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Sainte Jeanne-Françoise Frémyot
de Chantal
sa vie et ses Œuvres

 

Index ; Bibliothèque

 

 

Tome Sixième

 

Lettres III

 

Première édition
entièrement conforme aux originaux, enrichie d'environ six cents lettres inédites et de nombreuses notes historiques.

ÉDITION AUTHENTIQUE
PUBLIÉE PAR LES SOINS DES RELIGIEUSES DU PREMIER MONASTÈRE DE LA VISITATION SAINTE-MARIE d'ANNECY

L'auteur et les éditeurs déclarent réserver leurs droits de traduction et de reproduction à l'étranger.
Ce volume a été déposé au Ministère de l'intérieur (section de la librairie) en septembre 1878.

PARIS
TYPOGRAPHIE DE E. PLON ET Cie, 8, RUE GARANCIÈRE.

e. plon et cie imprimeurs-éditeurs
rue garancière, 10

1878

Tous droits réservés


LETTRES DE SAINTE JEANNE-FRANÇOISE FRÉMYOT DE CHANTAL

rangées par ordre chronologique

ANNÉE 1627

LETTRE DCCLIV (Inédite) À MONSIEUR LE BARON DE CHANTAL

SON FILS

Souhaits de bonne année. — La Sainte espère voir ses enfants à son voyage d'Orléans. — Penser souvent à l'instabilité de cette vie.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1627.]

Que toutes sortes de saintes bénédictions soient données à mon très-cher fils et à ma bien-aimée fille, à ce commencement d'année, et par tous les siècles, afin qu'après avoir vécu longuement et heureusement ensemble en cette vie, ils jouissent et continuent leur sainte et agréable société dans l'éternité de la gloire. Voilà mon grand et infini souhait sur vous, mon très-cher fils, et sur cette petite mais tant aimable créature que Dieu vous a donnée, et laquelle j'aime parfaitement et tendrement avec vous et en vous ; mais il me tarde de savoir des [2] nouvelles de votre santé et de la sienne, et de votre chère petite fille,[1] que Dieu rende aussi toute sienne, s'il lui plaît.

Je suis toujours dans l'espérance d'aller l'été prochain à Orléans, ainsi que nous commande la Mère [de Châtel], élue pour Supérieure [de ce monastère d'Annecy]. Étant si proche de vous, ce ne sera pas impossible de vous voir et votre petite famille, dont je me promets une très-grande consolation, moyennant la divine grâce que je ne cesse d'invoquer sur vous, afin qu'elle vous assiste, et conduise sûrement parmi les sentiers de cette misérable vie toute remplie de misères, et d'occasions de s'éloigner de Dieu et de sa divine crainte. Mon très-cher fils, je vous supplie et conjure de vous tenir ferme dans l'enclos du saint amour et crainte de Dieu. Regardez souvent à l'éternité de la vie où nous allons aboutir, et à l'instabilité de celle-ci, qui ne nous sert que de trajet pour passer à l'autre. Au nom de Dieu, vivons en sorte que nous puissions vivre éternellement ensemble dans cette gloire et félicité éternelles. Ce désir, mon très-cher fils, est immense et infini dans le cœur de votre indigne Mère qui vous aime d'un amour incomparable.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation d'Amiens.

Dieu soit béni ! [3]

LETTRE DCCLV - À LA MÈRE MARIE-ADRIENNE FICHET

SUPÉRIEURE À RUMILLY

Il faut s'abandonner à Dieu et travailler à l'acquisition des vertus solides. — Confiance due à la Supérieure d'Annecy. — Les lettres d'une Religieuse doivent être courtes et dévotes.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1627.]

Ma très-chère fille,

Au nom de Dieu, ôtez-moi ces chimères de crainte, vous faites fort à la bonté de Notre-Seigneur de vous y amuser tant peu que ce soit. Moquez-vous décela, et vous jetez dans le fond de la miséricorde de Notre-Seigneur qu'il vous a préparée de toute éternité, et demeurez là à recoi, sans regarder les choses passées, les présentes ni les futures. Au nom de Dieu, faites ceci, et que je n'entende plus ce langage de crainte d'une fille qui a tant de preuves de l'amour de son Dieu : suivez l'attrait que sa Bonté vous donne, abandonnez-vous sans réserve à la merci de sa Providence ; mais confessez que c'est un bien et un acte que vous ne sauriez faire de vous-même ; humiliez-vous et le suppliez de vous tirer fortement.

Ne laissez point amuser nos Sœurs qui sont attirées au recueillement, à ces sentiments ; qu'elles les reçoivent simplement sans les seconder par des actes, ains qu'elles se laissent conduire à Notre-Seigneur et se portent aux solides vertus. Souvenez-vous de notre Sœur N..., qui en avait tant au commencement, et la voilà sans vertu ; il la faut patienter. Nous envoyons pour l'autre pauvre malade ce que nous pouvons. — Ma fille, il est vrai que je suis toute vôtre et que votre entière confiance en moi ne sera jamais trompée, n'en doutez nullement ; mais ne laissez pas aussi d'avoir confiance en cette maison et à la Supérieure, car, de vrai, vous y trouverez toute affection.

Écrivez à ces dames qui vous écrivent, mais dévotement et [4] courtement, quoique cordialement, et au bon Père Fichet, que je salue avec conjuration de prier Dieu pour moi ; je n'ai point reçu sa lettre. — Je suis fort marrie du déplaisir qu'a reçu notre très-chère madame de la Fléchère ; mais j'espère en Dieu que l'ardeur et petite affection que ces messieurs nous témoignent ne nous fera point de mal. — Il faut que vous regardiez bien si cette grange vous sera absolument nécessaire ; car vous ne devez nullement craindre qu'on leur permette d'avoir aucune vue sur vous ; cela, Dieu aidant, nous l'empêcherons bien. Je voudrais savoir qui sont ceux qui vous persécutent ; j'en parlerais à Mgr. Demeurez en paix cependant. Notre Sœur la Supérieure vous écrira pour notre Sœur A. B. ou pour la Sœur [Cl. M.] Tiolier, je vous laisse le choix.

Adieu, ma fille, et à toutes nos Sœurs ; vivez paisiblement et gaiement toute en Dieu. Je suis vôtre et serais bien aise que vous veniez amener la Sœur. Je vous en assure, il me fera grand bien de vous voir.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCLVI (Inédite) À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À BLOIS

Le voyage de Piémont est retardé. — Projet de fondation à Bourg en Bresse. — Les dames fondatrices d'un monastère particulier n'ont pas le droit d'entrer dans tous ceux de l'Ordre.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1627.]

Ma très-chère fille,

Nous voici encore à Nessy avec bien de la consolation pour bien des sujets, particulièrement pour la douce société que nous avons avec nos chères Sœurs de Châtel, Supérieure céans, [5] et notre Sœur Favre, destinée pour l'être à Carmagnole, où je crois que nous n'irons qu'après l'hiver, et peut-être m'en exemptera-t-on ; on y fait ce qu'on peut. Cependant, ceux de Bourg en Bresse, dont ma Sœur Marie-Jacqueline Favre est [originaire], désirent passionnément l'avoir là pour le commencement de l'établissement de l'une de nos maisons qu'on y désire. Je ne sais encore si cela se pourra bien ajuster ; nous espérons qu'oui, moyennant la grâce de Dieu, que je supplie vouloir être la douceur et conduite de votre très-chère âme, et veuille donnera nos très-chères Sœurs, vos filles, la sainteté requise à leur bonheur, avec un saint accroissement spirituel et temporel à votre bien-aimée petite famille, laquelle, comme j'espère, n'en est pas moins agréable à la divine Bonté, qui la multipliera quand sa gloire le requerra, ainsi que do toute mon âme je l'en supplie.

Quant à l'entrée des fondatrices en toutes les maisons de l'Ordre, je crois, ma très-chère fille, qu'il sera difficile d'obtenir cela des Supérieurs et des monastères, la chose étant extraordinaire, et de peu de profit pour les dames qui ne demeurent pas actuellement dans les monastères. Certes, je ne doute point que si madame de Limours venait ici, on ne la fît entrer, parce qu'en ce pays les conséquences ne sont pas d'importance. Voilà, ma très-bonne et chère fille, ce que je vous en puis dire, avec l'assurance que mon âme souhaite sans finie comble de toutes grâces à la vôtre très-chère, que je salue tendrement.

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans. [6]

LETTRE DCCLVII (Inédite) - À MONSIEUR DE COULANGES FILS

À PARIS

Félicitations au sujet de son mariage.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 12 janvier [1621].

Monsieur,

Je bénis Dieu de tout mon cœur des bonnes nouvelles que vous me donnez de votre heureuse alliance et de l'entière guérison de mon fils. Certes, je suis liée à votre honorable famille par tant d'obligations et d'une affection si étroite, que je ne saurais m'empêcher d'avoir très-bonne part à tout ce qui lui peut arriver de bien ou de mal. C'est pourquoi, Monsieur, vous voyant si pleinement content de votre mariage et avec tant de raison, j'entre dans vos sentiments autant que je puis, pour m'en réjouir avec vous et avec toute votre chère famille, remerciant notre bon Dieu de toutes mes forces pour cette grande bénédiction, et suppliant son infinie douceur de répandre en abondance ses grâces et faveurs sur votre mariage, afin qu'il arrive à longues années en toute sa prospérité. Voilà, Monsieur, les souhaits que mon cœur fait pour vous et pour madame votre femme, que je supplie m'accepter pour sa très-humble servante, étant et voulant être à jamais votre très-humble et affectionnée servante.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Boulogne-sur-Mer. [7]

LETTRE DCCLVIII - À MADAME LA COMTESSE DE DALET

Fondation de Saint-Flour. — Prochain voyage en France.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1627.]

Ma très-chère sœur que j'aime uniquement,

Je viens de dire à ma très-bonne Sœur [M. J. Compain], votre chère Mère, que cette fondation proposée pour la ville de Saint-Flour est tout à fait convenable,[2] et mérite d'être acceptée avec bénédiction à la souveraine bonté de Notre-Seigneur, surtout parce qu'il lui a plu disposer et polir les pierres infues et fondamentales de cet édifice spirituel. Oui, ma vraie très-chère Sœur, nous oserons bien espérer la consolation de nous revoir cette année à loisir, moyennant la divine grâce que je supplie vouloir réduire ce dessein, et mon obéissance à l'accomplir à sa très-pure gloire, et consolation utile de nos très-chères Sœurs. [8] Voilà donc parler fermement, parce que j'en ai l'obéissance de mon Supérieur qui a jugé que ce désir universel de nos maisons ne doit être éconduit ; même ayant, par la conduite de la Providence de Dieu, un prétexte fort légitime, qui est l'élection que notre monastère d'Orléans a faite de moi pour Supérieure, quoique je ne puisse pas l'accepter, sinon pour y aller séjourner quelque peu de mois et y mettre une autre Supérieure. Au reste,, je bénis Dieu de tout mon cœur de l'espérance qu'il vous donne de vous voir bientôt toute libre, pour, sans réserve, vous consacrer à son amour en la condition où dès si longtemps Il vous a tirée. Mon Dieu ! ma très-chère Sœur, qu'il faut aimer ce Seigneur qui a tant de soins de nous ; reposons-nous totalement en son sein paternel, et le laissons bien faire tout ce qu'il lui plaira de nous et de tout ce qui nous concerne. Voilà le souhait que je forme pour vous comme pour moi au commencement de cette année, ma très-bonne Sœur ; et je finis, le jour me manquant, vous protestant que je suis à jamais toute vôtre en Notre-Seigneur qui vous aime. Amen.

Conforme à une copie de l'original gardé an premier monastère de Madrid.

LETTRE DCCLIX (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Désir de confier à la Mère Favre l'établissement d'un monastère à Bourg en Bresse.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 16 janvier [1627].

Ma très-chère fille,

Cette affaire de Bourg est importante et pressante ; pour ce, je voudrais y envoyer notre Sœur Favre y conduire nos Religieuses, et pour y éclaircir un peu les affaires avec la fondatrice qui est bonne femme, et aider à ce commencement à démêler [9] les difficultés, parce qu'elle est dans ce lieu-là avec grand crédit, à cause de feu M. le président Favre qui a force parents là. Elle pourra faire cela avant que d'aller en Piémont. — Au reste, ne donnez pas ma lettre à M. de la Faye que vous ne soyez assurée qu'il se faut adresser à lui et non à Mgr d'Autun, et que la chose se fasse discrètement et secrètement, craignant un peu M. de Saint-Nizier. Au reste, il n'est pas besoin que l'on aille chercher Mgr d'Autun, s'il est hors d'Autun, à plus de deux lieues, sinon que M. Guyon, son grand vicaire, fit difficulté d'accorder cette licence. Le reste est en la lettre de ma grande fille, sinon que je vous prie, ma très-bonne et chère fille, de faire tout ce que vous verrez devoir être fait en cette occasion, que je serais marrie que nous perdissions, d'autant que nous avons de braves filles pour y employer et qu'il se trouve rarement de si bonnes fondations et dans de si bonnes villes.

Adieu, ma vraie très-chère fille, faites bien mon ordonnance qui est dans le paquet, je vous en conjure. Il nous demeura à cause que ce porteur ne sut partir par les grandes pluies, et cependant l'on nous envoya un laquais de Bourg qui a [occasionné] ce nouveau dépêche. Adieu, ma fille toute chère, et à toutes nos Sœurs. Je vous recommande la lettre de ma fille de Toulonjon. Ouvrez-la si vous voulez et puis la recachetez.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [10]

LETTRE DCCLX - À MADAME LA COMTESSE DE TOULONJON

Condoléances au sujet de la mort de son fils.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1627.]

Ma très-chère fille,

J'ai su la perte qui vous est arrivée d'un fils. Dieu, par son infinie bonté, veuille la récompenser par l'abondance des bénédictions spirituelles et temporelles ! Je crois que vous avez reçu cette visite de Dieu avec patience et amoureuse soumission à son bon plaisir ; car en cette vallée de larmes, il faut attendre beaucoup d'afflictions et peu de consolations. Élevez souvent votre pensée à l'éternité : aspirez et soupirez après ce bonheur ; voyez qu'il n'y a de solide repos que celui-là ; aimez-le donc, et y jetez toutes vos espérances ; apprenez de bonne heure cette leçon à votre petite [Gabrielle].

LETTRE DCCLXI (Inédite) - À MONSIEUR L'AVOCAT PIOTON

À ÉVIAN

Affaires concernant la maison d'Évian.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1627.]

Eh bien ! mon très-cher frère, voilà enfin Mgr l'évêque, Dieu veuille bénir son voyage ! Parlez-lui bien du logement de nos Sœurs au château, et de ce que vous désirez pour cette maison-là, car son crédit est grand vers les princes. Si l'occasion s'en présente, faites-lui considérer la maison de M. d'Yvoire, afin que si un jour l'on se veut établir là, on s'en puisse mieux résoudre. Je vous supplie, mon très-cher frère, voyez un peu [11] pour nous comme quoi M. de Vallon traite avec madame de Charmoisy : pour nous, ils veulent encore nous donner deux de leurs Sœurs, peut-être serait-il à propos de prévoir de quoi ils les veulent payer, et s'il y aurait quelque héritage qui fût convenable pour fonder la maison que l'on pourrait faire là. Je vous recommande aussi M. de N. Dieu vous bénisse. Je suis vôtre de tout mon cœur.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCLXII (Inédite) - À LA SŒUR FRANÇOISE-GASPARDE DE LA GRAVE

ASSISTANTE COMMISE À BELLEY

Une novice atteinte des écrouelles doit être renvoyée. — Logement du confesseur.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1627.]

Ma très-chère fille,

[Les premières lignes sont inintelligibles] Quant à la nièce de M. Jantel, il faut bien savoir si ce sont les écrouelles ; car, en ce cas, vous devez être ferme ; que si ce n'est que de la gale, il faut la faire professe. Mais, pour ce qui est de sa dot, certes, vous en devez parler clair, et avec l'avis de vos coadjutrices et du Supérieur ; car vous êtes obligée de conserver le bien de la maison, autrement tout se dissipera. Il faut pourtant conduire cela avec douceur pour le respect de M. Jantel.

Quant à acheter une maison pour le confesseur, je ne trouve point cela à propos, et nous ne devons nous assujettir à cela, ains seulement à leur donner une pension raisonnable, et puis qu'ils se logent à leur gré. Voilà, ma très-chère fille, mon sentiment sur vos demandes ; mais, je vous prie, en tout traitez cordialement, et que la Mère de Dijon ne sache point que vous m'ayez avertie de tout ce tracassement. Au reste, vous ne devez [12] plus permettre aux Sœurs d'écrire à Dijon, ni de recevoir des lettres que vous ne les voyiez, afin de retenir de part et d'autre celles que vous jugerez devoir plutôt être brûlées que vues.

Je ne puis répondre à nos Sœurs J. -Charlotte et M. -Élisabeth. J'espère le faire de bouche bientôt, Dieu aidant ; mais mandez-moi si M. des Échelles a résolu qu'on fît l'élection de la Supérieure à l'Ascension prochaine- car je m'essayerai de m'y trouver. Ayez un grand courage et bonne patience, et tenez votre esprit on joie et douceur. Notre bon Dieu vous tienne de sa sainte main. Je suis en Lui toute vôtre. Il soit béni.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCLXIII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À AUTUN

Conseils pour la construction du monastère. — Le bien commun doit être préféré au particulier. — Voyage de l'archevêque de Bourges à Annecy pour les affaires de la béatification de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS

[Annecy], 19 février [1627]

Vraiment, ma très-bonne et chère fille, je serais bien répréhensible si j'avais tant demeuré à vous écrire ; d'assurance, ma fille, j'ai répondu exactement à vos lettres. Voici la dernière que j'ai reçue il y a quatre ou cinq jours, à laquelle il y a peu à répondre, sinon que nous avons reçu les permissions de Mgr d'Autun, dont nous vous remercions. — Je vois que ces messieurs du Chapitre tiennent leur place à un prix excessif. Vous avez là tant de bons amis et personnes capables de vous bien conseiller, que je ne saurais vous rien dire. Dieu vous fera choisir sans doute ce qui vous sera le meilleur, pour faire un monastère accompli de toutes ses commodités et des cours [13] nécessaires. Il y faut un carré de 26 toises de 6 pieds de roi la toise ; où les places seraient étroites, on peut réduire le plan à 18 ou 19 toises de carré. Or, je ne puis ni ne dois vous l'envoyer par cette occasion que je ne tiens pas tout assurée ; mais dans quinze jours infailliblement, Dieu aidant, nous vous l'enverrons par notre chère Sœur Favre qui va fondera Bourg, qui vous le fera tenir sûrement par Dijon.

Je suis fort consolée de savoir que votre famille se multiplie et de filles signalées. Certes, votre prétendante domestique a des conditions fâcheuses ; voyez-vous, ma fille, la première charité doit commencer à la maison, et faut préférer le bien commun au particulier. — Nous ne savons encore quand nous partirons d'ici ; nous attendons Mgr de Bourges pour les affaires de notre Bienheureux Père. Je ne puis quitter que cela ne soit bien acheminé. —Je suis fort en peine île ma fille et de ses malades ; mais je ne sais si j'aurai loisir de lui récrire. Bonsoir, ma très-chère fille, et à toutes nos Sœurs que je salue avec vous, mais chèrement ; car je ne puis dire comme vous m'êtes chère et votre petite troupe. Notre bon Dieu répande ses grâces abondamment sur vous, ma très-bonne et très-chère fille, Je salue mademoiselle Nanette de Noïs ; mais d'écrire, je ne puis. Quand vous verrez M. et mademoiselle de la Curne, certes, je les honore de tout mon cœur. Bonsoir, ma très-chère fille.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [14]

LETTRE DCCLXIV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-CONSTANCE DE BRESSAND

SUPÉRIEURE À MOULINS

Commencement du procès de béatification de saint François de Sales. — Ne pas permettre l'entrée des monastères aux Religieuses non réformées. — Prochain départ de la Mère Favre.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1627.]

Ma très-chère fille,

Assurez le très-bon et vertueux Père Binet que je ne l'oublierai jamais devant Dieu. Je le supplie qu'il me fasse la même charité, j'en suis tout à fait nécessiteuse ; je n'ai pas espoir de le voir à Moulins, mais oui bien que Dieu me donnera la consolation de le rencontrer quelque part. Je l'eusse bien désiré toutefois ; mais Dieu ne le voulant pas, il se faut soumettre. Ce qui nous empêchera et retardera ici, c'est l'attente où nous sommes de Mgr de Bourges qui viendra bientôt, comme nous l'espérons, pour procéder au procès de la béatification de notre Bienheureux Père. Or, je ne puis bouger d'ici que cette affaire ne soit en bon train, n'y en ayant aucune qui presse comme celle-là. Mais, Dieu ! ma très-chère fille, ce qui est différé ne sera pas perdu, parce que je me tiens assurée de vous voir, moyennant la grâce de Dieu, dans peu de mois ; je remettrai à ce temps-là beaucoup de choses à vous dire, et vous répondrai seulement au nécessaire, surtout maintenant que je suis grandement surchargée d'affaires.

Oh Dieu ! la grande bénédiction que la guérison de ces deux filles, nos bonnes Sœurs. Dieu les maintienne en cette santé. Quel bonheur à la pauvre Sœur M. A. si elle faisait profit de la présence de ce digne Père ! [Plusieurs lignes dont les mots usés.]

Vous avez très-bien fait de donner retraite aux sœurs de notre chère Sœur M. -Angélique. Pour ces dames Abbesses et [15] autres Religieuses passantes, je ne crois pas qu'il leur faille ouvrir la porte que très-rarement, et voire, point du tout, sinon qu'elles eussent besoin de cette charité pour s'établir en la piété ou être aidées en quelque dessein de la gloire de Dieu, et que pour cela elles désirassent leur retraite pour quelques jours parmi vous. — Votre monastère est bien dressé ; Dieu bénisse vos officières. J'espère en la bonté de Dieu que votre consolation croîtra en cette maison par la fidélité de nos Sœurs. — Je vous remercie de la charité que vous avez faite à nos pauvres Sœurs de Riom, cela était de justice et dû, car plus de charité ne vous pouviez librement... [La suite de la phrase est inintelligible.]

C'est un terrible embarras que l'entrée de madame de Chazeron ; il la faut encore supporter, mais enfin il la faudra régler à la raison. — Non, ce n'est point contre la simplicité de détourner des regards de notre Sœur M. A. ce que vous ne voulez ni ne devez lui donner, c'est éviter son importunité. Je pense que nous avons déjà fait la communion que vous désirez, sinon elle se fera. Toutes nos Sœurs vous saluent, mais chèrement, à part notre Sœur la Supérieure, et notre Sœur Favre, qui s'en va dans quelques jours fonder à Bourg ; c'est une digne fille. Priez toujours pour celle qui ne cessera jamais de vous aimer parfaitement et de vous souhaiter une persévérante union avec Dieu. Dieu soit béni. Saluez toutes nos Sœurs.

Conforme à une copie do l'original gardé à la Visitation de Voiron. [16]

LETTRE DCCLXV - À LA SŒUR FRANÇOISE-GASPARDE DE LA GRAVE

ASSISTANTE COMMISE À BELLEY

User de prudence et de patience envers les âmes encore imparfaites.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1627.]

Ma très-chère fille,

Persévérez à dissimuler ces petites tricheries de filles : allez votre grand train, ainsi que je vous ai mandé, et vous verrez que Dieu vous bénira. Gardez-[vous] de mettre dehors de la maison les imperfections du dedans que le moins que vous pourrez. Laissez encore un peu écrire ces filles sans voir les lettres ; je ferai bien retrancher tout cela, mais patience. Écrivez à ma Sœur [M. -Marg. -Michel] Supérieure de Dijon, qu'elle tâche par ses réponses de les détacher un peu fortement d'elle et les unisse à vous et à leur devoir. Ayez cordialité avec ces bonnes filles qui enseignent les filles, et les servez en ce que vous pourrez. Soyez suave et cordiale au parloir, mais fort modeste et tranquille. — Nous avons besoin que le bon Frère Michel nous aide à trouver des fermiers ; ma Sœur vous en écrit.

Bonsoir, ma très-chère fille ; je suis toute vôtre en Notre-Seigneur. Qu'il soit béni.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [17]

LETTRE DCCLXVI (Inédite) - À MONSIEUR L'AVOCAT PIOTON

À ÉVIAN

Le transfert de la communauté d'Évian à Thonon est résolu. — La Sainte consent à rappeler à Annecy la Sœur de Feuge.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 2" février [1627].

Il faut bien, mon cher frère, que le bon M. le prieur ne m'entendît pas bien ; il est vrai que peut-être c'est moi qui ne me suis pas bien donnée à entendre ; car je me souviens que, comme il me disait tant de raisons pour arrêter nos Sœurs à Evian, je ne lui parlai plus si clairement ; mais Mgr est tout résolu de les transmarcher [transférer] à Thonon. Toutefois, il le faut faire le plus doucement et insensiblement qu'il se pourra. Je crains que M. Brotty ne se tienne trop ferme. Je vous dis qu'il se faut donner garde de ne pas acheter si cher, espérant que la maison de céans fournira beaucoup ; car cela ne se peut, étant grandement chargée de filles et d'affaires. Nous laissons le tout à la sage conduite de votre charité et prudence.

Ma Sœur la Supérieure d'Évian désire que nous retirions notre Sœur de Feuge[3] ; nous le ferons de bon cœur pour la décharger. J'en écris un mot à madame de Charmoisy, qui la pourra ramener. Je vous dis franchement que je crains un peu le mécontentement des parents ; néanmoins soit fait ce qu'elle trouvera bon. [18]

Bonjour, mon très-cher frère. Dieu vous comble de Lui-même.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCLXVII - À LA MÈRE MARIE - AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Charité envers les malades. — Éloge de la Mère Favre. — Affaires d'intérêts. — Embarras de la communauté de Paray. — Difficultés de M. le prieur de Blonay.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 4 mars [1621].

Vraiment, ma très-chère fille, si, suis-je bien touchée jusqu'au vif du mal de cette très-chère fille ; mais, mon Dieu, qui eut jamais moins d'apparence de ce mal qu'elle n'en avait quand nous passâmes vers vous. Oh ! j'espère en la bonté de Notre-Seigneur que nous aurons plus de peur que de mal, puisqu'elle est prise de bonne heure ; toutefois, sa très-sainte volonté soit faite ! car je m'assure que de quelque côté qu'elle s'accomplisse, ce sera pour sa plus grande gloire et notre mieux à toutes. Je pense que passé la première purgation, laquelle doit être douce et suffisante pour décharger le corps de cette chère âme des humeurs superflues, il ne faut pas l'accabler de remèdes ; néanmoins, représentant aux médecins ce que l'on craint de tant de médecines, il faut enfin leur obéir ; mais je crois toutefois que les saignées et la multitude des médecines la gâteront si son mal tend à l'étisie. Je serais bien aise de savoir au vrai son mal, comme il est venu, comme il est maintenant, et les ordonnances des médecins ; car nous avons ici un grand médecin et un gardien des Capucins qui l'était autrefois, et que l'on estime grandement pour cela. Retranchez-lui le parler tout à fait, autant qu'il se pourra, et les faites bien nourrir et [19] l'une et l'autre. Je ne puis rien dire davantage que je ne sache leur mal ; mais nous faisons bien prier pour elles, et je n'ai garde de les oublier : certes, elles me sont chères ; mais surtout m'est précieuse notre pauvre directrice. Ayez amour spécial à la divine volonté en cette affliction ; elle fera tout bien pour nous. Si elle vous ôte ces chères âmes, elle vous pourvoira d'ailleurs, car enfin sa Bonté a plus d'intérêt à nos maisons que nous-mêmes.

Je vous ai écrit amplement, il y a environ trois semaines ou un mois, et vous envoyai, ce me semble, plusieurs lettres, même une pour Mgr de Bourges. Depuis, je vous ai écrit un billet. Dieu veuille que vous receviez le tout ! — Notre bon archevêque viendra incontinent après Pâques ; nous attendons cette semaine le Révérend Père dom Juste. Cette affaire de notre Bienheureux Père nous arrêtera ici jusques environ la fin de mai ; incontinent que je pourrai, nous partirons, Dieu aidant. — Notre Sœur Favre, avec six autres très-bonnes Sœurs, mais je dis des Sœurs de fondation, partiront le 11e de ce mois pour Bourg. Au reste, ma vraie fille, en ces trois mois que nous avons ici gardé notre grande Sœur Favre, nous avons toutes reçu une merveilleuse édification de son humilité, obéissance et douceur ; c'est une âme fort pure, dépendante de Dieu, fort détachée et indifférente ; enfin elle a un très-bon intérieur et une vraie affection à l'Institut ; bref, c'est une bonne âme. Elle a demeuré ici avec un contentement et tranquillité grande, et n'en voudrait jamais sortir si c'était le bon plaisir de Dieu. Notre Sœur Supérieure de céans est toute ravie de la voir comme elle est.

Nous vous envoyons tout ce qu'il faut pour madame Daloz, ce sera charité, si elle nous paye. Vous garderez ce que vous en recevrez avec les deux cents écus du compte, dont l'on vous envoya l'autre jour l'obligation, et les quatorze cent cinquante livres que vous avez déjà ; le tout est pour les affaires de notre  [20] Bienheureux Père. —Ma fille, il m'est tout plein venu en la pensée que vous devez souvent écrire à notre Sœur l'assistante de Paray, qu'elle se tienne très-humble et rabaissée, parce que y ayant si peu de temps de sa conversion à Dieu, elle ne peut pas être encore si bien fondée ou consolidée en cette tant nécessaire vertu, qu'elle ne soit tentée, surtout étant en charge un peu relevée. Voilà [ce] que je pense vous devoir dire, ma très-chère fille. Je crains que la précédente assistante ne donne bien de l'exercice à cette nouvelle maison ; mais la douceur et l'égalité de la Supérieure pourront accommoder cela, avec vos lettres. Notre Sœur [Sauzion] Supérieure m'écrit que, selon qu'elle voit le lieu de Paray, elles auront grand'peine à y demeurer et à y vivre selon l'Institut ; « car, dit-elle, ni pour le spirituel, ni pour le temporel, nous n'y avons point d'assistance ; nous avons peine d'y vivre, et ne trouvons pas de quoi, avec notre argent ». Ce sont ses mêmes paroles, à quoi je réponds ce que vous verrez. Certes, ma fille, c'est pitié de mettre des filles en tels lieux ! On a résolu, pour les mêmes raisons qu'elle écrit, de transmarcher [transférer] nos Sœurs d'Évian à Thonon, car elles ne sont point là bien en repos. À Thonon, il y a force ecclésiastiques, médecins, apothicaires, et force noblesse qui rendent le lieu plus illustre, et mieux fourni des choses nécessaires à l'entretien de cette vie.

Le bon M. le prieur [de Blonay] est bien marri ; mais que faire là ? Aussi ne pensé-je pas qu'il y demeure curé ; car il y a une si extrême antipathie entre lui et ceux de la ville, qu'il est impossible qu'il puisse faire profit les uns des autres ; ce qui est fort à l'intérêt des âmes, et à la joie de ceux de Genève qui fréquentent là [Evian]. Mgr de Genève a fait ce qu'il a pu et moi aussi, pour lui persuader de remettre cette cure à quelque bon ecclésiastique. Il n'y a moyen de le vaincre ; il veut bien quitter la résidence, mais non pas la cure, c'est chose incompatible ; cela tient en peine toute la ville et surtout Mgr de [21] Genève. On a crainte que ce qu'il ne veut pas faire par douceur, on ne le fasse faire par l'autorité du prince. Mgr l'évêque a voulu que je vous en écrivisse, ce qui me fâche ; mais c'est qu'il désire que vous écriviez à M. le prieur pour le persuader. Certes, ce serait la gloire de Dieu et son propre bien ; mais il est préoccupé de son opinion, et veut que Dieu lui fasse voir sa volonté, dit-il, pour cela ; mais il faudrait que ce fût par révélation, autrement il ne la veut pas connaître. Je lui en ai dit et écrit tout ce que j'ai pu, mais en vain ; c'est le meilleur homme et qui a de très-bonnes intentions ; s'il croyait conseil et qu'il ne fût pas si attaché [à son opinion], il serait saint. — Je salue votre chère âme qui m'est précieuse plus que je ne saurais dire. Ayez soin de vous bien porter, et me faites savoir des nouvelles de ces chères malades que je salue toutes à part très-chèrement, et toutes les autres. Je ne puis écrire à la petite, je la salue.

[P. S.] J'avais écrit jusqu'ici, ma vraie très-chère fille, quand j'ai reçu la vôtre dernière, qui est tout maintenant. Je bénis Dieu du bon espoir que vous nous donnez des pauvres malades ; il les faut bien traiter et faire reposer et récréer, et que surtout elles ne parlent guère. Pour vous, ma fille, obligez-moi, je vous en conjure, d'entretenir votre santé. Prenez le malin une noix confite, et le soir le plus souvent qu'il se pourra. — Dieu fera réussir l'affaire de la double maison[4] quand il lui plaira. Dans huit jours j'écrirai à Mgr de Bourges qui ne viendra qu'après Pâques, sinon que Dieu m'en donne le loisir à ce coup. Je vous prie, recommandez-moi à Notre-Seigneur. Nous n'oublions point les chères malades.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [22]

LETTRE DCCLXVIII - À LA SŒUR FRANÇOISE-GASPARDE DE LA GRAVE

ASSISTANTE COMMISE À BELLEY

Avantages de la douceur dans la direction des âmes. — Se confier en Dieu.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1627.]

Je vous remercie, ma très-chère fille, de la diligence que vous avez faite de nous envoyer les lettres de mademoiselle de Saint-Loup. Faites-lui tenir nos réponses le plus promptement et sûrement que vous pourrez. Il s'est perdu grande quantité de lettres, encore à cette dernière fois. Il ne s'en est point trouvé de notre Sœur la Supérieure de Dijon. Pour Dieu, ma fille, faites voir enquête si elles se pourraient recouvrer ; et, une autre fois, empaquetez-les si bien et liez tous les paquets ensemble qu'il ne s'en perde plus, cela est trop important. — Je suis très-aise, ma chère fille, de ce que nos Sœurs commencent à se reconnaître : si vous continuez votre méthode, infailliblement vous les rangerez sans mot dire, et Dieu bénira cette conduite, vous en donnant plus de fruits que si vous vous empressiez à vouloir emporter les choses d'autorité. Voyez-vous, l'exemple profile plus que les paroles. Soyez toujours fort généreuse et pleine de confiance en Dieu : soyez patiente, charitable ; faites bien ce qui est de l'observance, et vous verrez les merveilles de Dieu.

Je ne sais si l'on pourra prendre maintenant Michel, la maison étant si extrêmement chargée que rien plus, outre qu'il témoigna l'autre jour qu'il ne pourrait abandonner sa mère. L'on donnera à ce porteur l'argent de son voyage, ou on vous l'enverra.

Bonsoir, ma toute très-chère fille ; je conjure nos Sœurs de cheminer dans l'esprit de la sainte humilité, douceur et [23] simplicité, qui est le vrai esprit de leur Institut et de leur saint Fondateur. Je les salue chèrement toutes comme mes filles bien-aimées. Si je puis, je vais écrire à MM. des Échelles et Jantel. Adieu, ma fille ; vivez joyeuse et courageuse. Dieu vous bénisse ! Je suis enfin toute vôtre.

Dieu soit béni !

[P. S.] Ma très-chère fille, je vous conjure de faire passer en toute diligence notre garçon jusqu'à Bourg, afin que les dames viennent prendre nos Sœurs[5] à Belley, où est le rendez-vous.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCLXIX (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Demande d'un Nouveau Testament. — Prochain départ des fondatrices de Bourg.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 10 mars [1627].

Ma très-chère fille,

Je vous écrivis avant-hier : notre Sœur Anne-Marie [Rosset] me dit hier qu'elle avait adressé les lettres de Paray-le-Monial à Paris. J'espère que vous aurez bien connu cette équivoque ; si vous ne l'avez [pas] aperçue, réparez-la au plus tôt. — Je vous prie, ma très-chère fille, de nous envoyer à la première commodité le Nouveau Testament, mais qu'il soit de l'impression de Paris ou de Lyon, et des bons. Pour cela, faites-le choisir à M. Brun, s'il vous plaît ; c'est pour moi. Dieu me fasse la grâce de faire bon usage d'une si digne lecture. [24]

Nos Sœurs partent vendredi pour Bourg.[6] J'écris, comme vous verrez, afin d'avoir la bénédiction de Mgr l'archevêque pour ce nouveau monastère, lorsqu'il sera tout à fait en possession de ce diocèse de Lyon. Adieu, ma fille ; le temps m'est déjà long de savoir de vos nouvelles et de vos chères malades. Je vous écrivis l'autre jour assez longuement, et [vous] aurez vu nos nouvelles dans les autres lettres que j'envoyais. — Le bon Père dom Juste est arrivé ; il esta Chambéry pour quelques jours. — Nous avons ici le très-bon Père Bertrand, Jésuite, qui est excellent et sage prédicateur. Il nous fit hier un discours de la Providence, tout admirable et utile. J'espère qu'il profitera. Oh ! qu'heureuses et seulement heureuses sont celles qui se laissent conduire sans résistance à cette sage et douce conduite !

Bonjour, ma très-chère fille ; cachetez bien mes lettres et le paquet, et l'envoyez à M. Cabout, avec recommandation de le faire tenir promptement et sûrement à Mgr de Bourges, sinon que vous ayez une bonne voie.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [25]

LETTRE DCCLXX - À MADAME LA COMTESSE DE TOULONJON

SA FILLE

Espérance d'une prochaine entrevue. — Soumission à la volonté de Dieu.

VIVE -†- JÉSUS !

[Annecy. 1627.]

Ma très-chère fille,

Le doux Sauveur vous comble de son saint amour, et tout ce que vous chérissez le plus ! Je ne sais si vous avez reçu ma dernière lettre, qui répondait aux vôtres de confiance. J'attends de bon cœur des nouvelles du vôtre que j'aime si tendrement que j'en suis un peu en souci ; j'espère toutefois que la main de Dieu le soutient et le conserve pour son amour. Puisque Dieu nous donne une bonne paix, je veux attendre la consolation de vous voir cette année ; néanmoins, ma très-chère fille, n'en laissez point entrer le désir trop avant dans votre esprit, afin que si la divine Providence y mettait des obstacles, il n'en reçût point de secousse ; car je désire que vous aimiez souverainement sa sainte conduite, sa bonté étant si grande qu'elle dispose tout pour le mieux de ses enfants, du nombre desquels vous êtes assurément. Mon Dieu ! que je souhaite votre esprit attentif à cette vérité, que rien du tout n'arrive que par l'ordre et la disposition de l'éternelle volonté. Je salue votre chère Gabrielle. Je suis votre mère, etc. [26]

LETTRE DCCLXXI - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À RIOM

Le voyage de l'archevêque de Bourges est retardé. —Travaux du Père dont Juste. — Les souffrances considérées dans la volonté de Dieu sont très-aimables.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 22 mars [1627]

Ma très-bonne et très-chère fille,

J'avais bien su, par l'entremise de ma Sœur la Supérieure de Moulins, que vous étiez malade ; mais je ne savais pas que ce fut si longuement et périlleusement. Dieu soit béni qui vous en a retirée ! Bienheureuses les âmes qui souffrent amoureusement, leur récompense sera grande ! J'ai été aussi incommodée d'une grande défluxion qui m'a laissé une débilité d'estomac et de tête assez grande ; c'est ce qui m'empêche encore de vous écrire de ma main, mais j'espère que bientôt je serai tout à fait remise.

Je ne vous saurais encore dire quand nous nous verrons, car la maladie de Mgr de Bourges nous tient en incertitude du temps qu'il doit arriver ici ; mais j'espère toujours avec l'aide de Dieu que ce sera cet été. — Il est vrai que notre Sœur de Montferrand m'écrivit qu'elle ne vous avait pas donné notre Sœur Marie-Michelle [des Roches], parce qu'elle en avait à faire pour la fondation de Saint-Flour.

Notre chère Sœur Marie-Jacqueline Favre partit, il y a dix ou douze jours, avec nos bonnes Sœurs, pour aller faire la fondation de Bourg en Bresse ; certes, celle chère grande fille a laissé ici une très-bonne odeur de sa vertu, et, en ces trois mois que nous l'avons gardée, j'ai reconnu un grand fonds de vertu en cette âme-là.

Le Révérend Père dom Juste est ici qui travaille à force au [27] procès de la béatification de notre Bienheureux Père, attendant le commissaire, Mgr de Bourges ; je vous prie, ma chère Sœur, de bien faire prier Dieu pour lui et pour les affaires. — Quant à ce qui est de vous voir pour l'Ascension, c'est chose impossible ; mais remettez bien toutes vos affaires entre les mains de la divine Providence, qui les conduira assurément selon son bon plaisir.

Bonjour, ma très-bonne, ma très-chère et bien-aimée fille. Mon Dieu ! qu'il nous faut avoir un grand et bon courage pour supporter doucement tous les travaux de cette vie ! Si nous les regardons dans leur origine, ils nous seront en consolation et bénédiction, car enfin rien ne peut partir de cette douce main paternelle qui ne soit pour sa plus grande gloire et notre mieux, cela nous doit suffire, ma très-chère fille. Dieu soit au milieu de votre cœur et de votre chère troupe que je salue avec vous. Amen.

[P. S.] Ma très-chère Sœur, je n'écris pas à cette bonne Sœur qui m'a écrit, parce que je ne le puis faire de ma main. Je la salue de tout mon cœur dans l'espérance de la voir bientôt.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCLXXII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-FRANÇOISE DE LIVRON

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

Conseils au sujet de la fondation de Gap. — Secourir les Sœurs d'Embrun.

VUE † JÉSUS !

[Annecy, 1627.]

Ma très-chère fille,

Ce serait une très-bonne fondation que celle de Gap, si elle était munie selon la proposition de M. le grand vicaire ; quand il y aura quelque chose de moins, il n'importera guère. [28]

La lettre que vous avez écrite à Mgr de Gap est fort bien ; s'il a volonté que cette fondation se fasse, il nous fera là-dessus une claire déclaration. Je suis marrie de ce que M. d'Aoste ne l'a pas approuvée, car il faut lâcher de ne l'altérer en rien ; mais vraiment, puisque vous étiez engagée de parole, il n'eût été à propos de se rétracter. Je ne sais que vous dire sur votre aller à Gap, ne sachant pas quelle serait la Supérieure que vous prétendez d'y mener, ni celle que vous pensez de laisser à Grenoble pendant votre absence. Sur la science de ces deux choses je formerai mon jugement, ce que je ne puis faire autrement. La raison que vous me marquez pour ne pas envoyer notre Sœur la Supérieure d'Embrun à Gap est purement vaine, jamais celle pensée ne me vint. Pour céans, nous prenons des Supérieures et des directrices ès autres maisons, témoin la Mère d'ici, et la Mère et La directrice de Bourg ; mais je ne sais comme ma Sœur [de Châtel] Supérieure céans a pris cette pensée, car je ne pense pas que ma Sœur N. y voulût aller. Elle presse fort que l'on la relire d'Embrun [plusieurs lignes inintelligibles].... Vous verrez ce que j'écris ; [je] pense qu'il leur faudrait donner quelque satisfaction d'une façon ou d'autre. Elle mande qu'elles sont dans une nécessité extrême ; ma très-chère fille, certes cela est de grande considération, car enfin leur bien est à Grenoble, et elles ne sont point là par leur choix, mais par l'obéissance. En ces petites villes, il est tout à fait nécessaire d'aider les filles que l'on y envoie ; ainsi le faisons-nous, la charité et la raison le veulent quand elles sont pauvres.

Je suis fort marrie de quoi M. d'Aoste n'agrée pas l'entrée de la petite Madelon. Mon Dieu ! pourquoi fait-il plutôt cette difficulté pour elle que pour celle de madame de Chevrières ? Oh ! néanmoins il faut tâcher de le gagner par douceur et patience, car si vous faisiez ce que vous me dites, de vous adresser à Mgr de Grenoble, vous perdriez tout à fait M. d'Aoste ; ma Sœur la Supérieure lui écrit. Soulevez le cœur de notre Sœur [29] A. C. ; c'est un bon sujet... [plusieurs mots illisibles] ; pour Dieu, montrez-lui grand amour et confiance, et la relevez tant que vous pourrez. — Nous espérons bientôt la chère consolation de voir notre digne M. d'Uriage qui vous dira derechef nos nouvelles. Je la salue cependant de tout mon cœur qui est vraiment tout sien et tout à fait uni à ma très-chère fille. Je salue toutes nos Sœurs avec M. d'Aoste et M. Antoine. Chérissons-nous mutuellement toutes dans son divin amour. Amen.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Pignerol.

LETTRE DCCLXXIII - À LA SŒUR ANNE-CATHERINE DE SAUTEREAU

MAÎTRESSE DES NOVICES, À GRENOBLE

Elle lui recommande l'adhésion à la divine volonté et la sainte joie.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1621.]

Ma très-chère fille,

Non-seulement ma main, mais mon cœur, s'il pouvait, voudrait graver dans le vôtre très-cher les témoignages de sa véritable dilection pour vous, et m'estimerais heureuse de donner quelque soulagement à votre esprit bien-aimé, que j'aime tendrement et fortement, parce que je sais qu'il tend droit à Dieu et n'a d'autre prétention que l'accomplissement de sa sainte volonté.

Il est vrai, cette novice a l'esprit faible, et [je] m'étonne comme on l'a reçue ; mais, ma très-chère fille, après que nous avons fait nos efforts pour détourner quelque mal, si Dieu permet qu'il arrive, il nous faut joindre doucement et amoureusement notre volonté à cette divine volonté qui a voulu permettre cela, et demeurer en paix de l'affaire, quelque mauvaise apparence qu'elle puisse avoir, autrement il n'y a nul doute que ce [30] ne serait plus l'esprit de Dieu qui agirait en nous, mais l'amour-propre. Oh ! demeurez donc en paix là-dessus, ma très-chère fille, et détournez doucement votre esprit de tout cela, vous confiant que Dieu réduira tout à sa gloire.

Ma fille, ne regardez guère ce qui passe en vous, mais tenez-vous attentive à Dieu ; s'il se cache quelquefois, c'est qu'il veut prendre son plaisir à vous voir chercher sa bonté ; faites-le donc avec toute simplicité et amour, sans jamais vous lasser en ce saint exercice ; tenez votre courage haut levé dans une sainte confiance et toujours joyeuse. Une âme qui ne voudrait pour rien du monde offenser son Dieu aie fondement delà vraie joie. Dieu vous remplira de son pur amour, auquel je suis sans réserve, etc.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Voiron.

LETTRE DCCLXXIV - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

La Sainte se réjouit de l'entrée de mademoiselle de Saint-André à la Visitation, — Soins à donner à une Sœur malade. — Emplacement du deuxième monastère de Lyon. — Nouvelles de celui de Bourg.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 25 mars [1627].

Ma très-chère fille,

[De la main d'une secrétaire.] Je bénis Dieu de fout mon cœur de l'entrée de mademoiselle de Saint-André, puisqu'elle est si bonne et si aimable. Je crois que cette entrée aidera au dessein de la deuxième maison. Je vous ai répondu, il y a plus de douze jours, qu'il fallait attendre M. de la Faye avant de se découvrir ouvertement, pour crainte de la contradiction de celui que vous savez. — Je ne sus écrire à madame de [31] Chevrières et à M. de Sève.[7] Je le fais maintenant, quoique j'aie toujours mon estomac fort faible.

J'ai vu les ordonnances de notre pauvre Sœur la directrice, il n'y a rien de trop. Je crois qu'il est nécessaire de les lui faire pratiquer exactement ; et pourvu qu'elle soit bien nourrie pendant ces remèdes-là, il n'y a rien à craindre ; ains, j'espère en Dieu qu'ils lui profiteront beaucoup, et j'en supplie sa Bonté ; car ce serait une grande perte si cette fille-là mourait. — Si le livre des Évangiles n'est déjà acheté, je voudrais que tout y fût, s'entend tout ce qui est de la Bible. S'il est acheté, il se faudrait contenter de cela.

Nos Sœurs de Bourg ne manqueront pas de vous envoyer l'argent des matelas et autres meubles que vous leur avez achetés ; car nous leur avons donné trois cents écus pour leur aider en ce commencement. Je vous prie donc, ma très-chère fille, de ne pas toucher à celui que vous avez ; car il est pour la béatification de notre Bienheureux Père, de quoi on aura bientôt besoin. Votre maison n'a garde d'avoir faute, la Providence de Dieu en a trop de soins. Je n'ai su faire jugement sur les plans que vous m'avez envoyés, sinon qu'il me semble que j'aimerais mieux que vous fussiez au-dessous de ce grand chemin qui va aux Capucins et aux Minimes que d'être au-dessus. Je vous trouverais trop haut, et il se faut mettre en bon quartier tant qu'il se peut.[8] — Sitôt que vous aurez reçu des nouvelles de nos Sœurs de Bourg, je vous prie [de] nous les faire tenir. — Votre paquet de Turin sera porté sûrement.

[De la main de la Sainte.] Ma très-chère fille, je me porte bien, Dieu merci, mais je suis fort faible, surtout d'estomac. Dans peu de jours, je serai remise, Dieu aidant. Priez pour moi, ma très-chère fille ; vous verrez par les lettres le reste.

[P. S.] Ma très-chère fille, je viens de recevoir vos lettres, je vois que vous êtes toujours un peu touchée, quand ce que vous faites pour nous ne réussit pas tant bien, parce que vous êtes toujours la cadette. Or, ne vous en mettez point en peine, je ne m'y mets guère aussi ; car, grâce à Dieu, nos Sœurs de Bourg sont bien ; elles ont été reçues avec un très-grand applaudissement et elles chantent l'Office publiquement. Si elles n'ont pas le Très-Saint Sacrement en leur église, elles l'auront tant mieux en leurs cœurs. — Je vous remercie du petit Nouveau Testament ; mais combien coûte-t-il ? — Je vous recommande l'affaire de madame Daloz, et que ces lettres soient mises à la poste, et fort recommandées pour être données promptement ; et la réponse, quand vous l'aurez, envoyez-la promptement aussi.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCLXXV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À BOURG EN BRESSE,

Instances faites à Rome pour les fondations de Verceil et de Carmagnole. — On demande la Mère Facre pour être supérieure à Orléans.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1er avril 1627]

Ma vraie fille uniquement aimée,

Ce m'est grande consolation de recevoir de vos chères nouvelles, car votre bon cœur est au milieu du mien. Maintenant, je me porte bien, grâce à Dieu, mais sans loisir de vous écrire longuement, ains pour employer cette occasion qui portera cette lettre à Belley ; dans quelques jours M. de Pressin retournera à Dijon, et j'écrirai tant que je pourrai.

Dieu soit béni de tout ce qui se passe par delà, l'on ne peut [33] désirer rien de mieux pour l'état présent des affaires, mais il me tarde bien que nous ayons des nouvelles de Paris ; Dieu les donnera telles qu'il faut, s'il lui plaît, je n'en puis douter. Je ne sus encore assembler Mgr et le Père dom Juste pour voir comme l'on pourra nous dégager du Piémont sur l'occasion des longueurs de Rome, où il faut que les affaires de ce monastère de Verceil passent, il nous est remis avec toute sorte de bonne procédure et consentement requis ; il faut aussi que l'affaire de Carmagnole passe à Rome. Mon Dieu veuille conduire cela si c'est à sa gloire ; mais en tout son saint plaisir soit fait.

L'on m'écrit d'Orléans, et c'est le Père recteur, qu'il n'y a que vous en notre Ordre qui puissiez succéder à la Mère de là, et que partant, si nous la voulons retirer, que vous y êtes tout à fait demandée et nécessaire, autrement tout sera gâté. Dieu nous sera en aide en tout, s'il lui plaît, et toutes choses réussiront à sa gloire. Je ne puis plus écrire, je salue, mais tendrement, ma très-chère Sœur de Vigny et toutes nos Sœurs ; je ne puis répondre à ma bonne Sœur Cagues, mais je lui dis par vous que je ne lui recommande pas la mortification du corps, mais oui bien celle du cœur et la sainte oraison ; je suis bien aise de la voir toute courageuse. Je ne puis écrire à mesdemoiselles de Lure et de Saint-Loup ; je les salue chèrement, et le cœur de ma grande fille très-cordialement, comme ma bien-aimée très-unique fille, que je désire être toute sainte. Soulagez-vous fort, et s'il est besoin pour votre santé de dormir tard, faites-le, je vous en conjure. Adieu, ma fille. Dieu soit béni. — Le Père Bertrand écrira de la Providence. —Tout le monde vous salue.

Conforme à une copie de l'original gardé au premier monastère de la Visitation de Paris. [34]

LETTRE DCCLXXVI - À MONSEIGNEUR DE NEUCHÈZE

ÉVÊQUE DE CHALON, SON NEVEU

Elle le félicite de son zèle pour la gloire de Dieu et le bien du peuple. — Malheur des temps.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, avril 1627.]

Mon très-honoré et cher Seigneur,

Le divin Sauveur glorieusement ressuscité comble nos âmes de joie et sainteté I Je bénis son infinie Bonté de la grâce et force qu'il vous a données, pour Lui rendre ce que vous Lui deviez en l'emploi de votre commission à Paris. Vous ne m'en dites rien, Monseigneur, mais l'on m'a écrit que vous y aviez parlé pour le soulagement du pays, avec toute liberté et équité, et, bien que l'on pensait que cela servirait de peu, néanmoins les gens de bien en sont consolés ; et je m'assure que votre âme en ressent de la satisfaction, quoique la gloire en soit due à Dieu, seul auteur de tout bien. Je vous dirai que j'en ai reçu une particulière consolation en louant et remerciant Notre-Seigneur ; car enfin, c'est être prélat et père du peuple que de maintenir fortement l'équité ; et se montrer vrai serviteur de Dieu, là où il va de sa gloire et du repos de ses peuples, sans avoir égard aux intérêts particuliers ; oui, car il faut tout perdre plutôt que de manquer à la fidélité que nous devons à Dieu, et à notre propre âme ; sa bonté saura bien conserver ce que nous abandonnerons pour Lui, et nous le multiplier au centuple. Servir Dieu, comme l'on dit, au péril de tout le reste, c'est régner et s'acquérir les vraies richesses et honneurs en ce monde, et, ce qui est seul important, s'assurer par les mérites du Sauveur la béatitude éternelle, dont un moment de jouissance vaut mieux que la possession de mille mondes.

Je vous dis simplement ce qui me vient, selon mon [35] sentiment, qui est plein d'un très-grand désir de votre vrai bien. Je m'assure que vous le croyez comme cela, mon très-cher seigneur. Dieu, par sa bonté et toute-puissance, vous conserve en sa grâce et en santé, et veuille établir une bonne et sainte paix pour sa gloire et le salut des peuples ! Il est très-justement irrité contre nos iniquités ; car qui a jamais ouï dire que les barbares aient fait des cruautés égales à celles qui s'exercent de côté et d'autre ? C'est chose effroyable et indigne du nom chrétien ! Est-il possible que les gens de bien ne puissent empêcher ces malheurs ? Il semble que chacun soit aveugle et que les prédicateurs soient muets ; mais plutôt ce sont nos méchancetés qui nous aveuglent. Faites crier les prédicateurs, Monseigneur, afin que le peuple soit ému à pénitence, et me pardonnez ma longueur.

J'avais un grand désir de vous voir ; mais je le soumets à Dieu, pour en disposer selon son bon plaisir. Oh ! mon vrai neveu et très-cher enfant, servez et aimez ce grand Dieu de toutes vos forces, je vous en conjure ; ne vous épargnez en rien pour cela. Tout ce qui est de ce monde n'est qu'ombre de bien et passera bientôt ; Dieu seul est permanent et sa bienheureuse éternité ! Aspirons, je vous prie, de tous nos cœurs à celle jouissance de Dieu, et à celle sainte société des fidèles chrétiens et des Saints, où nous trouverons nos chers parents et amis avec des joies interminables Eh ! mon cher fils et neveu, que je souhaite ce bonheur pour nous tous. Priez pour moi, afin que Dieu me rende digne de cette miséricorde.

Je suis de cœur, Monseigneur, votre très-humble… [36]

LETTRE DCCLXXVII - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À AUTUN

La vertu d'une Religieuse n'est pas toujours une preuve de sa capacité pour les charges. — Sage lenteur à accepter de nouvelles fondations.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 22 avril [1627].

Ma très-chère fille,

Le temps m'est long de ne pas savoir de vos nouvelles. Je crois que vous aurez maintenant reçu le plan des monastères ; c'est notre original : c'est pourquoi il faudra bien nous le rendre, car si vous n'en pouvez tirer une copie, nous vous en enverrons une quand nous l'aurons reçu. — Notre Sœur la Supérieure de Moulins m'écrit que vous demandez notre Sœur N. pour être directrice. Croyez-moi, ma vraie très-chère fille, cette bonne femme-là est vertueuse ; mais, certes, elle n'a nul talent pour la conduite des âmes, et je vous prie ne l'y point employer, car elle les gâterait, non faute de bonté et d'affection, mais de capacité pour cela.

Ma Sœur me mande aussi que Mgr de Mâcon a grand désir d'avoir de nos Sœurs en son diocèse, et qu'il nous a donné licence d'établir à Cluny et à Charlieu. Bon Dieu ! ma très-chère fille, il ne vous faut point presser de faire tant de maisons. Nous ne pouvons pas avoir encore tant de filles capables pour cela, outre que ce n'était nullement l'intention de notre Bienheureux Père que nous nous missions en des lieux où, certes, l'assistance spirituelle et temporelle manque. Pour cette raison, il nous faut retirer nos Sœurs qui étaient établies à Évian, et je sais que celles de Paray pâlissent. Pour Dieu, ma très-chère fille, ne faites point cela. Je ne connais pas [ce] que c'est que Charlieu ; mais je pense que c'est un lieu où les Sœurs ne trouveront pas ce qui serait requis à leurs besoins. [37] Pour Cluny, oh ! certes, j'aurais bien de la mortification d'y savoir de nos Sœurs, pour des bonnes raisons. Croyez-moi, ma très-chère fille, ne nous hâtons point de tant faire de nouvelles maisons. Tâchons de bien observer ce qui nous est ordonné, et de rendre nos Sœurs bien solides en la vertu de l'Institut, et puis Dieu nous donnera des lieux bons et propres pour nous décharger ; et cependant, assurément, Il nous pourvoira nos maisons faites de tout ce qui sera requis. Je vous dis ceci en Notre-Seigneur, et je me confie en la bonté de votre cœur que vous le recevrez de même ; car vous savez combien je suis vôtre, et comme je vous tiens réciproquement pour toute mienne. Je connais votre cœur et son zèle et son affection ; c'est pourquoi je vais tout franchement avec vous, que je chéris parfaitement. Sans loisir.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCLXXVIII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Maladie et rétablissement de l'archevêque de Bourges. — Annonce d'un voyage. — Affaires diverses.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 22 avril [1627].

Enfin, ma très-chère fille, nous avons reçu vos lettres du 11e avril, mais non pas celles que vous dites m'avoir écrites quatre jours avant. J'ai reçu aussi dimanche des lettres de notre pauvre cher archevêque [de Bourges], qui a été malade extrêmement ; dès le jeudi gras jusqu'au jour de Pâques, il a gardé le lit, de sorte qu'il est dans une si grande faiblesse que d'un mois il ne saurait entreprendre le grand voyage de [37] venir ici ; mais il nous promet, avec une affection nonpareille, de venir le fin plus tôt qu'il pourra, n'ayant rien du tout qui le retarde que son mal, de façon que je pense qu'il sera ici à la fin de mai, ou au commencement de juin. Cependant, pour gagner du temps, je vais à Belley,[9] Grenoble, Chambéry et Rumilly, et reviendrai ici, Dieu aidant, pour recevoir notre bon prélat ; car de m'absenter tandis qu'il fera l'affaire de notre Bienheureux Père, cela ne se peut ; mais incontinent qu'il aura fait ici, je m'en irai à vous. Il nous mande que Mgr l'archevêque lui a promis les établissements pour [le second monastère de] Lyon et pour celui de Bourg.

Non, ma chère fille, ne m'envoyez point de Bible ; mais sachez du bon libraire quand il pourra imprimer le Coutumier et les Règles. — Mon Dieu ! que je suis aise de la santé de votre chère directrice, et de ce que nos Sœurs vous donnent tant de contentement ; car j'espère que Dieu l'est aussi. De vrai, votre Sœur l'assistante est bien à mon gré ; mais qu'elle se rende attentive à ce que je lui dis pour sa perfection. — Mais, par ce que vous me dites, je me vois sans espérance d'avoir une Supérieure de chez vous ; Dieu pourvoira d'ailleurs.

Nous niions à Belley, et de là à Grenoble, où je vous prie nous faire avoir les lettres que vous recevrez pour moi entre ci [et] le 15 de mai, car je pense que nous y serons jusque-là. Je désire bien que nos lettres soient portées par la poste, afin que celles d'Orléans soient reçues à temps. Vous verrez leur importance ; je vous les recommande, et de toujours prier Dieu pour moi, et toutes nos chères Sœurs, que je salue avec vous du meilleur de mon cœur. — Château-Gaillard[10] est bien haut, ce me [39] semble. Y pourra-t-on avoir de l'eau ? n'est-il pas au-dessus des Carmélites ?

Adieu, ma fille ; Je saint amour règne dans votre chère âme ! Vous êtes uniquement mienne, mais je suis aussi uniquement vôtre en Celui qui est notre unique prétention, qu'il soit béni ! Nous venons de recevoir votre paquet précédent et le dernier. Adieu, ma vraie chère fille.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCLXXIX - À LA MÊME

Les Religieuses ne doivent pas travailler pour leurs parents. — Estime pour la Sœur assistante.

VIVE † JÉSUS !

[Grenoble], 4 mai [1627].

Ma très-chère fille,

Je ne puis vous écrire de ma main ; car ma défluxion me tombe dessus les yeux. — Pour ce qui est des parents de nos Sœurs, il faut trancher ; c'est une chose assurée que cela tirerait une grande conséquence ; et, puisque la condescendance que l'on a déjà eue en leur endroit n'a pas assouvi leurs désirs, et que cela est tout à fait contre la Règle, qui dit que « les Sœurs ne sauront point à qui sont les ouvrages qu'elles font », il faudrait plutôt donner quelque charge à ces filles qui les occupât, en sorte que l'on puisse dire véritablement qu'elles ont assez à faire en leur charge, — Je suis, certes, touchée de la maladie de nos pauvres Sœurs. Eh Dieu ! qu'elles seront heureuses d'aller trouver cette divine Bonté ! Pour la pauvre directrice, elle serait encore bien nécessaire en la maison, mais Dieu sait bien ce qu'il veut faire et de l'une et de l'autre, car ce sont des âmes très-bonnes. Vous avez bien fait de mettre [40] votre Sœur l'assistante en sa place, car je m'assure qu'elle fera bien et l'une et l'autre charge : c'est un bon cœur et une sage fille.

Il faut prendre garde à ne pas recevoir cette damoiselle de Grenoble que son mari ne soit mort, car cela donnerait grand sujet de murmurer à ceux de Grenoble ; mais je ne désire pas que l'on sache que cet avis vient de moi. — Je vous remercie de tout mon cœur,. et toutes nos chères Sœurs, de votre belle boîte de raisins de Damas ; je ne mérite pas un si beau présent ; Dieu vous le rende, ma très-chère fille !

Oh ! que vous m'avez contentée de me dire que vous ne vous regardez point, ains laissez à Dieu le soin et la connaissance de ce que vous êtes ; il faut demeurer ferme et invariable en cet abandonnement. Certes, c'est notre bonheur de n'être rien qui vaille, pourvu que nous l'aimions et nous confiions en Dieu. Votre désir de me voir me donne celui de vous voir aussi. Je ne dirai jamais que non, quand Dieu le voudra. Fondez bien cet esprit en votre Sœur l'assistante, et l'affermissez et dressez comme celle sur qui vous devez jeter les yeux pour vous succéder en la charge de Supérieure ; car, il est vrai, un esprit qui ne serait pas ferme se changerait parmi de si fréquents divertissements et sentiments contraires à notre esprit. Oh ! qu'il le faut chèrement conserver ! Je ne vous dis pas ce que j'écris, parce que vous le verrez dans les lettres. Mes yeux se fâchent d'écrire et me font mal, car la défluxion les travaille. Mille saluts à nos Sœurs. Bonjour, ma toute chère fille.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [41]

LETTRE DCCLXXX - À LA MÊME

Départ de la Sainte pour Chambéry. — Bruits calomnieux au sujet de la fondation de Bourg en Bresse.

VIVE † JÉSUS !

[Grenoble], 16 mai [1627].

Ma très-chère fille,

Ce n'est que pour vous assurer seulement que me voici toute guérie, Dieu merci. J'ai eu un fort rhume avec la fièvre qui m'a tenue à l'eau quatorze jours, mais l'on me redonna le vin vendredi : hier, je pris une médecine qui m'a laissée toute brave, ce me semble. Je ne cesse de prendre des remèdes ici, [ce] qui m'a empêchée de bien rendre mon devoir à nos bonnes chères Sœurs. J'ai fait ce que j'ai pu, et elles me sont si cordiales, qu'elles se contentent. J'espère que nous partirons mercredi ou vendredi au plus lard, pour retourner à Chambéry. Je répondrai une autre fois plus amplement. — Je parlai avant-hier à M. de Sacconnex, et lui fis bien entendre que le passage de sa sœur n'était pas facile, ni en tout cas ne se ferait pour l'occasion de la nouvelle maison.

Je ne pense pas que notre Sœur la Supérieure de Paris puisse avoir la licence de recevoir cette bonne damoiselle, parce qu'en ce pays-là il faut grande considération, à cause des conséquences. Vous lui en pourrez écrire, mais non pas moi, pour les raisons que je vous dirai un jour. —Ma très-chère fille, l'on nous a mandé de Paris que l'on avait dit que notre établissement de Bourg avait été procuré de mauvais biais, par finesse et surprise, comme si nous eussions voulu mépriser l'autorité de Mgr l'archevêque, par le recours que nous fîmes à Mgr d'Autun pour avoir la licence. Vous savez le contraire, et que nous écrivîmes à M. de la Faye, et comme tout cela s'est passé. Nous n'avions rien du tout qui nous pressât de notre [42] part ; mais c'étaient ceux de Bourg qui pressaient, afin de pouvoir avoir notre Sœur Favre, que l'on croyait devoir être envoyée en Piémont à ce printemps, et ses parents avaient un ardent désir de l'avoir quelques mois. Ma fille, nous n'avons nullement l'esprit fait pour user d'artifice, ni manquer de respect aux prélats. Je vous prie, faites bien savoir par quelques amis la vérité de notre innocence.

Oh Dieu ! ma vraie fille, croyez qu'il me tarde autant qu'à vous de vous revoir et nos chères Sœurs ; car c'est la vérité que vous êtes la vraie fille de mon cœur et que je [vous] chéris d'une dilection toute particulière. Nos pauvres Sœurs, saluez-les tendrement, et priez Dieu que son amour règne en nos cœurs. Je ne pensais pas tant écrire, Bonsoir, ma toute très-chère fille.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCLXXXI - À MONSIEUR MICHEL FAVRE

CONFESSEUR DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION D'ANNECY.

Prière de venir au-devant d'elle jusqu'à Rumilly.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 23 mai [1627].

Mon très-bon et cher Père,

L'Esprit Très-Saint remplisse votre âme de ses dons sacrés !. l'eusse certes été consolée que vous nous fussiez venu prendre à Grenoble, et au moins ici ; mais, comme vous dites, mon cher Père, les bons confesseurs de nos Sœurs montrant de désirer prendre cette peine, [il] leur faut acquiescer ; mais au moins vous nous viendrez prendre à Rumilly, la veille du Saint-Sacrement, afin que nous puissions nous récréer ensemble ces Mois ou quatre heures de chemin. Bonjour, mon bon cher Père ; toute cette bénite et très-aimable communauté vous salue [43] chèrement, et moi certes avec une affection, ce me semble, toute incomparable, et comme mon cher Père, votre très-humble fille et servante en Notre-Seigneur, — Jour du Saint-Esprit.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCLXXXII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Conduite à tenir envers l'archevêque de Lyon. — Visite canonique.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1627.]

Que vous dire, ma très-chère fille, sur les menaces que Mgr l'archevêque[11] vous fait de vous donner force lois nouvelles ? Je ne crois nullement qu'il le fasse ; car sa piété et prudence sont fort grandes. Que s'il le fait, vous pourrez le prier avec votre troupe, en toute humilité, de ne point changer votre manière de vie ni vos coutumes, sous lesquelles cette petite Congrégation a pris un si saint accroissement, et a vécu avec tant de paix et de perfection, qui est la marque infaillible de la présence et assistance du Saint-Esprit ; ni aussi de ne pas accroître les lois, pour la crainte de donner des scrupules [44] et de la gêne à ces âmes, qui vivent si doucement et paisiblement dans l'observance de celles sous lesquelles Il lui a plu de nous appeler, [dans lesquelles elles] ont été instruites, et choses semblables ; car ne doutez point que Dieu ne vous inspire et maintienne.

Tout ce que vous avez à faire pour l'assurance de cette protection, c'est de bien observer nos Règles et Constitutions, et de nourrir les filles en un amour et estime très-cordial de leur manière de vie, sans jamais en vouloir décliner, ni à dextre, ni à senestre, autrement la division s'y mettrait, et tout serait perdu ; en ce cas, nous nous retirerions bientôt. Mais Dieu ne permettra jamais que cela arrive, ni sa sainte Mère, et je m'assure que quand bien Mgr l'archevêque ferait quelques changements par ordonnance, après il les retrancherait, et ne voudrait pas qu'elles fussent pratiquées. Or, enfin, il faudrait demeurer en paix.

Je serais bien aise qu'il fit la visite [canonique], et qu'elle se fit tous les ans ; car il faut tout introduire. Prenez garde à serrer les lettres qu'on vous a écrites, si vous ne désirez pas qu'il les voie, surtout celles de notre Sœur M. -Jacqueline, car ils verront tout. Ayez un grand courage, ma fille, et priez votre Père spirituel de maintenir notre Institut, jusqu'aux moindres [45] petites choses, surtout ce qui est dans les Règles et Constitutions.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCLXXXIII - À LA MÊME

Utilité des contradictions. — Condescendre au changement du Père spirituel. — Bulle d'établissement du monastère de Lyon.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1627.]

Ma très-chère fille,

« Celui qui n'a [pas] été tenté, que sait-il », et quelle est sa force ? Ne vous étonnez point, je vous prie, pour toutes ces contradictions ; Dieu les réduira à sa gloire et à notre mieux, cela indubitablement.

Je ne suis point d'avis que vous résistiez beaucoup à recevoir M. Deville pour Père spirituel, puisqu'il est très-homme de bien, et que enfin, bien qu'il eût mauvaise volonté (ce que je ne pourrais croire de lui), il ne pourra vous taire grand mal, les Constitutions étant bien approuvées, et le Coutumier bien reconnu et les filles bien affectionnées à leur saint Fondateur. Je ne voudrais pas que ce bon M. Deville, ni moins M. Mesnard, sussent que vous ayez fait difficultés d'accepter ce Père spirituel. Que si la chose est connue, et que vous sussiez probablement d'en pouvoir avoir un autre, vous feriez bien de le demander, craignant qu'il ne se ressouvint de votre refus.

Nous renvoyons le contrat et la copie, afin que l'on voie qu'il n'y a rien d'ajouté ni de diminué. Vrai Dieu ! que les hommes sont éloignés de la manière de traiter de notre bon Dieu ! M. Michel [Favre] copie tant qu'il peut la Bulle de nos [46] Constitutions ; mais parce que entre la préface et la conclusion de la Bulle, les Constitutions sont encloses, il est forcé de tout transcrire ; mais je vous les enverrai au plus tôt que je pourrai, ils verront bien par là qu'ils ne peuvent pas faire d'autres Règles aux Filles de la Visitation, et qu'il faut qu'elles observent de point en point celles qu'elles ont, sans y rien ajouter ni diminuer. — Sans doute que cette damoiselle ne serait point reçue en notre maison de Paris, ni non plus vos dames de Lyon en celle d'ici. — Je me porte bien, ma fille. Dans quatre jours, les Constitutions seront copiées, et par le premier [courrier] vous les aurez.

Quand Mgr l'archevêque vous demandera la Bulle de notre établissement, dites que feu Mgr l'archevêque nous manda qu'il l'avait obtenue, et si vous avez la lettre, montrez-la ; qu'au reste vous vous êtes en cela reposée en son soin, et contentée de ce que lui-même dit en pleine chaire, prêchant chez vous, qu'il avait obtenu cette Bulle et vous déclara que votre Congrégation était mise sous la règle de Saint-Augustin. Je sais assurément qu'il publia la même [chose] à Moulins, prêchant à nos Sœurs de là, en qualité de prélat du lieu, par le droit de régale de l'évêché d'Autun, dont il jouissait en ce temps-là. Il les déclara publiquement Religieuses sous la règle de Saint-Augustin ; et, si j'ai mémoire, il fit le même chez vous ; mais, nonobstant cela, vous ne laissez pas de l'être. Aussi, si l'on ne vous parle point de ceci, je vous prie, n'en dites mot à personne qui vive. Je ne vous le dis pour autre sujet que parce que les esprits de ce temps sont fort tracasseurs et picotent tout, et les choses même où il n'y a rien à picoter. Ma fille, faisons bien, ne nous étonnons de rien, et nous confions pleinement en Dieu, qui nous conservera et notre cher Institut, n'en doutez point, et ne craignez la menace des Constitutions nouvelles. Recommandons bien toute l'affaire à Dieu et souvent. — Je n'écris point à ce bon Père. Je n'ai su trouver un bon biais ; puis, je [47] ne pensais pas qu'ils fissent grand état de nos lettres, chacun ne m'aime pas comme vous, [ce] qui est la cause que vous trouvez bon tout ce qui vient de moi, qui suis tant et si incomparablement vôtre.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCLXXXIV - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Il ne faut pas renvoyer une novice pulmonique. — La Sainte ne choisit pour Supérieures ni les plus habiles Religieuses ni les plus parfaites, mais celles qui ont les vrais talents du bon gouvernement. — Le grand devoir des Supérieurs est de faire observer la Règle.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1627.]

Ma fille très-chère,

Il s'en faut bien garder de renvoyer la novice qui est pulmonique ; que dirait notre Bienheureux Père ? — Mais elle mourra ! — Et ne mourrait-elle pas au monde, et ne serait-elle pas bien heureuse de mourir épouse de Jésus-Christ ? Il y a encore une prétendante à Annecy qui l'est ; mais pour cela certes, elle ne sera pas renvoyée. « C'est la chair et le sang qui donnent ces conseils », disait notre Bienheureux Père. Non, il ne voulait point que les filles fussent renvoyées pour aucune infirmité corporelle, excepté les contagieuses. Soyons fermes en tout, et inflexibles à conserver ce que nous avons reçu de notre saint Fondateur ; je sais que vous le voulez absolument.

Vraiment non, je vous assure que je ne choisis pas les habiles filles pour être Supérieures, non plus que celles qui sont excellentes en vertu, ains celles à qui je vois que Dieu a donné [48] les vrais talents du bon gouvernement. J'ai éprouvé les habiles et parfaitement admirables selon le jugement du monde, et qui étaient pieuses ; j'ai éprouvé les âmes toutes saintes, et de toutes deux je ne me suis pas bien trouvée, quand elles n'ont pas le don de savoir gouverner, ou qu'elles manquent à la vraie humilité, prudence et sincérité dues à l'Institut ; mais ayant cela, encore qu'il y ait d'autres imperfections particulières, desquelles je vois qu'elles tâchent de s'amender, je ne laisse de les mettre en charge, à l'exemple de mon saint Père qui en usait ainsi, sous l'espérance que Dieu y donnerait sa bénédiction. Ce Bienheureux regardait encore, dans les filles que l'on veut mettre Supérieures, aux talents extérieurs, « pour satisfaire et donner quelque attrait et goût aux séculiers », disait-il.

