demande toujours un long temps pour une guérison parfois fort incomplète. Depuis trois  ans que Nôyégam avait  reçu la piqûre, la fièvre ne l'avait jamais définitivement quittée ; la jambe atteinte par la virienne était engourdie et presque insensible, à ce point que, piquée d'un scorpion dans l'intervalle, elle n'en ressentit aucune douleur nouvelle ; la tête et le cou éprouvaient des  douleurs continuelles  ; ses membres  sans force ne  lui permettaient aucun  travail suivi.  Ce fut dans cet état qu'au bout de trois ans, elle se présenta au missionnaire. Il lui donna de l'eau de la médaille, et lui recommanda d'en boire et de s'en frotter les membres souffrants, ce qu'elle fit le jour même, avant de se coucher. Dans la nuit même, la fièvre la quitta, la jambe fut dégagée de son engourdissement, la tête et le cou redevinrent libres, et tout le corps reprit son état normal. « Il est notoire » , écrit le missionnaire, « que nul venin ne résiste à l'eau qu'a touchée cette médaille, et que le venin quitte aussitôt tous les endroits que touche cette eau. »

La piqûre du scorpion cause une douleur indescriptible; il faut des heures, une nuit et souvent bien plus, pour que le calme et le sommeil reviennent au patient. Les maisons indiennes étant pleines de scorpions, les cas de piqûre ne sont pas rares. On emploie contre elle différents spécifiques plus ou moins efficaces ; mais le grand remède indien est de bénir d'une façon superstitieuse pour faire descendre Je virus, et les chrétiens eux-mêmes n'étaient pas toujours, paraît-il,  très scrupuleux en cette matière. La médaille de saint Benoît est venue providentiellement couper court à ces superstitions. L'eau qu'elle a touchée guérit instantanément le membre endolori, et chasse infailliblement le virus en quelques minutes. Dans les nombreux cas d'application qui se sont présentés depuis que la médaille est connue dans ces pays, on ne l'a jamais vue manquer une seule fois son effet. Aussi les Indiens l'ont-ils nommée] la médaille du scorpion, tèlou souroùbam.

Une jeune femme avait fait un vœu pour son enfant ; elle s'était engagée à donner huit annas (24 sous) à l'église de la sainte Vierge à Yodappady. Venue aux fêtes de Pâques pour accomplir sa promesse, elle donna quatre annas, réservant les quatre autres pour l'église de son village. Aussitôt, l'enfant tombe malade : grand émoi dans la parenté, la pauvre jeune mère consternée avoue sa faute, et s'en va vite compléter son vœu ; mais le malade laisse les mêmes craintes. On appelle le missionnaire. Il trouve l'enfant dans un état de prostration complète, les yeux fermés, la tête tombant sur la poitrine. Alors il se dit à lui-même : « Marie et Benoît ne se querelleront pas pour la vie de cet innocent. Marie a donné la leçon maternelle qui a été écoutée; pour la gloire de saint Benoît, elle lui laisse le soin de le guérir. » Après quoi, il fait frotter doucement la poitrine et le visage de l'enfant avec l'eau de la médaille ; on en met quelques gouttes dans sa bouche. Aussitôt il ouvre un peu les yeux, et fait quelques mouvements ; la joie renaît dans la famille. Il alla de mieux en mieux, et le soir même il était parfaitement guéri.

Le zélé missionnaire de qui nous tenons ces faits fut un jour appelé près d'un protestant malade, en proie à des agitations terribles. On disait la maison hantée par les mauvais esprits; le missionnaire ayant examiné le genre singulier de cette maladie, fut lui-même persuadé qu'il y avait là folie ou effet  diabolique.  Il demande en conséquence de l'eau, et y plonge la médaille de saint Benoît ; la mère du malade, assise près du lit de son fils, lui frictionne légèrement de cette eau le visage et la poitrine ; on lui en fait boire quelque gouttes. Alors, courbant un peu la tête, il paraît réfléchir un instant, et, tourné vers sa mère, il lui dit en souriant : « Je suis guéri ! Donnez-moi à manger. Mes habits! » Puis il serre la main du prêtre, en disant: « Merci, mon Père ! » Sa jeune femme, Européenne protestante,  se tenait devant lui,  debout, ébahie, et laissait couler de grosses larmes. Le missionnaire bénit la maison, et toute la famille se  mit à genoux pour  recevoir aussi sa bénédiction. L'émotion était grande parmi  tous  les témoins du  fait, catholiques, protestants ou païens. Dans la soirée, le malade reprit son travail ordinaire. Les jours suivants, il eut encore quelques accès du même genre ; mais,  ayant continué à boire de l'eau de la médaille, il fut bientôt entièrement délivré.

Par la force toute-puissante de la sainte Croix gravée sur la médaille, saint Benoît poursuit aux Indes le cours de ses victoires sur les légions infernales chassées par lui d'Occident. Nous finirons  par le simple énoncé d'un fait qui résume et caractérise admirablement l'efficacité spéciale de l'objet sacré dont nous avons  entretenu nos lecteurs. Un  arbre devenu  le repaire des démons, chose fréquente autour des pagodes indiennes,  se dessécha rapidement et mourut dès qu'on eut mis dans ses racines la médaille de saint Benoît. Puisse la sainteté du grand Patriarche éclater toujours plus dans ces régions lointaines où Dieu n'a pas conduit ses  fils! Puissent ces peuples, esclaves de  Satan durant tant de siècles, comprendre enfin, par la vertu de la médaille, et la faiblesse  de l'enfer et la puissance des serviteurs du seul vrai Dieu !


 

§ XIII. APPROBATION  DE   LA  MÉDAILLE  DE   SAINT BENOÎT PAR  LE  SIÈGE  APOSTOLIQUE.

 

Les faits que nous venons de rapporter, et tant d'autres que nous passons sous silence, donnaient naturellement lieu à désirer d'y voir l'intervention de l'autorité ecclésiastique, à laquelle seule il appartient de prononcer sur le mérite d'une dévotion dont les résultats sont de nature à produire autant d'étonnement chez les uns que de secours et de consolation chez les autres. Heureusement, le jugement du Saint-Siège est intervenu d'assez bonne heure, et il a donné à la médaille de saint Benoît la sanction désirée, avec un degré d'autorité supérieur encore à celui qui résultait déjà des faits merveilleux que l'on recueillait de toutes parts.

La médaille avait été dénoncée comme entachée de superstition par le trop fameux J.-B. Thiers, dans son Traité des Superstitions, ouvrage d'ailleurs inscrit sur le catalogue de l'Index. Ce critique intempérant prétendait motiver ses attaques sur ce prétexte, que le sens des lettres capitales qui se lisent sur la médaille ne se devinant pas aisément, celles-ci devenaient par là même suspectes de quelque intention magique.

Il était réservé au savant pape Benoît XIV de rassurer la foi des fidèles, et de dissiper les inquiétudes affectées des rationalistes de l'époque. Sur la demande de Dom Bennon Löbl, Abbé du monastère de Sainte-Marguerite de Prague, après un examen sérieux et un Décret préalable de la Congrégation des Indulgences, le Pontife, par Bref du 12 mars 1742, approuva la médaille avec la Croix, l'effigie de saint Benoît  et les caractères qu'elle présente.

Il sanctionna la formule de la bénédiction qui doit lui être appliquée, et accorda de nombreuses indulgences à ceux qui la porteraient sur eux. Voici la teneur de ce Bref important et peu connu :

 

BENEDICTUS P.P.XIV

 

AD PERPETUAM REI MEMORIAM , ET AD AUGENDAM CHRISTI FIDELIUM DEVOTIONEM.

 

 

Coelestibus Ecclesiœ thesauris paterna charitate intenti, sacra interdum Numismata, seu Cruces, vel Cruculas sancti Benedicti nuncupatas, indulgentiarum muneribus condecorare voluimus ; et personis, præsertim speciali dignitate fulgentibus, facultatem illas cum thesauro indulgentiarum hujusmodi privative benedicendi et distribuendi libenter impartiti fuimus ; et ut illa perpetuis futuris temporibus suum plenarium sortiatur effectum, firmiusque persistat ; potissimum quum a Nobis petitur, Apostolicæ confirmationis robur libenter adjicimus, operaque et operas rostras impendimus efficaces, prout personarum, locorum, et temporum qualitatibus matura consideratione pensatis, in Domino conspicimus salubriter expedire.

 

 

 

Exponi Nobis nuper sane fecit dilectus filius Benno Löbl, monachus Ordinis sancti Benedicti expresse professus, ac modernus Abbas liberi et exempti,  Sedique Apostolicæ immediate subjecti monasterii Brzevnoviensis  in Brauna, nullius, seu Pragensis diœcesis, et Wahlstadii  Silesiorum modernus Prœpositus,  Praelatusque infulatus regni Bohemiae, dictique Ordinis Visitator   perpetuus in Bohemia,  Moravia et Silesia : quod alias per Nos eidem exponenti,  ejusque successoribus, ac  omnibus et singulis Abbatibus, Prioribus, caeterisque ejusdem Ordinis monachis sacerdo-tibus, expetenti tamen praedicto, ejusque successoribus  Visitatoribus prœdictis subjectis , Numismata seu Medallias, vel Cruces, aut Cruculas  sanctir Benedicti  nuncupatas, privativa facultas sub certa inibi expressa formula, benedicendi  et  respective distribuendi, pro consequendis   indulgentiis, in illis amplissime elargitis cum inhibitione cuicumque personae, ecclesiasticae, in hujusmodi opere pio se  immiscendi,  decreto  Congregationis Sanctae  Romanæ  Ecclesiæ Cardinalium super  Indulgentiis  praepositae, sub die XXIII  mensis Decembris, anni Domini M. DCCXLI emanato, benigne concessa  et elargita fuit; cujus Decreti tenor est qui sequitur :

 

BENOIT  XIV, PAPE

 

POUR EN PERPETUER LE SOUVENIR , ET POUR ACCROITRE LA DEVOTION DES FIDELES DE JESUS-CHRIST.

 

 

Chargé de veiller avec une charité paternelle à la garde des célestes trésors de l'Église, et voulant enrichir de la faveur des indulgences les saintes Médailles connues sous le nom de Croix, ou petites croix de saint Benoît, Nous avons accordé avec bienveillance à certaines personnes honorées d'une dignité spéciale la faculté particulière de bénir ces Médailles en y attachant de précieuses indulgences, et de les distribuer aux fidèles; et afin que cette grâce puisse produire son entier effet, et demeure inviolable à perpétuité ; mû principalement parla demande qui Nous est faite, Nous y ajoutons avec plaisir la force d'une confirmation Apostolique, et employons à cet effet notre influence et nos soins officieux, selon qu'il Nous a semblé dans le Seigneur être avantageux et salutaire, après avoir mûrement pesé la qualité des personnes, des lieux et des temps.

Notre cher fils Bennon Löbl, moine profès de l'Ordre de saint Benoît, présentement Abbé  du monastère de Brzewnow in Brauna, au diocèse de Prague, monastère nullius, libre, exempt et soumis immédiatement au Siège Apostolique, en outre, Prévôt de Wahlstad en Silésie, Prélat mitre du royaume de Bohême, et Visiteur perpétuel dudit Ordre dans la Bohême, la Moravie et la Silésie, Nous a dernièrement fait exposer que,  dans une autre occasion,  il Nous a demandé pour ses successeurs, ainsi que pour tous et chacun des Abbés, Prieurs et autres moines prêtres du même Ordre soumis à lui et à ses successeurs qui exerceront le même droit de Visiteur, la faculté de bénir, selon la formule exprimée dans la demande, les Médailles ou Croix : dites de saint Benoît, de les distribuer respectivement, afin de répandre les indulgences qui leur sont largement affectées; avec défense faite à toute personne ecclésiastique de s'immiscer dans cette œuvre pie : laquelle faculté lui a été bénignement concédée et octroyée par Décret de la Congrégation des Cardinaux de la sainte Église Romaine, préposée aux indulgences, le 23 du mois de Décembre de l'an de Notre-Seigneur 1741, duquel Décret la teneur est telle que suit :

 

 

 

« Ordinis sancti Benedicti per Bohemiam, Moraviam et Silesiam Decretum.

 

« Ad humillimas et enixas preces Domini Bennonis Löbl, Ordinis sancti  Benedicti, liberi et exempti Monasterii Brzevnoviensis in Brauna Abbatis, Wahlstadii   Silesiorum Praepositi, regni Bohemiœ  Prœlati infulati, atque Ordinis praedicti  per  Bohemiam, Moraviam  et Silesiam Visitatoris perpetui :   Sanctissimus Dominus noster Benedictus PP.  XIV, idem Bennoni ejusque successoribus, ac omnibus et singulis Abbatibus, Prioribus, cseterisque  monachis sacerdotibus, ipsimet pro  tempore existenti Visitatori   perpetuo subjectis,  Numismata, seuMedallias, vel Cruces aut Cruculas sancti Benedicti  nuncupata, quarum una pars imaginera ejusdem sancti Benedicti   repraesentat, altera vero Crucem, in cujus extremo circuitu litterae  seu characteres , scilicet : V. Vade. S. retro. S. Sathana. N.  nunquam. S. suade. M. mihi. V. vana. S. sunt. M. mala. Q. quae. L. libas. I. ipse. V. venena. B.  bibas. In linea veroejus recta : C. Crux. S. sacra. S. sit. M.  mihi. L. lux. in inversa autem: N. Non. D. Draco. S. sit. M.  mihi. D. dux : ac demum in  quatuor lateribus : C. Crux. S. sancti. P. Patris. B. Benedicti ; respective significantes exprimuntur : facultatem privativam benedicendi, benigne concessit atque indulsit, formula quœ sequitur, nimirum :

 

« Décret pour l’Ordre de saint Benoît, dans la Bohême, la Moravie et la Silésie.

 

 

« Aux très humbles et instantes prières de dom Bennon Löbl, Abbé du monastère libre et exempt de Brzewnow in Brauna, de l'Ordre de saint Benoît, Prévôt de Wahlstad en Silésie, Prélat mitre du royaume de Bohême et Visiteur perpétuel du-dit Ordre dans la Bohême, la Moravie et la Silésie : Notre Très Saint Père le Pape Benoît XIV a daigné donner et octroyer au même Bennon et à ses successeurs, ainsi qu'à tous et chacun des Abbés, Prieurs et autres moines prêtres, qui lui sont présentement soumis comme Visiteur perpétuel, la faculté particulière de bénir les Médailles connues sous le nom de Croix de saint Benoît, et dont une face représente l'image du même saint Benoît, et l'autre une Croix avec ces lettres ou caractères à sa circonférence, signifiant respectivement ce qui suit : V. Vade. B. retro. S. Sathana. N. nunquam. S. suade.  M.  mihi. V. vana. S. sunt. M. mala. Q. quœ. L. libas. I.  ipse. V. venena. B. bibas. Sur la ligne verticale: C. Crux. S. sacra. S. sit. M.mihi.L. lux. Sur la ligne horizontale: N. Non. D. Draco. S. sit. M. mihi. D. dux ; et enfin aux quatre côtés : C. Crux. S. sancti. P. Patris. B. Benedicti; et dont la bénédiction se fera sous la formule qui suit, c'est-à-dire :

 

 

 

« Adjutorium nostrum in nomine Domini. R/. Qui fecit cœlum etterram. — Exorcizo vos, numismata, per Deum Patrem + omnipotentem, qui fecit cœlum et terram, mare et omnia quae in eis sunt : omnis virtus adversarii, omnis exercitus diaboli, et omnis incursus, omne phantasma Sathanae, eradicare et effugare ab his numismatibus, ut fiant omnibus, qui eis usuri sunt, salus mentis et corporis, in nomine Dei Patris + omnipotentis, et Jesu Christi + Filii ejus, Domini nostri, et Spiritus Sancti + Paracliti, et in charitate ejusdem Domini nostri Jesu Christi, qui venturus est judicare vivos et mortuos et sœculum per ignem. R/. Amen. Kyrie eleison, Christe eleison, Kyrie eleison. Pater noster, etc. V/. Et ne nos inducas in tentationem. R/. Sed libera nos a malo. V/. Salvos fac servos tuos. R/. Deus meus, sperantes in te. V/. Esto nobis, Domine, turris fortitudinis. R/. A facie inimici.  R/.  Deus virtutem populo suo dabit. R/. Dominus benedicet populum suum in pace. V/. Mitte eis, Domine, auxilium de sancto. R/. Et de Sion tuere eos. V/. Domine, exaudi orationem meam. R/. Et clamor meus ad te veniat. V/. Dominus vobiscum. R/. Et  cum spiritu tuo. Oremus. Deus omnipotens, omnium bonorum largitor, supplices te rogamus ut per intercessionem sancti Patris Benedicti his sacris numismatibus, litteris et characteribus a te designatis tuam benedictionem + infundas, ut omnes, qui ea gestaverint, ac bonis operibus intenti fuerint, sanitatem mentis et corporis et gratiam sanctificationis, atque indulgentias nobis  concessas consequi mereantur, omnesque diaboli insidias et fraudes per auxilium misericordiœ tuae effugere valeant, et in conspectu tuo sancti et immaculati appareant.  Per Dominum, etc. Oremus : Domine Jesu, qui voluisti pro totius mundi redemptione, de Virgine nasci, circumcidi, a Judæis reprobari, Judæ osculo tradi, vinculis alligari, spinis cororiari, clavis perforari, inter  latrones crucifigi,  lancea vulnerari et tandem in cruce mori : per tuam  sanctissimam Passionem humiliter exoro, ut omnes diabolicas insidias et fraudes expellas ab eo, qui Nomen sanctum tuum his litteris et characteribus a te designatis devote invocaverit, et eum ad salutis portum perducere digneris. Qui vivis et regnas, etc. Benedictio Dei Patris + omnipotentis, et Filii + et Spiritus + Sancti descendat super haec numismata ac ea gestantes, et maneat semper. In nomine Patris + et Filii + et Spiritus + Sancti. Amen. Aspergatur aqua benedicta.

 

 

« Voulant donc enrichir particulièrement des grâces spirituelles et des célestes trésors de l'Église ces mêmes Médailles bénites ainsi par le Visiteur et les autres moines susdits pour lors existants, il a daigné donner et accorder à tous et chacun des fidèles de l'un et de l'autre sexe qui porteront avec dévotion quelqu'une de ces Médailles ou Croix ainsi bénites, et feront en même temps les œuvres pies, selon qu'il est enjoint ci-dessous en son lieu respectif, des indulgences en la manière et la forme prescrites, ainsi qu'il suit : Que celui donc qui aura l'habitude de réciter au moins une fois la semaine le Chapelet de Notre-Seigneur, ou celui de la Bienheureuse Vierge Marie ou le Rosaire, ou le tiers du Rosaire, l'Office divin ou le Petit Office de la Bienheureuse Vierge Marie, ou celui des Défunts, ou les sept Psaumes de la Pénitence, ou les l'saumes Graduels ; ou bien d'enseigner les éléments de la foi, ou de visiter ceux qui sont détenus en prison ou malades dans quelque maison hospitalière, ou de secourir les pauvres, ou d'en tendre la Messe, ou de la célébrer, s'il est prêtre ; celui-là, s'il est vraiment pénitent et qu'il se soit confessé à un prêtre approuvé par l'Ordinaire, et ait reçu le très saint Sacrement de l'Eucharistie, en l'un ou en l'autredes jours ici désignés, savoir: au jour de la fête de la Nativité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de l'Epiphanie, de Pâques, de l'Ascension, de la Pentecôte, de la très sainte Trinité, du très saint Sacrement : de même aux jours de la Conception, de la Nativité, de l'Annonciation, de la Purification et de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie, ainsi qu'à la fête de tous les Saints, le premier jour de Novembre, et à celle de saint Benoît ; et s'il prie Dieu dévotement pour l'extirpation des hérésies et des schismes, l'exaltation et la propagation de la foi catholique, pour la paix et la concorde entre les princes chrétiens et pour les autres besoins de l'Église Romaine, gagnera l'indulgence plenière et la rémission de tous ses péchés.