Votre réponse à Mgr l'archevêque est bonne, excepté qu'au lieu de se soumettre à contrevenir en ce point de la Constitution, s'il le commandait, il le fallait très-humblement supplier d'agréer que vous continuassiez en votre observance, laquelle vous obligeait de montrer tous les ans vos comptes à votre Supérieur, quand il lui plaît de les voir, ou à celui qui fait la visite, et non à aucun autre, par obligation ; car, ma très-chère fille, il faut qu'avec une humble fermeté, nous conservions nos observances ; autrement, après avoir fait brèche à l'une, tout se dissipera. Pour Dieu, soyons les plus soumises du monde à nos Supérieurs, en tout ce qu'ils désireront de nous, qui ne sera pas contre notre Institut ; mais gardons la fidélité que nous devons aux ordonnances de notre Instituteur. Nos Supérieurs ne sont nos Supérieurs que pour nous faire observer cola, et non pour le détruire. Que serait-ce, si chacun voulait faire des changements ? et que deviendrait l'Institut de la Visitation ? Il changerait bientôt de face. Ma très-chère fille, soyons invariables en notre fidélité ; après les petits dérèglements, les grands suivent. C'était ce que notre saint Fondateur nous a si souvent [49] recommandé, de ne décliner en rien, on bien que tout se dissiperait bientôt. J'écris à nos maisons pour leur recommander la persévérance, et la conservation de leur sainte union. Je fais, je dis ce que la conscience me dicte, et ce que je sais ou sens être des intentions de notre Bienheureux Père ; après, j'en laisse le soin à la divine Providence. Et quant aux risées et moqueries du monde, elles s'évanouiront bientôt ; car je suis indigne de souffrir leur durée ; il se faut donner garde que nous ne les causions pas nous-mêmes.

Je salue toutes vos chères filles, mais surtout nos bonnes anciennes. Dieu nous garde selon son Cœur. Votre etc.

LETTRE DCCLXXXV - À LA MÈRE MARIE-ADRIENNE FICHET

SUPÉRIEURE À RUMILLY

Avec quelle douceur une Supérieure doit exercer sa charge ; responsabilité qui pèse sur elle. — Humilité de la Sainte.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1627].

[Les premières lignes sont illisibles.] Quant à vos tentations, divertissez-vous-en, et vous faites violence pour cela ; mais il faut que la violence soit douce, quoique forte. Vous voyez, ma fille que la voie par oit l'on vous conduit est douce et suave, néanmoins ferme et solide. Dieu a caché le prix de la gloire éternelle dans la victoire et mortification de nous-mêmes, mais toujours avec douceur, car autrement votre naturel prompt vous ferait souffrir et les autres aussi. Enfin, la douceur fait une grande partie du gouvernement ; et je vois tous les jours que la bonté, douceur et support, accompagnés de générosité, peuvent [beaucoup] autour des âmes. Vous savez que Dieu m'a donné un amour tout particulier pour la vôtre, et me semble que votre maison est un de nos dortoirs, ou corps de logis de céans. [50]

Comment, dit-on, vous n'avez pas bonne fortune dans votre maison, parce que vous êtes souvent affligées ? Voilà le langage du monde, mais Dieu en a bien un autre ; car c'est une grande marque de sa bénédiction sur une maison, quand elle est visitée de quelque tribulation, sans qu'il y ait de l'offense de Dieu, comme il n'y en a point au décès de vos Sœurs ; mais au contraire, Dieu s'y glorifie, parce que ces chères âmes vont au ciel pour le glorifier à jamais. — Au reste, prenez de plus en plus garde que vos collections ne soient point trop âpres, cela ne serait ni bienséant, ni utile. Ceux qui ont charge des autres ne peuvent pas dire pour l'ordinaire comme saint Paul : « Je suis innocent de votre sang », cela veut dire, des fautes que ce peuple commettait. Mais nous, au contraire, nous sommes ordinairement coupables, tant pour nos propres fautes que pour celles des autres ; ou pour avoir trop corrigé, ou pour avoir trop toléré ; ou pour avoir fait les corrections trop âprement, ou pour les avoir négligées, et n'y avoir pas mêlé le sucre de la sainte charité.

Au reste, ma très-chère fille, voilà l'argent de la robe neuve que vous m'avez envoyée, et je vous supplie qu'à la première occasion l'on nous envoie l'usée que nos Sœurs ont gardée. Elles ne sauraient rien faire qui me touche tant le cœur que ces signes extérieurs d'une sainteté imaginaire en moi : ce sont des pièges que le diable me tend, pour me faire tomber dans l'abîme de l'orgueil. Je suis déjà assez faible, et me suis à moi-même un assez grand sujet de ma perte, sans qu'on m'en donne davantage. Je vous supplie donc toutes de ne me plus servir d'occasion d'une si dangereuse tentation ; et si quelqu'une a quelque chose de moi, qu'elle m'oblige de le brûler. Plût à Dieu que mes Sœurs me traitassent comme je le mérite devant Dieu ; alors j'aurais quelque espérance, par les humiliations, de devenir ce que l'on s'imagine que je suis ; mais de me donner de continuels sujets de vanité, ce m'est [51] chose insupportable : je vous le dis, la douleur dans le cœur, et la larme aux yeux. Les bonnes N. N. sont bien heureuses d'avoir tant d'abjections extérieures, je les en chéris davantage, et les en estime plus grandes devant Dieu, les jugements duquel sont bien différents de ceux des hommes. Votre...

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCLXXXVI - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Se réjouir dans les persécutions. — Prière de justifier la conduite de la Mère Favre. — La Mère de Blonay doit préparer sou départ de Lyon.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 8 juin [1627].

Oh ! ma très-chère fille, si nous sommes vraies servantes de Dieu, il nous faut préparer à bien recevoir de plus grandes contrariétés et persécutions, quoique celles-ci soient assez prégnantes, et la calomnie contre la pauvre grande fille[12] fort piquante ; mais, grâce à Dieu, tout cela étant sans fondement ni vérité, n'avons-nous pas sujet d'accomplir la parole de notre bon Dieu, qui dit à ses disciples : « Quand le monde dira du mal de vous en mentant, réjouissez-vous fort. » C'est ce que je vois que vous faites, dont je bénis Dieu, et la grande fille aussi, [52] laquelle m'écrit qu'elle n'a pas eu un premier mouvement de désagrément de tout ce qu'on a dit et fait contre elle et ce pauvre établissement de Bourg. Certes, cette âme-là n'est pas connue ; mais je la tiens pour fort humble et dépendante de Dieu. Elle m'écrit qu'elle jouit d'une paix extraordinaire parmi celle persécution, et qu'en cette occasion vous leur avez témoigné une charité très-grande. II faut bien faire en sorte, surtout, qu'elle soit laissée là encore pour autant de temps qu'il sera requis pour l'entier établissement de cette maison. Ce n'est pas l'intention de Mgr [de Genève] de l'y laisser longuement, et [nous] serons contraintes de l'en retirer plus tôt que je ne voudrais ; vous en verrez les raisons dans celle que je lui écris. Et pour vous, ma très-chère fille, certes nous aurons bien besoin que la première maison de Lyon, et la seconde si elle se fait, se puissent passer de vous après votre triennal achevé ; car nous avons bien de quoi vous employer ailleurs, et voire, nécessité. J'espère que ces chères âmes, que vous avez nourries avec tant de soin, conserveront fidèlement l'esprit de notre saint Fondateur, que Dieu leur a donné par votre entremise ; qu'elles hériteront, ou, pour mieux dire, garderont vos affections, vos maximes et votre manière de procéder, pour les suivre en tout et partout, et qu'elles ne se départiront jamais de la sincère et cordiale union que Dieu a mise entre nous et elles. Mais, entre ci et là, j'espère que nous nous venons, Dieu aidant, pour parler de ceci avec mûre considération. [53]

Ma Sœur de Vigny et M. votre confesseur ont voulu que j'écrivisse à M. Mesnard, ce que j'ai fait, et tout ce que je lui dis, c'est avec sincérité, bien que je dissimule de savoir ce qui s'est passé, parce que ce n'est pas le temps d'en parler encore : s'il le faut faire un jour, il faudra que ce soit en présence.

Ne doutez point, personne ne verra vos lettres ; mais, je vous prie, quand l'occasion se rencontrera, de rendre une bonne fois témoignage de la vérité de votre procédé et du nôtre, à ceux à qui vous le jugerez à propos, particulièrement en ce qui regarde cette grande fille, qui ne courut jamais. Où elle est allée [à Montferrand] ; ç'a été, comme vous savez, par le commandement de notre Bienheureux Père, et le reste que vous savez. Pour moi, ma fille, je dis qu'ils en ont trop peu dit. Vous verrez pourtant ce qui est de la vérité et de mon sentiment dans celle de ma Sœur de Vigny. Je salue nos très-chères Sœurs avec vous, ma fille, je dis, ma vraie fille très-chère de mon cœur, à qui je suis sans réserve toute, et du cœur que Dieu seul sait, dont II soit béni, et vous bénisse de la grâce de ce pur amour que nous désirons tant ! Amen.

Conforme à l'original garde aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCLXXXVII - À LA SŒUR ANNE-MARIE DE LAGE DE PUYLAURENS

ASSISTANTE ET MAÎTRESSE DES NOVICES À BOURGES

Une Religieuse ne doit pas s'inquiéter des choses dont elle n'est pas chargée. — Conseils de direction.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 22 juin [1627].

Ma très-chère fille,

Je suis autant consolée de la sainte lumière que Dieu vous donne, pour conduire vos novices avec l'esprit de douceur et suavité qui est la vraie voie et celle que nous devons suivre, [54] comme je suis mortifiée de savoir que nos Sœurs professes de votre monastère se mêlent de syndiquer votre conduite douce. Pour Dieu, qu'elles attendent qu'on leur donne les charges pour s'en mêler, et cependant quelles se tiennent en paix. Mais, ma très-chère fille, encore faut-il supporter ces petites contrariétés et les négliger, allant toujours notre train. Dame ! céans aucune Sœur n'oserait lever la langue pour trouver à redire à ce que les autres font, surtout la directrice, sinon celles qui ont charge de le faire.

Suivez donc, ma très-chère fille, la lumière que Dieu vous donne ; car je vois que c'est la vraie voie de la perfection de conduire les âmes avec une grande dilatation de cœur et non avec rétrécissement ; par amour et non par la crainte. Notre Directoire est tout sur cet esprit ; il vous fournira tout ce qui sera requis pour cette charge si importante ; et je vois que tout va bien, selon que vous m'écrivez, mais je dis très-bien. Persévérez avec un grand courage, gaiement ; tenez l'esprit de vos filles content, et assurez-les de notre bienveillance. — Ne vous mettez point en peine de votre assoupissement à l'oraison ; cela vient du corps : Notre-Seigneur ne laisse de recevoir votre assiduité en sa présence. Abandonnez-vous bien à sa très-sainte volonté, et vous appliquez généreusement à bien dresser ses petites servantes et épouses : Il vous en récompensera bien. — Si le médecin juge qu'il soit requis de faire décharger notre Sœur la Supérieure du jeûne, il en faut parler à Mgr l'archevêque.

Bonsoir, ma chère fille, je salue votre bon cœur de toute l'affection du mien et vos chères Sœurs novices ; Dieu les fasse cheminer fidèlement en leur voie avec une véritable humilité et sincérité, et vous comble toutes de ses grâces. Je suis toute vôtre en Notre-Seigneur. Qu'il soit béni. Amen.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Poitiers. [55]

LETTRE DCCLXXXVIII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Moyens de conserver l'union entre les monastères. — Conseils au sujet d'une fondation que projetait la communauté de Saint-Étienne.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 24 juin [1627].

Ma très-chère fille,

Je vous vois toujours aux alarmes de ce conseil, lequel, en effet, doit être fort éloigné de vous. Oh bien ! ne soyez point en peine, je vous prie, Dieu est fidèle, auquel on a seul regardé en toute la conduite de cette affaire, et les seules intentions de notre Bienheureux Père y ont été employées et suivies. Il est vrai que nous ne les savions pas toutes ; car il me dit à Lyon, lorsqu'il résolut de laisser notre Compagnie comme elle était, sous les évêques, qu'il mettrait beaucoup de bons moyens pour tenir les monastères unis, et qu'il s'assemblerait à Saint-Joseph[13] avec ces grands Pères Jésuites pour aviser à tout ; et, dès là, je m'en allai et ne sais ce qui se fit depuis. C'est pourquoi nous avons perdu cela, qui est une grande perte pour nous ; mais Dieu en aura tant plus de soin, s'il lui plaît, si nous sommes unies en parfaite observance.

Je remets à nos Sœurs à vous dire tout pour la fondation de Saint-Étienne[14] ; je trouve qu'il sera fort bon que notre Sœur N. *** n'y soit employée qu'elle n'ait fait ses trois ans ; et enfin, s'il la faut accepter ou non, il s'en faut rapporter à l'avis de vos Supérieurs et de vous. C'est un lieu qui n'est pas à rejeter à cause du collège. Dieu soit béni. Sans loisir. — Jour de saint Jean.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [56]

LETTRE DCCLXXXIX - À LA MÊME

Les contradictions sont de grandes grâces. — Impression de deux Brefs concernant l'Institut. — Seconde édition des Épîtres de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 25 juin [1627].

Je ne voudrais pour rien du monde que vous n'eussiez eu l'exercice que l'on vous adonné. Oh ! que telles rencontres sont profitables ! Ma très-chère fille, j'espère que cela vous vaudra devant Dieu, et vous rendra mieux disposée à tirer plus grand profit de semblables occasions, si Dieu vous en renvoie. Qu'il soit béni en la tempête et au calme, et partout ! Sa Bonté nous fasse tenir très-humbles et très-jointes à sa sainte volonté !

Je suis très-aise que l'on vous continue M. de la Faye : c'est un grand bien pour votre maison, surtout puisqu'il s'est fait par l'entremise d'un autre- car il nous faut garder, tant que nous pourrons, de mécontenter personne, ni montrer de la défiance. Dieu bénisse ce bon Père Minime ! j'ai confiance que sa charité lui sera bien récompensée ! — Puisque les affaires de Bourg et de votre maison de Lyon sont à couvert, il ne sera qu'à propos de parler de la seconde maison ; mais il faut attendre quelque bonne ouverture. — Mgr de Bourges sera ici dimanche,[15] Dieu aidant. Il m'écrit qu'il est piqué du procédé de Mgr votre archevêque et qu'il lui en fera reproche, car il lui avait fait donner parole, et à M. Berger, qu'il établirait sans [57] difficulté nos Sœurs de Bourg, et permettrait la seconde maison à Lyon. Oh bien ! tout s'adoucira.

Voilà les Brefs du saint petit Office et de l'approbation des Constitutions. Je vous prie, ma fille, faites-les imprimer, mais si correctement qu'il n'y ait rien à dire, et encore plus fidèlement, en sorte que vous tiriez toutes les feuilles, et que cela ne soit vu que de ceux qu'il sera nécessaire de l'être. Faites-en tirer seulement cent cinquante ou deux cents copies, et que M. Cœursilly montre en cette occasion son affection et sa fidélité, je l'en prie. M. Michel [Favre] dit ce qu'il faut observer. Après quoi vous nous renverrez toutes les copies pour les faire ici collationner sur l'original et authentiquer par des notaires, comme il faut, puis nous les distribuerons à nos maisons. Ne vous fiez qu'à peu de gens, et tenez vos affaires à couvert, tant que vous pourrez. Je vous dirai [bientôt] une chose qui vous confirmera en ce que je vous dis et qui vous étonnera. Oh ! que les hommes sont chétifs et de peu de fiance [confiance] ! Dieu nous fasse la grâce de nous appuyer en Lui seul ! Je vous recommande cette besogne, de l'impression de ces Brefs, avec toute l'affection que je puis, comme une affaire qui mérite d'être bien faite. Je me confie toute en votre soin et vigilance.

Voilà les Épîtres rangées comme il faut. Je vous prie que l'on n'y touche point du tout, et que M. Cœursilly ait soin que l'on ne gâte point l'ordre, et qu'elles soient imprimées correctement avec les observances [observations] que M. Michel marquera. Adieu, ma vraie unique très-chère fille. Dieu vous fasse vivre toute en Lui et de sa très-sainte volonté, et toutes nos chères Sœurs que j'aime bien !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [58]

LETTRE DCCXC (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-CONSTANCE DE BRESSAND

SUPÉRIEURE À MOULINS

La fondation de Charlieu doit être acceptée. — Éprouver sérieusement la vocation d'une Religieuse sortie d'un autre Ordre. — La Supérieure ne peut permettre des entrées inutiles dans son monastère.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], juin 1627.

Ma très-chère fille,

J'ai reçu vos deux dernières lettres quasi en même temps. Je n'ai quasi rien à vous dire sur la fondation de Charlieu, parce que je ne connais pas le lieu ; pourvu que le temporel nécessaire à un monastère s'y trouve, ce sera assez, et certes nous sommes très-obligées à Mgr de Mâcon de la bonté et sainte affection qu'il nous témoigne, et nous lui devons correspondre avec tout le respect et soumission qu'il nous sera possible. Vous ne deviez pas attendre ma réponse pour lui donner parole assurée, car tout ce qui est requis en telles occasions, ma très-chère fille, est de bien suivre le Coutumier. Ce m'est consolation de savoir les fondations qui se font ; les filles, que vous m'écrivez pour y employer, seront, à mon avis, très-bonnes, et c'est à quoi il faut particulièrement prendre garde.

Pour cette dame sortie de Religion, vous ferez très-bien de ne vous engager point de parole qu'elle n'ait été bien éprouvée. Vous la pourrez recevoir en votre maison, pour être exercée en la manière de vie qu'elle veut embrasser ; et sera beaucoup mieux, de vrai, qu'elle fasse son essai à Moulins qu'en une autre maison. — Je ne suis nullement de ce sentiment qu'on fasse entrer les dames Religieuses passantes, dans nos maisons, et crois qu'en conscience les Supérieurs ne le peuvent permettre, et que l'on contrevient à la clôture. C'est pourquoi vous ferez fort bien de vous en faire écrire un mot de lettre à M. le [59] grand vicaire, par lequel il vous défende de ne point souffrir telles entrées. — Il ne faut point douter, ma très-chère fille, qu'il ne faille préférer les filles qui ont des dispositions hors du commun, et en cela il ne faut point écouter la prudence humaine. Il y a toute apparence, et je l'espère fermement, que nous nous verrons en ce mois de septembre, Dieu aidant. Je crois que Mgr de Bourges arrive ce soir à Nantua ; le temps nous est bien long de sa venue.

Je pense que voilà vos lettres répondues, quoique brièvement, n'ayant pas de loisir. Si j'avais loisir, j'eusse écrit un billet à notre chère Sœur M. À., mais l'espérance de la voir bientôt, et la presse de ce messager de Bourg qui va à Lyon pour affaires importantes, m'occupent trop. Ma très-chère fille, saluez-la chèrement de ma part et toutes nos Sœurs, mais surtout notre bon Père Binet. — Oh Dieu ! que ma Sœur Marie-Aimée [de Morville] sera heureuse si elle fait ce qu'elle m'écrit, de croire entièrement ce digne serviteur de Dieu ! La divine Bonté lui en fasse la grâce. Croyez, ma très-chère fille, que mon âme chérit la vôtre très-parfaitement et avec une dilection très-particulière et cordiale. Je n'aurai pas moindre consolation que vous en notre entrevue. Tout soit à la seule gloire de Dieu, qui soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Voiron. [60]

LETTRE DCCXCI - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

La fondation du second monastère de Lyon est résolue.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1627.]

Ma très-chère fille,

Je loue et bénis Dieu de la résolution de voire seconde maison ; c'est un coup de la toute-puissante main de Dieu et dont II retirera sa gloire. Laissez la conduite de toute celle affaire à M. le grand vicaire, à M. de Saint-André et autres de nos amis ; mais surtout pour le choix de la place, ils la choisiront beaucoup mieux que nous ne saurions faire, et ne m'attendez point pour cela. Regardez même de parler fort peu de moi, puisque vous savez que l'on y a un peu d'aversion. Je n'écris [pas] maintenant à M. de Saint-André, ni au Révérend Père Morand, parce qu'il m'est impossible de toute impossibilité ; mais je leur écrirai celle semaine où nous sommes, puisque vous le voulez.

Pour votre curiosité, vous verrez ce que j'écris à ma Sœur la Supérieure de Saint-Étienne. Et même voilà sa lettre que je vous envoie. — Certes, nous sommes bien occupées maintenant, mais cela ne nous lasse point, puisque c'est pour la gloire de Dieu et de son très-humble serviteur. Adieu, ma très-chère fille, et à toutes nos Sœurs. Dieu vous remplisse de Lui-même.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [61]

LETTRE DCCXCII (Inédite) - À LA SŒUR JEANNE-FRANÇOISE LE TELLIER

ASSISTANTE À ORLÉANS[16]

Sollicitude pour la Mère Joly de la Roche ; désir d'avoir de ses nouvelles.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 1er juillet [1627].

Mon Dieu ! ma chère fille, que le temps me sera long d'ici que je reçoive de vos nouvelles, car vos dernières me mettent en grande peine pour le surcroît de l'indisposition de ma pauvre très-chère et bien-aimée fille ; j'espère toutefois en la divine Bonté, qui la conservera encore pour sa gloire, et que je recevrai la chère consolation de la voir. Nous partirons, Dieu aidant et sans remise pour tout le mois de septembre, pour aller à vous ; cependant, quoi qu'il arrive, il faut demeurer très-humblement soumise au bon plaisir de Dieu, et faire fidèlement et soigneusement ce qui est de la charge, conduisant la communauté avec douceur, dans son train ordinaire. Dieu sera avec vous, ma très-chère fille, afin que vous n'erriez point. Soyez humble et pleine de confiance. J'attendrai cependant de [62] vos nouvelles avec un peu de soin de cette chère malade, que je prie Dieu de vous conserver.

Je salue très-humblement M. Boucher et toutes nos chères Sœurs. Sa divine Bonté répande en abondance ses plus saintes bénédictions sur vous toutes. Je suis de cœur toute vôtre, ma chère fille.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation d'Angers.

LETTRE DCCXCIII - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À AUTUN

Le manque de sujets capables et la trop grande pauvreté doivent faire retarder une fondation. — Difficultés de celle de Cluny.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 1er juillet [1627].

Ma très-chère fille,

Votre incomparable bonté et soumission, dont vous avez rempli votre lettre, me confondent. Hélas ! ma très-chère fille, il ne me faut plus aucune parole pour m'assurer de la totale union de votre esprit avec le mien. Dieu en a gravé la certitude en mon âme, de sorte que rien ne la peut effacer, non plus que l'assurance de votre zèle à l'Institut. C'est la vérité que je crains toujours deux choses ès établissements : le manquement de filles capables pour servir de solide fondement à l'esprit de la Visitation, et la trop grande pauvreté. Par bonheur, sitôt que j'eus reçu et lu votre lettre, qui est ce matin, Mgr de Bourges et M. de Vitry, comte de Saint-Jean de Lyon, qui a apporté votre paquet, comme je crois, sont venus ; et comme ils connaissent le lieu de Cluny, je leur ai demandé si nous y serions bien. Ils m'ont dit que oui, pourvu que l'on eût [63] quelque chose pour l'entretien des filles ; qu'il ne se fallait pas fier à la ville, qui était pauvre.

Voilà, ma très-chère fille, ce que j'ai appris de ces messieurs. J'ai vu vos permissions qui sont bonnes, et l'incomparable ardeur de madame de Chauvigny. Je trouve la place, comme elle l'a dépeinte, fort belle et à bon marché ; mais qui la payera ? O ma fille, je laisse cet établissement tout à fait à votre soin et conduite. Il faut espérer que la divine Providence y versera ses bénédictions, comme sur les autres maisons. Tout ce qui me reste de peine, c'est pour une Supérieure : considérez bien si notre Sœur M. -Philippe [de Pédigon] pourra faire utilement cette charge. Je vous en laisse la connaissance ; car je n'en puis juger à cause du peu de connaissance que j'ai de son esprit. Envoyez là des meilleures filles que vous ayez, et peu, afin qu'elles ne soient si chargées, ou au moins envoyez-y quelqu'une qui porte sa dot, si vous pouvez. Vous ferez bien d'y envoyer notre Sœur des Marins, et une des filles de Chauvigny, bien que cela ne manquera pas. Mais ne vous arrêtez point à ce que je vous dis ; ains faites selon que Dieu vous l'inspirera, et que vous jugerez pour le mieux. Bien que votre maison d'Autun demeure un peu faible de filles, je ne m'en soucie pas ; car, avec l'aide de Dieu et votre présence, il n'y a rien à craindre.

Si vous ne jugiez pas que vous eussiez de Supérieure capable, peut-être que la Mère de Moulins pourrait en donner une, non pas notre Sœur [mot illisible], mais une autre dont j'ai oublié le nom, qui est de fort bonne maison et fille faite. Vous devinez bien son nom ; elle a été scrupuleuse, mais elle ne l'est plus. Voilà toutes mes pensées sur ce sujet, suppliant notre bon Dieu de bénir cette œuvre, comme je l'espère de sa bonté, que je supplie vous combler de son pur amour avec toutes nos Sœurs.

Nous voici bien occupées pour les affaires de notre Bienheureux Fondateur ; cela me retiendra encore ici une couple de [64] mois au plus. Faites fort prier Dieu pour cela. — Il me vient en pensée que si notre Sœur des Marins était bien fondée en l'esprit de notre Institut, il n'y aurait point de mal delà mettre en charge. Je laisse tout à votre jugement ; et, fort pressée que je suis, je finis et demeure entièrement vôtre, mais je dis de tout mon cœur et sans réserve. Mille saluts à votre cher cœur et à toutes nos Sœurs.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCXCIV - À UNE DAME

À LYON

Elle lui demande sa coopération pour l'établissement du second monastère de Lyon.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1627.]

Madame,

Notre chère Sœur la Supérieure de Lyon m'écrit qu'elle a bonne espérance d'obtenir de Mgr l'archevêque la licence d'établir encore une de nos maisons à Lyon. Véritablement, il semble que la divine Providence veuille être servie et glorifiée en cela, puisqu'elle donne des mouvements d'une sainte retraite parmi nous à tant de bonnes âmes, qui ne sauraient parvenir à leur prétention sans ce bien-là ; c'est pourquoi, secondant leurs saintes intentions, ou plutôt celles de notre bon Dieu, je vous conjure, Madame, d'embrasser ce dessein de toute l'étendue de vos affections et de votre autorité ; car je sais que, pour plusieurs justes raisons, vous avez tout pouvoir en cette grande ville ; et je me confie pleinement en votre bonté et en la sainte affection que vous avez toujours eue pour nous, que vous le ferez de tout votre cœur, que les nôtres honorent et chérissent [65] avec tout l'honneur et sincérité qui nous est possible, votre piété nous ayant étroitement obligées. Je ne redoublerai point mes prières, sachant que le zèle que Dieu vous a donné de sa gloire vous portera à faire tout ce qui sera de votre pouvoir pour l'exécution de cette bonne œuvre. Je prie Dieu, Madame, d'accroître journellement son pur amour en votre bénite âme et jusqu'au comble de la perfection où sa Providence vous appelle. En cette affection, je demeure invariablement et de tout mon cœur, Madame, votre très-humble, etc.

LETTRE DCCXCV - À LA MÈRE MARIE-ADRIENNE FICIIET

SUPÉRIEURE. 1 RUMILLY

Les fautes des âmes faibles doivent servir d'instruction aux plus parfaites. — C'est une tentation que de penser n'être pas en grâce avec Dieu.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 3 juillet [1627].

Ma FILLE,

Mais je dis de tout mon cœur, ma fille très-chère, souffrez ma brièveté, car mes yeux ne veulent pas me laisser écrire ; et bénissez Dieu, derechef avec moi, de la miséricorde qu'il a faite à votre pauvre Sœur l'assistante. Il fallait que, par cette conduite de la Providence paternelle de notre bon Dieu, tout son tracassement fût découvert, afin qu'il fût mieux guéri, et que toutes les autres en tirassent profit, et reconnussent plus clairement voire cœur et ce que Dieu a mis en vous ; et me croyez, ma fille, que je crois que ma conduite en toute cette affaire a été guidée de Dieu, au moins [je] n'y recherchais que Lui et sa gloire en ses servantes. Vous pouvez penser que je ne manquais pas de douleur parmi tout cela ; car je suis fort jalouse de la perfection de nos maisons. Je digère tout cela entre Dieu et mon âme, et devez vous assurer que je n'ai rien dit [66] ni fait contre vous, car en telle occasion, je me tiens ferme du côté qu'il faut. Que si je ne le vous dis pas, croyez que ce n'était [pas] faute de confiance, Dieu m'en ayant donné beaucoup pour vous et une fort grande affection ; mais Dieu ne me suggéra pas de le faire. Demeurez en paix de ce côté-là.

Vous avez sujet de vous contenter, et n'admettez point, je vous prie, ces pensées, que vous n'êtes pas en grâce : ce sont de vraies tentations du diable, qui vous veut troubler et abattre l'allégresse de votre esprit, et, par ce moyen, vous rendre moins utile à votre chère petite famille, qu'il est marri de voir que vous cultivez courageusement. Croyez-moi donc, ma fille, et m'excusez. Je salue toutes nos Sœurs, surtout votre chère âme, et nos anciennes. Dieu répande ses bénédictions sur toutes et soit béni !

[P. S.] Gardez-vous bien de mettre votre Sœur l'assistante au noviciat. — Que nos Sœurs qui m'ont écrit m'excusent ; je ne puis écrire. Faites prier pour une affaire qui regarde l'Institut.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCXCVI - À MONSIEUR LE BARON DE CHANTAL

SON FILS

De quelle prudence user envers Mgr de Bourges. — Il faut toujours se tenir prêt à paraître devant Dieu.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, juillet 1627.]

Mon très-cher fils,

J'ai été si fort occupée dès l'arrivée de Mgr de Bourges, que je n'ai su prendre le loisir de vous écrire. J'ai considéré votre lettre, et ai vu que vous prenez à cœur des choses que je ne [67] trouve point considérables. Mon très-cher fils, il faut que nous adoucissions les passions et ardeurs de notre esprit, et que dorénavant nous regardions plus à nous contenter du bien reçu de notre bon Dieu et de Mgr votre oncle, que d'en souhaiter trop ardemment de nouveau, puisque en vérité il est plein d'une très-bonne affection pour vous ; mais vous savez qu'il craint seulement l'ombre d'être pressé et importuné, et que rien ne le rebute tant que cela. Soyez seulement attentif à lui rendre l'honneur et l'amour que vous lui devez, et vous verrez qu'avec l'aide de Dieu vous obtiendrez ce que vous me témoignez d'en désirer ; mais je trouve à propos d'attendre que nous soyons cet hiver à Paris, pour traiter de cette affaire. Il m'a dit, ce bon seigneur, qu'il gardait des bénéfices pour six mille livres de rente, pour un fils, si Dieu vous le donnait.

Au reste, mon fils, vous voilà parmi les hasards de la guerre,[17] à ce que ma fille, votre femme, m'écrit ; cela me rendra plus attentive devant Dieu pour vous. Et en tout lieu et en tout temps, un moment de vie ne nous est point assuré ; mais où sont les périls éminents, il y a encore moins d'assurance : c'est pourquoi je vous prie et vous conjure, mon très-cher fils, d'avoir un soin extraordinaire de votre âme, de la [68] mettre et tenir en bon état, et telle que nous voudrions qu'elle fût à l'article de la mort. C'est un passage qu'il faut que tous les hommes fassent ; l'importance est de le faire en la grâce de Dieu ; et pour cela il faut tâcher de s'y tenir, vivant en sa sainte crainte et obéissance à ses commandements. Mon très-cher fils, je désire qu'en ceci soit votre principal soin et affection ; tout le reste n'est que fumée qui se dissipe et évanouit de devant nos yeux ; mais la grâce nous rend heureux en ce monde et nous assure la félicité de la glorieuse immortalité, qui est le souverain bien auquel la raison seule nous devrait faire aspirer incessamment et au mépris de tout le reste. C'est là, mon très-cher fils, le vrai bien et la bonne fortune que je vous désire, et que je prie Dieu sans cesse de vous donner. Voilà les souhaits de votre mère, qui vous chérit comme son propre cœur, et s'estimerait heureuse de mourir pour vous acquérir la grâce de vivre dans l'observance des divins commandements, et de posséder enfin le bien incompréhensible du Paradis. — Je vous prie, écrivez à Mgr votre oncle le plus que vous pourrez. Dieu vous tienne sous sa divine protection, mon très-cher fils !

LETTRE DCCXCVII - À MADAME LA BARONNE DE CHANTAL

SA BELLE-FILLE

Inquiétudes maternelles au sujet des périls que court le baron de Chantal. Espoir d'une prochaine entrevue.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1627.]

Que direz-vous, ma très-chère fille mon enfant, de ce que j'ai tant tardé à vous écrire ? Certes, j'ai eu tant d'occupations dès l'arrivée ici de notre très-cher Mgr l'archevêque [de Bourges], que je n'ai su prendre cette consolation : il travaille à bon escient après cette sainte besogne qui nous l'a attiré en ce pays. Il vous chérit plus qu'il ne se peut dire, et votre mari et toute votre chère maison. Je voudrais que mon fils fût un peu plus soigneux de lui écrire ; il fut en peine sur ces bruits de guerre de ce qu'il deviendrait, et consolé quand il sut où il était.

Oh ! ma très-chère fille, je ne doute point que votre pauvre cœur ne soit en peine de le sentir dans les hasards de la guerre : certes, quand j'y pense, j'en ressens aussi. Croyez que je prie plus soigneusement que jamais pour lui, et j'ai confiance que Dieu le tiendra en sa divine protection, et que, quoi qu'il arrive, sa Bonté le recevra entre ses mains paternelles, qui est mon principal désir, afin que tous ensemble nous puissions nous voir en cette éternité de gloire, où, en louant Dieu, nous jouirons encore d'une perdurable société les uns avec les autres. Voilà, ma très-chère fille, toute mon ambition pour mes chers enfants.

J'espère que nous partirons pour aller à Orléans dans cinq semaines ; mais peut-être que le temps du voyage sera un peu long, puisque je rencontrerai en mon chemin plusieurs de nos maisons. Tout cela n'est rien, puisque l'espérance de voir ma très-chère fille est hors de toute inquiétude, avec la grâce de Dieu, que je supplie vous conserver avec votre petite bien-aimée et toute votre honorable famille, que je salue très-humblement et chèrement, mais surtout madame ma très-chère sœur, et mademoiselle votre sœur ma chère fille, que je chéris de tout mon cœur, et toutes vos filles qui étaient avec vous en Bourgogne, je les salue aussi.

Quant à la petite fille de la pauvre Claudine, elle est bien jolie fillette, mais elle n'a que dix ou onze ans ; c'est la filleule de feu ma fille de Thorens. Faites-moi savoir au plus tôt si vous la voulez maintenant ; nous l'enverrions avec sa sœur chez ma fille de Toulonjon, où vous l'enverriez prendre. Adieu, ma [70] très-chère fille, jusques à vous revoir, faites-moi savoir des nouvelles de mon fils. Je suis certes toute vôtre, ma très-chère fille, que j'aime uniquement.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCXCVIII - À LA MÈRE MARIE-FRANÇOISE HUMBERT

SUPÉRIEURE À ÉVIAN

Le prince de Savoie approuve le transfert de la communauté d'Évian à Thonon, — Confiance en Dieu. — Choix d'un confesseur.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1627.]

Ma très-chère fille,

Le départ de M. de Blonay nous surprend ; mais je ne puis le laisser partir sans envoyer à M. Pioton la lettre de Mgr le prince [Thomas de Savoie] pour votre établissement à Thonon.[18] Je n'ai loisir de lui écrire. Hélas ! ma très-chère fille, j'espère que par ce moyen vous serez un peu mieux et que Dieu me donnera la consolation de vous voir. Cependant, il faut toujours avoir bon courage de persévérer en parfaite confiance en cette Bonté divine qu'elle vous aidera. Puisque le spirituel de votre maison va bien, le reste viendra après. Notre-Seigneur n'a garde [71] de manquer aux âmes qui ont soin de le servir ; sa promesse y est engagée. Notre Bienheureux Père disait [que] « où la volonté de Dieu était faite, le pain quotidien ne manquerait jamais » ; j'ai certes cette confiance.

Puisque les Pères de la Mission ne veulent ni dire votre messe, ni confesser, je pense que Mgr ne les continuera pas. Pour nous, en vérité, il nous est impossible d'y plus rien fournir ; mais il n'en faut encore rien dire. — Nous avons la dot de notre Sœur de Ligny ; vous aviserez ce que l'on en fera. La fille de Grenoble n'est point venue. Je pense que ce serait bien fait de se délivrer de ces filles, en faisant vendre le bien ; cela est trop pénible. — Je vous donne le bonjour, ma très-chère fille. — M. Grelat attend votre réponse, savoir si vous le prendrez pour confesseur. Sa sœur qui est ici n'est guère propre pour nous ; elle a [reçu] l'habit il y a un an. Mandez-nous ce que nous ferons d'elle ; nous la garderons bien ainsi, mais de la faire professe, si elle ne change pas, il n'y a pas moyen. Mille saluts à toutes nos Sœurs. Ma très-chère fille, je suis vôtre sans aucune réserve.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCXCIX - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Ne pas s'inquiéter de l'opinion des hommes. — On peut juger des tentations par les effets qu'elles produisent.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 19 juillet [1627].

Ma très-chère fille,

Certes, je reçois toujours bien de la consolation de vos lettres, et suis grandement consolée du retour de M. de la Faye. Or, voyez-vous, ma fille, ayant ce digne personnage, certes, je [72] n'importunerais guère l'évêque. Ma fille, contre toutes ces paroles et menaces de nouveaux règlements, il ne se faut guère mettre en peine. Allons toujours notre chemin droit à Dieu, et que l'on dise ce que l'on voudra.

Voilà un Père de l'Oratoire qui me fera finir plus tôt ; il vous portera ce billet. Je me suis bien louée à lui de l'assistance que vous fait son confrère, le confesseur de Mgr votre archevêque. — Ne craignez pas que je m'ouvre à ce bon ecclésiastique qui est avec ma Sœur de Belley ; je le connais déjà. — Certes, ma fille, je ne suis pas capable de juger de cette fille si extraordinaire. Tant de science et tant de paroles sont un peu à craindre. Oh ! Dieu nous fasse toujours marcher par les basses vallées d'une véritable humilité et simplicité ! c'est mon inclination.

Je ne puis écrire à notre Sœur M. J. ; elle peut connaître la bonté de ses tentations par les fruits qu'elles opéraient en elle. Vrai Dieu ! ma fille, que toutes telles tentations sont grossières ! Certes, si je ne me trompe fort, il y a prou besogne dans la Visitation pour les plus braves, mais il la faut faire. — Que M. Cœursilly réimprime donc les Épîtres en leur même caractère. Adieu, ma vraie fille ; mille saluts à toutes vos chères filles que mon âme aime parfaitement.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [73]

LETTRE DCCC -. 1 LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À RIOM

Dépositions de sainte de Chantal pour le procès de son Bienheureux Père. — La Mère de Bréchard doit préparer les siennes.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 19 juillet [1627].

Ma pauvre très-chère sœur,

Que faites-vous que nous n'avons point de vos nouvelles ? Certes, le temps m'en est long.

Or, nous voici dans la sainte occupation de faire nos dépositions[19] [sur les vertus] de notre Bienheureux Père ; car Nosseigneurs de Bourges et de Belley sont ici ; il y a trois semaines qu'ils travaillent fort à cela. Je vous envoie les articles que l'on donne à tous les témoins, sur lesquels chacun répond ce qu'il sait : vous en ferez de même, ma très-chère fille, et écrivez ce que vous vous souviendrez ; j'ai déjà écrit la mienne, qui est de dix-huit feuilles entières. On en témoigne de la satisfaction ; il n'y a que moi qui n'en aie point, car ce que j'ai su et connu des perfections des vertus en cette très-sainte âme est si relevé au-dessus de ce que j'en puis dire que, certes, je demeure à plat, ma connaissance surpassant infiniment ma capacité d'en parler.

Vous trouverez beaucoup de choses dans ses Épîtres qui vous aideront ; car lui-même, en plusieurs endroits, déclare sa foi, son espérance, sa charité, sa conformité au bon plaisir de Dieu, et plusieurs autres vertus. Voilà donc de la besogne pour vous, ma très-chère fille ; et quand les commissaires seront à Lyon, il faudra que vous y veniez pour déposer devant eux. [74]

J'espère, Dieu aidant, partir dans le mois de septembre : je ne pense pas pouvoir passer vers vous en allant, étant trop pressée ; mais au retour, Dieu aidant, nous nous verrons tout à loisir. Adieu, ma pauvre très-chère fille, que je chéris parfaitement. Voilà tout ce que mon peu de loisir me permet. Mille saluts à nos Sœurs.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCI - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Conseils pour la réception des prétendantes. — Admirables sentiments d'humilité.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 22 juillet [1627].

Ma très-chère mère,

[De la main d'une secrétaire.] Notre chère Mère dit qu'elle ne fait pas état de vous écrire à cette heure, parce qu'elle n'a pas le loisir. Elle a reçu des nouvelles de Paris sans qu'il y en ait point de nos Sœurs ; cela la tient un peu en peine. On lui annonce un bréviaire ; elle craint que le bréviaire et les lettres ne soient perdus ; elle vous supplie de vous en informer et si M. Crichant n'en saurait rien.

[De la main de la Sainte.] Ma bonne et très-chère fille, je ne puis goûter que l'on ancessionne[20] des filles successivement les unes aux autres, car je crains que cela n'apporte de l'inquiétude aux Sœurs avec le temps, et vous savez combien il faut éviter cela.

Ah ! ma fille, je vous conjure de ne point admirer aucune chose qui soit de moi. S'il y a du bien dans quelques-unes de [75] mes lettres, portez-en la gloire à Dieu, ma très-chère fille ; car, certes, pour moi je ne mérite que confusion : mais vous savez que ce grand Dieu prend en sa main tel instrument qu'il Lui plaît ; Il s'est bien servi d'une chétive ânesse pour prophétiser. Mais je n'ai loisir de dire davantage, sinon que vraiment il me semble, par la divine grâce, que j'ai un grand désir que nous ne cherchions que Dieu, et j'aime parfaitement votre cœur, parce que je sais et connais qu'il n'a point d'autre prétention. — Accroissez votre patience, douceur et support vers ces pauvres filles faibles. Bonsoir, ma vraie très-chère fille, c'est sans aucun loisir.

Dieu soit béni ! Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCII - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À BLOIS

Regrets de la mort de madame de Limours.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1627.]

Ma très-chère et bonne sœur,

J'ai été fort consolée de recevoir de vos lettres. Puisque la divine Providence s'étend à toutes choses, il nous faut amoureusement conformer à tous les événements de son bon plaisir ; bénite soit-elle en tout ! Je suis bien aise, ma très-chère fille, que cette fondation de madame la comtesse de N. se retarde ; car, comme vous dites, d'ici là vos filles se feront pour les y employer. —Vraiment, je n'en doute pas, ma chère fille, que votre cœur n'ait été sensiblement touché pour le décès de la bonne madame de Limours, votre cordiale fondatrice. Je prie Dieu qu'il la mette en son saint Paradis ; c'était une âme douce [76] et pieuse. Je ne doute point qu'elle ne vous ait témoigné en son extrémité l'amour qu'elle vous portait, assurant bien ce qu'elle vous a promis. Vous avez de bonnes et fidèles solliciteuses en cette affaire. Je l'ai fort recommandée à nos Sœurs les Supérieures et à madame de Villeneuve. Certes, en l'espérance que j'ai de vous voir, qui me sera une des plus douces consolations de ma vie, j'ai un peu de tendresse pour la privation de la présence de cette chère dame, qui me faisait l'honneur de m'aimer et que j'honorais de tout mon cœur ; mais en tout le très-saint nom de Dieu soit béni !

Nous pensons partir au plus tard le 15 septembre pour aller à Orléans. Nous laisserons les affaires de la béatification de notre saint Fondateur en très-bon train. Mgr de Bourges y travaille de grand cœur. Cette besogne est de longue haleine, mais de grande consolation et utilité. Maintenant que Dieu découvre plus à plein les trésors qu'il avait mis en cette très-sainte âme, on est tout admiré de rencontrer des vertus si profondes, si pleines, si accomplies et parfaites. Oh Dieu ! quelle humilité, quel amour à la pauvreté et bassesse, et au mépris de lui-même ! quelle douceur et support ! cela ne se peut dire, ma très-chère fille. Dieu nous rende dignes filles d'un si saint Père !

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCIII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À RIOM

Elle doit préparer sa déposition sur les vertus du Bienheureux Fondateur.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 3 août 1627.

Ma très-chère Sœur,

Il y a fort peu de temps que je vous ai écrit et n'ai rien de nouveau à vous dire ; mais je ne peux m'empêcher de saluer [77] chèrement votre bon cœur, et l'assurer toujours de mon infinie affection envers vous, qui vous chéris, certes, très-cordialement et plus que je ne puis dire. Je vous ai envoyé les articles pour faire votre déposition [sur les vertus] de notre bienheureux et saint Fondateur. Je crois que vous aurez reçu le tout à cette heure. Mille saluts à votre cher cœur et à toutes nos Sœurs, que je chéris sincèrement. Je prie Dieu qu'il vous remplisse toutes de Lui-même et soit béni. Je suis, d'une affection incomparable, toute vôtre, ma très-chère fille.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCIV - À MONSIEUR DE COULANGES

À PARIS

Profession d'une nièce de M. de Coulantes. — Zèle et travaux de Mgr de Bourges. — Prochain départ pour Orléans.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 12 août [1627].

Monsieur mon très-cher frère,

Ce m'est une douce et glorieuse récompense que celle de pouvoir faire quelque chose qui vous puisse donner du contentement, et [je] vous supplie de croire que j'en embrasserai toujours les occasions de tout mon cœur ; mais le peu que je suis m'empêchera toujours de les rencontrer. J'ai bonne part à la consolation de la profession de notre très-chère Sœur, votre bonne nièce, qui me la témoigne très-grande par ses lettres. Celle que nous recevons ici par la présence de Mgr de Bourges est plus grande que je ne saurais le dire, car il est impossible de savourer la véritable bonté de son esprit, qu'avec un extrême contentement. Il travaille avec force et avec suavité en la sainte besogne que Dieu lui a commise. Il se porte beaucoup [78] mieux que lorsqu'il arriva ici, par le plaisir qu'il prend à ouïr parler des vraies vertus de notre Bienheureux Fondateur ; il fait état d'être ici jusqu'au commencement d'octobre, et moi, de partir le 15e septembre pour aller à Orléans. Il me fâche bien de le laisser ces quinze jours ici sans moi ; mais c'est afin que je puisse arriver à la Toussaint, car il nous faut faire de petites stations par les chemins, ce qui rend le voyage plus long. Certes, mon très-cher frère, je ne saurais exprimer le contentement que je. m'imagine de recevoir pour l'honneur de votre chère présence, et celle de madame ma très-chère sœur, que je salue avec vous du fond de mon cœur et le plus humblement que je puis, étant et voulant demeurer sans fin de tous deux, Monsieur, mon très-cher frère, votre.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCV (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

La Sainte se réjouit de l'élection de la Mère Lhuillier. — Les dépositions mettent au jour les admirables vertus du Bienheureux Fondateur. — Supporter les esprits difficiles.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 12 août 1627.

Mon Dieu ! ma très-chère fille, qu'il fait bon se reposer en Dieu et ne prétendre que sa seule gloire ! Voilà qu'il a conduit heureusement cette élection de laquelle je me sens un grand contentement, et j'ai très-bonne espérance que cette chère Mère Hélène - Angélique [Lhuillier] fera son gouvernement avec beaucoup d'humilité et de douceur, et par ce moyen que Dieu sera fort glorifié, et nos Sœurs consolées et satisfaites. Mgr de Genève est fort aise que la chose [soit] allée ainsi. Quand vous serez en la nouvelle maison, je pense que vous ferez bien, ma [79] très-chère fille, de lui mander votre déposition et l'état de votre nouvel emploi.

L'affaire de notre Bienheureux Père est très-bien acheminée, grâce à Dieu. Le trésor de ses vertus et sainteté se découvre plus que jamais, et l'on voit par les dépositions son incomparable charité et sa profonde humilité ; ces deux vertus éclatent, et certes toutes, car il les possédait toutes généralement à un degré très-éminent. Seigneur Jésus ! que c'est une grande chose qu'un Saint ! Dieu nous rende dignes filles d'un tel Père, et nous fasse la grâce surtout de l'imiter en sa véritable humilité et basse estime de lui-même ! Oh ! que nous serions heureuses, si nous aimions cette bassesse et pauvreté qu'il a tant estimées ! Mgr de Bourges sera ici jusqu'en octobre, mais il n'achèvera pas : Mgr de Belley viendra pour poursuivre, car la besogne sera longue.

Nous partirons, Dieu aidant, au plus tard le 15 du mois prochain pour aller à Orléans. — Vous ferez grande charité de mener notre Sœur M. M., si son esprit n'est bien lié et satisfait de notre Sœur la Supérieure de Paris ; mais il me semble qu'elle aura sujet de l'être. Il y a pitié en ces pauvres esprits qui ne se contentent pas de ce qu'ils doivent ; mais ce sont des sujets de charité et de support. — Bonjour, ma très-chère fille ; je prie Dieu qu'il vous remplisse de son saint amour et toutes nos chères Sœurs, que je salue avec vous, surtout notre Sœur assistante.

Notre Sœur la Supérieure de Blois m'écrit que leur bonne fondatrice est décédée. Ma très-chère fille, si vous les pouvez aider à retirer la fondation,[21] elles ont confiance que vous le ferez de bon cœur, et je vous en prie.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse. [80]

LETTRE DCCCVI - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Dispositions à prendre pour l'établissement du second monastère de Lyon.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 13 août [1627].

Ma très-chère fille,

Je veux dorénavant être plus fidèle à pratiquer ma maxime, de ne point donner de lettres aux Religieux. Ce bon Père de l'Oratoire m'en donne bien sujet. Il y a vingt-cinq jours qu'il a mes lettres où je répondais à toutes vos précédentes.

Je ne suis guère de sentiment à vous obliger[22] beaucoup ; c'est pourquoi, si vous pouvez trouver une maison de louage quelque part que ce soit, même proche de vous, louez-la pour commencer ; car les affaires de ce monde qui regardent la gloire de Dieu, quand elles tirent tant à la longue, volontiers ne réussissent pas. Faites donc doucement, en esprit de repos, vos diligences, et vous hâtez tout bellement. Si Dieu vous aide, tout ira bien, et vous trouverez ce qu'il vous faudra. Si vous ne rencontrez rien qui vous soit devisable [bon], consultez le Révérend Père recteur et M. de Saint-André, pour savoir s'ils trouveront bon que vous alliez à la maison de M. le grand vicaire, et s'ils le jugent à propos, voyez-les tout à la bonne foi ; et, en ce cas, il faudra que vous y envoyiez ma Sœur assistante, et faites ce qu'ils vous diront ; et au bout, patience et confiance que Dieu accomplira son œuvre, au temps que sa Providence sait ; voilà mon sentiment sur ce sujet.

N'oubliez point de m'envoyer le mémoire que vous avez fait sur mes Réponses, et si je puis, je ferai ce que vous désirez, [81] mais avec le temps. — Ne vous mettez plus en peine de M. de Belley. — Je compatis certes à notre chère Sœur Marie-Sylvie [Ange]. Je prie Dieu qu'il la brûle intérieurement de son saint amour. — Je n'ai su comprendre pourquoi vous me dites que vous êtes en peine pour la crainte que vous avez de manquer au Coutumier. — Vous pourrez écrire à Mgr de Genève une lettre d'honneur par le retour de M. Michel, qui aura soin de lui faire entendre vos affaires. Je salue très-humblement et de tout mon cœur le Révérend Père provincial. J'espère le retrouver à mon retour en ce pays-là.

Oh ! ma très-chère fille, que vous êtes obligée à Notre-Seigneur, qui vous favorise de grâces tant précieuses ; il y faut correspondre avec une grande humilité : voila tout ce que je puis dire. Je suis tant vôtre qu'il ne se peut davantage.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCVII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À BOURG EN DRESSE

La recherche de ses propres intérêts détruit l'esprit de charité. — Du Père spirituel. — Détails divers.

[Annecy, 1627.]

Ma très-chère vraiment tout uniquement chère,

Certes, la pauvre chère Sœur de Vigny a été très-bien venue. Elle a arrêté ses gens ici aujourd'hui, et si nous n'avons pas eu grand loisir de l'entretenir, nous avons parlé pourtant de tout plein de choses, et je loue Dieu que tout va si bien en votre chère petite maison, qui sera sans doute une maison de [82] bénédictions. Oh ! quel grand bien vous y faites, de prendre la peine vous-même de tenir le noviciat ; non-seulement les novices en profiteront, mais [encore] j'espère les professes. Donnez-leur bien cet esprit d'union et de généreuse dilection. Oh Dieu ! que je suis marrie de le voir si peu régner parmi nous ! Enfin, il y a partout de l'humanité et de la recherche de nous-mêmes ; Dieu nous veuille délivrer de ce mal ! — Je suis bien aise que vous ayez M. Duplont ; il faut un peu attendre l'occasion de lui restreindre ses limites, puisque c'est l'avis du Révérend Père Morand, car il n'y a moyen de souffrir sans grand intérêt cette sujétion. Jetez bien votre cœur en Dieu, Il vous aidera. Il est extrêmement nécessaire que vous donniez un bon pli au Père spirituel et aux Sœurs pour cette conduite tant spirituelle que temporelle, autrement il vous rendrait esclaves.

Non, ma fille, Dieu ne vous a pas voulue en cette première maison de Paris, je ne sais s'il ne vous voudra point en la deuxième, puisqu'il m'en donne la pensée et le désir bien grand, s'il se peut, et c'est le sentiment de Mgr ; mais parce que cela ne se peut éclore qu'avec un peu de loisir d'un voyage, je ne sais ce que Dieu disposera pour notre emploi d'ici là, car nous sommes comme l'oiseau sur la branche. Pour cela, sa Bonté nous fera connaître sa sainte volonté, puisque, par sa grâce, ni vous ni moi ne prétendons chose quelconque que de la suivre le plus fidèlement que nous pourrons. Cependant, vous affermirez cette maison-là et pourrez servir celle de Crémieux, si elle se fait. Il est vrai que Mgr de Bourges et moi avions fort parlé de faire voyage nous deux. Certes, la plus précieuse consolation que je pourrais avoir serait de passer le reste de mes jours avec vous ; mais je ne sais si mes nouvelles pensées ne feront point changer celle-là ; car il ne serait pas à propos de vous mener avec ce dessein.

J'ai trop de choses à dire pour ce coup, je n'en puis venir à fin ; notre chère Sœur de Vigny dira tout ou l'écrira. Pour ses [83] obligations faites à la maison de Bourg, il faudra faire en sorte que l'on dégage la caution ; mais je ne sais comment, pour être valable ; enfin, la dextérité, ou bien gagner M. D., s'il est besoin, seront les meilleurs moyens ; mais nous y penserons encore. Il me semble que notre Sœur Aimée-Bénigne [Grossy] est capable de prendre le bon esprit ; je vous supplie de lui donner les lumières nécessaires pour la conduite. Oh ! Dieu qui vous l'a donnée lui fasse la grâce de la bien prendre. Vraiment, vous suivez le vrai chemin de la conduite de notre Bienheureux Père. Bonsoir, ma vraie fille uniquement aimée. Mille remercîments de la belle chaire. Oui, certes, vous êtes la vraie fille que Dieu m'a donnée, dont II soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE DCCCVIII - À MADAME LA BARONNE DE CHANTAL

SA BELLE-FILLE

Héroïque résignation de la Sainte à la mort de son fils.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, août 1627.]

Eh bien ! ma très-bonne et très-aimée fille, ne faut-il pas aimer, bénir et embrasser généreusement cette très-sainte et très-douce volonté de Dieu en tous les événements qu'elle ordonne ! Oui, certes, ma très-chère petite, il le faut faire de bon cœur, et amoureusement ; et bien que la plaie soit grande et la douleur très-sensible, si la faut-il chérir pour le respect de la main qui l'a faite ; or, voilà l'exercice que je désire que votre chère âme pratique en son affliction. Votre bon mari était mortel, comme sont tous les hommes. Oh Dieu ! ma fille, repensez aux hasards qu'il a tant de fois courus de perdre la vraie vie de l'éternité ! Et voilà que la douceur de notre bon Dieu lui a [84] donné son trépas si chrétien,[23] si glorieux, que nous avons tout sujet de nous confier qu'il a commencé une vie de gloire et de félicité interminable. Prenez cette solide consolation, ma très-chère fille, et espérez une réunion avec ce digne mari qui rendra notre société avec lui exempte de toute crainte, et comblée de joie qui ne finira jamais ; c'a toujours été le véritable bonheur que je vous souhaitai dès votre béni mariage, et n'en puis désirer d'autre. Conservez-vous, ma très-chère fille, pour élever en la crainte du Seigneur le cher gage qu'il vous a donné de ce saint mariage, et le tenez seulement comme un dépôt, sans y attacher par trop votre affection, afin que la divine Bonté en prenne un plus grand soin, et soit elle-même toute chose à cette chère petite enfant.

L'espérance que j'ai de vous voir dès que je serai à Orléans, où je m'essayerai de vous obtenir l'entrée de notre maison, me soulage, sachant que cela vous sera à consolation. Cependant, je vous commande, ma très-chère fille, de soulager votre âme, et vous assure que je ne ressentis jamais une plus étroite liaison avec vous que je fais maintenant ; car, sans l'intérêt de l'amour immortel que j'ai pour mon très-cher fils, je veux vous aimer [85] avec tout l'amour que Dieu m'a donné pour lui et pour vous. Je supplie cette souveraine douceur d'être Lui-même votre consolateur. Cherchez en Lui seul votre consolation, ma fille, et je vous assure que vous la trouverez et recevrez abondamment. Je demeure d'une affection incomparable, votre plus humble mère, etc.

LETTRE DCCCIX - À MONSIEUR DE COULANGES

À PARIS

Même sujet.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, août 1627.]

Monsieur mon très-cher frère,

L'on me dit, le jour [de l'Assomption] de Notre-Dame, le trépas de notre très-cher fils, et qu'il s'était préparé chrétiennement à ce passage. Je bénis et adore le décret de mon Dieu, et m'y soumets de tout mon cœur, remerciant sa Bonté de la miséricorde qu'il a faite à ce cher fils qui m'était unique ; car ayant été prévenu de la grâce de Dieu par la réception des sacrements, ainsi que l'on m'assure, nous avons en cela, mon très-cher frère, un solide sujet de consolation. Prenons-la donc, en cela, mon très-cher frère, et en cette volonté divine qui n'a pas voulu que nous ayons joui plus longtemps d'une vie qui nous était si chère.

J'avais commencé cette lettre quand j'ai reçu la vôtre : je confesse ma faiblesse, elle m'a un peu attendrie, mais non certes divertie de l'invariable résolution que Dieu m'a donnée d'embrasser amoureusement tous les événements que sa douce Providence permettra arriver. La vie de l'homme et toutes les choses de cette vie passent comme l'ombre. Puisqu'il a plu à Dieu que mon fils ait fini la sienne si heureusement, me voilà [86] contente, et je vous conjure de l'être aussi, et madame ma très-chère sœur, à qui je vous supplie de rendre cette lettre commune ; ayant si peu de loisir comme j'en ai, elle m'excusera, s'il lui plaît. L'espérance de vous voir tous, et ma pauvre très-chère fille avec notre petite, me fait espérer une commune consolation ; car je vous proteste, mon très-cher frère, que le trépas de mon bon fils ne dissout nullement notre alliance ; car outre le petit et très-aimable lien qu'il nous en a laissé, je me sens plus que jamais étroitement conjointe et unie avec votre fille, et avec vous et toute votre honorable famille, que je prie Dieu remplir de toutes bénédictions, et d'une telle surabondance, qu'après les avoir possédées en cette vie nous jouissions tous ensemble de l'éternelle société, qui est toute la douceur des douceurs désirables.

Je suis sans fin et d'une affection incomparable, à vous et à ma chère sœur, mon très-honoré frère, votre, etc.

LETTRE DCCCX - À LA MÈRE MARIE-ADRIENNE FICHET

SUPÉRIEURE À RUMILLY

Désir de l'envoyer comme Supérieure à la fondation de Crémieux.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy !, 17 août [1627],

Ma très-chère fille,

Voici une proposition qui peut-être vous étonnera, mais n'en parlez point que vous ne l'ayez considérée : c'est que nous avons accordé à toutes ces honorables dames de [la] ville de Crémieux de leur donner de nos Sœurs pour le 15 de septembre. Elles nous demandent notre Sœur M. -Madeleine [de Mouxy] ; mais, bien que je la voie pleine de vertu et de piété, et qu'elle ait bien gouverné céans tandis qu'elle en eut la charge, je n'oserais toutefois la mettre dans une fondation éloignée [87] jusqu'à ce que j'aie encore plus d'expérience de sa manière de gouverner ; c'est pourquoi nous avons pense de la mettre en votre place à Rumilly, où la maison va un très-bon train pour le spirituel et temporel, et vous, ma très-chère fille, nous vous enverrions faire cette nouvelle fondation à Crémieux, qui est une petite ville à cinq lieues de Lyon, grande comme Belley, mais bien mieux bâtie et pleine de noblesse, et en est tout environnée.[24] Plusieurs filles attendent ce bien-là ; nous en avons vu ici une qui est tout à fait à notre gré. Voilà, ma très-chère fille, la proposition que je vous fais en toute sincérité et confiance ; n'en parlez qu'à notre Sœur Cl. -Marie [Tiolier], et voyez entre vous deux si la chose ne se pourra pas faire, et si notre Sœur Marie-Louise [Barfelly] pourrait demeurer en votre absence, ou si vous l'emmènerez avec vous ; car il me semble que vous avez rencontré le vrai bon biais pour la bien gouverner. Voilà, ma très-chère, à quoi je vous prie de penser devant Dieu et de m'en donner réponse au plus tôt que vous pourrez. Je traite rondement selon Dieu avec vous, que je prie faire le semblable avec moi.

Priez, je vous prie, pour l'âme de mon pauvre fils qui a été tué en l'île de Ré, mais que l'on m'assure être mort en vrai [88] chrétien et gentilhomme ; c'est une douceur de la divine miséricorde qui s'est voulu mêler pour me rendre plus supportable l'effet de sa divine volonté, en la mort de ce fils unique. Sa Bonté en soit éternellement bénie ! Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCXI - À MONSEIGNEUR SÉBASTIEN ZAMET

ÉVÊQUE DE LANGRES

Amour de la volonté divine ; désir de correspondre à l'attrait de parfait dénûment.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 22 août [1627].

Mon très-honoré Seigneur,

Vous savez l'amour peut-être trop grand que j'avais pour ce très-cher fils, qui m'était doublement unique ; je pense vous l'avoir dit autrefois. Or bien, voilà la bonne main de Dieu qui l’a tiré à soi : bénie soit-elle éternellement ! Je vous confesse simplement comme à mon très-cher Père, que ma douleur est grande, mais sans aucune secousse, ni violence, grâce à Dieu. Je me trouve plus inclinée et occupée à remercier Notre-Seigneur de la miséricorde qu'il a faite à ce pauvre fils, de l'avoir prévenu de sa grâce par la réception des sacrements, qu'il reçut peu avant sa mort, ainsi que l'on m'assure, que je ne suis à considérer et à ressentir ma perte, si perte se doit appeler ce que Dieu a reçu en sa miséricorde, comme nous espérons ; et enfin la très-sainte volonté de mon Dieu est là, et en tout et partout elle est très-aimable et adorable, cela me suffit ; je l'embrasse et m'y soumets de tout mon cœur. Mais, mon très-cher Père, je ne corresponds point à ce dessein de Dieu, qui m'appelle à un si parfait dénûment et anéantissement, car je demeure toujours pleine de moi-même. Oh ! Dieu me veuille [89] donner cette mort, qui vaut mieux, que toutes les vies de ce monde !

Mon Père, j'ai un grand désir de vous voir, me semblant que vous m'aiderez à monter où Dieu me tire : mes jambes sont faibles, si je ne suis appuyée. Que si sa Bonté me fait cette grâce, j'ai confiance que ce sera utilement. Jamais je ne vous oublie devant Dieu, ni ne vous oublierai, car je souhaite qu'il accomplisse en vous ses desseins. Je recommande toujours cette pauvre âme à vos saints sacrifices, et suis d'un cœur incomparable, mon très-honoré Père, votre très-humble et très-obéissante fille.

[P. S.] Dans trois semaines, nous allons faire une fondation du côté de France, et de là, à Orléans, Dieu aidant.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCXII - À UNE SUPÉRIEURE DE LA VISITATION

La Sainte se console de la mort de son fils dans l'espoir qu'il jouit du bonheur éternel.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1627.]

MA TRÈS-CHÈRE ET BONNE SŒUR,

Je vois que votre sincère dilection pour moi vous fait fort sentir ma douleur sur le trépas de mon fils. Certes, ma très-chère Sœur, elle n'a point été violente, Dieu merci ; car la Bonté divine a environné la mort de ce cher enfant de tant de miséricorde, et de marques qui nous font espérer que Dieu l'aura reçu entre ses bras, que cela m'a servi de contre-poids. Et pendant les premiers ressentiments de cette juste et tendre douleur, j'étais quasi plus occupée et attentive à bénir Dieu de la grâce de cette heureuse mort que je n'étais à ma perte. Oh ! Dieu soit éternellement béni dans tous les événements de son [90] bon plaisir, et me fasse la grâce qu'en tout et partout, sans réserve, je me soumette humblement et cordialement à sa sainte volonté. Nous n'avons qu'une petite fille de ce cher défunt, ni de ma fille[25] qui a reçu cette affliction avec un tel ressentiment qu'elle a bien peine de se remettre. Votre, etc.

LETTRE DCCCXIII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À RIOM

Même sujet.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1627.]

Ma très-chère fille,

Comme il a plu à Dieu il a été fait à ce fils qui m'était si cher ! Bénie soit son éternelle Bonté, qui m'a assaisonné ce calice de tant de miséricorde que je me trouve avec beaucoup plus d'inclination de l'en remercier que de m'en affliger ! Je dis, selon mon esprit, car la nature ressent bien fort la privation d'un tel fils, qui était si uniquement aimé de mon âme, et avec raison ; mais Dieu ne m'a-t-il pas fait une grâce nonpareille, ma vraie très-chère fille, de m'avoir laissé tant d'occasions et de certitude du salut de cet enfant ? Oh ! que je la ressens ! et vous conjure, ma chère amie, d'en remercier sa douce Providence avec moi. C'est tout ce que je vous puis dire pour ce coup, espérant de vous écrire au long, avant notre départ. Je ne vous dis point de prier pour le repos de ce cher défunt ; je sais que vous l'avez fait et le faites, et nos chères Sœurs aussi, que j'en [remercie] en les saluant très-cordialement. Dieu répande sur votre esprit et sur le leur l'abondance de ses grâces. [91]

Je suis d'un cœur incomparable tout à fait vôtre, ma vraie très-chère fille.

Extraite du procès de béatification de la Sainte. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCXIV - À UNE SUPÉRIEURE DE LA VISITATION

Même sujet.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1627.]

Je vous remercie, ma chère fille, des prières que vous avez fait faire pour mon fils. Il est vrai que j'ai ressenti cette mort, non toutefois comme mort, mais comme vie pour l'âme de cet enfant. Dieu m'avait donné un sentiment très-tendre et une lumière fort claire de sa miséricorde envers cette âme. Hélas ! la moindre des appréhensions que j'avais de le voir mourir en la disgrâce de Dieu parmi ces duels où ses amis l'engageaient, me serrait plus le cœur que sa mort, qui a été bonne et chrétienne. Je confesse que cette mort m'a été sensible ; mais la consolation que ce fils ait donné son sang pour la foi a surpassé ma douleur ; et, outre cela, ma chère fille, il y a si longtemps que j'ai donné ce fils et toutes choses à Notre-Seigneur que sa Bonté me fait la grâce de n'avoir plus de désirs, sinon qu'il lui plaise disposer de tout à son gré, au temps et en l'éternité. [92]

LETTRE DCCCXV - À LA MÈRE JEANNE-HÉLÈNE DE GÉRARD

SUPÉRIEURE À EMBRUN

La Supérieure ne peut pas s'assujettir à tout ordonner aux obéissances ; elle doit avoir une grande liberté d'esprit. — Encouragement à achever son triennal.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 14 septembre 1627.

Ma très-bonne et chère sœur,

Je viens de recevoir votre lettre, et parce que nous sommes sur notre départ [pour Orléans], je n'y peux répondre si amplement qu'il serait peut-être requis, ni avec l'attention qu'elle mérite : Dieu suppléera, selon son accoutumée bonté, à tous mes défauts. — Il faut arrêter l'entrée de ces bonnes filles, selon l'ordonnance de Mgr votre archevêque ; que si les Révérends Pères nous en écrivent, je ferai selon son commandement.

Il est impossible qu'une Supérieure se puisse assujettir à tout ordonner au temps des obéissances, bien qu'il soit bon de penser ce que l'on a à y dire. Ce manquement que vous marquez en cela est peu de chose ; mais celui de trop presser les esprits, bien que rarement il puisse y avoir du péché à cause de votre pureté d'intention, si est-il de grande importance ; c'est pourquoi, ma très-chère Sœur, je vous conjure d'aller tout bellement en cette sainte besogne.

Lisez bien les écrits de notre saint Père [F. de Sales], et vous verrez l'extrême douceur et suavité avec laquelle il conduisait les âmes, lesquelles faisaient un avancement extraordinaire par ce moyen. Surtout en ce point, je vous conjure de bien suivre son esprit : animez, encouragez, mais toujours doucement, je vous supplie.

C'est l'ordinaire, ma chère fille, que, dans les grandes occasions, l'on a plus de force pour les supporter que dans les [93] petites ; c'est la grâce de Dieu qui fait cela par son assistance, et nous fait connaître le peu que nous sommes de nous-mêmes par les chutes que nous faisons ès petites rencontres, afin de nous tenir humbles et dépendantes de Lui seul. Toutes ces petites attaques que votre cœur souffre ne sont rien à un esprit éclaire et résolu de ne vouloir que Dieu, comme je sais que c'est votre unique prétention.

Je vous assure, ma très-chère Sœur, que votre sincérité à me dire cette pensée (que vous êtes plus éclairée que moi) m'a tout à fait plu : voilà la crème de la vertu que je désire aux Filles de la Visitation, cette candeur et simplicité de cœur. Dieu l'accroisse en vous avec l'amour de votre abjection et la sainte liberté d'esprit ; tenez-vous ferme en ce train, ma très-chère fille, et j'espère que Dieu vous fera ressentir les merveilles de ses miséricordes ; mais je vous prie, demeurez bien entre les bras de la divine Providence et de la sainte obéissance, et ne laissez point courir vos désirs hors de cette limite.

Croyez-moi, ma fille, c'est la gloire de Dieu que vous paracheviez votre carrière, je veux dire votre triennal, en la charge que la sainte obéissance vous a donnée. J'ai mille raisons selon Dieu, et encore selon la bienséance que doit avoir l'esprit de la Visitation, mais je n'ai loisir de les dire ; donnez-nous cette consolation de persévérer généreusement. Vous n'avez plus que dix-huit mois à poursuivre ; cela sera bientôt écoulé, et, au bout, vous aurez mille saintes consolations d'avoir satisfait au bon plaisir de Dieu, qui veut cela de vous. Avant ce temps-là, Dieu aidant, nous nous verrons et résoudrons ensemble de celle qui vous succédera, et les bâtiments encore sur lesquels il sera bon d'avoir l'assentiment de Mgr l'archevêque, afin de nous y conformer autant qu'il nous sera possible.

Il est vrai, ma très-chère fille, que ma Sœur [de Châtel] [94] Supérieure de céans donna ce congé à ces chères filles,[26] qui ne le demandèrent que par une extrême appréhension de se voir privées de votre conduite, mais cela ne devait pas tant durer, car rien n'est égal à la sainte simplicité. Je vais dire quatre mots à notre Sœur Marie-Aimée [Bon], et, pressée de finir, je prie Dieu de répandre avec abondance ses très-saintes bénédictions sur vous et toute votre chère famille, me recommandant de tout mon cœur à vos prières, afin que j'accomplisse la sainte volonté de Dieu en ce voyage et à jamais. Partout où je recevrai de vos lettres, j'y répondrai toujours, car Dieu m'a donné une véritable affection pour vous et votre petite maison, et [je] désire de correspondre à la sainte confiance que vous me témoignez avec toute sincérité et fidélité. Adieu, ma très-chère fille ; je suis de tout mon cœur votre très-humble sœur et servante.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCXVI - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Nouvelles de la communauté de Saint-Étienne. — On prépare une édition des Entretiens du Bienheureux François de Sales. — Maintenir les droits du Père spirituel.

VIVE † JÉSUS !

Octobre 1627.

Ma très-chère fille,

Certes, l'on nous a reçues à Saint-Étienne fort cordialement. L'exactitude y est fort grande pour toutes les choses extérieures : l'esprit y était un peu trop serré et contraint ; nous les avons, ce me semble, mises un peu au large. Il me semble [95] qu'une quinzaine de jours avec elles, pour les bien éclaircir, leur ferait grand bien ; s'il se peut, nous les leur donnerons à notre retour ; certes, ces filles-là méritent d'être cultivées, car elles ont le cœur très-bon et sincère. J'ai dit franchement à la Mère [Françoise-Jéronyme de Villette] qu'elle ne l'était pas assez, et m'est avis que le défaut vient encore un peu du noviciat ; ce mal n'est pas sans remède en de si bons sujets. Oh ! mon Dieu, ma très-chère fille, que toutes les bonnes filles ne sont pas propres à conduire ! La pauvre petite Sœur M. -Françoise aura peine de se retirer de ce grand désir qu'elle a de changer. Elle dit qu'on le lui a tant fait espérer que c'est cela qui l'a nourrie. Elle m'a promis toutefois d'en laisser le soin à Notre-Seigneur et de n'y penser plus ; cela l'a fort amaigrie du corps et abattue d'esprit.

Je n'ai rien oublié de ce que je devais dire à la bonne Mère ; elle m'a dit avec douleur, ce me semble, qu'elle ressentait fort de ce que vous ne lui écrivez pas avec la cordialité que vous faites aux autres ; faites-le, je vous en prie, sans lui témoigner rien de ce que je vous dis. Je ne vois pas que notre Sœur M. -Françoise ni la directrice soient fort propres à lui succéder. Il y en a une jeune qui a de bons talents, mais elle est jeune d'âge et de Religion ; si je puis pourvoir, nous les secourrons si elles le désirent. — Pressez un peu notre Sœur la Supérieure d'Annecy pour les Entretiens, qui sont entre les mains de M. de Thorens. Quand vous les aurez, voyez-les à loisir, et faites écrire ce que vous jugerez y pouvoir ajouter des Sermons et avis de notre Bienheureux Père.

Au reste, ma très-chère fille, vous ne sauriez croire le bon et cordial accueil que M. le comte de Vienne nous a fait. Il est parfaitement bon ; je vous prie lui en témoigner un peu de gratitude. — Je fus marrie de voir si peu M. de la Faye ; j'oubliai de le prier d'écrire à M. Duplont, pour lui délier les mains et lui laisser la liberté d'aider les Sœurs selon l'étendue des Règles [96] et Constitutions ; mais faites cela dextrement, je vous en prie, ma très-chère fille, comme aussi des Réponses que j'ai faites, lesquelles vous m'enverrez sûrement. — Si le calice n'est pas fait, ou s'il l'est et qu'on le veuille reprendre, laissez-le, et nous gardez l'argent à part ; car nous vous renverrons le calice avec la litière.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCXVII - À LA MÊME

Préparer sagement sa déposition. — Une même Supérieure ne doit pas gouverner deux monastères en même temps. — Corrections à faire au Coutumier que l'on va imprimer. — Hâter la fondation du second monastère.