 

 

« Eadem vero Numismata sic per Visita tore m caeterosque monachos praefatos pro tempore existentes benedicta, et spiritualibus gratiis ac cœlestibus Ecclesiæ thesauris specialiter insignire volens : omnibus et singulis utriusque sexus Christi fidelibus, aliquod hujusmodi Numismatum, seu Crucularura, benedictum devote gestantibus, ac insimul pia opera, prout infra suis cuique locis respective injungitur, peragentibus, indulgentias modo et forma quae praescribitur, cimenter concessit atque indulsit, videlicet : ut qui saltem semel in hebdomada Coronam Domini, vel Beatissimœ Virginis Marias, vel Rosarium, ejusve tertiam partem, aut Officium vel divinum vel parvum eiusdem Beatissimœ Virginis Mariæ, vel Defunctorum, aut septem Psalmos Pœnitentiales, vel Graduales, recitare, aut rudimenta fidei edocere, aut detentos in carcere, vel alicujus domus hospitalis segrotos visitare, aut pauperibus subvenire, aut Missam vel audire, vel, si est sacerdos, celebrare consueverit ; si vere poenitens, et sacerdoti per Ordinarium  approbato confessus fuerit, ac sanctissimum Eucharistiae sacramentum sumpserit, in quolibet ex diebus infra scriptis, nimirum : die festo Nativitatis Domini nostri Jesu Christi, Epiphaniae, Resurrectionis, Ascensionis, Pentecostes, sanctissimœ Trinitatis, et Corporis Christi, ac diebus Conceptionis, Nativitatis, Annuntiationis, Purificationis et Assumptionis Beatissima? Virginis Mariæ; necnon primo die Novembris, festo Omnium Sanctorum, ac die festo sancti Benedicti : et pro haeresum ac schismatum extirpatione, fidei catholicae exaltatione ac propagatione, pace et christianorum principum concordia, caeterisque Romanæ Ecclesiæ necessitatibus, pias ad Deum preces effuderit, plenariam omnium peccatorum suorum remissionem et indulgentiam consequatur.

 

 

« Celui qui aura rempli les mêmes conditions aux autres fêtes de Notre-Seigneur ou de la Bienheureuse Vierge Marie, à celles des saints Apôtres, ou de saint Joseph, de saint Maur, de saint Placide, sainte Scholastique et sainte Gertrude, del'Ordre de saint Benoît, gagnera dans chacune de ces fêtes sept ans et autant de quarantaines d'indulgence.

« La même grâce sera accordée à celui qui entendra la Messe, ou la célébrera, s'il est prêtre, et priera Dieu pour la prospérité des princes chrétiens et la tranquillité de leurs États et de leurs possessions.

« Celui qui, par dévotion à la Passion de Notre-Seigneur Jesus-Christ, jeûnera les Vendredis, ou, en l'honneur de la Bienheureuse Vierge Marie, les Samedis : chaque fois qu'il le fera, gagnera une indulgence de sept ans et autant de quarantaines.

« Et celui qui, confessé et nourri de la sainte Communion, aura observé le jeûne ces mêmes jours, pendant une année entière, gagnera une indulgence ulénière, et cette même faveur sera accordée à celui qui, en s'efforçant d'accomplir la même oeuvre, sera décédé dans le courant de l’année.

« Celui qui aura l'habitude de proférer une ou plusieurs fois par jour l'oraison jaculatoire: Bénie soit la très pure et immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie, gagnera une indulgence de quarante jours.

«Celui qui aura l'habitude de réciter au moins une fois la semaine le Chapelet, ou le Rosaire, ou l'Office de la très sainte Vierge Marie, celui des Défunts , ou leurs Vêpres avec au moins un Nocturne et Laudes, ou les sept Psaumes de la Pénitence avec les Litanies et prières qui les suivent ; ou cinq fois l'Oraison Dominicale en l'honneur du saint Nom de Jésus ou de ses cinq Plaies; ou  cinq  fois la Salutation Angélique en l'honneur du saint Nom de Marie, ou l'Antienne Sub tuum prœsidium, avec une Oraison quelconque de celles qui sont approuvées pour la très sainte Vierge, gagnera, le jour qu'il le fera, une indulgence de cent jours : faveur qui sera encore accordée une fois chaque vendredi à celui qui aura récité trois fois l'Oraison Dominicale ou la Salutation Angélique, et aura médité pieusement sur la Passion et la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ.  La même grâce sera pareillement accordée à celui qui par dévotion envers saint Joseph, saint Benoît, saint Maur, sainte Scholastique et sainte Gertrude, récitera le psaume Miserere mei, Deus, ou cinq fois l'Oraison Dominicale et la Salutation Angélique, et priera Dieu que, par leur intercession, il conserve la sainte Église catholique, et lui accorde à lui-même une fin heureuse et tranquille.

 

 

« Qui eadem in aliis festis Domini, aut Beatissimæ Virginis Mariæ, sanctorumque Apostolorum,  aut sancti Josephi, aut sanctorum Mauri, Placidi, Scholasticae, vel Gertrudis, Ordinis sancti Benedicti, peregerit, in quolibet eorum septem annorum totidemque quadragenarum indulgentiam acquirat.

 

 

« Quam pariter adipiscatur, qui Missam audiet, vel, si est sacerdos, celebrabit, ac pro Christianorum principunr prosperitate, illorumque sta-taum et ditionum tranquillitate Deum orabit.

« Qui ob reverentiam erga Passionem Jesu Christi Domini nostrii Feriis sextis, aut in honorem Beatissimæ Virginis Mariæ diebus Sabbati, jejunaverit, qualifaet earum die id egerit, indulgentiam septêm annorum, totidemque quadragenarum.

« Qui vero confessus, ac sacra Communione refectus, jejunium iisdem diebus per integrum annum servaverit, plenariam indulgentiam lucretur; qua etiam gaudeat,  qui idem opus complere intendens infra annum decesserit.

 

 

« Qui semel vel pluries in die jaculatoriam : Benedicta sit purissima et immaculata Conceptio Beatissimæ Virginis Mariæ , proferre consueverit, indulgentiam quadraginta dierum acquirat.

 

«Qui saltem semel in hebdomada, Coronam , aut Rosarium, aut Officium Beatissimæ Mariæ Virginis , vel Defunctorum , aut Vesperas cum uno saltem Nocturno et Laudibus, aut septem Psalmos Pœnitentiales et Litanias, earumque preces , aut in honorem sanctissimi Nominis  Jesu,  vel quinque ejus Plagarum, quinquies  Orationem  Dominicam, aut in honorem sanctissimi Nominis Mariæ quinquies Salulationem Angelicam, aut Antiphonam : Sub tuum praesidium, cum una qualibet ex approbatis Orationibus Beatissimœ Virginis recitare consueverit, quo die  id  egerit,  indulgentiam  centum dierum consequatur : qua semel in quavis Feria Sexta fruatur, qui Orationem  Dominicam, ac Salutationem  Angelicam   ter dixerit ac de Passione et morte Domini nostri Jesu Christi pie cogitaverit; eamdem pariter lucretur qui ob devotionem erga  sanctos  Josephum,   Benedictum,  Maurum, Scholasticam, ac Gertrudem, recitando Psalmum Miserere mei, Deus, aut quinquies Orationem Dominicam et Salutationem Angelicam, oraverit ut Deus per eorum intercessionem, sanctam catholicam Ecclesiam conservet, ipsumque devotum beate fine quiescere faciat.

 

«Celui qui, dans la célébration de la Messe ou dans la sainte Communion, ou dans la récitation de l'Office divin, ou dupetit Office de la Bienheureuse Vierge Marie, ajoutera, avant cette sainte action, quelque dévote prière, jouira de cinquante jours d'indulgence; privilège accordé également à celui qui priera Dieu pour les fidèles qui sont à l'article de la mort, et dira à leur intention trois fois l'Oraison Dominicale et la Salutation Angélique.

« Celui qui visitera ceux qui sont détenus en prison ou malades dans les hôpitaux, et les aidera de quelque œuvre de miséricorde, ou enseignera la doctrine chrétienne à l'église ou à la maison , à ses enfants, parents ou domestiques, obtiendra chaque fois , outre les indulgences accordées à cet effet par les autres souverains Pontifes, une indulgence de deux cents jours.

« Celui qui récitera le Chapelet ou le Rosaire de la Bienheureuse Vierge Marie en l'honneur de sa très pure et immaculée Conception,et lui demandera par son intercession auprès de son divin Fils la grâce de vivre et de mourir exempt de péché mortel, recevra une indulgence de sept années. De même celui qui accompagnera dévotement le très saint Sacrement porté en viatique aux malades, outre les indulgences accordées par les autres Souverains Pontifes à ceux qui pratiquent cette œuvre pieuse, gagnera absolument la même indulgence.

« Celui qui priera tous les jours pour l'extirpation des hérésies gagnera, une fois chaque semaine, l'indulgence de vingt ans.

« Celui qui examinera sa conscience , et qui, vraiment pénitent , se proposera fermement de se corriger de ses fautes et de s'en confesser, gagnera,en récitant cinq fois avec dévotion l'Oraison Dominicale et la Salutation Angélique,une indulgence d'un an, et s’il se confesse et s'il reçoit la sainte Communion, il en gagnera une de dix ans le même jour.

« Celui qui par ses bons exemples ou ses conseils aura ramené quelque pécheur à la pénitence, obtiendra la rémission du tiers des peines dues,en quelque manière que ce soit, à ses propres péchés ; et celui qui, vraiment pénitent, se sera confessé et aura reçu la sainte Communion le Jeudi saint et le jour de Pâques, et aura prié Dieu dévotement pour l'exaltation de notre sainte Mère l'Église et la conservation du Souverain Pontife, gagnera les mêmes indulgences que Sa Sainteté accorde, ces mêmes jours , quand il donne au peuple la bénédiction solennelle.