VIVE † JÉSUS !

22 octobre [1627].

Ma très-chère fille,

C'est la vérité qu'il eût été bien à propos de ne point du tout parler de ces supériorités, que l'on eût été près d'aller en la nouvelle maison de Lyon, car ce bon seigneur pensera que tout ce que vous lui dites de cela aura été en suite de ce que nous en avions résolu ensemble, ce qui pourra heurter son esprit ; mais cela est fait, il n'y a remède. Il ne faudra pas laisser pour cela d'observer la Règle, moyennant la grâce de Dieu. Je crois qu'il serait très-bon de n'en plus parler ni parmi les filles, jusqu'à ce qu'il soit nécessaire, et alors il faudra parler avec une humble force, représentant fermement les raisons et l'importance. Si l'on allègue la Supérieure de Paris, il faut répliquer que cela a été trouvé si mauvais par tous les couvents et de tout le monde, comme il est vrai, qu'on ne l'y laissera guère ; car vous ne sauriez croire, ma très-chère fille, combien cela est désapprouvé, et ce qu'il a fait dire de l'esprit de cette bonne Mère. Si l'on vous voulait retirer tout [97] promptement de là, l'on aurait sujet de craindre un peu que votre absence ne nuisît à ces jeunes Supérieures.

Je ne me souviens pas bien de la fin de l'épître, mais il me semble qu'il faut dire : Impétrez la divine miséricorde à celle-ci, ou comme la première finit, ou bien mettez la fin comme vous voudrez, et finissez comme l'on fait une lettre, par mes très-chères Sœurs, puis la souscription, votre très-humble et obéissante et indigne sœur et servante en Notre-Seigneur, Sœur Frémyot, etc. Prenez garde, ma vraie très-chère fille, que si le Coutumier dit que les Supérieures déposées pourront être élues d'un autre monastère, il faut ajouter : « si une véritable nécessité le requiert. » Vous me connaissez si bien par l'amour parfait que vous me portez, qu'il m'est avis que vous entendez fort bien tout ce qui est de mes intentions, sans que je vous les exprime. Si donc, en revoyant ma lettre du Coutumier, vous trouvez quelque chose à y rhabiller, faites-le en esprit de sainte liberté ; car il m'est bien avis que Dieu, par sa bonté, a si bien uni nos esprits que nous ne pouvons avoir diversité de sentiments.

Vous oubliâtes de donner les huit écus que j'avais demandés pour la colle et les chemises de notre petite chère Sœur F. -Angélique [de la Croix de Fésigny], que nous avons laissée à Riom, où tout va mieux que je ne pensais, grâce à Dieu. — La famille de Montferrand est tout à fait bonne, avec quantité de filles d'élite, grâce à Dieu. Je vous écris ceci en chemin, proche de Moulins. J'aime chèrement nos bonnes Sœurs vos filles, et les salue avec vous de tout mon cœur. — J'oubliai de vous dire, ma très-chère fille, que vous ôtiez du Directoire de l'Office ce qui y pourrait être de contraire à l'Office de Notre-Dame qui est du Concile ; et qu'en l'article des communions, ou il est dit : une pour les princes chrétiens, ajoutez : « notamment pour celui du pays où la congrégation se trouve établie », Parce que ces mots sont dans la Constitution de la directrice. [98] Je vous dis que vous ajoutassiez, où il est dit que les bâtiments se feront simplement et solidement, ajoutez, dis-je, « à la capucine. »

J'avais écrit jusqu'ici quand je reçus vos lettres. Que dites-vous, ma très-chère fille, si je suis contente de votre maison, et si vous nous avez reçue avec assez de cordialité ? Vraiment, vous êtes admirable de douter de cela. Votre fait est tel qu'il n'en faut plus parler, et vous et votre maison êtes au milieu de mon cœur, et rien n'est comparable à cela, après Nessy, qui doit en tout tenir le premier rang dans nos affections. C'est assez dit, vous prisez trop ce qui part de moi, qui ne peut avoir aucune bonté que celle que Dieu y daigne mettre ; qu'éternellement soit-Il béni et glorifié Lui seul ! De retourner à vous, je m'en garderai bien maintenant ; et ces pauvres maisons qui nous attendent, que diraient-elles ? — Je ne puis ôter de mon sentiment que ce ne soit la gloire de Dieu et sa volonté que vous soyez déposée, et qu'un an durant vous serviez à dresser les nouvelles Supérieures. Cela doit contenter M. votre Supérieur, qui me désobligera fort, s'il ne le fait. — Faites au plus tôt votre seconde maison[27] et louez-en une en attendant l'achat d'une autre. Que vous devez à Dieu de vous départir ainsi ses grâces ! Bénie soit sa bonté, j'en suis consolée.

Tenez main que le Coutumier s'imprime au plus tôt, et fort correctement, voyez-[en] toutes les feuilles. Je vous enverrai par la litière la Constitution corrigée pour servir de copie à l'imprimeur. Ne soyez jamais en peine de ce que vous me direz. Il faut finir. Adieu, ma très-chère fille, à Dieu soyons-nous éternellement et sans réserve. Je suis vôtre d'une façon fout à fait incomparable. Je salue nos très-chères Sœurs, mais de tout mon cœur, et M. Brun.

Conforme à l'original gardé aux Archive » de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCXVIII - À LA SŒUR FRANÇOISE-ANGÉLIQUE DE LA CROIX DE FESIGNY

À RIOM[28]

Encouragements à servir Dieu avec joie et confiance.

VIVE † JÉSUS !

[Moulins, 1627.]

Eh bien ! ma très-chère petite, que fait votre pauvre petit cœur ? J'ai confiance en la bonté de Dieu qu'il est tout brave et tout reposé en son Dieu, qui sera sans doute sa douce consolation, puisqu'il s'est privé de ce qui lui était le plus cher pour le service de sa gloire et obéir à son très-saint bon plaisir. Courage, ma fille, soyez généreuse et joyeuse en ce service ; [100] souvenez-vous de ce que je vous ai dit, conservez voire cœur en dévotion, le tenant, près de Dieu le plus que vous pourrez ; ne faites point d'enfances, mais traitez judicieusement, sans contrainte toutefois, franchement et sagement, selon l'esprit que je sais que Dieu vous a donné. Adieu ! assurez-vous que, Dieu aidant, je vous reverrai et que je suis tout à fait vôtre en Notre-Seigneur. Qu'il vous bénisse !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCXIX - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Conseils au sujet d'une jeune Religieuse qui avait besoin d'apprendre à s'humilier et à obéir.

VIVE † JÉSUS !

[Moulins], 4 novembre [1627].

J'ai enfin reçu le livre de la Vie de notre Bienheureux Père et la lettre, le tout bien empaqueté. — Mon Dieu ! ma très-chère fille, comment est-il possible que cette bonne Sœur ait si mal pris l'intention que j'avais en lui conseillant la lecture du Père Rodriguez, ès chapitres : De la connaissance de soi-même, De l'humilité, et autres vertus dont il traite excellemment, et certes utilement, pour les âmes qui cherchent Dieu, ce dont cette bonne âme a tant de besoin ! Enfin cet esprit ne cherche pas les vraies vertus, mais elle-même ; il faut toutefois espérer que l'âge et surtout la grâce lui donneront un jour l'esprit de la vraie sagesse. Vous faites fort bien de ne la laisser guère aller vers les novices, ni les prétendantes, et aussi de ne lui pas pardonner les désobéissances formelles. Si la soustraction de la sainte communion la touche, [il] est bon de la lui faire, et les autres mortifications qui l'humilient plus. Vous lui fîtes fort à propos la mortification. [101]

Oui, ma très-chère fille, vous ferez fort bien d'avertir Mgr votre archevêque pour le sacre de votre église,[29] et de la dédier à Notre-Dame et saint Joseph ; que si notre Bienheureux Père était béatifié, on verrait ce que l'on ferait. — Certes, il faut que cette Sœur obéisse, assujettisse sa vivacité d'esprit à la Règle, autrement, après l'avoir souvent avertie, je lui ferais défense de lire qu'elle n'eût appris à le faire. Au reste, vous lui devez retrancher toutes les commodités de parler à la personne à qui elle a tant d'inclination et d'empressement de voir. Croyez, ma fille, qu'il faut bien éviter ces fréquentes communications avec telles personnes. Je n'ai loisir de dire plus.

Je vous prie, envoyez-nous deux pièces de bonne futaine blanche, et six couvertes blanches semblables à celles que vous avez envoyées les dernières [à Nessy], lesquelles étaient très-bonnes et bien choisies ; que celles-ci soient de même.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCXX - À LA MÈRE MARIE-FRANÇOISE HUMBERT

SUPÉRIEURE À THONON

Assurance du tendre et maternelle affection. — Demande de prières.

VIVE † JÉSUS !

[Bourges, 11127.]

Ma très-bonne et très-chère sœur,

Ne pensez pas que pour être un peu plus éloignée de vous selon le corps, je le sois selon l'esprit. Oh ! certes, il me semble que, grâce à Dieu, notre union spirituelle va toujours [102] croissant, par le saint désir que nous avons de nous joindre et unir de plus en plus en notre bon Dieu, par l'exacte observance de nos Règles et Constitutions ; en cela est tout mon désir. J'ai voulu vous saluer avec toutes nos chères Sœurs par le retour de notre bon M. Michel, craignant que je ne le puisse faire de longtemps. Soyez joyeuse, ma très-chère Sœur, avec vos bonnes filles, et vivez en parfaite douceur et cordiale dilection. Certes, j'ai été bien consolée de voir nos maisons où nous avons passé ; ce sont de bonnes âmes qui font bien, grâce à Dieu, que je supplie de vous combler toutes de ses saintes grâces. Croyez que je vous chéris de tout mon cœur, et que vous êtes bien ma très-bonne et chère Sœur. Je vous supplie, faites faire des prières ferventes et une communion générale pour obtenir [mot illisible] si c'est la sainte volonté de Dieu.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Thonon.

LETTRE DCCCXXI [Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À BOURG EN BRESSE

Bon état des maisons d'Orléans et de Blois.

VIVE † JÉSUS !

[Bourges, 1627.]

Ma pauvre très-chère et grande fille,

Il n'y a pas longtemps que je vous ai écrit ; mais je ne puis laisser aller M. Michel [Favre] sans saluer votre béni cœur, que j'aime si entièrement et si parfaitement. Nous voici prêtes d'aller à Orléans, d'où AI. Michel revint à soir, et de Blois, tout content et satisfait des caresses de nos bonnes Sœurs qu'il a trouvées fort à son gré, et m'a dit qu'il faut une maîtresse Supérieure à Orléans, qu'il y a de braves filles, que c'est un grand dessein que cette maison. Nous verrons, Dieu aidant, et [103] puis ce qui se pourra faire à Paris, et vous manderons toutes nos nouvelles. Faites-moi aussi part des vôtres, ma très-chère fille, et de celles de nos chères Sœurs que j'aime bien et les salue chèrement avec vous, que je prie Dieu rendre toute sainte. Nos Sœurs de N. sont de bons esprits et de bonnes filles. — Il y a ici une veuve de grandes dispositions pour un jour être digne Supérieure, et je pense qu'elle le sera, bien qu'elle n'ait que vingt-quatre ans, avec la licence de Mgr l'archevêque. Adieu, ma vraie fille toute chère, Dieu soit notre tout ; en Lui je suis vôtre incomparablement.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE DCCCXXII - À LA MÈRE MARIE-CONSTANCE DE BRESSAND

SUPÉRIEURE À MOULINS

Les Sœurs associées ne sont pas obligées à la récitation de l'Office. — L'assistante peut encore exercer un autre emploi. — De la coadjutrice. — Humilité de la Sainte.

VIVE † JÉSUS !

15 novembre 1627.

Ma très-chère fille,

Nous voici à notre première journée, d'où je réponds à votre grande lettre, afin qu'étant à Orléans, je ne sois pas distraite à écrire, car nous y aurons des affaires sans fin : Dieu nous aide, s'il lui plaît, pour les faire selon son bon plaisir. — Je ne vois nul inconvénient ni scrupule que cette bonne dame vous rende compte de sa conscience, surtout ayant le Père Binet pour garant, et certes, je crois que ce sera une charité agréable à Dieu.

Je crois que les Sœurs que l'on met par le congé du Supérieur au rang des associées ne sont pas obligées à réciter [104] l'Office, au moins notre Bienheureux Père l'a fait ainsi pratiquer à Annecy ; mais si les fêtes, elles désirent le faire, il leur faut laisser cette consolation. Pour la dépensière, l'on peut aussi lui faire réciter bas, et il est bon d'en avertir les Sœurs en général, et les particulières, afin qu'elles ne soient désolées. Je pense que notre Sœur M. -Catherine ne serait pas capable de ce retranchement, bien qu'elle ne fasse rien au chœur. —Oui, l'assistante peut avoir encore une charge comme vous dites : la pauvre Sœur M. A., que vous y avez destinée, est bien autrement occupée. La bonne odeur des maisons sort par celles qui ont commerce dehors ; si donc notre Sœur N. n'est pas goûtée, je pense qu'il serait bon de l'en retirer un peu, et tâcher de lui donner un autre exercice, et lui faire retrancher ces défauts que vous me marquez, qui sont apparents en elle. Si vous apercevez que notre Sœur M. E. [Verne] fût trop touchée de l'ôter conseillère, j'attendrais un peu de voir à quoi elle aboutira. Je prendrais notre Sœur A. -Louise [Gallois] pour coadjutrice. Je trouve bien bon que la Sœur nommée ait soin de vous, et que tout le reste se tienne en paix. Je vous prie qu'en tout ce qui regarde votre corps, vous preniez non-seulement le nécessaire, mais encore l'utile, cela fera du bien à votre esprit à cause de la grande répugnance que vous y avez.

Dieu permet ces vues de méfiance, pour l'exercice de votre anéantissement en tout ; mais c'est la vérité que je dis devant ce même Seigneur qui voit toutes choses, que vous êtes l'une de nos Supérieures que j'aime et estime le plus et à qui j'ai entière confiance ; soit dit cette fois pour toutes. Et je vois bien que votre vue est encore un peu choquée de ma façon de traiter, qui n'a aucune parole de cordialité et témoignage d'affection, l'inclination de cela m'étant, ce me semble, entièrement retranchée, et je ne fais pas attention pour le faire, quand même il serait bien requis. —Dès que je fus sortie de Bourges, avant que d'avoir vu votre lettre, j'eus un peu de [105] douleur, m'étant représenté que j'avais ainsi traité sèchement avec nos pauvres Sœurs et si courtement, que je suis étonnée comme l'on m'aime et désire voir, vu le peu de correspondance que je donne en paroles à leur affection. C'est avoir bien du loisir de vous dire tout ceci ; mais il m'est ainsi venu. Je voudrais bien que vous eussiez vu ma déposition[30] ; je ne pense pas en elle, ce sera pour le retour, car je n'ai rien que je voulusse vous cacher ; vous êtes certes ma très-chère Sœur que j'aime sincèrement plus que je ne puis dire.

Ce qui se passe en vous est très-bon et porte bon fruit ; il ne faut point douter que ce ne soit de Dieu. Ce me sera toujours consolation de le savoir ; c'est assez. Mille saluts à toutes nos chères Sœurs, à part notre bonne Sœur M. E. — Dieu vous remplisse toutes de son saint amour, auquel je suis tout à fait vôtre.

Dieu soit béni !

[P. S.] Je vous prie, écrivez à notre Sœur de Riom pour parler à ce bon Père de l'Oratoire, à qui nous remîmes notre paquet pour Lyon ; car notre Sœur la Supérieure de là écrit, du 10 de ce mois, qu'elle ne l'avait pas reçu d'Orléans.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Voiron. [106]

LETTRE DCCCXXIII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Ne pas dépasser le nombre de Religieuses limité par la Règle.

VIVE † JÉSUS !

Orléans, 16 décembre [1627].

Je ne puis écrire, ma très-chère fille ; mais vous en aurez maintenant reçu deux de nous avec plusieurs autres. Loué soit Dieu de tout le bien qu'il fait en votre chère maison et à nos bonnes jeunes professes. Vous avez fait sagement de donner la profession à notre Sœur M. J. ; vous devez cela aux Pères. Je salue très-humblement le Révérend Père provincial, c'est un digne homme qui nous aime grandement, et que j'honore d'une confiance toute particulière. Si vous recevez les Entretiens, faites en sorte qu'il les voie et en dise sa pensée.

Je vous prie, soyez ferme pour ne passer au moins le nombre de quarante-cinq, que notre Bienheureux Père nous dit à Paris qu'il ne fallait pas excéder. Retardez-les ; envoyez-en en la nouvelle maison, aux maisons voisines. Certes, les si grandes familles ne peuvent être si bien conduites ni ajustées à l'observance que les médiocres. Bonsoir, ma très-chère fille ; nous irons bientôt à Paris.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [107]

LETTRE DCCCXXIV - À LA MÈRE JEANNE-MARGUERITE CHAHU

SUPÉRIEURE À DOL, EN BRETAGNE[31]

Éloge de l'évêque de Dol ; user de ses libéralités avec discrétion. — Faire lire les Écrits de saint François de Sales. — On imprime le Coutumier et la Règle.

VIVE † JÉSUS !

Orléans, 24 décembre [1627].

Je supplie le divin Sauveur de verser abondamment les sacrées bénédictions et consolations de sa sainte naissance sur vous, ma très-chère fille, et sur toute votre petite communauté, qui est certes bien chérie de mon cœur ; car je connais toutes les chères âmes que Dieu vous a associées pour l'accomplissement de cette sainte œuvre. Mon Dieu ! que ce m'aurait été une douce consolation de vous voir toutes avant votre départ, et vous particulièrement, ma chère fille, qui m'avez toujours été très-chère ; mais, puisqu'il n'a pas plu à Dieu, je ne le veux pas, espérant en sa miséricorde que nous nous verrons en la bienheureuse éternité. [108]

Notre très-chère Sœur [H. À. Lhuillier] Supérieure de la ville nous avait fait savoir l'assistance et bon conseil que le débonnaire prélat vous avait fait, de quoi je fus fort consolée. Oh ! ma très-chère fille, il lui faut correspondre par un grand et suave respect, et avec un amour tout filialement dévot et cordial, afin qu'il soit consolé [de la] bonne œuvre qu'il a procurée, et en quelque façon récompensé de ses biens temporels par les nôtres spirituels. — Ne voulez-vous pas bien, ma très-chère fille, que je vous dise tout confidemment un désir qui me vint, sitôt que je sus comme ce bon prélat vous avait reçue ? Voyant sa bonté et la charité qu'il vous faisait, il me vint au cœur de vous prier que vous le chargeassiez le moins qu'il vous serait possible, et que, puisqu'il vous veut nourrir et fournir ce qui vous sera requis, vous fissiez le moins de dépenses que vous pourrez, afin que, ne se trouvant pas trop chargé, il vous continue sa charité avec plus d'allégresse, et qu'enfin toutes les Sœurs usassent d'une grande gratitude et reconnaissance envers lui ; et ceci est tout conforme à l'esprit de notre saint Fondateur, ma très-chère fille. Dès votre commencement, vous avez bien fort chéri ses maximes ; je vous conjure de les conserver précieusement.

J'espère que l'été prochain les Entretiens seront imprimés et la Vie de ce Bienheureux Père écrite plus au long et plus selon sou esprit : nous vous enverrons le tout, Dieu aidant. Rendez, vos filles très-affectionnées à lire tous ses écrits, c'est le pain solide dont Dieu veut que nous fortifiions et nourrissions nos âmes ; c'est la doctrine qui nous est propre et particulière. Oh ! Dieu nous fasse la grâce de la si bien pratiquer que nous soyons tout enflammées de la pureté de l'amour divin, toutes détrempées en la douceur et charité du prochain, et toutes reluisantes en la modestie, affabilité, simplicité et sincère humilité qu'elle nous enseigne ! Vous trouverez là dedans, ma très-chère fille, tout ce que vous aurez besoin pour le bon [109] gouvernement de votre charge et de votre chère âme, sous ce fardeau que Dieu vous a imposé. Ayez un grand et allègre courage ; faites doucement votre petite besogne, toujours avec Dieu, et vous reposez entièrement au soin de sa divine Providence ; assurément, qu'il vous conduira très-bien, et fera croître en bénédiction et parfaite observance cette petite plante que sa main paternelle a daigné planter au jardin de sa sainte Eglise.

Vous verrez par la longueur de ma lettre la consolation que je prends à m'entretenir avec vous, et pour récompenser la perte que je ferai de ne pas vous trouver à Paris, où nous espérons d'aller bientôt, et vous témoigner la continuation de ma cordiale et confiante affection en Notre-Seigneur. C'est en notre retraite de Noël que je vous écris ; un autre temps ne m'eût pas permis un loisir si entier.

On imprime le Coutumier et les Règles, avec les Bulles du petit Office et de la confirmation [de notre Institut]. Nous [vous] ferons part de tout quand nous les aurons ; et cependant, ma très-chère fille, je vous supplie, et toutes nos chères Sœurs, de me recommander à la divine Miséricorde, comme une âme qu'il vous a donnée pour vous chérir et servir en toute sincérité. Je vous salue toutes en la dilection sacrée du doux Jésus, notre bon Sauveur, et si j'ose et que vous le trouviez à propos, je fais une très-humble révérence à Mgr votre bon évêque, que je prie Dieu [de] sanctifier, et suis sa très-humble servante. Je vous écrirai avant de nous en retourner de ces quartiers. Votre lettre était de fort vieille date, ne l'ayant reçue que dès quatre ou six jours. Je suis de cœur votre très-humble et indigne Sœur et servante en Notre-Seigneur.

D'Orléans, veille de la sacrée Naissance de Notre-Seigneur.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCXXV - À DOM JUSTE GUÉRIN

PROVINCIAL DES BARNABITES, À LYON

Pressante invitation de se rendre promptement à Orléans. — Ne rien épargner pour avancer les affaires de la béatification de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

Orléans, 26 décembre [1627].

Que de sujets de bénir Dieu, mon pauvre très-cher Père, en toutes ces bonnes nouvelles que vous m'écrivez des affaires de mon tant cher et bien-aimé Seigneur et Père ! Mon Dieu ! que mon très-cher Père dom Juste est incomparable en son affection et en son travail pour cette bénite béatification ; mais aussi, certes, nous sommes incomparables en la sainte affection que nous avons pour vous, mon pauvre très-cher Père ; car je vous tiens là, tout au beau milieu de mon cœur, dont jamais personne ne vous déplacera, Dieu aidant.

Je reçus seulement hier vos lettres, toutes ensemble. Je ne sus encore bien comprendre le dessin de la planche ; mais j'espère que je l'entendrai bien, et que nous le ferons faire bravement. Je me presse de vous écrire promptement pour vous dire que j'ai une consolation nonpareille de la résolution que vous prenez de venir promptement par deçà. Je vous supplie et vous conjure de le faire au plus tôt, et ne vous amusez point à beaucoup entretenir cette petite Supérieure de Lyon, ni ses filles ; car elles ne manqueront pas de vous attirer, elles en savent bien le métier. Venez vitement[32] vers la pauvre vieille, qui est ici encore pour un grand mois, et puis ira à Paris trouver notre bon archevêque de Bourges, qui y arrivera au commencement du mois prochain. Il m'écrit qu'il a un [111] grand courage et un grand amour pour achever cette sainte besogne.

Au reste, je vous prie, ne soyez point si craintif pour la dépense ; jamais argent ne sera mieux employé, ni donné de meilleur cœur que celui qu'il faut pour cette affaire. Certes, je ne pense pas que rien s'avance de deçà que vous n'y soyez. Vous trouverez ici et à Paris des personnes bien affectionnées et force grâces en cette ville. Venez donc vitement, car je voudrais bien vous voir en train ici devant que d'en partir pour Paris ; mais, bien que je vous dise tout ceci, nous ferons en tout ce que vous jugerez pour le mieux, et je vous supplie et conjure que vous fassiez en tout et partout ce que vous jugerez le mieux, sans vous astreindre à mon avis, ni à ce que je vous dis. J'écris fort à la hâte. Si vous changez de dessein, mandez-le-moi ; mais j'en serais en peine, craignant quelque traverse de la part du Révérend Père général.

Adieu, bonnes fêtes, mon vrai très-cher Père ; je suis d'une affection incomparable toute vôtre. Dieu vous rende tout saint en travaillant pour son Saint. Mon très-cher Père tout bon, je suis en vérité votre très-humble, etc.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy. [112]

LETTRE DCCCXXVI - À LA SŒUR FRANÇOISE-ANGÉLIQUE DE LA CROIX DE FÉSIGNY

MAÎTRESSE DES NOVICES À RIOM

Les âmes humbles et confiantes sont les plus agréables à Dieu. — Conseils pour la direction des novices.

VIVE † JÉSUS !

[Orléans, 1627.]

Ma très-chère petite,

Votre lettre m'a fort consolée, car je vous y vois un peu plus déterminée de suivre les conseils que nous vous avons donnés, qui vous sont uniquement propres. Ma très-chère fille, je vous conjure de tenir votre cœur haut élevé dans une sainte joie généreuse, et tout à fait confiante en la bonté de Celui qui a daigné vous choisir pour le servir en cette maison, où je sais bien que les esprits ont plus de capacité que le vôtre ; mais ce n'est pas cela que Dieu regarde, ni qui contente sa Bonté ; mais ceux qui seront les plus humbles, les plus fidèles à faire ses divines volontés, comme je sais que, grâce à Dieu, vous en avez la résolution, et je ne vous demande rien, sinon que vous viviez là comme vous avez fait à Nessy, croissant en perfection par la persévérance au bien, et rie vous fâchez point si vous faites des fautes par-ci par-là ; et, pour Dieu, n'en laissez abattre votre esprit ; mais relevez-vous courageusement. Je serais bien aise que surtout vous retranchassiez les enfances ; mais, s'il vous en échappe, ne vous fâchez point, mais je veux que vous me croyiez ainsi. Au reste, ma très-chère petite, prenez bon courage pour conduire vos novices selon votre Directoire, et vous verrez que Dieu bénira votre soin et travail. Pour moi, j'ai cette confiance que sa Bonté se veut servir de vous pour le bien de celle maison ; car, comme vous savez, tout dépend du noviciat.

Cette bonne Sœur Madeleine ne me plut jamais, et qu'elle [113] ne pense pas que j'aie cru ses révélations ; certes, Dieu ne les donne pas à des âmes si pleines d'imperfections ; elle peut mentir en ce qu'elle dit que je lui ai dit, comme en autre chose. Tâchez, toutefois, de la gagner et de donner à ma pauvre Sœur la Supérieure tout le contentement que vous pourrez. — Je vous écris sans loisir, et ne le puis faire si souvent que je voudrais ; mais nous nous reverrons, Dieu aidant. Ma fille, ma très-chère petite, je vous conjure derechef d'être joyeuse et généreuse en ce service que vous rendez à sa Bonté. Demandez-Lui toujours tout ce que vous aurez à dire et à faire, et assurez-vous qu'il parlera et fera par vous tout ce qui sera pour votre bien et celui de vos chères novices, que j'aime tendrement, et les salue chèrement et toutes nos Sœurs. Dieu veuille redresser notre Sœur N. Adieu, ma fille.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCXXVII - À SAINT VINCENT DE PAUL[33]

Elle lui découvre humblement et confidemment ses peines et ses combats intérieurs.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], décembre 1621.

Vous voilà donc, mon très-cher Père, engagé à travailler dans la province de Lyon, et, par conséquent, nous voilà privées de [114] vous voir de longtemps ; mais, à ce que Dieu fait, il n'y a rien à redire, ains aie bénir de tout, comme je fais, mon très-cher Père, de la liberté que votre charité me donne de vous continuer ma confiance, et de vous importuner ; je le ferai tout simplement.

J'ai donc fait quatre jours d'exercices [retraite] et non plus, à cause de plusieurs affaires qui me sont survenues. J'ai vu le besoin que j'ai de travaillera l'humilité et au support du prochain, vertus que j'avais prises l'année passée, et que Notre-Seigneur m'a fait la grâce de pratiquer un peu ; mais c'est Lui quia tout fait et le fera encore, s'il Lui plaît, puisqu'il m'en donne tant d'occasions. Pour mon état, il me semble que je suis dans une simple attente de ce qu'il plaira à Dieu faire de moi : je n'ai ni désirs, ni intentions ; chose aucune ne me tient que de vouloir laisser faire Dieu ; encore je ne le vois pas, mais il me semble que cela est au fond de mon âme. Je n'ai point de vue ni de sentiment pour l'avenir ; mais je fais à l'heure présente ce qui me semble être nécessaire à faire, sans penser plus loin. Souvent tout est révolté en la partie inférieure, ce qui me fait bien souffrir, et je suis là, sachant que, par la patience, je posséderai mon âme. De plus, j'ai un surcroît d'ennui pour ma charge ; car mon esprit hait grandement l'action, et, me forçant pour agir dans la nécessité, mon corps et mon esprit en demeurent abattus. Mon imagination, d'un autre côté, me peine grandement en tous mes exercices, et avec un ennui assez grand. Notre-Seigneur permet aussi qu'extérieurement j'aie [115] plusieurs difficultés, en sorte que chose aucune ne me plaît en cette vie que la seule volonté de Dieu qui veut que j'y sois. Et Dieu me fasse miséricorde, que je vous supplie Lui demander fortement, et je ne manquerai pas de Le prier, comme je fais de tout mon cœur, et qu'il vous fortifie pour la charge qu'il vous a donnée. [116]

ANNÉE 1628

LETTRE DCCCXXVIII - À LA MÈRE MARIE-MARGUERITE MICHEL.

SUPÉRIEURE À DIJON[34]

Séjour de Mgr de Bourges à Dijon. — Avis sur divers sujets.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, janvier 1628.]

Ma très-chère fille,

C'est la bonté de votre cœur qui vous fait recevoir avec tant de contentement nos lettres. Certes, ce m'est aussi une grande consolation de savoir que tout va si bien et si doucement chez vous. J'en loue et remercie Notre-Seigneur, et supplie sa Bonté, ma très-chère fille, de vous continuer et accroître ses saintes grâces.

Hélas ! je n'en doute pas, que la présence de notre digne et bon archevêque ne vous donne beaucoup de suavité, non plus [117] que de la très-grande et sincère charité du pauvre cher cousin, qui est certes incomparable, et c'est elle qui lui donne l'aversion de voir entrer parmi nous des esprits qu'il n'en juge pas capables. Certes, je ne saurais dire si cette petite Desbarres sera propre ; car, d'une part, vous me dites qu'elle a un petit esprit, mais très-doux et maniable, et qu'elle fait des réponses de bon jugement. Je ne sais pas qu'en dire, sinon que vous qui la voyez, avec les Sœurs, fassiez ce que Dieu vous en dictera, car je sais que le cher cousin sera content de cela.

Mon Dieu ! ma très-chère fille, je vous prie, ne laissez jamais entrer dans votre esprit ces niaises pensées qui vous pourraient troubler ; car je sais que votre bon et cordial amour pour moi ne pourrait souffrir ces petits soupçons sans peine ; et, de vrai, ma fille, c'est une tentation, car je vous aime et chéris de tout mon cœur. — J'espère de voir Mgr de Langres cet hiver ; mais puisque la Règle nous renvoie au Père spirituel, il faudrait s'arrêter là ; toutefois, puisque vous en avez écrit à ce bon prélat, il faudra encore un peu différer que je lui aie parlé. — Adieu, ma très-chère fille ; vivez dans ce parfait abandonnement de vous-même, et soyez toute pure et [118] toute simple dans l'étroite observance. Je suis de tout mon cœur toute votre. Mille saluts à nos chères Sœurs.

[P. S.] Je suis bien aise que notre pauvre chère Sœur de Vigny retourne à vous ; c'est une âme toute nôtre, et qui mérite une sincère et entière confiance.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCXXIX - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À BLOIS

Gratitude et confiance dues aux Pères Jésuites. — Il ne faut pas donner le petit habit à des enfants trop jeunes.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 1628.

Ma très-chère fille,

À mesure que Dieu nous destitue plus d'appui et de secours humain, Il nous signifie qu'il veut que nous mettions en Lui toute notre espérance et confiance. J'espère pourtant qu'il vous conservera le bon M. Riollé. — Quant à ce bon Père Jésuite dont vous me parlez, je suis étonnée que vous ayez toujours quelque mortification de ce côté-là, vu qu'en tous nos autres monastères ces bons Pères nous témoignent tant d'affection, et nous rendent tant d'assistance que nous leur sommes grandement obligées. Il ne se peut pas dire l'honneur et la révérence avec laquelle ils parlent de notre Bienheureux Père en leurs sermons. Mais il ne se faut pas étonner si, parmi un si grand nombre, il s'en rencontre quelqu'un qui n'est pas de l'humeur des autres. Il ne faut pas pour cela vous aliéner cette sainte Compagnie, mais nous nous y devons tenir toujours unies, car notre Bienheureux Père nous l'a recommandé. Et si bien vous aurez trouvé là sujet de mortification vers [119] quelques-uns, il faut que vous vous souveniez qu'ailleurs vous avez aussi trouvé de l'utilité en d'autres, afin que le souvenir du bien passé vous fasse supporter doucement les petits mécontentements présents. Je n'ai jamais vu en nos autres maisons aucun sujet de plainte contre eux, grâce à Notre-Seigneur.

Je n'ai point su qu'en aucun de nos monastères on ait reçu des filles pour le petit habit à l'âge de six ans, sinon en qualité de fondatrices ou bienfaitrices ; car ce titre donne l'entrée du monastère à quelque sorte de condition que ce soit ; mais les prélats veulent et méritent toujours quelque préférence, et peuvent dispenser de l'âge en ce qui regarde ces petites ; et au reste, ma fille, il est toujours bon de se tenir ferme dans l'enclos de l'observance.

Ma très-chère fille, il faut que je vous dise en confiance que j'ai reçu une lettre, qui ne m'a été écrite d'aucun Jésuite, ni en nulle façon de leur part, qui fait mention de quelque chose qui s'est passé entre ceux de Blois et vous, en divers temps et occasions. Hélas ! ma très-chère fille, cela fera bien parler le monde d'eux et de vous s'il s'en apercevait, et que l'on connût de la froideur en la communication que leur maison et la vôtre ont toujours eue. Bien que l'on puisse avoir tort quelquefois, ma très-chère fille, si, ne devons-nous jamais mécontenter personne ni faire des revanches, ni moins, nous désunir de quelque ecclésiastique que ce soit, tandis qu'ils ont la crainte de Dieu et la bonne renommée, comme ont ces Pères qui nous obligent tant et partout. Prenez ceci fort simplement et en faites un bon et doux usage, selon la sainte et charitable prudence chrétienne et selon notre confiance cordiale.

Dieu répande son saint amour sur votre très-chère âme. Amen. Je suis toute vôtre.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans [120]

LETTRE DCCCXXX - À LA MÈRE JEANNE-MARGUERITE CHAHU

SUPÉRIEURE À DOL, EN BRETAGNE

Impossibilité d'aller visiter sa communauté.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 31 janvier 1628.

Ce n'est pas pour vous écrire, ma très-chère fille, car je n'en ai pas le loisir, mais pour vous témoigner seulement l'incomparable affection de mon cœur pour le vôtre, qui m'a toujours été très-particulièrement cher, parce que j'y ai vu un véritable et constant désir d'être tout à Dieu, dans la parfaite observance de nos saintes Règles. Hélas ! ma chère fille, croyez, je vous en supplie, que si nous ne pouvons vous aller voir, ce ne sera pas faute d'affection, et plusieurs de nos autres monastères seront aussi retranchés ; car déjà l'on me presse de retourner pour les affaires de notre tant saint et Bienheureux Père ; mais nous vous enverrons tout ce que nous aurons ramassé de ce Bienheureux, et croyez, ma très-chère fille, que mon esprit ne se séparera jamais du vôtre. Dieu nous a conjointes, et conservera, s'il Lui plaît, cette union en Lui, à l'éternité de sa gloire.

Pour ce mot que je vous écrivis, que vous vouliez bien que je vous disse, c'est ma façon de parler, et non par aucune méfiance de votre chère dilection, en laquelle j'ai parfaite confiance comme à ma vraie et très-chère fille. Je serais bien aise de savoir l'état de votre cœur avant notre départ d'ici, où je vois qu'il faudra passer l'hiver. — Je suis pressée. Adieu, ma fille très-chère et bien-aimée ; je salue toutes nos Sœurs, que j'aime cordialement. Dieu nous fasse toutes vivre dans la pureté de son amour divin et en l'amoureuse pratique de notre abjection. [121]

O ma fille ! l'amour de cette petitesse sera la vraie grandeur des Filles de Sainte-Marie. Je suis vôtre sans réserve.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCXXXI - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

La Sainte se réjouit des faveurs spirituelles dont Dieu comble cette Mère. Sa peine quand elle est obligée de contrister quelqu'un.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 10 février [1628].

Mon Dieu ! ma vraie très-chère fille, que voire lettre du jour du grand saint Paul m'a été douce et à grande consolation ! Oh ! ma fille, il est vrai, je crois qu'il n'y avait que notre Bienheureux Père, notre Sœur Favre et moi, à qui Dieu donnât la lumière et le sentiment de votre disposition, et de ce que sa Bonté faisait espérer de vous. Que béni soit éternellement Celui qui nous élève de la poussière de notre néant, pour nous donner la dignité et l'honneur d'être siennes ! Ma fille ! vraiment, mon incomparable très-chère fille, je ne vous saurais dire le ressentiment pressant que j'ai de tant de grâces que Dieu vous départ ; mais, ma fille, faites, je vous prie, par vos intercessions, que je ne sois plus ingrate à mon Dieu ; mais que dorénavant, je le serve en pureté et parfait anéantissement de moi-même. Je suis si fort accablée d'affaires, de visites, de tracas que j'admire comme Dieu me soutient et me supporte en tant de fautes que je commets. Sa douce Bonté me délivre de moi-même et me fasse vivre à Lui seul. Je la loue du bon progrès de nos très-chères Sœurs de l'une et de l'autre maison.

J'écris à M. de la Faye selon votre désir, mais je ne sais quoi ; [122] vous en ferez ce que vous voudrez. Ce serait un vrai dérèglement que de vouloir nous contraindre à vous laisser là encore Supérieure ; je crois que Dieu lui divertira cette pensée.

Voilà la lettre de deux mois que l'on avait égarée à Orléans ; je vous l'envoie sans me souvenir de son contenu. Vous verrez dans celle que j'écris à notre Sœur la Supérieure [d'Annecy] ce qui se passe ici : je lui parle avec confiance selon que je me sens obligée devant Dieu. Cette nuit, j'ai veillé deux ou trois heures, pour la peine que ma nature ressent de contrister le cœur de cette pauvre chère Sœur, et de faire des remuements ; mais je craindrais de manquer à Dieu et à notre Institut, si je ne représentais à qui je dois ce qui se passe, afin qu'eux, qui sont Supérieurs, concluent selon que Dieu leur inspirera, et moi, que j'obéisse et me charge de ce faix selon qu'il plaira à Dieu. Recommandez cette affaire et celles de notre Bienheureux Père à cette infinie Bonté. — Je ferai répondre aux affaires ; car certes je ne puis fournir à écrire, et c'est charité que de ne me point écrire pour avoir réponse ; ce que je ne dis pas pour vous, car vos lettres me soulagent, me consolent et font du bien, car Dieu a mis une très-spéciale bénédiction en notre alliance, dont II soit béni ! Amen.

[P. S.] S'il se peut, ma fille, faites-moi faire quatre ou cinq petits reliquaires comme le dernier que vous me donnâtes, dans lequel, comme en celui-là, vous fassiez mettre, s'il se peut, de ces petites fibrines qui sont autour de l'ouverture du cœur de notre Bienheureux Père, et me les envoyez le plus tôt que vous pourrez.

Je me suis toujours oubliée de vous dire que nous vîmes le Père Morin à Orléans ; je lui dis le désir qu'aurait M. de la Faye de vous mettre Supérieure au nouveau couvent ; il me répondit qu'il s'en fallait bien garder, que Mgr de Lyon le trouverait fort mauvais. Je vous prie, si vous n'avez [123] commodité prompte et assurée pour envoyer à Annecy, envoyez un homme exprès qui rapporte réponse, afin que cela ne nous retarde point tant en cette ville.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCXXXII - À LA MÈRE MARIE-CONSTANCE DE BRESSAND

SUPÉRIEURE À MOULINS

Projet de fondation à Rouen. — Support à l'égard de la Sœur de Morville.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 12 mars [1628].

Ma très-chère fille,

Il me semble que ce que madame la maréchale de Saint-Géran offre pour la fondation [de Rouen] est suffisant ; car je m'assure qu'elle rendra perpétuelles les cinq cents livres de rente, ou du moins jusqu'à ce que le monastère soit suffisamment pourvu d'ailleurs. Je trouve que la difficulté est de lui donner des filles propres et solides, comme il convient pour le fondement spirituel ; car je ne sais pas si vous en trouverez dans Riom, ni à Moulins suffisamment pour cela, sans incommoder, voire, nuire à ces monastères, ce de quoi je vous laisse le jugement et à notre Sœur la Supérieure de Riom.

Je pensais que si vous jugiez de ne pouvoir tirer des filles de ces deux monastères, il faudrait donner seulement notre Sœur M. -Suzanne [Dupré] avec une autre, et prendre à Paris la Supérieure et le surplus qui serait nécessaire, jusqu'au nombre au moins de six en tout ; car je ne vois pas qu'on puisse se passer à moins en ces commencements ; ou bien, si vous pensez que notre Sœur votre assistante puisse être tirée de Moulins, et qu'elle ait les talents de bien gouverner, comme je le pense, puisqu'elle est si bonne directrice, vous pourriez l'y [124] employer ; mais, pour Dieu, n'envoyez en cette fondation que des filles solides et affermies en la vraie vertu : voilà ce que je puis vous dire pour ce point, ma très-chère fille.

Quant à notre Sœur M. A. [de Morville], je vous supplie de former et assurer votre conscience, par l'avis de votre Père Jésuite, sur ces difficultés dont vous m'écrivez. Pour moi, je crois que vous n'êtes chargée sinon de lui dire tout doucement et sans la presser, ce qui est de son devoir ; et ce qu'elle fera après, vous n'en aurez nulle coulpe, et vous prie d'en demeurer en repos. Tirez-en partant ce que vous pourrez suavement, et laissez passer le reste. Vous devez lui concéder ce que vous verrez qu'elle désirera ardemment, pourvu que les Pères Jésuites vous disent que vous le fassiez ; car aussi bien de la contrarier, l'on n'y gagne rien que de lui faire faire pire. Tenez toujours quelque ascendant sur son esprit, cela est nécessaire.

Je n'ai nul pouvoir de relire votre lettre pour y répondre distinctement. Je vous prie, ma fille, conservez bien votre cœur en paix et ne prenez aucun scrupule de toute la conduite de notre Sœur M. A. Je vous fais ce billet sans nul loisir, mais avec un cœur toujours plus affectionné à votre bien et consolation. Je salue toutes nos chères Sœurs, particulièrement notre Sœur M. A.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Voiron. [125]

LETTRE DCCCXXXIII - À LA MÈRE JEANNE-MARGUERITE CHAHU

SUPÉRIEURE À DOL, EN BRETAGNE

Elle lui recommande le respect et la confiance envers son évêque.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 19 mars [1628].

Ma très-chère fille,

Certes, ce m'est toujours bien du contentement de recevoir de vos chères nouvelles ; car j'aime tendrement votre petite famille, et croyez que ce n'est nullement faute d'affection que je ne la vois pas, car j'en ai un désir très-grand que je soumets néanmoins à Dieu, à qui il ne plaît pas, puisque notre Supérieur ne le veut pas.

Or, vous trouverez dans nos Réponses sur les Règles celles aux questions de votre lettre ; et j'ajouterai seulement, ma très-chère fille, ce que votre bon cœur me donne confiance de lui dire, c'est touchant le très-bon Mgr de Dol, qui me dit une réponse que vous lui avez faite, que je trouve un peu trop sèche ; car tandis qu'un prélat ou supérieur ne touche point à l'Institut, il ne lui faut pas dire qu'on lui obéira jusque-là. Et si quelqu'un y voulait contrevenir, il faudrait vraiment s'y opposer, mais avec tant d'humilité, de respect et de douceur, que tout à fait on les gagnât par cette voie ; car vous savez, ma très-chère fille, que cela est l'esprit de l'Institut, et j'aimerais mieux que l'on cédât pour un temps que de manquer à la soumission et honneur qu'on leur doit ; l'esprit de la Visitation étant plus précieux et plus digne d'être conservé que quelque coutume extérieure. Enfin, ma très-bonne et chère fille, je vous conjure d'en avoir un grand zèle, et de croire que mon âme chérit la vôtre très-chère du meilleur de mon cœur ; et vous savez bien que vous avez toujours été ma très-chère fille, et le serez de plus en plus tandis que Dieu me conservera en sa grâce. [126]

Je supplie sa Bonté de répandre ses plus chères bénédictions sur vous et toute votre chère famille, à laquelle j'écris un billet. Je suis d'une affection incomparable tout à fait vôtre en Notre-Seigneur. Qu'il soit béni I Amen. — Jour du grand saint Joseph.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCXXXIV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-MADELEINE DE MOUXY

SUPÉRIEURE À RUMILLY

Souhaits d'un saint avancement dans la parfaite observance.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 22 mars [1628].

Ce m'est un grand sujet de bénir Dieu, ma très-chère et bonne Sœur, de savoir le contentement où vous et vos chères Sœurs vivez ensemble, dans le soin d'une parfaite observance. Loué en soit éternellement notre bon Dieu. J'espère que tout ira toujours avec un saint accroissement à la plus grande gloire de sa divine Majesté et à votre consolation. — C'est bien dit, ma très-chère Sœur ; nous dirons tout quand nous nous reverrons ; nous parlerons du spirituel et du temporel, Dieu aidant, que je supplie répandre avec abondance ses plus saintes grâces sur vous et toutes nos chères Sœurs, que je salue de tout mon cœur avec vous. Je n'oublie [pas] nos bonnes Sœurs Bernardines, M. le curé, M. Billet, ni madame la comtesse [de la Fléchère]. Bonjour, ma très-chère Sœur ; tenez-moi pour entièrement vôtre en Notre-Seigneur, car je le suis. Il soit béni.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [127]

LETTRE DCCCXXXV - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À BOURG EN BRESSE.

Invitation à se rendre promptement au deuxième monastère de Paris, où elle doit remplacer la Mère de Beaumont.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 30 mars [1628].

Ma très-chère fille,

Mgr de Genève s'est enfin résolu de retirer notre Sœur Anne-Catherine, Supérieure au faubourg,[35] pour l'employer par delà, à quoi elle s'est disposée avec très-grande promptitude, car c'est une âme vertueuse. Ce bon seigneur vous a proposée en sa place, de quoi tous les vrais amis de notre Bienheureux Père et de notre maison se réjouissent non pareillement, surtout la petite Supérieure de la ville. Vous devez donc vous [128] disposer, ma très-chère fille, et prendre un grand courage pour venir, en cette grande ville du monde, rendre de grands services à Dieu et à votre Ordre, y faisant régner et reluire de toutes parts l'esprit de notre saint Fondateur, agissant par la grâce que Dieu a mise en vous. Je sais que vous rendrez une odeur nonpareille ; c'est ma confiance et l'attente de tous ceux de ces quartiers, qui vous désirent et attendent avec amour et estime très-grande de votre vertu.

Certes, vous trouverez une petite troupe de neuf professes, dont la plupart sont des âmes d'élite, humbles, douces et soumises, qui ne cherchent que Dieu en la simplicité de leur cœur : il y a trois novices et autant de prétendantes, lesquelles ne manqueront pas. Mon Dieu ! ma très-chère fille, que j'ai de joie, que j'ai d'espérance en notre bon Dieu, qu'il sera glorifié par votre venue en ce lieu ! Or, il faudra que sans retardation, vous parliez le lendemain de Pâques, et que vous veniez tout droit sans aller passer à Lyon, car vous vous détourneriez grandement, outre que l'on ne fait en cette ville-là que nous tracasser. Vous savez qui c'est, et ma Sœur la Supérieure m'a écrit depuis peu que ce bon personnage-là avait dit des extravagances de nous à Mgr de Châlon. — Si vous ne pouvez avoir là une litière, vous prierez notre Sœur [de Blonay] de vous envoyer le samedi saint celle de Lyon. Je laisse à votre choix de prendre une de nos Sœurs religieuses pour vous accompagner ou notre Sœur de Vigny ; mais quiconque viendra, il faudra qu'il s'en retourne dans le même équipage avec notre Sœur la Supérieure du faubourg. Vous prendrez quelque ecclésiastique pour vous accompagner, et si vous n'avez [pas] de l'argent, vous manderez à notre Sœur la Supérieure de Lyon de vous en envoyer ; tout sera bien rendu ici. Vous recevrez bientôt votre obédience de Mgr de Genève. Faites les préparations de votre retraite doucement et sans bruit. Il faudra que vous veniez à bonnes journées, et sans vous arrêter que par [129] nécessité, parce que je désire de vous attendre ici, et le temps m'est long d'y être si longtemps, parce que c'est autant de diminution pour les autres maisons, d'autant que Mgr de Bourges ne veut pas retourner à Nessy, pour conclure les affaires de notre Bienheureux Père, que je n'y sois.

J'écrirai à notre Sœur qui vous succédera ; je ne le puis maintenant. Je suis fort marrie du mal de nos pauvres professes ; mais si elles sont à charge à la maison de Bourg, il eu faudra renvoyer à Nessy. Écrivez-moi au plus tôt, et me pardonnez de quoi il y a si longtemps que je ne vous ai écrit. Vous savez mon cœur pour vous qui est tout à fait vôtre. — Notre bon Mgr de Langres s'en va en son diocèse bientôt ; c'est un digne serviteur de Dieu, qui avance tous les jours. — Je suis bien aise que votre nombre soit accru par la charité de notre Sœur de Lyon. —Bonjour, ma très-chère fille ; mille saluts à nos Sœurs et à votre cœur bien-aimé. — Dieu soit béni et vous bénisse toutes. Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCXXXVI - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Fausse édition des Entretiens. — Prévisions pour le voyage de la Mère Favre.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 30 mars [1628].

Ma très-chère fille,

Je reçus à soir les Entretiens ; nous les verrons tant que nous pourrons pour vous les renvoyer avec la correction du Coutumier ; je connus, l’oyant lire, [ce] qu'il fallait faire de nouveau. L'on a ajouté quelques petites choses au Directoire que je n'aime trop, et ne s'est jamais pratiqué. Au reste, [130] ma fille très-chère, j'ai répondu à tout ce que vous m'avez écrit qui était nécessaire ; mais, en vérité, il m'est impossible de faire mieux, ni plus promptement, ce me semble, car je suis accablée. Pour Dieu, que ce que vous m'avez mandé de ces Entretiens supposés[36] soit fait. Voilà des tours admirables, et un témoignage que nous sommes trop libres à communiquer ce qui n'est pas besoin.

Voyez ce que j'écris à Bourg, et si elle [la Mère Favre] veut la litière de Lyon, arrêtez-la de bonne heure, et traitez le mieux que vous pourrez [avec le conducteur], même de ce qu'il aura les jours de repos qu'il prendra ici, et faites qu'elle soit à Bourg le samedi saint, où ils séjourneront le jour de Pâques pour partir le lundi et tirer droit à Moulins. Vous donnerez aussi de l'argent si elle en demande. Mon Dieu, qu'il est heureux qui n'a pas tant d'affaires ; mais encore plus heureux qui les fait pour Dieu. Priez sa Bonté qu'il m'en fasse la grâce. J'écrirai au saint Père Binet bientôt ; mille saluts cependant et à nos Sœurs.

Dieu soit béni !

Ma fille, renvoyez-moi l'écrit de la Tendreté, car nous avons égaré le nôtre. Je grossis bien ici mes Réponses, car l'on m'y fait bien des questions. Envoyez-moi aussi un livre des Épîtres, des dernières imprimées, ou plutôt me mandez où elles se vendent ici, M. Cœursilly vous le dira ; car elles ne coûteront pas tant de port.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [131]

LETTRE DCCCXXXVII (Inédite) - À LA MÈRE CLAUDE-AGNÈS JOLY DE LA ROCHE

MAÎTRESSE DES NOVICES, À ORLÉANS

Réunir les Sermons de saint François de Sales. — Projet d'une fondation à Rennes.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 31 mars [1628].

Premièrement, si je ne me trompe, vous êtes de plus en plus ma très-chère fille, et j'aime bien notre Sœur l'assistante et toutes nos Sœurs. Je n'ai nulle nouvelle du décès de M. votre père, et ne le crois pas, car l'on m'en eût mandé quelque chose.

L'on nous écrit que c'est Mgr de Rennes qui veut nous fonder ; or, si cette demoiselle assure la rente de mille livres perpétuelle il faut accepter, et je crois qu'il vous y faudra aller, bien que nous ayons grand désir de vous donner à Mgr de Nantes, qui vous aime tant. Concluez cette affaire sans me la renvoyer, par l'avis du Révérend Père Binet et de vos Supérieurs ; mais n'allez pas que je ne sois à vous, qui ne sera que vingt jours après Pâques, à mon regret ; mais il faut que je voie notre Sœur Favre établie ici, Mgr de Genève l'y destinant, et je crois que les Supérieurs d'ici la désiraient fort. Tout se passe doucement ici, et ma Sœur [de Beaumont] est fort vertueuse ; Mgr la veut employer par delà ; il n'est pas temps.

Pour Dieu, faites faire grande diligence pour les miracles. Vous aurez le Père incontinent après Pâques. C'est un homme sans pareil en bonté. Envoyez-moi promptement ce que vous recueillerez des Sermons. Prenez-en peu, et me dites si vous pensez qu'il les faille ajouter aux autres, [en quels] lieux et endroits, ou bien s'il serait meilleur de les mettre à la fin de tous comme un recueil d'avis donnés à plusieurs ; car aussi [132] faut-il que si vous avez de beaux avis, vous les ajoutiez. — Faites fort prier pour nos pauvres Sœurs de Nevers et pour moi, qui suis toute vôtre. Dieu soit béni ! Mille saluts à tous.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Rennes.

LETTRE DCCCXXXVIII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE SU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Désir de l'employer ailleurs pour le bien de l'Institut. — Préventions de Mgr de Miron.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1628.]

Ma très-chère fille,

Vous verrez, par ce billet de M. Chapet, le nom du Cordelier qui fait imprimer les Entretiens ; prenez garde qu'il n'envoie les exemplaires à une autre ville, et, pour Dieu, ne croyez [pas] facilement à leurs paroles ; car d'assurance ils sont imprimés. Faites-y donc mettre bon ordre, je vous en conjure. J'ai fait voir ceux que vous nous avez envoyés.

Je le sens au milieu de mon cœur, ma très-chère fille, que vous êtes prête à tout ce que Dieu voudra faire de vous par votre Supérieur ; croyez que ce serait à mon corps défendant que l'on vous remettrait en charge, qu'au moins vous n'ayez fait votre année de repos ; mais d'en demeurer là, certes il ne se peut pas faire. Ma fille, faisons ce que nous devons, et ce que Dieu requiert de nous, et laissons dire au monde ce qu'il voudra. Personne ne tient le langage de Lyon, cela est particulier ; car que faisons-nous que les autres Religieuses ne fassent ? Eh quoi ! au commencement d'un Ordre, faut-il employer des enfants, et laisser les mères oisives ? Ce n'était pas le sentiment de notre Bienheureux Père, je le sais ; c'est pourquoi [133] ayant égard, tant qu'il se pourra, à faire reposer une année celles qui auront gouverné six ans de suite, après cela, certes, on les emploiera toujours plus librement à la nécessité, que celles qui sont sans expérience.

Je suis cette Religieuse de qualité, car ici ce bon prélat me tyrannise authentiquement, et dit qu'il ne veut en façon quelconque que j'entre dans les maisons de Lyon, ni ès autres de son diocèse. Je mérite bien ce châtiment, mais non toutefois pour la faute qu'il m'impute. Dieu me fait voir à l'œil que c'était sa volonté que ce voyage se fit, la maison de céans en peut rendre témoignage ; mais, voyez-vous, ma fille, il faut laisser parler le monde, et nous, demeurer en silence ; Dieu parlera pour nous. Il y a je ne sais quoi entre ce bon prélat et notre bon archevêque de Bourges ; mais ne disons mot. — Je vous prie aussi que la litière soit envoyée à Bourg sans bruit, quand on vous le mandera. Ne parlez de rien à M. le grand vicaire ; car il n'est pas résolu encore de vous employer deçà, ce ne sera qu'à l'extrémité.

L'on m'a dit que le même Cordelier des Entretiens avait dit, ce me semble, que l'on parlait aussi d'imprimer les Sermons de notre Bienheureux Père. Oh Dieu ! il faut bien empêcher ce coup-là ! Au reste, si M. Cœursilly imprime nos Règles[37] d'un si méchant papier qu'il a fait le Coutumier, il nous désobligera tout à fait ; dites-le-lui, car ce Coutumier n'est rien qui vaille. Votre bon Mgr de Lyon me profite. Faites ôter de tous les Coutumiers la lettre que je fis à nos Sœurs et la brûlez, il gloserait bien dessus ; faites mettre en la place celle que vous trouverez en ce paquet. Je suis vôtre, vous le savez.

[P. S.] Vous voyez combien les lettres de Nessy sont [134] pressées ; si vous n'avez commodité bien prompte, envoyez-les, s'il vous plaît, par homme exprès.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCXXXIX - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À AUTUN

Hésitation de la Sainte pour fonder à Cluny, — Promesse de passer à Autun.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, avril 1628.]

Ma très-chère fille,

Je supplie Notre-Seigneur qu'il vous bénisse et toute votre sainte communauté. Il n'est point besoin de faire vos excuses, car je suis bien contente que vous m'écriviez le moins qu'il vous sera possible pendant que je suis parmi nos maisons, où je n'ai quasi pas le loisir de lire les lettres.

Je serai bien aise de savoir quand cette bonne veuve sera entrée et comme elle se comportera ; j'ai un sentiment qu'elle fera très-bien. Vous me faites bien plaisir de traiter ainsi avec les parents des Sœurs, libéralement ; mais je suis bien d'avis que vous fassiez bien le choix des filles que vous recevez. — J'avais été avertie de tout ce qui s'est passé à votre entrée en votre nouvelle maison[38] ; vous en devez bien témoigner de la reconnaissance à ces Messieurs de la ville par des remercîments convenables à l'affection qu'ils vous ont montrée. Grâce à Notre-Seigneur, vous êtes bien logée, et ne devez rien : c'est [assez] pour se contenter. Je trouve qu'un monastère est assez [135] riche quand il est ainsi. C'est bien fait, ma très-chère fille, d'avoir bien de la confiance à la Providence de Dieu et faire peu d'estime des biens temporels ; c'est un point fort important que celui-là ; car Dieu ne manque jamais à ceux qui se confient seulement en sa Bonté.

Ce qui me rend un peu retenue à votre affaire de Cluny est Je peu de filles que je vous vois propres à cela, et il me semble que véritablement les Sœurs de Sainte-Ursule leur seraient plus profitables que nous ; néanmoins, je suis d'avis que vous preniez conseil de quelques serviteurs de Dieu, comme M. le grand vicaire, votre Père spirituel, M. de la Curne, ou quelques Pères Jésuites ; mais prenez garde que ce soit des personnes qui n'y aient point d'intérêt. S'ils en sont d'avis, choisissez de vos filles les plus propres pour y établir le véritable esprit de notre Institut, ou bien prenez-en quelques-unes de Moulins. Nos Règles ne sont pas encore imprimées ; je vous enverrai ce que j'ai écrit dessus ; ne le prenez pas ailleurs parce que l'on y a fait des fautes, lesquelles j'ai raccommodées. Notre Coutumier est imprimé, je vous l'enverrai avec le reste. Or sus, tenez-vous joyeuse et toute votre petite communauté, à qui mon cœur souhaite la bénédiction de Dieu, pour cheminer toujours entre la fidélité et la liberté. Je suis, ma très-chère fille, d'une affection toute sincère, votre, etc.

[P. S.] Ma très-chère fille, je suis si fort accablée que je ne puis écrire de ma main ; mais vous savez que mon cœur est tout vôtre. Il est vrai, il faut grandement encourager cette bonne Sœur, mais doucement.

Ma chère fille, j'ai reçu depuis cette réponse vos lettres du 23 février. Je ne manquerai pas, Dieu aidant, de vous aller voir, nonobstant la peste. J'écrirai un mot à notre bonne Sœur Grillet. Il faut qu'elle condescende à faire savoir son entrée au monastère ; M. de la Curne le lui pourra bien persuader, car [136] c'est une chose qui tire conséquence et une porte ouverte à plusieurs inconvénients.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCXL (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-MARGUERITE MICHEL

SUPÉRIEURE À DIJON

Passage de la Mère Favre à Dijon. — Dans quel esprit de désintéressement doit agir une Supérieure.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 12 avril [1628].

Ma très-chère fille,

Je crois que vous aurez maintenant reçu le paquet pour le Comté et que vous l'aurez fait tenir sûrement. Je vous prie, ma fille, s'ils vous font avoir la réponse, nous l'envoyer par voie assurée, car c'était la réponse à leurs articles qui ne sont la plupart nullement recevables. Voyez-vous, je ne sais par quel malheur les lettres de Dijon ont été perdues jusqu'à trois fois ; il faut que l'on ait rompu les paquets, parce que l'on en recevait quelques-unes qui venaient de là, et les principales étaient perdues, et cela sans espoir de les recouvrer. J'en suis plus marrie à cause de la mortification du cher cousin. Je pense que ceux qui les portèrent à Chambéry déchirèrent ou rompirent le papier du paquet, car quand ils passent par tant de mains, ils sont sujets à se froisser et rompre ; or, Dieu réparera cela.

Je pense que la fondation de Besançon est bien éloignée ; mais, si elle se faisait, il n'y aurait nul danger que notre chère Sœur de Bourg passât par Dijon ; c'est une âme qui fera du bien en tout lieu ; disposez à cela. Que nos Sœurs ne craignent rien : je suis fort aise de leur tranquillité et [137] contentement, et elles ont raison de l'être et de vous avoir bien donné leurs cœurs ; Dieu leur fasse la grâce de continuer ainsi ! Et vous, ma très-bonne et chère fille, puisque vous possédez leurs cœurs si entièrement, maniez-les bien et les formez selon l'esprit de la Visitation ; exercez-les en la mortification intérieure et extérieure selon les saintes coutumes et ordonnances de l'Institut ; ne laissez rien en arrière, employez tout votre soin pour les rendre solides en ce saint exercice ; car qui n'a pas ce fondement, l'édifice ne durera guère et sera tôt renversé par le moindre choc. —M. Boulier est un vrai serviteur de Dieu, et incomparable ami, digne de faire beaucoup de profit à ceux qui l'aiment avec entière confiance. Il est si humble que vous devez avec simplicité et humilité correspondre à son désir, non par forme de direction, mais de franchise et communication cordiale.

Je croyais bien que les amis de la maison ne se retireraient pas pour l'absence de ma Sœur [Favre], qui avait aussi tâché d'attacher leur affection plutôt à l'Institut qu'à elle, et c'est ce que celles qui gouvernent doivent toujours faire. — Je suis fort consolée de quoi vous ne perdez ni l'Office ni les assemblées ; il est pourtant bien difficile à une Supérieure de les toujours maintenir. — Je ne sais pourquoi le Père recteur vous dit ce que vous m'écrivez du parloir ; je serai très-aise que l'on y mange très-rarement, il y a certaines occasions toutefois où il le faut faire.

Vous m'avez fait plaisir de me mander ce que l'on dit de vous par Dijon ; mais, croyez-moi, n'en dites rien à personne, parce que comme cela est à votre louange, il serait à craindre qu'il ne se dise aussi au mépris de celle qui vous a précédée, et nous autres devons être extrêmement jalouses de conserver la bonne odeur et estime de celles de notre Institut, et particulièrement quand elles ont été en charge et en celle que nous avons. Ce que je vous dis, ma très-chère fille, c'est en Notre-Seigneur, [138] et avec grand désir que l'on voie toujours surnager en notre Ordre la parfaite union et charité ; ne laissez pour cela de me toujours tout dire, parce que je désire... [Deux lignes illisibles.]

Si vous avez des nouvelles de Mgr de Bourges, faites-m'en part et tirez une lettre de lui, me l'envoyant sûrement et promptement. Faites-leur tenir les nôtres. J'ai eu réponse que le paquet du Comté a été reçu et que Mgr l'archevêque avait promis l'établissement, et que bientôt il y fallait aller. Dieu conduise tout à sa gloire. — Je vous prie, en ce que vous pourrez, aidez de vos recommandations M. de Rouer ; il ne veut point d'argent maintenant, mais si d'aventure il en avait besoin et qu'il vous en demandât, prêtez-lui-en, tirant une cédule, et sera autant de reçu sur les huit cents écus de notre chère Sœur de Vigny. — Adieu, ma très-chère fille, que j'aime sincèrement et que je conjure de m'aimer toujours en Dieu. Je salue, mais chèrement, toutes nos Sœurs. Dieu soit béni. — 12 avril.

Ma très-chère fille, donnez, s'il vous plaît, à ma cousine Desbarres le chapelet que je lui envoie et ces trois reliquaires orange pour mes trois nièces, ses filles ; les deux reliquaires rouges, donnez-les à ma cousine Blondeau avec ma lettre : l'un est pour elle, l'autre pour ma cousine Frémyot.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Soleure. [139]

LETTRE DCCCXLI - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Affaire des Entretiens falsifiés. — Chaque Religieuse dépend de l'évêque sous lequel elle a fait profession.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 14 avril [1628].

Ma très-chère fille,

Je ne connais pas par vos lettres que vous ayez reçu réponse de tout ce que vous m'avez écrit par ci-devant, notamment de l'affaire de Saint-Étienne dont j'écrivis aussi à M. Brun, et delà demande que je vous ai faite d'un petit Agnus Dei semblable à celui que vous nous donnâtes à Lyon avec un peu de fibre du cœur de notre Bienheureux Père. — Très-assurément, ma fille, les Entretiens sont imprimés avec permission du Parlement de Grenoble. Faites que nos Sœurs de Valence y veillent aussi. Je vous ai écrit le nom du Cordelier, duquel le frère libraire les a imprimés. Dieu fasse son saint bon plaisir de cela ; mais ce serait une sensible mortification s'ils étaient mis au jour.

Ma fille, quant au dessein que M. le grand vicaire pourrait avoir que vous fussiez Supérieure en votre dernier couvent, outre que Mgr votre archevêque ne l'agréerait nullement, ainsi que me le dit le Père Morin à Orléans, jamais Mgr de Genève ne vous le permettra, car je sais qu'il a aussi une très-grande aversion qu'une Supérieure soit plus de six ans en charge en une même ville, et qu'il désire qu'au moins ses filles, après avoir gouverné six ans, aient leur année, comme dit la Règle, en repos et exercice d'humilité, s'il n'y a quelque notable nécessité qui empêche, ce qui ne se trouve pas à Lyon, puisqu'il y a des filles capables. Voyez-vous, ma très-chère fille, ces Messieurs ont le cœur grand ; mais, quand l'occasion le requerra, il ne faut pas laisser de leur faire entendre humblement, mais fermement, qu'étant [140] des professes de Nessy, vous dépendez de Mgr de Genève, auquel vous voulez en toute façon obéir, et qu'il est aussi grand seigneur en son évêché que les autres évêques aux leurs ; que chacun est jaloux de son autorité.

J'écris à M. Berger très-affectionnément pour l'affaire de M. le grand vicaire, ne sachant à quel autre la recommander. N'envoyez pas la litière à notre Sœur Favre que vous n'ayez encore de nos nouvelles. Nous écrirons mardi prochain, car Paris est d'une longueur infinie, et ce qui se fait en une heure ailleurs, il y faut une semaine. Ils sont sur les formalités ; cependant il n'y a que moi d'intéressée, car toujours c'est autant de temps qu'il faut retarder ici. Dieu fasse en tout sa sainte volonté. — Ma fille, je suis très-entièrement vôtre, et à toutes nos Sœurs des deux maisons, que je salue chèrement avec vous. Je crois que vous aurez envoyé à notre Sœur la Supérieure de Bourg la dernière [lettre] que notre Sœur la Supérieure d'ici lui écrivit mardi.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCXLII - À LA MÊME

Projet de fondation au Puy. — Désir d'envoyer la Mère de Blonay à Orléans.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1628. 1

Ma très-chère fille,

Il y a quinze jours que je vous ai répondu pour la fondation de Saint-Étienne, que je n'avais nulle inclination à ces petits traités de passer d'une supériorité à une autre, surtout quand l'on rompt le triennal, parce que tout à fait cela est contre la Règle. Je considérai fort ce que je répondis à notre Sœur de Saint-Étienne, pour ne lui rien dire contre mon sentiment, et [141] m'est avis qu'il y a quelques paroles dans sa copie qui ne sont [pas] tout à fait semblables à l'original, mais je ne le voudrais pas assurer, et crois que je me puis tromper, et qu'elle a fait sincèrement. Bref, je me déchargeai et la remis à ses Supérieurs, comme, en effet, ce n'est pas à nous à disposer d'elle.

Or, je vous ai écrit ma pensée, que je crois qu'il serait bon d'envoyer au Puy notre Sœur votre directrice, et, pour décharger la maison de Saint-Étienne, y prendre deux ou trois filles. Nous avons prié le Révérend Père Arnoux de faire écrire deux de leurs Pères, amis de Mgr du Puy, pour avoir cette licence d'établir ; car ce bon prélat n'est plus ici. Notre Sœur de Saint-Étienne ne m'a jamais dit que l'on se fût adressé à Lyon.

De vrai, ce procédé ni le silence de M. Roussier ne sont point selon l'esprit de notre Bienheureux Père ; mais toutefois il faut excuser et tâcher de redresser doucement, en laissant agir le Supérieur sans parler de vous ni de moi. — J'ai répondu à notre Sœur de Paray, que si la sourde est fort douce et innocente, que l'on pourra lui faire la charité ; mais non pour être Religieuse, n'en étant [pas] capable. — Mille remercîments de vos reliquaires. J'en voulais un fort petit, comme celui que vous me donnâtes à Lyon, où il y avait seulement un peu de ces fibres qui sont au milieu du cœur de notre Bienheureux.

Faut-il que je vous cèle une pensée qui me vint hier devant Dieu ? que vous lui feriez un grand service d'être trois ans Supérieure à Orléans. Ma nature sent une grande répugnance à cela, à cause de l'éloignement ; mais si Dieu le veut, je préfère son honneur à ma consolation. Dites-m'en votre sentiment devant Dieu et comme à moi, sans en parler à créature qui vive, si ce n'est au Père Maillan, comme en confession. J'écrirai vendredi à Annecy. Faites-moi savoir au plus tut votre sentiment sur ce que je vous mande en la présente.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [142]

LETTRE DCCCXLIII (Inédite) - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À RIOM

Prière d'envoyer la relation d'un miracle opéré par l'intercession de saint François de Sales et d'écrire l'histoire de la fondation d'Annecy. — Générosité à exercer son emploi.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 16 avril [1628].

Ma très-chère fille,

Je commencerai à vous répondre par la fin de la vôtre, pour vous prier de nous envoyer une copie de ce miracle qui s'est fait à Riom, avec toutes les circonstances, pour le montrer au Père dom Juste, afin qu'il voie s'il sera digne d'être mis par écrit. Que si c'est une guérison qui soit bien approuvée, je ne manquerai point de vous avertir du temps qu'il faudra déposer, afin d'en avertir ces honnêtes personnes, pour aller trouver les commissaires à Lyon ou à Nessy, où. ils aimeront le mieux.

Je serais bien aise, ma très-chère fille, que vous mettiez en la fondation de Nessy les choses qui l'ont précédée, aussi bien que celles qui sont arrivées [alors]. Et me réjouis que vous pensiez à faire cette besogne-là, me confiant que Dieu vous y assistera. — Ne vous pressez pas de faire votre déposition de notre Bienheureux Père que je ne vous aie vue. Assurez-vous, ma pauvre très-chère fille, que les paroles d'excuse et d'humilité que je vous écrivis parlaient du fond de mon cœur, si je ne me trompe. Eh ! qui suis-je, ma fille, pour n'en devoir pas user envers [vous], quand je vous en ai donné sujet ?

Ayez courage et patience autour de ces filles : Dieu enfin vous en donnera de la consolation ; je l'espère de sa Bonté. C'est dommage de notre pauvre Sœur M. -Gabrielle ; je la salue chèrement. J'admire ces pauvres Sœurs qui n'ont pas courage [143] de faire vivement les charges que Dieu leur donne. Si notre Sœur M. -Élisabeth avait attention au profit qu'elle peut faire dans l'infirmerie, elle l'aimerait chèrement ; donnez-lui force pour cela. Je ne puis écrire davantage, ni à notre Sœur Louise-Antoinette Ogier ; l'espérance de vous voir toutes et mon accablement serviront d'excuse, je l'en prie. Adieu, ma vraie très-chère fille. Dieu vous rende toute sienne et toute sainte. Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCXLIV (Inédite) - À LA MÈRE FRANÇOISE-GASPARDE DE LA GRAVE

SUPÉRIEURE a BELLEY

Encouragement à supporter les esprits difficiles.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 16 avril [1628].

Ma pauvre et très-chère fille,

Dieu vous veut faire beaucoup mériter par la souffrance et patience que vous aurez à supporter les mauvaises humeurs de N*** ; il faut toujours avoir un grand courage pour regarder avec douceur ces pauvres créatures en leurs extravagances et immortifications, tout à fait éloignées de leur devoir. Puisque notre grand Dieu, à qui elles ont tant coûté, les attend et supporte avec patience, faisons-en de même, ma très-chère fille ; ne vous affligez point de leurs passions, je vous en supplie, car cela abattrait votre esprit, et vous nuirait en la charge qu'il faut que vous portiez.

Tournez-vous du côté du reste des filles pour les encourager doucement. Cultivez leurs âmes le mieux que vous pourrez, afin qu'elles rendent à Dieu ce qu'elles lui doivent [quelques lignes inintelligibles]... Mgr de Belley témoigne de l'affection [144] pour vous et pour votre maison ; mais les effets, comme vous voyez, ne s'en ensuivent pas. Nous essayerons de lui faire donner les quatre cents livres de ma Sœur J. C.

Vous pouvez recevoir cette petite fille de neuf ou dix ans, car la qualité de bienfaitrice supplée à son âge. Ne vous mettez point en peine, ma très-chère fille, de gagner les bonnes grâces de ceux dont vous me parlez. J'espère que vous aurez celles de Notre-Seigneur par votre humilité et bonne observance, et cela vous devra suffire. — Dieu vous a conduite en votre réponse touchant la confession extraordinaire. Remerciez-en la divine Bonté, et soyez assurée, ma très-chère fille, que tant que vous prendrez conseil pour votre conduite dans vos Règles, la divine Providence bénira votre gouvernement. Je n'ai point reçu de lettre de ma Sœur M. -Augustine ; je ne laisse de la saluer très-chèrement et toutes nos Sœurs que je conjure, au nom de notre bon Dieu, de cheminer exactement en l'observance et en la suite des résolutions que nous prîmes ensemble. Je prie Dieu les rendre toutes siennes, et vous, ma très-chère fille, qui suis entièrement toute vôtre.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [145]

LETTRE DCCCXLV - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

De l'élection de Lyon. — Divers détails.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 18 avril [1628].

Ma très-chère fille,

Il me semble que je suis sans désir pour l'emploi du reste de mes jours. Ce n'est donc pas cela qui m'empêchera d'être trois ans à Lyon ; mais, à mon avis, Mgr de Genève ne le voudra pas, ni même Mgr votre archevêque, mais à des fins bien contraires l'un de l'autre, puisque même ce dernier dit qu'il ne veut pas que j'entre dans les maisons de son diocèse. Cela me fera prendre un autre chemin pour mon retour, à mon regret toutefois, tant pour l'amour que je porte à nos Sœurs, que pour le déplaisir qu'elles pourront recevoir de la privation de notre commune consolation ; mais, ma vraie très-chère fille, il en faut bien souffrir d'autres.

Oui, ma fille, vous ferez bien de proposer notre Sœur Catherine-Charlotte [de Crémaux de la Grange] pour l'élection, car je crois qu'elle fera bien, et d'autant plus que nous vous laisserons, si l'impossible ne l'empêche, quelques mois auprès d'elle pour la bien acheminer en son gouvernement. Certes, ma fille, si j'étais pour être Supérieure à Lyon, ce serait un terrible effort qui vous en tirerait ; mais, voyez-vous, il nous faut être déterminées de vivre absolument nues de tout ce qui n'est point Dieu. — Ne craignez point de m'incommoder par la longueur de vos lettres ; car Dieu y met un certain goût pour moi, que jamais, je pense, je ne m'en suis trouvée importunée ; au contraire, j'aime leur longueur. — J'ai envoyé tout ce qu'il faut pour le Coutumier, il y a huit jours. Faites bien faire les [146] corrections, et ôtez l'épître [dédicatoire] pour y mettre celle que je vous ai envoyée. — Je vous prie, faites faire votre visite [régulière], et mettez en observance cette Règle ; elle est d'importance. — Au reste, je vous conjure, que je ne voie plus sur vos lettres le titre de Supérieure des monastères. Certes, cela me mortifie tout à fait quand je m'en aperçois, ce qui n'est pas souvent.

Nous sommes, ici en grande peine sur le grand bruit des guerres que l'on dit qui sont en Savoie. Cela me tient en incertitude si nous devons envoyer notre Sœur d'ici [la Mère de Beaumont] avant que la guerre soit plus allumée, ou si nous ferons venir notre Sœur Favre la première, ce qui nous serait le plus commode ; mais vendredi, je vous en enverrai la finale résolution, Dieu aidant. Cependant, s'il faut la litière, tenez-vous-en assurée, car tous ces délais reculent mon départ, ce qui me fâcherait fort si Dieu ne l'ordonnait ainsi. Adieu, ma vraie très-chère fille.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCXLVI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À BOURG EN BRESSE

Prière de hâter son voyage et de peu séjourner à Dijon.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 25 avril [1628].

Je viens de recevoir votre dernière lettre, ma très-chère fille, où je vois que vous passerez par Dijon, ce que je ne pensais pas, parce qu'il est un peu écarté. Permettez-moi que je vous dise d'y faire très-peu de séjour, sinon pour prendre la consolation de voir Mgr de Langres, s'il y est ; autrement je pense qu'il serait bon de passer courtement. [147]

Quant à cette chère demoiselle convertie, je vous ai déjà écrit qu'il n'est nullement expédient de l'amener à cette occasion de votre venue ; mais, quand vous serez établie et [que vous aurez] un peu pris pied dans l'esprit des Supérieurs, vous l'appellerez à vous. Si vous la faites contenter de cela, je crois que vous ne vous en repentirez pas, et que tout à fait il est nécessaire d'en user ainsi : si son cœur est bon pour la Visitation, elle se soumettra volontiers à cela. Je vous conjure, ma très-chère fille, de venir le plus droitement et diligemment que vous pourrez, mais, je vous en prie ; si vous êtes partie le milieu de cette semaine, nous vous attendons la prochaine. Dieu vous amène heureusement ; certes, vous êtes chèrement attendue. Venez descendre dans la première maison, proche la rue Saint-Antoine, avec notre chère Sœur de Vigny ; je suis consolée de quoi vous l'amenez. Adieu, ma vraie très-chère fille.

Dieu soit béni !

[P. S.] Mgr de Bourges vient de me dire adieu, mais il s'en retournera quand vous serez ici : il m'a bien réjouie quand il m'a dit que vous seriez ici, de Dijon, en six jours.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE DCCCXLVII - À MONSEIGNEUR JEAN-FRANÇOIS DE SALES

ÉVÊQUE DE GENÈVE

Affaires de la béatification de saint François de Sales. — Poursuites faites pour saisir l'édition falsifiée des Entretiens.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 25 avril 1628.

Mon très-honoré et très-cher Seigneur,

Vous aurez maintenant, je m'assure, les lettres de sursoyance, [148] que Mgr de Nemours a écrites, pour arrêter les poursuites de M. Charles. Maintenant, nous avons parole assurée que mondit seigneur révoquera le don fait de la chapelle à M. Charles, et nous la donnera en la meilleure façon que nous la désirerons ; car madame de Nemours est toute pour nous. Mais ce que vous m'écrivez, Monseigneur, de ne rien faire que nous n'ayons de vos nouvelles, nous fait surseoir, et aussi qu'il est besoin de voir notre patente pour savoir à quels services nous étions obligées. J'attends de vos nouvelles dans huit jours, Dieu aidant. J'envoie votre lettre à notre Sœur du faubourg, afin qu'elle ait la satisfaction que vous avez reçue, Monseigneur, de son obéissance ; certes, c'est une digne fille et grandement propre où vous l'avez destinée.

Je vous envoie des lettres de notre bon archevêque [de Bourges] qui se porte très-bien, grâce à Dieu. Il s'en va demain et retournera dans huit jours pour venir recevoir quatre ou cinq Dépositions qui sont encore à faire. Notre cher Père dom Juste est allé à Montargis, il y a demain quinze jours ; il doit être à la fin de cette semaine à Orléans pour tout préparer, afin que notre cher Mgr de Bourges y fasse moins de séjour. Il est tout résolu d'achever notre sainte besogne, et d'aller à Nessy, quand l'on aura recueilli ce qui est à Bourges, Orléans, Lyon et Grenoble, où je crois que Mgr de Belley ira en la plupart, ainsi nous l'a-t-il promis fort solennellement.

Nous sommes ici [occupées] à faire une fort diligente enquête des Entretiens, que l'on dit être imprimés ; car, de Lyon, l'on nous écrit qu'on a envoyé six cents exemplaires en cette ville et six cents à Toulouse, où l'on a aussi écrit pour les faire arrêter partout, s'il se peut. S'il est vrai, nous en aurons des nouvelles dans peu de jours. On dit qu'il est requis, Monseigneur, que nous envoyions promptement une procuration, comme héritières de notre Bienheureux Père, pour les faire saisir. Il faudra laisser le nom du procureur en blanc : cependant [149] nous ne perdrons pas le temps ; car nous présenterons requête pour les faire arrêter, en attendant que nous ayons averti madame de Villeneuve, qui, étant incomparable en son affection, n'oublie rien pour bien venir à bout de cette affaire, dont je lui ai remis la poursuite.

Le Révérend Père général des Feuillants nous écrit, Monseigneur, qu'il ne fera rien en notre sainte besogne que leur Chapitre ne soit tenu. Je désire seulement le pouvoir voir pour lui remettre les Dépositions. Je ne sais s'il viendra ici avant notre départ ; car il est toujours... Si je ne le vois, M. de Vaugelas[39] fera l'office. — Nous attendons de bon cœur notre Sœur Favre ; et, bientôt après son arrivée, nous partirons d'ici. Dieu, par sa bonté, mon très-cher seigneur, soit voire vie et votre résurrection éternelle. Je suis d'une affection infinie, mon très-honoré seigneur, votre très-humble et très-obéissante fille en Notre-Seigneur.

Conforme à une copie gardée aux archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCXLVIII (Inédite) - À LÀ MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Empêcher la Vente des faux Entretiens.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 23 avril [1628].

Ma très-chère fille,

Tenez main, je vous prie, avec M. Brun pour ces Entretiens, qu'il ne s'en débile point, mais que nous en ayons un exemplaire et tout ce que contient le mémoire. Au reste, je suis tout [150] étonnée de quoi vous ne m'avez encore fait aucune mention des lettres que je vous envoyai, il y a plus de dix-huit jours, avec prière de les envoyer promptement à Nessy. C'est pour l'affaire de la chapelle de la Roche. Les réponses nous en tardent fort. Il y avait des lettres de M. de Nemours. Or bien, tout est entre les mains de Dieu, que je supplie, ma très-chère fille, vouloir être notre unique vie.

Ne vous mettez point en peine de N***, ni de tout ce qu'il dit ; cela s'en va avec le vent, ou du moins avec un peu de temps. — Mille saluts à votre cher cœur et à celui de toutes nos Sœurs de l'une et de l'autre maison.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCXLIX - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À AUTUN

Difficultés des Sœurs de Paray. — Il faut tout recevoir de la main de Dieu.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 25 avril 1628.]

Ma vraie très-bonne et chère fille,

Je supplie le divin Sauveur de vous faire une ample portion des abondants fruits de sa sainte mort et glorieuse résurrection, et à toute votre aimable troupe que je chéris d'un amour tout cordial et fort particulier. Je vois bien que vous n'avez pas reçu toutes mes lettres. Dorénavant je ne votas écrirai plus de ma main, sinon ce qu'il faudra dire à votre cher cœur, si intimement chéri du mien ; car on me l'a défendu à cause de cette défluxion qui me tombe sur la poitrine ; mais je l'ai voulu faire cette fois pour vous dire cela, et que j'ai grande compassion de voir nos bonnes Sœurs de Paray en un lieu si chétif et peu [151] convenable à une de nos maisons ; mais il n'y a remède puisque leurs Supérieurs les y veulent, et qu'elles s'y sont si fort engagées par l'achat de tant de maisons. Il faut qu'elles y demeurent en paix, attendant que Dieu fasse voir plus clairement sa sainte volonté, car il ne se peut trouver lieu pour les transmarcher [transférer] où il ne faille de l'argent, et leur bien est tout en maisons. Certes, ma toute chère fille, cela m'est visible qu'il y eut un peu de je ne sais quoi entre elles et celles de Lyon. J'y fais ce que je puis ; mais il faut que Dieu et le temps fassent digérer cela, ce que j'espère, car de toutes parts ce n'est que vraie bonté et vertu.

Quand la Supérieure de Paray aura achevé ses trois ans, ils en pourront mettre une autre ; mais, sans doute, je ne pense pas que le mal vienne d'elle, je la trouve fort bonne.[40] — Hélas ! avec quel cœur souhaité-je la sainte patience à la pauvre chère malade, et un comble de perfection à toute cette petite famille, surtout à leur chère Mère ! — De vrai, les bonnes Ursulines ne font pas bien de vous traiter de la sorte ; mais que faire à cela, sinon patienter comme vous faites, ma très-chère fille, et recevoir tout de la bonne main de Dieu qui saura bien vous conserver et vous donner ce qu'il vous a destiné ! Je supplie son infinie Bonté vous tenir toujours dans le sein de sa douce protection et vous remplir de son pur amour, auquel je suis tout à fait vôtre, mais du meilleur de mon cœur.

Dieu soit béni !

Troisième jour de Pâques.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [152]

LETTRE DCCCL - À LA MÈRE CLAUDE-AGNÈS JOLY DE LA ROCHE

MAÎTRESSE DES NOVICES, À ORLÉANS

Condoléances sur la mort de son père.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 1er mai [1628].

Hélas ! ma pauvre très-chère fille, qu'est-ce de cette misérable vie ? Vous ne sauriez croire comme mon chétif cœur fut touché hier, quand je rencontrai, dans la lettre de notre Sœur la Supérieure de Nessy, l'assurance du décès de celui dont vous m'aviez écrit que l'on vous avait dit la mort, il y a longtemps. Certes, il est bien heureux, et sa vie et sa mort ont toujours donné tout sujet de bénir Dieu, qui l'a retiré sans doute pour le colloquer à sa dextre. Ses vertus et bonnes œuvres nous donnent toute assurance de cela, en la douceur de la miséricorde de Celui qu'il a servi fidèlement. Je sais que votre chère âme ressentira ce coup, mais je sais aussi sa sainte résolution d'acquiescer sans réserve à tous les vouloirs de notre bon Dieu. Je vous conjure, ma très-chère fille, de ne vous point laisser abattre et de croire que nous prierons bien Dieu pour ce cher défunt. Si n'eût été aujourd'hui les renouvellements [des vœux], nous eussions communié pour lui. Je le ferai demain, Dieu aidant, et notre communauté, mercredi ; car j'honorais ce saint homme comme mon père, et je le chérissais comme mon très-cher frère.

L'on m'écrit que la chère Sœur, qui reste au monde, se rend Religieuse chez nous. Vous savez que la petite Lucas[41] y est entrée ou est proche d'y entrer. Dieu veuille récompenser la perle qu'a faite cette chère famille, par l'abondance de ses [153] grâces et plus saintes bénédictions. C'est le bon Père Théron, homme de mérite et très-affectionné à notre Institut, qui vous porte cette lettre. Il désire vous voir. — Je congédie cette femme sourde et sa compagne. Oh ! bon Dieu, ma fille, ce n'était pas notre fait ; mais il s'en présente une très-vertueuse et entendue [plusieurs lignes illisibles]. Dites-moi si vous la voudrez bien pour le tour ; je pense qu'elle y donnerait tout contentement. — L'on m'appelle à ce béni parloir qui m'accable. — Bonsoir, ma toute très-chère et vraie fille.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Rennes.

LETTRE DCCCLI - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Recommandations au sujet des Entretiens. — La Sainte doit quitter Paris prochainement.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 8 mai 1628.

Ma très-chère fille,

J'emprunte la main de l'une de nos Sœurs parce que mon estomac ne me permet pas d'écrire, et je sais qu'il ne faut pas passer quinze jours sans vous écrire, autrement votre bon cœur serait en peine.

À même temps que je reçus les lettres de M. le grand vicaire, nous les fîmes porter à M. Tonnelier, et derechef nous avons recommandé de tout notre cœur son affaire à M. Berger ; et je vous assure, ma très-chère fille, que ce me serait un très-particulier contentement si nous pouvions rendre quelques petits services à ce bon seigneur, qui nous oblige tant, au soin paternel qu'il a de vos deux maisons ; en vérité, je l'honore de toute [154] mon affection. — Quant aux Entretiens de notre Bienheureux Père, puisque M. Brun en a vu un exemplaire, il n'y a nul doute qu'ils ne soient imprimés, et il serait bon de presser celui qui les a montrés [de dire] de quelle personne il les a tirés[42] ; assurément ce n'a point été la Supérieure de Bourg, car elle y a trop d'aversion. — L'on tient ici que l'impression des [vrais] Entretiens est une chose d'importance, c'est pourquoi je les fais [155] voir pour obtenir un privilège du Roi de les faire imprimer, qui portera défense à tous les autres libraires de les réimprimer, et que ceux qui se trouveront seront cassés [saisis]. Je désire tenir promesse à M. Cœursilly de les lui bailler à imprimer, pourvu qu'il fournisse de bon papier, de beaux caractères, et un bon correcteur. — Cela est fâcheux de voir la quantité de fautes qui sont à notre Coutumier, principalement aux sentences. Quant à l'épître [dédicatoire], je vous supplie de la faire ôter, et pour cause[43] ; faites-y mettre celle que je vous ai envoyée. — Je vous remercie de la diligence que vous faites d'envoyer litière pour notre Sœur [Favre]. Je désirerais bien qu'elle fût bientôt à Dijon, pour avoir la commodité d'y voir Mgr de Langres. J'espère de partir de cette ville, d'ici à huit jours. Notre-Seigneur vous bénisse à jamais.

[P. S.] Ma très-chère fille, me voici sur notre départ d'ici, s'entend la semaine prochaine ; pensez en quel embarras je suis. Ne soyez en nulle peine de moi, nous dirons tout à notre première vue, Dieu aidant. Quant à votre élection, vous avez une brave fille en notre Sœur [Catherine]-Charlotte ; je crois qu'elle fera fort bien. Je ne mérite nullement d'être dans l'estime de M. le grand vicaire, que je révère toutefois comme un digne prélat qu'il est. Je vous ai déjà mandé que je ne croyais pas que Mgr de Genève agréât que l'on me proposât à votre élection. Pour moi, ma très-chère fille, rejetant l'inclination que j'ai au repos, je me tiens dans l'indifférence, prête à tout ce qu'il plaira à Dieu et à mon Supérieur faire de moi, moyennant sa divine grâce. Voilà, ma très-chère fille, ce que je puis vous dire, saluant très-humblement M. de la Faye et toutes nos Sœurs.

La Mère de Saint-Étienne est certes tout affligée de l'état [156] où est la pauvre Sœur M. -Élisabeth, lequel est déplorable ; confortez-la et la consolez suavement. — Ma vraie très-chère fille, j'espère vous voir ; mais ne vous empressez pas pour obtenir des licences ; je crois que quand je serai là, on ne me fera pas fermer la porte ; si on le fait, la chambre de nos Sœurs tourières nous suffira ; car enfin il faut honorer et se soumettre doucement à la volonté des Supérieurs.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCLII - À MADAME LA COMTESSE DE TOULONJON

SA FILLE

Promesse de la voir en passant en Bourgogne. — Affaires de famille.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 10 mai 1628.

Ma très-bonne et très-chère fille,

Je prie Dieu qu'il soit votre joie et consolation éternellement ! Mgr de Châlon m'a écrit la consolation qu'il a reçue de vous avoir eue un peu auprès de lui, et regrette de n'avoir pu vous y arrêter davantage ; il est tout à fait de bon naturel. Hélas ! ma très-chère fille, que je suis marrie que vous ne vîtes pas notre chère Sœur Favre, qui arriva à Châlon le jour que vous en partîtes ; mais, ma mie, il faut bien commencer à recevoir toutes ces petites contradictions avec douceur. Sitôt que j'aurai trouvé quelques jours, et achevé ici nos petites affaires, je m'en irai à Orléans, où Mgr de Bourges doit aller pour les affaires de notre Bienheureux Père, et de là je passerai le plus tôt que je pourrai à Moulins ; mais, toutefois, il y a tant de monastères d'ici là, que je pense que ce ne serait qu'en juillet ; mais ne doutez point que je ne vous avertisse assez tôt. Votre [belle]-sœur vous écrit. Certes, elle se comporte avec tant de vertu, et se rend [157] tous les jours plus affectionnée aux parents de feu mon pauvre fils, que cela nous doit obliger tous de l'aimer. Elle a un grand désir que l'amitié de sœur soit conservée entre vous. La petite orpheline est si uniquement chérie d'elle et de toute la maison, qu'il ne se peut rien désirer de plus. J'en reçois une grande consolation.

M. Coulon leur a apporté ici tous les contrats ; M. de Cou-langes l'ayant ainsi désiré, afin de me faire voir toutes les consultations, et par icelles ce que je savais déjà bien, ainsi que j'en donne le mémoire à M. de Bussy, pour vous faire voir, afin que M. de Saint-Satur prenne quelque résolution de se départir de ses prétentions ou bien de les déclarer ; car M. de Coulanges désire d'être éclairci de ce côté-là avant que mettre ordre à l'hoirie de mon fils. C'est pourquoi, ma très-chère fille, je vous supplie que l'on se résolve ; car si l'on met cette affaire en des longueurs, l'hoirie se consommera à la ruine de la petite de Chantal. Or sus, j'espère de la bonté de Notre-Seigneur qu'il nous fera connaître à tous la vérité, et que, cela étant, nous conserverons ce qui est plus précieux que tous les biens du monde, qui est la sainte paix et amitié entre les familles. M. Coulon vous saura témoigner l'affection que M. de Coulanges et ma fille de Chantal ont pour cela, et pour faire tout ce qui sera raisonnable et vite. Voilà, ma très-chère fille, ce dont je vous puis assurer, et vous supplie d'y penser ; car de dire que vous quitterez tout, si je vous le commande, cela n'est rien, car si vous aviez une juste prétention je voudrais que l'on vous en fit contentement, cela étant plus que raisonnable ; mais si vous n'en avez point, comme je le crois, et que les titres en font foi plus que le jour en plein midi, je voudrais que l'on n'y prétendît rien, et qu'on laissât faire en paix les affaires de cette pauvre petite. Que si Dieu la retire, vous aurez alors de quoi vous contenter. Voilà, ma très-chère fille, ce que j'ai cru vous devoir écrire pour la dernière fois, s'entend de [158] cette affaire, attendant la chère consolation de vous voir. Je prie Dieu de répandre en abondance ses plus saintes bénédictions sur vous et notre pauvre petite.

Ma très-chère fille, je demeure, nonobstant tout soupçon, franche et entière en la véritable et très-incomparable affection maternelle que Dieu m'a donnée pour vous, et laquelle, moyennant sa divine grâce, ne recevra jamais aucun déchet. Je salue M. de Saint-Satur et suis sa plus humble servante. — Bonsoir, ma très-chère fille.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de la Côte Saint-André.

LETTRE DCCCLIII - À LA MÈRE PÉRONNE-MARIE DE CHÂTEL

SUPÉRIEURE À ANNECY

Les Supérieures déposées ne doivent pas toujours demeurer au monastère qu'elles ont gouverné. — Profonde humilité de la Sainte. — Défense de parler de la prochaine élection.

VIVE † JÉSUS !

Susi, 22 mai [1628].

Ma très-chère fille,

Je reçois toujours nouvelle consolation en lisant vos lettres pour votre grande sincérité. Je vous prie, ne vous attachez pas à cette opinion qu'il faut que les Supérieures demeurent toujours aux maisons qu'elles ont gouvernées, elle n'est ni bonne ni juste ; et que ferait-on si cela était ? Quand donc les Supérieures ont bien établi leur maison par six années de séjour, ou par trois, et qu'on les peut laisser après leur déposition quelques mois, tant pour montrer l'exemple d'humilité à l'Ordre et à leur couvent, que pour affermir la nouvelle Supérieure en sa conduite, il est très-bon de les employer ailleurs, quand l'occasion et la nécessité le requièrent. Et surtout au commencement des Ordres, il serait impossible [159] et mal fait de laisser inutile une Sœur capable de gouvernement et employer celle qui le serait moins ou point du tout. Je vous prie derechef, arrachez de votre esprit cette maxime, car elle est fausse, et préparez-vous de porter la croix de la supériorité tant que vous vivrez, excepté quelque petit relâche pour vous reprendre et humilier.

Demeurez en paix de votre oraison, je vous en prie ; mais tenez votre esprit le plus recueilli que vous pourrez. — Je vous remercie de votre cordial avertissement ; vous ne sauriez croire combien ils me sont agréables et profitables, bien que pour la consolation de l'amour que vous me portez, je vous dise que, grâce à Notre-Seigneur, il me semble que je n'ai rien gâté en ce sujet, et que j'y ai cheminé avec le plus de soin et de circonspection que je puis.

Non, je ne pense pas qu'il faille que vous changiez votre directrice. Ma très-chère fille, pliez doucement les épaules à l'infirmité de notre Sœur C. J. ; car il vaut mieux la contenter en son traitement, que de laisser son esprit inquiet. — Je pense qu'il faudrait envoyer quelquefois une de nos Sœurs tourières à Nouvelle,[44] les fêtes, pour faire venir la pauvre Sœur Jacqueline à Nessy.[45] — Vous faites bien de traiter fortement ces filles fortes en leur jugement. — Hé Dieu ! ma très-chère fille, demeurez en paix, je vous prie, pour ce qui vous regarde, et m'en laissez le soin. — Je salue à part nos pauvres infirmes et toutes nos Sœurs, M. Michel et les amis..

Au surplus, ma très-chère fille, je vous supplie, ne parlez d'une façon ni d'une autre de l'élection qui se doit faire à Nessy l'an prochain. Certes, nos Sœurs ne doivent point penser à moi ; mais si elles le faisaient, et que je m'aperçusse que l'esprit [160] humain y a contribué en quelque façon que ce fût, véritablement je ne l'accepterais pas. C'est bien assez dit ; mais assurez-vous que je le ferais, et partant, que l'on ne préoccupe point les esprits par aucune parole, ains qu'on laisse agir le seul esprit de Dieu, auquel il appartient de disposer de ses créatures selon son saint vouloir, et non à la prudence humaine, que je déleste de tout mon cœur, et à laquelle, moyennant la grâce de Dieu, je ne me soumettrai jamais.

Je pense que notre Sœur Anne Catherine [de Beaumont] partira aujourd'hui. Nous partîmes hier, je vous écris en chemin. Traitez-la cordialement et lui dites qu'elle demande en confiance ses soulagements. Elle m'a priée que vous la missiez la dernière : la règle l'ordonnant, il n'y a rien à dire. Elle vous porte ce qu'il faut pour la chapelle de la Roche ; c'est un bon cœur. Adieu, ma chère fille, je suis fort pressée. Dieu soit au milieu de votre chère âme. Je suis toute vôtre.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCLIV - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

S'opposer au débit dos faux Entretiens.

VIVE † JÉSUS !

[Orléans], 5 juin [1628].

Ma très-chère fille,

On voit toujours plus clairement combien ce livre [des Entretiens] doit être tenu à couvert. Je crois que vous vous serez opposée au débit, pour l'intérêt de notre Congrégation, suivant ce que je vous ai écrit, il y a quinze jours. Je vous ai priée aussi de procurer, vers Mgr de Genève ou vers Messieurs ses frères [161] ou neveux, une procure, afin d'obtenir un nouveau privilège qui fasse casser celui de Derobert. Faites un peu de diligence pour cela, et cependant ne laissez d'essayer de traiter avec lui, pour le dédommager de son impression. Je crois que M. Crichant vous en a écrit divers moyens. Il y a beaucoup d'apparence que c'est de Valence qu'il a eu ces Entretiens ; tâchez de le découvrir. Je recommande de tout mon cœur cette affaire à votre nouvelle Mère que je salue. C'est tout ce que mon peu de loisir me permet. Sa Bonté vous remplisse toutes de son Saint-Esprit !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCLV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE. AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS

On applaudit à la sagesse de son gouvernement. — Espérances que donnent les Sœurs du deuxième monastère de Paris. — Prière de revoir le Coutumier et les Réponses.

VIVE † JÉSUS !

[Orléans, juin 1628.]

Ma très chère fille,

Il faut que je commence à vous écrire par une instante prière que je vous fais au nom de Dieu, d'avoir soin de vous tenir en santé, et pour cela de vous efforcer de manger davantage que vous ne faites. Il faut, s'il vous plaît, et sans faillir, manger quatre fois le jour, ne faire votre lit ni votre cellule, ni rien qu'il soit requis que vous vous baissiez fort ; car je sais que tout à fait cela vous est nuisible à la défluxion qui vous tombe sur la poitrine et sur les dents. Or, cela soit dit pour une fois, et vous laissez un peu soulager à votre Sœur assistante, qui est bien discrète pour ne se rendre importune. Condescendez aussi un peu à votre chère fondatrice, car tout cela vous aime [162] chèrement ; et certes ce m'est une très-grande consolation de voir le contentement et satisfaction que toute votre maison et ceux du dehors ont de vous, ma très-chère grande fille. Je sentais bien que cela arriverait ainsi, et qu'il fallait pour la gloire de Dieu elle bien de l'Institut que vous fussiez placée là. Le bon M. Grillet, la Supérieure de la ville, madame de Villeneuve, M. Crichant, tout cela est ravi, et dans une aise sainte et un amour si plein d'estime de votre conduite qu'ils ne s'en peuvent taire. Vous connaîtrez que ce que je vous en ai dit est vrai ; ce sont des âmes tout à fait sincères et aimant la Visitation. Il faut que je dise ce mot et sans scrupule, puisque c'est pour le bien de cette pauvre Sœur [trois lignes inintelligibles]. Mon Dieu ! que je regrette de n'avoir eu le loisir de vous parler plus au long que je n'ai fait ; mon cœur en a ressenti de la douleur ; car peut-être ne recevrai-je jamais cette consolation, que je désirerais pour mon utilité même. Dieu soit béni, qui l'a ainsi permis.

J'espère en Dieu que vous recevrez toute satisfaction de vos filles, qui ont des cœurs tout ouverts, tout affectionnés et pleins de confiance pour vous. Il ne se peut autrement, car elles en ont une fort grande estime, et l'économe même ; c'est pourquoi elle se rangera bientôt. Pour cette petite, c'est la vérité qu'il la faut conduire dans la vérité et la tirer du mensonge ; Dieu vous donnera ce qu'il faut pour cela. Je savais qu'on devait tout brûler les écrits de notre Sœur F. B. Je n'approuve point cela [tant d'écritures] ; nous avons assez d'instruction ; cela ne fait que donner le change aux esprits, ce qu'il faut surtout craindre. — Je crois que vous avez maintenant des Coutumiers ; mais il les faut corriger, car il y a maintes fautes ; nos Sœurs de la ville vous donneront aussi les Réponses que j'ai faites, sur lesquelles je vous prie de marquer ce que vous ne trouverez pas bien pour me le mander ; car, depuis Nessy, j'y ai ajouté tout plein de choses, selon les questions que l'on m'a faites et l'expérience. — Je pensais que M. de Tigerie aurait répondu pour sa [163] demoiselle ; certes, votre maison n'est pas en état de prendre des filles pour rien ; [une ligne illisible]. Dieu sera votre richesse, rien ne vous manquera. Je ne sais que vous dire de cette fille. Dieu vous a conseillée.

On a élu notre Sœur assistante[46] : on voulait bien élire notre Sœur, M. -Élisabeth, mais certes il y avait peu d'apparence de lui donner une telle charge, n'ayant pas l'âge ni l'expérience. Je crois que celle qu'elles ont choisie fera fort bien ; c'est une âme fort vertueuse, qui a le jugement bon ; elle les conduira simplement dans l'observance, n'est-ce pas assez ? Ce qui fâche un peu la vanité, c'est qu'elle est fort petite, et partant de peu d'apparence. — Je vous prie, envoyez-moi les lettres pour ajouter aux Épîtres quand M. de Vaugelas les aura, et n'oubliez pas celle de madame d'Herse. Ma vraie très-chère fille, vous êtes toute précieuse à mon cœur ; Dieu vous rende toute selon le sien. Amen.

Il faut un peu caresser ce bon M. de Moyron. — L'on vend ici les [faux] Entretiens ; pensez la bonne mortification. ! nous les avons fait lever tant que nous avons pu ; mais de quoi servira cela si l'on ne fait ainsi partout ? Je voudrais que vous l'écrivissiez aux maisons, surtout à Lyon. Or, acquiescez à cette volonté de permission.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [164]

LETTRE DCCCLVI - À MONSEIGNEUR SÉBASTIEN ZAMET

ÉVÊQUE DE LANGRES

Instance pour obtenir la visite canonique au monastère de Dijon. — Éloge de la Mère Favre.

VIVE † JÉSUS !

Orléans, 9 juin 1628.

Mon très-honoré Père,

L'Esprit Très-Saint répande en abondance ses dons sacrés sur votre chère âme ! — L'on nous écrit que vous devez être à Dijon à la Pentecôte. Je vous supplie, si vos affaires vous le permettent, de faire la visite en notre maison [de Dijon], et puis obligez-moi de me faire savoir s'il sera expédient que j'y aille ; car nos Sœurs m'en pressent, sachant que je dois aller à Autun ; mais de retourner en arrière, il me fâche un peu, si le service de Dieu ne le requiert, et d'autant plus que je suis pressée du temps.

Je laisse nos chères Sœurs de Paris des deux monastères en très-bon état : tout s'est passé assez doucement en ce changement de Supérieure, mais, mon très-cher Père, il faut que je vous dise que je trouve notre chère grande fille toujours plus à mon gré ; c'est une digne âme et qui se laisse fort gouverner à la grâce ; elle est dans une grande liberté d'esprit et force de courage. Si Dieu l'y maintient, elle fera un grand accroissement au service de sa gloire, non-seulement en notre Congrégation, mais en ceux qui la fréquenteront. Je lui dis tout ce que je pense sans nulle difficulté, elle le reçoit de même cœur. Notre-Sauveur en soit béni ! — Pour moi, mon très-cher Père, je ne suis que misère, et ne vois que cela, sinon que je crois et me confie, et ainsi je demeure en paix à la merci de Celui qui est riche en mérites et miséricordes, sans m'amuser à rien de plus. [165] — Je vis notre bonne Mère de Port-Royal,[47] avec notre confiance ordinaire : c'est une âme riche devant Dieu ; je la révère plus qu'il ne se peut dire ; elle a trouvé fort à son gré notre grande fille.

Recommandez-moi à Notre-Seigneur, je vous supplie, selon l'instinct [l'inspiration] qu'il vous en donnera. Je suis en Lui, en tout respect, quoique très-indigne, Monseigneur, votre, etc.

LETTRE DCCCLVII - À MONSIEUR MICHEL FAVRE

CONFESSEUR DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION d'ANNECY

La Sainte l'exhorte à vivre en paix dans sa vocation.

VIVE † JÉSUS !

[Orléans], 20 juin [1628].

Je ne sais pas, mon cher Père, comment j'ai expliqué mes pensées ou mes songes ; mais je vous assure que je n'ai jamais eu aucune inclination de vous voir Religieux, n'ayant nulle vue ni sentiment pour cela, outre qu'il m'est bien avis que Dieu vous veut en l'état où vous êtes, et que sa Bonté vous y départira toutes les grâces et assistances requises pour parvenir à la perfection où Il vous a destiné ; et il me semble que nous n'avons rien à désirer que cela. Tenez toujours votre esprit joyeux et content, je vous en supplie, mon très-cher Père. Notre Bienheureux Père m'écrivait une lois que « ceux qui avaient la résolution de ne vouloir point offenser Dieu volontairement, avaient de quoi vivre contents » ; je m'arrête là dans la confiance [166] aux mérites infinis de notre bon Sauveur. Voilà ma consolation, mon très-cher Père ; et mon désir est que nous nous voyions tous ensemble, louant Dieu dans sa bienheureuse éternité, et je n'estime très-heureux que ceux qui s'en vont là. Que si la pauvre Jacquemine a fait son passage en Dieu, comme je l'espère, bien que j'en sois touchée, je ne la regretterai pas, et je prie Dieu qu'il pourvoie ces pauvres [gens] de quelque autre soigneuse et charitable mère, car celle-là leur ferait bien faute autrement.

Si j'eusse reçu votre avis pour les patentes avant qu'elles aient été faites, nous y eussions mis ce que vous m'écrivez ; mais ni le conseil, ni nous, n'y pensâmes pas. Je ne sais s'il y aura à gloser encore, mais un conseil très-capable a dit qu'elles étaient bien.

Bonjour, mon très-cher Père ; je crains la perte de deux paquets : dans l'un, il y avait des lettres du Roi pour la mission de Gex et des réponses à tous ceux qui m'avaient écrit ; je vous prie, mon bon cher Père, de vous enquérir vers ma Sœur la Supérieure si elle ne l'a pas reçu. — Je salue tous les chers amis et amies que je voudrais tous nommer, mais je ne puis ; leurs noms sont en mon cœur, surtout de Messieurs nos très-chers frères de Sales. Mon Dieu ! que je remercie de bon cœur sa Bonté des nouvelles que vous me dites de M. de la Thuile ! Dieu le rende digne neveu de son très-saint Oncle. Notre chère Sœur Cl. -Agnès [Joly de la Roche] vous dira nos nouvelles. Bonjour, mon très-cher Père, que je chéris tendrement comme mon fils, et vous honore en qualité de très-humble fille et fidèle servante en Notre-Seigneur.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [167]

LETTRE DCCCLVIII - À LA MÈRE ANNE-MARIE DE LAGE DE PUYLAURENS

SUPÉRIEURE À BOURGES

Conseils et encouragements. — Détails au sujet de plusieurs prétendantes.

VIVE † JÉSUS !

[Orléans], 20 juin 1628.

Vive Jésus ! que je bénis et remercie de l'élection qu'il a plu à sa Bonté faire de vous pour la conduite de cette maison. « Il ne faut pas s'amusera discourir quand il faut courir », disait une fois notre Bienheureux Père aune nouvelle Supérieure ; je vous dis le même, ma très-chère fille. Rappelez tout votre esprit en Dieu ; et, en Lui, ayez un soin et une charité douce et vigilante sur votre petit troupeau, et vous verrez qu'il conduira Lui-même par vous ; ayez donc une grande confiance en sa Bonté. Ne m'attendez point pour mettre une assistante ; mais avec l'avis de ma Sœur F. -Gabrielle [Bally], donnez cette charge à qui bon vous semblera mieux d'entre les Sœurs.

J'ai écrit à Paris pour savoir quelles sont les conditions de l'esprit, de la santé et des biens de la mère des deux petites Lescalopier. Voilà encore une bonne fille de Paris, c'est celle dont je vous écrivis : elle vous porte ses contrats ; sa dot est bien suffisante. Elle a donné à notre Sœur la Supérieure de Paris cinquante écus pour les premiers six mois de sa pension. Si, à l'essai, on la trouve propre, elle donnera cent écus pour sa vêture. Si vous eussiez répondu à nos Sœurs d'ici, elles vous en eussent envoyé une qui a son extérieur un peu égaré et maussade, mais son cœur est bon. J'espère, Dieu aidant, partir d'ici le lendemain de notre fête, et vous voir cinq ou six jours après ; mais seulement en passant, parce que je crains de ne pas trouver une commodité à Bourges pour nous mener à Nevers. Je salue votre chère âme et celles de toutes nos Sœurs, [168] surtout [celle] de ma chère Sœur Françoise-Gabrielle. — Je vous recommande cette bonne fille, il la faudra apprivoiser doucement. Je suis toute vôtre.

Dieu soit béni !

20 juin. Je viens de recevoir votre lettre delà d'Autun ; je n'ai loisir de voir celle du Révérend Père N... Vous devez envoyer votre procure à notre Sœur la Supérieure de Paris, et lui mander ce que vous en aviserez, car de moi, n'étant là, je ne puis vous y servir.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Poitiers.

LETTRE DCCCLIX - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Sévères reproches sur la conduite des Sœurs de Lyon, qui s'étaient proposé de réélire cette Mère pour un troisième triennat.

VIVE † JÉSUS !

[Orléans, 1628.]

Ma très-chère fille,

Je loue Dieu de votre élection qui s'est faite si à votre contentement,[48] et, comme j'espère, à la gloire de Dieu. Mais, ô Sauveur du monde, que me dites-vous ? que nos Sœurs vous voulaient réélire, qu'elles le désiraient tout ce qui se peut, et qu'il ne s'en est pas beaucoup fallu, nonobstant tout ce que vous y avez fait. Certes, si tout autre que vous me disait cela, j'aurais peine de le croire ! Quoi ! nos Sœurs de Lyon ont pu avoir cette pensée ? Voilà qui m'outre-perce le cœur d'une [si] sensible [169] douleur, que le ressouvenir de cette infidélité ne me vient qu'avec ressentiment et les larmes aux yeux. Cette maison, que j'avais estimé être la seconde pour conserver et maintenir l'Institut en son intégrité, est la première à le vouloir renverser ! Et où est la conscience et la crainte de Dieu ? Pensent-elles contrevenir aux lois essentielles de leur Règle sans offenser Dieu ? Où est la révérence et l'amour tant de fois protestés aux intentions de leur Fondateur, puisqu'elles ont intention de renverser les plus importantes ordonnances de son Institut ? Sont-ce là les fruits qu'elles nous rendent pour le service et le travail de treize années et demie, que nous avons employées à les élever et nourrir dans cette sainte vocation ? Leur avons-nous jamais rien tant enseigné que la fidélité et fermeté à conserver ce qu'elles ont reçu de leur Bienheureux Fondateur ? Ne savent-elles pas ce qu'il leur a prédit, que « si l'on ouvre la porte au moindre relâchement, tout se dissipera ! » car, ayant perdu le respect et la fidélité que l'on doit à ceux qu'il nous a donnés pour nous enseigner ses lois, par l'infraction d'icelles que peut-il arriver, qu'un détraquement et renversement total de l'Institut ? Je crois bien qu'elles n'ont pas vu ce mal, ni eu la volonté d'en tant faire, cependant leur manquement en ce sujet aboutirait là...

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCLX (Inédite) - À LA MÊME

Mgr de Genève ne permettra pas qu'elle accepte la supériorité à Valence.

VIVE † JÉSUS !

[Orléans], 25 juin [1628].

Ma très-chère fille,

Je ne crois nullement que Mgr de Genève permette que vous alliez à Valence, bien que je craigne un peu les charités que [170] notre chère Sœur de Châtel a quelquefois. Si vous les voyez ébranlés pour cela, dites que vous êtes prête à obéir ; mais envoyez ce billet à Mgr, par lequel il verra ce que je juge, qu'il n'est nullement expédient de vous employer là, et qu'il est requis de vous laisser un peu pour aider ces jeunes Supérieures, et de vous avoir libre pour être employée en un lieu où je crois que Dieu veut être servi de vous.

Nous partons demain de grand matin, de sorte que vous n'aurez plus de mes lettres, au moins de longtemps. Je crois que vous aurez reçu la dernière que je vous ai écrite. Je serais marrie qu'autre que vous la vît ; car je l'ai écrite comme à vous et selon mon véritable et juste ressentiment. Adieu, ma très-chère fille ; vous savez que je suis sincèrement vôtre.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCLXI - À LA MÈRE FRANÇOISE-JACQUELINE DE MUSY

SUPÉRIEURE À NEVERS

Alarmes de la Sainte en sachant la communauté de Nevers menacée de la peste. — Abandon au bon plaisir de Dieu.

VIVE † JÉSUS !

[Bourges], 4 juillet [1628].

Ma pauvre très-chère sœur,

Arrivée aujourd'hui de Blois, j'ai trouvé la fâcheuse nouvelle de l'accident qui vous est arrivé. Mon Dieu, que cela me touche ! J'ai cette confiance en l'infinie Bonté que, si les corps sont affligés, vos esprits sont généreux pour les supporter avec une humble patience et amoureuse soumission à Dieu, sans la Providence duquel il ne tombe pas un cheveu de notre tête. Peu nous doit importer, mes très-chères et bien-aimées filles, de mourir tôt ou tard, d'une maladie ou d'une autre, pourvu que ce bon Dieu nous reçoive en sa main droite ; ce qu'il fera [171] infailliblement s'il nous trouve toutes résignées à sa sainte volonté. C'est à quoi je vous exhorte, mes chères filles : soyez donc fortes et courageuses, ainsi que joyeuses dans l'attente de ce divin bon plaisir. Gardez-vous de laisser saisir votre cœur d'aucune crainte, je vous en supplie ; car que doivent craindre celles qui sont sous la protection de Dieu, et qui savent, par une vérité de foi, qu'il ne leur arrivera rien sans sa volonté, qu'il leur donnera avec poids et mesure ce qui sera pour le mieux ? Que ce soit là votre consolation et votre force, mes très-chères filles, et avec cela vivez paisiblement au milieu du danger, et vous assurez que toutes nos maisons seront en continuelles prières pour vous.

Ma pauvre Sœur la Supérieure, soyez vaillante au milieu de votre troupe ; suivez fidèlement les conseils qui vous seront donnés ; conservez-vous pour conserver vos filles, et nous faites savoir de vos nouvelles par l'entremise de M. le lieutenant Desprez, ou de M. Poichon.[49] Je leur écris et leur envoie ce [172] messager, afin que nous sachions en quoi nous vous pourrions servir, ce que nous sommes résolues de faire de tous nos cœurs. J'invoque la Sainte Vierge et notre Bienheureux Père ; ils vous aideront. Dieu vous remplisse de Lui-même. Je suis en Lui tout à fait vôtre.

Extraite de la fondation du monastère de Nevers.

LETTRE DCCCLXII - À LA MÈRE CATHERINE-CHARLOTTE DE CRÉMAUX DE LA GRANGE

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Tribulations des Sœurs de Paray ; prière de les secourir. — Mort du jeune abbé de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Bourges], 5 juillet [1628].

Je ne sais, ma très-chère fille, si vous savez l'extrême peine et danger où sont nos pauvres Sœurs de Paray.[50] Elles m'ont envoyé [un] exprès pour m'en avertir ; mais tout ce que je puis, c'est de prier et faire prier pour elles. Elles sont environnées de peste sans espoir d'assistance, s'il leur arrivait [173] accident ; mais vous connaîtrez mieux leurs besoins par celle qu'elles m'écrivent, que je ne puis le dire ; c'est pourquoi je vous l'envoie. J'écris à madame la marquise de Ragny, pour la conjurer de les aider et avoir soin d'elles. Allant à Autun, je les approcherai Je plus que je pourrai et les aiderai de tout le pouvoir que Dieu me donnera. Je crois, ma très-chère fille, que votre charité vous dictera assez de les aider en ce besoin, sans que je vous en prie ; outre l'obligation particulière que vous en avez, vous verrez le besoin qu'elles ont d'être soulagées et déchargées de quelques filles. Mon Dieu ! si cela se peut, que ce serait un grand bien pour le spirituel ; car tant d'esprits ardents et violents en leurs passions ne s'accordent jamais guère bien ensemble ! Dieu vous veuille inspirer sa sainte volonté en cette occasion et vous donner le pouvoir de l'accomplir I

Oh Dieu ! que je suis touchée de l'accident de ce pauvre jeune ecclésiastique et de la douleur qu'en recevra Mgr de Genève[51] ! Vous m'avez bien obligée de l'enterrer chez vous, et d'en prendre soin. Notre Bienheureux Père vous en saura bien gré, ma très-chère fille. La divine Bonté vous fasse de plus en plus abonder en son saint amour, et soit votre lumière et votre guide en cette charge qu'il vous a imposée. — Oh ! je ne doute nullement que ma très-chère fille, notre Sœur M. A. [de Blonay], ne se montre, en tout, ce qu'elle est par la grâce de Dieu. Je la salue chèrement avec vous, ma très-chère fille, et toutes nos bonnes Sœurs, de l'une et de l'autre maison. J'ai répondu à toutes vos lettres. Dieu soit béni ! C'est sans loisir.

De Bourges, où nous arrivâmes [hier] à soir, ce 5 juillet.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [174]

LETTRE DCCCLXIII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS

Recommandation en faveur de madame de Châtillon.

VIVE † JÉSUS !

Bourges, 7 juillet [1628].

Ma très-chère grande fille,

La très-vertueuse madame de Châtillon, qui a pris la peine de nous conduire ici en notre maison de Bourges, dès celles d'Orléans et de Blois, désire de prendre une particulière connaissance avec vous, et pour cela veut que je vous la recommande, ce que je fais de tout mon cœur, comme une âme précieuse à Dieu, et qui m'est en respect pour sa solide vertu, laquelle j'aime aussi sincèrement pour sa sincère affection envers notre Ordre, où elle a résolution de se retirer sitôt qu'elle aura marié mademoiselle sa fille ; car cette chère âme demeura veuve à vingt-deux ou vingt-trois ans, d'un seigneur de qualité qui lui laissa une fille, les affaires de laquelle sont en bon état, mais elle n'a que onze ans, de sorte qu'il faut qu'elle patiente. Or, je vous la recommande, ma chère fille, mais de tout mon cœur.

Nos Sœurs d'Orléans sont certes bonnes, et celles de Blois aussi, et ne se peut dire comme tout cela vous chérit. Notre bonne Sœur de Vigny est fort en peine de sa petite nièce ; mais je vous écrirai de tout cela une autre fois. Il ne me reste donc pour le coup sinon vous conjurer de correspondre avec très-grande cordialité à cette très-chère darne, qui nous aime si parfaitement. — Adieu, ma vraie très-chère fille ; je suis en effet plus vôtre que vous ne pouvez penser. Dieu nous fasse la grâce d'être tout à fait siennes. Adieu. Il soit béni et nous bénisse, ma très-chère fille, avec votre troupe. — De Bourges, où tout va bien. La Supérieure nouvelle et l'ancienne sont fort vertueuses.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [175]

LETTRE DCCCLXIV (Inédite) - À LA MÈRE CATHERINE-CHARLOTTE DE CRÉMAUX DE LA GRANGE

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Il ne faut pas désirer garder toujours à Lyon la Mère de Blonay.

VIVE † JÉSUS !

Bourges, 9 juillet 1628.

Ma très-chère fille,

[Les premières lignes manquent dans l'original.] Je vous supplie, ne mettez point si avant dans votre esprit le désir de garder toujours notre Sœur Marie-Aimée [de Blonay] ; car vous le mettriez de même en l'esprit de ces Messieurs, qui, par après, en voudraient faire leur propre bien, ce qui, étant contre toute justice et raison, pourrait être suivi de beaucoup de choses qui seraient bien fâcheuses. Adieu, ma très-chère fille ; prenez garde à ceci.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCLXV (Inédite) - À LA MÈRE CLAUDE-AGNÈS JOLY DE LA ROCHE

À ORLÉANS

Miracles opérés par l'intercession de saint François de Sales. — Regrets sur la perte du supérieur d'Orléans et le changement d'évêque. — Estime pour madame de Châtillon.

VIVE † JÉSUS !

[Bourges], 14 juillet [1628].

Mon Dieu ! ma toute très-chère fille, que le petit billet que je trouve ici de votre main m'a consolée, tant pour ce miracle signalé que vous me dites s'être fait, que pour celui de votre recueillement ; car j'avoue que j'avais un peu de bonne envie que vous ayez cette grâce qui vous rendrait, ce me semble, toute [176] suave. Or, me dites si cela dure et si le miracle est prouvé ; comme vont les affaires de cette chère béatification, comme fait notre cher archevêque, s'il est gai, s'il est bien accommodé, qui est avec lui pour juge et commissaire.

Oh Dieu ! que la perte de la présence de notre bon M. Boucher[52] m'a été sensible, particulièrement pour cela. Vous changez aussi d'évêque, mais que rien ne vous trouble, pour tout cela ; car Dieu nous doit suffire, outre que les Filles de la Visitation n'ont pas tant de besoin d'être aidées ; pourvu qu'on ne veuille pas trop les aider, il n'en sera que mieux. Le bon Père recteur doit suffire ; quelqu'un donnera prou les licences. Or, je lui voulais écrire, à ce bon Père, car c'est la vérité que je l'honore plus que je ne puis dire, et vous prie de l'en assurer ; mais je suis accablée d'écritures et d'affaires. — Je crois que la Providence divine a retardé votre fondation de Rennes pour le mieux ; car, certes, il est tout à fait nécessaire que vous soyez à Orléans jusqu'à ce que les affaires de notre Bienheureux Père soient achevées. Je vous les recommande ; car si quelque chose y manque, je ne m'en prendrai qu'à dame Agnès, que j'aime plus-chèrement que je ne puis dire. Je lui envoie nos Règles, mais que personne qu'elle ne voie ce qui est écrit de ma main. Je l'ai permis à notre madame de Châtillon pour sa consolation : c'est une bonne âme, elle vous dira tout, et que je l'aime de tout mon cœur. Elle nous a entièrement défrayé le voyage, et nous a donné un beau tableau de Notre-Dame. Je lui ai donné celui de notre Bienheureux Père.

Nous partons dimanche au soir, pour rencontrer lundi nos pauvres Sœurs de Nevers, n'allant pas chez elles. Tout va bien céans. La nouvelle Mère[53] est fort sage et vertueuse. Adieu pour [177] longtemps. Je salue M*** et M. Julien. Je suis d'un cœur entier toute vôtre. — N'écrivez rien à la Mère déposée de Lyon, touchant ce que vous avez dit de leur élection, et que notre Père n'en écrive rien non plus. Je vous le recommande, ce cher Père dom Juste. Je salue toutes nos Sœurs.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Rennes.

LETTRE DCCCLXVI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS

Saint Vincent de Paul se réjouit de voir le deuxième monastère de Paris gouverné par la Mère Favre.

VIVE † JÉSUS !

[Bourges, 1628.]

Ma très-chère fille,

Nous partons enfin aujourd'hui pour aller à Alonne, et de là être lundi pour le plus tard à Paray, où je vois qu'il est requis que nous passions ; nous y serons deux jours, et sans faillir, Dieu aidant, nous arriverons de bonne heure à Mâcon pour nous y embarquer le lendemain, ne pouvant remonter à Châlon sans nous détourner beaucoup. Je n'en suis marrie qu'à cause de mon cher cousin, et ne sais si pour si peu de temps il y aura raison qu'il prenne la peine de venir. Toutefois, s'il en veut prendre la peine, ce me sera consolation, et j'espère que nous aurons assez d'heures pour tout dire ; je le salue, mais chèrement avec sa bonne sœur que j'aime, et vous la recommande de tout mon cœur, ma grande fille si uniquement aimée. Je salue toutes nos Sœurs d'un cœur entier, je les aime chèrement, car elles sont bonnes ; je laisse dire nos nouvelles à notre vraie bonne Sœur de Vigny. — Votre bon Père [saint [178] Vincent de Paul], que je sens que j'aime et honore de tout mon cœur, me remercie du don que nous lui avons fait de vous ; c'est, je crois, pour prévenir que l'on ne vous retire. Je lairrai gouverner cela à Mgr de Genève et à vous qui êtes bien adroite ; mais vous êtes encore plus ma vraie très-chère fille que mon âme chérit incomparablement. Je salue tout ce que vous voudrez.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE DCCCLXVII - AU RÉVÉREND PÈRE MAILLAN, JÉSUITE

À LYON

Le gouvernement d'une Supérieure ne peut jamais se prolonger au delà de six ans dans un même monastère ; les Sœurs de Lyon sont répréhensibles d'avoir pensé réélire la Mère de Blonay après ce terme.

VIVE † JÉSUS !

[Moulins, 1628]

Mon Révérend et très-honoré Père,

Le pur amour de ce divin Sauveur règne à jamais en nous !

Il est vrai que Dieu m'a donné un singulier respect et estime de tout ce qui m'a été dit par Votre Révérence ; c'est pourquoi je reçois avec toute l'humilité possible, et de tout mon cœur, la remontrance qu'il plaît à votre bonté paternelle de me faire, confessant que mes paroles ont été trop âpres, et que j'ai failli en cela et volontairement : car, bien que ma douleur fût fort grande, si ne m'aveuglait-elle pas ; mais je pensais que je devais ainsi écrire fortement pour mieux faire concevoir l'importance de cette faute, qui semblait n'être pas assez pesée pour sa conséquence, d'autant que ma Sœur [de Blonay] me l'écrivait comme en riant, bien qu'elle me dît que nos Sœurs désiraient tout ce qui se pouvait de la réélire, et que nonobstant qu'elle [179] eût fait tout ce qu'elle avait pu pour les en empêcher, qu'il ne s'était guère fallu qu'elle ne fût réélue. Oh ! certes, mon très-cher Père, sur ces paroles et la façon de les dire, je vis clairement que l'on n'estimait pas qu'il y eût aucune faute en cela, et néanmoins je sais que c'est l'une des plus grandes et des plus importantes qui se puissent faire en l'Institut, et des plus contraires aux intentions de notre Bienheureux Père. J'ai encore mémoire des paroles qu'il m'en dit à Lyon en ses derniers jours ; et nos Sœurs ne doivent jamais écouter ce que la prudence humaine dira contre cela : elles savent très-bien que notre Bienheureux Père a dit qu'en ce commencement de l'Ordre l'on pouvait, pour la vraie nécessité, dispenser l'âge, quand les filles se trouvaient avec les talents convenables au gouvernement ; et cela s'est pratiqué de son temps. Elles savent aussi qu'il a ordonné dans le Coutumier que les Supérieures peuvent être continuées jusqu'à six ans, après lesquels nécessairement elles doivent demeurer déposées, et que jamais aucune n'a été dans son Institut plus de six ans en charge en un même monastère. Elles n'ignoraient pas aussi que notre monastère de Grenoble élut pour troisième triennal notre Sœur de Châtel, suivant le conseil qui leur en avait été donné tout contraire à l'Institut ; que nous nous y opposâmes, et que [l'élection] ne subsista point, bien qu'en ce temps-là nous n'eussions pas encore fait reconnaître notre Coutumier, ni que nos Constitutions n'étaient pas approuvées, ce qu'elles sont maintenant, avec défense très-expresse d'y changer ni innover chose quelconque, à peine de nullité, ainsi qu'il se pourra voir dans les Bulles.

Mon très-cher Père, je ne pensais pas vous en tant dire, étant fort pressée ; mais, certes, la douleur que me donne la moindre ombre de changement, et l'amour à la conservation de ce pauvre petit Institut, que Dieu a gravés dans mon âme, m'emportent et me font écrire plus que je n'avais projeté. Dieu nous [180] veuille donner une telle horreur de toutes sortes de changements, que jamais nous n'ouvrions nos oreilles pour écouter les raisons de la sagesse et science humaine et naturelle ; mais que nous demeurions dans notre simplicité et exactitude d'observance, sans glose ni interprétation contraires à ce que nous savons être de l'intention de notre saint Fondateur. Si nous n'avons une fermeté inflexible à tout ceci, bientôt nous serons réduites à rien ; je dis même pour les moindres et plus minces observances, à plus forte raison pour celles qui sont des plus essentielles, et pour celle en particulier des élections des Supérieures, laquelle je vois que la nature heurtera souvent si tant soit peu on lui ouvre la porte. Oh Dieu ! qu'il nous est important de ne le faire jamais, sous quelque prétexte que ce soit ; ce doit être une loi inviolable pour nous. Et je vous supplie, mon très-cher Père, d'effacer tant qu'il vous sera possible l'opinion que l'on peut avoir donnée à nos Sœurs qu'elle se peut enfreindre, et de graver dans leurs cœurs une invariable résolution de ne chercher ni écouter jamais aucun conseil contraire à cette loi.

Si j'ai l'honneur et la consolation de voir un jour Votre Révérence, je m'assure qu'elle me confirmera qu'il est très-nécessaire de demeurer ferme en ceci. Je n'ai le loisir de dire mes raisons ; mais elles sont si fortes que j'aurais bien sujet de conserver ma douleur, si je ne voyais que nos chères Sœurs confessent ingénument qu'elles ne devaient avoir telle pensée ni dessein. Je m'assure que ce manquement leur sera profitable, et les fera tenir plus serrées dans la simplicité de l'observance, puisque je sais qu'elles ne manqueront jamais de bonne volonté en ce sujet ; aussi n'ai-je point accusé leur intention, ni certes je n'ai eu aucune pensée d'attribuer cette faute à notre très-chère Sœur [de Blonay], je la connais trop bien ; mais la parfaite amitié que j'ai pour elle me donna confiance de verser dans son cœur toute la douleur du mien, et ma [181] plainte contre nos Sœurs. Seulement je fus marrie de ce qu'il me sembla qu'elle n'en était pas assez touchée, et qu'elle laisserait peut-être la chose ainsi, sans en reprendre nos Sœurs : voilà mes mouvements, mon très-cher Père, et, bien que je ne croyais pas que ma Sœur dût faire voir ma lettre, si suis-je extrêmement aise que Votre Révérence l'ait lue et reconnu ce que je suis. Plût à Dieu que j'eusse le moyen de vous découvrir toutes mes misères ! j'espérerais en recevoir quelque aide pour mon amendement ; car c'est la vérité, mon cher Père, que vos paroles ont un grand pouvoir sur mon esprit, Dieu m'ayant donné très-grande estime de ce qu'il a mis en vous. Sa Bonté vous le conserve, et accroisse journellement, jusques au comble de la parfaite sainteté. Je suis d'une entière affection votre, etc.

LETTRE DCCCLXVIII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Même sujet.

VIVE † JÉSUS !

[Moulins], 20 juillet [1628].

Ma très-chère fille,

Je confesse simplement que j'ai dit dans ma lettre quelques paroles exagérantes, bien que sans amertume de cœur, mais par le seul mouvement de ma douleur. Je supplie ma très-chère Sœur la Supérieure et vous de me pardonner ; ce n'a point été mon intention d'offenser, mais de persuader cette vérité : que c'est une faute de très-grande importance d'avoir eu ce dessein de vous continuer en la charge de Supérieure, ce que je voyais dans votre lettre n'être pas tenu ni reconnu pour aucun manquement. J'écrivais à vous seule, selon la franchise de notre [182] ancienne alliance et absolue confiance ; c'est pourquoi mon cœur, suivant sa manière de traiter avec vous, versa dans le vôtre tout naïvement ses sentiments, ne croyant pas que vous dussiez montrer ma lettre ; mais je suis très-aise toutefois que le Révérend Père Maillan l'ait vue, et que, par ce moyen, vous ayez soulagé votre cœur, lequel je n'aurai jamais volonté de blesser. Non plus que je ne veux ni ne pense vous accuser d'aucun défaut, en tout votre procédé en l'élection qui a été faite, laquelle je trouve très-bonne et en bénis Dieu, croyant qu'il ne se pouvait rien de mieux, quant au choix que l'on a fait de ma chère Sœur votre Supérieure, laquelle peut donc bien s'accoiser, et vous aussi, ma très-chère fille, pour ce qui vous regarde ; car je sais très-bien que vous êtes très-éloignée de vous procurer des supériorités. Tout le manquement que j'ai vu de votre part, je vous le dirai franchement, c'est que vous me parliez comme en riant de ce sujet, et il me semble qu'il était si important qu'il ne fallait pas le traiter de la sorte, craignant que l'opinion de pouvoir violer cette loi qui nous doit être si absolument inviolable, ne demeurât imprimée dans l'esprit de nos Sœurs, et qu'avec le temps il n'en arrivât de mauvais faits, ce qui serait ruiner la règle [la] plus importante que nous ayons en notre Institut. Certes, si nos Sœurs vous eussent réélue, comme vous me dites qu'il ne s'en fallut guère nonobstant tous vos efforts, il eût fallu renverser cette élection, ou bien le champ était libre pour faire partout ainsi.

Mon Dieu ! ma très-chère fille, pourquoi avez-vous pris si amèrement ce que je vous ai dit ? Je confesse que mes paroles étaient dures et fortes ; mais certes je ne les dis pas durement. Ne connaissez-vous pas mon cœur, comme Dieu l'a fait pour vous ? et pourquoi donc tant de larmes ? Relisez cette lettre, et vous verrez que je me plaignais à vous comme à ma propre âme, et non comme vous attribuant la coulpe. Voyez-vous, ma vraie fille, il faut que vous supportiez un peu cette ardeur et [183] jalousie que j'ai pour la conservation entière de ce pauvre petit Institut. Si j'excède quelquefois et tombe en des manquements, cela n'est-il pas bien digne de ma misère ? Pour moi, je ne m'en étonne pas, et bien que je ne fasse pas ces fautes à dessein, si me font-elles grand bien quand je suis fidèle à les bien ménager. Or, parce que le Révérend Père m'écrit dans sa lettre plusieurs raisons par lesquelles il me veut prouver que l'on a dû et pu faire ce qui s'est passé, concluant qu'il n'y a point eu de faute, certes, ma très-chère fille, en me faisant voir tout cela, j'ai connu que l'on avait été plus avant en cette affaire que je ne pensais, que le mal est prou grand et qu'il est bien nécessaire de détromper l'esprit de nos Sœurs ; cela se doit faire sans bruit, mais judicieusement, ce me semble. Vous avez un très-sage conseil au Révérend Père Maillan ; je crois qu'il vous montrera ma lettre. Je crois qu'il faut tenir ce qui s'est passé fort à couvert, et que les monastères n'en sachent rien.

Mgr votre archevêque n'a du tout point d'occasion d'être insatisfait de l'emploi que l'on a donné à notre chère Sœur Favre, et c'est pure calomnie d'appeler causeresse celle qui ne procure rien, et qui fait ce qu'on lui commande ; répondez ce qu'il faut à celles qui vous en parleront. — Ma très-chère fille, vous concluez votre lettre par une protestation que vous aimez plus l'Institut que votre propre vie ; je proteste que je l'ai toujours cru, et ne pourrais faire autrement, et que je ne vous ai attribué aucune coulpe en la faute que nos Sœurs ont faite, laquelle je trouve toujours plus grande, quand je la regarde, et ce qu'elles prennent pour excuse m'est cause d'une plus grande douleur ; mais j'espère que ce manquement causera en leur cœur une aversion mortelle contre toutes sortes d'interprétations illégitimes et contraires à la simplicité de l'observance, à quoi nous devons être invariables, surtout en ce temps où l'esprit humain renverse tout. C'est trop écrire sans loisir, [184] étant fort occupée tant pour Nevers que pour cette maison. Mon Dieu ! ma vraie fille, tenez votre cœur en paix.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCLXIX - À LA MÈRE CATHERINE-CHARLOTTE DE CRÉMAUX DE LA GRANGE

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Prévoyance de la Sainte pour les Sœurs de Paray. Itinéraire de son voyage. L'archevêque de Lyon est prévenu contre elle.

VIVE † JÉSUS !

[Moulins], 20 juillet [1628].

Ma très-chère fille,

J'ai bien cru que la bonté de votre cœur vous ferait assister ces pauvres chères Sœurs de Paray en tout ce qui vous serait possible ; certes, elles me donnent grande compassion. J'y enverrai bientôt un homme pour savoir ce qu'elles font : si elles avaient une grande nécessité de changer de lieu, je prie madame de Dampierre (au cas que madame de Ragny ne fasse rien) d'écrire à un sien fermier d'une terre qu'elle a près de Paray, afin qu'il les reçoive. Cette chère dame nous a fait cette offre par sa seule charité, avec vrai désir que nos pauvres Sœurs s'y retirent à leur besoin. Je priai notre Sœur du faubourg Saint-Jacques de le leur faire savoir ; car alors je n'avais commodité d'écrire.

Nous voici dès avant [-hier] à soir en ce monastère de Moulins avec notre pauvre chère Sœur la Supérieure de Nevers, et une de ses Sœurs ; nous les sommes allées prendre à six lieues de Nevers ; nous la garderons jusqu'à la huitaine, c'est une vraiment bonne âme et humble. Nous allons sur la fin de ce mois en Auvergne, et j'espère qu'environ le 20 août nous serons à Autun, [185] de là à Dijon, puis à Bourg, sinon que Mgr votre archevêque, le sachant, ne fasse défendre que j'y sois reçue, ce qui serait une grande mortification pour nos Sœurs et pour moi aussi ; il n'en faudra donc rien dire. S'il continue en ses opinions, à ce que j'ai ouï dire, je pense qu'il ne voudra pas que j'entre non plus chez vous ; cela me serait dur, mais il n'y aurait remède ; vous me ferez savoir quelque part, du moins à Bourg, ce que je ferai, car je crois qu'il ne faut pas le violenter.

Ma très-chère fille, ma douleur sur les choses passées ne m'a point fait changer de cœur pour vous, ni pour nos Sœurs, m'assurant que l'on n'a pas connu l'importance de cette faute ; mais je désire bien, et il est nécessaire, qu'elle soit reconnue pour cela, autrement il pourrait s'en ensuivre de mauvaises conséquences. Je salue avec vous toutes nos chères Sœurs. Dieu veuille à jamais vivre et régner en votre chère âme, ma très-chère fille, et soit béni I

[P. S.] Ma fille, je vous prie de me faire savoir quand le Révérend Père provincial des Pères Jésuites sera arrivé à Lyon, car je désire de lui écrire ; cependant, saluez-le très-humblement de ma part, ma très-chère fille. Je supplie votre charité de faire tenir fort sûrement ces deux paquets et cette lettre au Père Arnoux, à Grenoble, et lui faire savoir que c'est de notre part.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [186]

LETTRE DCCCLXX - À MONSEIGNEUR JEAN-FRANÇOIS DE SALES

ÉVÊQUE DE GENÈVE

Affaires de la béatification de saint François de Sales et de la publication de ses Entretiens.

vue † jésus !

[Moulins], 30 juillet [1628].

Mon très-honoré et cher Seigneur,

Ce m'est un honneur et consolation incroyables quand je reçois de vos lettres qui m'assurent de votre bonne santé ; Dieu, par sa bonté, vous la continue et conserve.

Mon Dieu ! mon cher seigneur, que je suis mortifiée de la réponse de Son Altesse ! C'est tout ce que notre bon Père dom Juste craignait, que le retardement de cette affaire ; mais il faut en tout et toujours adorer la conduite de notre bon Dieu et nous soumettre doucement à sa sainte volonté. Il fera aussi la nôtre, s'il Lui plaît, parachevant cette sainte besogne que nous avons commencée pour sa gloire et celle de son saint et bienheureux Serviteur. — J'écrivis avant-hier à Mgr de Belley, qu'enfin nous avons trouvé à deux journées de Paris. Certes, tout en riant, je lui dis un peu son tort. J'écrivis aussi à notre très-cher Père dom Juste, afin qu'il s'ajustât du temps pour aller à Bourges. L'on attend le privilège du Roi pour l'impression des [vrais] Entretiens.

Nos Sœurs de Paris croient qu'il faudra dédommager Dérobert, et disent qu'il faudrait lui donner les exemplaires corrigés ; j'y ai bien de la répugnance ; mais c'est M. le procureur général de Paris qui donne cet avis, et les autres amis le trouvent bon. Je trouve cela tout à fait hors de mes sentiments, et d'autant plus qu'il ne peut donner que la moitié des exemplaires imprimés. Je vous supplie, mon très-cher seigneur, [187] faites savoir à nos Sœurs de Lyon votre sentiment et volonté sur ce sujet, car je m'en vais leur écrire, afin que l'on arrête avec Derobert, bien que je serais fort aise que nous voyions auparavant ce que portera le privilège.

Mgr de Paris donne toujours quelque espérance pour les affaires de nos bons Pères Barnabites. Mgr de Bourges laissa le soin de cette poursuite à notre chère Sœur de Villeneuve et à ma fille de Chantal, lesquelles ne s'y endormiront pas. Certes, nous y emploierons tout ce qui se pourra imaginer pour la faire réussir. Je vous supplie, mon très-cher seigneur, d'en assurer notre tant bon et cordial Père prévôt [du Chapitre], et me permettez, s'il vous plaît, que je le salue très-humblement ; je l'honore et chéris de tout mon cœur pour la sainte affection qu'il a pour les affaires de notre Bienheureux Père, dont nous lui sommes tous très-obligés. — Je vais écrire à notre chère Sœur de Villeneuve pour vos tableaux ; ils sont maintenant d'un prix excessif. On veut avoir, de deux que je désire que l'on fasse de notre Bienheureux Père (l'un de sa hauteur, l'autre à moitié), soixante et quinze écus. — Je pense, mon très-cher seigneur, qu'il n'y aura point de nos papiers perdus, au moins ces seigneurs de Bérulle et de Paris ne nous en ont point envoyé pour vous, en quoi je les admire, mais le monde de Paris vit ainsi.

Nous allons partir d'ici pour repasser vers nos Sœurs d'Auvergne, étant nécessaire ; de là à Autun, puis à Dijon, Mgr de Bourges que je n'ai point vu à Orléans le désirant fortement ; mais ce qui m'y a fait résoudre, c'est Mgr de Langres et notre grande Sœur Favre, qui jugent qu'il le faut. Je séjournerai partout le moins que je pourrai. Tous ces lieux m'éloignent des moyens de vous écrire, mon très-cher seigneur, et de recevoir si souvent de vos chères nouvelles qui me sont si précieuses ; mais tout est pour Dieu. Certes, nous avons grand sujet de bénir sa Bonté divine des bénédictions qu'elle répand sur nos maisons. Il me semble que Dieu me fait voir que pour leur mieux ce [188] petit séjour que nous y faisons y est fort profitable ; la gloire Lui en soit éternellement !

Permettez-moi, mon très-cher seigneur, de saluer en tout respect Messieurs vos très-chers frères. Notre doux Sauveur répande sur vous ses plus riches grâces et vous conserve et gouverne à jamais ! Je suis d'une affection pleine d'honneur et tout à fait incomparable, mon très-honoré et cher seigneur, votre très-humble, etc.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCLXXI - À LA MÈRE CATHERINE-CHARLOTTE DE CRÈMAUX DE LA GRANGE

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Impression des vrais Entretiens, des Règles et du Coutumier.

VIVE † JÉSUS !

[Moulins], 30 juillet [1628].

Ma très-chère sœur,

Je vois bien que votre lettre du 11 de ce mois a été écrite dans votre sentiment ; je n'y veux pas répondre, car je connais trop bien la bonté de votre cœur qui, à mon avis, n'est plus dans cette émotion. Je vous assure seulement que si la lettre en question n'était pas fermée, ce n'a été que par oubli et mégarde, et que je n'ai rien à réparer en cela.

J'écris à M. Brun pour les Entretiens ; certes, ma très-chère fille, j'en laisse la conduite à votre charité et à notre Sœur M. -Aimée [de Blonay]. J'en écris à Mgr de Genève, afin qu'il vous fasse savoir s'il veut qu'on donne la bonne copie au sieur Derobert. Je vous supplie, à tout hasard, d'accorder ou faire accorder avec le sieur Cœursilly pour l'impression qu'il nous a faite de nos Règles, qui sont fort bien, et du Coutumier, qui est fort mal ; mais c'est tout un, il ne faut pas laisser de le bien [189] contenter raisonnablement de ce qu'il a fait, et je désire savoir à quoi le tout montera, afin que si nous sommes forcées de faire imprimer les [vrais] Entretiens par un autre, nous pourvoyions à le faire payer.

J'eusse fort désiré que l'on n'eût point parlé de moi à Mgr de Lyon ; je n'eusse pas laissé d'aller là, et de vous voir chez nos Sœurs tourières, s'il eût défendu mon entrée au monastère. Dieu fasse en tout sa sainte volonté ! Je suis de tout mon cœur vôtre en Notre-Seigneur.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCLXXII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

La communauté de Lyon n'a pas droit de la retenir indéfiniment.

VIVE † JÉSUS !

[Moulins], 30 juillet [1628].

Ma très-chère fille,

Je fis faire réponse aux vôtres, dès le même jour, touchant notre Sœur de Paray ; je ne crois pas qu'il la faille changer, mais nous en dirons toutes nos raisons étant vers vous.

Je n'avancerai pas notre voyage pour recevoir l'affront d'être refusée d'entrer chez vous ; mais permettez-moi aussi que je ne le retarde pas, afin que si je suis digne de cette abjection, je n'en perde [pas] l'occasion. Je suis étonnée de voir que l'on m'écrit de tant de parts pour vous arrêter là [à Lyon]. Il me semble que dès le commencement j'ai dit assez nettement qu'il n'y aurait que l'impossible qui empêchât de vous y laisser un an ; mais de vouloir tirer des paroles d'assurance de vous y laisser toujours, cela est contre la liberté que l'on nous doit laisser d'employer nos Sœurs selon le bon plaisir de Dieu. Je vous prie, [190] que l'on demeure en paix, et que l'on ne se mette point ce désir si avant dans l'esprit.[54] C'est la vérité que je serais bien fort mortifiée, si l'on me privait de la chère consolation de vous voir, car enfin vous êtes ma vraie très-chère fille ; toutefois, je suis fort résolue, moyennant la grâce de Dieu, de recevoir de bon cœur tout ce qu'il Lui plaira m'envoyer. À Dieu, ma fille, soyons-nous sans réserve. Qu'il soit béni !

[P. S.] Ma chère fille, je m'oubliai à vous dire que le Père de Boullioud nous a parlé de votre fondation de Mâcon, et d'une vieille dame religieuse qu'il désirerait bien que l'on retirât au second monastère de Lyon, qui y porterait bien des commodités. Vous entendrez sa proposition et en ferez selon que vous jugerez à propos ; je trouve que cela est faisable, si elle a les conditions de son esprit accommodantes.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCLXXIII - À LA MÊME

Elle la charge de surveiller l'impression des Entretiens.

VIVE † JÉSUS !

Riom, 4 août [1628].