 

 

 

« Qui in celebranda Missa Tel sumenda Eucharistia, aut Officio divino, vel parvo Beatissimæ Mariæ Virginis persolvendo, priusquam incipiat, devotam aliquam precationem adhibuerit, quinquaginta dierum indulgentia gaudeat ; quam similiter assequatur, qui pro Christi lidelibus in exitu vitae constitutis Deum deprecatur, ac pro ipsis ter Orationem Dominicam et Salutationem Angelicam dixerit.

« Qui detentos in carcere , aut aegrotos in nosocomiis , eos aliquo pio opere adjuvando, visitaverit, aut doctrinam christianam in ecclesia, vel domi, filios aut propinquos aut famulos docuerit, praeter indulgentias ab aliis summis Pontificibus ad id concessas, toties indulgentiam bis centum dierum acquirat.

 

 

« Qui Coronam aut Rosarium Beatissimæ Mariæ Virginis in honorem ejusdem purissimae et immaculatae Conceptionis recitaverit , ipsam deprecans apud ejus divinum Filium, ut  sine  lethali labe vivere et mori valeat,   indulgentiam septem annorum percipiat ; quam pariter qui sacratissimum Eucharistie viaticum ad infirmos devote sociaverit, praeter indulgentias ad idem tam pium opus ab aliis summis   Pontificibus concessas,   omnino , consequatur.

 

« Qui quotidie pro haeresum extirpatione oraverit, indulgentiam viginti annorum semel in hebdomada lucretur.

 

« Qui conscientiam suam excusserit, ac vere poenitens peccata commissa emendare et confiteri firmiter proposuerit,   quinquies» Oratione Dominica et. Salutatione Angelica dévote repetita, unius anni ; si vero confessus, et sacra comniunione refectus fuerit, eadera die decem annorura indulgentia fruatur.

 

 

« Qui probo suo exemplo aut consilio aliquem peccatorem ad pœnitentiam reduxerit, tertiae partis pœnarum subi propter sua peccata alias quomodolibet debitarum remissionem consequatur; qui vere pœnitens confessus, sacraque Communione refectus in Feria quinta Cœnae Domini, et in die Paschalis Resurrectionis, pro sanctae Matris Ecclesiæ exaltatione, Summique Pontificis conservatione, pias ad Deum preces effuderit, easmet acquirat indulgentias quas iisdem diebus Sanctitas Sua populo benedicens publice elargitur.

 

 

 

« Celui qui priera Dieu pour la propagation de l'Ordre ou Religion de saint Benoît, participera à toutes les bonnes œuvres générales ou particulières qui se font, en quelque manière que ce boit, dans cette même Religion.

« Celui qui, par infirmité corporelle ou tout autre empêchement légitime, ne pourra entendre la Messe, ou la célébrer, s'il est prêtre, ou réciter l'Office divin, ou celui de la bienheureuse Vierge Marie, ou pratiquer les autres exercices de vertu prescrits pour gagner les indulgences susmentionnées, pourra néanmoins en jouir si, à la place de ces pieux exercices, il récite trois fois l'Oraison Dominicale et la Salutation Angélique avec l'Antienne Salve, Regina, ajoutant à la fin de cette aspiration : Bénie soit le très sainte Trinité, et loué le très saint Sacrement ; bénie soit la Conception de la bienheureuse Vierge Marie conçue sans péché:pourvu cependant qu'il se soit confessé et ait communié, ou que, pour le moins, il ait conçu le ferme propos de se confesser.

« Celui qui à l'article de la mort, recommandant pieusement son âme à Dieu, et s’étant confessé, puis ayant reçu la sainte Communion, s’il en est capable, ou ayant au moins fait de cœur un acte de contrition , aura invoqué de bouche, s'il le peut, ou au moins de cœur, les noms de Jésus et de Marie, obtiendra une indulgence plénière et la rémission de tous ses péchés.

« Toute personne pourra gagner pour soi-même, ou appliquer, par manière de suffrage, aux fidèles défunts, toutes et chacune des indulgences susmentionnées, ainsi que la rémission des péchés et la relaxation des peines qui leur sont dues.

« Nonobstant toute prescription à ce contraire. Sa Sainteté a déclaré que les Médailles dont il est ici question, si elles n ont été bénites par les moines désignés ci-dessus, ou par ceux à qui le Saint-Siège en aurait, par une faveur spéciale, accordé le privilège, ne jouiront absolument d'aucune indulgence. De même elle a défendu que ces Médailles fussent sur papier ou autre matière semblable, exigeant qu'elles ne pussent être qu'en or, argent, airain, cuivre ou autre métal solide; et qu'autrement elles ne jouissent d'aucune indulgence.

«Quant à la distribution et à l'usage de ces Médailles, Sa Sainteté a pareillement ordonné que l'on suivit le Décret d'Alexandre VII, d'heureuse mémoire, en date du six février MDCLVII: c'est-à-dire que les Médailles bénites avec application des indulgences ici mentionnées ne passent point à d'autres personnes que celles à qui elles auront été distribuées en premier lieu, et qu'elles ne puissent être ni prêtées, ni vendues, ni empruntées, sans quoi elles demeureront privées des indulgences qui leur sont appliquées, de même que si quelqu'une vient à se perdre, aucune autre ne puisse la remplacer, à moins qu'elle n'ait été bénite par ceux dont il est parlé plus haut, nonobstant toute concession ou privilège à ce contraire.

« En outre, Sa Sainteté défend expressément qu'aucun prêtre, soit séculier, soit de tout Ordre, Congrégation ou Institut régulier quelconque, et quelle que soit même sa dignité ou son office, à l'exception des moines ci-dessus désignés, ou de ceux à qui le Saint-Siège en aurait accordé  l’indult par un privilège spécial, ait l'audace ou la présomption de bénir lesdites Médailles ou Croix, ou de les distribuer aux fidèles, après les avoir bénites , sous les peines, outre la nullité de la bénédiction et des indulgences, à infliger selon la volonté des Ordinaires respectifs des lieux, ou des Inquisiteurs de la foi, selon la gravité de la faute ; nonobstant tout acte à ce  contraire,  les présentes devant valoir à tout jamais.

 

« Et a voulu Sa Sainteté que la copie des présentes lettres , manuscrite ou même imprimée et souscrite par un notaire public, ou par le secrétaire du Visiteur perpétuel susdit existant pour le temps, munie aussi du sceau d'une personne . constituée en dignité, ou dit même Bennon, ou du Visiteur perpétuel pour lors existant, ait absolument la même foi en jugement et partout ailleurs , qu'auraient ces présentes, si elles étaient exhibées ou produites.

 

« Donné à  Rome le XXIII Décembre de l'année MDCCXLI.

(Lieu du Sceau.)

« L. Cardinal Pico, Préfet.

«A. M. Erba, Protonotaire Apostolique, Secrétaire de la Sacrée Congrégation. »

 

 

« Qui Deum pro Ordinis seu Religionis sancti Benedicti propagatione deprecatus fuerit, particeps fit omnium et singulorum bonorum operum , quœ in eadem Religione quomodolibet peraguntur.

« Qui vel infirmitate corporis, vel alio legitimo impedimento detentus, Missam audire, aut si est sacerdos, celebrare, aut Officium vel divinum, vel Beatissimæ Mariæ Virginis, aut alia virtutis exercitia, ad prœdictas indulgentias acquirendas injuncta peragere nequiverit, iisdem nihilominus gaudeat, si pro ipsis pus exercitiis recitaverit ter Orationem Dominicam et Salutationem Angelicam, ac Antiphonam : Salve, Regina, atque in fine ipsius dixerit : Benedicta sit sanclissima Trinitas, et laudetur sanctissimum Sacramentum, ac Conceptio Beatissimœ Virginis Mariæ sine labe conceptœ,  dummodo tamen confessus ac sacra Communione refectus fuerit, vel saltera contritus inde sua peccata confiteri firmiter proposuerit.

 

« Qui in  articulo mortis animam  suam Deo pie commendans praemissa peccatorum suorum confessione, sumptaque sanctissima Eucharistia, si potuerit : si minus , elicita cordis contritione, Jesu et Mariæ nomina ore, si potuerit ; si alioquin, corde saltem invocaverit, plenariam omnium peccatorum suorum remissionem et indulgentiam consequatur.

« Quilibet omnes et singulas praedictas indulgentias ac peccatorum remissiones, necnon pœnitentiarum relaxationes , aut ipse pro se adipisci , aut fidelibus defunctis per modum suffragii applicare valeat.

 

« Nonobstantibus quibuscumque in contrarium facientibus, Sanctitas Sua declaravis, quod ejusmodi Numismata seu Medalliae, quae non fuerint benedictae a praefatis monachis , vel quibus ab Apostolica Sede ex speciali gratia indultum fuerit, omni penitus indulgentia careant. Item vetuit ejusmodi Medallias chartaceas, vel ex simili materia confectas, sed tantummodo ex auro, argento , aere , aurichalco, aliove solido metallo consistentes : aliter nulla prorsus gaudeant indulgentia.

 

« In distribuendis hujusmodi Numismatibus, eorumque usu, eadem Sanctitas Sua servari jubet Decretum  felicis recordationis Alexandri VII, editum  sub die sexta Februarii MDCLVII, nimirum, ut Numismata, quae vulgo  Medalliœ  nuncupantur, cum praedictis indulgentiis benedicta non transeant  personam illorum, quibus a monachis praedictis concedentur, aut  quibus ab eis prima vice  distribuentur , nec commodari aut vendi, au precario dari valeant; alioquin careant indulgentiis jam  concessis ; et aliqua deperdita, altera pro ea subrogari nullo modo possit,  nisi  a  quibus supra benedicta fuerit, quacumque concessione , aut privilegio in contrarium non obstante.

 

 

«Insuper expresse prohibet ne quis sacerdos, sive sœcularis, sive cujuslibet Ordinis, Congregationis, aut Institua regularis, quivis etiam dignitate aut officio insignitus, extra praedictos monachos , vel quibus a Sancta Sede ex speciali privilegio Indultum fuerit, ejusmodi Numismata, seu Cruces , ut praedicitur, benedicere aut a se benedicta fidelibus distribuere audeat, vel praesumat, sub pœnis , praeter nullitatem benedictionis et indulgentiarum, per respectivos locorum Ordinarios aut fidei inquisitores , juxta reatus qualitatem, arbitrio infligendis. Quibuscumque in contrarium  facientibus non obstantibus , prœsentibus perpetuis futuris temporibus valituris.