Ma très-chère fille,

Nous avons enfin reçu le privilège pour les Entretiens, autant favorable que nous pouvions désirer, sinon qu'il est pour peu d'années, mais c'est tout un ; et vous l'auriez déjà reçu, si ce n'était que ma Sœur la Supérieure de Paris m'a mandé ce que je voulais qu'elle en fit. Je m'adresse à vous en cette affaire, quoique je ne doute point de la capacité et bonne volonté de ma chère Sœur votre Supérieure, mais parce que votre âge, votre affection et votre expérience vous donnent plus de connaissance de mes intentions. II est besoin que cette affaire se traite dextrement ; c'est pourquoi je vous conjure de vous y employer soigneusement. Pour cet effet, il serait requis que vous eussiez un ami qui eût des adresses et qui nous fût affectionné et charitable, pour ménager l'affaire avec douceur et prudence avec Derobert, et tâcher, s'il se peut, de retirer de lui tous les exemplaires qu'il a faits des [faux] Entretiens, tant les huit cents qu'il a que les huit cents du Père Cordelier ; et, si ledit Derobert se porte à les rendre, il me semble juste de lui donner à imprimer la bonne copie ; et en ce cas, nous savons ce que l'impression de nos Règles et du Coutumier peut valoir, dont nous tâcherons de contenter Cœursilly.

S'il est jugé juste ou de charité, il le faudra satisfaire de quelque chose de ses peines ; car enfin je ne désire point d'entrer en procès, ains que tout se passe avec douceur, quoique, comme on lui pourra faire voir, parle privilège, nous le pourrions fatiguer ; enfin, ma chère fille, faites du mieux que [192] vous pourrez, je vous en prie, et le plus conformément à l'esprit que notre Bienheureux Père nous a laissé. Ayant reçu ledit privilège, vous en pourrez conférer avec le Révérend Père Binet, provincial, et lui mettrez en main tous les dits Entretiens, afin qu'il les voie, et vous étant résolue à qui on donnera l'impression à faire, vous retirerez du Révérend Père Binet le premier Entretien qu'il aura vu pour le faire mettre sous la presse, afin de ne point perdre de temps, et ainsi l'un après l'autre vous aurez soin de les retirer. Et surtout prenez garde que celui qui les imprimera y emploie du bon papier et un bon caractère ; j'estime qu'il suffirait du caractère [du Traité] de l’Amour divin, ou selon que ce bon Père avisera. Et quant à ce que je consens, de donner ladite impression à Derobert, c'est afin que tout se passe doucement ; car ce n'est pas que je fusse bien plus aise de les garder pour Cœursilly, s'il se pouvait. Bref, ma chère fille, je remets en vos mains le tout ; conseillez-vous et tâchez de le conduire selon la plus grande gloire de Dieu et l'esprit de charité. Vous recevrez bientôt tant le privilège que [les] Entretiens, l'ayant ainsi mandé à ma Sœur la Supérieure de Paris. Je prie Dieu de vous rendre toute selon son Cœur, et suis de tout le mien toute vôtre.

J'oubliai de vous prier, comme je fais bien fort, de tenir averti Mgr de Genève de tout le traité que vous ferez, afin que tout se passe avec son agrément ; comme aussi j'entends que celui qui les imprimera en donnera cent exemplaires pour Nessy et douze pour Paris, parce qu'en vérité ce monastère-là a reçu de la dépense et de la peine. Et pour chacun des autres monastères, il en faut deux exemplaires pour le moins, et pour le vôtre, ce que vous pourrez. Voilà mes pensées qui ne tendent qu'à la paix et à la raison, en cette affaire ; mais, ma très-chère fille, je vous remets le tout et à votre discrétion et sage conseil. Au reste, je suis fort empressée, car je me hâte pour être à Lyon le plus tôt que je pourrai, pour passer outre, si j'en [193] suis commandée, ou pour y rencontrer madame de Villeneuve, et de là aller à Annecy ; mais ne dites rien de tout cela. Je salue ma Sœur votre Supérieure et toutes nos Sœurs.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCLXXIV - À LA MÊME

Projet de passer à Alonne et à Dijon. — Nouvelles des Sœurs de Paray-le-Monial. Conseils touchant l'impression des vrais Entretiens.

VIVE † JÉSUS !

Riom, 14 août [1628].

Ma très-chère fille,

Voilà bien des fondations qu'on vous propose, mais pourrez-vous bien fournir à toutes ? Néanmoins, puisque vous me voulez attendre, nous en parlerons amplement. J'ai plusieurs choses à vous dire sur celle du Puy. Je m'avancerai tant que je pourrai pour être à vous au 15 ou 20 septembre. Il m'est tout à fait impossible de passer à Saint-Étienne ; mais nous parlerons avec vous des affaires de ce monastère et des remèdes convenables. — Il est nécessaire pour la gloire de Dieu et le bien de la paix, en ce peu de famille qui reste de mon fils, que je passe chez ma fille. Si la peste est si forte à Autun, je n'irai pas ; mais je ferai venir ma Sœur la Supérieure là. Il est absolument nécessaire que j'aille à Dijon ; mais j'y séjournerai le moins que je pourrai, pour me rendre à vous au temps susdit. Il faudra que vous m'envoyiez prendre à Bourg. Je vous tiendrai avertie du jour.

Pour nos bonnes Sœurs de Paray, j'en ai reçu hier même des nouvelles ; elles sont toutes en bonne santé par la miséricorde de Dieu, au moins affranchies de ce mal, et leur bon confesseur [194] leur rend une assistance incroyable, dont tout notre Institut lui est obligé. Il faut bien prier Dieu pour lui. Ma Sœur la Supérieure du faubourg de Paris leur a envoyé de l'argent pour les secourir. Étant chez ma fille, je les enverrai visiter, pour apprendre plus particulièrement leurs besoins et y remédier.

Voilà le privilège pour faire imprimer nos [vrais] Entretiens avec une lettre de commission du Roi adressante à Messieurs les gens du Roi, à Lyon, comme vous verrez en la lisant. Je vous ai déjà mandé qu'il était requis que vous ayez pour cela un ami sage et intelligent, qui sache conduire cette affaire avec douceur, convenablement. Ainsi que je vous ai déjà mandé, il faut tâcher de retirer non-seulement tous les exemplaires de l'imprimeur Derobert, mais encore ceux du Père Cordelier, que l'on m'a assuré être au nombre de seize cents en tout. Vous ferez copier les dites lettres et privilèges pour les envoyer à Mgr de Genève, et comme c'est à lui à nommer l'imprimeur, je m'assure qu'il nommera Cœursilly, et j'en serai aussi bien aise si l'on se peut accommoder autrement avec ledit Derobert. Enfin, conduisez cette affaire le mieux que vous pourrez, m'en remettant à votre prudence et au sage conseil que vous pourrez prendre et recevoir des Pères, et encore de Mgr de Genève. Vous aurez bientôt les Entretiens. Je pense qu'il sera bon de les imprimer du caractère de Philothée ; mais je m'en remets [à vous]. — Je suis certes un peu marrie de quoi vous avez retenu cette fille que nous avions reçue pour Marseille, où ils en ont grand besoin. Pour votre pénitence, je vous prie de leur en mander [envoyer] une autre.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [195]

LETTRE DCCCLXXV - À LA MÊME

Prochaine arrivée de la Sainte à Dijon. — Traiter à l'amiable le différend avec l'imprimeur Derobert.

VIVE † JÉSUS !

20 août 1628.

Vous aurez maintenant force lettres que je vous ai écrites, et je suis étonnée de quoi vous ne les ayez pas encore reçues. Nous voici en chemin pour aller chez ma fille ; je vous prie que je trouve de vos nouvelles à Dijon où nous serons, Dieu aidant, à la fin de ce mois ; car il me tardera de savoir si vous aurez reçu le privilège du Roi pour l'impression des Entretiens, que je vous envoyai lundi dernier par un marchand de Riom ; je vous écrivis longuement pour ce sujet. Le sieur Derobert nous est venu parler et fait fort l'absolu de vouloir les Entretiens ; je vous ai remis cette affaire. Vous verrez, ma très-chère fille, ce que Mgr de Genève vous en dira ; je lui écris par Derobert que je pense que le tout doit être remis entre les mains de quelque ami commun, [afin qu'il juge] de l'équité pour la rendre à chacun. Pour moi, je désire que tout se fasse doucement ; mais je voudrais bien aussi que Derobert se contentât de la raison, et que l'impression se fit entre Coeursilly et lui. Il m'a dit qu'il prendra pour son juge M. le président de Sève, lequel, je crois, ne se doit pas si fort porter de son côté, qu'il ne soit juste.

Or, je trouve que Derobert est marchand de cette impression mauvaise et non auteur ; c'est pourquoi je pense que n'étant pas lui qui a le tort, ains ceux qui lui ont vendu, il faudrait voir s'il y aurait moyen de se prendre à celui qui a fait le mal, pour du moins lui faire rendre l'argent qu'il en a reçu ; à quoi je pense que M. de Sève peut beaucoup. Vous verrez ce que Mgr de Genève dira, et ferez le mieux que vous pourrez, [196] tant pour Derobert que pour Cœursilly, s'il se peut. En se rapportant aux amis, gens de bien, entendus et affectionnés, l'on ne saurait faillir. Voilà donc, ma très-chère fille, ce que j'en puis dire, et que je désire que l'on fasse, si Mgr de Genève le trouve bon. Or, qui [que ce soit qui] imprime nos Entretiens, j'entends d'en avoir deux cents exemplaires.

Je suis en peine de l'indisposition de notre Sœur la Supérieure. Dieu, par sa bonté, la conserve et vous donne, ma très-chère fille, le comble de son pur amour 1

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCLXXVI - À LA MÈRE CATHERINE-CHARLOTTE DE CRÉMAUX DE LA GRANGE

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Situation périlleuse de la communauté de Paray. Nécessité de la transférer ailleurs.

VIVE † JÉSUS !

La Motte, 23 août [1628].

Ma très-chère fille,

Nous sommes venues ici à deux lieues de Paray, afin d'apprendre des nouvelles de nos pauvres Sœurs. J'envoyai quérir leur confesseur, qui est l'unique assistance qu'elles ont après Dieu ; il m'a dit que les quatre Sœurs atteintes de la maladie sont hors de danger. La pauvre Sœur M. -Marguerite [Fontanet] est morte ; avertissez-en les monastères, s'il vous plaît, afin que l'on prie pour elle.

Or, revenons à nos Sœurs ; elles sont destituées de toutes sortes d'assistance humaine, que de leur prêtre qui va chercher par les villages ce qu'il peut pour les nourrir, où il court fortune de sa vie, car déjà ou a pensé l'assommer. Si ce pauvre [197] homme a mal, on ne voit par quel moyen elles seront empêchées de mourir de faim. Outre qu'elles sont dans un très-évident péril de la maladie, comme tous ceux de la ville, elles l'ont encore plus grand à cause que le cimetière des pestiférés est derrière leur maison ; de plus, selon le jugement du voisinage, il est impossible, humainement parlant, que la ville soit purgée, parce qu'il n'y a nul ordre pour cela, et que même les corps demeurent dans les maisons sans être ensépulturés ; voyez en quel péril sont et seront ces pauvres chères filles. Elles m'ont écrit, et le confesseur me l'a dit, qu'elles n'ont nul moyen de [se] faire secourir ; elles sont destituées de tout ; elles ont encore un peu de votre argent, du blé et vin, mais peu. Certes, ma très-chère fille, il faut, s'il vous plaît, pourvoira leurs besoins.

Nous avons pensé qu'il serait bon de les faire changer de lieu, et pour cela de leur procurer un petit monastère qui n'est qu'à une lieue d'ici, où personne ne demeure et qui est bien clos. Madame de Saligny m'a promis de leur fournir les meubles et les vivres qui leur seront nécessaires ; puis on la remboursera.[55] Que si le mal continue à Paray, et quand même il ne continuerait pas, certes, ma très-chère fille, c'est une chose bien digne de considération que de laisser des filles dans un si chétif lieu, parmi tant de huguenots, sans secours spirituels et temporels, bien éloignées des autres maisons : voilà deux propositions que je vous fais pour elles, que je vous supplie de peser mûrement et de prendre un sage et solide conseil là-dessus. Le Révérend Père provincial vous en pourra bien [198] servir ; je n'ai loisir de lui en écrire. J'ai prié le Révérend Père Jésuite qui est ici, tout plein de bonne volonté, de vous faire tenir cette lettre ; vous m'en pourrez faire avoir la réponse par l'entremise des Pères de Roanne qui les feront tenir ici. Voilà ce que mon peu de loisir me permet de vous dire, allant partir de ce lieu de la Motte, ce 23 août. Certes, ce que je vous dis est, à mon avis, fort considérable.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCLXXVII - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À AUTUN

Inquiétudes de la Sainte en sachant la peste à Autun. — Offres de secours.

VIVE † JÉSUS !

Alonne, août 1628.

Ma très-chère fille,

Le divin Sauveur vous tienne toutes en sa paternelle protection !

Nous voici à Alonne bien marries de n'oser aller à vous, et bien en peine de vous savoir environnées de tant de périls, que même l'on nous a dit qu'une de vos tourières était atteinte de la maladie.[56] Or, j'envoie ce porteur pour savoir comme tout [199] va chez vous, et quels sont vos besoins et vos pensées pour y remédier. Que si vous jugiez qu'il fût nécessaire de vous retirer de là, il le faudrait faire plus tôt que plus tard ; et, en ce cas, nous fûmes hier voir le prieuré de Mesvre qui n'est qu'à demi-quart de lieue d'ici, où M. de Saint-Satur vous logerait de bon cœur, et ma fille vous assisterait très-soigneusement et cordialement ; mais ils désireraient que, si vous désirez d'employer ce lieu pour votre retraite, vous n'attendissiez pas que le mal fût dans notre couvent ; car ils craindraient que vous l'apportassiez en ce quartier, et que ceux du village de Mesvre ne s'opposassent à votre réception, comme ont fait ceux d'une terre de madame de Dampierre, où l'on voulait faire retirer nos pauvres Sœurs de Paray qui sont en grand péril, plusieurs ayant déjà été atteintes de la maladie sans mort, bien qu'une Sœur soit décédée d'autre maladie, pour laquelle vous ferez les prières.

Ma très-chère fille, voyez donc, en cas que ce mal se prît chez vous, quel moyen vous y auriez de vous disperser et purger votre maison, si les secours spirituels et temporels vous seraient donnés, et enfin quels sont vos sentiments et l'avis de vos amis sur ce sujet ; car moi, je n'en puis rien dire. J'attendrai donc de vos nouvelles, et croyez qu'en tout ce que nous pourrons, nous vous servirons cordialement et sans réserve. L'on craint fort de faire entrer des personnes dans Autun, et l'on voudrait que vous donnassiez adresse de vous parler, donner et recevoir ce que vous voudriez, par-dessus la muraille de la ville, qui est au [côté] droit de votre jardin. Voyez si cela se pourra, et nous faites bien savoir tout ce que vous désirez de nous tandis que je suis ici, où j'arrivai avant [-hier] à soir assez tard, et [nous] en partirons mercredi ou jeudi au plus tard.

Mon Dieu ! que ce m'est une grande mortification si je ne vous puis voir, et nos pauvres Sœurs que je salue chèrement avec vous ! Mandez-moi bien franchement toutes vos pensées, et si vous pourrez faire savoir à M. de la Curne que nous sommes [200] ici, et que nous irons coucher à Arnay-le-Duc mercredi ou jeudi, Dieu aidant. Je supplie sa Bonté vous conserver toutes et vous tenir pleines de courage et confiance.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCLXXVIII - À LA MÊME

Impossibilité d'aller à Autun. - Quels moyens prendre pour se ménager une entrevue.

VIVE † JÉSUS !

Alonne, 26 août [1628].

Bon Dieu ! ma très-bonne et chère fille, la grande mortification que celle de ne vous point voir ! J'ai reçu ce malin vos lettres qui certes m'ont consolée de voir votre courage et résolution dans un entier abandonnement et confiance en Dieu, dont je remercie sa Bonté de tout mon cœur. J'ai tout aujourd'hui bataillé pour voir si l'on approuverait que nous vous allassions parler au pied de votre muraille, il n'y a moyen de gagner cela ; c'est pourquoi nous vous proposons si vous voudriez faire la moitié du chemin, et venir lundi jusqu'à Jeunan, un peu par deçà Moudra. L'on vous enverrait autant de chevaux que vous désireriez, et nous nous y trouverions à l'heure que vous nous donneriez, et parlerions là, bien que de loin ; car l'on ne veut pas que je vous approche.[57] Considérez, ma très-chère fille, si cela vous sera convenable ; que s'il n'est pas jugé à propos, envoyez-nous votre prêtre quand vous voudrez. Nous [201] lui parlerons, Dieu aidant, puis nous répondrons amplement à votre lettre et à tout ce que vous désirerez. — Pour des étoffes, nous vous en enverrons de Dijon ; mais il faudra dire la qualité et quantité.

Vous devez faire parler aux parents des deux novices ; s'ils refusent de venir, faites-les professes. Bonsoir, ma très-chère fille.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCLXXIX (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-CONSTANCE DE BRESSAND

SUPÉRIEURE À MOULINS

Ne pas s'inquiéter d'un reproche mal fondé. — Comment traiter avec la Sœur de Morville. — La liberté de conscience ne doit pas dégénérer en abus.

VIVE † JÉSUS !

[Alonne], 26 août [1628].

Ma très-chère fille,

J'ai attendu des réponses de nos chères Sœurs d'Autun pour vous en faire part. Véritablement, elles sont dans un courage nonpareil, et espèrent que Dieu les assistera et conservera. Je L'en supplie de tout mon cœur ; priez, et faites prier pour elles.

Véritablement, l'entretien du Révérend Père recteur m'est aussi demeuré à charge sur le cœur ; mais il nous en faut tirer profit. Ne craignez pas que vous soyez artificieuse ; en ma vie, je ne reconnus en vous qu'une parfaite et très-sincère sincérité. Si votre nature vous fait user de quelque petite finesse quelquefois, c'est pour quelque bien qui vous vient en vue, et cela se fait innocemment et rarement, sans que vous vous en aperceviez, à cause qu'il n'y a nulle ombra de mauvaise intention de votre part, et certes je n'ai jamais rien reconnu de cela, et je pense que ce bon Père serait bien empêché d'en dire une action que vous ayez faite avec lui. Je pense que ce soupçon pourrait [202] bien venir de notre Sœur M. -Aimée, car elle m'a dit, ce me semble, quelques petites choses que vous lui aviez faites, qui ressentaient la dissimulation, à quoi vous ferez bien de prévenir, et de traiter avec elle tout franchement, lui refusant et disant tout nettement ce que vous jugerez lui devoir refuser et dire. Demeurez paisible dans votre paix et confiance ; Dieu, qui voit le fond de votre cœur, voit bien qu'il n'y a rien que pour Lui, et que vous ne voulez que Lui et sa seule gloire ; c'est assez pour vivre contente. Je crois que vous ne devez pas laisser prendre le dessus sur votre esprit à notre Sœur M. -Aimée, et que vous lui devez remontrer, par des paroles raisonnables, qu'elle ne doit point vous rebuter, ni parler de vous qu'avec le respect dû à votre condition. Ne témoignez nullement que vous la craignez, ains traitez avec elle en Mère, mais très-cordiale. Témoignez beaucoup de confiance et d'affection à M. de Palierne. Je suis fort aise de ce que vous vous ouvrez et égayez davantage, cela profitera. Consolez un peu ces trois filles : l'assistante, la directrice et Paule-Madeleine [Cadier] ; voire, tâchez de satisfaire à toutes, mais avec modération, retranchant les superfluités cordialement, et non jamais froidement.

Voilà la copie des corrections ; c'est notre original. Je vous prie qu'au plutôt que vous pourrez, vous fassiez part de nos Réponses à nos Sœurs d'Autun et d'Auvergne. Adieu, ma très-chère fille ; je suis de cœur et d'âme tout à fait vôtre.

[P. S.] Il faut faire en sorte que les Sœurs qui désirent parler dehors le demandent franchement, et leur faut faire savoir encore que quand elles le feront mal à propos et trop souvent, que l'on a droit, selon la Règle, de leur retrancher, et faut, si c'est besoin, dire cela aux Pères, afin qu'ils ne tracassent, ni prennent trop d'autorité.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Voiron.

LETTRE DCCCLXXX - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À AUTUN

Satisfaction que donne à la Sainte le courage des Sœurs d'Autun. — La Supérieure ne doit pas sans une véritable nécessité s'exposer au danger de soigner les pestiférées. — Périls que courent les monastères de Paris, de Blois et de Nevers.

VIVE † JÉSUS !

[Alonne], 28 août [1628].

Certes, ma très-bonne et chère fille, la mortification est bonne ! mais Dieu soit béni, de la bonne main duquel il faut tout recevoir ! Je ne suis nullement d'avis que, contre l'inclination de ce peuple, vous partiez de votre maison, et d'autant plus que, comme votre bon confesseur m'a dit, il vous faudra passer proche de plusieurs maisons pestiférées ; il faut donc demeurer en paix et soumise. J'ai sondé si l'on aurait agréable que le Révérend Père recteur vînt céans ; mais je. vois que l'appréhension y est si fort grande de ce mal que je n'ose me procurer ce bonheur et contentement, que j'eusse tenu bien cher ; et vous supplie, ma très-chère Sœur, de le remercier de la bonne volonté qu'il a eue de nous donner cette consolation. Je vous estime bien heureuse d'avoir son assistance ; faites-moi le bien de le saluer très-humblement de notre part, et nous recommander à ses saintes prières.

J'ai répondu au bon confesseur pour la fondation d'Auxerre ; je crois qu'une maison y serait fort bien. La grande difficulté que j'y trouve, c'est qu'étant élue par votre Chapitre, vous ne pourriez aller là que [vous] n'eussiez achevé votre triennal, et cependant je vois que l'on vous y désire bien fort.

Je suis en peine de quoi vous n'avez point de viande pour la nourriture de vos Sœurs, car je crains qu'à la longue elles ne s'en trouvent mal ; si vous vouliez, on vous achèterait bien ici des moutons, que l'on ferait conduire jusqu'à un quart de lieue [204] d'Autun pour en tuer un toutes les semaines ; il vous faudrait bien cela. Vous les tiendriez chez vous ; car je vois bien que l'on ne pourrait se résoudre céans d'envoyer toutes les semaines à Autun vous porter des provisions, comme je l'eusse désiré, et que ma fille en aurait la volonté ; mais la crainte de ce mal les surmonte. Envoyez-nous ici ou à Arnay-le-Duc le mémoire des étoffes qu'il vous faut ; on vous les fera tenir. Le bon confesseur vous dira ce que nous pensons des Sœurs dont il nous a parlé ; il faut toujours quelques petites croix en chaque maison. Vous avez très-bien fait de décharger la pauvre scrupuleuse de la moitié de l'oraison ; aux esprits faibles, il suffit de demi-heure.

Je ferai tout effort pour répondre à nos chères Sœurs ; je les chéris de tout mon cœur, et loue grandement leur vertu et générosité de vouloir demeurer en leur monastère ; j'ai confiance avec elles que Dieu les y conservera et préservera du mal, ou du moins les y enrichira de grâces et bénédictions célestes, car sa Bonté aime les âmes courageuses qui s'abandonnent et se résignent totalement entre les mains de sa Bonté et de son soin paternel. — S'il vous arrive quelque accident, je ne crois pas que M. Guyon voulût vous presser de prendre des étrangères pour les servir ; il sera beaucoup mieux de se faire cette charité les unes aux autres, comme ont fait nos bonnes Sœurs de Nevers, sans qu'aucune en ait pris mal. Mais pour vous, ma très-chère fille, ce n'est nullement mon sentiment que vous abandonniez toute la troupe pour servir les malades. Si Dieu vous envoyait ce mal, vous mettriez toutes ces pauvres chères filles en déroute et toutes les affaires. Oh non ! il ne le faudrait pas faire, sinon que la malade fût en péril de son âme ; mais cela ne peut quasi être parmi nous, qui, grâce à Dieu, avons soin de nous tenir en état de mourir quand et comment il plaira à Dieu, et puis l'on vous assisterait, si besoin arrivait. Or, je m'en irai en repos, puisque je suis assurée que les secours spirituels et [205] temporels ne vous manqueraient pas ; c'est tout ce que l'on peut désirer en ces accidents. — Nos Sœurs de Paris, de Blois et de Bourges sont aussi aux mêmes peines que vous, et certes avec plus de périls ; car elles ne peuvent éviter la fréquentation, ni empêcher que les Sœurs tourières n'aillent par les villes acheter leurs nécessités. Dieu, par sa bonté, les tienne en sa douce protection, et vous aussi, ma très-bonne et très-chère fille.

Je crois que l'on vous a envoyé deux Coutumiers. Quand nous serons à Lyon, nous vous enverrons des Règles et Cérémonials ; car tout est imprimé. Cependant, voilà l'une de nos Règles que j'envoie pour notre chère et bien-aimée veuve,[58] que je salue avec toutes nos autres chères Sœurs, attendant que je leur écrive, si je puis en trouver le temps. — Nous avons donné dix écus à votre confesseur ; si nous avions moyen, certes, de tout notre cœur, nous vous en enverrions davantage ; mais si vous en avez besoin, faites-le-nous savoir, et nous en emprunterons pour vous le faire tenir. Croyez, ma très-chère fille, qu'en tout ce qui me serait possible, je voudrais vous servir et sans réserve, car je suis très-entièrement toute vôtre en Notre-Seigneur, que je supplie vous combler de ses plus riches grâces avec votre chère troupe, que je salue derechef de tout mon cœur.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCLXXXI (Inédite) - À LA MÈRE CATHERINE-CHARLOTTE LE CRÉMAUX DE LA GRANGE

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Observations au sujet des Entretiens. — Bruits de peste à Lyon.

VIVE † JÉSUS !

Dijon, 5 septembre [1628].

Ma très-chère fille,

Je vous prie de faire tenir sûrement à Chambéry ce paquet qui est important. Je crois que vous avez les Entretiens ; je vous prie, que l'on réserve celui qui traite de l'Office et de l'Oraison pour être imprimé des derniers, et celui aussi où il est parlé du document de ne rien demander et ne rien refuser, car l'on dit qu'en celui de l'Office il y a je ne sais quoi qui contrarie l'opinion d'un grand docteur, et il ne faut rien laisser qui puisse choquer qui que ce soit. Au reste, ma très-chère fille, on dit que la peste est bien échauffée à Lyon ; si cela est, faites-moi savoir si vous voulez que j'y aille ; car, Dieu aidant, je le ferai, sinon que je reçusse commandement contraire. Adieu et à la chère fille M. A. [de Blonay]. Je serais bien mortifiée de ne vous pas voir. La sainte volonté de Dieu soit faite !

[P. S.] Le retardement de l'arrivée ici de Mgr de Bourges nous y fera séjourner plus que nous ne pensions. Dieu soit béni de tout ! — 5 septembre, à Dijon, où nous sommes dès avant-hier à soir.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [207]

LETTRE DCCCLXXXII - À LA MÈRE HÉLÈNE-ANGÉLIQUE LHUILLIER

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Ne pas multiplier inutilement le nombre des séculiers dans le monastère. — La Supérieure doit voir en particulier ses Religieuses tous les mois.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon], 8 septembre [1628].

... Puisque le contrat est fait avec la bienfaitrice, il faudra le plus tôt qu'il se pourra lui dresser et faire agréer une Sœur pour la servir, afin de ne multiplier le nombre des séculiers et se tenir dans l'enclos de l'observance le mieux qu'il se pourra.

Mon Dieu ! ma très-chère fille, le grand secret pour tenir tout en paix, que la douceur et égale charité d'une Mère à tenir les esprits contents entre la fidélité et sainte liberté d'esprit ! Vous le verrez toujours mieux combien il est profitable de parler tous les mois ; cela tiendra les cœurs en courage et tous unis au vôtre tout bon, tout cordial, et que je chéris certes uniquement plus que je ne puis dire.

Conforme à une copie gardée au premier monastère de la Visitation de Paris.

LETTRE DCCCLXXXIII (Inédite) - À LA MÈRE CATHERINE-CHARLOTTE DE CRÉMAUX DE LA GRANGE

Désir de savoir ce qui a été résolu au sujet des Sœurs de Paray. — Retard de Mgr de Bourges.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon], 8 septembre [1628].

MA TRÈS-CHÈRE FILLE,

Je suis un peu étonnée de n'avoir aucune de vos nouvelles touchant nos pauvres Sœurs de Paray ; mais, pour ce point, il me suffira que vous leur fassiez savoir ce que le conseil trouve bon ; qu'elles [le] fassent, le plus tôt sera le meilleur. Vous avez maintenant les Entretiens. Je n'ai rien à dire de plus, [208] puisque notre bon Père provincial est là ; je m'assure que son conseil ne vous manquera pas ; il est bon, solide et droit ; c'est assez. Je n'ai nul loisir de lui écrire. Je vous prie de le saluer très-humblement de ma part et le Révérend Père Maillan, avec notre chère Sœur Marie-Aimée [de Blonay] et toutes nos autres Sœurs. — Mgr de Bourges n'arrivera ici de huit jours, de sorte que je n'en bougerai de quinze. Cela me mortifie un peu ; mais Dieu soit béni en tout ! — Bonsoir, ma très-chère fille ; je suis toute vôtre en Notre-Seigneur, qui soit béni. Amen. Jour de Notre-Dame.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCLXXXIV - À LA MÊME

Affliction de la Sainte en apprenant que la peste sévit à Lyon. Précautions à prendre.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon], 9 septembre [1628].

Certes, ma très-chère fille, je n'ai su empêcher que les larmes ne me soient venues au bord des yeux en lisant votre lettre, et celle de ma très-chère Sœur M. -Aimée. Oh Dieu ! que cette vie est chétive et que ses espérances sont vaines ! Je me promettais un contentement incroyable dans la douceur de notre entrevue pour la gloire de Dieu et notre profit spirituel, car il me semble qu'en tous nos desseins nous ne prétendons autre chose, dont je bénis sa Bonté. Ma très-chère fille, j'ai confiance qu'elle vous préservera du mal ; tenez vos filles fort joyeuses et encouragées dans une parfaite résignation et indifférence sous la bonne main de Dieu. Que s'il Lui plaît vous affliger du mal, mettez au service des malades les moins appréhensives et les plus gaies et saines. [209]

Je ne suis nullement d'avis que ni vous ni ma Sœur M. -Aimée vous vous employiez à cela, et je vous prie toutes deux de ne le pas faire. Avec une de vos Sœurs vous pourriez donner une séculière pour servir les malades ; mais Dieu ne permettra pas que vous soyez en cette peine. Faites brûler souvent du genièvre chez vous, parfumez vos habits, sachez le meilleur préservatif pour en user. On dit que le beurre frais pris seul est bon, et en frotter les narines ; je vous prie, parfumez souvent votre maison de genièvre, de vinaigre jeté sur une pelle rouge ; n'allez point au parloir ; faites fermer votre église ; que vos tourières se secouent fort sur le feu avant de parler à la portière, et qu'elles soient sur leurs gardes et fort prudentes, qu'elles n'approchent pas la portière. Bref, usez de la plus grande circonspection que vous pourrez. Dieu vous aidera, ma très-chère fille, j'en supplie son infinie Bonté, et que, si c'est sa gloire, Il me donne la chère consolation de vous voir encore une fois en ma vie. Je vous écrivis [hier] à soir ; c'est par le même courrier que j'ajoute cette lettre.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCLXXXV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À AUTUN

Regrets de n'avoir pu visiter sa communauté.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon], 19 septembre [1628].

Ma très-bonne très-chère et vraie fille,

Je ne puis laisser aller le digne M. de la Curne, notre intime ami, sans vous saluer très-chèrement avec toutes nos bonnes Sœurs, que je chéris cordialement, et auxquelles je souhaite [210] l'abondance de l'esprit de notre bon Dieu. Ma très-chère fille, je suis tout à fait, ce me semble, dans votre cher cœur, comme réciproquement je vous sens dans le mien.

Nous voici encore à Dijon pour quelque peu de jours. Tout y va fort bien ; c'est une famille de paix et de douceur. Oh ! Dieu soit béni, qui m'a privée de la chère consolation de voir la vôtre très-chère. Je ne verrai non plus nos pauvres Sœurs de Lyon. Adieu, ma très-chère fille. Le doux Jésus soit tout nôtre, et soyons éternellement siennes. Je Le supplie vous conserver et vous faire abonder en toutes grâces. Il soit béni ! Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCLXXXVI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS

Elle la félicite de son bon gouvernement. — Demande d'un portrait de saint François de Sales. — Détails sur la communauté de Dijon.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon, 1628.]

Si fait, ma toute chère grande fille, je me porte fort bien, grâce à Dieu ; la semaine passée j'eus des faiblesses d'estomac, mais cela est passé. Nous partirons mercredi d'ici, et j'espère que Dieu nous rendra heureusement à Nessy. Nous verrons nos bonnes Sœurs de Bourg, et ferons ce qui nous sera possible aux choses que vous nous avez marquées. Pour la petite Sœur, je craindrais fort qu'elle ne donnât mauvaise édification à N*** ; je la voudrais laisser affermir davantage. Il me semble que vous lui profiterez plus qu'aucune autre conduite ; toutefois, faites-en librement ce que vous jugerez pour le mieux ; car il sera bien à propos de décharger votre maison de quelques filles pour cette fondation. La petite Supérieure a un cœur incomparable pour vous et pour toute votre maison ; elle m'en écrit [211] avec des termes admirables ; oh ! quel bonheur que cette sainte union ! Ma vraie fille, je suis si consolée de voir votre conduite sur ces filles un peu bizarres, et de voir votre soin en la conduite de votre maison. Oh ! ma fille, quel bonheur quand chacun s'applique à ce qu'il doit ! Dieu, par sa bonté, vous continue ses grâces et cette sainte liberté d'esprit ; c'est un trésor.

L'on m'écrit que vous gouvernez aussi force dames de la cour, j'en suis bien aise, et particulièrement de madame de Sénecey. Sachez d'elle, ma fille, s'il ne lui plaira pas de m'envoyer le tableau de notre Bienheureux Père, que je la suppliai de faire tirer par Ferdinand, sur l'original que je lui donnai. Elle m'avait tant promis de me le donner ; pressez-la là-dessus, ma très-chère fille, afin que je l'aie ; et s'il est bien, payez ce qu'il faudra ; je vous ferai rendre l'argent. — Je donne à propos l'avis à notre bonne Sœur de Pont-à-Mousson ; traitez avec elle cordialement, car je désire que vous preniez et possédiez le cœur de toutes nos Sœurs. Par où je passe, je travaille à cela, à quoi je n'ai pas grand'peine. lime semble que Dieu m'a assistée à entrer dans l'esprit de notre Sœur [M. -Marg. Michel]. [Plusieurs lignes inintelligibles.] Je ne l'ai pas épargnée ; je lui ai tout dit ce que Dieu m'a fait connaître être utile à son bien ; elle l'a bien pris, et, si je ne me trompe, cette entrevue sera profitable à son esprit, avec l'aide de Notre-Seigneur. Je leur ai fait vider leur cœur, à elle et à ma Sœur [madame de Vigny] ; j'en espère bien pour les filles. Elle gouverne bien ; ce sont des colombes ; tout y est content, excepté N*** ; mais encore cela va bien et s'accommode. Si l'on va au Comté, elle ira. [Plusieurs mots illisibles.] Elle a pâli ; mais c'est une âme généreuse et de grande vertu. L'on verra, si cette fondation se fait, ce qui sera bon à faire.

M. N. est toujours vôtre, mais tout retiré de la Mère de céans, avec peu de fondement, ce me semble ; car il a eu de certains soupçons de dissimulation et artifice, que je trouve n'être pas vrais dans un exact examen que j'en ai fait. Je vois que tout est [212] disposé à la paix et à vivre en contentement ; Dieu y répande ses miséricordes ! Je vous dis ainsi succinctement toutes choses comme à ma propre âme, ne faisant nulle différence ; car toujours plus je sens que vous êtes ma vraie très-unique fille. — Oh Dieu ! que je plains cette pauvre madame de Saint-Luc ; je la salue tendrement, et notre bon M. Grillet. Je vous remercie de l'oraison. Il faut donner les lettres. — Adieu, ma très-chère fille toute chère. Mille saluts à nos pauvres Sœurs. Dieu soit béni ! Notre bon Mgr de Langres est tout bon, mais je ne le verrai pas.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE DCCCLXXXVII - À LA SŒUR  ANNE-MARGUERITE CLÉMENT

À ORLÉANS[59]

Conseils de direction.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon. 1628]

Il est vrai, ma très-chère fille, que Dieu vous doit suffire pour toutes choses. L'unique bien de l'âme, c'est d'être seule avec son Dieu ; demeurez dans cette simplicité et nudité. Aimez et obéissez à Notre-Seigneur en la personne de votre Supérieure, et suivez à l'aveugle sa conduite et ses commandements.

Oui, je sais bien, ma chère fille, que vous m'avez donné votre [213] cœur, et Dieu l'a logé dans le mien ; c'est pourquoi j'espère que jamais rien ne l'en séparera. Dieu nous fasse la grâce qu'ayant été élevées dans un même esprit et vocation dans ce monde, nous puissions ensemble aimer et louer éternellement ce souverain Bien-Aimé de nos âme.

Puisque Dieu vous a ôté le pouvoir d'agir avec la faculté intellectuelle de votre âme, ne vous efforcez nullement de le faire, acquiescez à son bon plaisir. Il veut que vous soyez comme une enfant entre les bras de sa nourrice : laissez-vous donc manier à son aise par la sainte obéissance, et tâchez petit à petit de vous oublier vous-même. Je ne pense pas qu'il y ait d'autre moyen de vous établir dans la paix de votre âme que celui-là, de vous laisser entièrement conduire et diriger par l'obéissance. Votre, etc.

LETTRE DCCCLXXXVIII (Inédite) - À LA MÈRE CLAUDE-AGNÈS JOLY DE LA ROCHE

À ORLÉANS

Avantages de l'humilité et de l'ouverture de cœur. — Avis pour la fondation de Rennes. — On accuse faussement une Supérieure d'obliger ses filles à lui révéler leurs péchés.

VIVE † JÉSUS !

Dijon, 22 septembre [1628].

Je crois, ma vraie très-chère fille, que vous aurez maintenant reçu mes réponses, par lesquelles vous aurez vu que j'ai reçu [214] vos lettres précédentes, car ma Sœur votre Supérieure et le Père dom Juste me le signifient par les leurs du 1er septembre, et la petite Mère s'y accuse du défaut d'humilité qu'elle a eu contre vous, et cela était vrai, et je bénis Dieu du contentement qu'elle me témoigne que vous et elle avez d'avoir uni vos deux cœurs et de vivre ensemble avec franchise ; oh ! que c'est un grand bien que cette cordiale ouverture de cœur ! — Mais, je vous prie, ne grondez donc plus contre vous-même, et me retranchez cela tout à fait, le changeant en une douce et tranquille humilité et reconnaissance de votre vileté, qu'il faut aimer joyeusement, et devenir toute douce et sucrée ; je le demanderai à Dieu, mais coopérez par fidèle pratique.

Il sera assez de six filles [pour la fondation de Rennes],[60] puisque l'on ne mène point de Sœur blanche ; je l'écris à ma Sœur [la Mère d'Orléans], et qu'elle donne de l'argent ; demandez avec franchise ce que vous jugerez nécessaire. Au reste, il faut que [215] je vous dise que le Père de la N*** traite notre Sœur la Supérieure de Moulins fort impérieusement et la veut fort assujettir. Il me dit qu'une de nos Supérieures lui avait dit que les filles devaient dire tous leurs péchés aux Supérieures, et que nous tenions les filles gênées ; il me parla impérieusement. Certes, nous les devons honorer, mais nullement nous y assujettir, ni leur donner ouverture à nous mortifier, prenez-y garde. [Plusieurs lignes inintelligibles.]

Ma chère Agnès, je vous chéris comme moi-même. Dieu soit notre tout. Amen. — 22 septembre.

Je n'avais pas vu votre billet dans la lettre de notre Sœur Marie-Louise [de Balot] ; pour Dieu, travaillez à tenir votre esprit en joie et confiance. Si je ne puis écrire à nos Sœurs qui m'ont écrit, patience, je les salue tout particulièrement. Faites de notre Sœur Marie-Louise ce que la Supérieure et vous trouverez le mieux. Adieu, ma très-chère fille. Dieu soit béni. Nous partirons mardi ou mercredi d'ici.

Conforme à une copie de l'original gardé au premier monastère de la Visitation de Paris.

LETTRE DCCCLXXXIX (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-CONSTANCE DE BRESSAND

SUPÉRIEURE À MOULINS

Se rendre indépendante des créatures, et ne consulter les personnes du dehors que par nécessité.

VIVE † JÉSUS !

Bourg, 5 octobre [1628].

Ma très-chère fille,

Je. suis si fort dans l'impuissance d'écrire, que je ne puis le faire longuement comme je voudrais, bien que je ne voie rien dans vos lettres qui requière une nécessaire réponse, me confiant en Celui qui vit et règne dans votre chère âme, qu'il vous éclairera pour tout avec le conseil de vos Sœurs ; et voyez-vous, [216] ma très-chère fille, il faut dorénavant vous rendre moins dépendante de qui que ce soit, et ne prendre avis dehors qu'en la vraie nécessité.

Si je vois jamais ce bon Père, certes, je lui parlerai plus ferme ; je ne voudrais pas qu'il parlât beaucoup à nos Sœurs pour leur donner ses maximes ; demeurons fermes dans les nôtres, et, pour Dieu, gardons-nous des assujettissements. Honorons et faisons ce que nous pourrons de petits services à leurs personnes et à leur maison, mais gardons notre liberté, et faisons franchement ce que nous savons selon notre Institut. Je crois que vous connaissez bien l'esprit de la Sœur M. -Aimée ; il ne faut rien négliger et prier beaucoup pour son âme, car elle ouvre une grande porte au diable ; Dieu la garde, s'il Lui plaît. Je ne puis écrire à notre pauvre petite Angélique. Je suis bien aise qu'elle vous contente et les Sœurs, et qu'elle le soit aussi ; c'est un vrai bon cœur que j'aime chèrement.

Nous voici à Bourg, privées de voir nos pauvres Sœurs de Lyon, pour lesquelles il faut bien prier. Tout commerce est rompu là ; on ne se peut pas voir ni écrire, ni aux autres maisons de France. Dieu apaisera son ire, s'il Lui plaît. Priez pour celle qui vous chérit parfaitement et qui est vôtre de cœur.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Voiron. [217]

LETTRE DCCCXC - À LA MÈRE CATHERINE-CHARLOTTE DE CRÉMAUX DE LA GRANGE

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Maternelles sollicitudes pour les communautés de Lyon. — S'abandonner à la volonté de Dieu à la vie et à la mort. — Précautions à prendre contre la peste.

VIVE † JÉSUS !

Bourg, S octobre [1628].

Ma très-chère fille,

En partant de Dijon, j'ai reçu vos chères lettres du 13 septembre. Nous voici arrivées à Bourg, d'où je croyais vous envoyer un homme pour avoir de vos nouvelles avant notre départ d'ici ; mais il n'y a moyen de faire résoudre personne d'y aller ; c'est pourquoi j'envoie mes lettres au Pont-de-Veyle, d'où l'on m'assure que mademoiselle de Saint-Loup les fera tenir. Je porte une continuelle peine de vous savoir dans un si grand danger et toutes nos pauvres Sœurs ; tout mon recours est à Dieu, voyant que je ne puis en rien vous servir. Je me confie en sa divine Bonté, devant laquelle incessamment mon cœur répandra ses désirs et ses humbles prières pour votre conservation.

Croyez, ma très-chère fille, que si mes lettres vous ont attendrie, les vôtres me font bien jeter des larmes ; mais je relève mon esprit par-dessus toutes choses créées, et au-dessus de la mort parmi tant de morts. Je m'assure, ma très-chère fille, que vous faites de même avec la très-aimée Sœur M. -Aimée [de Blonay], vous tenant en paix et toutes cachées dans le sein de la divine protection avec votre chère troupe, laquelle étant toute parfaitement consacrée à sa souveraine Bonté, elle la conservera et l'enrichira d'une infinité de saintes actions de solides vertus, qu'elle pratiquera parmi les effrois de cette affliction publique. Que s'il lui plaît d'en toucher quelqu'une et de la tirer à soi, ce sera sans doute pour la mettre à sa dextre, et donner aux autres le sujet d'exercer la plus excellente [218] charité qui se puisse pratiquer en cette vie. Bref, notre consolation et notre assurance doivent être en ce qu'il ne nous saurait arriver chose quelconque que ce qu'il plaira à notre bon Père céleste, et que sa sainte volonté sera toujours notre mieux et unique contentement. Mais cette même volonté veut que l'on n'oublie rien de tout ce qui se peut faire pour la conservation. Ce que vous faites est fort utile, de bien parfumer votre maison et prendre le matin du préservatif : le genièvre mangé est très-bon. N'ouvrez point vos fenêtres, ni n'allez à l'air tant qu'il se pourra, qu'un peu après que le soleil aura dissipé le mauvais air. Je voudrais bien savoir comme vous faites venir les provisions nécessaires, car je crains fort que le mal ne vous arrive par là.

J'ai tant pensé comme vous pourriez faire, afin que ceux et celles qui vous servent en cela ne vinssent point au tour : il m'a semblé que vous devriez avoir une personne logée chez votre jardinier pour vous servir en cela, et que quand elle apporterait les denrées, elle les fit passer par-dessus un feu clair qui se pourrait faire en la rue proche de chez vous, et puis votre tourière les irait prendre là, car je voudrais que la Sœur tourière qui vous parle au tour n'approchât point celle qui fait les provisions ; je crois que cela serait bien et qu'il se peut. J'ai aussi tant regardé où vous pourriez mettre vos malades, si Dieu permettait que vous en eussiez. Nécessairement il les faudrait ôter du corps du monastère et les mettre dans vos oratoires ou dans des cabanes, et bientôt les séparer du reste des Sœurs, barrant le quartier où elles auraient été, et faudrait redoubler les parfums et préservatifs, faire changer d'habits aux Sœurs, faire faire des feux clairs par toute la maison, et que les Sœurs se chauffassent, et secouassent bien fort leurs habits, leurs lits sur le feu, et cela promptement. Si je savais mieux, je vous le dirais de bon cœur, ma très-chère fille.

Mademoiselle de Saint-Loup, qui demeure au Pont-de-Veyle, [219] nous a offert pour vous cinquante ânées de blé ; mandez-moi si on vous les enverra par la Saône, et si vous avez besoin d'argent ou de quoi que ce soit qui soit en notre pouvoir ; car assurez-vous qu'il vous sera donné d'un cœur et d'une affection incomparable. Si vous avez quelque occasion de faire savoir de vos nouvelles à Crémieux, où nous serons jusqu'au 21, ou à Nessy où nous allons de là, je vous prie de nous en mander ; car vous ne sauriez croire, ma très-chère tille, la peine que j'ai de n'en point avoir et de ne pouvoir vous envoyer des nôtres. Croyez que de toutes parts où je le pourrai, je le ferai de bon cœur.

Je suis consolée dès que vous vous êtes mise par vœu spécial sous la protection de Notre-Dame et de notre Bienheureux Père ; j'ai confiance que Dieu vous préservera par leur intercession. Je fais prier pour vous tant que je puis ; et pour moi, c'est continuellement [que je le fais]. Je supplie le divin Sauveur de nos âmes de nous tenir toutes dans son sein paternel, et là nous combler des plus riches trésors de sa grâce. — Puisque le Révérend Père provincial est à Vienne, vous pourriez peut-être bien lui envoyer les Entretiens ; je serais bien aise qu'il les vit. Dites-moi ce que vous et la chère Sœur Marie-Aimée [de Blonay] pensez pour leur impression : si l'on attendra que la maladie soit passée à Lyon, où l'on nous dit qu'elle est cruelle, ou si on les enverra à Paris ; que si vous pensez qu'il les faille faire imprimer à Paris, si vous aurez le moyen de les y envoyer ; mais je voudrais bien les avoir avant. — Si je puis, j'enverrai à vous de Crémieux. — Bonjour, ma très-bonne et chère fille ; je suis en vérité tout à fait vôtre en Notre-Seigneur. Qu'il soit béni !

[P. S.] Je vous estime heureuse de voir le bon Père Maillan ; je le salue cordialement et très-humblement. — Si mes petits remèdes sont bons, faites-en part à nos pauvres Sœurs du second monastère, et des offres que nous vous faisons, que nous effectuerons de tout notre cœur à l'un et à l'autre monastère.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [220]

LETTRE DCCCXCI - À LA MÊME

Elle l'engage à se confier en la Providence et à livre saintement joyeuse.

VIVE † JÉSUS !

Bourg, 12 octobre [1628].

Eh bien ! ma pauvre très-chère fille, vous voilà maintenant dans l'occasion de pratiquer la sainte soumission et résignation parfaite au bon plaisir céleste, que la divine Majesté a gravée dès si longtemps dans votre chère âme. J'ai confiance en sa douce bonté que vous et nos très-chères Sœurs ferez voir votre générosité et fidélité en cette affliction si cuisante, mais laquelle, comme j'ai confiance, vous sera donnée selon la mesure de sa grande miséricorde, ainsi que j'en supplie sa Bonté. Ma fille, ma consolation en cette douleur qui m'est très-sensible, c'est de penser et de sentir au milieu de mon cœur cette assurance que nous sommes toutes à Dieu, et que notre unique désir et seul bien désirable est en l'accomplissement de sa très-douce volonté.

Je vous écris ce billet sans loisir sur notre départ, venant tout maintenant de lire la lettre de notre très-bon Père Maillan. Je vous écrivis l'autre jour ; vous verrez en quoi nous pouvons vous aider. Surtout, ma fille, mes yeux et mon cœur seront toujours devant Dieu pour implorer son assistance sur vous. Oh Dieu ! ma fille, vivez joyeuse en votre affliction, et recourez fort à l'intercession de la Sainte Vierge et de notre Bienheureux Père. Que nous sachions de vos nouvelles, s'il se peut. Dieu sait ce que je vous suis, et ce que je sens pour vous. Qu'il soit béni ! Amen. Sans loisir.

Conforme à l'original gardé aux archives de la Visitation d'Annecy. [221]

LETTRE DCCCXCII - À LA MÊME

Admirable soumission de la Sainte à la volonté divine ; sa charité envers les Sœurs de Lyon.

VIVE † JÉSUS !

Crémieux, 16 octobre [1628].

Ma très-bonne et chère fille,

Vous verrez par les ci-jointes, qui m'ont été apportées, comme je reçus la lettre du bon Père Maillan avec la douloureuse nouvelle de l'accident arrivé en vos deux maisons. Il nous faut adorer la main et baiser les verges qui vous châtient. Dieu veut éprouver votre fidélité et soumission à son très-saint bon plaisir. Je remercie sa Bonté infinie de ce qu'il tient vos cœurs prêts à tout ce qu'il Lui plaira, me confiant que cette sainte disposition, qui procède de sa pure grâce, attirera sur vous, ma très-chère et bien-aimée fille, son soin spécial, et sur toute votre chère famille qu'il gouvernera comme un débonnaire père ses petits et obéissants enfants, et enfin qu'il redoublera ses bénédictions spirituelles. Tout mon déplaisir est en ce que nous ne pouvons pas vous assister, ne m'étant pas permis d'aller à vous, ma très-chère fille, ce qui me serait tout à fait désirable et suave, si c'était le bon plaisir de Dieu ; car il me semble que votre affliction en serait soulagée, et moi, consolée.

Pour des vivres, dont je crois que vous pouvez avoir besoin, je vous écrivis environ le 6 de ce mois, que mademoiselle de Saint-Loup, une de nos bonnes amies, vous ferait mener par la Saône de la farine, du vin, des moutons, du beurre, des œufs frais, de tout ce que vous aurez besoin, toutes les semaines ou tous les quinze jours, pourvu que vous lui marquiez le jour, l'heure et le lieu où vous ferez [tenir] quelqu'un pour recevoir le tout, un peu éloigné de la ville, où il n'y ait point de danger [222] quelconque [dans la] campagne ; et comme ils ne voudraient pas recevoir votre argent, je pourvoirai à la faire payer ; que si vous en avez encore besoin, ne manquez point de me le mander et nous vous enverrons assurément, Dieu aidant. — Communiquez cette lettre à notre très-chère Sœur la Supérieure du petit monastère ; car je lui dis le même qu'à vous, sachant que ce n'est qu'une même chose des deux maisons, et je n'ai loisir d'écrire. S'il se peut, que je sache de vos nouvelles d'ici à dimanche, que nous irons à Belley. Je supplie notre divin Sauveur de nous les donner selon la douceur de sa grande miséricorde, et de vous protéger et conserver toutes, surtout en sa grâce, vous saluant, mes très-chères filles, avec vos chères familles, en Notre-Seigneur, du profond de mon cœur, qui est tout à fait vôtre.

Conforme à une copie de l'original gardé au premier monastère de la Visitation de Marseille.

LETTRE DCCCXCIII - À LA MÈRE ANNE-MARIE DE LAGE DE PUYLAURENS

SUPÉRIEURE À BOURGES

Dieu prend soin des âmes qui attendent tout de sa providence.

VIVE † JÉSUS !

23 octobre [1628].

Je ne puis passer outre sans vous demander, ma très-chère fille, comme vous vous portez et votre chère famille, parmi ces dangers de peste dans lesquels je vous vois, ce me semble, toutes courageuses et joyeuses de vous voir toutes entre les mains de notre très-bon Dieu, prêtes à tout ce qui Lui plaira ; en cela est ma consolation, et que sa divine Providence vous tiendra à l'abri de son soin paternel, comme ses chères petites brebis toutes siennes. J'écris à notre très-chère Sœur Favre pour avoir [223] de vos nouvelles, en cas que vous ne nous en puissiez mander, et de vous procurer tout le secours qui lui sera possible dans vos besoins ; c'est tout ce que je puis, si éloignée de vous ; car nous voici proches de Belley, où Dieu nous a amenées heureusement, non sans péril. Je supplie sa douce Bonté de vous conserver toutes, et vous combler de grâces. Vous saluant toutes je suis sans fin vôtre, en Notre-Seigneur. Qu'il soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Poitiers.

LETTRE DCCCXCIV - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À BLOIS

Sollicitudes pour les Sœurs de Blois. — Nouvelles de quelques monastères.

VIVE † JÉSUS !

[Octobre 1628.]

Ma pauvre très-chère petite,

Je ne puis plus quasi attendre, tant il y a longtemps que je n'ai su de vos nouvelles, et les maladies de peste redoublent ma peine, bien que j'espère en la Bonté divine qu'elle vous conservera et tiendra dans le sein de sa douceur paternelle, ainsi que sans cesse je l'en supplie ; car, ma très-chère fille, dans ces dangers je ressens infiniment davantage le véritable amour que Dieu m'a donné pour vous toutes. J'écris -à notre chère Sœur Favre que si le mal vous arrive, elle vous procure tout le secours qu'elle pourra. Je crois qu'elle le fera à votre besoin, espérant que Dieu nous aidera pour satisfaire à tout. Nos pauvres Sœurs de Lyon ont le mal chez elles ; celles d'Autun se portent bien ; celles de Paray sont sorties par notre avis, car il n'y avait pas moyen de les voir en si extrême misère, n'ayant moyen d'avoir des vivres. Nos autres maisons sont exemptes, Dieu merci. — [224] Nous voici proches de Belley en santé, ayant couru des risques ; mais Dieu nous a préservées. Qu'il soit béni !

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.

LETTRE DCCCXCV - AUX MÈRES SUPÉRIEURES DES DEUX MONASTÈRES DE LYON

Douleur de savoir le deuxième monastère de Lyon affligé de la peste.

VIVE † JÉSUS !

Belley, 30 octobre [1628].

Vous voulez bien, mes très-chères Sœurs et filles uniquement bien-aimées, que ce billet vous soit commun, puisque je n'ai nul loisir de faire mieux, vos lettres m'ayant été apportées sur notre départ d'ici. Oh ! que mon Dieu soit béni de conserver vos chères personnes et votre grande maison ! Je supplie son infinie Bonté de vous continuer cette miséricorde et le grand courage qu'il vous donne au milieu de cette tribulation ; mais aussi que doivent craindre les âmes qui sont toutes à Dieu, puisque rien ne leur peut ravir leur cher trésor, et que l'extrémité du mal de cette mortelle vie, qui est la mort, nous donne entrée en la vie bienheureuse ? Mes très-chères filles bien-aimées, rien ne me soulage, dans l'appréhension que je ne puis éviter de vous sentir dans ce péril, que cette cogitation et la considération de l'amour et respect que nous devons avoir à la très-sainte ordonnance de notre bon Dieu, que je veux adorer et aimer uniquement en tout ce qui Lui plaira nous envoyer.

O mes très-chères filles, il est vrai, cette vie est misérable et méprisable, sinon en ce point qu'elle nous fournit les occasions d'exercer notre foi, notre espérance et toutes les saintes vertus, surtout celle de l'amour pur et nu, dans une absolue [225] résignation et acceptation franche de tout ce que Dieu nous présente dans les afflictions, où notre nature ni notre amour-propre ne peuvent rien prendre, ains notre seul esprit se joint cœur à cœur à son Dieu. — Je voudrais bien pouvoir m'entretenir davantage avec vous ; mais voilà cinq heures, il faut aller ouïr la sainte messe et partir.

Vous avez fait un excellent acte de charité, ma très-chère fille [Catherine-Charlotte], d'avoir retiré nos Sœurs [du deuxième monastère], et ma Sœur [M. -Élisabeth] a sagement fait de suivre le conseil en cette occasion.[61] Avec loisir, je vous en dirai mes pensées plus au long.

Nous allons à Nessy, d'où je vous écrirai tant que je pourrai, [226] mais les occasions seront rares. Pour Dieu, écrivez-moi tant que vous pourrez ; je n'appréhende point vos lettres, mais ne les datez pas de Lyon. Oh ! que cette pauvre ville me fait de compassion et cette petite troupe de la seconde maison ! Au surplus, je prie madame de Mépieu de fournir tout ce qu'il vous faudra. Nous payerons céans le beurre et le fromage, car ce sont nos Sœurs de Belley qui l'envoient. Nos Sœurs de Crémieux, par une équivoque, nous ont retenu vos lettres, et ne m'en ont envoyé que des copies, mais j'en veux l'original. Écrivez-moi derechef, je vous en prie, tant que vous pourrez. Voici la sixième et septième fois que je vous écris en ce mois.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCXCVI - À LA MÈRE JEANNE-MARGUERITE CHAHU

SUPÉRIEURE À DOL, EN BRETAGNE

Nouvelles des Sœurs de Lyon. — Reconnaissance due à Mgr de Dol. — Les esprits légers ne sont pas propres à la vie religieuse. — Des voix au chapitre.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 5 novembre 1628.

Ma très-bonne fille,

Notre bon Dieu vous a donc fait une bonne part de sa sainte croix ! Qu'il soit béni de nous rendre en toutes choses sa sainte volonté douce et aimable ! Certes, elle nous doit suffire pour toute consolation, quelque part que nous la trouvions. Nos pauvres Sœurs de Lyon sont bien avant dans cette pratique, étant atteintes de la peste dans la seconde maison, et déjà quatre Sœurs mortes ; au moins, dès le 24 du mois passé, deux l'étaient, et deux frappées à mort quand les lettres me furent écrites. Celles du grand couvent ont retiré chez elles la Mère du petit avec seize de ses Sœurs : c'est un acte de charité héroïque. Il en est resté huit ou dix seulement, que l'on craint [227] qui ne meurent l'une après l'autre ; Dieu y mette sa main ! Je les recommande grandement à vos prières, ma très-chère fille, et les nécessités des autres maisons qui sont en lieux contagieux ; car plusieurs sont en grand péril.

Vous êtes bien heureuse, ma très-chère fille, d'avoir un si bon et vertueux prélat, si charitable et affectionné à votre maison. Mon Dieu ! que ce m'est une grande consolation, et de savoir que vous lui correspondez avec grande gratitude et amour filial ! Certes, il le mérite, et je vous conjure de faire toujours ainsi, ma très-chère et bien-aimée fille. Il n'est que bien de lui faire voir le Coutumier, cela se doit ; mais il le faut prier de le tenir serré, afin qu'autres ne le voient. Pour les Entretiens, quand ils seront imprimés, on les vendra publiquement.

Les effets de la légèreté de cette bonne Sœur prétendante sont fâcheux et importants. Aussi voyez-vous que la Règle marque cette condition de légèreté pour cause légitime de renvoi ; de sorte que si avec le temps elle ne se changeait, je ne pense pas qu'il fût bon de la garder ; surtout si c'est une fille qui ait atteint l'âge de vingt ou vingt-deux ans, il y a peu d'apparence qu'elle perde cette faiblesse. Nos Sœurs ne savent pas les statuts de tous les Ordres ; car en plusieurs ils font comme nous pour les voix, Notre saint Fondateur l'ayant ainsi ordonné, il faut obéir. Il est vrai que si une Supérieure remarquait quelque incapacité à une Sœur, ou défaut qui pût nuire, en cette occasion elle peut et doit l'instruire ou forclore de voix pour quelque temps, ainsi que le Coutumier l'ordonne ou que la nécessité le requerrait.

Je ne sais si nos Sœurs sont déjà passées à Rennes ; mais je crois que s'il n'y avait de détour que de six lieues, de bon cœur elles vous verraient. — Certes, ma très-chère fille, j'ai reçu grande consolation des maisons de la Visitation que j'ai vues, Dieu y répandant beaucoup de bénédictions. Me voici en [228] celle de Nessy, dès la veille de Toussaint, où je trouve nos Sœurs toutes à mon gré, et la dévotion à notre saint Père toujours très-grande, et ne se peut dire les grandes merveilles que la divine Bonté opère par son intercession. L'on travaille toujours pour sa béatification. — Je salue nos très-chères Sœurs et leur souhaite un comble de perfection, dans l'humble et fidèle observance de leur saint Institut, et surtout à vous, ma très-chère fille, qui m'avez toujours été si avant au cœur, et très-chèrement aimée.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCXCVII - À LA MÈRE MARIE-ADRIENNE FICHET

SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX

Elle la prie de fournir des provisions aux Sœurs de Lyon, et lui recommande la charité et la fidélité à l'observance.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 5 novembre [1628].

Ma très-chère Sœur,

Puisque nos pauvres Sœurs de Lyon demandent du lard, des volailles et autres provisions, je vous supplie, au nom de Dieu, de leur en envoyer tant qu'il se pourra. Si vous n'avez [pas] de l'argent, prenez-en vers madame de Saint-Julien ou de Mépieu, et les priez de vous aider en cela, car je sais qu'elles le feront de très-bon cœur, et nous rendrons tout l'argent qui sera fourni pour cela.

Je presse notre Sœur de Belley pour avoir deux quintaux de beurre pour leur envoyer ; quand vous les aurez, faites-les-leur tenir. Certes, ce m'est une grande peine de les savoir en nécessité parmi tant de dangers.

Vous ne me répondez rien à celle que je vous écrivis l'autre [229] jour, si crois-je que vous l'avez reçue. Pourvu que tout aille dans la véritable charité et observance, c'est tout ce que je désire, je vous conjure d'y apporter sérieusement ce qui sera en vous pour cela. Dieu vous préserve et toute votre ville de ces maladies !

Je suis encore si fort accablée du tracas de l'arrivée que je vous écris sans nul loisir, mais avec un grand désir que Dieu soit glorifié en vous et en toutes nos Sœurs, que je salue chèrement, et supplie notre bon Dieu de répandre sur vous toutes ses plus saintes bénédictions ; qu'il soit béni ! — Mille saluts à ces chères dames.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCCXCVIII (Inédite) - À LA MÈRE FRANÇOISE-GASPARDE DE LA GRAVE

SUPÉRIEURE À BELLEY

Envoi de provisions au monastère de Lyon. — Conseils au sujet d'une Religieuse qui sortait d'un autre Ordre. — Diverses affaires.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, novembre 1628]

Ma très-chère fille,

La première chose que je vous supplie de faire, c'est d'envoyer du beurre à nos Sœurs de Crémieux, pour faire tenir à nos Sœurs de Lyon, jusqu'à deux cents livres s'il se peut ; mais je vous prie derechef de leur envoyer au plus tôt qu'il se pourra.

Certes, je ne sais que vous dire de cette bonne Sœur Jeanne-C., sinon qu'il lui faut faire tenir mesure de marche, sans toutefois la pousser trop fort, crainte qu'elle ne se fasse quelque violence. Enquérez-vous discrètement d'elle, si elle a fait les vœux en la Religion où elle était, et puis me le faites savoir, et ne lui faut donner aucune charge, ains la tenir en règle le plus qu'il se pourra. — Je ne manquerai [pas] de faire tout [230] mon possible vers M. Vincent, touchant ce que je vous dis.

Je suis étonnée de ce que vous me dites de M. Jantel, car je le laissai en très-bonne volonté de faire de bien en mieux. Si vous trouvez bon, il le faudra régler à quelque petite pension, et le meilleur serait que Mgr de Belley lui donnât quelque autre emploi ; mais il faut conduire cela fort discrètement et ne point rompre du tout avec lui. Dieu sera votre conduite en cette occasion, s'il Lui plaît. — Vous savez ce que je vous ai dit pour la petite Sœur F. Il faut tâcher de savoir de ma Sœur la Supérieure de Dijon ce qu'elle avait accordé avec son père, et puis s'en tenir à cela. Mais je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'envoyer exprès à Dijon pour cela, mais d'employer la première commodité qui se présentera. Je crois que vous ne devez point toucher au procès de M. N***, que M. votre Père spirituel ne soit de retour ; néanmoins, vous pouvez cependant dresser votre intention de garder cette petite pour l'amour de Dieu. Vous ferez fort bien de parler franchement à M. Jantel touchant sa nièce ; mais faites-le cordialement, et lui faites entendre que l'on ne peut [tout à la fois] le contenter en ce qu'il désire et satisfaire à sa conscience.

Ma très-chère fille, ayez un grand courage ; demandez conseil à notre bon Dieu en tous vos besoins, et vous confiez pleinement en Lui ; assurément Il vous aidera et donnera contentement de votre travail. Certes, cette bonne Sœur M. C. a une forte tête ; Dieu l'assiste ! Je suis tout à fait à vous et de tout mon cœur. — Je vous recommande et prie derechef d'envoyer ce beurre à nos pauvres Sœurs, et saluez chèrement votre communauté de ma part. Je la chéris en l'espérance qu'elle marchera fidèlement devant Dieu, que je supplie les bénir.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [231]

LETTRE DCCCXCIX - À LA MÈRE MARIE-MADELEINE DE MOUXY

SUPÉRIEURE À RUMILLY

Regret de n'avoir pu visiter sa communauté ; promesse de le faire au plus tôt.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, novembre 1628.]

Ma très-bonne et chère Sœur,

Ce divin Sauveur soit notre unique joie !

Je ne doute point que vous n'en ayez reçu de la grâce que Dieu nous a faite d'arriver ici heureusement. Bénie en soit sa bonté, et de ce qu'il vous a conservée, avec votre petite troupe, en santé, avec accroissement de dévotion, ainsi que chacun me dit. Croyez, ma très-chère Sœur, que je n'aurai moindre joie que vous, quand Dieu nous donnera la chère consolation de vous voir ; il m'en tarde, et j'espère que ce sera dans quelques semaines. J'avais certes bien envie de passer vers vous dès Belley ; mais l'on nous fit le chemin si fâcheux, que ceux qui avaient la conduite du voyage ne surent se résoudre à cela. Nous vous verrons, Dieu aidant, et avec un peu de loisir. Cependant, je vous salue mille fois, ma très-chère Sœur, du meilleur de mon cœur, et demeure toujours tout à fait vôtre en notre bon Dieu. Qu'il soit éternellement béni ! Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [232]

LETTRE CM - À LA MÈRE CATHERINE-CHARLOTTE DE CRÉMAUX DE LA GRANGE

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Mort d'une Sœur de Chambéry. — Résignation à la volonté divine. — Préparer le départ de la Mère de Blonay. — Affaire des Entretiens.

VIVE † JÉSUS !

Chambéry, 8 décembre [1628].

Ma très-chère fille,

Assurément que votre lettre du 10 novembre me donna un terrible coup, sachant le mal dans votre chère maison ; mais je bénis Dieu que ce soupçon ne se soit pas trouvé vrai, ainsi qu'on me l'a écrit de Crémieux par homme exprès. Nous sommes à Dieu ; ce qui sera trouvé bon à ses yeux, qu'il soit fait ! rien n'est si utile pour nous que cette divine volonté, ni rien de si doux à nos cœurs. — Nous mourons ici aussi bien qu'à Lyon ; car avant-hier nous enterrâmes une de nos Sœurs ; c'était un trésor, une âme toute pure et colombine ; aussi crois-je en la bonté de notre bien-aimé Seigneur et Époux qu'elle vola droit au ciel, comme une chaste et blanche colombe. O ma fille ! il importe peu de quel mal nous mourions, pourvu que nous montions à cette bienheureuse éternité. O sainte Mère des enfants de Dieu ! quand reposerons-nous en votre sein et entre vos bras immortels ? Ma fille, nos âmes devraient défaillir en ce désir ; mais non, je me reprends, attendons doucement l'heure que le divin Sauveur a marquée pour nous combler de ce bonheur, et cependant n'ayons qu'un seul désir : de lui plaire par l'accomplissement de sa sainte volonté en toutes choses.

Ma fille, je vous écris à tire-d'aile, l'affection m'emporte, et certes le porteur me presse aussi. Notre Sœur de Crémieux m'assure que l'on vous a fait porter quelques provisions, au moins du beurre et fromage et autres petites choses, et que M. de Lestang est courageux pour cela. Je lui en vais écrire [233] pour le remercier et supplier de continuer. — Je n'ai point encore reçu les Entretiens ; je ne sais s'ils sont à Nessy, car j'en suis dehors il y a quinze jours, incertaine encore si nous irons à Grenoble, à cause du bruit de peste.

J'écris à notre chère Aimée [de Blonay] qu'elle se soumette à vous pour ce qui regarde son corps ; ayez-en aussi bien soin, ma très-chère fille, mais sans excès. Hélas ! Dieu sait que nous voudrions pour votre consolation vous la laisser toujours, et certes sans cela nous n'eussions eu garde de la laisser dans le péril ; mais je n'eus pas la force de vous ôter cet appui parmi tant d'afflictions. Mais après cela, ma très-chère fille, je crois que vous m'êtes si bonne fille que vous préférerez la gloire de Dieu et mon soulagement. N'arrêtez-vous pas de bon cœur votre consolation à la mienne, ma très-chère fille ? Or, j'ai cette confiance, et que s'il plaît à Dieu la préserver de ces maladies, après que le mal sera accoisé à Lyon, vous-même trouverez les expédients pour la faire sortir et nous l'envoyer sans bruit ni contention, car je crains toujours cela ; et pour l'éviter, je pense qu'il serait bon de n'en parler que lorsqu'il faudra exécuter la chose, et que peu de gens le sachent. Vous aurez encore de nos nouvelles sur ce sujet, duquel je ne vous eusse pas encore parlé si vous ne m'eussiez écrit votre désir de la garder. Certes, ma fille, quand nous n'en aurions point besoin, ce qui n'est pas, si ne faudrait-il pas cependant la mettre derechef dans le péril quand elle en sera retirée. Vous ne perdrez pas l'espérance de la ravoir un jour.

Je vous ai écrit très-souvent ; en l'une je vous priais, s'il y avait moyen, de faire brûler cette impression faite des [faux] Entretiens. Ils sont en vente ici, cela est fort fâcheux, car il y a de grandes impertinences. — Ma très-chère fille, je suis vôtre du meilleur de mon cœur, qui vous souhaite les plus chères grâces de Notre-Seigneur. Je pensais écrire à la chère Sœur de Sainte-Colombe ; mais certes je ne puis. Je la salue chèrement, et la [234] désire être une vraie colombe en amour, douceur et simplicité.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMI - AUX MÈRES SUPÉRIEURES DES DEUX MONASTÈRES DE LYON

Nécessité de quitter le premier monastère de Lyon s'il est envahi par la peste. Prendre l'avis des Révérends Pères Jésuites.

VIVE † JÉSUS !

[Grenoble], 16 décembre 1628.

Mes vraies très-chères filles,

Je vous écrivis à toutes trois, il n'y a que huit ou neuf jours. Nous voici venues depuis à Grenoble, où je n'ai nul loisir ; c'est pourquoi je vous prie que cette lettre vous soit commune. Je l'envoie à Crémieux, ne pouvant en nulle manière trouver personne qui veuille aller jusque dans Lyon, où l'on me dit que le mal continue ; sur quoi me trouvant en peine, j'ai demandé l'avis du Révérend Père provincial des Jésuites, qui me répond qu'absolument il faut que la plupart de vous autres, mes très-chères filles, vous vous retiriez et bien vite dans quelque château, et que M. de Lestang vous prêtera bien l'un des siens. Je crois qu'une retraite ne vous manquera pas, si vous la voulez prendre, à quoi je vous exhorte et vous en prie, s'il est ainsi jugé à propos par les Révérends Pères recteur et Maillan, qui, selon l'état présent de la ville et les occurrences, vous peuvent donner avis sagement et solidement, et je m'assure que M. votre Supérieur ne vous divertira pas de cela. Certes, mes très-chères filles, le grand nombre que vous êtes ensemble est très-considérable[62] : je pense que vous êtes soixante et tant de filles. Si [235] le mal se prenait chez vous, comment tout ce grand nombre se rangerait-il ? Vous pourriez laisser une vingtaine de Sœurs des plus robustes au monastère, et retirer le reste ensemble dans un château de vos amis. Si vous craignez la dépense, ce que vous ne devez, et que vous n'ayez point d'argent, avertissez-moi promptement, nous vous ferons donner tout aussitôt ce que vous désirerez.

Je n'eusse osé faire cette proposition sans l'avis du Révérend Père provincial, auquel j'écrivis simplement que j'avais crainte que ce ne fût tenter Dieu de vous laisser là, mais que, d'ailleurs, la résignation que nous devons avoir à sa divine volonté et la confiance en son soin paternel me retenaient, craignant aussi de faire quoi que ce fût contre ce divin vouloir. Là-dessus il dit que sans retard ni remise, absolument, il vous faut ôter de là. Je vous renvoie derechef au conseil des Pères qui sont sur les lieux. Certes, ce me serait un incroyable soulagement de vous sentir hors de là ; car je ne puis contenir mon cœur, qu'il n'ait souvent de sensibles alarmes de vous sentir en tant de périls ; mais si Dieu le veut, qu'ainsi soit fait ! car, pour le temps et l'éternité, nous sommes siennes sans réserve. La mort et la vie et toutes sortes d'événements seront également bien reçus, venant de sa douce main, moyennant sa divine grâce. Mes très-chères vraies filles, faites qu'au plus tôt j'aie de vos nouvelles et [que je sache] à quoi vous vous déterminerez, et en quoi nous vous pourrons servir ; car j'ai un cœur pour cela qui n'a point de bornes en son désir, et qui le fera toujours, Dieu aidant, de tout son pouvoir.

Bonjour, mes trois très-chères et bien-aimées filles, et bonjour encore à toute la chère troupe, qui me sont aussi très-chères filles, suppliant notre bon Dieu de répandre avec abondance ses plus riches grâces sur vous, et vous conserve, mes chères âmes, pour servir longuement à sa gloire. Amen. Dieu soit béni ! [236]

J'oubliais de vous dire qu'il y a en cette ville plusieurs livres des [faux] Entretiens imprimés, dont l'on parle bien. Pensez si j'ensuis mortifiée comme il faut, et je vois tous les jours plus la nécessité de supprimer cette misérable impression. Pour Dieu, mes très-chères filles, travaillez pour cela. J'ai reçu les vrais Entretiens que vous m'avez envoyés, mais non les privilèges et approbations. — Je voudrais savoir si Cœursilly et Derobert sont amis.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMII (Inédite) - À LA MÈRE CLAUDE-AGNÈS JOLY DE LA ROCHE

SUPÉRIEURE À BENNES

La Sainte se réjouit de la fondation de Rennes. — Les bienfaitrices séculières doivent entrer seules au monastère. — La peste, la guerre et la famine menacent la Savoie.

VIVE † JÉSUS !

[Grenoble], 31 décembre [1628].