 

« Voluitque  Sanctitas Sua, quod istarum litterarum transsumptis,  seu  exemplis, etiam impressis, alicujus notarii publici , vel secretarii Visitatoris perpetui prœdicti pro tempore existentis subscriptis,  et sigillo personae, in dignitate constitutae, aut ejusdem Bennonis, aut existentis pro tempore Visitatoris   perpetui muniiis, eadem prorsus in judicio et extra, ubique locorum, fides adhibeatur, quœ haberetur eis praesentibus, si forent exhibitœ  vel ostensae.

 

Datum Romae, die XXIII   Decembris, anno MDCCXLI.

(L. S.)

« L. Cardinalis Picus, Praefectus.

« A. M. Erba, Protonotarius Apostolicus, Sacras Congregationis Secretarius. »

 

 

 

 

 

Mais, ainsi que l'ajoutait le même exposé, bien que nul ne puisse douter de la valeur du Décret et de la faculté ci-accordée ; cependant, pour leur concilier encore auprès de tous plus de respect et de solidité, ledit exposant, désirant vivement que ce Décret avec tout ce qui y est contenu et exprimé, fût approuvé et confirmé à perpétuité par Nous et le Siège Apostolique, ainsi qu'il l'est ci-dessous, il Nous a fait supplier humblement et a demandé en toute instance que Nous voulussions bien lui accorder la grâce Apostolique de pourvoir favorablement par les présentes à sa prière.

En conséquence, voulant donner audit exposant une marque de la bienveillance spéciale que Nous lui portons, et le déclarant délié et absous, seulement pour obtenir l'effet des présentes, de toute excommunication, suspense et interdit, et autres sentences ecclésiastiques portées par qui que ce soit, ainsi que de toutes censures a jure ou ab homine pour occasion ou cause quelconque, si toutefois il en était lié en quelque façon ; déterminé par les supplications qu'il Nous en a adressées, Nous approuvons et confirmons de notre autorité Apostolique, par la teneur des présentes, à perpétuité, le susdit Décret avec tout ce qu'il contient et exprime, et Nous lui ajoutons la solidité que donne l’inviolable confirmation Apostolique, suppléant à tous et chacun des défauts de fait,  de droits, de solennité, et tous autres qui pourraient s'y rencontrer en quelque manière que ce soit, quand bien même ils seraient substantiels. Voulons que  les  présentes lettres soient et demeurent à jamais fermes, valides et efficaces, et qu'elles obtiennent et reçoivent leur plein et entier effet. Déclarons qu'elles ne seront point comprises dans les révocations, suspensions, limitations, dérogations ou autres dispositions contraires, rendues au sujet de faveurs semblables ou dissemblables, par Nous et les Pontifes Romains nos successeurs, soit dans le passé, soit dans l'avenir ; mais qu'elles seront toujours exceptées, et dans toutes les susdites révocations, seront à chaque fois rétablies, replacées et pleinement réintégrées dans leur état ancien, et toujours valides.  Voulons enfin que, sous quelque date postérieure qu'elles soient   communiquées par l'exposant et par ses successeurs susdits qui seront élus dans la suite, les présentes ressortent et obtiennent leur plein effet, et que l'exposant ni ses successeurs  ne puissent ni ne doivent être troublés, inquiétés ou empêchés par quelque autorité, ou sous quelque prétexte, couleur ou prétention que ce soit. Ainsi et non autrement devra-t-il être jugé et  défini par toutes personnes exerçant quelque autorité que ce soit, ordinaire ou déléguée, même par les Auditeurs des causes ; du Palais apostolique, parles Cardinaux de la sainte Église romaine , même Légats a Latere, et par les Nonces du Saint-Siège.  Décrétons nul et sans valeur tout ce que quelqu'un d’entre eux, revêtu de quelque autorité que ce soit, aurait attenté contre  les susdites lettres avec ou sans  connaissance de cause. Nonobstant  les Constitutions et règlements Apostoliques, et ceux du dit Ordre, quand bien même ils seraient corroborés par la confirmation Apostolique ou en toute autre manière, nonobstant aussi tous statuts, coutumes, indults de privilèges, Lettres Apostoliques accordées , confirmées et renouvelées à tous supérieurs et autres personnes, qui seraient contraires en quoi que ce soit auxdits privilèges. Auxquelles Constitutions, règlements et autres , Nous dérogeons et à toute autre disposition contraire , quand bien même il devrait être fait mention ou toute autre expression d'iceux, spécialement et spécifiquement expresse et individuelle, même par insertion de toute leur teneur et non par allusion générale et équivalente ; ou encore dans le cas où ils devraient être insérés de mot à mot, sans rien omettre et en gardant la forme dans laquelle ils sont rédigés; les susdites Constitutions, règlements et autres étant censés exprimés dans les présentes, et demeurant dans leur vigueur pour tout le reste. Nous y dérogeons très largement et très pleinement pour cette fois, ainsi qu'à toute disposition quelconque qui pourrait être contraire.

Donné à Rome, à Sainte-Marie-Majeure, sous l'anneau du Pêcheur, le douze Mars MDCCXLII, la seconde année de notre pontificat.

P. Cardinal Prodataire.

 

SED etsi, sicut eadem expositio subjungebat, de hujusmodi Decreti, dictasque facultatis validitate haesitari non possit; attamen cum pro ejusdem majori apud omnes veneratione et validiori illius subsistentia,dictus exponens plurimum cupiat, Decretum praedictum cum omnibus et singulis in eo contenus et expressis, per Nos et Sedem Apostolicam ut infra, perpetuo approbari et confirmari ; ideo  nobis humiliter supplicari fecit expressis petens, ut ei in praesentibus opportune providera de benignitate Apostolica dignaremur.

Nos igitur eumdem exponentem specialis gratiae favore prosequi volentes, necnon a quibusvis excommunicationis , suspensionis et interdicti, aliisque ecclesiasticis sententiis, censuris et pœnis a jure , vel ab homine, quavis occasione vel causa latis , si quibus quomodolibet innodatus existit, ad effectum praesentium tantum consequendum, earum serie absolvendum et absolutum fore consentes, hujusmodi, supplicationibus inclinati, Decretum   praedictum cum omnibus et singulis in eo contentis et expressis, Apostolica auctoritate,  tenore praesentium perpetuo approbamus et confirmamus, illique inviolabile Apostolicæ firmitatis robur adjicimus,  omnesque   et singulos  tam  juris quam facti et solemnitatum,   aliosque

quantumvis  substantiales defectus,  si qui desuper   quomodolibet interveniunt, in eisdem  supplemus ; necnon praesentes litteras semper et perpetuo firmas, validas et efficaces esse et  fore, suosque  plenarios et integros effectus sortiri et obtinere ; nec illas sub quibusvis  similium vel dissimilium gratiarum   revocationibus,  suspensionibus,  limitationibus, derogationibus,  aut aliis contrariis dispositionibus, per Nos et Romanos  Pontifices successores  nostros pro tempore  factis et faciendis, comprehendi, sed semper ab illis excipi, et quoties illae emanabunt, toties in pristinum et validissimum statum restitutas, repositas, et plenarie reintegratas ; ac denuo   etiam   sub quacumque  posteriori data per exponentem, ejusque  successores praedictos   quandocumque  eligendos, concessas fore et esse, suosque plenarios effectus sortira et obtinere , eumdemque exponentem propterea, et successores suos praedictos super praesentibus omnibus et singulis, a quoquam quavis auctoritate fungente, quovis praetextu,  colore, vel ingenio perturbari,  inquietari , ut   quoquo   modo impediri non posse, neque debere; sicque et non aliter per quoscunque Ordinarios vel delegatos quavis auctoritate  fungentes, etiam causarum  Palatii Apostolici Auditores, ac Sanctae Romanæ Ecclesiæ Cardinales, etiam de latere Legatos dictaeque Sedis Nuncios , judicari et definiri debere : irritum quoque et  inane decernimus,  si super eis a quoquam, quavis auctoritate,   scienter vel ignoranter contigerit attentari.  Non obstantibus Constitutionibus et ordinationibus   Apostolicis, dictique Ordinis, etiam juramento, confirmatione Apostolica vel quavis firmitate alia roboratis , statutis et consuetudinibus , privililegiis quoque indulges, litteris Apostolicis quibusvis superioribus et personis in contrarium privilegiorum quomodolibet facientibus, concessis, confirmatis et innovatis ; quibus omnibus et singulis, etiamsi de illis eorumque totis tenoribus specialis et specifica , expressa et individua, non autem per alias generales idem importantes, mentio seu quaevis alia expressio habenda , aut aliqua alia exquisita forma ad hoc servanda foret ; eorum tenores, etiamsi de verbo ad verbum, nihil penitus omisso , et forma in illis tradita observata, in serti forent ; prœsentibus pro expressis habendis, illis alias in suo robore permansuris, latissime et plenissime, hac vice duntaxat derogamus, et caeteris contrariis quibuscumque.

Datum Romae, apud Sanctam Mariam Majorerem, sub annulo Piscatoris, die duodecima Martii MDCCXLII, pontificatus nostri anno secundo.

 

P. Cardinalis Prod.

 

 


 

§ XIV. CONSÉQUENCES DU BREF DE BENOIT XIV  RELATIVEMENT  A LA MÉDAILLE DE SAINT BENOIT.

 

Le document apostolique que nous venons de produire a pour premier résultat de placer la médaille de saint Benoît sous la garantie du Saint-Siège. Les inquiétudes affectées que certaines personnes avaient fait paraître perdent donc désormais tout fondement. On sait avec quelle sévérité et avec quelle profonde connaissance des principes Rome procède en toutes choses. Elle n'a donc rien trouvé de superstitieux dans la médaille, et les caractères qu'on y lit ne lui ont présenté rien de suspect. L'emploi de la première lettre d'un mot pour désigner ce mot tout entier pouvait paraître étrange à J.-B. Thiers, auquel ont manqué, comme à tant d'autres hypercritiques de son temps, les études archéologiques: autrement il n'eût pas trouvé plus extraordinaire d'exprimer ces paroles  Vade retro Satana, etc., par V. R. S., etc., que de se servir, comme les premiers chrétiens, du mot Ictus pour signifier Iesous Christos Theou Uios Soter. A Rome, on a toujours eu le sens de ces choses ; et l'approbation de la médaille, dont les inscriptions sont si clairement justifiées, n'y pouvait être entravée par la crainte de paraître sanctionner quelque grimoire cabalistique.