Je reçus fort tard votre lettre du 2 novembre, et crois que vous recevrez celle-ci, car je l'envoie à Lyon, dès Grenoble où nous sommes il y a trois semaines ; car étant à Nessy il ne faut rien espérer d'écrire, tout commerce est défendu. — Je loue Dieu de la sainte conduite qu'il a faite de votre voyage et heureux établissement, et surtout de ce que vous vous portez passablement bien ; car c'est cela, ma très-chère fille, que je souhaite pour la gloire de Dieu, que je crois avoir dessein de tirer de vous plusieurs bons services ; c'est pourquoi je vous conjure avant toutes choses d'avoir un grand soin de votre cœur, de le tenir en douceur et gaieté, et votre chétif corps en santé tant qu'il se pourra. Voilà, ma très-chère fille, ce que je vous demande pour ma consolation, et Dieu seul sait quel est le cœur qu'il m'a donné pour vous. [237]

Vous me demandez si les bienfaitrices peuvent avoir des filles pour les servir. Certes non, et même, s'il se pouvait, il n'en faudrait point aux fondatrices, tant les filles de cette condition sont sujettes à préjudicier aux monastères. J'aimerais bien mieux qu'une Sœur laie [converse] bien adroite fût destinée au [service de telles personnes]... [Plusieurs mots illisibles] que d'ajouter le vœu particulier de la clôture. [Il] ne vous obligera rien plus à l'observance que nous ne le sommes, mais il rompra les règles et la conformité avec les autres maisons de la Visitation ; il faut donc humblement s'en défendre. La clause qui est dans la constitution de la Clôture fut mise pour satisfaire les prélats d'Italie : elle ne fait rien en France, où les prélats étendent leur autorité sur tout. Le moins que vous pourrez introduire de femmes séculières dans votre maison sera mieux, ce que je ne dis pas pour la bonne madame de..., que le Père Binet nous a dit être si vertueuse. Vous avez nos Règles et nos Réponses qui montrent assez l'intention de notre Bienheureux Père, et de plus, le sage conseil du Père Binet et le vôtre. — Tout se porte bien en votre famille. J'ai envoyé vos lettres à Nessy.

Je vous prie, ma fille, que s'il arrive quelque grâce par les prières de notre Bienheureux Père, vous les fassiez recueillir soigneusement ; et écrivez souvent à Orléans, mais ardemment, afin qu'on y fasse ce que le Père dom Juste ordonna, et qu'on lui en fasse savoir nouvelle. — Si Dieu n'assiste, nous allons avoir la peste, la guerre et la famine en Savoie, ce qui [mot illisible] empêche entièrement aux affaires de notre Bienheureux Père. Dieu sur tout, et en tout soit glorifié éternellement, Amen, et remplisse le cœur de ma bien-aimée et très-chère Agnès de son pur amour, et celui de ses chères filles, que je salue de tout mon cœur ! — Dernier de l'an.

Je pense que j'oubliais de vous dire qu'il est beaucoup mieux de vous loger au faubourg, pour y être au large et bien [238] aérées, que d'être dans la ville et à l'étroit ; car tous les jours j'apprends l'utilité et nécessité que les monastères de filles soient grands, je veux dire en jardinage et commodité ; que nulle maison ne touche là... [Le reste est illisible.]

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Rennes. [239]

ANNÉE 1629

LETTRE CMIII - À LA MÈRE MARIE-ADRIENNE FICHET

SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX

Sollicitudes pour la santé de cette Supérieure. — Impression des vrais Entretiens.

VIVE † JÉSUS !

[Grenoble, janvier 1629]

[Le commencement est coupé dans l'original] Hélas ! que je crains que le mal n'ait pas une fin telle que je la souhaite ; car puisqu'il vous a causé des convulsions et des tremblements, il est fort à craindre qu'il ne se termine en paralysie. La sainte volonté de Dieu soit faite ! Je vous supplie et vous conjure de faire tout ce qu'il se pourra pour votre soulagement, et de croire vos bonnes Sœurs, faisant simplement ce qu'elles vous diront, et vous forcez à manger, je vous en prie derechef, ma très-chère fille.

Nous avons reçu le livre et les lettres de Lyon. Ne rendez point celui des Entretiens imprimés : dites qu'il y a quantité de choses fausses qui n'étant point de notre Bienheureux Père l'on ne désire pas qu'il se voie ; et leur promettez d'en donner un exemplaire des vrais Entretiens, sitôt qu'ils seront imprimés. Si vous trouvez une prompte occasion d'écrire à nos Sœurs de Lyon, mandez-leur que je les prie de me faire réponse à ma dernière lettre, touchant ce que je leur demande pour l'impression desdits Entretiens de notre Bienheureux Père, savoir : si Derobert les pourra imprimer à Lyon ou Cœursilly, et si la [240] maladie n'empêchera point. J'attends cette réponse pour les envoyer. — Bonsoir, ma chère fille ; je vous supplie de vous consoler en Dieu.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMIV - À LA MÈRE CATHERINE-CHARLOTTE DE CRÉMAUX DE LA GRANGE

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Recommandation en faveur d'une prétendante. — Traiter pour l'impression des Entretiens.

VIVE † JÉSUS !

Moulart, 15 janvier [1629].

Ma très-chère fille,

Nous voici au Moulart, chez madame d'Uriage, retournant à Chambéry. Cette bonne dame est priée par madame de Montoison de vous faire supplier par moi de donner l'habit à sa petite, bien qu'elle n'y puisse pas aller, pour le danger qui est à Lyon. C'est pourquoi je vous supplie, ma très-chère fille, que si cette petite damoiselle est en âge, si elle a les qualités propres à notre vocation, et si vous avez traité avec Messieurs ses parents pour le temporel, que vous leur donniez ce contentement de vêtir cette petite. Le désir qu'en a madame d'Uriage, avec les susdites conditions, me presse de vous en conjurer, car cette chère dame, outre son rare mérite, est très-étroitement unie à nous, et tout à fait engagée dans les intérêts de la Visitation. Cela suffit pour ce point.

Je crois que vous aurez maintenant reçu le livre des Entretiens, avec plusieurs lettres et éclaircissements sur ce sujet. Je vous envoie la lettre que je viens de recevoir de notre Sœur la Supérieure de Paris, où vous verrez comme Derobert tâche de semer des plaintes, bien que sans sujet, et comme le libraire de Paris offre de le contenter si on lui donne l'exemplaire [241] [manuscrit] pour faire là l'impression. Je trouve cet expédient fort bon ; car il est fort à craindre que la maladie continue à Lyon, et partant que l'on ne les y puisse assurément imprimer, ou du moins que la débite ne s'en pourra faire promptement, ce qui serait à préjudice pour les raisons que je vous ai écrites. Ceci donc mérite d'être bien considéré ; et partant, ma très-chère fille, je vous supplie de le faire mûrement, et prendre conseil [de quelqu'un] qui ne regarde point les intérêts des libraires. Que si vous renvoyez les Entretiens à Paris, faites-le, je vous prie, promptement et sûrement, et tâchez, par l'entremise de quelques amis habiles, de faire traiter avec le sieur Derobert ; il considérera bien lui-même qu'il y aura grande difficulté à imprimer et débiter à Lyon, et partant qu'il se range à la raison, je vous en prie. Il me promit, quand je le vis, d'en croire M. le président de Sève. Je vous recommande cette affaire de tout mon cœur.

Il me tarde de savoir de vos nouvelles et de notre chère Sœur AI. -Aimée [de Blonay]. On m'a écrit de Crémieux que l'on avait une lettre de vous, mais que notre chère Sœur M. -Adrienne [Fichet], que l'on reconduit à Nessy, pour les grandes maladies qui lui sont survenues, l'y a voulu porter, croyant que j'y fusse. Hélas ! je ne sais plus comme nous vous écrirons, si le commerce ne se remet sur pied en ce pays-là ; nous le ferons dans les occasions qui se présenteront du côté de Belley et de Grenoble ; mais je vous prie aussi que nous ayons souvent de vos nouvelles. — Dieu, par sa douce bonté, vous tienne en sa divine protection ! Je vous salue toutes avec les intimes affections de mon cœur, sans oublier le Révérend Père Maillan. Sans loisir.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [242]

LETTRE CMV - À MONSEIGNEUR DE NEUCHÈZE

ÉVÊQUE DE CHALON, SON NEVEU

Éloge de Mgr de Bourges ; exhortation à imiter ses vertus.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, janvier 1629.]

Vraiment, je le crois bien, mon très-cher seigneur, que vous êtes toujours joyeux et content de posséder si longtemps mon bon seigneur, mon très-saint archevêque [de Bourges]. Qui est-ce de nous autres qui ne voudrait avoir part à ce bonheur, duquel certes je me réjouis avec vous de vous en voir si à souhait la possession et la jouissance ? car j'espère que vous en tirerez non-seulement une entière consolation, mais une très-grande édification, de laquelle vous serez porté à l'imiter ; c'est là, mon très-cher seigneur, le principal fruit que j'espère et désire de tout mon cœur que vous tiriez de sa douce et très-utile conversation. Votre bonté m'est si connue que je sais que vous agréez tout ce que je vous dis en la simplicité de notre confiance, et puis vous savez quel cœur Dieu m'a donné pour vous, et le désir que j'ai de vous voir un des plus grands et des plus saints évêques de l'Eglise de Dieu. Je supplie son infinie Bonté vous en faire la grâce.

Certes, je n'ai point appréhendé de vous avoir laissé l'argent ; mais je suis pourtant bien aise que vous l'ayez remis à notre bon seigneur, qui ne le jouera pas. — Je suis extrêmement consolée que mon neveu des Francs se porte bien et mon fils de Toulonjon. Dieu leur donne son saint amour et crainte ! Il y a deux mois que nous sommes hors d'Annecy ; c'est pourquoi je ne vous fais point de recommandation de Mgr de Genève. — Je salue, avec votre permission, M. Robert et les bonnes Mères Ursulines. — Je prie notre bon Sauveur d'être votre grand amour et seule prétention. [243]

Je suis de cœur, mon très-cher seigneur, votre très-humble, etc.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Lyon.

LETTRE CMVI - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À BLOIS

Dieu console les âmes à proportion des épreuves qu'elles ont supportées pour son amour. — Former les novices à l'oraison et à la mortification. — Misère et désolation de la ville de Lyon.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1629.]

O ma très-chère et bien-aimée fille, je loue la divine Bonté qui vous fait ressentir ses célestes faveurs ! Il fallait que les douceurs abondassent où les afflictions et peines intérieures avaient quasi tout desséché. Oui, nous servons un bon et riche Maître, ma fille, tout sage et puissant pour nous donner secours à point nommé ; aimons-Le, servons-Le de tout notre cœur, et nous reposons en Lui pour toutes choses, Lui laissant faire de nous tout ce qu'il Lui plaira. Je suis consolée de vous savoir une assistance si proche et si bonne en la personne du Révérend Père recteur ; je vous supplie de le croire fort simplement.

Je suis très-aise que vous ayez reçu ces cinq bonnes filles. Notre bon Dieu multipliera leurs dots par les bénédictions que leur bonté et exacte observance attireront de sa miséricorde. Je vous prie, ma très-chère petite, recommandez bien à la directrice de les conduire avec amour et douceur à une grande générosité, leur faisant beaucoup plus aimer les vertus que craindre les mortifications, afin qu'elles agissent et travaillent à leur acquisition par le motif de l'amour et de l'estime qu'elles en feront, et non par crainte. Qu'elle les forme surtout à l'oraison et mortification ; car tous les jours je connais mieux que, qui [244] défaut en l'un de ces deux exercices, n'est qu'une ombre et idole en Religion.

Je suis tout aise de vous savoir un peu élargies de logis et que N*** ait bien trouvé votre plan. J'estime que votre maison sera tout à fait agréable et bien assise. Dieu fournira pour le bâtiment, n'en doutez pas.

Vous avez très-bien fait de ne pas envoyer l'aube de votre charité à notre saint Père[63] ; il faut attendre que le commerce soit libre à Lyon, ce qui, je pense, ne sera pas si tôt ; car il ne s'est point entendu de notre temps semblable misère que celle de cette pauvre ville-là. Nos chères Sœurs ont leur bonne part du mal : cinq Sœurs sont déjà mortes au petit couvent ; le grand n'en avait point encore. Priez bien pour elles, ma très-chère fille. — Je salue toutes nos très-chères Sœurs. Certes, je les tiens toutes dans mon cœur ; mais surtout vous, ma très-chère petite, qui m'êtes plus chère et aimable que toutes.

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.

LETTRE CMVII - À MADAME DE VAUDAN[64]

À AOSTE

Projet d'une fondation dans cette ville.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1629.]

Ma très-honorée et très-chère sœur,

Nous voici heureusement de retour auprès de nos chères Sœurs de Chambéry, qui m'ont dit comme votre bon cœur continue à l'affection de notre établissement en votre cité [245] d'Aoste. Nous sommes toutes prêtes à accomplir la parole que nous vous donnâmes avant de partir, il y a environ dix-huit mois, ainsi que je priai ma Sœur la Supérieure d'ici de vous l'écrire et de vous donner notre Sœur Gasparde-Angélique [Favier] avec quatre bonnes Religieuses ; car on m'a dit que vous la désirez.[65] J'écris à Mgr votre évêque afin d'avoir quelque résolution finale ; car nous sommes disposées d'embrasser tout ce qu'il lui plaira nous commander, soit pour aller, soit pour demeurer, s'il juge l'affaire utile à la gloire de Dieu, ou faisable, pour les difficultés qui s'y peuvent rencontrer. Vous nous connaissez, ma très-chère Sœur, nous ne voulons rien violenter-mais nous désirons que toutes les affaires qui nous concernent se fassent avec toute douceur, et pour le seul honneur de Notre-Seigneur. Voyez donc ce qui se pourra faire avec votre digne prélat. Quoi qu'il arrive, nous demeurerons obligées à votre bonne volonté, et toujours plus affectionnées à votre bien spirituel, vous chérissant comme ma bonne et chère Sœur à qui je suis et serai toute ma vie, en Notre-Seigneur, très-humble servante.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMVIII - À MONSIEUR MICHEL FAVRE

CONFESSEUR DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION D’ANNECY

Décès de madame de Cornillon ; réception de sa fille au monastère d'Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 3 février [1620].

Mon bon cher Père,

L'on nous retient ici à force de me dire qu'il faut voir, s'il se peut, la fin de ces patentes ; je pense que le Sénat fera son [246] coup cette semaine ; on nous le fait espérer ; Dieu conduise tout selon son bon plaisir ! mais le temps me commence fort à durer, puisque j'ai fait pour cette maison ce que je puis ; c'est une fort bonne famille.

J'écris à Mgr et au bon M. de Cornillon [son beau-frère], pour la petite fille de la pauvre chère défunte que j'honorais et chérissais comme ma propre Sœur, et quelque chose de plus, pour le respect de notre Bienheureux Père. Certes, je serais consolée que nous ayons cette petite fille qu'elle désirait tant de nous donner, et, prie Dieu qu'elle se rende digne du bonheur que de tout notre cœur nous lui procurerons, et que je m'assure que nos Sœurs lui accorderont cordialement. — Je vous assure, mon cher Père, qu'il me tarde bien de voir Votre Révérence et nos chères Sœurs, que je vous supplie de saluer toutes de notre part, avec les chers amis et amies, à part notre madame la présidente et notre chère petite Sœur, madame de Charmoisy, si elle est là. — Notre bon Dieu vous rende selon son Cœur, mon cher Père ! Je suis bien en Lui de tout le mien entièrement vôtre.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMIX (Inédite) - À LA MÈRE CLAUDE-AGNÈS JOLY DE LA ROCHE

SUPÉRIEURE À RENNES

Du bon choix des novices. — L'humilité est le grand remède à nos chutes. — Nouvelles de la famille Joly de la Roche.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 12 février [1629].

Ma très-chère fille,

Parce que je me trouve avec un peu de loisir, je vous écris de bon cœur ; car de nécessité il n'y en a point, ayant répondu [247] à toutes vos lettres. Je reçus l'autre jour celle du 2 décembre, deux mois justement après sa date. Il faut souffrir cela, maintenant que le commerce de Lyon n'est pas libre. — Dieu soit béni, ma toute chère fille, de quoi cette maison, que sa Bonté vous a commise, s'avance en la réception de bonnes filles, car je vous prie de les toujours bien choisir : c'est le bonheur et la conservation des maisons. Cela est pesant que l'on vous fasse recevoir deux filles avec la fondatrice. Toutefois si elles sont fort propres, il les faut recevoir, l'une pour Dieu, l'autre pour Notre-Dame. — Pourvu que nos Coutumiers soient bien corrigés, je serai bien aise que Mgr votre prélat en ait un. Il faut avoir patience pour en avoir avec les Règles et Heures ; car l'on ne peut rien faire avec ceux de Lyon que le commerce n'y soit libre. Je ne sais encore ce que le tout coulera ; mais vous le saurez quand l'on vous en enverra.

Mon Dieu ! ma très-chère fille, que vous me contentez de ne vous plus fâcher pour vos défauts ! Pour Dieu, tenez ferme là, et me croyez que le grand remède à toutes nos chutes et tentations, c'est la très-sainte humilité et soumission à Dieu. Gravez bien cette leçon dans le cœur de vos filles, et les portez à faire tous leurs exercices avec une douce et sainte ferveur. O souveraine Bonté ! quand vous aimerons-nous parfaitement ? Ma fille, j'ai bien envie que ce saint amour règne dans nos maisons, car cela accommode tout. — Mais n'êtes-vous pas fâcheuse et contrariante de dire que si j'eusse voulu, je vous eusse amenée avec moi, et eussions envoyé notre compagne, mais que je n'eusse pas eu tant à gré voire compagnie que la sienne ? Vous êtes bien mauvaise et encore plus trompée ; car, en vérité, je préférerais votre compagnie à celle de trois compagnes ; mais vous savez que, parla grâce de Dieu, je ne fais nul état de mes inclinations, ains je fais ce que je pense être plus à sa gloire. Dédites-vous donc, et me croyez que vous m'êtes en une considération fort extraordinaire et en mon affection de même. [248]

Me voici encore à Chambéry ; mais j'espère en partir mercredi, Dieu aidant, notre affaire pour l'exemption des tailles se jugeant ce matin. Oh Dieu ! que de peines et de temps perdu, quand l'on a affaire aux princes !... — Tout va bien ici. Les parents se portent bien. La Sœur [Marie-Innocente delà Roche] est toute bonne, les deux du monde n'y sont que trop avant ; il y a quinze jours que je ne les ai vues. Que n'a-t-il plu à Dieu que vous fussiez venue ici être Supérieure, c'eût bien été selon mon gré et à la gloire de Dieu. Je supplie sa Bonté vous rendre tout à fait sienne. Je suis bien vôtre de tout mon cœur. — Je salue nos bonnes Sœurs. — 12 février.

Dieu soit béni !

[P. S.] Depuis cette [lettre] écrite, la bonne Mère [madame de la Roche] est venue et j'ai vu les sœurs : l'aînée se trouve un peu mal, c'est une bonne femme ; la fille ne sait à quoi se résoudre. Dieu l'assiste ! Amen.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Rennes.

LETTRE CMX - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À RIOM

Estime et affection de la Sainte pour les communautés de Grenoble et de Chambéry. Elle prépare l'Histoire des Fondations.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 14 février [1629].

Il y a bien longtemps que je ne vous ai écrit, ma très-bonne et chère fille, et encore plus que je n'ai reçu de vos lettres ; mais de toutes parts l'on a peine d'en faire tenir maintenant. Or, j'espère que la souveraine bonté de Notre-Seigneur vous tient toujours en sa divine protection avec votre chère troupe, et que tout va de bien en mieux, dans la sainte et amoureuse [249] observance. Oh ! Jésus, ma vraie très-chère fille, que nous y sommes obligées !

Il y a trois mois que nous sommes hors de Nessy où nous ne séjournâmes que trois semaines, qu'il fallut aller à Grenoble pour affaire importante. J'y demeurai cinq semaines avec consolation, car c'est une brave famille. Nous voici dès lors à Chambéry, où les filles sont très-bonnes et de bons esprits ; je n'ai point vu de cœurs plus maniables ; elles vivent dans une paix, douceur, et union parfaites. Nous espérons d'en partir samedi, ayant heureusement, par la grâce de Dieu, vu la fin d'une affaire temporelle de grande importance aux quatre monastères de ce pays, qui m'arrêtait ici. Je m'en vais donc en cette bénite maison de Nessy, où je voudrais bien avoir votre fondation, faisant venir celles de tous les autres monastères[66] ; envoyez-la moi donc, ma très-chère fille, selon votre promesse, et je prie Dieu qu'il vous rende sa chère et bien-aimée épouse, et toutes nos Sœurs aussi, que je salue du meilleur de mon cœur avec vous, ma très-bonne et chère fille.

Conforme à l'original garde aux Archives de la Visitation d'Annecy. [250]

LETTRE CMXI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Prochain retour à Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 14 février [1629].

Ma très-chère fille,

Je crois que vous avez reçu celle que je vous écrivis, il y a environ quinze jours ou trois semaines. Elle était fort ample et requérait réponse conforme à nos désirs, ou plutôt à la sainte volonté de Dieu. De plus, je désire extrêmement de savoir comme vous vous portez ; cela me tient en peine, et de ne savoir si vous avez reçu le livre des Entretiens, et qu'est-ce que l'on en fait. Ayant tant dit tout ce qu'il faut pour ce sujet, je n'ai rien à ajouter, sinon, ma très-chère fille, que l'on fasse, et que nous aimions toujours souverainement Celui qui seul mérite d'être aimé de la sorte.

Enfin, nous partons demain d'ici pour m'aller enfermer en cette bénite maison de Nessy et vivre là, rester un peu à recoi, tandis que le divin Sauveur permettra. Son saint et pur amour comble nos cœurs ! Amen. Il soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMXII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS

Remercîments pour l'envoi d'une mitre et d'une chasuble. — Maternelle confiance.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 24 février [1629].

Ma toute très-chère et bien-aimée fille,

Nous avons reçu la chasuble et toute la suite, non sans [251] admiration de sa beauté ; mais surtout de la bonté et incomparable suavité et grandeur de votre cher cœur, qui ne peut assez donner, ce lui semble, à ceux qu'elle aime et chérit uniquement. Tous les remercîments que nous vous en pourrions faire ne sont rien en comparaison de nos sentiments ; nous vous en offrons toutefois sans limite. Notre bon Mgr de Genève fut tellement épris de la beauté de cette chasuble, et de l'excellence et richesse de sa mitre, qu'il en faisait fête à tout le monde. Aussi, certes, n'avions-nous rien vu en deçà de comparable ; Dieu en soit votre récompense ! Nous prétendons qu'elle sera destinée pour la béatification, et ferons bravement le reste de l'ornement le plus conforme que nous pourrons.

Je n'ai point reçu la lettre de votre cher cœur ; vous m'obligerez et consolerez de la récrire. Avant que recevoir la vôtre dernière, l'on avait écrit ici les fruits que votre conversation avait apportés à M. de Granier. Mgr de Genève me le dit ; j'en loue Dieu, et de bon cœur. Non, ma fille, ce n'a point été à moi qu'aucune créature de Paris ait écrit de cela ; mais sur le récit qu'on me fit de ce que je vous mande, je pris volonté de vous en dire la pensée qui m'en vint ; car enfin mon cœur est tellement ouvert, joint et uni au vôtre, qu'il ne faut point que vous doutiez que je n'aille toujours avec vous dans cette entière et parfaite confiance, comme je désire et sais que vous faites envers moi. Enfin, je crois qu'entre votre très-cher cœur elle mien il n'y a que Dieu seul, qui en est l'amour, le seul désir et le lien sacré, dont Il soit béni ! Amen.

Faites pour le bien de ce pauvre M. de Granier ce que vous jugerez selon Dieu. Ma fille, adieu.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [252]

LETTRE CMXIII - À MADAME LA DUCHESSE DE NEMOURS[67]

À PARIS

Espérance de l'arrivée de cette princesse. — Témoignage de profond respect et assurance de prières.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1629.]

Madame, J'ai reçu celle dont il vous a plu m'honorer, avec la révérence que je dois à Sa Grandeur, mais aussi avec une fort grande consolation pour l'espérance qu'elle nous donne d'être bientôt en ce pays. Je ne puis m'imaginer, Madame, que Votre Grandeur puisse prendre un meilleur conseil que d'exécuter ce bon et utile dessein. C'est le désir de tous vos bons sujets et fidèles serviteurs, et le souhait de vos très-petites, mais très-obéissantes et très-obligées Filles de la Visitation, qui ne cesseront jamais d'importuner le Ciel pour la conservation de Votre Grandeur et celles de Messeigneurs nos princes, vos dignes enfants, Madame, suppliant l'infinie bonté de Notre-Seigneur faire abonder les richesses de son amour sur toutes vos chères personnes, et les amener bientôt et heureusement en ce pays, ce qu'attendant de sa grande affection et après avoir fait très-humble révérence à Sa Grandeur, je demeure en tout respect, Madame, votre, etc. [253]

[P. S.] Madame, nous ne manquerons à faire faire une neuvaine devant le saint corps de notre Bienheureux Père, à ce qu'il lui plaise prendre soin devant Dieu de toutes vos affaires, et surtout de la conservation de Votre Grandeur et celles de Messeigneurs les princes, vos chers enfants.

Conforme à une copie de l'original gardé à Paris, Archives nationales, fonds français, n° 3397.

LETTRE CMXIV - À LA MÈRE CATHERINE-CHARLOTTE DE CRÉMAUX DE LA GRANGE

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

La communauté de Lyon n'a pas le droit de retenir la Mère de Blonay. — Conclure au plus tôt l'affaire de l'impression des Entretiens. — Nécessité de transférer ailleurs les Sœurs de Paray-le-Monial.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, dernier février 1629.

Ma très-chère fille,

Je ne veux rien ajouter aux raisons que j'ai écrites ci-devant pour faire voir que nous sommes dans l'équité, dans la nécessité et pouvoir de rappeler notre Sœur Marie-Aimée de Blonay ; c'est pourquoi je vous supplie que, puisque c'est la volonté de son Supérieur et celle de son monastère d'où elle est professe, de la retirer ici, vous nous la renvoyiez le plus tôt qu'il se pourra. Je sais que les Supérieurs ne font rien en ceci que ce que vos affections leur persuadent, et que, comme vraie fille de notre Bienheureux Père, vous les devez rendre capables de ses intentions et ordonnances, lesquelles vous savez avoir été pratiquées de son vivant et depuis son décès, en telles occasions. Eh donc ! ma très-chère fille, je vous conjure, pour l'amour que vous portez à ce Bienheureux et à ses intentions, et par l'affection que vous me témoignez, de ne plus vous faire écrire sur ce sujet ; mais qu'en simplicité vous fassiez en sorte que notre chère Sœur Marie-Aimée obéisse et rende son devoir, et cela avec toute la douceur et révérence dues à M. votre [254] Supérieur, qui, sans doute, ne vous eût jamais défendu la sortie de ma Sœur, si vous lui eussiez fait savoir, à l'avantage, comme telle chose se pratique, et les raisons pourquoi.

Pour nos Entretiens, je vous supplie, ma très-chère, de nous renvoyer les deux copies que nos Sœurs de Paris vous ont envoyées ; car nous désirons de les faire revoir encore plus exactement, afin que, puisque nous sommes nécessitées de les faire publiquement voir, l'on n'y laisse rien, tant qu'il se pourra, qui puisse faire gloser. Que si pourtant, [vers] la fin de mars, Lyon est purgé de la maladie, on les pourra faire imprimer au sieur Cœursilly ; sinon nous les enverrons à Paris, et l'on fera évaluer l'impression qu'il a faite des Règles et Coutumier. Il a écrit de grandes plaintes contre moi sans fondement, qu'il me semble que vous ne devez pas lui permettre, puisque la promesse qu'on lui a faite a été conditionnelle et non absolue, ainsi que vous verrez par celle que je lui écris. Envoyez-nous la quantité des Règles, Coutumiers et Cérémonials qui sont imprimés, ce que vous en avez distribué en chaque monastère, et le prix que vous en avez reçu. Je ne puis écrire davantage.

Nous envoyons ce messager exprès à Crémieux porter ces lettres et pour nous rapporter nos Entretiens ; c'est pourquoi je vous supplie, ma très-chère fille, de les y envoyer tout promptement le plus qu'il vous sera possible. Vous nous pouvez répondre du reste à loisir. — Quant à nos hardes qui sont à Lyon, et à la caisse de faïence, si Dieu favorise Lyon d'une guérison entière, vous nous les enverrez à la première commodité. Vous avez bien fait, puisque vous en aviez besoin, d'en prendre ; car croyez, ma très-chère fille, nous n'aurons jamais rien à notre pouvoir qui ne soit entièrement vôtre, tant qu'il nous sera possible, voire même, notre très-chère Sœur Marie-Aimée ; quand elle sera ici, si vous en aviez un jour besoin, nous vous la rendrions de tout notre cœur.

Quant à nos chères Sœurs de Paray, certes, il y a bien [255] quelque chose dans la lettre qui ne me revient pas ; mais, ma fille, il faut que les Mères supportent les enfants. Elle est fille de votre maison, il faut tout excuser ; car je vous assure que j'ai toujours reconnu une grande bonté et sincérité en cette âme-là ; mais l'on voit bien qu'elle a été un peu piquée de cette lettre qui peut-être était un peu trop verte. Je me sens pressée de vous dire nettement mon sentiment sur le sujet de ces chères Sœurs-là. Il est tout à fait nécessaire qu'on les ôte de Paray ; car il est impossible qu'un monastère de filles puisse avoir en ce lieu les nécessités spirituelles et temporelles qui sont nécessaires à l'utilité et consolation d'une maison religieuse. Cela étant, ma très-chère fille, si vous m'en croyez, vous les aiderez à les faire établir à Roanne, où je pense qu'elles se seront retirées par la permission de Mgr d'Autun, comme en hospice et pour fuir la maladie ; car de les envoyer à Autun à dix ou douze grandes lieues de là où elles sont, quel embarrassement de mener là une douzaine de filles, et dans une maison fort petite et fort pauvre ! Je loue néanmoins la charité de nos Sœurs d'Autun ; mais je sais qu'il leur eût été comme impossible de l'accomplir. Confortez-les donc, ma chère fille, puisque vous ne les pouvez pas retirer à vous, pour le grand nombre de filles que vous avez déjà ; confortez-les donc, et les aidez.

Quant à ces deux filles qu'elles désirent que vous retiriez, certes, ce serait bien une grande charité ; notre Bienheureux Père n'était pas du sentiment de Messeigneurs vos archevêques ; oui bien de ne pas ouvrir la porte aux changements de maisons, à celles qui le désirent d'elles-mêmes, mais en telles occasions la charité doit surnager sur tout. Néanmoins, si elles s'établissent dans le diocèse de Lyon, cela dépend entièrement de vos Supérieurs. L'on verra avec un peu de temps, et faut espérer que l'on ira de bien en mieux, et j'écrirai à ma Sœur leur Supérieure ce que je penserai être convenable à leur conduite.

Hélas ! ma chère fille, quant au désir que vous et moi avons [256] de nous revoir, je ne sais si Dieu m'en donnera la consolation ; je n'y vois pas beaucoup d'espérance. Il faut que dorénavant je me prépare à faire le voyage du ciel. Il semble que Dieu commence à me le signifier par une infirmité qui m'est un pressentiment ; sa sainte volonté soit faite ! Cependant, priez Dieu pour moi, afin que nous nous voyions éternellement en Lui. — Je me sens grandement votre obligée du soin que vous avez de ma chère Sœur M. -Aimée [de Blonay]. Je vous la recommande encore. Faites-la hardiment rompre le carême ; faites-la prou dormir et peu parler ; et je pense que la charge de directrice lui est fort nuisible, et, pour cela, vous ferez bien d'en mettre une autre et de l'en décharger.

Il m'est venu une pensée qu'il faut que je vous dise : c'est que je ne voudrais pas que vous parlassiez de Cœursilly à Mgr, ni que vous lui donnassiez [à Cœursilly] la lettre que je lui écris, que les Entretiens ne fussent partis, crainte qu'il ne les arrêtât. Je ne voudrais pas pourtant faire ce jugement-là de lui ; car je ne le crois pas trop exigeant, mais je vous dis simplement la pensée comme elle m'en est venue. Je vous prie derechef de nous envoyer promptement les Entretiens, car ce messager les attendra à Crémieux. Nonobstant l'indignité avec laquelle le sieur Cœursilly a écrit contre moi, nous ne lairrons pas de les lui donner, pourvu que la maladie soit entièrement passée à Lyon. Mais attendant cela, je vous supplie de faire estimer par personnes capables et qui le fassent consciencieusement et selon Dieu, tant de sa part que de la nôtre, ce qu'il a imprimé de l'Institut. Je l'ai fait voir au Révérend Père Jésuite qui prêche ici et à quelques autres personnes, qui savent ce que telles choses valent, qui disent que le tout sera bien et hautement payé à cent écus. Je n'y comprends pas les Heures, parce que ce n'est pas nous qui les avons fait imprimer, et qu'elles sont tellement faillies qu'elles sont comme inutiles aux maisons qui les ont achetées, quoique bien chèrement. — Pour ce qui [257] est du sieur Derobert, je vous supplie aussi, mais au nom de Dieu, que l'on regarde dans l'équité ce qu'il lui faut donner pour les exemplaires saisis, que je voudrais qui fussent tous brûlés, et les autres huit cents dont vous m'écrivez. Vous avez là des amis d'autorité ; je vous conjure de leur bien faire entendre tout ce qui est de ce fait-là, et de les employer pour réduire le sieur Derobert à ce qui est de la raison, par la douceur ; car, de procès, nous n'en voulons point que par une absolue nécessité, et après toutes les offres qui se pourront faire dans la raison et charité. Obligez-moi, ma chère fille, de mettre une fin à toutes ces petites affaires-ci, afin que je ne vous en importune plus, et que je ne sois plus surchargée de tant d'écritures pour ce sujet. Je serai bien aise d'avoir réponse du contenu de cette lettre le plus tôt qu'il se pourra.

Vous savez, ma très-chère, combien je suis entièrement vôtre et à toutes nos chères Sœurs, que je salue de tout mon cœur, suppliant notre bon Dieu de faire abonder ses plus chères et saintes bénédictions sur vous toutes.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMXV - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Le premier monastère de Lyon doit secourir les Sœurs de Paray et ne plus s'opposer au départ de la Mère de Blonay.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 1er mars [1629].

Ma très-chère fille,

Je loue Dieu de votre avancement en la guérison de vos incommodités. Je vous supplie de vous soumettre aux ordonnances du médecin et à la volonté de votre Supérieure, et de manger gaiement de la viande ; car cela n'est rien et ne doit rien être à [258] une âme libre. Oh ! non, ma vraie fille, obéissez donc généreusement, car j'ai grand désir que vous serviez longuement ce très-débonnaire Sauveur, qui vous chérit et favorise si paternellement.

Hélas ! celle pauvre Sœur de Paray dit bien je ne sais quoi dans sa lettre qui me déplaît ; mais, mon enfant, il faut supporter cela bien doucement : ce sont vos filles que vous avez élevées, remontrez-leur amoureusement. Certes, j'ai toujours trouvé cette fille-là très-bonne et sincère, et je crois que si elles [les Sœurs] s'étaient retirées en quelque lieu où elles pussent avoir de l'aide nécessaire à une maison religieuse, qu'elles donneraient du contentement ; car pour vous dire vrai, ma fille, elles en sont tout à fait destituées à Paray, et ne puis avoir le sentiment qu'elles y demeurent ; mais j'en laisse disposer à qui il appartient. Je pense que peut-être seront-elles déjà retirées à Roanne, pour être mieux à couvert contre le passage des gens de guerre. Si cela est, certes, ce serait charité de les aider à y demeurer. Je n'ai point su de leurs nouvelles il y a déjà longtemps, n'ayant vu le dernier messager dont elles parlent dans leurs lettres.

Croyez, ma vraie très-chère fille, que cette lettre, qui a tant touché votre cœur, partit bien du fond du mien ; car il est vrai que je désire profondément cette consolation de vous voir auprès de moi, et Dieu sait que tous mes motifs sont purs et pour sa seule gloire, et qu'encore, il y a de la nécessité ; c'est pourquoi je suis douloureusement touchée des difficultés que l'on y fait contre raison et justice. Que si l'on continue, ce sera contre le gré et la volonté de Mgr [de Genève] votre Supérieur, celle de ce monastère et la mienne que l'on vous retiendra ; et partant je sais que ce sera aussi contre la vôtre ; ce que je vous supplie de témoigner si fortement et absolument, que vous donniez occasion à nos Sœurs de faire tout de bon ce qu'elles doivent, pour faire que M. leur Supérieur leur laisse la liberté de vous [259] rendre, avec l'honneur et la reconnaissance qu'elles nous doivent, et à ce monastère ; car je sais prou ce qui peut se dire en cette occasion, et que les Supérieurs font toujours ce qu'on leur montre être raisonnable et juste ; mais l'affaire [une ligne illisible]. Si l'on était disposé à recevoir notre manière de procéder douce et respectueuse, certes, Mgr de Genève et moi écririons avec tout l'honneur possible ; mais cela n'étant nécessaire, et pour les raisons que vous savez, nous ne le ferons pas, sinon, qu'étant instruits de ce qui est de la raison, on ne vît qu'il l'eût agréable. Voilà, ma très-chère fille, nos pensées et désirs. Dieu fasse en tout sa très-sainte volonté de nous ! Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMXVI - À LA MÈRE CATHERINE-CHARLOTTE DE CRÉMAUX DE LA GRANGE

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Mêmes sujets.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1620.]

Ma très-chère fille,

Je vous fais ce billet empressement, ayant longuement et fort sincèrement écrit à notre très-chère Sœur Marie-Aimée sur sa retraite, et au Révérend Père Maillan.

Ma fille, je ne crois pas que M. de la Faye voulût retenir par force notredite Sœur ; il n'en aurait pas contentement, ni vous aussi. Je vous supplie, ma très-chère fille, employez si dextrement votre prudence et charité qu'il la relâche avec douceur à celui à qui elle doit son obéissance ; car, mon Dieu ! il ne faut [pas] nous jeter dans cette extrémité de mettre des contentions entre les prélats. Aucun n'a jamais fait difficulté de laisser [260] disposer des filles qu'on leur a envoyées pour fonder, à ceux dont elles dépendent ; ce privilège est égal à tous. Vous savez en cela l'intention de notre Bienheureux Père, et en avez vu la pratique qui s'est toujours faite avec douceur, sans violence, avec l'agrément et bénédiction des Supérieurs, excepté quand notre Sœur Favre partit de Montferrand, que les Supérieurs de là usant de plusieurs remises à lui donner leur bénédiction, et étant pressée par l'obéissance de notre Bienheureux Père, elle leur manda qu'elle ne pouvait plus retarder, qu'elle s'en allait, en quoi elle contenta notre Bienheureux Père. Si tous les prélats voulaient nous faire ces difficultés, quel moyen de servir notre Institut en ses besoins ? Je vous prie donc, ma très-chère fille, d'acheminer cette affaire avec douceur ; car je suis tout assurée que si vous témoignez à M. de la Faye que cela est de raison, de coutume et de devoir, que vous désirez que l'on nous satisfasse en cela, qu'il s'y portera avec toute facilité. Obligez-nous donc en cela, je vous en prie, ma très-chère fille, et que nous ne recevions pas du mal pour le bien que nous avons fait à votre maison, laquelle nous étant précieuse et chère comme seconde de l'Ordre, vous devez vous assurer que nous ne faisons ceci que pour la plus grande gloire de Dieu, et que, toujours à son besoin, elle sera servie et assistée de nous en tout ce qui nous sera possible. — Mgr de Genève ni moi n'écrirons à M. de la Faye que lorsque vous l'aurez disposé à nous contenter. Nous en écrivons au Révérend Père Maillan ; je vous prie, employez pour cela les personnes que vous y jugerez plus propres, afin que tout se passe doucement.

J'ai communiqué au Révérend Père Binet, provincial, le changement de lieu pour nos Sœurs de Paray. Il le trouve nécessaire, d'autant plus que la mission de leurs Pères n'y sera [pas] permanente, et que peut-être ils n'iront plus. Ayez donc soin de secourir ces pauvres filles le plus tôt qu'il se pourra, car elles sont dignes de compassion et si mail Si vous avez [261] quelque lieu plus propre pour les mettre que Roanne, faites-les-y retirer, sinon aidez-les pour Roanne, quand ce ne serait que sous le prétexte de s'y retirer durant les pestes ; par ce moyen, elles éprouveraient si le lieu serait propre, comme je le crois, incomparablement plus que celui de Paray. Le Révérend Père provincial en a écrit au Père recteur de là ; je vous en écrivis il y a dix jours.

Je vous recommande les Entretiens, ma très-chère fille ; revoyez ce que je vous en écrivis en vous les renvoyant, car il est très-important qu'ils soient bientôt imprimés, et que la débite [vente] s'en fasse. Je ne sais si dès Lyon cela se pourra facilement, à cause de la maladie. J'enverrai la Préface et l'Exercice d'union pour le matin, qu'il faudra faire mettre à la fin des Entretiens, devant le traité de la Communion. — Encore une fois, ma très-chère fille, je vous conjure de conduire si dextrement la retraite de ma Sœur [de Blonay] que M. de la Faye ne s'en tienne point pour désobligé ; car, pour rien du monde, nous ne voudrions lui donner une juste occasion de mécontentement, et [vous] pouvez l'assurer que si d'ailleurs nous pouvions secourir vos besoins, certes, nous ne retirerions pas notre Sœur, puisqu'il l'aime si chèrement ; mais j'ai confiance que sa bonté recevra agréablement nos raisons, et la nous relâchera franchement et de bon cœur ; c'est tout mon désir, l'honorant parfaitement. Je vous assure qu'outre le besoin que nous en avons, je crois qu'il est nécessaire pour sa santé, et je crains qu'elle ne vive pas longtemps.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [262]

LETTRE CMXVII (Inédite) - À LA MÈRE MARGUERITE-ÉLISABETH SAUZION.

SUPÉRIEURE À PARAY-LE-MONIAL

Les Supérieurs de Lyon n'agréent pas le transfert de la communauté de Paray. Regrets et résignation à ce sujet.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1629.]

Ma très-bonne et chère fille,

Ce paquet était fermé quand j'ai reçu votre lettre, laquelle m'a infiniment touchée d'une part, voyant vos peines et incommodités dans ce lieu de Paray, et d'autre elle m'a soulagée, vous sachant à l'abri de ces gens de guerre. J'ai écrit tout franchement mon sentiment à nos Sœurs de Lyon pour vous faire changer de lieu. Je vois, par celle de notre Sœur M. -Aimée [de Blonay], qu'elles sont fort éloignées de cela et leur conseil [aussi]. Tout ce que je vous puis dire, c'est que mon sentiment serait et est tout à fait de vous ôter de là et transférer votre maison ailleurs ; mais vous ne le devez ni pouvez faire qu'avec la permission de votre Supérieur de Lyon, et le congé de celui d'Autun, que vous devez requérir par honneur. Il faut premièrement que vous ayez la dernière résolution de Lyon, car Roanne étant du diocèse de Lyon, vous n'y pouvez aller pour vous établir que par leur licence. J'écris et fais encore écrire fortement à Lyon pour cela, je pense que vous en aurez bientôt des nouvelles ; que si l'on écrit que vous demeuriez là, faites-le en paix ; mais si j'étais en votre place, j'accepterais, à l'ascension prochaine, l'offre que l'on vous fait d'y envoyer une autre Supérieure.[68] [263]

Je leur écris aussi pour vous faire aider temporellement, notre Sœur la Supérieure d'ici m'ayant assuré n'avoir aucun moyen de recouvrer argent, car certes de tout mon cœur nous vous en enverrions, si l'on ne vous en envoie de Lyon. Faites que notre Sœur [la Supérieure] de Moulins vous en emprunte si vous n'en trouvez à Paray ; nous payerons les intérêts. Ayez grand courage et confiance en Dieu, et tenez votre esprit en paix et disposé à tout ce qui vous sera ordonné de Lyon. Il faut finir, le messager attend. Je suis, mais de cœur, tout à fait vôtre et à nos chères Sœurs, que je salue avec vous.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé au premier monastère de la Visitation de Paris.

LETTRE CMXVIII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Elle la rassure affectueusement contre toute pensée de défiance.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 18 mars [1629].

Ma très-chère fille,

Ce que vous écrivez, par vos dernières, à Mgr de Genève et à ma Sœur la Supérieure m'a quasi un peu étonnée ; car je suis très-assurée que je n'ai pas eu une ombre du moindre soupçon du monde contre vous ; revoyez mes lettres, ma vraie très-chère fille, vous y trouverez cette vérité. Oh Dieu ! j'ai trop de connaissance de votre sincérité pour la révoquer en doute. Je voudrais quasi savoir qu'est-ce qui a préoccupé votre esprit en cette dernière dépêche ; car toutes vos lettres précédentes ne ressentaient rien de cela. Vous me demandâtes que je vous disse qu'est-ce qu'il fallait que vous fissiez pour votre retraite. Je [264] répondis, ce me semble, que vous deviez témoigner une forte résolution et affection d'obéir à Mgr votre légitime Supérieur, et que vous recevriez mécontentement si l'on vous en empêchait ; à mon avis, voilà le principal, et je n'eus jamais intention que l'on fit rien contre le devoir ni la bienséance, ni que l'on représentât les nécessités et raisons de votre retraite, qu'avec tout le respect et la douceur possibles. Oh bien ! ma très-chère fille, demeurez en paix, et faites ce que Dieu vous inspirera, et croyez que chose quelconque ne saurait tant soit peu diminuer la dilection que Dieu m'a donnée pour vous. Que je n'oye donc plus, je vous prie, ces paroles qui témoignent des soupçons. — Je crois que la lettre de Mgr de Genève vous contentera ; au moins, l'ai-je laissé ce matin en cette résolution pour ma vraie très-chère fille. Ayant fait ce que j'ai pu, selon que j'ai cru le devoir, pour satisfaire à Dieu, je demeure en paix, laissant le surplus au soin de la divine Providence.

Je salue toutes nos Sœurs, à part notre Sœur Marie-Augustine, à laquelle je ne puis répondre maintenant ; je ne vois pas aussi qu'il y ait rien qui le requière. —Faites-moi ce bien de saluer très-humblement de ma part le Père Maillan. Il m'écrit qu'il a trouvé un peu de changement en mon style. Je proteste néanmoins qu'il n'y en avait point dans mon cœur, ni qu'il n'y en aura jamais, moyennant la grâce divine, et j'ai tant de confiance en sa bonté que, s'il savait clairement nos raisons et nécessités, il rendrait ses sages conseils favorables à nos désirs. — Bonsoir, ma très-chère fille. Dieu nous rende de plus en plus parfaitement siennes ! Je suis en son amour vôtre, selon qu'il Lui a plu. Qu'il soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [265]

LETTRE CMXIX - À LA MÈRE CATHERINE-CHARLOTTE DE CRÉMAUX DE LA GRANGE

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Bonté et humilité de la Sainte au milieu des difficultés qu'on apporte au départ de la Mère de Blonay.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1629.]

Ma très-chère fille,

Mgr de Genève est venu ce matin pour nous parler du sujet de vos lettres, que j'ai lues. Il m'a dit qu'il vous écrirait, et à votre contentement- mais, nonobstant tout, puis-je m'empêcher de vous dire que toutes vos lettres nous ont donné un grand étonnement et fait voir la préoccupation de votre esprit.

Si vous prenez la peine de relire celles que j'ai écrites sur ce sujet, vous verrez, à mon avis, que ce que j'écris à M. Brun est fort vrai, ce que je ne répéterai pas ici, n'ayant quasi point de loisir Oh ! Dieu soit béni de tout ! Il sait que nous ne regardons qu'à ce que nous croyons être sa plus grande gloire, et que nous n'avons autre prétention ; c'est pourquoi, sans aucune peine, je demeure en paix de l'événement de notre juste et raisonnable demande, me contentant que nous ayons fait ce que nous avons pu, sans nul dessein de rien gâter, ni requérir de vous, ma très-chère fille, ce qui vous eût été à préjudice. Vous savez que je vous ai toujours priée d'obtenir avec toute douceur et respect ce que nous demandions ; il nous suffit que la conscience ne me reprend point, vous ayant toujours parlé dans la même douceur et tranquillité accoutumée, mais le sujet n'était pas agréable. Je remets tout entre les mains de Dieu ; je n'y prétends que l'accomplissement de sa sainte volonté ; de quelque côté qu'elle nous tourne, j'espère en sa Bonté que je demeurerai contente et toujours égale en la confiance de la bonté de votre cœur, et en l'affection très-sincère de mon âme pour vous [266] et pour toute votre chère maison, qui m'est précieuse comme la fille aînée de cette pauvre Mère de la Visitation.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMXX - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À AUTUN

Rentrée des Sœurs de Paray dans leur monastère. — Combien on doit estimer la tribulation.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 19 mars [1629],

Ma très-chère fille,

J'ai bien su la charitable offre que vous avez faite à nos Sœurs de Paray ; mais j'écrivis à nos Sœurs de Lyon que je ne croyais pas que, sans une grande incommodité, vous le puissiez faire. Je loue Dieu de ce que ces chères Sœurs sont retirées dans leur maison de Paray[69] ; car je vous assure, ma très-chère fille, que j'avais une peine incroyable de les sentir aux champs, pendant les passages de tant de gens de guerre. Je n'ai pas sentiment que jamais ces pauvres filles-là se puissent bien établir à Paray. Je crains qu'elles n'y aient toujours une très-grande disette du secours spirituel et temporel requis et nécessaire à une maison religieuse ; mais, puisque ceux de qui elles dépendent trouvent bon qu'elles persistent là, je m'en décharge et en laisse le soin à la providence de Dieu.

Dieu vous donnera, ma très-chère fille, quelque autre moyen de fonder ailleurs qu'à Auxerre ; et, cependant, votre petite troupe ne vaudra que mieux d'être cultivée un peu bien longuement par le soin et charité de leur bonne et chère Mère. [267]

Je suis, certes, en compassion du mal de ma pauvre Sœur Claude-Marie [Duguest] ; mais elle est bien heureuse d'avoir un mal qui lui fournit tant d'occasions pour s'enrichir des plus précieuses vertus qui se puissent pratiquer en cette vie. Si nous savions la valeur de la tribulation et les trésors qu'elle contient, certes, nous aurions peine de nous empêcher de les souhaiter et de porter envie à ceux qui possèdent un si grand bien !

Nous avons déjà fait faire la bougie et nous commencerons la neuvaine demain, s'il plaît à Dieu. — Je suis bien aise que votre famille se soit accrue d'une si bonne et douce fille, et bénis Dieu qu'il ait affranchi votre ville de la maladie et toutes vos chères Sœurs, que je prie Notre-Seigneur combler de l'abondance de ses plus chères grâces. — Je viens de prier pour votre pauvre malade et pour votre chère famille, mais surtout pour le cœur de ma très-chère fille leur très-bonne Mère, que mon âme chérit de tout son cœur, et avec une confiance tout entière en votre filiale et véritable affection pour moi. Oh ! non, ma fille toute chère, je ne saurais jamais douter de votre parfaite union avec moi- mais croyez aussi que vous êtes bien ma vraie très-chère fille, et que votre petite famille est tout à fait dans mon cœur. Je la salue, cette bénite troupe de vraies colombes, et leur souhaite la parfaite douceur, innocence et simplicité, que leur céleste Époux requiert d'elles. — Adieu, ma très-chère fille ; je suis d'une affection incomparable tout à fait vôtre.

[P. S.] Ma très-chère fille, j'avais commencé d'écrire à M. de la Curne ; mais je n'ai eu ni le temps ni la force de l'achever. Je vous prie de m'envoyer de ses nouvelles et de saluer très-humblement de ma part madame de la Curne. Je lui écrirai à la première commodité.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [268]

LETTRE CMXXI - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Elle la charge de distribuer aux monastères le Coutumier, les Règles et le Formulaire.

[Annecy, 1629.]

VIVE † JÉSUS !

Ma très-chère sœur,

[De la main d'une secrétaire.] Notre Mère vous prie d'écrire en nos maisons où vous avez déjà donné des Coutumiers, Règles et Formulaires [Cérémonials], comme aussi aux maisons qui n'en ont point encore, et leur dire que l'on est sur le point de faire les distributions de tout ce qui en est imprimé, et partant qu'elles disent toutes ce qu'elles désirent d'en avoir, outre ce qu'elles en ont déjà reçu ; et puis vous enverrez le mémoire de tout à Sa Charité ; puis elle vous écrira comme quoi vous les distribuerez, et combien en chaque maison ; et le prix qu'il en faudra tirer, elle vous l'écrira aussi. Dites-nous qui vous a donné l'argent que vous dites avoir reçu de nous, pour tout ce que vous nous en avez envoyé. Nous vous prions aussi que, quand il se pourra, vous fassiez tenir à Crémieux la cassette de ma Sœur A. C. de Beaumont, comme aussi les autres hardes que vous avez de notre digne Mère, et autres choses, afin que quand l'on mènera ma Sœur Anne-Marie [Rosset] à Crémieux,[70] on le puisse apporter ; mais il se faut bien garder de le donner s'il y a aucune infection, de quoi vous nous en avertirez au plus tôt.

[De la main de la Sainte.] Ma très-chère fille, comme je faisais écrire ce billet, Mgr nous a apporté ses lettres toutes ouvertes. Elles sont un peu plus fermes que je ne les attendais ; [269] mais c'est la condition de son esprit d'aller aussi droit. Je crois toutefois qu'elles peuvent être montrées, s'il en est besoin, et qu'elles suffiront pour faire voir son intention en votre retraite laquelle il faut toujours conduire avec douceur, sans rien précipiter ; car le temps aidera beaucoup à cela. — Bonjour, ma vraie très-chère fille.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMXXII - À LA MÈRE CATHERINE-CHARLOTTE DE CRÉMAUX DE LA GRANGE

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Sentiments héroïques de soumission à la volonté de Dieu, en sachant le premier monastère de Lyon désolé par la peste.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1629.]

Je désire de vos nouvelles avec tant d'affection, que j'aurais peine d'empêcher l'inquiétude, si je ne regardais le bon plaisir de Dieu. Cela est sensible, ma fille, mais Notre-Seigneur le veut ainsi, et j'espère en sa douceur qu'il y aura plus de peur que de mal.[71] Nous nous voudrions vendre et engager pour vous servir ; je vous dis ceci avec un véritable sentiment, et je vous prie nous faire savoir en quel lieu et comme on vous portera vos petits besoins ; car cela m'est bien dur de vous savoir en nécessité. Cependant nous prierons sans cesse que Dieu vous continue votre courage. [270]

Mon Dieu ! ma fille, que de consolation en mon âme, de voir la pratique de la véritable charité et union que Dieu a mise entre nous, exercée avec tant de ferveur et de cordiale affection ! Au reste, je vous prie de ne vous point mettre en peine, car je sais par expérience combien cela fait de mal. J'admire, me souvenant de la tendresse où j'étais pour nos maisons, comme je suis maintenant sans aucun souci, soin et appréhension, ni presque pensée de ce mal. Nous nous sommes fort mises entre les mains de Dieu, et demeurons là dans une entière dépendance de tout ce qui Lui plaira faire de nous, sans soin que de mettre le meilleur ordre qu'il nous est possible, pour éviter les occasions de mal ; et je ne vois nulle apparence qu'il entre céans, sinon que la volonté absolue de notre bon Dieu nous le veuille donner. En ce cas, il sera le bienvenu et tout chèrement reçu ; car il n'y a moyen de ne pas aimer cette divine volonté, de quelque part qu'on la voie partir de son Cœur tout paternel. Je loue Dieu des grâces qu'il a faites à votre âme, laquelle Il prépare à beaucoup de bénédictions. Correspondez fidèlement, ma très-chère fille, par un vrai anéantissement de tout ce qui n'est point Dieu, afin que vous ne viviez plus pour vous-même et à vos propres inclinations, mais que l'esprit de Jésus vive et opère en vous selon ses désirs. Il soit pour jamais notre unique amour.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy. [271]

LETTRE CMXXIII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-MARGUERITE MICHEL

SUPÉRIEURE À DIJON

Bon état de sa communauté et de celle de Pont-à-Mousson.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, avril 1629.]

Ma très-bonne et chère fille,

Encore ce billet de ma main, puisque l'on ne veut plus que j'écrive que par main empruntée. Mais croyez que ce sera toujours avec tout mon cœur, qui vous chérit cordialement et votre aimable troupe, que je prie Dieu de remplir avec vous de l'abondance des mérites qu'il nous a acquis par sa douloureuse mort et glorieuse résurrection. Je suis consolée de votre accroissement en si bonnes âmes, et de quoi ma pauvre petite Blondeau est si douce et aimable. Dieu la rende sa vraie fille ! Et la petite Jacotot, que fait-elle ? J'aime chèrement ces bons parents-là, mais je ne puis écrire. — Il ne faut pas faire votre élection cette année, car il n'y a pas deux ans et demi que vous êtes là. — Faites promptement tenir celle que j'écris à notre Sœur la Supérieure de Pont-à-Mousson ; je l'aime bien, cette fille-là ; elle gouverne selon l'Institut, et Dieu la bénit ; elle a de bonnes Sœurs. Je vous ferai dire le reste, ma fille ; je suis toute à vous.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Soleure. [272]

LETTRE CMXXIV - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX

Conseils pour le gouvernement du monastère. — Il ne faut pas donner le petit habit à des enfants trop jeunes.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, avril 1629.]

Ma très-chère sœur,

Je bénis Dieu de ce que vous êtes arrivée heureusement, sans qu'il vous soit arrivé aucun accident par les chemins ; mais plus encore de la cordialité et ouverture de cœur avec laquelle vous avez été reçue de nos chères Sœurs, ce qui, je ne doute point, vous a été une consolation toute particulière, voyant leur bonté et vertu, surtout de ma Sœur l'assistante, laquelle plus vous la connaîtrez, plus vous l'affectionnerez ; car c'est une fille d'un jugement solide et qui a le cœur droit et sincère. J'espère en la bonté de Notre-Seigneur que la suave et cordiale union sera parfaite entre vous. Et pour ce qui est de votre gouvernement, ma chère fille, après en avoir bien consulté avec vos Sœurs, faites avec une sainte liberté et gaieté d'esprit ce que vous verrez devoir être fait pour la plus grande gloire de Dieu.

Et pour ces dames [de Saint-Julien et de Mépieu], desquelles vous m'écrivez, je vous supplie, ma chère fille, de leur témoigner toujours une cordiale dilection ; car, outre qu'elles sont dames pleines de mérite, nous y avons encore des obligations particulières, pour l'affection qu'elles nous ont fait paraître. Mais pour cette fille qu'elles vous pressent de recevoir, qui n'a que six ans, le Coutumier vous le défend tout à fait, sinon qu'elles la fissent entrer en qualité de fondatrice, parce qu'en cet âge-là elle n'est capable de rien. Que si ces dames permettaient qu'elle fût mise entre les mains de quelque honnête [273] femme en pension pour quatre années, vous la pourriez, par après, recevoir pour le petit habit ; et pendant ce temps-là, on vous l'amènerait souvent et lui pourriez donner même des enseignements ; mais hors de là je ne vois pas qu'elle le puisse être, puisque le Coutumier le défend.

Je désirerais de déférer à madame la présidente de Granet toutes sortes de respect ; mais pour cette bonne mademoiselle de N. nous avons des raisons suffisantes pour quoi on ne la peut point recevoir parmi nous. Lorsque nous passâmes à Bourg, on fit ce que l'on put afin que nous la reçussions ; mais nous ne la voulûmes en point de façon. Vous pourrez encore écrire à nos Sœurs de Bourg, et les prier qu'elles vous en disent cordialement ce qu'elles en pensent ; car, pour ce point, je m'en remets à ce qu'elles vous en diront, parce que je ne m'en souviens pas bien, mais oui bien, de vous aimer et chérir tout cordialement et votre chère troupe. Que Dieu vous bénisse toutes des miséricordes de sa sainte Passion ! Je salue nos dames, mais je ne puis leur écrire. Je me porte mieux, Dieu merci ! — Quant au compte de la dépense, il faut que vous mettiez les choses comme vous les trouvez. — Ma Sœur l'assistante peut être continuée assistante et directrice et votre coadjutrice ; mais vous aurez le soin de cacheter les lettres, parce qu'elle ne pourrait avoir le temps de faire tant de choses.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [274]

LETTRE CMXXV (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

À GRENOBLE[72]

On ne doit pas, malgré la contagion, quitter la clôture sans un danger imminent.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, avril 1629]

Ma très-chère et vraiment aimée fille,

Puisque la -Providence de Dieu a permis que vous ayez été envoyée là, et que sa Bonté veut que vous y trouviez de la besogne, je l'en bénis de tout mon cœur, espérant que votre travail réussira à sa plus grande gloire ; aussi est-il dommage que les bons ouvriers se reposent. Il nous sera fort aisé d'accorder à ces bonnes Sœurs de vous y laisser pour quelque temps, à cause de la maladie qui s'épanche si fort partout, qui nous fait croire que la fondation de Piémont ne se fera point encore, parce qu'on veut la laisser passer partout. On fait la quarantaine en cette ville, de sorte que nous n'avons pas même la commodité d'envoyer et de recevoir des lettres de Chambéry, tellement, ma chère fille, que selon l'apparence vous aurez du temps pour travailler autour de ces chères Sœurs, vous, étant enserrée d'un côté, et nous, de l'autre. Vous avez très-bien fait de leur permettre de nous écrire ; je ne leur fais point de réponse parce que je n'y vois point de nécessité ; votre soin peut suppléer à tout cela. [Plusieurs lignes inintelligibles.]

Quant à la petite de Granieu, je serais entièrement marrie si elle perdait sa vocation ; car, outre que c'est un esprit qui promet beaucoup, avec la grâce de Dieu, elle est fille d'une si sainte âme, et laquelle nous chérissons avec tant d'affection, [275] que nous voudrions faire tout ce qui se peut pour sa consolation ; mais, pour maintenant, nous ne sommes libres ni d'une part ni d'autre, je ne sais pas quand cela se pourrait faire. Si toutefois la maladie cesse dans Grenoble, et qu'au bout de six semaines elle la veuille envoyer, nous la recevrons de très-bon cœur.

Quant à ce que vous me dites, ma très-chère fille, de quitter Grenoble, certes, nous ne devons point sortir de nos maisons que pour des occasions très-pressantes et absolument nécessaires. Deux de nos maisons l'ont fait ; mais ç'a été pour une pire et absolue nécessité, pour n'avoir ni de logis, ni de quoi être secourues. Mais nos Sœurs sont si bien et en si bon air qu'avec la grâce de Dieu, elles n'ont rien à craindre ; car elles sont presque comme aux champs. Je supplie humblement ma Sœur la Supérieure de faire ce que nous lui en exprimons pour ce sujet ; j'espère en la miséricorde de Dieu que ce ne sera rien, et que, puisque Messieurs de Grenoble ont eu leur recours à Dieu par l'intercession de la Sainte Vierge et de ce grand Saint, qu'il exaucera leur prière. Je L'en prie de tout mon cœur ; mais il ne faut rien oublier pourtant de tous les remèdes qui peuvent servir de préservatifs du mal. — J'écris à ma Sœur l'assistante pour toutes celles qui m'ont écrit ; voyez ce que je lui dis, j'enferme la lettre dans la vôtre. Il ne faut pas manquer, si la maladie continue et s'accroît, d'en tenir les Sœurs ignorantes et leurs esprits fort joyeux. Au reste, il me fâche bien de ne pas vous écrire de ma main, mais vous savez que l'on me l'a défendu ; mais non pas de vous aimer très-chèrement, ce que je fais de tout mon cœur, et vous me consolez de le bien croire. Dieu vous rende toute selon son Cœur. Amen.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse. [276]

LETTRE CMXXVI - AUX SŒURS DE LA VISITATION DE MONTFERRAND

Elle leur conseille d'élire pour Supérieure la Sœur A. T. de Préchonnet.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1629.]

Vraiment, mes très-chères filles, je n'ai garde de vous conseiller de chercher une Supérieure hors de chez vous, puisque votre chère Sœur Anne-Thérèse[73] est sur la fin de son noviciat. Et je vous dis, selon la vérité qu'il me semble en avoir de Dieu, que, comme la conduite de cette âme est tout extraordinaire, vous pouvez vous dispenser de la coutume ordinaire au sujet de son élection, et qu'une heure après sa profession, vous ferez une action digne de votre jugement de la choisir pour votre Supérieure, parce que vraiment sa vertu mérite que nous comptions le rang de son ancienneté dans l'Institut par le jour auquel elle est entrée dans votre monastère, puisque dès ce [277] moment elle n'a cédé à aucune autre en ferveur d'esprit, et que vous dites en toute vérité qu'elle vous a servi d'exemple par son exactitude à l'observance de nos Règles.

LETTRE CMXXVII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À RIOM

Bon état de la maison de Riom. — Saint François de Sales n'approuvait pas les changements de monastère. — Comment faire la correction.

[Annecy], Ier mai 1629.

VIVE † JÉSUS !

Ma très-chère fille,

Vos vieux péchés vous sont de bon cœur pardonnés, étant très-assurée que ce n'est point par le défaut d'une sincère et véritable affection à mon endroit que j'ai été privée de vos lettres, de quoi il me lardait un peu ; car certes, ma très-chère fille, elles me sont fort douces ; je vous prie donc que nous ayons un peu plus fréquemment de vos nouvelles. — J'ai été consolée [278] de savoir l'état de votre maison. Je bénis Dieu de ce qu'il est tel que vous me dites. Vous avez très-bien fait de distribuer les charges comme vous avez fait, car c'est le moyen de bien connaître les esprits ; et pour ces deux bonnes Sœurs, lesquelles se trouvent avoir de l'antipathie ensemble, je laisse à votre douceur et bonne conduite de les aider et faire profiter de cette occasion. La charité lie et unit toutes choses. J'écris à celle que vous désirez ; mais non pas de ma main, parce qu'il m'est défendu, comme vous voyez, vu [que je] me sers même d'une main empruntée pour vous écrire.

Je suis bien aise qu'il vous ait pris un peu du scrupule de ce que vous n'avez encore écrit [l'histoire de] la fondation de votre maison, parce que cela sera cause que vous la nous enverrez plus tôt, comme je vous en supplie. — Je vous avais priée de vous informer un peu de madame Chaudon de la vie de ma Sœur Marie-Renée, notre chère fondatrice qui mourut à Lyon, et de nous envoyer un peu ses principales vertus ; je vous conjure encore, ma très-chère fille, de vous en ressouvenir. — Et quant à l'alarme que vous avez eue, que je n'aille en Piémont, la Providence de Dieu y a pourvu, ayant permis que la maladie se soit prise en une maison de cette ville, en sorte que nous sommes dans la quarantaine, et si bien j'espère avec la grâce de Dieu que ce ne sera rien et qu'elle s'arrêtera là, elle jettera néanmoins à la longue les affaires, et je pense que ce sujet, avec la considération de ma défluxion, qui m'a encore fort travaillée ce carême, servira pour m'excuser d'y aller ; et ainsi, ma très-chère fille ne pleurera plus sa pauvre vieille Mère, qui ne partira de ce monde que quand il plaira à Dieu.

Je compatis aux infirmités corporelles et spirituelles de ma pauvre Sœur N. Mon Dieu ! que ne considère-t-elle une bonne fois que tout son bien et bonheur est en la parfaite soumission et l'obéissance à sa Supérieure ! Au reste, j'ai aussi peu de mémoire de lui avoir jamais parlé d'être directrice qu'il y avait [279] peu d'apparence qu'elle m'en fît la proposition, et crois que si elle m'en eût parlé, que je vous l'eusse dit. Elle a eu désir, étant à Moulins, d'aller ailleurs ; étant ailleurs, elle désire de retourner à Moulins ou à Autun ; cela fait bien voir l'inconstance de son esprit, auquel, certes, je voudrais bien que nous pussions satisfaire pour son contentement et le soulagement de votre maison et le vôtre particulier ; mais il n'y a nulle apparence que ni l'une ni l'autre la veuille recevoir. Néanmoins, vous lui pouvez permettre pour son soulagement d'en écrire elle-même aux maisons où elle désire d'aller, et de faire tout ce qu'elle pourra pour cela, et vous aussi, y contribuant quelque chose selon son désir, afin qu'elle voie que sa consolation prétendue ne dépend pas de vous, ajoutant à votre lettre que vous m'en avez écrit, mais que je ne puis avoir sentiment à ces changements-là, que notre Bienheureux Père a tout à fait condamnés dans ses Épîtres, et que les filles auraient meilleur temps de travailler au lieu où la Providence de Dieu les a mises, que de s'amuser tant à tracasser autour de ces changements. — Je suis tout étonnée de voir les petites humeurs de ma Sœur N. ; elle a pourtant une bonne âme, et je pense que tout cela ne procède que d'un peu de faiblesse. Certes, les tricheries des filles qui ne tirent point de conséquence se guérissent plutôt en les étouffant et négligeant que par tout autre remède.

Il faut dire le reste de ma main. Mon Dieu ! ma très-chère fille, il vous faut bien une double charité pour supporter foutes ces filles en leur fâcheuse humeur ; mais voulez-vous bien que je vous dise que jamais il ne faut convaincre une Sœur tandis qu'elle est dans le sentiment de sa passion, ni guère autrement, si la chose n'est de grande importance, parce que cela laisse des amertumes ; mais vous fîtes excellemment de bien laver la tête à notre Sœur N. en particulier et après qu'elle fut rassérénée : c'est le moyen de leur rendre profitables les corrections [280] quand on les leur fait de sang-froid et qu'elles ne sont plus animées. — Je n'ai point vu la lettre de votre Sœur assistante. — La divine Bonté vous comble et votre chère troupe de l'abondance de ses grâces ! Amen. Vous savez ce que je vous suis, cela est invariable. Je salue les chères amies et le bon M. Amhélion.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMXXVIII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Les Sœurs de Lyon manquent à l'équité et à la Règle en refusant de laisser partir la Mère de Blonay, élue à Grenoble.

[Annecy], 1er mai [1629].

VIVE † JÉSUS !

Ma très-chère fille,

J'ai reçu hier ou avant-hier vos dernières [lettres], et quelque peu de jours auparavant la vôtre grande. Je vois donc que ce que vous m'écrivez et ce que je vous écris est vu, ce que je ne croyais pas ; car toujours on a laissé la liberté aux Sœurs de m'écrire et recevoir mes lettres sans être vues, parce que c'était l'intention de notre saint Père. Mandez-moi, je vous prie, comme cela s'est fait ; car la confiance que j'ai avec vous est si particulière que je ne la puis étendre librement sous un autre esprit que le vôtre.

Vous me parlez de votre cœur, et je vous répondrai du mien, et comme à vous et seulement à vous. Certes, je ne suis pas bien édifiée de votre chère Sœur la Supérieure qui se laisse ainsi emporter à ses sentiments. Mgr de Genève non plus, qui trouva grandement étrange ce qu'elle lui écrivit, et si elle s'en souvenait, elle ne serait pas derechef si touchée de sa réponse, ni M. Brun. Je vois bien que l'on ne connaît pas ce prélat, et [281] que la grandeur de Lyon est si haute auprès de notre petitesse, qu'il semble que tout lui doit rendre hommage, et que nous sommes fort peu de chose. Certes, nous voulons bien nous tenir pour cela ; mais je pense que l'on ne le devrait pas faire. Or bien, cela n'est rien, car Dieu sait notre prix et que nous ne voulons que sa seule gloire. Il sait et voit aussi qui se tient le plus dans l'esprit du Bienheureux Père, et dans les coutumes de l'Institut. Nous pensons qu'avec la grâce de Dieu nous aimerions mieux mourir que de rien faire à notre escient contre cela ; mais, voyez-vous, ma très-chère fille, chacun pense aussi le même. Je ne doute point que vous soyez utile là, mais non pas nécessaire ; et je suis aussi peu étonnée de quoi l'on dit le contraire, car je suis faite dès longtemps à tels discours ; mais venons au fond. Ma très-chère fille, où est-ce que l'on a vu une telle attache que celle qui se témoigne en cette occasion, qui nous a contrariées de la sorte ? que ferions-nous si chacun voulait ainsi nous lier les mains et retenir nos filles pour eux seuls, sans en pouvoir secourir l'Institut ? quel exemple aux autres maisons ! n'en tirera-t-on pas de mauvaises conséquences ? cela n'est-il pas contre les sentiments de notre Bienheureux Père, et contre la coutume et pratique de l'Institut ? Mais de quelle douceur n'avons-nous pas usé, promettant de vous rendre, quand leur besoin Je requerra, comme certes c'est notre désir.

Depuis tout cela, la vraie nécessité de la maison de Grenoble a fait recourir ici, et Mgr de Genève, n'ayant autre moyen de les secourir, vous a proposée et notre Sœur la Supérieure de Marseille ; mais ils vous ont élue. Quel moyen de refuser cela, si vos infirmités ne servent de légitime excuse ? et en ce cas, et que l'on veuille toujours [vous] garder, quel moyen de secourir cette maison-là de celle qui est ici ? car nous sommes aussi nécessitées d'en donner une à Chambéry. Et celle maison demeurera-t-elle seule, tandis que nous serons en Piémont, où [282] nous serions allés si le mal contagieux ne fût arrivé ici ? Pendant que cela passera, l'on se pourra servir de notre Sœur A. -Catherine [de Beaumont].

Mais tout cela n'est pas considéré ; et il faut, pour donner contentement, que nous disions que nous serons très-aises que vous demeuriez là. Certes, ma très-chère fille, Dieu, qui voit mon cœur, sait que d'une affection très-tendre je voudrais que nous le pussions faire, pour le contentement de cette chère fille qui le désire, et tant d'autres ; mais tout ce que nous pourrons faire, c'est de supporter sans amertume et sans diminution de dilection la continuation du refus, si on le fait. Que si Dieu vous continue vos infirmités, et que sa Providence divertisse les fondations du Piémont, certes, nous nous réduirons à tel point que l'on aurait sujet de croire que nous sommes bien plus pliables, quoique vieilles, que ne le sont les jeunes ; mais toujours nous voudrions, pour la conséquence et autres bonnes raisons, que vous vinssiez ici, bien que pour un peu de temps, et que ma Sœur la Supérieure fît cela avec un cœur cordial et tel qu'elle le doit avoir pour nous, et pour conserver les coutumes de l'Institut ; puis nous vous renverrons là gaiement et franchement ; cela ne vous semblerait-il pas bien doux et raisonnable, ma très-chère fille ? Au reste, je ne puis celer que ce n'est pas aux Sœurs de votre communauté à juger si c'est bon ou non que l'on vous rende à qui vous appartenez. Certes, en bon français, parmi tout le procédé de cette affaire, et dès votre déposition, on n'a point [agi] selon la candeur et le respect que l'on devait avoir avec ceux de qui vous dépendez ; car enfin l'on n'y a pas seulement pensé, sinon à vous garder.

Or voilà trop écrire, pour avoir défense de ne le pas faire de ma main. La maladie qui s'est prise ici, qui est à Grenoble et encore à Lyon, nous donnera un peu de loisir, et cependant nous verrons si votre santé s'affermira assez pour vous charger de cette grande maison de Grenoble et si notre chère Sœur la [283] Supérieure ne s'accoisera point. J'espère qu'un peu de temps la calmera, et disposera à nous donner franchement ce que nous désirons justement. Oh ! ma fille uniquement chère et vraiment chère comme ma propre âme, je ne saurais dissimuler l'extrême consolation que j'espère de vous, et le désir que j'ai d'en jouir un peu ; car certes je confesse bien que je ne la mérite pas pour toujours, et ne voudrais pas aussi pour ce seul sujet priver une de nos maisons du bien et utilité que vous y pourriez rendre ; mais, hélas ! pour un peu je crois que Dieu aura bien agréable de nous donner cette sainte consolation, que nous désirons également pour sa seule gloire.