Non seulement la médaille est approuvée, mais la formule présentée pour servir à sa bénédiction est agréée. Bien plus, une large concession d'indulgences est faite en faveur de ceux qui porteront sur eux avec respect cette médaille. Dans le paragraphe suivant, nous donnerons le détail et la pratique de ces indulgences, d'après les clauses du Bref. Ou peut donc dire en toute vérité que le Saint-Siège invite expressément les fidèles à user avec confiance de ce signe sacré.

Le privilège de bénir la médaille et d'y attacher les indulgences est réservé , ainsi qu'on l'a vu, aux Bénédictins de Bohême, de Moravie et de Silésie, et défense absolue est faite à tout prêtre de s'arroger ce droit sans autorisation, sous peine de nullité de la bénédiction et des indulgences. La concession a été étendue depuis à diverses Congrégations de l'Ordre de saint Benoît. Quant à la formule approuvée pour cette bénédiction, elle est de rigueur; et il ne suffirait pas de se servir du simple signe de croix, que l'on emploie d'ordinaire pour appliquer les indulgences aux médailles, croix et chapelets, en vertu de la délégation apostolique.

Le défaut d'une bénédiction que l'on n'a pas toujours la facilité d'obtenir pour la médaille de saint Benoît, ne devrait pas cependant empêcher les fidèles d'attacher leur confiance à un objet si respectable. Il est hors de doute que cet objet le devient davantage, lorsque les bénédictions dont l'Église est la source viennent l'enrichir, et que le trésor des indulgences s'ouvre en faveur de celui qui porte la médaille ; mais on ne doit pas oublier que de nombreuses grâces ont été obtenues par son moyen, avant qu'elle tût devenue l'objet d'une aussi haute distinction de la part du Saint-Siège. La vertu de la médaille est inhérente au signe de la Croix dont elle est marquée, et à l'effigie de saint Benoît, dont elle attire la protection. Le saint Nom de Jésus, les paroles que le Sauveur employa pour repousser Satan, le souvenir des victoires remportées par saint Benoît sur cet esprit de malice, sont autant de conjurations puissantes devant lesquelles on peut s attendre qu'il reculera, si on les emploie avec foi.

Nous croyons donc devoir recommander aux fidèles de faire tous leurs efforts à l'effet d'obtenir la bénédiction pour les médailles ; mais en même temps nous les encourageons à user néanmoins de celles-ci, en mettant leur confiance en la sainte Croix et en saint Benoît, lorsqu'il leur est impossible de recourir à ceux qui ont le pouvoir d'appliquer cette bénédiction.

Le lecteur a pu voir, dans le Bref, que l'effigie de saint Benoît est nécessaire sur la médaille. Il ne suffit donc pas qu'on y lise les caractères C. S. P. B., Crux sancti Patris Benedicti; elle doit encore reproduire expressément l'image du saint Patriarche des moines d'Occident. On a frappé en France, dans Ces derniers temps, un grand nombre de médailles sans l'effigie de saint * Benoît* elles sont impropres à recevoir la bénédiction, et diffèrent essentiellement de celles qui ont été frappées avant et depuis le Bref de Benoît XIV. Il importe d'instruire les fidèles à ce sujet, et de leur faire comprendre que tous les exemples que l'on pourrait citer ne sauraient en aucune façon légitimer une altération essentielle. La médaille a été consacrée dès l'origine en l'honneur de la sainte Croix et de saint Benoît ; dès l'origine, l'un et l'autre y ont toujours été représentés ; et c'est sous cette forme seulement que l'Église la recom-mande.

De même que l'on ne pourrait, sans altérer essentiellement la médaille, en retrancher l'effigie de saint Benoît, ainsi l'on doit se garder d'y ajouter quelque autre détail que ce soit. Il faut donc regarder comme altérés certains exemplaires de la médaille publiés en Allemagne, d'un grand module, et sur lesquels on a placé une amulette désignée sous le nom de médaille de saint Zacharie. Cette médaille n'a rien de commun avec celle de saint Benoît qui fait le sujet de cet écrit. Elle porte, il est vrai, l'effigie du saint Patriarche, et on lit autour dix-huit caractères, mais qui ne sauraient former un sens qu'à la condition d'être chacun l'initiale d'un mot, comme l’Ictus des premiers chrétiens, ou les conjurations inscrites en abrégé sur la médaille de saint Benoît.

On a prétendu expliquer ces caractères, en les donnant chacun comme initiale, dans une suite de formules qui ont pour but de demander à Dieu la préservation du fléau de la peste. Il est au moins bizarre qu'une lettre soit employée pour signifier une phrase entière, surtout quand cette phrase est composée d'un grand nombre de mots. Une seule de ces formules n'en présente pas moins de cinquante-un. Leur réunion, telle qu'elle est exposée dans le commentaire de cette médaille, forme un ensemble confus  et décousu, et dans  lequel tout est arbitraire. On ne  s'explique pas non plus la présence de saint Benoît sur cette médaille:  rien n'y fait allusion dans l'explication  des caractères dont elle est entourée. Sur la véritable médaille, au contraire,  tout ce  qui n'est pas  relatif à la sainte Croix a rapport  au Patriarche. Il est  permis de douter  que le  Saint-Siège consentit jamais à approuver une œuvre aussi indigeste. Les propagateurs de cette médaille prétendent en faire remonter l'origine jusqu'au pape saint Zacharie qui monta sur le Saint-Siège en 741 ; mais ils ont été jusqu'ici dans l'impuissance complète  de donner même l'ombre d'une preuve à cette assertion. En écrivant ceci,  nous n'avons l'intention de contrister qui que ce soit ; mais il nous semble utile de dire quelques mots sur une médaille dont les conditions très hasardées pourraient, appeler les sévérités de la critique, et nuire à la considération et au respect auxquels a droit la véritable médaille de saint Benoît.

Il y aurait peut-être lieu de protester ici contre  un autre abus qui  s'est introduit sur un nombre  considérable de médailles actuellement en circulation. Une ignorance inouïe au sujet de l'habit des divers Ordres religieux a donné lieu à  des représentations de saint Benoît qui lui enlèvent totalement le costume de son Ordre.  On rencontre de  ces médailles où le saint Patriarche est affublé d'une robe serrée d'une corde à la façon des Franciscains, au lieu d'être revêtu de la coulle qui est son signe indispensable.  Nous ne voudrions pas décider qu'une telle incorrection  suffirait à rendre incomplète la médaille; mais tout au moins il est permis d'y signaler une grave inconvenance. Le maintien des attributs que la tradition ecclésiastique a assignés à chaque Saint est de rigueur,  sous peine d'irrévérence ;  et c'est un devoir de veiller aux inconvénients que peuvent entraîner le caprice ou l'ignorance des artistes. Heureusement, la médaille que nous dénonçons ici commence à s'épuiser, et l'on doit s'en féliciter; car, en outre du travestissement, le personnage y était représenté d'une façon ignoble. Généralement aujourd'hui, les types en circulation sont plus réguliers, et nous signalerons en particulier comme irréprochable sous tous les rapports, la médaille qui a été frappée à Paris, en plusieurs modules, et qui est déjà très répandue (On la trouve chez Madame veuve Saudinos-Ritouret, place Sainl-Sulpice, n° 6.).


 

§ XV. DÉTAIL DES INDULGENCES ATTACHÉES A LA MÉDAILLE DE SAINT BENOIT, SELON LE BREF DE BENOIT XIV.

 

Nous croyons devoir détailler ici, pour la plus grande commodité des lecteurs, toutes les indulgences dont le Saint-Siège a voulu favoriser ceux qui font usage de la médaille de saint Benoît. Leur accumulation dans le Bref de Benoît XIV pourrait en rendre le discernement moins aisé. Nous les classerons donc, selon la division ordinaire, en plénières et en partielles.

1° Ceux qui portent avec respect sur eux la médaille de saint Benoît peuvent gagner l’indulgence plénière aux fêtes suivantes :

 

Noël.

L'Epiphanie.

Pâques.

La Pentecôte.

La Trinité.

La fête du Saint-Sacrement.

L'Immaculée-Conception.

La Nativité de Notre-Dame.

L'Annonciation.

La Purification,

L'Assomption.

La Toussaint.

La fête de saint Benoît (21 mars)

 

Outre les conditions ordinaires, qui consistent à s'approcher du Sacrement de Pénitence, à recevoir la sainte Communion et à prier selon les intentions du Souverain Pontife, il est nécessaire, pour gagner les susdites indulgences, de remplir habituellement, c'est-à-dire au moins une fois la semaine, l'une des pratiques suivantes :

 

Réciter la Couronne de Notre-Seigneur;

ou le Rosaire ;

ou le tiers du Rosaire ;

ou l'Office divin;

ou le petit Office de la sainte Vierge ;

L'Office des morts ;

Les sept Psaumes de la Pénitence ;

Les Psaumes Graduels;

Enseigner les éléments de la foi aux enfants ou aux personnes ignorantes ;

Visiter les prisonniers,

ou les malades dans les hôpitaux;

Secourir les pauvres;

Entendre la sainte Messe, ou la célébrer, si l'on est honoré du sacerdoce.

 

Indulgence pléniere pour celui qui, à l'article de la mort, s'étant confessé et ayant reçu la sainte Communion, recommandera pieusement son  âme à Dieu et

invoquera au moins de cœur, s'il ne peut le faire de bouche, avec contrition, les saints noms de Jésus et de Marie.

Indulgence plénière, la même qui est accordée par le Souverain Pontife dans la Bénédiction papale à Saint-Pierre du Vatican, le Jeudi saint et le jour de Pâques, est communiquée à celui qui, étant vraiment pénitent, ayant confessé ses péchés et reçu la sainte Communion en ces deux mêmes jours, priera dévotement pour l'exaltation de la sainte Église et pour la conservation du Souverain Pontife.