J'ai tant répondu pour Saint-Étienne que rien plus. — Adieu, ma vraie très-chère fille, je n'en puis plus. Je n'ai point encore donné votre lettre à Mgr ; il la recevra bien. Toutes celles que notre Sœur [de Châtel] Supérieure d'ici vous a écrites, ç'a été selon sa bonté, sans aucune amertume ni dessein de vous mortifier, ni ombre de méfiance de votre obéissance. Quand Dieu nous aura affranchies de la maladie, et que les choses seront disposées, nous enverrons l'équipage et écrirons à M. de la Paye. Ma fille, voyez ce que j'écris à M. Brun, et vous portez en cette affaire selon ce que j'attends de vous. — Ma très-chère Sœur, si vous n'avez pas de nos nouvelles, ne laissez pas de nous envoyer des vôtres ; car nous vous enverrions plutôt un homme exprès pour en savoir ; envoyez-nous-en comme vous pourrez. Quoi que je dise, je vous donne liberté de montrer cette lettre, si vous le jugez à propos.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [284]

LETTRE CMXXIX - À MONSEIGNEUR ANTOINE DE REVOL[74]

ÉVÊQUE DE DOL, EN BRETAGNE

Remercîment pour la protection qu'il accorde à la Visitation de Dol.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 14 mai [1629].

Mon très-honoré Seigneur,

Vous ne sauriez croire combien la douceur de votre lettre est entrée avant dans mon cœur ; je l'ai reçue avec le respect que je vous dois, et avec une consolation sensible de voir ce tendre amour que votre cœur paternel a pour ces chères âmes, que la divine Providence a données à votre piété et confiées à votre soin. Je supplie cette infinie Bonté de leur continuer à longues années ce bonheur par la conservation de votre vie, mon cher seigneur ; et, à vous, la douce joie et consolation que vous prenez en leur dévotion, et en l'amour et obéissance filiale qu'elles vous doivent et désirent de toute leur affection de vous rendre, y étant très-étroitement obligées, même par l'assistance très-charitable que vous avez faite à notre chère Sœur la Supérieure pendant sa maladie, de laquelle elle ne peut assez [285] se louer, bien qu'elle me le témoigne par sa lettre, dont elle vous rend mille très-humbles grâces, mon très-cher seigneur. Vous imitez bien en toutes façons la douceur et débonnaire charité de celui que vous honorez avec un amour et respect tout filial. Je le supplie de vous impétrer de la divine miséricorde une abondance de grâces et bénédictions célestes, et vous, mon cher seigneur, je vous conjure de me donner quelquefois part en vos saints sacrifices et prières, puisque je suis, avec une affection pleine d'honneur et de dilection, Monseigneur, votre, etc.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Saint-Céré.

LETTRE CMXXX - À LA MÈRE CATHERINE-CHARLOTTE DE CRÉMAUX DE LA GRANGE

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Nécessité d'envoyer une nouvelle Supérieure à Paray. — Les communautés auxquelles on a souvent recours pour les fondations peuvent recevoir jusqu'à quarante-cinq Religieuses, mais ne pas dépasser ce nombre.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, mai 1629.]

Ma très-chère fille,

Je trouve fort à propos que l'on change la Supérieure de Paray, et pour cela j'écris selon votre désir à ma Sœur la Supérieure d'Autun, et laisse la lettre ouverte où vous pourrez prendre le prétexte que vous voudrez pour la faire retournera Lyon. D'y laisser pour Supérieure la Sœur assistante, je la trouve trop jeune d'âge et de Religion, outre que je crois, selon l'apparence, qu'elle sera un peu dégoûtée de ce lieu-là ; et comme cela, vous ne pourriez vous affermir prou solidement sur l'avis d'une jeune pour le changement ou la demeure du monastère dans Paray. [286]

Pour ma Sœur Marie-Denise [Goubert], vous ferez fort bien de l'y envoyer ; elle est sage et solide en la vertu, et laquelle a bien des dons de Dieu pour réussir heureusement en la charge de Supérieure. On voit toujours plus l'importance qu'il y a de bien servir les monastères de bonnes Supérieures. Et pour ce que le confesseur de nosdites Sœurs vous a dit, il ne faut pas ajouter grand fondement, car une personne qui n'est pas satisfaite du monastère trouve toujours bien à censurer. Or il faudra conduire bien doucement la retraite de la Supérieure, afin que rien n'éclate qui puisse être de mauvaise odeur. Je vous avais bien dit d'envoyer quelqu'un à Paray, qui fût bien capable de juger si le lieu était propre pour y maintenir avec paix et tranquillité un de nos monastères. Pour moi, je vous en ai dit mon sentiment, lequel je soumets à ceux qui en auront plus de connaissance.

Nous n'avons pas encore reçu vos lettres que vous écrivîtes au bout de votre quarantaine. Voici les premières que j'ai reçues depuis que vous avez eu le mal chez vous. Je bénis Dieu de la vertu que nos Sœurs ont témoignée en ce sujet. — Et pour la réception de tant de filles qui se présentent, votre nombre étant si grand, certes, si vous n'avez pas des fondations prêtes, il n'y a pas d'apparence de vous charger davantage, car une Supérieure a assez à faire à bien servir une si grande famille. Si vous remarquiez quelque âme d'élite qui par sa vertu méritât d'être gratifiée, vous le pourriez faire ; mais autrement vous vous surchargeriez trop. Notre Bienheureux Père me dit que quarante ou quarante-cinq suffisaient bien, en cas de fondation ; mais à présent il ne s'en trouvera plus guère. II y a en ce monastère le même nombre que vous avez. Dans quelque temps ma Sœur Péronne-Marie de Châtel s'en ira à Chambéry être Supérieure ; mais nonobstant que la fondation du Piémont soit prêle, certes, nous ne recevrons plus de filles, quoique il y en ait grande quantité qui se présentent, sinon, comme je vous ai [287] dit ci-dessus, quelque âme bien d'élite et qui mérite gratification toute particulière.

Pour ce qui est de mettre mon nom dans les Épîtres, je laisse cela à l'avis des personnes sages et prudentes. Il ne faut faire que ce qui sera plus à la gloire de Dieu. — Je vous dis derechef que vous ne pouvez mieux faire que d'envoyer pour Supérieure ma Sœur Marie-Denise, à Paray. Cela vous ôtera toute la crainte que vous pourriez avoir d'ôter le monastère de ce lieu-là, sans bon et légitime sujet. La solidité de cette bonne Sœur vous [affranchira] de tout doute ; et déplus, puisque ainsi que vous dites, ces deux bons Révérends Pères [Jésuites] persévèrent à croire que ce lieu-là est propre pour un de nos monastères, de bon cœur j'acquiesce à leur sentiment que je sais être bon et solide, comme venant d'âmes auxquelles je crois que l'Esprit de Dieu réside.[75] — Cette lettre est mal fagotée, mais il n'y a remède. Il m'a été impossible d'écrire de ma main, mais votre bon cœur, ma très-chère fille, le veut bien ainsi, puisque vous êtes ma très-chère fille, et je suis votre pauvre vieille Mère, toute vôtre en l'amour sacré de Notre-Seigneur, que je souhaite combler nos cœurs. Amen.

[P. S.] Ma très-chère fille, nous voyons tant et de si notables fautes en l'impression du Coutumier, qu'il faudra nécessairement ou le réimprimer tout entier, ou du moins quelques feuilles les plus importantes. Certes, M. Cœursilly en a tort, et ceux qui y ont ajouté en trois ou quatre endroits des choses qui n'y avaient jamais été. Si je puis, j'en enverrai un tout accommodé ; mais, cependant, dites à ma très-chère Sœur Marie-Aimée qu'elle [288] attende cela à les envoyer aux monastères ; nous n'avons pas encore reçu sa liste.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMXXXI - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À AUTUN

Changement de la Supérieure de Paray. — Peste à Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, mai 1629.]

Ma très-chère fille,

Nous sommes toujours dans la peine où nous avons été pour le changement de cette maison de Paray, ce qui est cause que les Supérieurs sont résolus de faire revenir la Supérieure qui y est, et d'y envoyer une autre, pour éprouver si cette fondation pourra demeurer en ce lieu-là ou non. Je vous dis les choses naïvement à vous, ma chère fille, car je ne saurais déguiser avec mes Sœurs. Mais ce n'est pas que vous ne deviez dire aux Supérieurs de cette maison-là que la Supérieure a fait ces trois années, et que l'on trouve bon de la retirer avec celles que l'on jugera plus à propos de ses filles ; et dites hardiment que c'est moi, afin que vous fassiez agréer audit Supérieur qu'elle se retire le plus doucement qu'il se pourra, pour voir si une autre y réussira mieux qu'elle.

Au reste, nous nous portons toutes fort bien, grâce à Notre-Seigneur, quoique la contagion s'augmente fort en cette ville ; mais nous espérons que Dieu nous préservera. Nous sommes bien retirées, et point de maison ne nous touche, et nos Sœurs tourières ne sortent point ; en sorte qu'il ne nous peut point arriver de mal, si ce n'est que Dieu par sa Providence nous en veuille frapper. En ce cas, il sera le bienvenu, je vous en [289] assure. Cependant, je vous prie, ma chère fille, obligez-nous de nous envoyer un peu des Agnus Dei que vos Sœurs font si bien, parce que l'on ne les sait pas faire comme cela céans. — Faites bien cette commission, ma vraie très-bonne fille, car la gloire de Dieu requiert ce changement. Au reste, ne vous mettez pas en peine si vous n'avez pas de nos nouvelles ; car nous ne pourrons écrire qu'avec peine, tandis que le mal durera. — Vivez toujours toute à Dieu avec votre simple et innocente troupe que je chéris tendrement, mais certes, leur chère Mère tout incomparablement, comme ma très-bonne et cordiale fille que je souhaite toute sainte.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMXXXII - À LA MÊME

Soumission de la Sainte à la divine Providence ; sa détermination de ne point quitter Annecy tant que durera l'épidémie. — Nouvelles des Sieurs de Paray. — Dévouement de Mgr de Genève.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1629.]

Il me semble, ma très-chère fille, que je vois votre cœur tout plein d'affection pour votre pauvre vieille Mère, qui se va lamentant d'appréhension et de crainte qu'il ne lui arrive du mal. Non, ma chère fille, bon courage, elle est entre les mains de Dieu, il ne lui arrivera que ce que sa Bonté voudra ; et cela ne le voulons-nous pas ? oui, sans doute Je m'assure que vous le direz de bon cœur, quoique la nature y ait de la répugnance ; car enfin je sais bien que nous voulons être soumises à ses divines ordonnances en toutes sortes d'événements, puisque nous sommes bien assurées que rien ne nous peut arriver que par l'ordre de la divine Providence, au soin de laquelle nous [290] nous devons remettre entièrement de tout. Or sus, vous ferez ainsi, ma très-chère fille, et attendrez avec confiance tout ce qu'il plaira à Dieu de faire de nous qui sommes sous sa protection, espérant qu'il nous préservera, s'il Lui plaît ; car nous sommes si bien logées et si bien aérées ; nous ne fréquentons avec personne qu'un peu avec Mgr et quelqu'un des siens ; nos Sœurs tourières ne sortent point, et, à votre exemple, nous faisons cuire le pain dans le monastère, et y lavons nos lessives en une belle rivière qui passe dessous la maison ; enfin nous sommes si bien qu'il semble qu'il ne nous saurait arriver du mal que de la main de Dieu, de laquelle il sera le très-bienvenu et tout ce que sa Bonté voudra nous envoyer. Je vous dis tout ceci afin que vous demeuriez en paix et ne soyez pas si en peine de nous.

Je vous prie aussi, ne faites pas savoir que la maladie soit si grosse ici comme elle l'est, à ma fille de Toulonjon ; je lui ai bien écrit qu'il y avait un peu de mal ; mais non pas qu'il y fût grand, à cause que cela la tiendrait en appréhension. Pour moi, je suis résolue, puisque Dieu m'a mise ici, d'y demeurer, et je ne vois point d'apparence que j'en puisse sortir pour aller à Autun, ni autre part. Je ne laisse de vous être obligée de votre bonne volonté, ma très-chère fille, et du soin que vous avez de procurer ma conservation. — Mais, au reste, pour ce qui est de nos Sœurs de Paray, je vous ai écrit ces jours passés que l'on avait pris résolution de retirer la Supérieure qui y est, pour y en envoyer une autre, et vous prier de lui faire donner son obéissance par ses Supérieurs, afin qu'elle se retire doucement, et qu'en y mettant une autre l'on fasse un nouvel essai si cette maison pourrait demeurer là. Ç'a toujours été mon sentiment qu'elles n'y seraient jamais bien ; mais leurs Supérieurs de Lyon ne l'ont jamais su goûter, encore que je leur en aie écrit plusieurs fois, parce que des Pères de grande autorité leur assuraient le contraire. Je leur remets le tout et les laisse faire comme ils [291] jugeront plus à propos. Vraiment, ma très-chère fille, nous nous connaissons trop bien nous deux pour ne me pas dire toutes vos pensées et sans aucune considération. Allez toujours ainsi avec moi, je vous en prie, avec toute sorte d'ouverture de cœur. Quel ordre puis-je mettre à toutes ces petites paroles qui offensent ? je n'y en sais point de meilleur que de faire du mieux que nous pourrons et laisser parler le monde. L'on nous connaît assez, grâce à Dieu.

Le porteur est si pressé qu'il ne nous donne le temps de vous pouvoir envoyer des Règles maintenant, ce sera une autre fois. Je salue chèrement toutes nos Sœurs et vos deux nièces. Je les souhaite toutes de vraies filles de notre Bienheureux Père, et vous particulièrement, ma chère fille, que je conjure de bien faire prier Dieu pour Mgr de Genève, qu'il le conserve, d'autant qu'il s'expose pour nous, qui sommes en bonne santé toutes jusqu'à maintenant, Dieu merci. Ma très-aimée chère fille, je vous écris dans un empressement nonpareil ; mais vous savez quel cœur Dieu m'a donné pour vous. Il est tout à fait plein d'une extraordinaire affection, qui me rend intimement vôtre, et vous, toute mienne ; je le sens au milieu de mon cœur. Mille saluts à nos chères Sœurs, et à notre bon M. de la Curne et à notre chère sœur sa femme.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMXXXIII - AUX MÈRES C. CH. CRÉMAUX DE LA GRANGE ET M. À. DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

En quoi consiste la perfection. — Éloge du nouvel archevêque de Lyon.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 2 juin [1629].

Oh vrai Dieu ! que vous êtes toutes deux extrêmement mes [292] très-chères filles, quoique chacune selon le rang que la divine Providence lui a donné dans mon chétif cœur, qui ne peut cesser de vous souhaiter la plus haute perfection qui se puisse avoir en ce monde, que je crois être en la plus profonde humilité et véritable simplicité qui s'y puisse pratiquer ; ainsi Dieu nous unisse parfaitement à Lui, et à tous ses desseins éternels qu'il a daigné faire sur notre petitesse.

L'on m'écrit que Mgr [du Plessis-Richelieu] votre archevêque sera bientôt à Lyon ; c'est un prélat doux, à ce que l'on dit, affectionné à notre Institut, qui a témoigné grande affection à nos Sœurs d'Aix, mais qui veut que l'on traite avec simplicité et confiance grandes en son endroit, ce que j'ai cru vous devoir dire, en saluant vos cœurs très-chers et bien-aimés du mien tout pauvre, pour lequel je demande l'aumône de vos prières. — Écrit sans loisir et toujours toute vôtre.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMXXXIV (Inédite) - À LA SŒUR  MARIE-JULIENNE BERTRAND DE LA PERROUSE[76]

À CHAMBÉRY

Conseils pour l'oraison.

[Annecy. 1629.]

Ma très-chère fille que je chéris de tout mon cœur,

Croyez que je n'aurais pas moins de consolation à vous ouïr parler rie votre bon et cher cœur, que vous à m'en déclarer tous les [293] sentiments, ce sera quand il plaira à Notre-Seigneur, cependant il m'est avis que par votre lettre vous me le faites voir bien clairement. Le grand bien et profit de l'âme se tirent de la sainte oraison, et le seul moyen de la bien faire, c'est de mettre simplement son cœur devant Dieu et suivre ses attraits en paix et repos.

Votre bonne Mère vous donna donc un bon et salutaire conseil, quand, reconnaissant que vous ne pouviez méditer ni discourir de l'entendement sur les mystères, elle vous donna la liberté de vous entretenir avec Notre-Seigneur tout simplement, selon qu'il vous viendrait ou que vous seriez excitée, et cette manière sert, pour l'ordinaire, d'entrée à la voie par laquelle il est bien reconnu que Notre-Seigneur conduit les vraies Filles de la Visitation, ainsi que vous l'expérimentez, et que je le vois dans votre lettre. Il est vrai que les distractions y importunent bien souvent ; mais il ne s'en faut nullement étonner ni inquiéter, ains il faut supporter leur ennui avec paix, comme un exercice permis de Dieu, qu'il faut souffrir et non pas nourrir.

O ma très-chère fille ! je loue Dieu qui vous donne tant de bonnes lumières, et vous en fait tirer de si utiles affections et connaissances ; il en faut bien conserver la mémoire et correspondre fidèlement à ses saintes intentions, car sans doute, ma très-chère fille, le divin Amant des âmes a dessein de vous rendre sa chère et blanche colombe, mais il ne Lui faut pas résister, je dis en chose quelconque ; car vous fîtes mal de vous violenter pour vous détourner des sentiments et suavités qu'il répandait dans votre chère âme. Il faut donc désormais, ma très-chère fille, demeurer devant Dieu en cette simple attention à sa bonté, et là recevoir avec égal amour et paix tout ce qu'il Lui plaira mettre dans votre cœur, sans vous remuer, sinon comme Il vous excitera. S'il y met des suavités, jouissez de cette grâce avec tranquillité, ne faites rien pour l'accroître ni garder ; ne faites rien aussi pour l'anéantir, sinon quand [294] l'obéissance vous l'ordonnera, faites de même pour les stérilités et sécheresses, et enfin soyez devant Lui et entre ses bénites mains comme un vaisseau vide, sinon du désir qu'il accomplisse en vous sa très-sainte volonté, et Lui laissez mettre et ôter tout ce qui Lui plaira, et faire de vous et en vous tout son bon plaisir. Marchez amoureusement par cette voie, et par celle de l'exacte et suave observance pour l'extérieur, et ainsi vous vivrez dans la sainte nudité de vos inclinations intérieures et extérieures, de vos intérêts propres, des soins de vous-même et de toutes choses, pour ne vouloir ni chercher que Dieu en toutes choses et son très-saint vouloir. Sa divine Bonté vous octroie cette grâce selon ses desseins éternels, et la mesure qu'il vous en a destinée, qui à mon avis est grande. Je suis en son amour tout à fait vôtre. Invoquez souvent sa divine miséricorde sur moi. Il soit béni. Amen.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CMXXXV - À LA MÈRE MARIE-MARGUERITE MICHEL

SUPÉRIEURE À DIJON

La fondation de Besançon doit être différée. — Procurer une bonne Supérieure à la communauté de Dijon. — Élection de la Mère de Châtel à Chambéry. — Divers détails.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 15 juin [1629].

Ma très-chère fille,

Je suis toujours un peu incrédule sur ce qui est de la fondation de Besançon, jusqu'à ce que je voie la permission de Mgr l'archevêque en bonne forme. Je trouve bien bon que la Sœur Madelaine [Adelaine] achète une maison, la fasse accommoder et préparer ; mais, pour y aller, je ne crois pas que vous le deviez faire jusqu'à ce que la maladie [la peste] y soit passée ou [295] tellement accoisée qu'il n'y ait rien à craindre, parce que cela ressentirait un peu la précipitation, et encore pour honorer le conseil que vous en donne M. le comte [de Champlitte] par le bon M. Jobelot. Conduisez-vous en cela, ma très-chère fille par l'avis de personnes sages qui soient sur le lieu ; car ils vous pourront mieux conseiller sur ce sujet que moi. Je suis bien consolée de ce que vous me dites que la petite de Fallon est tout à fait gagnée à Notre-Seigneur, et de ce que nos Sœurs du Comté font si bien. Notre-Seigneur veuille leur donner la sainte persévérance selon les souhaits de mon cœur, et à notre pauvre petite Blondeau, que j'aime bien tendrement.

Si la fondation s'avance, il faudra regarder qui vous pourra succéder ; car, d'aller fonder, et laisser là votre besogne commencée, je ne pense pas qu'il fût à propos. C'est pourquoi, ma très-chère fille, il faut regarder si ma Sœur votre assistante pourra porter votre charge, et pour cela en avoir le sentiment de Mgr de Langres et des Sœurs, et encore de ma Sœur la Supérieure du faubourg de Paris ; car je crains que notre Sœur Marie-Aimée de Blonay ne puisse plus supporter la charge de Supérieure, parce qu'elle est très-mal dès Noël, et même qu'elle avait été élue Supérieure à Grenoble, où il en a fallu pourvoir d'une autre, à cause de son indisposition qui est très-grande. Quant à ma Sœur Françoise-Marguerite Favrot, je désire grandement qu'elle fasse son année à Marseille pour dresser la nouvelle Supérieure, et parce qu'aussi je trouve extrêmement utile que les Supérieures déposées demeurent une année la où elles ont gouverné, pour apprendre par leur exemple comme c'est qu'il faut obéir en telles occasions : voilà comme je vous dis mes petites pensées, ainsi qu'à ma très-chère fille que j'aime tendrement. Et encore ce mot en confiance : je pense que quand vous serez fondée au Comté, vous y aurez bientôt une seconde maison pour laquelle je voudrais garder cette chère Sœur Françoise-Marguerite ; car c'est une digne [296] femme qui réussira parfaitement bien en ce lieu-là, et je crois que vous serez consolées toutes deux d'être proches l'une de l'autre.

Je ne sais que dire de ces difficultés que Mgr de Langres fait de parler à nos Sœurs, et de faire la visite [régulière] ; vous ferez bien d'en tirer ce que vous pourrez, sans lui témoigner aucune méfiance. — Je suis grandement marrie et touchée de la perte de la vocation de la petite Jaquotot ; mais j'espère que Notre-Seigneur regagnera bien cette âme, comme de tout mon cœur je l'en prie, et vous, de saluer son père et sa mère de ma part. Je pense que la peste, qui est par deçà et sur les chemins, empêchera Mgr de Bourges et mes cousines de venir sitôt à Nantua ; néanmoins, vous prierez, s'il vous plaît, à l'avantage ma cousine Blondeau de garder une place en son carrosse pour mademoiselle de la Curne, et les saluerez toutes chèrement de ma part et tous les amis de delà.

Je m'étais encore oubliée de vous dire comme, avant que j'eusse reçu vos lettres, ma Sœur Péronne-Marie [de Châtel] avait déjà été élue Supérieure à notre monastère de Chambéry.[77] — J'ai vu autrefois que Mgr de Langres aimait fort ma Sœur l'assistante de Dijon ; si elle vous pouvait succéder, ce serait un grand bien. — Ne faites aucun semblant à la pauvre Sœur de Vigny que vous connaissez la peine qu'elle a avec vous, et ne vous affligez point de tout ce que vous voyez. Allez votre train, cheminez devant Dieu en sincérité, et croyez qu'il vous bénira ; assurez-vous-[en] et de mon affection vraiment maternelle pour votre cher cœur, que je prie Dieu remplir de toutes grâces, surtout de celle de son pur amour, auquel je suis tout à vous. Il soit béni.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [297]

LETTRE CMXXXVI - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX

Solution de quelques difficultés.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1620.]

Ma très-chère fille,

Je vous remercie de tout mon cœur du soin que vous avez de moi. Je vous fais écrire celle-ci, sans pourtant savoir si vous la recevrez, parce que votre porteur n'a attendu la réponse. Je suis fort consolée de savoir que vous donnez sujet de satisfaction à ces bonnes dames et qu'elles le sont [satisfaites]. Je vous supplie de les saluer cordialement de ma part, et leur dire qu'elles ne recevront jamais tant de contentement et consolation de votre maison que je leur en désire.

— Je vous supplie, ma chère fille, de ne vous plus mettre en peine pour avoir de nos nouvelles, parce que nous avons défense de ne plus écrire. Vous vous pourrez adresser à nos Sœurs de Chambéry, lesquelles vous en pourront faire savoir. La maladie va croissant tous les jours, mais non pourtant à l'extrémité. Je me porte bien et toutes nos Sœurs aussi, grâce à Dieu. — Pour la fille de M. N., je crois que vous la pouvez bien recevoir, puisque M. N. donne des attestations si certaines qu'assurées, que le mal de ce bon gentilhomme ne se peut prendre. Vous ferez ce que M. Duplont et M. de Saint-Julien vous diront, puisque ce sont personnes qui ne vous voudraient mal conseiller. — Je trouve que la dépense de votre confesseur vous surcharge grandement ; vous demanderez conseil à ces bonnes dames et ferez ce qu'elles vous diront, puisqu'elles sont si affectionnées à votre maison. Je vous prie de ne me plus écrire les difficultés qui vous arriveront, puisque nous ne vous pouvons plus faire [298] de réponse que cette maladie ne cesse. Tâchez de faire ce que disent nos Constitutions et le Coutumier, et aux difficultés qui vous arriveront extraordinairement vous pourrez écrire à ma Sœur Marie-Aimée de Blonay, afin qu'elle vous donne conseil.

Ne vous mettez aucunement en peine de nous, ma chère fille, car nous espérons que Dieu nous conservera, sinon sa sainte volonté soit faite. Je suis, grâce à sa Bonté, prête à partir quand il Lui plaira ; ayez un grand soin de prier et faire prier pour Mgr et toute sa maison, et pour toutes les nécessités de cette ville désolée : voilà, ma très-chère fille, tout ce que je vous puis dire à présent. Continuez toujours de me recommander à la miséricorde divine, et croyez que je serai inviolablement d'un cœur vraiment maternel toute vôtre, et vous souhaiterai à jamais le comble de toute perfection, ce que je fais maintenant d'une grande affection. Ma très-chère fille, je vous prie encore une fois de n'être point en peine de nous. Remettez-nous souvent au soin de la divine Providence, et priez fort pour nous, etc.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMXXXVII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Nécessité de réimprimer le Coutumier et les Épîtres de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 29 juin [1629].

Ma très-chère fille,

Je vous écrivis hier et le fais encore aujourd'hui pour vous dire que j'ai reçu, il n'y a pas longtemps, un fort grand mémoire des fautes qui sont dans le Coutumier, plusieurs [299] desquelles je n'avais pas encore remarquées, mais y regardant je les y ai trouvées ; c'est pourquoi, ma chère fille, je crois qu'il faudra que M. Cœursilly se résolve de le réimprimer ; car je vois que nos monastères sont si très-mal satisfaits de cette première impression, que je ne vous le saurais dire. L'on nous en a écrit plusieurs choses, et des omissions et des équivoques qui y sont, en sorte que je ne pense pas qu'il le faille laisser sans le réimprimer. Que si le libraire ne le voulait pas entièrement refaire, nous lui pourrions marquer quelques feuilles qu'il ne sera pas requis de réimprimer ; mais certes pour la plupart il est tout à fait nécessaire.

Et pour ce qui est des Épîtres, Mgr de Genève désire de les revoir à son premier loisir, avant que le libraire les réimprime ; et pour cela il faut qu'il prenne le temps de les réimprimer à loisir, afin qu'il y mette la dernière correction. Nous attendons toujours celles que nous avions envoyées à Paris ; que si elles vous tombent entre les mains, je vous prie derechef, ma fille, de nous les faire tenir au plus tôt, afin que l'on ajoute tout, pour le mander par après au libraire. Au reste, ma toute chère fille, je vous supplie que ce que je vous ai dit en ma dernière lettre ne passe point plus loin que vous et votre bonne Mère ; car ce que j'ai dit en confiance, je ne voudrais pas qu'il fût su, ni qu'il passât au dehors. Je crois que vous m'entendez bien.

Quand les Entretiens seront imprimés, faites, ma très-chère fille, que M. Cœursilly nous envoie ceux qu'il nous doit. Je crois qu'il y en a encore bien plus de vingt ; mais qu'il dresse le mémoire de ce qu'il nous en a fourni et le nous donne, puis lui faites fournir jusqu'à cent exemplaires, et tenez main, ma toute chère fille, qu'il répare le Coutumier. Il peut bien nous donner ce peu de besogne-là complète, j'en assure un bien correct quand il voudra. Mille saluts à ma très-chère Sœur la Supérieure et à toutes nos Sœurs, et quand vous verrez le Révérend Père Maillan mille saluts, avec recommandation en ses [300] prières. J'ai reçu la réponse de celle que je lui avais écrite. Notre bon Sauveur fasse en tout son bon plaisir. Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMXXXVIII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-CONSTANCE DE BRESSAND

SUPÉRIEURE À MOULINS

User de condescendance envers une âme éprouvée. — Projets de fondations à Mâcon et à Nantes. Conseils pour les Sœurs qui doivent y être envoyées.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1629.]

Ma très-chère fille,

Je vois bien que vous n'avez pas reçu les lettres que je vous ai écrites ; ces maladies sont cause qu'il s'en perd plusieurs. Je pense bien pourtant avoir reçu toutes les vôtres, auxquelles j'ai répondu.

Il y a longtemps que je sais que nos Sœurs de Paray sont retournées à leur monastère, et je crois qu'elles y demeureront. — Pour ce que vous me dites de mademoiselle Dubuysson, c'est une âme si vertueuse et si remplie de piété, que je ne crois pas qu'on lui doive refuser de l'enterrer dans le caveau, et cela, sans conséquence, car vous l'y pouvez faire enterrer en qualité de bienfaitrice, puisqu'elle donne dix mille francs. Vous pouvez prendre deux mille pour sa fille, et huit mille pour elle, et faisant de la sorte, il ne pourra point tirer de conséquence. — Pour la Sœur blanche, si vous pouvez éviter de la prendre, je crois que vous feriez fort bien (qu'à moins elle ne vous presse de la recevoir) sinon que vous n'en ayez besoin d'ici à quelque temps, comme vous verrez. Je ne vois rien en la novice de Bourges, qui ne me donne espérance qu'elle sera bonne Religieuse, puisqu'elle aime sa vocation. Je prie Dieu qu'il vous la conserve au moins jusqu'à la profession. [301]

Et pour ma Sœur l'assistante [M. -Angélique de Bigny], puisque tous les remèdes que l'on a jugé lui pouvoir être utiles ne lui servent, je suis d'avis que vous vous rendiez entièrement à elle, lui condescendant, et communiquant avec elle comme Sœur à Sœur, avec une sincère affection, que vous lui témoignerez le plus cordialement qu'il se pourra. C'est l'unique remède pour la guérir, mais qu'il ne faut appliquer qu'après que tous les autres ne lui auront pu servir. Vous en verrez l'expérience, si vous faites fidèlement ce que je vous dis, comme je crois que vous ferez, ma très-chère fille. Ce ne serait pas un bon remède de vous séparer ; mais vous verrez que si vous faites ainsi ces deux années, qu'elle a encore à être sous votre charge, que vous la guérirez, après lesquelles l'obéissance vous saura bien séparer pour vous employer ailleurs. Il n'est besoin de rien dire à personne. Je crois vraiment que c'est un exercice que Dieu permet en cette âme, afin que quand elle en sera délivrée, cela la tienne toujours humble, et lui fasse supporter et aider celles qu'elle en verra travaillées, car il la faut destiner pour vous succéder en votre charge, puisqu'elle a les talents pour cela. [Plusieurs lignes inintelligibles.]

Pour la fondation de Nantes et Mâcon, je ne pense pas que vous ayez des filles propres pour deux fondations, car il n'y faut employer que les meilleures Sœurs que l'on ait, et de celles qui sont plus fidèles à l'observance. Vous pourrez savoir si nos Sœurs de Lyon sont engagées de parole pour Mâcon, en leur écrivant. Que si vous voulez la faire, je vous conseille de quitter celle de Nantes, car de demander une Supérieure aux autres monastères, il ne le faut pas ; ceux qui les donnent veulent pour l'ordinaire donner les filles. Je crois que nos Sœurs de Lyon ont plus de moyen et de force pour cette fondation que vous. Je ne trouve pas à propos que ma Sœur Marie-Henriette [de Rousseau] aille en fondation pour être en charge. Ce serait beaucoup si elle y était envoyée pour changer d'air ; encore une nouvelle maison [302] en serait bien surchargée. Il vaut toujours mieux garder celles qui sont les moins propres, que de les renvoyer en fondation. Il n'est besoin, ma chère fille, de m'écrire davantage sur ce sujet, puisque je n'ai plus rien à vous dire, sinon que je vous prie fort de prendre garde que celles que vous envoyez fonder soient fort unies et liées avec la Supérieure, et la Supérieure avec ses filles, et les Sœurs entre elles, autrement vous en auriez du déplaisir, et courriez fortune de les revoir en votre monastère. — Et pour notre Sœur F. -Angélique [de la Croix de Fésigny], connaissant les conditions de son esprit, j'aurais crainte qu'elle ne fût pas contente sous une autre Supérieure, c'est pourquoi nous sommes résolue de la faire revenir. — Je suis fort aise de quoi vous êtes pauvres, car vous savez très-bien comme il faut se confier en la divine Providence, qui vous pourvoira de tout, et ne permettra pas que vous ayez de grandes nécessités, comme je l'en prie de tout mon cœur. Vous ferez fort bien [de] faire achever votre bâtiment, tandis que vous êtes en charge, car peut-être serait-il longtemps sans l'être.

Si vous faites la fondation de Nantes, comme ma Sœur la Supérieure de Paris m'écrit qu'elle vous l'a adressée, suivant ce que je l'en avais priée, c'est une très-bonne ville ; je crois que vous y serez bien, pourvu que vous preniez garde d'y envoyer de très-bonnes filles, comme je vous ai déjà dit. Mais pour y aller vous, certes c'est trop loin, et serait à craindre que vous n'en reveniez pas si tôt. Mais pour Mâcon, si vous faites cette fondation, je veux bien que vous y alliez, si vous le jugez à propos. — Ne vous mettez pas en peine de nos hardes ; vous ne nous les enverrez que quand Lyon sera libre ; faites cependant une liste de tout ce qui y est. Je n'ai pas peur que rien s'égare. — Je suis bien aise que ma Sœur F. -Angélique se porte bien, et qu'elle soit brave fille ; je lui avais écrit, mais je vois que vous n'avez reçu ces lettres.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Voiron. [303]

LETTRE CM XXXIX (Inédite) - À MADAME DE COULANGES

À PARIS

Assurance d'une sainte et invariable amitié.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 1er juillet [1629].

Pour ne perdre cette occasion, ma très-chère et plus honorée Sœur, il faut, s'il vous plaît, que cette lettre soit commune à mon très-bon et tant cher frère, à vous, et à votre très-aimée et tout aimable fille ; car tous trois m'avez envoyé de vos chères lettres, que je lis toujours avec amour et consolation sensible, me représentant la douceur et suavité de vos chères et très-estimables affections, auxquelles je prie Dieu me faire la grâce de correspondre dignement. Certes, je le désire bien de tout mon cœur, et que mon Dieu m'exauce au désir continuel que j'ai que ses plus riches et saintes bénédictions abondent sur vous trois, et s'étendent sur toute votre honorable famille ; car tout m'en est extrêmement cher, et me semble que [ce] soit la mienne propre. C'est ce qui me fait si fort ressentir, ma très-chère Sœur, les déplaisirs que vous recevez des desseins chicaneurs de ceux qui devraient user de continuelle reconnaissance envers mon tout bon et très-cher frère et vous, pour l'incomparable amour et soin que vous avez eus pour celui qui leur était à honneur, et dont la mémoire leur devrait être chère, et que vous avez encore pour cette pauvre petite pouponne, que vous obligez si paternellement et maternellement tous deux.

Or, j'espère que Dieu réduira tout à la paix ; j'en supplie sa Bonté, et vous, ma très-chère Sœur, de prendre plus que jamais avec douceur et amoureuse soumission tout ce qu'il plaira à notre bon Dieu de vous envoyer, afin que notre chère famille jouisse longuement du bonheur de voire chère présence, de celle de [304] mon bon frère, que je salue avec vous et tous vous chers enfants du meilleur de mon cœur, étant d'une affection infinie ma très-chère et très-cordiale Sœur, votre, etc.

[P. S.] Je ne croyais pas pouvoir écrire nulle part tandis que la peste sera ici ; car l'on craint de prendre nos lettres.

Conforme à une copie de l'original gardé au premier monastère de la Visitation de Paris.

LETTRE CMXL - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Instances faites par Mgr de Genève pour le retour de la Mère de Blonay.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 9 juillet [1629].

C'est bien à ce coup, ma très-chère fille, qu'il faut venir et faire fidèlement tout ce qui se pourra pour partir au plus tôt de Lyon ; car le mal est ici si pressant, que Mgr de Genève ne veut point que notre Sœur Péronne-Marie [de Châtel] abandonne cette maison, ce qui me fâche fort ; mais c'est sa bonté qui le porte à cela, craignant que s'il m'arrivait mal, il n'y eût personne ici pour me faire secourir comme elle. Il ne veut pas, ce bon seigneur, que vous veniez ici pour cela ; il aime mieux que vous alliez servir la maison de Chambéry, attendant que le mal soit passé ici, où certes je vois clairement que je ne pourrai subsister sans être secondée de vous ou d'elle ; ce que je ne puis espérer d'elle, puisqu'elle est élue et nécessaire à Chambéry, où certes il est tout à fait besoin que vous alliée en attendant. Vrai Dieu ! il ne me peut entrer dans l'esprit que l'on fasse une ombre de difficulté de vous envoyer pour nous secourir dans notre extrême nécessité. Sans cette résolution de Mgr de [305] Genève, j'avais bien résolu de vous laisser là, jusqu'à [ce que] la maladie fût passée ici, quoi qu'il m'eût pu arriver.

Le jour du départ de cette chère Sœur était échu aujourd'hui ; car ces pauvres filles la réclament ardemment, et non sans raison ; elles seront accoisées et consolées de vous avoir, en attendant la miséricorde que Dieu nous fera. Je Le supplie vous amener bientôt et en santé ; soyez généreuse et toute forte, et bonne à rendre service à Dieu, attendant la chère consolation de vous voir ici, car j'ai confiance que Dieu me la donnera. Je n'ai point encore reçu de paquet adressé par le Révérend Père Maillan, que je salue très-humblement, le suppliant d'aider en ce qu'il pourra pour votre conduite. — Adieu, vous savez ce que je vous suis ; soyons toutes à Dieu. Qu'il soit béni.

[P. S.] J'envoie la lettre de M. le grand vicaire, ouverte.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMXLI - À LA MÈRE CATHERINE-CHARLOTTE DE CRÈMAUX DE LA GRANGE

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

La peste redouble en Savoie. — Injustice des oppositions qu'on apporte au retour de la Mère de Blonay.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1629.]

Ma très chère fille,

Je remercie votre bon cœur du meilleur du mien chétif des charitables offres que vous nous faites. Grâce. à la divine Boulé, il me semble que nous n'avons pas grand besoin des choses vraiment nécessaires, selon l'occasion où nous sommes : toutes nos Sœurs sont bien disposées à tout ce qu'il plaira à Notre-Seigneur faire de nous. Le mal croît et nous environne de près. Nous vivons néanmoins avec peu de soin de l'événement, le [306] laissant à notre bon Dieu, qui ne permettra nous arriver que ce qu'il a projeté en son dessein éternel, et c'est ce que nous désirons, et nous ôte les appréhensions que ce mal cause à tant de personnes.

Quant au retour de notre chère Sœur Marie-Aimée en cette maison, nous nous en soumettons à ce que Notre-Seigneur en permet, adorant sa Providence en la souffrance que j'ai pâtie de voir notre règle violée, par le refus que l'on a fait d'elle au monastère où elle avait été élue, et par celui que l'on nous fait de la rendre à qui légitimement elle appartient, qui la demandait néanmoins avec tant de prières, et pour une occasion de véritable nécessité et charité, nous obligeant même de la rendre. Or bien, Dieu soit béni de tout ! Ainsi les grands traitent les petits ! Je n'en parlerai plus, et lairrai à Notre-Seigneur le soin d'empêcher que cet exemple ne ruine ce pauvre petit Institut. Vivez toujours tout à Dieu, ma très-chère fille, et priez fort pour celle qui, en son saint amour, est toute vôtre.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMXLII - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À BLOIS

Douleur d'apprendre qu'une communauté manque de douceur et d'humilité. — Les monastères doivent se conformer à celui d'Annecy. — Sans blâmer la conduite de la Mère de Monthoux, la Sainte condamne la sortie de la clôture pour aller aux bains.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 20 juillet [16291.

Ma très-chère et très-aimée fille,

Que je suis marrie que notre réponse se soit égarée ! mais encore, plus de la continuation de votre mal, dont je porte très-grande peine ; car Dieu seul sait ce que vous êtes à mon âme, [307] et combien lui est chère votre vie, non-seulement pour ma consolation, mais pour le bien de votre maison et de tout l'Ordre ; mais Dieu soit béni, qui sait bien ce qui nous est nécessaire et sait me toucher à l'endroit qui m'est bien sensible ! Vous avez procédé en vraie fille de la Visitation, vous étant soumise au commandement de votre sage Supérieur et à l'avis de tant de gens de bien, et je loue la divine Providence en l'admirant en la conduite de cette affaire.[78]

Vous m'écrivez si modestement de la réception que nos Sœurs de N. vous ont faite, que si M. Riollé ne m'en disait davantage, je n'eusse pas connu leur manquement. Certes, si les choses se sont passées ainsi, elles ont très-grand tort. Elles m'écrivent la très-grande édification qu'elles ont reçue de votre humilité et souplesse, de laquelle je crois que Dieu vous récompensera par nouvelles grâces, et de l'obéissance rendue au Supérieur nonobstant vos extrêmes répugnances. Ces deux pratiques de vertu sont grandes et dignes d'une vraie fille de la Visitation. Mais que je suis marrie, ma très-chère fille, de ce que votre bon confesseur et nos Sœurs ont été mal édifiés de celles de N., car tout le mal qui se fait à la Visitation m'est sensible ; il le faut couvrir et excuser tant que vous pourrez. Hélas ! que cela [308] m'est dur de voir cet esprit de douceur et d'humilité, que notre Bienheureux nous a tant inculqué, si peu pratiqué quelquefois ; mais la charité supporte tout. Ma très-chère fille, je vous conjure, au nom de Notre-Seigneur, de notre Bienheureux Père, et par la tendre affection que Dieu m'a donnée pour vous, de faire tout ce qui vous sera possible pour votre soulagement, et pour tenir votre esprit content et en repos. Je prie notre Sœur Péronne-Marie [de Châtel] de vous écrire le surplus, ayant grande peine de le faire de ma main. Je vous prie, que nous ayons de vos nouvelles par Lyon. Je suis d'un cœur incomparable foule vôtre, ma vraie très chère fille, et prie Dieu nous rendre toutes siennes. Amen.

[P. S] Ma très-chère fille, si je vous pouvais parler, je soulagerais mon cœur à vous dire la peine que j'ai pour la conservation de notre union et candeur de notre esprit. Chacun m'en tourmente ; mais, pour moi, je ne vois rien qui nous puisse être utile, sinon qu'on continue ce que la Providence de Dieu a établi, à savoir de se tenir conforme à ce monastère [d'Annecy], et avoir toujours une Mère commune, à qui l'on puisse recourir dans les besoins. Ma très-chère petite, pesez ceci devant Dieu, et m'en écrivez votre sentiment bien au long. Je n'ai le loisir de vous en dire davantage. Les premières Sœurs voient comme moi cette nécessité, par les choses qui arrivent. J'en ai parlé à Mgr de Genève, qui juge cela être nécessaire ; chacun le dit...

Depuis ma lettre écrite, nous avons reçu votre belle aube, qui est tout à fait digne de votre affection. Nous ne manquerons pas de l'offrir demain à notre Bienheureux Père tout ensemble avec votre cher et bien-aimé cœur, le suppliant de le joindre parfaitement au sien, par une pureté angélique et un amour séraphique. Aussi nous vous remercions de toutes nos affections de ce beau et riche présent. [309]

Au reste, ma chère fille, je me suis oubliée de vous dire qu'il faut bien imprimer dans l'esprit de nos Sœurs que ce n'est pas une chose faisable que d'aller aux bains ; que si bien vous l'avez fait, ç'a été par un commandement absolu de Mgr votre prélat, de quoi il ne faut point tirer de conséquence ; il leur faut dire, si vous le trouvez bon, qu'elles n'en parlent jamais ; car il pourrait servir de grande tentation à plusieurs ; cependant, il n'est pas expédient que cela se continue.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMXLIII (Inédite) - À MONSIEUR LE CHANOINE RIOLLÉ[79]

SUPÉRIEUR DE LA VISITATION DE BLOIS

Les Religieuses de la Visitation doivent observer rigoureusement les lois de la clôture.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1629.]

Monsieur et très-honoré Père,

J'ai une si absolue confiance en votre sagesse et probité, que je ne saurais être en peine d'aucune chose que nos chères Sœurs feront par votre conseil, m'assurant que vous les pèserez au poids du sanctuaire, surtout en des choses de telle importance, comme est celle dont il est question. Il ne fallait pas toutefois une moindre circonspection que celle que vous y avez apportée, mon très-cher Père, pour nous exempter de blâme, et encore ne manquera-t-on pas de nous bien censurer ; car, parce que nous avons peu d'austérités et une vie fort douce, chacun juge que nous devons être d'autant plus rigides à la [310] garde de la clôture ; aussi, certes, est ce notre désir, comme c'était aussi celui de notre Bienheureux Fondateur. Et néanmoins, je loue l'obéissance de ma Sœur, laquelle, après avoir humblement fait ses remontrances et résistances, s'est soumise comme elle le devait. Je reçus seulement hier votre lettre, qui nous est venue par la voie de Nevers, qui m'annonce qu'une semblable est par une autre adresse. Je prie Dieu qu'il tire sa gloire de toutes nos actions, et comble votre chère âme, mon très-honoré Père, de l'abondance de son saint et pur amour. C'est le continuel désir de celle qui, en toute humilité, vous supplie lui continuer l'assistance de vos saintes prières et l'heureuse qualité de, Monsieur, votre, etc.

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.

LETTRE CM XLIV (Inédite) - À LA MÈRE CLAUDE-AGNÈS JOLY DE LA ROCHE

SUPÉRIEURE À RENNES

La conservation de l'Institut dépend de l'union des monastères avec celui d'Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 20 juillet [1629],

[Les premières lignes manquent dans l'original.] Pour ma consolation, et encore plus pour le bien de l'Institut, il faut que je vous dise ce mot. De vrai, ma très-chère fille, je vois arriver tant de choses où, selon l'apparence humaine, personne ne peut remédier utilement que moi, à cause de la connaissance que j'ai des maisons et des personnes qui leur sont propres, que cela me donne bien à penser, surtout maintenant que je me vois vieillie et environnée de la mort. C'est pourquoi j'ai fort considéré devant Dieu qu'est-ce qui pourrait se faire, pour conserver ce pauvre petit Institut en l'union et intégrité de son esprit. Je ne trouve rien, sinon que l'on continue [plusieurs mots illisibles] ce que la divine Providence y a établi, que tous les monastères se tiennent toujours conformément unis à celui-ci, et qu'il y ait toujours une Mère commune à laquelle toutes les maisons prennent entière confiance, comme en moi, et y aient recours en leurs besoins, et que, pour les servir utilement, on lui donne connaissance de l'intérieur des Sœurs et de leurs besoins. Je vous prie, ma fille, pesez ceci devant Dieu et m'en écrivez au long votre sentiment.

Je vous dirais bien davantage, mais je n'en ai nul loisir. [Plusieurs lignes illisibles.] Nous nous portons toutes fort bien, c'est tout ce que je vous puis dire, et qu'entièrement je suis vôtre.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Rennes.

LETTRE CMXLV - À MONSEIGNEUR DE NEUCHÈZE, SON NEVEU

ÉVÊQUE DE CHALON

Condoléances sur la mort de son frère, le baron des Francs.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1629.]

Mon très-honoré seigneur,

Je prie Dieu qu'il soit votre éternelle consolation ! Je crois que vous avez reçu la lettre que je vous écrivis aussitôt que je sus le trépas de mon pauvre neveu, votre cher frère.[80] Depuis, j'ai reçu celle que vous m'avez écrite. Hélas ! que votre bon cœur me ferait de pitié, si je n'espérais que Dieu sera sa consolation dans cette si sensible perte ! Il faut, mon très-cher [312] seigneur, vous élever au-dessus de vous-même et de toutes les choses de la terre, pour aller prendre dans le ciel votre solide consolation et résolution, par la considération de la révérence et amoureuse soumission que nous devons à la très-adorable bonté de Dieu, qui a fait ce coup, et encore vous contenter en la béatitude et gloire que votre cher défunt possède, comme il est à croire pieusement. En cela il faut accoiser votre esprit ; et, puisque la Providence vous prive de prospérité temporelle, tâchez, mon cher seigneur, d'en avoir une très-grande pour le ciel, par l'amas des bonnes et saintes œuvres, et surtout des âmes, que vous devez lâcher avec un soin tout nouveau de conduire au ciel, afin qu'accroissant la gloire de Dieu, Il augmente la vôtre en ce monde et en l'éternité, que je vous souhaite du plus profond de mon cœur.

LETTRE CMXLVI - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À RIOM

Nouvelles d'Annecy. — Mort de M. de Boisy. — Éloge de l'évêque de Genève.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 11 août [1629].

Voyez-vous, il m'est impossible de m'empêcher, nonobstant toute la presse de ce messager, de saluer le très-bon cœur de ma pauvre vieille mais toute chère et bien-aimée fille, et pour la réjouir lui assurer que, grâce à Dieu, je ne fus il y a longtemps en si bonne santé, et toute notre maison qui vit en pleine paix et repos d'esprit, emmi cette affliction de peste qui consume cette pauvre ville, laquelle est quasi toute vide, tant de ceux qui ont été atteints, comme des autres qui se sont retirés ou que l'on a fait sortir, afin de purger plus tôt la ville. [313]

Il y a quinze jours que la maison de Mgr de Genève fut atteinte par la mort de M. de Boisy,[81]. son neveu, et d'un de ses aumôniers, lesquels tous deux, avec leur bon prélat, avaient persévéré près de quatre mois au service des pestiférés, pour leur administrer les saints sacrements ; ce qu'ils ont fait avec une charité, courage et allégresse nonpareille. Enfin nous avons tant pressé, que nous avons fait retirer ce bon seigneur à La Thuile ; car même la maladie se prit au-dessus de la galerie où il se relira, après que sa maison fut infectée. Il a fait et continue à faire des charités aux pauvres, si grandes que c'est chose admirable.[82] Si j'avais loisir, je vous dirais tout, mais je ne puis. N'ayez nulle peine pour nous ; tous les monastères sont en santé, l'air très-bon ; notre maison ne reçoit chose quelconque de la ville.

Adieu, priez pour celle qui est de cœur tout à fait à vous.

Je vous écrivis un billet dernièrement, faites réponse.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMXLVII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Trois points nécessaires à la conservation de l'Ordre de la Visitation. — Il ne doit jamais se ranger sous la conduite d'une Supérieure générale.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 20 août [1629].

Ma très-chère fille,

Puisque vous m'assurez que mes lettres ne sont point vues, [314] je vous dirai, selon ma parfaite confiance, que me voyant environnée de toutes parts de la mort, tant pour mon âge que pour la maladie qui consume presque toute cette pauvre ville, je pense, selon que je m'y sens obligée en ma conscience, aux moyens de nous pouvoir maintenir comme nous sommes ; car les choses que j'ai vues arriver, dans plusieurs maisons de notre Institut, me font voir l'absolue nécessité que nous avons de continuer dans l'Institut ce que Dieu y a établi.

Trois choses s'y sont pratiquées constamment : la 1re, l'exacte observance, sans y rien changer par accroissement ni retranchement ; la 2e, que l'on continue à se tenir conformes et unis à ce monastère en tout ce qu'il a reçu de son saint Fondateur ; la 3e, qu'il y ait toujours une Mère commune qui après moi fasse ce que Dieu a voulu que j'aie fait ; je ne dis pas une Supérieure générale, sous l'autorité de laquelle l'on met les maisons, cela me serait en abomination d'y penser, ni de rien changer en notre Ordre, ni contre ce que je sais être des intentions de notre saint Fondateur, outre que cela nous ruinerait. Mais je dis que simplement il faut continuer ce qui s'est fait jusqu'à maintenant ; que c'est l'unique moyen de conserver notre esprit, lequel autrement se dissipera et se perdra très-assurément, si ce n'est en toutes les maisons, ce sera en plusieurs, et ceci est le commun sentiment d'infinité de prélats, de grands serviteurs de Dieu, de Mgr de Genève, de M. Michel Favre et de nos Sœurs.

Je suis tellement importunée sur ce sujet de diverses propositions que l'on nous fait, lesquelles, étant hors de nous et buttant contre l'autorité de Messeigneurs nos prélats, me sont à plus grande charge que je ne puis dire. Les personnes de grande dignité contre lesquelles j'ai combattu m'ont assuré qu'au moins j'étais obligée en conscience d'y penser et de chercher ce moyen de nous maintenir. J'ai donc fort prié et fait prier Dieu pour cela ; mais chose quelconque de tout ce que [315] l'on nous propose ne me revient. J'ai seulement cette lumière, que la nécessité de plusieurs maisons m'a accrue : que nous devons nous maintenir et continuer en ces trois choses marquées ci-dessus, lesquelles ont été établies de Dieu parmi nous, et l'on voit combien sa Providence l'agrée et l'approuve par les fruits et bénédictions qui en proviennent, lesquels je sais, moi seule, au delà de tout ce qui s'en peut penser ; et les maisons et les âmes particulières qui l'ont expérimenté pourraient dire ce que chacune en a su en son particulier, s'il était loisible.

Voilà, ma très-chère fille, ce que je confie à votre âme, et que je vous supplie de considérer devant Dieu et m'en dire votre sentiment. J'avais grand désir de vous voir, pour cela particulièrement, car je vous eusse tout dit de bouche ; mais ce sont des choses que je ne dois confier au papier, lesquelles toutefois vous feraient voir la nécessité de nous maintenir dans notre pratique. Vous verrez dans le billet ci-joint quelques raisons, mais je n'ose marquer les principales. Tenez secret ceci jusqu'à ce que la chose soit encore mieux digérée, car alors j'en écrirai à nos très-chères Sœurs les Supérieures. Vous savez ce que je vous suis. Dieu soit béni et glorifié en tout et partout ! Amen. — Je vous prie que je puisse toujours vous écrire en confiance, sur l'assurance que nulle que vous ne verra mes lettres. Mille saluts à nos très-chères Sœurs.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [316]

LETTRE CMXLVIII - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX

La peste commence à se calmer. — Nouvelles de Mgr de Genève.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1629.]

Ma très-chère fille,

C'est à la hâte que je vous écris, ne sachant si cet homme que nos Sœurs de Belley nous ont envoyé voudra attendre cette lettre ; je ne sais aussi si vous aurez reçu celle que je vous écrivis par l'homme que vous envoyâtes exprès, parce qu'il ne voulut attendre nos lettres. Je vous mandais que vous pourriez bien recevoir cette bonne demoiselle parente de madame de Saint-Julien, puisque vous avez des assurances certaines de sa santé, et que des personnes si qualifiées vous en assuraient, comme est M. Duplont et le Père Jésuite.

Nous nous portons toutes bien, et dès l'heure que je vous parle, cette maison est nette du mal, grâce à Dieu. La maison de Mgr a été atteinte de ce mal, et est mort M. de Boisy son neveu, et M. Clerc un de ses aumôniers, ce qui l'a contraint d'en sortir, et s'est retiré à La Thuile où il est à présent en bonne santé, et espérons que, moyennant la grâce de Dieu, il n'aura point de mal et achèvera heureusement sa quarantaine. Le mal de la ville se diminue fort, par le bon ordre que l'on y a mis, n'y étant presque resté personne. Faites savoir nos recommandations à nos Sœurs de Lyon, et que nous nous portons bien, et croyons qu'avec l'aide de Dieu cette maison sera conservée. Sa sainte volonté soit à jamais accomplie et soit votre unique consolation, ma chère fille, que je salue de tout mon cœur qui est entièrement vôtre.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [317]

LETTRE CMXLIX (Inédite) - À LA MÈRE FRANÇOISE-GASPARDE DE LA GRAVE

SUPÉRIEURE h BELLEY

Le monastère d'Annecy n'a pas eu à souffrir de la peste. — Comment agir à l'égard de quelques postulantes.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 26 août [1629].

Ma très-chère fille,

Ne vous tourmentez plus sur notre séjour en cette ville ; j'y dois ma résidence et j'y demeurerai puisque Dieu m'a remis le soin particulier de ce monastère, où tout se porte parfaitement bien, grâce à Dieu ; et ne soyez point en peine de nous, car nous nous conservons en telle sorte qu'il est quasi impossible, humainement parlant, qu'il nous arrive du mal. Demeurez donc pleinement en repos de ce côté-là, ma très-chère fille, je vous en prie. — Au reste, je suis grandement consolée de l'avancement de nos Sœurs ; je les conjure, au nom de Dieu, de faire toujours de bien en mieux, et vous, ma chère fille, de continuer à leur être de plus en plus bonne et douce, et de les traiter amiablement et cordialement, et par ce moyen vous les encouragerez de persévérer à travailler pour leur avancement.

Quant à ce que vous me dites de M. Jantel, vous avez fait excellemment bien d'avoir vidé cette affaire ; car vous n'avez pas besoin de davantage de ses nièces. Pour ce qui est d'écrire à nos Sœurs de Crémieux pour les faire recevoir, vous m'en excuserez, s'il vous plaît ; je leur laisse pleine liberté de recevoir des filles à leur gré. Je ne me veux point mêler de cette affaire-là ; mais si vous en voulez écrire à ma Sœur la Supérieure, faites-le avec la sincérité que nous nous devons les unes aux autres.

Je crois que vous ferez bien de recevoir la nièce de M. de Courtine ; car, pour la recevoir ici, nous avons des prétendantes [318] en quantité et nous n'en pourrons point prendre, si ce n'est que Dieu nous donne le moyen de faire quelque fondation, peut-être de dix ans, à cause que ce monastère est tout plein. Pour la fille de madame Chenu, puisqu'elle est des amies de votre maison, il faut que vous fassiez qu'elle ait patience que sa fille soit entrée en sa quinzième année, et que vous l'assuriez que dès qu'elle y sera, quand ce ne serait que d'un jour, que vous la prendrez pour prétendante du grand habit et non du petit, et en attendant faites-la souvent voir et parler aux Sœurs. — Je n'écris point à ma Sœur Jeanne-Charlotte, n'ayant le loisir ; Je vous prie, dites-lui que nous sommes en une saison où il ne faut parler d'aller nulle part ; mais qu'elle pense à bien faire là où elle est en attendant que Dieu en dispose autrement. Je vous prie aussi d'écrire à Dijon que nous nous portons bien, Dieu merci ; nous ne leur pouvons écrire maintenant. Écrivez-le aussi à Bourg en les saluant très-chèrement de notre part, et que votre bon cœur s'assure toujours de l'infinie affection que Dieu m'a donnée pour lui. Je supplie sa Bonté vous donner un comble de bénédictions et à toutes nos chères Sœurs. — Dieu soit béni.

Vous nous ferez un extrême plaisir de nous faire apporter nos hardes à Rumilly ou [mot illisible], où est maintenant ma Sœur la Supérieure de Chambéry, et nous les enverrons prendre par nos gens quand elles y seront.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [319]

LETTRE CML (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

Conseils pour la distribution des emplois. — Une Supérieure a besoin de force de corps et d'esprit pour exercer sa charge. — Comment les monastères doivent être unis à celui d'Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1629.]

Ma très-chère pille,

Je m'en vais toujours commencer de vous dire ce que je pourrai par la main de notre bonne Sœur notre coadjutrice, parce que, plus avant je vais, et plus j'ai de peine d'écrire de ma main, à cause de mes yeux qui diminuent fort et m'empêchent de me pouvoir guère tenir baissée. Je trouve bien bon que vous mettiez ma Sœur A. -Madeleine de Basset assistante, et ma Sœur A. -Françoise et A. -Catherine portière et sacristaine. Je ne suis pas d'avis que vous changiez votre directrice- mais néanmoins je laisse cela à votre liberté. Nous serons bien aise que vous nous envoyiez ma Sœur M. -Françoise [de Livron] au plus tôt que vous pourrez[83] ; nous avons mandé son obéissance à ma Sœur la Supérieure de Chambéry pour la faire revenir puisque la ville de Grenoble a fait sa quarantaine ; [plusieurs lignes inintelligibles].

Je n'ai nulle souvenance d'avoir jamais dit qu'il fallait renvoyer la petite Sœur X. Eh, mon Dieu ! au contraire, il m'est demeuré dans l'esprit que c'était une âme fort douce et que je trouvais bien bonne, si elle n'est grandement changée depuis que je ne l'ai vue ; je puis bien peut-être avoir dit que c'était un esprit petit, et qu'il ne faudrait pas charger votre maison de [320] beaucoup de semblables, que c'était déjà assez ; mais d'avoir dit que pour cela il la fallait renvoyer, je ne me souviens pas d'en avoir jamais parlé. — Nous vous avons fait écrire par notre Sœur économe une fois ou deux au mois de février, de nous envoyer la copie de la lettre que notre Bienheureux Père écrivait à madame de la Fléchère dont vous avez l'original ; faites-le, je vous en prie, ma chère fille, au plus tôt. Ma chère fille, je vois que Dieu vous a mis en main une besogne de grand travail et où la force de corps et d'esprit vous est nécessaire, c'est pourquoi je vous prie, ne quittez point l'oraison ; au moins, faites-la de demi-heure le matin, puis pendant la sainte messe, et celle du soir, et cela suffira ; mais n'en retranchez rien, car nous nous devons le premier et principal soin. Plus l'on donne aux filles, plus leur amour-propre les rend importunes. Je suis bien [aise] de quoi vous ne vous levez que demi-heure après les autres, continuez cela tandis que votre tête en aura besoin ; mangez bien et soulagez votre corps, afin qu'il dure au travail. La patience vous fera emporter la victoire sur toutes les âmes, mais surtout la grâce de Dieu, que votre humilité, dévotion, soumission et confiance attireront sur elles ;

Le Père dom Maurice, Barnabite, est ici, je lui ai dit mon sentiment au sujet de notre union ; je ne vois pas qu'il faille rien établir de nouveau ; mais je crois qu'il est nécessaire que les Mères et les Filles de la Visitation continuent par ci-après ce qui s'est fait par ci-devant, ainsi que je l'ai dit dans mes Réponses, et qu'après moi elles persévèrent en leur union entre elles et la communication avec celle qui sera Supérieure ici, pour continuer la conformité à ce monastère et y prendre toujours les intelligences des choses de l'Institut ; et pour cela l'on tâchera d'y avoir toujours des filles capables pour Mère, et je trouverais bon que les autres la nommassent notre Mère de Nessy, puisque les monastères reconnaissent pour leur Mère celui-ci ; toutefois, si l'on a dissentiment à le faire et la nommer [321] Mère, que l'on la nomme Sœur ; pourvu que l'union, conformité et correspondance se continuent, je m'en contente : voilà en peu de mots mes pensées, mais je voudrais savoir les vôtres, s'il ne serait pas bon que les monastères en fissent un acte afin que la chose continuât après mon décès.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse.

LETTRE CMLI - À LA SŒUR ANNE-CATHERINE DE SAUTEREAU

À GRENOBLE

Il faut éviter les retours sur soi-même et se livrer sans réserve à l'obéissance.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1629.]

Ma très-chère fille,

Ce m'est bien de la consolation de savoir que, par la présence et bonne conduite de votre bonne Mère, votre famille s'avance en observance et perfection. Loué en soit notre bon Dieu ! mais que me dites-vous, ma chère fille, que votre esprit est toujours tracassé et dans ses timidités et recherches de lui-même ? Oh Dieu ! ma fille, il se faut tirer de cette puérilité et enfance ; il est meshui temps. Je dis donc à votre cher cœur que vous savez que le mien aime fortement, qu'il doit se mettre au-dessus de tout cela, souffrant néanmoins avec humilité et douceur les attaques, et inclinations qui viendront de ce côté-là, aimant cette abjection ; mais ne consentez nullement par aucun acte ni regard volontaire. Jetez-vous et toutes vos misères et vos intérêts et affections, dans le sein de la bonté de Dieu, vous laissant gouverner à la Providence et à l'obéissance, et cela à yeux clos, sans permettre à votre esprit de regarder où il va ; mais allez toujours, ne regardant que Dieu et la besogne [322] qu'il vous présente dans chaque occasion et moment, pour la faire fidèlement et avec la pointe de l'esprit sans vous amuser à vos sentiments ou dissentiments et répugnances ; car il faut absolument les fouler aux pieds et les ranger sous l'obéissance, qui est la seule voie pour votre esprit. Si vous observez ce peu de paroles, elles vous conduiront à la perfection que Dieu veut de vous ; j'en supplie sa Bonté.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Voiron.

LETTRE CMLII - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À AUTUN

Ne pas admettre facilement une tourière au rang des Sœurs domestiques. Projet de fondation à Auxerre. — Divers détails.

[Annecy], 4 septembre [1629].

VIVE † JÉSUS !

Ma très-chère fille,

Je supplie Notre-Seigneur de verser toujours abondamment ses célestes grâces sur votre chère âme. J'ai reçu la vôtre du 15 mai, il y a quelque temps, où je vois le désir de votre bonne Sœur tourière d'être reçue dans le monastère ; sur quoi je vous dis, ma très-chère fille, que, quoiqu'elle ait ces bonnes qualités que vous me mandez, néanmoins, si elle a cette grande faiblesse d'esprit et facilité à recevoir l'impression de tous ceux qui lui parlent, en toutes les autres choses comme en ce qui regarde sa vocation, j'aimerais plus qu'elle s'en allât, que de la mettre dans le monastère, où elle servirait bien d'exercice et d'une grande croix. Mais si vous voyez quelque solidité en son esprit pour les autres occasions, et que vous jugiez qu'étant quitte de cette tentation, elle ferait bien dedans, vous lui pouvez bien promettre de la recevoir, d'ici à quelques années ; mais c'est bien à craindre que, quand elle sera reçue Sœur domestique, [323] elle ne reprenne ses inquiétudes, et voudra être du voile noir, et ce sera à recommencer. Or, pour éviter cela, en cas que vous soyez résolue de la prendre, je crois qu'il vaudrait mieux le lui promettre sous le prétexte de quelque fondation, où l'envoyant, vous le lui donneriez, et par ce moyen prévenir ses demandes et empêcher la tentation que cela pourrait causer aux autres.

Je serais consolée que vous alliez fonder à Auxerre ; mais je ne voudrais pas pourtant, ma très-chère fille, que vous témoignassiez aucun empressement pour cela, ains que seulement vous secondiez doucement la bonne volonté de ceux qui vous y désirent. Il ne sera que mieux que cette fondation tire un peu à la longue, car nos Sœurs auront plus de temps et de moyens de se fonder aux vraies et solides vertus ; et puis, je désire grandement que vous acheviez vos six ans avant que de sortir de là où vous êtes, après lesquels on verra ce que la divine Providence ordonnera. — Je suis bien aise que vous ayez auprès de vous une de vos chères nièces ; étant de si bonne naissance et de parents si vertueux, j'espère qu'elle réussira heureusement. — Je ne saurais vous dire, ma chère fille, combien notre communauté a reçu de consolation et d'édification des vertus de votre chère défunte. Dieu nous fasse la grâce d'en conserver longtemps la mémoire et de la bien imiter, comme nous le désirons. — Au reste, nous vous remercions très-cordialement des beaux Agnus et reliquaires que vous avez envoyés. Nos Sœurs auraient bien envie de savoir comme vous faites les petits Agnus de drap ; et si vous les coupez avec un fer, elles vous prient de leur en faire faire un, d'autant que l'on en a fait trois ou quatre en cette ville, sans pouvoir venir à bout d'en faire un bien. Si vous nous mandez ce qu'il faut pour cela, nous vous l'enverrons.

Tout se porte bien céans, grâce à Dieu. La ville sera bientôt nette comme l'on croit : elle est en quarantaine depuis cinq ou six jours, qu'il n'est point arrivé de mal qu'à deux personnes — O ma très-chère fille, toujours plus parfaitement chérie de [324] mon cœur ! que je suis consolée de savoir cette petite chère famille que Dieu vous a commise, marcher si simplement et innocemment dans leur sainte vocation. Le Dieu de toute douceur leur accroisse ses plus riches grâces pour persévérer et accroître en son pur amour, et en donne une double mesure au cher tout bon et cordial [cœur] de leur chère Mère ma vraie fille, toute parfaitement bien-aimée de mon cœur, que je l'assure être tout à fait sien, dont

Dieu soit béni !

[P. S.] Je pensais écrire à M. et à mademoiselle de la Curne. Ce sont deux personnes qui me sont très-chères en Notre-Seigneur. Mandez-leur que je les salue de tout mon cœur et me mandez de leurs nouvelles. Attendant que je leur écrive amplement nos nouvelles, dites-leur que c'est fort vrai que Mgr de Genève s'est fort exposé au service des malades.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMLIII - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

L'âme doit demeurer en paix au milieu des désolations intérieures et peu s'en occuper.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 9 septembre [1629].

Votre pauvre cher cœur me donne certes de la compassion, ma très-chère fille, de le voir parmi tant de douleurs ; mais la vue et la confiance que j'ai que tout cela est à la gloire de Dieu en vous et à votre plus grande perfection, me consolent, et je vous dis derechef, ma très-chère : fille cheminez dans vos ténèbres, dans vos insatisfactions et désolations intérieures ; cheminez-y, dis-je, fermement, car nous voyons que Dieu vous y tient de sa main, et vous y conduit. Cela est aisé à voir pour nous, [325] et nous remarquons ce que Dieu ne permet pas que vous voyiez vous-même ; mais qu'il vous suffise, pour marque assurée de sa présence et bonté, de la résolution que vous avez de ne Le point offenser et de Lui vouloir plaire, et que vous avez sa sainte paix au fond de votre esprit. Souffrez avec cela vos peines sans les regarder, ni en parler que le moins que vous pourrez ; je dis même avec Notre-Seigneur, car il faut user de divertissement tant qu'il sera possible, vous retournant de toutes choses simplement à Dieu, Lui laissant ce qui vous regarde, comme je vois que vous faites excellemment. Persévérez, je vous en prie, ma très-chère fille, et croyez que c'est votre plus grand bien que de vivre en croix ; parmi les tribulations intérieures, les meilleures se trouvent. La défiance de soi-même est une excellente vertu, pourvu qu'elle soit animée et soutenue de la très-sainte générosité et confiance en Dieu, comme je vois qu'est la vôtre, grâce à Notre-Seigneur. Vous avez plus d'occasion de vous réjouir que de craindre : Dieu en soit béni !

Mais, croyez-moi, ma très-chère fille, vivez généreusement au-dessus de toutes sortes de sentiments, et vous assurez que toutes les fois que vous me parlez de votre cœur, vous me donnez une très-spéciale consolation. Tenez le cœur de vos filles au large, et les conduisez à cette sainte générosité, c'est le vrai chemin. Bref, il faut vivre avec une vaillance spirituelle, toujours les armes en main, jusqu'à ce que nous soyons parvenues au parfait anéantissement de toutes nos passions et inclinations ; c'est une besogne pour toute notre vie, il ne s'en faut pas donc étonner.

Vous pouvez essayer notre Sœur M. -Marguerite en la charge d'assistante, lui recommandant l'humilité et observance. Si elle ne la fait pas bien, vous la lui ôterez ; car il ne faut pas la nourrir tendrement. — Ma fille, puisque l'on continue à vous faire des charités, prenez, en récompense, quelqu'une de ces filles qui ne sont pas riches, pourvu qu'elles soient à votre gré. Dieu [326] donne quelquefois de grandes bénédictions pour tel sujet. — Vous parlerez à Mgr du Père spirituel : mon sentiment serait que vous eussiez M. de Sautereau.

J'ai reçu toutes vos lettres ; mais, parce que j'ai peu de temps, je réponds courtement aux points nécessaires. Je resalue tous les amis et suis en peine de votre mal ; je ne le saurais consulter maintenant, car les médecins sont tous embrouillés parmi cette contagion ; j'attendrai qu'elle soit passée, outre que je pense que les médecins qui vous peuvent voir en pourront avoir aussi plus de connaissance. Il faut faire ce que l'on pourra sans y rien oublier, et Notre-Seigneur fera ce qu'il Lui plaira. — Bonjour, mon enfant, priez fort la Très-Sainte Vierge pour moi, et le glorieux saint Bernard et mon saint Ange. Je suis vôtre, certes de tout mon cœur.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMLIV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS

Tendre affection pour la Sœur Turpin. — Envoi des Réponses, prière de les examiner.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 9 septembre [1629].

J'ai trouvé une lettre de ma chère petite fille Marie-Euphrosine[84] qui n'a point de date, parmi celles que je mets à part, qui [327] ne sont pas toutes répondues, par laquelle elle me témoigne de la douleur de ce que je ne lui ai point écrit, pour lui faire savoir si j'avais reçu deux autres lettres qu'elle dit m'avoir envoyées.

Certes, je ne me souviens pas si je lui ai répondu, car j'ai un si grand embarrassement de lettres que j'en suis quelquefois accablée ; mais je vous prie, ma chère fille, de l'assurer qu'encore que je ne lui écrive pas, je ne laisse pour cela d'être bien aise de voir la disposition de son cher esprit dans ses lettres, et que je lui répondrais bien si je croyais qu'elle en eût besoin. Mais il me semble que puisqu'elles vous ont, elles doivent trouver en vous tout ce qu'elles ont besoin, et que vous leur suffisez pour toutes choses ; et néanmoins si elle désire que je lui écrive, je le ferai, car je désire bien de lui complaire, parce que c'est ma très-chère petite fille que j'aime bien ; je vous prie de le lui dire.

Ma très-chère fille, je vous envoie les Réponses que je jette sur les questions proposées par [quelques-unes] de nos maisons ; dites-moi franchement votre sentiment si elles sont bien. Je pense (si vous le trouvez bon) qu'après que j'aurai lu votre sentiment et celui des Mères sur ces petits éclaircissements qui y sont recueillis, que je devrai en retrancher tous les avis et documents que j'y donne, et y laisser simplement et courtement [328] ce qui est nécessaire pour l'intelligence des choses de l'Institut, car je les ai apprises de notre Bienheureux Père ou des coutumes de céans ; cela seul donnera autorité. Mais quant aux instructions que j'y ajoute, bien que je ne les aie pas apprises ailleurs que de notre Bienheureux Père, si me semble-t-il que ce n'est pas à moi de les donner à toute la Congrégation, qui les peut prendre ailleurs plus utilement ; que cela était bon si ce ne fût pas parti de céans, parce que comme Supérieure je peux et dois instruire nos Sœurs, mais qu'étant communiqué aux autres maisons il faudrait qu'elles eussent bien de l'humilité pour faire état de ce que je dis, comme de moi, et que partant toutes ces instructions, qui sont tant vues en nos maisons, sont assez inutilement parmi les réponses des choses nécessaires. Enfin, ma très-chère fille, je ne me puis persuader qu'étant si misérable et imparfaite que je suis, l'on puisse goûter et tirer profit de ce que je dis ; mais ceci je vous le dis sincèrement et non point par humilité. Je ferai pourtant ce que vous me direz, pourvu que vous dépouillant en ce sujet de cette extrême déférence et amour que vous avez pour moi, vous pesiez avec attention ma demande et proposition, et m'en disiez franchement ce que votre jugement vous en dira ; après quoi, j'emploierai les moments que je pourrai avoir pour achever cette chétive besogne, de laquelle après vous ferez ce que vous voudrez, et cependant je pense que vous ferez bien de n'en point faire de copie pour les maisons.

Je vous prie que quand vous aurez vu ces Réponses que je fais sur les questions, vous les renverrez.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Dijon. [329]

LETTRE CMLV - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Mesures à prendre pour arrêter la vente des faux Entretiens. — Peine et résignation de la Sainte en voyant prolonger le séjour de la Mère de Blonay à Lyon.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 15 septembre [1629].