4° Indulgence et rémission de la troisième partie des peines qu'il doit pour ses péchés, à celui qui, par ses bons exemples et ses conseils, aura amené un pécheur à faire pénitence.

5° Indulgence de vingt ans, une fois la semaine, à celui qui priera chaque jour pour l'extirpation des hérésies.

6° Indulgence de sept ans et de sept quarantaines à celui qui aura accompli les différentes œuvres pies désignées au n°1, aux fêtes moindres de Notre-Seigneur et de la sainte Vierge, par exemple : la Circoncision, le saint Nom de Jésus, la Transfiguration, etc. ; la Visitation de la très sainte Vierge, sa Présentation, ses sept Douleurs, le saint Rosaire, etc. Même indulgence, aux mêmes conditions, pour les fêtes de saint Joseph, ppoux de la très sainte Vierge, de saint Maur, saint Placide, sainte Scbolastique et sainte Gertrude.

7° Indulgence de sept ans et sept quarantaines à celui qui entendra la Messe, ou la célébrera, s'il est prêtre, et priera pour la prospérité des princes chrétiens et pour la tranquillité de leurs Etats.

8° Indulgence de sept ans et sept quarantaines, pour chaque fois, à celui qui, par dévotion envers la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ, jeûnera le vendredi, ouïe samedi en l'honneur delà Bienheureuse Vierge Marie. Celui qui aura accompli l'un ou l'autre de ces jeûnes pendant une année entière gagnera l'indulgence plénière le jour  où, s'étant confessé, il recevra la sainte Communion. S'il vient à mourir dans le cours de l'année avec l'intention de persévérer dans cette pieuse pratique, il obtiendra la même faveur.

9° Indulgence de sept ans et sept quarantaines à celui qui aura récité le Rosaire ou le chapelet en l'honneur de l'Immaculée Conception de la très sainte Vierge, la suppliant d'intercéder auprès de son divin Fils, pour obtenir la grâce de vivre et de mourir sans tomber dans le péché mortel.

10° Indulgence de sept ans et sept quarantaines à celui qui aura accompagné le Très Saint-Sacrement, lorsqu'on le porte aux malades. Cette indulgence est en sus de celles qui ont été octroyées par les Souverains Pontifes aux fidèles qui pratiquent cette dévotion.

11° Indulgence d'un an à celui qui, ayant examiné sa conscience, et étant véritablement repentant de ses pèches, prendra la résolution de s'amender et de se confesser, et récitera cinq Pater et cinq Ave. S'il se confesse et reçoit la sainte Communion, il obtiendra en ce même jour dix ans d'indulgence.

12° Indulgence de deux cents jours à celui qui aura visité les captifs dans leur prison, ou les malades dans un hôpital, aidant les uns et les autres par quelques secours charitables ; et aussi à celui qui aura enseigné la Doctrine chrétienne, c'est-à-dire le catéchisme, soit dans l'église, soit chez lui à ses enfants, à ses proches ou à ses serviteurs.

13° Indulgence de cent jours a celui qui réfléchira pieusement, le vendredi, sur la Passion et la mort de Notre-Seigneur, et récitera trois fois l'Oraison Dominicale et la Salutation Angélique.

14° Indulgence de cent jours à celui qui, par dévotion à saint Joseph, à saint Benoît, saint Maur, sainte Scholastique, sainte Gertrude, récitera le psaume Miserere, ou cinq Pater et cinq Ave, demandant, par l'intercession de ces Saints, que Dieu conserve la sainte Eglise catholique, et lui accorde à lui-même une bonne mort.

15° Indulgence de cent jours à celui qu sera dans  l'habitude de réciter, au moins une fois la semaine, le saint Rosaire, ou le chapelet, ou l'Office de la sainte Vierge, ou celui des défunts,  ou simplement  les Vêpres  et un Noctune avec Laudes  du susdit  Office, ou les sept Psaumes de la Pénitence, avec les  Litanies  des Saints et les prières qui les suivent, ou  cinq Pater et cinq Ave en l'honneur du très saint Nom de Jésus et des cinq Plaies, ou encore cinq Ave Maria,  ou l'Antienne Sub  tuum praesidium, avec une des Oraisons approuvées, en  l'honneur du très saint Nom de Marie.

16° Indulgence de cinquante jours à celui qui, avant de célébrer la Messe, de recevoir la sainte Communion, de réciter l'Office divin ou le petit Office de la sainte Vierge, fera quelque dévote prière.

17° Indulgence de cinquante jours à celui qui priera pour les Agonisants, et récitera à leur intention trois Pater et trois Ave.

18° Indulgence de quarante jours à celui qui récitera, une ou plusieurs fois par jour, cette Oraison jaculatoire: Bénie soit la très pure et immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie !

19° Celui qui priera Dieu pour là propagation de l'Ordre de saint Benoît entrera en participation de toutes et chacune des bonnes œuvres qui. s'accomplissent dans cette Religion, quelles qu'elles soient.

20° Celui qui, par maladie ou par tout autre empêchement , légitime, ne  pourra entendre la Messe, ou la célébrer, s’il est prêtre, ou réciter soit l'Office divin, soit celui de la sainte Vierge, ou enfin accomplir les autres actes de vertu enjoints pour gagner les susdites indulgences, y pourra suppléer en  récitant trois Pater et trois Ave, suivis de  l'Antienne Salve, Regina, auxquelles  prières  on  ajoutera cette aspiration: Bénie soit la  Très Sainte Trinité. Soit loué le  Très  Saint-Sacrement et la Conception  de  la Bienheureuse  Vierge Marie conçue sans péché !  Si celle des indulgences que l'on se propose de gagner est plénière, il est nécessaire de confesser ses péchés et de recevoir la sainte Communion. Dans le cas où l'on n'en aurait pas la facilité, il faudra être au moins contrit de cœur, avec le ferme propos de confesser ses péchés.

Toutes les indulgences énumérées ci-dessus sont applicables aux âmes du Purgatoire.

Le Décret porte expressément la défense de vendre les médailles quand l'indulgence y a été appliquée ; de même que de les prêter, à l'effet de communiquer à autrui lesdites indulgences. Il avertit en même temps les fidèles qui, ayant perdu une médaille indulgenciée, lui en voudraient substituer une autre, sans y faire appliquer les indulgences par un prêtre autorisé à cet effet, qu'ils ne jouissent pas des faveurs réservées aux personnes qui usent d'une médaille bénite légitimement.


 

§ XVI. RITE A EMPLOYER POUR  LA   BÉNÉDICTION  DE LA MÉDAILLE DE SAINT BENOIT.

 

On a vu sur le Bref de Benoît XIV le détail des exorcismes et prières qui doivent être-employés par le prêtre autorisé à bénir les médailles, dans le but d'y attacher les indulgences que nous venons d'énumérer. Cette formule fut présentée au Saint-Siège par Bennon Löbl, Abbé de Sainte-Marguerite de Prague; et la Sacrée Congrégation des Indulgences, après l'avoir modifiée en quelques points, l'approuva par son Décret du 23 décembre 1741. Nous la donnons ici pour une plus grande commodité, selon la teneur qu'elle présente sur l'exemplaire imprimé au Mont-Cassin en 1844.

 

Sacerdos professus Ordinis S. Benedicti et privilegia fruens, indutus stola, ante se habens Numismata benedicenda, incipit absolute.

V/. Adjutorium nostrum in Nomine Domini.

R/. Qui fecit cœlum et terram.

 

Exorcizo vos, Numismata, per Deum Patrem + omnipotentem, qui fecit cœlumet terram, mare et omnia quœ in eis sunt. Omnis virtus adversarii, omnis exercitus diaboli et omnis incursus, omne phantasma Satanae, eradicare et effugare ab his Numismatibus, ut fiant omnibus qui eis usuri sunt salus mentis et corporis, in Domine Dei Patris + omnipotenis, et Jesu + Christi. Filii ejus Domini nostri, et Spiritus + Sancti Paracliti et in charitate ejusdem Domini nostri Jesu Christi qui venturus est judicare vivos et mortuos et sœculum per ignem.

 

R/. Amen.

 

Kyrie eleison,

Christe eleison.

Kyrie eleison.

Pater noster.

 

V/. Et ne nos inducas in tentationem.

R/. Sed libera nos a malo.

V/. Salvos fac servos tuos.

R/. Deus meus, sperantes in te.

V. Estonobis, Domine, turris fortitudinis.

R/. A facie inimici.

V/. Deus virtutem populo suo dabit.

R/. Dominus benedicet populum suum in pace.

V/. Mitte eis, Domine, auxilium de Sancto.

R/. Et de Sion tuere eos.

V/. Domine, exaudi orationein meam.

R/. Et clamor meus ad te veniat.

V/. Dominus vobiscum.

R/. Et cum spiritu tuo.

 

 

OREMUS.

 

Deus omnipotens, bonorum omnium largitor, supplices te rogamus, ut per intercessionem sancti Patris Benedicti, hissacris Numismatibus, litteris et characteribus a te designatis, tuam benedictionem infundas, ut omnes qui ea gestaverint ac bonisoperibus intenti fuerint, sanitatem mentis et corporis, et gratiam sanctificationis, atque indulgeiitiasnobisconcessasconsequi mereantur omnesque diaboli insidias et fraudes, per auxilium misericordiœ tuae, effugere valeant, et in conspectu tuo sancti et immaculati appareant. Per Dominum nostrum Jesum Christum Filium tuum, qui tecum vivit et régnât in unitate Spiritus Sancti Deus, per omnia saesula saeculorum.

 

R/. Amen.

 

OREMUS.

 

Domine Jesu, qui voluisti pro totius mundi redemptione de Virgine nasci, circumcidi, a Judœis reprobari, Judæ osculo tradi, vinculis alligari, flagellis caedi, spinis coronari,  clavis perforari, inlor iatrones crueifigi, lancea vulnerari, et tandem in cruce exoro : per hanc tuam sanctissimam Passionem humiliter exoro, ut omnes diabolicas insidias et fraudes expellas ab eo, qui Nomen sanctum tuum his litteris et rharacteribus a te designatis devote invocaverit, et eum ad salutis portum perducere digneris. Qui vivis et regnas in saecula saeculorum.

 

R/. Amen.

 

Benedictio Dei Patris + omnipotentis, et Filii +, et Spiritus + Sancti descendat super hœc Numismata ac ea gestantes, et maneat semper, in Nomine Patris +, et Filii , et Spiritus + Sancti.

 

R/. Amen.

Deinde Sacerdos aspergit Numismata aqua benedicta.


 

§ XVII. DE LA DÉVOTION ENVERS SAINT BENOIT.

 

Le choix que Dieu a daigné faire de son serviteur Benoît, en associant les mérites de ce saint Patriarche à la vertu divine de la sainte Croix sur la médaille à laquelle nous consacrons cet opuscule, semble exiger que nous ajoutions en finissant quelques paroles, pour recommander aux fidèles la dévotion envers un si puissant protecteur.

Le motif de la dévotion spéciale que nous éprouvons pour tel Saint en particulier est ordinairement emprunté à ses mérites, qui lui assurent un plus grand crédit auprès de Dieu. Or, si l'on considère tout ce que la grâce a opéré en saint Benoît, tout ce que saint Benoît a accompli par lui-même et par ses enfants pour l'honneur de Dieu, le salut des âmes et le service de l'Église, on est amené à penser que, parmi les amis de Dieu, parmi ceux qu'il a daigné glorifier, il en est peu dont l'intercession semble devoir être aussi puissante.

Cette Règle si sainte et remplie de sagesse, qui seule a régné pendant plus de huit siècles dans tous les monastères de l'Occident, n'a-t-on pas le droit de la considérer comme dictée par l'Esprit-Saint à l'homme choisi pour l'écrire et pour lui donner son nom? Ces milliers de Saints qu'elle a produits, et qui se sont fait gloire d'être les enfants de saint Benoît, ne sont-ils nas  autant d'astres qui gravitent dans les cieux autour de ce brillant soleil? Des nations entières conquises sur le paganisme à la foi chrétienne par ses disciples ne le proclament-elles pas leur Père ? Les nombreuses phalanges de martyrs qui saluent Benoît du nom de leur chef ne lui donnent-elles pas le droit de réclamer une part dans le mérite de leurs combats ? Cette multitude de saints Évêques qui ont gouverné tant d'Eglises, cette pléiade de saints Docteurs qui ont enseigné la science sacrée et combattu les hérésies de leur temps, n'est-elle pas aussi un hommage à celui que tous ont honoré comme leur maître ? Les trente Souverains Pontifes que la Règle bénédictine a donnés à l'Église, et dont un si grand nombre ont eu la main dans les mesures les plus importantes pour la défense et l'avantage de la chrétienté, n'attestent-ils pas aussi la haute sagesse du législateur inspiré sous la conduite duquel ils vécurent longtemps dans le cloître? Enfin tant de millions d'âmes qui, depuis treize siècles, se sont vouées à  Dieu sous sa sainte et impérissable institution, ne forment-elles pas autour de sa tête vénérable comme un diadème immortel quifait l'admiration des élus ?

Pour tous ces motifs, il semble  légitime que le peuple chrétien, dans les hommages qu'il rend aux héros de la sainteté, soit engagé à diriger son culte et sa confiance vers le  grand Patriarche autour duquel Dieu semble avoir réuni tout ce qui peut contribuer à nous donner une idée de la gloire immense dont il l'a couronné dans les cieux. Recourons donc à lui dans nos besoins; il est puissant pour exaucer nos prières, et la bonté toute paternelle  qui a été sur la  terre  un des traits principaux de  son âme, d'après les  récits que saint Grégoire le Grand nous a laissés sur son admirable vie, est demeurée, au sein même de la gloire dont il jouit, comme le caractète permanent de son intervention en faveur des habitants de la terre.

Il apparut un jour à sainte Gertrude, son illustre fille. Ravi d'admiration dans la contemplation de ses grandeurs, la vierge lui rappela son glorieux trépas, lorsque, dans l'église du Mont-Cassin, le vingt-un mars 543, après avoir reçu le Corps et le Sang du Seigneur, soutenu sur les bras de ses disciples, debout comme un athlète, il rendit sa sainte âme à Dieu dans une dernière prière. Elle osa alors lui demander, au nom d'une si précieuse mort, qu'il daignât assister de sa présence, à leur dernier moment, chacune des religieuses qui composaient alors le monastère dont elle faisait partie. Assuré de son crédit auprès du souverain Seigneur de toutes choses, le saint Patriarche lui répondit avec cette douce autorité dont son langage était rempli dès ici-bas : « Quiconque me rendra hommage pour la faveur dont mon Maître à daigné honorer mes derniers moments, je m'engage à l'assister moi-même à l'heure de sa mort. Je serai pour lui un rempart qui le mettra en sûreté contre les embûches des démons. Fortifié par ma présence,  il échappera aux pièges des ennemis de son âme, et le ciel s'ouvrira pour lui (S. Gertrudis. Legatus divinae  pietatis. Lib. VI. Cap. XI.). »

Une si précieuse promesse faite par un tel serviteur de Dieu, et garantie par une si noble épouse du Sauveur des hommes, a inspiré aux enfants de saint Benoît la pieuse pensée de composer une prière spéciale selon les intentions de leur Patriarche, à l'effet d'assurer à ceux qui la réciteront le bienfait qu'il a daigné promettre. Nous la donnons ici, dans le désir de la répandre et d'engager les fidèles à y recourir pour l'intérêt de leurs âmes.

 

ANTIENNE.

 

Benoît, aimé du Seigneur, s'étant fortifié par la réception du Corps et du Sang de Jésus-Christ, était debout dans l'église, appuyant ses membres défaillants sur les bras de ses disciples. Les mains élevées vers le ciel, il exhala son âme dans les parolesdela prière; et on le vit monter au ciel par une voie couverte de riches tapis et resplendissante de l'éclat d'innombrables flambeaux.

 

V/. Vous avez apparu plein de gloire en la présence du Seigneur;

R/. Et c'est pour cela que le Seigneur vous a revêtu de beauté.

 

PRIÈRE.

 

O Dieu, qui avez honoré de tant et de si glorieux, privilèges la précieuse mort du très saint Père Benoît, daignez accorder à nous qui honorons sa mémoire, la grâce d'être protégés contre les embûches de nos ennemis, à l'heure de notre mort, par sa bienheureuse présence. Par Jésus-Christ notre Seigneur.

 

Amen.

 

ANTIPHONA.

 

Stans in Oratorio dilectus Domini Benedictus, Corpore et Sanguine Dominico munitus, iuter discipulorum manus imbecillia membra sustentans, erectis in cœlum manibus, inter verba orationis spiritum efflavit: qui per viam stratam palliis, et innumeris coruscam lampadibus coelum ascendere visus est.

 

 

 

V/. Gloriosus apparuisti in conspectu Dominus.

R/. Propterea decorem induit te hominus.

 

ORATIO.

 

Deus, qui pretiosam mortem sanctissimi Patris Benedicti tot tantisque privilegiis decorasti : concede, quaesumus, nobis : ut cujus meraoriam recolimus, ejus in obitu nostro beata prsesentia ab hostium muniamur insidiis. Per Christum Dominum nostrum.

 

Amen.

 

 


TABLE

 

 

ESSAI  SUR  L’ORIGINE, LA SIGNIFICATION ET LES PRIVILÈGES  DE  LA MÉDAILLE OU CROIX   DE   SAINT   BENOIT. 1

PRÉFACE.. 2

ESSAI SUR  L'ORIGINE,  LA SIGNIFICATION ET LES PRIVILÈGES DE LA MÉDAILLE OU  CROIX DE  SAINT BENOIT. 3

§ I. DE   L'IMAGE  DE   LA   CROIX  REPRÉSENTÉE SUR  LA  MÉDAILLE. 3

§ II. DE    L'IMAGE    DE     SAINT    BENOIT    REPRÉSENTÉE SUR  LA MÉDAILLE. 5

§ III. DES   CARACTÈRES   QUI   SE   LISENT   SUR   LA MÉDAILLE. 8

§ IV. ORIGINE DE LA MÉDAILLE DE SAINT BENOIT. 10

§ V. USAGE DE LA MÉDAILLE DE SAINT BENOIT. 13

§ VI. EFFETS MERVEILLEUX  DE  LA  MÉDAILLE DE SAINT BENOIT AU XVIIe SIÈCLE. 15

§ VII. EFFETS  DE  LA MÉDAILLE  DE   SAINT  BENOIT AU XIX° SIÈCLE.  — GUÉRISONS OBTENUES. 17

§ VIII. GRACES SPIRITUELLES. 21

§ IX. PROTECTION CONTRE  LES EMBUCHES DES DÉMONS. 24

§ X. PRÉSERVATION DANS LES DANGERS. 27

§ XI. SECOURS AUX ANIMAUX UTILES A  L'HOMME,  ET INFLUENCE SUR LES CONDITIONS NATURELLES. 32

§ XII. LA MÉDAILLE  DE   SAINT  BENOIT   DANS LES PAYS DE MISSIONS. 36

§ XIII. APPROBATION  DE   LA  MÉDAILLE  DE   SAINT BENOÎT PAR  LE  SIÈGE  APOSTOLIQUE. 40

BENEDICTUS P.P.XIV.. 41

BENOIT  XIV, PAPE.. 41

§ XIV. CONSÉQUENCES DU BREF DE BENOIT XIV  RELATIVEMENT  A LA MÉDAILLE DE SAINT BENOIT. 53

§ XV. DÉTAIL DES INDULGENCES ATTACHÉES A LA MÉDAILLE DE SAINT BENOIT, SELON LE BREF DE BENOIT XIV. 56

§ XVI. RITE A EMPLOYER POUR  LA   BÉNÉDICTION  DE LA MÉDAILLE DE SAINT BENOIT. 59

§ XVII. DE LA DÉVOTION ENVERS SAINT BENOIT. 61

TABLE.. 63