Ma très-chère fille,

Je crois que [vous] aurez vu dans les corrections que nous vous avons envoyées du Coutumier, comme celles qui sont imprimées y sont comprises ; c'est pourquoi il les faut faire ôter et n'y laisser que les dernières que nous vous avons mandées. — Pour les sentences, il n'y a pas grand danger qu'elles demeurent comme elles sont ; car les corrections sont après celles du Coutumier qui feront voir comme elles doivent être séparées, et les autres fautes qui y sont. Il n'importe pas aussi beaucoup de mettre les lieux d'où elles sont tirées ; je ne voudrais pas donner cette peine à notre chère Sœur. — Pour les prédications, nous ne les voulons pas faire imprimer, et ne faut pas craindre que l'on en fasse comme des Entretiens ; car le privilège que Mgr de Genève et nous, avons obtenu du Roi, défend à tout libraire d'imprimer ni débiter aucun écrit sous le nom du Bienheureux, sans la permission de Mgr de Genève ; et j'admire que ce privilège, et la commission qui est si authentique et si bien faite, que nous avons obtenus avec tant de peines et de soins, ne nous servent de rien, puisque, comme vous dites, l'on vend la fausse copie qui nous a été soustraite, à Valence. Certes, ma très-chère fille, il faut que vous en parliez à M. Brun, et que vous avisiez, avec le conseil de quelqu'un des amis, d'envoyer une copie du privilège et commission bien collationnée à nos Sœurs de Valence, et qu'elles le fassent [330] signifier à celui qui vend les Entretiens, et qu'elles fassent saisir toutes les copies qu'il a, s'il se peut. Je n'ai pas eu doute que cette copie ne fût venue du sieur Chapet, qui l'a assurément tirée de Belley. Il faut tenir si bon à Derobert que cela donne exemple aux autres de n'en pas faire de même ; véritablement, et lui et son associé mériteraient qu'on leur fît payer des bonnes amendes.

Je vous prie, ma fille, faites bien savoir de nos nouvelles à nos bonnes Sœurs de Valence et des autres monastères, tandis que vous pourrez. Je vous assure que je suis bien marrie que la maladie se soit reprise à Lyon ; mais, croyez que c'est une occasion que Dieu envoie, afin que son peuple, et particulièrement les Filles de la Visitation, s'abandonnent toujours plus entre les bras de la divine Providence qui tirera sa gloire de ce fléau, qui s'en va être si universel partout. Nous enverrons nos Réponses à ma Sœur la Supérieure de Chambéry pour vous les faire tenir ; mais c'est à condition que sitôt que vous en aurez tiré la copie, vous nous les renverrez, afin de ne pas fâcher nos Sœurs. — J'ai envoyé la réponse de la lettre de ma Sœur l'assistante, il y a quelques jours. Je crois bien ce que vous me dites que la maison qui sera sous sa conduite ira toujours bien pour l'observance, quant à l'extérieur ; mais certes pour l'intérieur, il lui faudrait donc donner une bonne assistante. J'en écris plus particulièrement à ma Sœur la Supérieure, voyez ce que je lui en dis avec franchise et sincérité ; mais que cela demeure entre nous et qu'elle ne le sache pas, car je dis naïvement mon sentiment quand on me le demande. Pour ce qui est de l'accompagner à Condrieu, vous ne pouvez que lui être utile, mais je remets cela à ma Sœur la Supérieure.

[De la main de la Sainte.] Mais ce n'est pas sans un peu de mal de cœur de voir que l'on dispose de vous comme l'on veut, et que ceux à qui vous appartenez n'ont eu nul crédit de s'en servir dans leur extrême besoin. Certes, vous avez beau me dire que [331] M. de la Faye m'affectionne tant ; il me serait fort difficile de le croire, tant parce que je ne le mérite pas, que pour le refus qu'il nous a fait sur une occasion qui méritait qu'il nous donnât les meilleures filles de son obéissance ; et, au contraire, il nous refuse celle qui nous appartient, que nous ne demandions que pour un temps ; mais bien, je loue Dieu de tant de sujets de sensibles mortifications qu'il nous donne. Certes, ma fille, je ne laisse d'honorer très-sincèrement ce bon seigneur et lui souhaite tout vrai bonheur. Et pour votre chère Sœur N., de vrai, je l'aime chèrement, car c'est un très-bon cœur, cordial et franc. Je lui mande qu'elle doit modérer ses sentiments : sa jeunesse lui aide et sa vivacité naturelle ; mais elle doit mortifier tout cela, Dieu le requiert d'elle et la sainte vocation qu'elle professe. Elle ne doit être en peine d'aucune chose que vous puissiez dire d'elle ; car mon cœur ne s'étonne de rien. Je connais le sien, pour lequel Dieu m'a donné un amour tout spécial ; écrivez-moi donc tout et sans réserve, car vous devez traiter de la sorte avec moi, qui brûle toutes les lettres qu'il faut.

Je veux absolument que vous demeuriez assise le long de l'oraison, car c'est cela qu'il faut, et non de la retrancher. Vous êtes heureuse que Dieu ait soin de vous donner des occasions de pratiquer les vraies vertus. Mon Dieu ! me laissera-t-on mourir sans me donner la consolation de vous avoir un peu auprès de moi ? Je crains que la grandeur de ces personnes et notre petitesse et modestie, qui nous empêchent selon les lois de notre esprit toute conteste et violence, me privent de ce bien ; la très-sainte volonté de Dieu soit faite ! car enfin, ma vraie unique fille, nous ne voulons jamais que cela, moyennant sa sainte grâce, et désirons que toutes choses nous servent pour nous serrer et unir toujours plus étroitement à ce divin Sauveur, qui soit glorifié éternellement en toutes choses ! Amen. Notre pauvre chère Sœur Claude-Simplicienne [Fardel] [332] mourut hier. Elle nous a laissées pleines d'une édification non-pareille. C'était une âme vraiment religieuse, droite, innocente, humble et pauvre. Oh ! que ce départ a touché mon cœur ! c'était elle qui m'assistait en mes petits besoins ; vous savez comme j'aimais sa pure simplicité et candeur ; je la crois bienheureuse, mais avertissez partout, afin que l'on prie pour elle. Dieu soit béni !

[P. S.] Cette lettre nous est demeurée huit jours ; nous avons reçu vos dernières aussi bien que le billet et toutes les lettres précédentes. Vous verrez dans les dernières que je vous ai écrites, mon sentiment véritable sur le sujet d'union. J'ai confiance que la divine Providence continuera les choses comme elle les a établies, autant qu'il sera nécessaire au bien des maisons, et la sainte union qui s'est pratiquée par le seul esprit de charité. Rarement je vous ai trouvée de divers sentiment à celui de notre Bienheureux Père et au mien. [Plusieurs lignes effacées.] Cette fille-là a le cœur humble, doux, simple et tout à fait dépendant de la Providence divine, avec une grande et amoureuse confiance en Dieu ; avec cela, un esprit fort sage et un cœur cordial. Tout cela la rend aimable et lui acquiert plus de réputation et de connaissances qu'elle ne voudrait ; mais quel moyen d'empêcher l'estime du monde au mérite ? Je crois qu'elle ne la recherche ni désire en façon quelconque ; certes, je ne lui connais maintenant que des prétentions très-épurées. Et tout ceci, je vous le dis dans une vraie simplicité et sans nulle prétention que de rendre témoignage à la vérité. [Plusieurs mots illisibles.] Mais c'est trop dire ; aussi je parle à vous qui m'êtes, en vérité, comme la prunelle de mon œil, n'ayant rien de plus précieux que vous. Mais, mon Dieu, ne vous verrai-je jamais ? La sainte volonté de Dieu soit faite ! Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [333]

LETTRE CMLVI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Correction et réimpression du Coutumier et des Heures d'Office.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 20 septembre [1629].

Ma très-chère fille,

Voilà enfin le Coutumier que nous vous renvoyons. Je l'ai trouvé fort bien corrigé ; mais pour le Cérémonial et l'éclaircissement que nous envoyons aussi, il n'est pas croyable la peine que cela nous a couté, tant pour démêler nos petites coutumes d'avec l'éclaircissement des commémorations et cérémonies du chœur, où elles étaient tout pêle-mêle, que pour transposer et ajuster chaque chose en son lieu ; mais aussi il me semble que tout y est maintenant fort bien en ordre, et j'espère que cette peine ne sera pas inutile à nos maisons. Il ne reste plus sinon que le tout soit bien imprimé sur du bon papier avec de bons caractères et fort correct. Mais certes si cela n'est, vous pouvez bien assurer M. Cœursilly que j'avertirai nos maisons de n'en point acheter, parce qu'enfin je vois qu'il ne vise qu'à bien faire ses affaires avec nous, et non à nous bien faire notre besogne. Ma chère fille, vous direz que je me plains toujours de lui, mais c'est parce que j'en ai toujours sujet ; car je pense qu'il y a je ne sais combien de cent fautes en la seule imprimerie du Coutumier, ainsi que vous pouvez voir ès corrections imprimées. J'écris à M. Brun et lui envoie le mémoire de ce qu'il faut faire observer en cette nouvelle impression du Coutumier et Cérémonial, afin qu'il prenne la peine de tenir main à ce que cela se fasse comme il faut.

Nous avons aussi fait accommoder nos Heures, où il y a je ne sais combien de manquements, et des mots tout entiers où [334] les caractères ne paraissent presque point. Enfin, il faut dire la vérité, qui est que M. Cœursilly nous a très-mal servies en tout ce qu'il a fait pour nous, et les six paires d'Heures qu'il nous a envoyées pour cinquante sols ne sont couvertes que de méchant veau tout regrigné, au lieu que cela devait être de bon maroquin. Certes, elles ne valent pas plus de trente sols, au moins je vous en assure bien. Or je ne veux pas maintenant que ce bon M. Cœursilly ait notre peine pour rien ; c'est pourquoi il faut qu'il nous donne au moins une centaine de Coutumiers et encore quelques livres des Entretiens dont nous n'avons presque plus ni des Épîtres. Je vous prie, ma très-chère fille, faites un peu bien notre marché avec ce bonhomme, et vous nous ferez grand plaisir et une bonne charité. Ne dites pas toutes nos plaintes à M. Cœursilly, car cela affligerait le pauvre homme ; mais je désire qu'il fasse bien, et qu'il ne vende point cher le Coutumier à nos maisons, et qu'il se garde bien de n'en vendre ni donner qu'à nos maisons. — Ma fille, vous m'êtes tout uniquement chère ; soyons éternellement à Dieu. Qu'il soit béni.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMLVII - À LA MÈRE CATHERINE-CHARLOTTE DE CRÉMAUX DE LA GRANGE

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LION

Elle la remercie de ses libéralités. — Maternels reproches. — Misère générale à Annecy. — Décès de la Sœur Cl. S. Fardel.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 22 septembre [1629].

Ma vraiment très-bonne et chère fille,

Je chéris et prise avec une affection incomparable cette si cordiale dilection qui vous porte à nous départir si largement [335] de vos biens ; mais vous m'eussiez consolée de ne point redoubler, car il y a de l'excès. Et en vous remerciant de tous nos cœurs d'une si grande libéralité, nous vous supplions, ma très-chère fille, de nous plus rien envoyer que nous ne vous le mandions, et je vous assure, ma bien-aimée et chère fille, qu'avec une entière franchise et confiance, nous vous demanderons ce que nous aurons besoin qui ne pourra se trouver ici ; et pour vous témoigner que nous ferons fidèlement cela, je vous prie de nous envoyer une petite boîte de poudre faite également d'anis, de coriandre et de fenouil avec un peu de réglisse. C'est pour mon estomac qui s'affaiblit fort ; mais si le mal a repris grandement en votre ville, ne vous peinez pas de nous en envoyer. Voilà comme je veux traiter avec vous, ma très-chère fille, tout simplement et franchement, comme avec ma vraie fille, que je tiens être toute mienne, et qui est précieuse à mon cœur.

Nous continuons à nous très-bien porter, grâce à Dieu, bien qu'il y ait deux de nos Sœurs qui ont la fièvre, l'une tierce, l'autre double tierce, bien mauvaise, sans ombre de mal contagieux. — Je suis extrêmement marrie de ce que nous n'avons point vu votre messager. Il alla à Sales, d'où on le renvoya bien vite, pour le grand bruit qui s'est fait du mal repris à Lyon ; l'on porta sa charge à La Thuile, où est notre bon prélat, qui retint les brignoles et quelques autres boîtes, selon que vous lui mandiez, et nous envoya le surplus. Il se sent fort obligé de tout cela ; il vous chérit fort. Certes, c'est un digne évêque ; il s'en va par son diocèse.

Dieu soit béni, ma très-chère fille, des bénédictions spirituelles et temporelles qu'il répand sur votre chère communauté ; j'en rends grâces très-humbles à son infinie Bonté. Cela vous donnera moyen d'aider la maison de Paray, et les autres qui sont pauvres ; et ce serait faire une grande charité que de leur envoyer quelques filles, puisqu'il s'en présente si grand [336] nombre. Mon Dieu ! que vous avez bien fait de renvoyer celles qui n'étaient pas propres. Il faut surtout bien choisir les esprits. Je crois vous avoir déjà dit mon sentiment touchant notre Sœur M. -Catherine [de Villars], et je lui ai écrit. Voyez-vous, ma très-chère fille mon enfant, elle ne pourra pas donner aux filles ce qu'elle n'a pas ; toutefois, lui donnant une bonne seconde et des professes solides et bien dressées qui se pourront maintenir et dresser l'esprit à celles qui viendront, il n'y aura pas grand mal de la faire Supérieure en ce commencement, pour le contentement de Messieurs ses parents. Ne lui témoignez rien de ce que je vous dis ; car cela la pourrait abattre et affliger. Hélas ! certes, je l'aime de bon cœur et elle le mérite, et m'y a obligée par son grand amour et confiance ; mais je ne puis que parler droitement. Notre Sœur M. -Aimée [de Blonay] lui sera toujours fort utile en ce commencement, pour un peu la mettre au train et unir tous les esprits ; mais je laisse cela à votre volonté et jugement.

Votre cœur vif et prompt vous donnera encore quelque temps de ces ressentiments aux occasions qui vous contrarieront ; mais j'espère en Dieu que cela s'affaiblira, et vous y devez travailler. Mais, ma bonne et chère fille, ne soyez jamais marrie que je sache vos échappées, car Dieu m'a donné un cœur de vraie mère pour vous ; et, en ce sentiment, je vous dis que vous gardez trop longtemps le vôtre contre Mgr de Genève, auquel vous aviez par vos lettres donné quelque sujet, outre qu'il est justement offensé du refus d'une personne qui lui appartient et qu'il avait demandée fort doucement. Guérissons donc cette plaie avec la raison et l'huile de la sainte humilité et charité. Et pour la chère Sœur M. -Aimée de Blonay, je sais bien quel est votre cœur pour elle, et je m'assure qu'il vous dicte assez que vous la devez toujours regarder avec le respect d'une fille envers sa chère mère, tandis aussi qu'avec humilité elle vous rend tous les devoirs dus à une bonne mère. [337]

Au reste, ma très-chère fille, la misère continue en telle extrémité en ce pays, que le secours de votre charité y fera très-grand bien ; car Mgr de Genève et cette maison sommes à sec, n'y ayant plus quasi du tout ni blé ni vin, et il nous faut à dix-huit ducatons de blé par semaine ; nous l'achetons autant. C'est pourquoi j'ai ouvert la bourse de votre charité et en ai fait mettre septante ducatons à part pour les pauvres. Nous n'excéderons pas cent écus ; mais jusqu'à cette somme nous en secourrons les pauvres, s'il est besoin. La ville est en quarantaine ; mais le peuple ne laissera pas de pâtir jusqu'à la fin d'icelle.

Notre pauvre chère Sœur Claude-Simplicienne trépassa le jour de Sainte-Croix (14 septembre) sans aucune apparence de mal contagieux, grâce à Dieu, excepté quelque peu de tac, qu'elle jeta après être lavée. Mon Dieu ! que c'était une âme vraiment religieuse et utile aux services pénibles de la maison ! elle s'y est consumée. C’était elle qui m'aidait quand j'avais quelques besoins particuliers. Je l'ai pleurée de bon cœur, car c'était une âme droite, humble, simple et sincère. Je la crois dans le ciel ; mais ne laissez de faire prier pour elle. Le reste se porte bien, Dieu merci, excepté notre directrice, ma Sœur Madeleine-Élisabeth [de Lucinge], qui a la fièvre tierce.

Si vous avez bonne commodité, envoyez-nous les prédications, car nous ne les avons pas reçues. Je viens de faire un billet à ces deux bonnes Sœurs, qui sont certes dignes de compassion, et pour lesquelles il faut avoir un extrême support, ma très-chère fille, et grande douceur pour la pauvre Sœur J. -Élisabeth [de Sommaire], à laquelle il faudra que vous donniez quelque occupation, qui lui serve de divertissement et la relève un peu de cet accablement. Pour la Sœur M. -Madeleine [Félix], je pense qu'il sera bon qu'elle ne retourne pas au noviciat ; mais vous lui devez laisser toute liberté de parler à notre très-chère Sœur Marie-Aimée, laquelle lui retranchera petit à petit [338] ce qu'elle jugera pour son mieux. Adieu, ma fille toute chère, je n'en puis plus ; il est fort tard. Dieu soit béni !

[P. S.] Donnez à M. votre Supérieur celle que je lui écris, si vous le trouvez bon. Je ne sus parler autrement, et si je ne me fusse tournée à Dieu, j'eusse dit beaucoup sur le tort que l'on a de nous retenir cette chère Sœur et nous l'avoir déniée dans un si extrême besoin ; mais je laisse tout à la divine Providence et ne veux nulle contestation. — Je n'ai su voir votre grand papier, mais ce sera à loisir que je vous en dirai mon sentiment. Je vous prie, envoyez une copie de la lettre [annonçant la mort] de notre Sœur [Claude-Simplicienne] à Paray, une à Saint-Étienne, une à Valence et à Crest,[85] et vous nous obligerez grandement, comme aussi de faire tenir nos autres lettres.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMLVIII - À LA MÈRE JEANNE-FRANÇOISE LE TELLIER

SUPÉRIEURE À ORLÉANS

Témoignage d'affectueux souvenir. — Affaires.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 30 septembre [1629].

Mon Dieu ! ma très-chère fille mon enfant, le pourriez-vous bien penser que je vous eusse oubliée ? Certes, je m'oublierais [339] plutôt moi-même ; car Dieu sait de quel cœur mon âme a toujours chéri la vôtre et toute la chère troupe de vos bénites filles d'Orléans, que j'aime chèrement ; mais, de vrai, je vous ai assez souvent écrit, et je vois bien que mes lettres se perdent de tous côtés ; la peste en est cause. Nous avons été affligées de ce mal du pays et violemment : Dieu nous a préservées par sa grâce et il y a peu de maisons infectées maintenant.

Je loue Dieu de ce que nos Sœurs vivent si contentes avec vous, et que la sainte union règne entre vous. Persévérez ma très-chère fille, et vous assurez que Dieu conduira Lui-même par vous. Soyez généreuse, forte, mais douce et cordiale. — Je vous fais ces lignes sans loisir, pour ne pas perdre l'occasion, parce qu'elles nous sont rares ici durant la peste. — Béni soit Dieu que les affaires de notre Bienheureux Père soient achevées.[86] Ma fille, cela m'oblige encore plus, et me lie plus étroitement à vous, qui en avez eu tant de soin. Dieu le vous rende et à tous ceux qui ont bien travaillé.

Il s'en faut bien garder de mettre la Sœur N*** assistante, vous en avez de plus propres, la vôtre est prou bonne. Enfin, faites tout selon que Dieu vous inspirera, et tout ira bien. Je suis bien aise de la petite de Châtillon ; il y a quelque temps que j'écrivis à madame sa mère ; je la salue et tous les amis, mais surtout le très-bon Père recteur et nos Sœurs.

Dieu répande en abondance ses sacrées bénédictions sur ma très-chère petite fille, et sur toute sa troupe bien-aimée de mon cœur ! Croyez, ma très-chère fille, que c'est tout de bon que je suis tout à fait vôtre. — Dernier septembre.

Conforme à l'original gardé à la Visitation du Mans. [340]

LETTRE CMLIX - À LA MÈRE ANNE-MARIE DE LAGE DE PUYLAURENS

SUPÉRIEURE À BOURGES

La Mère de Monthoux n'est allée aux bains que sur l'ordre de ses Supérieurs ; il ne faut pas croire les médecins quand ils conseillent de tels remèdes.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 2 octobre 1629.

Ma très-chère fille,

J'ai reçu depuis deux ou trois jours la vôtre du 26e d'août. Je vous assure toujours de notre très-bonne et parfaite santé, grâce à Notre-Seigneur, quoique, comme vous avez su, il nous soit mort une de nos très-chères Sœurs, nommée Claude-Simplicienne, de la vertu de laquelle nos Sœurs professes de votre maison vous pourront assurer, car elles la connaissaient fort particulièrement. Pour moi, ma très-chère fille, je vous assure que j'en ai été grandement touchée ; mais j'acquiesce, de tout mon cœur au bon plaisir divin qui l'a ainsi ordonné. Elle eut onze jours durant une fièvre violente ; néanmoins, il ne lui parut aucune marque de mal contagieux que quelque peu de tac, qu'elle jeta depuis qu'elle fut morte, ce qui nous fait espérer qu'il n'y aura pas de danger pour le reste, qui se porte bien, Dieu merci.

Croyez, ma chère fille, que je n'ai nullement conseillé à ma Sœur la Supérieure de Blois d'aller aux bains ; mais qu'elle l'a fait, pressée par le commandement et les sollicitations que ses Supérieurs lui en ont faits, contre tousses sentiments et la forte répugnance que je sais qu'elle y avait ; en quoi ils m'ont désobligée plus que je ne puis dire ; car, lorsqu'ils envoyèrent ce messager exprès ici pour savoir si elle irait, je leur confirmai ce que j'en dis dans mes Réponses, et même leur assurai que notre Bienheureux Père n'avait jamais voulu qu'une Sœur allât aux bains d'Aix, qui ne sont qu'à deux lieues de nous, et fis tout [341] ce que je pus pour l'empêcher, et néanmoins vous voyez ce que tout cela a fait, dont j'en ai une douleur que je ne vous saurais dire ; mais je crois que Dieu, qui a permis tout ce qui est arrivé, en tirera sa gloire, et nos autres monastères, la fermeté à leur devoir et à l'observance exacte de la clôture ; car, comme je leur mandai, nous y sommes autant obligées que les Carmélites, les Filles de Sainte-Claire et autres Religieuses réformées. Que si elles sortaient pour de semblables occasions et qu'elles y pussent aller, certes, nous qui n'avons pas do grandes austérités pour le corps, si nous ne gardons pas exactement le reste de nos observances, et particulièrement en ce qui est de la clôture, on nous méprisera aussitôt. Je vous prie, ma fille, que les médecins ne soient point crus en cela.

[De la main de la Sainte.] Ma très-bonne et chère fille, vous devez vous assurer que je traiterai toujours avec vous en pleine confiance : votre sincérité et bonté m'a ouvert ce chemin il y a longtemps, c'est pourquoi ne doutez point que je ne le fasse. Certes, Dieu m'a donné un amour pour vous qui ne souffrira jamais aucune étrécissure ni manquement de franchise, qui m'empêche de vous avertir de ce que je connaîtrai de ce qui vous sera utile. — Je vois bien que votre soin à gagner les esprits n'est pas inutile : croyez-moi, ma très-chère fille, ce doit être l'un des principaux exercices d'une Supérieure que de gagner par cordialité et ouverture de cœur celui de toutes ses Sœurs ; faites-le toujours soigneusement, Dieu vous en saura gré. Je Le supplie vous combler de son saint amour. Amen.

Dieu soit béni !

Ma Sœur la Supérieure de Moulins m'écrit que notre Sœur de Blois n'est pas [allée] aux bains ; soit qu'il soit ou non, il le faut tenir à couvert, et ne le pas avouer, sinon que la chose fût toute découverte. Conduisez cela avec prudence.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Poitiers. [342]

LETTRE CMLX - À LA SŒUR MARIE-ÉLISABETH JOLY[87]

AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS.

Elle lui recommande l'abandon entre les mains de l'autorité et la fidélité à la Règle. — Ne désirer aucune charge. — Comment avertir la Supérieure de ses défauts.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 4 octobre [1629].

Ma très-chère fille,

La pressure de cœur qui vous est demeurée sur la croyance que vous m'avez donné beaucoup de sujets de mécontentement est une tentation ; car je vous assure que cela n'est point, et que je n'ai jamais douté de votre salut, mais que je l'ai toujours espéré avec une ferme confiance en la bonté et miséricorde de Dieu.

Puisque vous me demandez de quoi vous vous devez amender et à quoi vous devez travailler, je vous dirai ce que je vous ai toujours dit, que le plus que vous pourrez vous laisser entre les mains de vos Supérieurs, pour votre corps et pour votre esprit, sera votre mieux, et que vous tâchiez de vous tenir exactement dans vos observances et institutions, selon la direction qu'ils vous en donneront. Je suis consolée de voir l'avancement que vous y avez déjà fait, et espère que vous vous trouverez encore mieux de la continuation. Je vous prie, ma chère fille, videz votre esprit tant que vous pourrez de toutes ces pensées et désirs d'être employée ès charges et offices. [Méditez] ce que dit notre Bienheureux Père en un Entretien : « Tenez-vous [343] disposés pour les recevoir quand l'obéissance le voudra et quand elle ne vous y occupe pas, ne les désirez et n'y pensez pas, car ce n'est que l'amour-propre qui conduit tout cela. » Soyez généreuse, et surtout tenez votre esprit en paix, quoi qu'il arrive. Occupez-le fort autour de Notre-Seigneur, et ne vous amusez point à regarder ni si l'on vous aime, ni si l'on vous estime, ni tout cela qui ne fait que vous inquiéter ; demeurez en repos de tout.

Et pour ce que vous me dites de la communion, quand les fautes sont grosses, il les faut dire à la Supérieure et puis faire ce qu'elle vous dira : et voilà, ma chère fille, ce que j'ai pensé qui vous pourrait être utile, suivant la demande que vous m'avez faite. — Quant à ce qui est des avertissements à la Supérieure, il faut en cela aller avec une grande simplicité et lui dire avec sincérité et humblement ce que l'on juge lui devoir être dit, et il est toujours mieux de le dire à elle avec confiance que de lui faire dire et en parler ailleurs ; mais, certes, il faut bien prendre garde de n'éplucher pas les actions des Supérieures, d'autant qu'elles ont quelquefois des raisons pour les faire que nous ne pouvons pas savoir ; enfin, marchons droitement devant Dieu en toutes choses. Je supplie son immense Bonté qu'elle vous comble de l'abondance de ses divines grâces. Je suis en son amour sacré pour jamais, votre, etc.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation du Mans. [344]

LETTRE CMLXI - À LA MÈRE ANNE-MARIE BOLLAIN

SUPÉRIEURE DES FILLES REPENTIES DE LA MAGDELAINE, À PARIS[88]

Encouragements et félicitations au sujet de l'œuvre de la Magdelaine elle procurera la gloire de Dieu et le salut des âmes.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 7 octobre 1629.

Ma très-chère fille,

J'avais bien déjà su votre établissement de la Magdelaine, par ma Sœur la Supérieure de la ville [de Paris] qui me l'avait écrit, dont j'en bénis Dieu, et vous assure que j'ai reçu une consolation très-grande en lisant votre lettre, pour la bonne espérance que je vois que vous avez du bien qu'avec la grâce de Notre-Seigneur vous pourrez apporter à cette maison. Je vous conjure, ma très-chère fille, autant que je le puis, de persévérer en votre sainte entreprise, car j'espère que sa divine Bonté bénira le travail et le soin que vous y prendrez ; et il me semble que je vois notre Bienheureux Père qui a une complaisance et une joie incroyables de vous voir dans cet exercice, et qui bénit Dieu de ce qu'il daigne se servir d'elles [de ses Filles] [345] pour retirer du péché et conduire à une entière pureté les âmes qu'il a créées, et que Jésus-Christ a rachetées de son précieux sang.

Je ne puis vous exprimer le contentement que j'ai éprouvé en apprenant le fruit et le profit que ces âmes tirent de votre présence et de votre bonne conduite, ce qui procure la gloire de Dieu, l'édification du prochain et la bonne odeur de notre Institut. Tenons-nous bien petites, et nous attirerons par là les bénédictions du Ciel. Quel bonheur d'avoir été choisies de la Providence pour cueillir cette ample moisson ! Nous ramènerons ces filles dans la voie du salut et nous acquerrons des trésors de grâces et de mérites, si nous sommes fidèles à l'humilité, à la patience et à l'amoureuse souffrance du mépris.

Certes, ma très-chère fille, cette fermeté que vous avez à corriger leurs vices fortement, et l'amour et tendresse à les supporter, sont une marque assurée de la présence de Dieu en votre esprit. Continuez donc à faire ainsi, et ne vous point amuser à faire réflexion sur tout ce que vous faites. J'espère que sa Bonté en tirera sa gloire et le bien de ces pauvres âmes. Je l'en supplie de fout mon cœur, et de vous donner [346] l'abondance de ses plus chères et précieuses grâces, et à toutes nos chères Sœurs qui sont avec vous, que je salue chèrement. — Nous nous portons toutes très-bien en ce monastère, grâce à Notre-Seigneur, auquel et pour lequel je suis d'un cœur tout sincère, votre, etc.

LETTRE CMLXII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Désir de la voir. — Projet d'écrire une lettre au sujet de l'union entre les monastères.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 7 octobre [1629].

Il le faut bien faire vraiment, ma très-chère fille, de m'écrire tout au long votre solitude, et le bien et le mal que vous y aurez remarqués. Qu'heureuses sont les âmes qui ne sont embarrassées d'aucune prétention, et qui vivent nues de tout ce qui n'est point Dieu ! C'est le désir unique que ce divin Seigneur m'a donné dans ma retraite où je suis dès lundi, mais avec les interruptions accoutumées. — Ne pensez point poursuivre la communauté de la table[89] ; laissez gouverner cela à la Supérieure.

M. de la Faye est bien bon d'avoir pris si doucement ma lettre ; de vrai, je ne serai pas contente que l'on ne vous ait laissé venir ici pour quelque temps ; car s'ils vous reveulent là, nous vous y renverrons sans contredit, et j'en serai bien aise. Je lui ai pensé écrire que, puisque nous avions usé d'une si grande soumission et respect en son endroit, je m'attendais qu'il userait de revanche, nous donnant le contentement de [347] vous laisser venir à nous pour quelque temps, sur l'assurance que, s'il jugeait votre présence être encore un jour utile là, l'on vous renverrait ; mais j'ai pensé que peut-être sa disposition n'était pas encore bonne pour cela ; vous le manderez. — L'on est allé voir si l'on aura les lettres de M. Guichard, qui sont à une lieue d'ici.

Je pense que vous aurez maintenant nos Réponses. L'on a envoyé à Chambéry la copie de céans pour vous la communiquer ; voyez-les à loisir et m'en dites distinctement votre sentiment et celui de nos Mères ; car je les ai revues à mon loisir, et n'y ai rien laissé dont j'aie scrupule. Elles vaudront ce que Dieu les fera valoir ; au moins sont-elles sincères et conformes à ce que j'ai appris de notre Bienheureux Père.

Je viens de recevoir vos deux lettres de M. Guichard, qui m'ont tout à fait consolée ; car, voyez-vous, vous m'êtes fille du fin milieu du cœur. Je ne puis répondre distinctement, aussi n'en est-il pas besoin. Ma prétention pour l'union ne s'étend pas si loin que les propositions que je fais selon les sentiments de ceux qui vous conseillent, et non selon les miens qui ne tendent et n'aboutiront, Dieu aidant, qu'à la vraie simplicité que les vraies Filles de la Visitation ne désapprouveront pas ; car je n'y prétends ni autorité, ni formalité, sinon qu'avec le temps les prélats la voulussent donner. Or bien, j'en écrirai un jour à nos très-chères Sœurs les Supérieures, quand j'en serai de loisir et que j'aurai bien digéré mes pensées et accoisé tous ceux qui me pressent pour cela ; car il faut écouter par respect les gens de bien et qui affectionnent, surtout quand on ne peut faire ce qu'ils conseillent. Mon Dieu, ma fille, qu'il est heureux qui se tient bien chez soi auprès de Notre-Seigneur et qui vit selon ses maximes, et non selon la nature et l'esprit humain ! Seigneur Dieu, que je m'affligerais volontiers de voir que dans la Visitation cela ne s'observe pas comme je voudrais ! Au moins faisons-le, nous autres, le mieux que nous pourrons. [348]

Oh ! que je désire que nous soyons au moins quatre mois ensemble ! Employez tout pour cela ; car je crois que ce sera la gloire de Dieu ; mais en tout, sa sainte volonté soit faite ! — Je ne reçus qu'un petit billet du Révérend Père Maillan pour sauf-conduit de nos lettres ; je l'honore de cœur, mais je ne puis plus écrire. — J'écris à notre Sœur la Supérieure d'Autun selon votre désir, c'est un bon cœur franc et droit. — Adieu ; c'est tout à fait sans loisir.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMLXIII - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À AUTUN

La Sainte loue sa déférence envers la communauté de Paray. — Prétentions de la Sœur de Morville.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 9 octobre [1629].

Ma très-chère fille,

Ne soyez point en peine de nous : nous nous portons très-bien, grâce à Notre-Seigneur, et la ville s'en va être purgée dans peu de jours. Je suis toujours consolée de savoir de vos nouvelles, et je loue Dieu des bénédictions que sa Bonté répand sur vous et votre très-chère troupe, qui vit avec tant de paix et de douceur, et Le supplie les y accroître de plus en plus.

Ne vous mettez point en peine si nos Sœurs de Paray trouveront bon que vous receviez des filles de Charolles ; mais faites entendre à la bonne Mère votre procédé. Ne les allez pas chercher, mais aussi ne les refusez pas, d'où qu'elles viennent ; et néanmoins je vous sais très-bon gré de cela, ma très-chère fille, car c'est faire en vraie fille de la Visitation. Mandez-le-lui donc, afin de maintenir la sainte union entre vous et nos [349] monastères. Pour ce qui est de leur établissement de Paray, il faut un peu laisser cette affaire à nos bonnes Sœurs de Lyon. Je leur en ai dit ce que j'en pouvais dire : elles en verront l'expérience ; mais je vous prie, faites vers leur Supérieur qu'il ne leur limite point la dot des filles qu'elles recevront, car cela leur pourrait nuire, d'autant qu'il s'en présente quelquefois qui ont des qualités et dispositions si bonnes qu'elles portent leur dot.

J'ai vu les demandes de ma Sœur Marie-Aimée [de Morville] de Moulins ; je crois que si l'on fait bien ce que j'ai écrit pour cela, qu'il n'y aura nul danger de lui donner ce logement qu'elle désire, avec toutefois les conditions que j'ai marquées. L'affaire est maintenant entre les mains de ma Sœur la Supérieure du faubourg de Paris, pour la résoudre avec Messieurs les parents de notredite Sœur. Voilà, ma très-chère fille, ce que je vous puis dire bien à la hâte, ayant dévoré votre lettre et ne pouvant seulement voir celle de la bonne veuve, notre chère Sœur [M. -Mad. Darlay], que je salue chèrement, et prie Dieu de répandre sur sa profession le comble de ses sacrées bénédictions, et sur tout le reste de la troupe qui m'est extrêmement chère.

Je la salue de tout mon cœur, mais surtout votre chère âme que je sens au milieu de la mienne toute jointe et unie à mon cœur, qui est autant vôtre que mien. Vivez bien toujours dans les maximes de l'Institut et les donnez à vos filles.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [350]

LETTRE CMLXIV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-MARGUERITE MICHEL

SUPÉRIEURE À DIJON

Acheminement de la fondation de Besançon et dispositions à prendre pour la communauté de Dijon. — La peste diminue à Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, octobre 1629.]

Ma très-chère fille,

Le bon Père dom Maurice nous a écrit qu'il avait passé vers vous et nous a assuré que tout se portait bien en votre maison, dont je loue Dieu ; mais j'ai été un peu étonnée qu'il ne nous ait pas apporté de vos lettres. Je crois bien que ce n'est pas faute d'affection, car je sais que votre bon cœur est tout mien ; mais comme je vous aime chèrement, j'aurais bien pris plaisir, par une si bonne et assurée commodité, devoir de vos lettres et d'apprendre plus particulièrement comment tout se porte en votre cher monastère et en notre Dijon. Je vous écrivis il y a environ deux mois et point dès depuis ; je ne sais si vous avez reçu le paquet ; il y avait une lettre pour notre cher M. Boulier, où je lui disais toutes les nouvelles de la maladie ; sachez s'il l'aura reçue ; il y en avait aussi pour Mgr de Châlon, pour Autun et pour ma fille. Je serais bien marrie si ce paquet s'était perdu.

Le Père dom Maurice nous a aussi écrit que votre fondation de Besançon était prête : nous serons bien aise de savoir quand vous la ferez ; et, si vous y allez, qui vous laisserez en votre place ; si Mgr de Langres agréerait que nos Sœurs demeurent sous la conduite de ma Sœur assistante et si nos Sœurs en seraient contentes. Dites-nous bien tout cela, ma très-chère fille, et nous mandez de vos nouvelles, car il me semble qu'il y a longtemps que nous n'en avons point eu. Envoyez-nous aussi, je vous prie, [l'histoire de] l'établissement de votre monastère le [351] plus au long et amplement que vous pourrez, y faisant ajouter et que nos Sœurs qui y allèrent d'ici et celles qui sont de la ville se pourront souvenir, qui est arrivé à cette fondation.

Au reste, ma très-chère fille, nous nous portons fort bien, grâce à Notre-Seigneur. Nous pensions être hors de la prison où nous sommes par la divine disposition, il y a sept mois entiers, mais au bout de la quarantaine est survenu du mal en deux maisons, de sorte qu'il la faut recommencer ; au reste, il n'y a plus rien à craindre pour le mal, mais oui bien pour la pauvreté et misère que le peuple pâtit. Notre bon Dieu nous fasse la grâce de profiter de ces occasions qui nous doivent être précieuses. Dites ce peu de nos nouvelles à M. Boulier, ce bon cousin, et que je les aime comme tous nos chers parents et surtout nos très-chères Sœurs.

Je n'ai loisir de plus, car il ne faut laisser passer les occasions, parce que nous ne les avons à notre commodité. Il n'y a pas longtemps que nous écrivîmes à nos chères Sœurs de Lorraine, lesquelles j'aime bien ; mais si vous avez occasion, mandez-leur de nos nouvelles et les saluez chèrement de notre part. Ma très-chère fille, notre divin Sauveur vous comble de son saint amour, auquel je suis toute vôtre, mais de tout mon cœur.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Soleure. [352]

LETTRE CMLXV - À LA MÈRE MARIE-CONSTANCE DE BRESSAND

SUPÉRIEURE À MOULINS

Ne pas craindre la calomnie. — L'humiliation doit être appréciée comme un riche trésor. — Conduite à tenir envers la Sœur de Morville.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 31 octobre 1629.

Je vous assure, ma très-chère Sœur ma mie, que si ce n'était notre bon Dieu qui m'attache ici et me rend impossible l'obéissance à votre désir, que j'aurais bien de la douleur de n'y pas satisfaire tout promptement ; mais j'espère de sa bonté souveraine, qu'elle vous enverra un meilleur secours. Enfin, ma très-chère fille, il faut embrasser cette croix et généreusement. Tout ce qu'on dit de vous et de votre maison, étant sans fondement ni vérité, il passera et s'étouffera, et la bonne renommée subsistera. Cependant profitez de cette occasion, mais je vous en conjure, car jamais peut-être n'aurez-vous une semblable pour vous conformer à Notre-Seigneur. Embrassez tout, chérissez tous ces mépris, cachez-les dans votre sein et vous enrichissez d'un si précieux trésor. Ne regardez ni la langue ni la main qui vous frappe, mais voyez en tout cela la seule très-sainte volonté de Dieu, qui vous veut rendre conforme à Lui par cette tribulation.

Au reste, si mes lettres précédentes ne font rien et que cette pauvre créature se veuille retirer, laissez-la aller en paix, ou du moins demeurez-y et croyez que la divine Providence ne vous manquera pas. Mais tenez vous ferme et constante dans l'enclos d'une très-humble générosité et d'une extraordinaire douceur, charité, égalité et modestie. N'échappez en une seule parole de ressentiment et parlez sobrement de ses défauts, avec support et charité : vous verrez que Dieu vous aidera. Ne refusez l'assistance de personne ; mais, je vous prie, que chacun [353] connaisse que l'esprit de Dieu habite en vous et en vos filles. Ne refusez aucune soumission, s'il en faut faire, et dites toujours que vous ferez en tout ce qui vous sera conseillé et que Mgr l'évêque ordonnera, que tout votre désir est de vivre en l'observance en votre communauté et paisiblement avec cette bonne Sœur.

Ma très-chère Sœur, si cette pauvre créature sort, et qu'elle veuille emporter les meubles qu'elle a donnés, ne lui résistez pas, mais rapportez-vous de tout à Mgr l'évêque ou à quelque autre, car il s'en faut remettre à un tiers, et ne lui donner sujet de mécontentement en cela. Que si elle se veut retirer après lui avoir fait faire les remontrances dues, oh Dieu ! ma très-chère fille, laissez-la aller, et ne craignez point la pauvreté. Pour la fille qui la sert, parlez-lui maternellement, et lui faites parler, et pour cela vous aurez l'avis de Mgr l'évêque et son autorité, et le conseil du bon Père recteur qui ne vous manquera pas. J'écris à Mgr l'évêque : il nous peut rendre favorable madame la princesse, à laquelle vous devez faire faire la révérence. Je lui eusse écrit si j'eusse eu le loisir, mais Mgr l'évêque fera prou. Croyez, ma très-chère fille, que c'est bien par force que je suis [retenue ici ; mais il faut le vouloir] puisque c'est la volonté de Dieu et pour son service. Or, si le mal continue et que ma présence puisse servir, nous avancerons tant que nous pourrons les affaires d'ici pour aller là. Dieu soit votre protecteur, ma très-chère fille, et vous tienne de sa main. Il sait combien je suis vôtre. Il soit béni.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [354]

LETTRE CMLXVI - À LA MÈRE CATHERINE-CHARLOTTE DE CRÉMAUX DE LA GRANGE

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Conseils pour la fondation de Condrieu. — Il ne faut pas s'engager à dire l'Office des Morts pour tous les parents des fondateurs. — Sentiment de saint François de Sales au sujet de l'éducation des jeunes filles à la Visitation.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy. 1629.]

Ma très-chère fille,

J'ai vu les articles de votre fondation de Condrieu et j'y ai remarqué beaucoup de piété, de civilité et d'humilité en ce bon gentilhomme[90] qui vous les propose et une grande affection pour cet établissement. Vraiment il est bien raisonnable de faire tout ce qui se pourra pour sa consolation. Mais pour cette première proposition de nommer celles qu'il veut qui soient reçues sans dot, il faudrait obtenir, s'il se peut, que les Sœurs eussent la liberté de choisir les filles, à cause du danger qu'il y aurait que celles qu'il nommerait ne se trouvassent pas propres pour être reçues, et ceci est un point important, pour la conservation de la paix de notre Institut ; car, pour l'ordinaire, ceux qui présentent les filles ont tant de désir qu'elles soient reçues que, quand on vient à les renvoyer pour n'être pas propres, on [355] se les acquiert pour ennemis au lieu d'amis. C'est pourquoi, ma très-chère fille, il faudra bien ajuster ce point, en sorte que les Sœurs ne soient point gênées de prendre celles qu'elles ne trouveront pas propres ; le Coutumier vous servira de lumière en ce sujet.

Quant au deuxième article, il est bien raisonnable que madame sa femme ait les entrées qu'il désire, comme fondatrice ; mais pour les autres qui viendront après elle, certes, je crois qu'il sera nécessaire de les limiter, pour éviter l'inquiétude que les Sœurs en pourraient recevoir, ne sachant pas de quel esprit pourraient être celles qui lui succéderont. Pour leur sépulture, au lieu qu'ils désireront de l'église, cela est juste ; et les prières, vous leur pourrez dire celles que le Coutumier ordonne, qui, me semble, sont les mêmes que pour les Sœurs, sans toutefois le leur dire ; mais seulement que l'on dit tant de messes, que l'on fait tant de communions et tant de prières pour les fondateurs-car de vous charger de dire l'Office des Morts et autres prières pour ses père et mère, pour Mgr de Vienne, et pour lui et sa femme, chacun en particulier, ce serait contre l'Institut. Vous le pouvez bien dire une fois l'année, leur appliquer la messe et la sainte communion pour ses père et mère défunts ; mais qu'après sa mort, vous n'augmentiez pas les prières, ains le dire une fois pour tous ensemble à perpétuité.

Pour ce quatrième article de l'instruction de six jeunes filles, ce serait contre l'Institut de prendre des pensionnaires ; notre Bienheureux Père ne le voulut jamais approuver. Je ne sais si vous trouverez point dans ses Épîtres une lettre qu'il en écrivait à une de nos Supérieures, qui était sollicitée de son prélat pour ce sujet. Le Coutumier permet bien de prendre trois jeunes filles d'environ dix à douze ans, que leurs parents aient quelque dessein de faire Religieuses, pour les instruire et façonner, mais non davantage ; et partant, si l'on pouvait obtenir qu'ils se contentassent que l'on donnât l'instruction qu'ils [356] désirent, au parloir, aux jeunes filles et à quelques amies, les fêtes et encore un jour par semaine, cela se pourrait faire, de la sorte que je vous dis ; car, de faire autrement, ce serait contre l'Institut. Et voilà, ma chère fille, mes petites pensées, puisque vous les avez désirées. — Je bénis Dieu de ce qu'il n'y a pas tant de mal en cette petite que vous m'en aviez écrit. — Pour ce qui est de madame Daloz, je vous remets cela pour en tirer ce que vous pourrez et quand vous le pourrez, me confiant que votre affection filiale en aura tout le soin nécessaire.

Voilà que j'écris à M. le comte de la Faye ; vous lui ferez donner ma lettre si vous le jugez à propos. Je lui dis ce qui m'est venu avec franchise ; c'est un seigneur que j'honore cordialement et filialement, tant pour l'amour et le soin qu'il a pour vos deux monastères, qu'encore pour l'affection qu'il me témoigne, dont je lui demeure grandement obligée, et pour ce qui regarde ma consolation particulière d'avoir un peu ma Sœur M. -Aimée [de Blonay] ici, j'en laisse le soin à la divine Providence. — Nous reçûmes hier vos lettres et y répondrons le plus tôt que nous pourrons ; mais celui qui les apporta ne nous donna pas seulement le loisir de les ouvrir ; nous les tiendrons prêtes pour les envoyer à la première commodité qui se présentera.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [357]

LETTRE CMLXVII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Le vrai mépris de soi-même doit produire la confiance en Dieu. — Mort de Mgr de Bérulle. — Éloge de la Mère de Villette.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1629.]

Mon Dieu ! ma vraie fille, qu'il nous est bon de nous revoir et de trouver des misères en nous ! Cela nous enfonce dans le saint mépris de nous-même, et nous élève à une plus parfaite et absolue confiance en Celui qui tient en soi tout notre bien ; je l'aime mieux là qu'en moi-même. Vous êtes grandement obligée à son immense Bonté ; elle vous fournit de grandes lumières et un bon courage. Correspondez fidèlement, et pour cela mourez à toutes choses et à vous-même, pour ne plus vivre que dans sa divine volonté, et priez fort pour moi, afin que je fasse le même ; je le désire, mais je suis misérable. — Nous jouissons d'une solitude la plus douce et désirable qu'il est possible. Nous n'allons nullement au parloir. Oh ! s'il pouvait durer, car mon esprit est fort dégoûté de la conversation du monde. Je voudrais ne parler qu'à moitié bouche ; mais pourtant je ne veux nullement vivre selon cette inclination, mais comme notre bon Dieu voudra, car rien n'est précieux ni aimable que son divin bon plaisir.

Je suis bien aise que le bon Père ne vous ait point flattée. J'aurais besoin de passer par telles mains ; mais Dieu ne le voulant pas, ni moi aussi. — Non de vrai, vous n'avez point de coulpe à votre séjour là, quel moyen de faire des violences ? Cela n'est pas notre esprit. Il vaut mieux souffrir que l'on nous fasse tort que de regimber ; il faut laisser cela à Dieu, au moins pour encore il ne faut rien remuer. Je suis bien aise que vous [358] soyez éloignée de l'affection des austérités du corps, je n'y ai nul attrait, ce n'est pas notre esprit ; mais employons vaillamment celle du cœur. Oh ! qu'elle est excellente ! Croyez que vos lettres ne me sont jamais trop longues ; car il y a une si intime union et confiance entre nous deux, que je sens bien qu'il n'y a rien de semblable. — Certes je crois qu'il fera grand bien à notre Sœur votre Supérieure de venir ici ; mais il ne le faut proposer maintenant. Je l'aime bien, elle a le cœur bon ; mais il lui ferait du bien. Je vois, ce me semble, son esprit. — Je n'ose toujours vous écrire selon l'étendue de mon cœur ; je crains trop les accidents.

Oh ! la grande perte pour l'Eglise que l'absence de Mgr de Bérulle ! mais qu'il est heureux ! — J'écris à M. de la Faye, mais je ne sais s'il faudra donner la lettre... — L'on voudrait bien que la Sœur Jéronyme [de Villette] fût ici. J'ai peine de voir que l'on se veut vite décharger de ces bonnes Mères déposées. Elle m'écrit que si j'agrée qu'on l'envoie ici, qu'elle le fera de bon cœur, et je la crois ; mais n'étant pas encore bien assurée de notre séjour ici, à cause de cette fondation de Verceil, nous ne pouvons accorder cela et pour d'autres raisons encore. La bonne Sœur m'écrit qu'elle est fort contente et me dit mille biens de sa Supérieure, et de la confiance qu'elle y a et comme elle lui est obligée. Sa lettre me semble fort sincère, et enfin elle a bien servi cette maison-là [de Saint-Étienne]. Dieu veuille que toutes les Supérieures de la Visitation ne fassent pas pis. La Supérieure actuelle parle un peu au désavantage de celle qui l'a précédée. On n'en est pas édifié, non plus que je ne le fus pas de ce qu'elle vous écrivit [plusieurs lignes illisibles] ; car cette Mère est grandement zélée au bien de l'Institut, et de toutes les maisons en général et en particulier : c'est un cœur droit et sincère et de bon jugement. Il est à craindre que prenant ainsi facilement des petites opinions contre nos Sœurs et les disant ailleurs, que l'esprit de charité et [359] d'union ne se détruise bientôt entre nous ; avertissez afin qu'elle se redresse.

Je me suis ressouvenue, à propos de ce que vous m'écrivez, de n'avoir nulle coulpe en votre demeure-là, qu'il m'avait semblé que vous deviez prévenir l'esprit des Sœurs avant votre déposition, afin de les empêcher de préoccuper celui du Supérieur, comme elles firent, en quoi elles manquèrent fort, selon l'esprit d'humilité et de soumission que notre Bienheureux Père nous a enseigné. L'autre manquement que j'ai trouvé, c'est lorsque Mgr de Lyon vous demanda de quelle maison vous pensiez être professe, vous lui répondîtes que vous aviez pris l'habit et le voile noir en celle de Nessy, et j'eusse voulu que vous eussiez dit franchement que vous étiez de ce monastère, en quoi vous étiez particulièrement obligée à Dieu, et que vous n'aviez fait aucun acte de profession à Lyon, comme il est vrai : voilà tout, sur quoi il n'y a nulle coulpe.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMLXVIII - À LA MÈRE CATHERINE-CHARLOTTE DE CRÉMAUX DE LA GRANGE

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Remercîments affectueux. — Ou ne peut recevoir une prétendante atteinte d'épilepsie.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1629.]

Sans mentir, ma très-chère fille, votre cœur si plein de bonté cordiale pour moi me ravit tout à fait ; mais je ne sais pas comment vous pouvoir plus aimer que je fais, parce que je sens que c'est de tout mon cœur, et je voudrais néanmoins aller au delà, si je pouvais, par reconnaissance de votre bonté. Or sus, Dieu suppléera à tout, et je supplie sa bonté de vous [360] rendre toute selon son Cœur, en douceur, en humilité, simplicité et vrai mépris de tout ce qui est créé, et qu'en votre cher cœur et en fout votre gouvernement ces divines vertus paraissent et éclatent de toutes parts. Certes, je vous le dis comme à mon propre cœur, et selon que je le désire faire moi-même. — Oh ! il est vrai que je souhaite toujours notre chère Sœur M. -Aimée pour quelque temps, car certes je désire qu'elle serve à Lyon tant qu'il sera jugé à propos. Mais, mon cher enfant, c'est la vérité que cela ne doit pas venir de vous ; Dieu donnera quelque ouverture. Soignez toujours bien sa santé, car elle le mérite.

Je vous laisse tout à fait de gouverner Derobert et le reste de cette affaire. Je lui ai écrit à Paris, je pense qu'il sera étonné de ce que vous avez obtenu. — Je désire fort de savoir des nouvelles de nos Sœurs de Valence. La Mère [M. -Hélène Guérin] est une colombe que j'aime chèrement ; faites-lui mes recommandations, car je ne puis écrire. Votre sûreté n'est que trop ample. — Mille remercîments de la poudre ; croyez qu'en tout ce qui sera possible nous vous servirons toujours et de grand cœur. Rien ne me manque que le temps et la force d'écrire de ma main, étant incommodée de le faire.

Voilà une bonne croix pour votre maison que cette petite nièce, car si M. de la Faye ne la veut retirer avec franchise, vous gâterez tout vers lui ; il le doit toutefois à cause du mal caduc, cela étant contre la Règle. Ce mal surprenant effraye à merveille les filles. Nous avons toujours fait renvoyer celles qui s'en sont trouvées atteintes. Pour son innocence, je la garderais, mais sans lui donner l'habit ; car assurément il ne faut pas obliger aux vœux celles qui ne sont pas capables de les observer. De vrai, ma fille, si ce mal ne peut guérir, il faut trouver moyen de s'en défaire dextrement avec un peu de loisir. — Croyez, ma très-chère fille, que ce me serait une consolation incomparable de vous revoir encore une bonne fois ; mais il [361] faut attendre que Dieu le veuille, car je ne sais s'il plaira à Dieu. Ma très-chère fille, en vérité, je suis toute vôtre.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMLXIX - À LA SŒUR MARIE-JACQUELINE COMPAIN

À MONTFERRAND

La Sainte se réjouit de l'élection de la Mère de Préchonnet.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1629.]

Ma très-chère fille,

Je me réjouis de tout mon cœur avec vous du bonheur que j'espère qui viendra à voire maison de la bonne élection qu'elle a faite ; car cette chère Mère a le vrai esprit de la Visitation. Dieu donc en soit béni ! Mais il faudra faire ce que j'écris, ce me semble : vous le verrez dans sa lettre et [dans celle] de notre Sœur assistante, comme aussi ce qui touche l'élection. Il n'y a rien dans l'Institut de contraire à ce que les Supérieurs, les uns et les autres ont fait et feront en cela. Je dis ce que notre Bienheureux Père a fait ici : si un évêque faisait le semblable, je ne conseillerais pas aux Religieuses de lui montrer de la méfiance.

Mon Dieu ! que vous faites sagement de ne laisser dire cette nouvelle des bains dans votre communauté ; nulle ne le sait céans que celle qui écrit sous moi, car, ma pauvre très-chère fille, je me sens grand'peine d'écrire de ma main. Vous verrez tout dans la lettre que j'écris à notre chère Sœur la Supérieure ; faites bien ensemble ce que je lui mande. Dieu, par sa bonté, vous continue ses chères grâces, jusqu'au comble de l'extrême perfection où sa Providence vous a destinée ; car, ma fille toute chère, mon cœur... [le reste est illisible].

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Thonon. [362]

LETTRE CMLXX - CIRCULAIRE ADRESSÉE AUX SUPÉRIEURES DE LA VISITATION

Situation du monastère d'Annecy pendant la peste. Précautions prises pour le préserver de l'épidémie.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 6 décembre 1629.

Maintenant que nous voici sur la fin de l'année, ma très-chère fille, il vous faut bien dire un peu de nos nouvelles, qui, grâce à Dieu, sont très-bonnes, sa divine Bonté ayant, comme nous pensons, préservé cette maison du mal qui l'a si fort environnée. La ville n'en est pas encore entièrement purgée, quoiqu'il y arrive peu de mal ; mais cela nous tient toujours dans notre prison, et fait que le pauvre peuple souffre des nécessités et misères très-grandes. C'est pourquoi nous le recommandons de tout notre cœur à vos prières et toutes les autres misères et nécessités publiques ; car, selon que les hommes jugent, si Dieu n'y pourvoit selon la grandeur de ses miséricordes, ils pensent qu'elles seront encore plus grandes l'année prochaine que celle-ci. Mais, pour moi, j'espère que sa douce Bonté fera abonder les biens où tant d'afflictions ont régné, et ont été reçues par plusieurs avec beaucoup de soumission et d'actions de grâces.

Pour cette maison, il me semble qu'elle n'a pâti ni au corps ni en l'esprit ; rien du nécessaire pour l'entretien de la vie ne nous ayant manqué, grâce à la divine Bonté, nos jardins ayant suppléé à tout plein de petits besoins, excepté que nous avons eu faute de tassines et de verres, que nous avons été contraintes de boire dans les grandes salières de bois et des tasses de confitures, et qu'ayant distribué une partie de notre provision de blé aux pauvres, il nous a manqué dès le mois de septembre que nous avons eu grande peine d'en avoir jusqu'à maintenant, [363] si qu'il a fallu manger de gros pain, ce que nos chères Sœurs ont fait fort allègrement. Et quant à l'esprit, je les ai toujours vues dans leur tranquillité ordinaire, sans qu'il soit jamais paru dans la communauté aucun effroi, trouble, ni appréhension ; ains elle a cheminé exactement et sans retranchement de chose quelconque dans les exercices ordinaires de notre vocation, avec sa paix et sa joie accoutumées, bien que souventes fois nous avons eu des occasions de bonnes et fortes alarmes, tant dedans que de la part de ceux de dehors. Nous pensâmes être des premières prises, car [le maître] de la maison où le mal commença (et y fut assez longtemps sans que l'on s'en aperçût) était charpentier et travaillait céans avec ses serviteurs, et on leur apportait leur vivre de là dedans, lequel notre Sœur portière maniait et leur donnait ; et même, les Sœurs allaient parmi eux pour la charpenterie nécessaire au paradis [ou reposoir de l'église], jusqu'au jour qu'ils furent enfermés, que le maître n'était pas venu, mais seulement son valet, qui trouva le soir la porte fermée chez lui, quand il s'en retourna. Diverses autres fois, la divine Providence nous a préservées du péril éminent de ce mal, où des bons ecclésiastiques, qui venaient dire la messe céans, nous ont mises, en étant déjà quelque peu atteints. Or, comme on l'appréhende et s'en étonne-t-on extrêmement en ce pays, dès qu'il fut découvert à la ville, toutes les personnes de qualité, magistrats et bourgeois se retirèrent aux champs, de sorte qu'elle demeura entièrement destituée de tout secours, hormis de celui que Dieu y pourvut par l'entremise de Mgr de Genève et des syndics. Mais je crois que notre Sœur la Supérieure de Chambéry vous a déjà écrit comme ce bon et digne prélat a assisté son peuple, non-seulement de ses moyens qu'il leur a départis avec abondance et charité incroyables, mais encore de sa personne, administrant les sacrements, visitant et consolant les pestiférés, et y employant aussi les ecclésiastiques de sa maison, dont M. de [364] Boisy, son neveu, et l'un de ses aumôniers en sont morts. Et dès lors, voyant que le mal était si enflammé, on fit sortir presque tous ceux qui étaient restés dans la ville, et les envoya-t-on en cabane par les montagnes afin de la pouvoir plus tôt nettoyer, et par ce conseil que Dieu donna, il y resta peu de personnes, et l'on sauva la vie à plusieurs.

Mais il faut que nous vous disions un peu par le menu comme nous nous sommes comportées en cette occasion de la maladie, afin que vous nous disiez ce en quoi nous avons manqué. Premièrement, quand nous vîmes que le mal s'échauffait, nous fîmes prier les ecclésiastiques qui venaient dire la sainte messe céans, de s'en abstenir ; et par l'avis de Mgr de Genève, l'on fit mettre un autel proche de la grande porte de l'église, où les seuls ecclésiastiques de sa maison disaient messe, et le peuple l'entendait depuis la rue, de sorte qu'il n'y avait plus que ce digne prélat qui la dît au grand autel. Nous fermâmes aussi notre parloir à toutes sortes de personnes, excepté à lui et à ceux de sa maison, qui était bien la plus exposée de la ville, et celle dont la communication nous mettait au plus grand péril ; car non-seulement il administrait les sacrements aux malades avec ses prêtres, mais aussi tout le reste de sa famille était employé à distribuer les aumônes, que sa maison et la nôtre faisaient aux pestiférés et enfermés. Mais quel moyen, ma très-chère fille, de voir ce bon et digne prélat se priver, comme il voulait faire, de la seule consolation qui lui restait de se venir un peu soulager céans de l'extrême douleur que son âme souffrait, pour la grande compassion qu'il portait à son pauvre peuple, qu'il voyait si affligé ?

Outre que c'eût été nous priver d'une très-rare consolation que nous recevions, voyant la grandeur de son courage et de son zèle au bien des âmes, ce qui nous fortifiait et aidait merveilleusement à faire le total abandonnement de nous-mêmes entre les bras de la divine Providence, à laquelle, comme vous voyez, [365] par ce petit récit, nous avons l'entière obligation de la conservation de ce monastère et aux prières de notre saint Père, auquel, après Dieu et la Sainte Vierge, nous avions toute notre confiance.

Pour le reste de l'extérieur, nous avons usé de toutes les précautions possibles : car nous fîmes provision de quantité de farine et de bois pour chauffer le four, et retirâmes au dedans une de nos Sœurs tourières pour faire le pain et les lessives ; les autres deux furent laissées à Nouvelles, qui est un grangeage que nous avons à un petit quart de lieue de la ville, d'où elles nous apportaient ce qu'elles pouvaient par-dessus le lac, de sorte que nous ne faisions prendre chose quelconque dans la ville ; et de crainte que nos chats qui y allaient ne nous apportassent le mal, nous les fîmes tuer. Or, comme les gens de chez Mgr l'évêque venaient souvent céans, nous fûmes contraintes de laisser une bonne et vertueuse prétendante, qui a trois sœurs qui ont pris l'habit en ce monastère, dehors au tour pour leur ouvrir la porte ; mais certes elle y mourut, sans autre apparence de peste que quantité de tac qu'elle jeta depuis qu'elle fut morte. L'on fit venir une femme de la ville pour la servir, que nous laissâmes faire sa quarantaine dans le parloir. — Nous fîmes aussi dès le commencement serrer les plus précieux ornements de la sacristie dans une chambre bien cachetée, avec tous les meubles et habits dont on n'avait pas nécessité présente, donnant dehors ceux qui étaient nécessaires pour dire la sainte messe, lesquels nous ne retirions point, ains notre clerc les serrait ; et ne prenait-on que les burettes, encore avec du papier ou quelques feuilles d'herbes pour les jeter dans l'eau avant que de les toucher, et de même faisait-on de tout ce qui venait de dehors, que l'on parfumait, ou quand c'étaient des ustensiles, comme ce que l'on rapportait devers M. Michel, notre confesseur, qui a toujours son vivre de céans, on le mettait dans l'eau, et ne touchait-on le tout qu'avec du papier. [366]

L'on avait donné obéissance aux Sœurs, que dès que quelqu'une se trouverait mal, pour peu que ce fut, elle en avertît et se retirât en une chambre destinée à cela, hors du commerce des Sœurs ; plusieurs desquelles ont eu des grandes enflures de cou, des grosses gales au visage, qu'on ne savait si c'étaient des charbons, des accès de fièvre, des grands maux de cœur et dévouements d'estomac et semblables, qui donnaient doute que ce ne fût le mal contagieux. Quand cela était, l'on destinait tout promptement deux Sœurs pour leur service, lesquelles, après avoir pris la bénédiction de la Supérieure, allaient gaiement prendre le lit de la malade, qu'elles enveloppaient entièrement dans la couverture, puis nettoyaient et parfumaient entièrement sa cellule, y laissaient un gros parfum, ouvraient la fenêtre et fermaient la porte ; et quand elles emportaient ce qu'elles y avaient pris, deux Sœurs allaient, éloignées, l'une devant, l'autre derrière, avec du grand parfum, les portes des cellules et lieux où elles passaient étant toutes fermées. Incontinent aussi, on faisait bien parfumer tout le monastère, et les Sœurs auxquelles on faisait prendre quelque préservatif plus spécial. Et bien que deux ou trois fois l'on eût beaucoup plus de probabilité que le mal y était, néanmoins je n'en ai jamais vu de l'étonnement parmi nos Sœurs, qui prenaient leurs petits remèdes fort joyeusement, chacune se tenant dans la disposition du départ, comme elles en étaient averties ; car nous étions résolues de ne pas exposer notre bon et vertueux confesseur, et que si quelqu'une eût eu besoin de se confesser, il l'eût ouïe, mais de loin ; et, pour les communier, il eût mis le Très-Saint Sacrement entre deux petites lèches [tranches] de pain, puis l'eût posé sur le lieu préparé à cela, où celle qui servait les malades le fût venu prendre le plus révéremment qu'elle eût pu ; car c'est ainsi que l'on confère les sacrements en ce pays aux pestiférés. Nous nous étions aussi pourvues de préservatifs et remèdes requis à ce mal, et de l'intelligence nécessaire pour [367] les appliquer ; parce que pour médecin et chirurgien il n'en fallait point attendre ici, ni penser de faire entrer personne pour faire la fosse au cas de mort : nos Sœurs l'eussent faite elles-mêmes en un lieu fort reculé dans le jardin que nous avons hors l'enceinte de la ville, et qui est néanmoins dans notre enclos.

Je ne veux pas oublier de vous dire ici le grand courage avec lequel nos Sœurs s'étaient résolues de s'assister l'une l'autre, et comme elles s'y sont toujours offertes avec tant de franchise et de cordiale charité, qu'elles en ont [donné] beaucoup de consolation et une entière satisfaction, non-seulement à la maison, mais aussi à Mgr de Genève, et à tous ceux qui l'ont su. Nous avons été en grand péril pour ce qui était de l'eau, n'en ayant que celle d'un beau canal courant, qui sort du lac, au long duquel est posé l'hôpital des pestiférés, et l'on y avait mis les cabanes de ceux qui faisaient quarantaine, entre lesquels plusieurs mouraient tout proche du monastère, en sorte que tout se purifiait et nettoyait en cette même eau ; c'est pourquoi nous en faisions prendre dès la fine aube du matin ce qu'il nous en fallait pour tout le jour. L'on prenait quelques petits préservatifs après la messe qui se disait à la fin de Prime, et le reste de l'Office à l'heure ordinaire. Pendant les grandes chaleurs, nous fîmes séparer les Sœurs en deux chœurs : les unes disaient l'Office au chapitre, et les autres au chœur, semaine par semaine, et ne s'assemblait-on que pour la messe.

Aux récréations et assemblées, il y avait ordonnance de se tenir un peu séparée l'une de l'autre et en se parlant faire de même. Nous ne prenions point d'eau bénite que dans nos cellules, où celles qui font la visite le soir et le matin n'entraient point. L'on ne changeait point aussi les serviettes au réfectoire, et chacune laissait le reste de son pain plié dedans. Tous les matins et le soir une Sœur portait du parfum par les [368] cellules, au chœur et par le monastère, et l'on ne baisait point terre ni la main de la Supérieure.

Pour les prières extraordinaires que nous avons faites, tous les jours après la messe, nous disions la Stella cœli, le verset et l'oremus. C'est une prière que l'on tient être très-agréable à la Sainte Vierge, et que nous disons toujours de bon cœur tandis qu'il y a bruit de peste au pays. Outre cela, après None on disait ses litanies, le Sub tuum et l'oremus Defende, quæsumus.

Nous faisions fort souvent des neuvaines de processions en divers oratoires, et nos Sœurs en firent deux particulières par le cloître, pieds nus et la corde au cou, avec tant de dévotion, qu'elles tiraient des larmes des yeux de celles qui les considéraient, et à la fin elles allaient faire une forte discipline d'un Miserere. Mais tout cela se faisait y étant excitées plus par la commisération que nous avions de la grandeur de l'affliction du peuple, et pour la conservation de notre bon prélat, que pour celle de cette maison ; et il semblait que cette manière de prier était utile et agréable à Dieu. Mais spécialement nous remarquâmes de l'efficace à une neuvaine de processions où nous allions premièrement en l'oratoire de Notre-Dame, puis en celui de notre Bienheureux Père, implorer leur secours vers Notre-Seigneur ; et de là nous montions en celui du Calvaire, où l'on disait une antienne de la Sainte Croix, et la Supérieure le Respice, quœsumus : et, de vrai, j'ai reconnu que nos Sœurs faisaient ces dévotions avec grands sentiments de piété et compassion envers le peuple. Nous dédiâmes aussi nos infirmeries que l'on a bâties nouvellement sur le jardin, à sainte Anne, à saint Sébastien et à saint Roch, et y portâmes leurs images processionnellement, lesquelles la Supérieure attacha en chaque étage, et y dit les antiennes et oremus propres en chaque lieu. Outre cela, la communauté a jeûné deux fois, c'est-à-dire trois tous les jours, on a fait deux fois le tour ; et celles qui jeûnaient [369] faisaient la sainte communion, des pénitences au réfectoire, la discipline et demi-heure d'oraison extraordinaire.

Voilà, ma très-chère fille, ce qui s'est passé ici durant cette tribulation, pendant laquelle nous avons connu quelque chose de la valeur de l'affliction, et des grands biens que Dieu cache sous son écorce, qui paraît si dure aux yeux du monde, mais qui est abondante en ses fruits. Car il faut confesser ingénument qu'elle contient les vrais et plus riches trésors qui se puissent trouver en la vie spirituelle, et desquels, si nous avions le goût un peu bien affiné, nous savourerions la douceur et le prix qui est inestimable, et incomparablement plus désirable que tous les contentements et consolations que cette vie puisse fournir.

Nos monastères nous ont témoigné en cette occasion une charité si cordiale, et nous ont assistées de leurs prières avec tant d'affection, que cela nous adonné une consolation très-particulière et beaucoup de sujets de bénir Dieu, de voir des fruits si suaves de la sainte union qu'il a répandue parmi nous. Sitôt que nos très-chères Sœurs les Supérieures de Paris et la digne et très-vertueuse fondatrice du premier monastère eurent appris la nouvelle que la peste était ici, elles envoyèrent promptement un homme exprès, avec force préservatifs contre ce mal, et chacune trois cents livres pour nous secourir, si nous en avions besoin. Mais cela se fit par un amour si véritable et une participation de nos afflictions si grande, que jamais cette charité ne se peut assez estimer, ni ne se peut et doit oublier-car certes elles pâtissaient plus que nous, par la grandeur de l'appréhension que leur charité leur faisait avoir qu'il ne nous arrivât du mal.

Nos monastères voisins nous ont aussi rendu tout le secours et assistance de leurs biens qu'ils ont pu, selon leur pays. Et pour nos très-chères Sœurs de Lyon, que n'ont-elles pas fait en cette occasion ? Combien ces deux bonnes Mères nous ont-elles [370] envoyé de messagers exprès avec quantité de choses pour notre soulagement, et des préservatifs des plus exquis que je pense qui fussent dans Lyon ! Et la bonté du cœur de ma très-chère Sœur la Supérieure du premier monastère, qui, sachant l'extrême pauvreté et nécessité du peuple et voyant que sa maison n'avait pas sujet de faire des aumônes, en eut une si grande commisération qu'elle nous écrivit qu'elle désirait que nous employassions pour elle jusqu'à trois ou quatre cents écus pour le secourir, charité cordiale et qui me console extrêmement. Car il faut dire ici en passant que le défaut de commerce et d'assistance, qui a tout à fait manqué ici, a réduit non-seulement les pauvres, mais aussi ceux qui avaient bien de quoi s'entretenir avant la maladie, à une telle et si grande nécessité qu'il fallait départir l'aumône à tous, et faut encore continuer jusqu'à ce que Dieu y donne bénédiction, par l'entier rétablissement de la santé et le retour des magistrats et bourgeois.

Mais avant que je finisse cette lettre, je vous vais dire tout confidemment quelque chose de la bonté et vertu de nos Sœurs. Nous n'avons que deux novices, et sommes quarante-trois professes, entre lesquelles il y en a plusieurs qui ont de bons talents et dispositions pour rendre du service à la Religion, et toutes vivent avec un respect et union si cordiale, et leur récréation et conversation est si gracieuse et suave, que je vous assure, ma très-chère fille, qu'il y a de la consolation à les voir Elles sont fort pures et égales, et marchent, grâce à la divine Bonté, gaiement et fidèlement dans l'exacte observance et aiment fort leur vocation, en laquelle elles vivent avec beaucoup de paix et contentement, et sont grandement affectionnées à l'oraison : aussi n'en perdent-elles point des extraordinaires que la Règle permet, si ce n'est par vraie nécessité. Elles disent fort bien l'Office, et, ce me semble, selon le genre de notre Bienheureux Père, qui voulait qu'on le dît doucement et sur un ton fort médiocre. Bref, si je ne me trompe, c'est une troupe [371] très-aimable et bien digne d'amour et d'estime. Nous attendons encore le retour de quelques-unes de nos Sœurs qui viennent pour reprendre ici l'air du premier esprit [se retremper dans leur première ferveur].

Or sus, c'est bien tout dire, ma très-chère fille. Nous vous prions de faire un peu de part de ces nouvelles à nos chères Sœurs, et de leur dire qu'elles nous continuent toujours l'assistance de leurs prières et la cordiale dilection qu'elles ont pour nous, qui les saluons très-chèrement, et leur souhaitons un saint accroissement en la parfaite observance, et l'abondance des plus riches bénédictions du ciel, étant, d'une affection incomparable, votre très-humble et indigne Sœur et servante en Notre-Seigneur,

Sœur Jeanne-Françoise Frémyot,

de la Visitation Sainte-Marie.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

Sainte J. F. de Chantal avait ajouté un post-scriptum particulier à chacun des exemplaires de la présente circulaire ; les deux suivants ont seuls été conservés.

À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

Or sus, toute cette grande lettre ne me suffit ; il faut saluer le très-cher cœur de ma toute cordiale et très-aimée Sœur de ma main, puisque je ne peux faire davantage, tant ma vue et mon estomac ont répugnance à me laisser écrire. Je suis marrie que ma grande lettre ait été perdue : je vous écrivais pour avoir votre avis sur notre union ; maintenant j'écris une lettre toute de mes pensées et sentiments. L'on vous l'enverra vous la considérerez, et puis m'écrirez vos pensées, car pour moi je ne sais rien de plus doux ni de mieux. L'on pourra dire que [372] s'il n'aura pas grande efficace, au moins ne fera-t-il pas de mal, et j'espère que celles qui auront l'esprit d'humilité et de l'Institut en tireront utilité. Enfin, rien de nouveau ; mais nous serons très-heureuses si nous nous maintenons comme nous sommes. Il me tarde que si nous avions [l'histoire de] notre fondation d'ici, que nous commencerions à la mettre en ordre. Il faudra aussi que vous nous envoyiez celles de Moulins et de Riom : il y aura en cela prou besogne pour une chétive ouvrière comme nous. Ma très-chère fille, je vous chéris de tout mon cœur et fais mille souhaits pour votre bonheur.

À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX.

Voilà de nos nouvelles bien au long, ma très-chère fille ; mais croyez que celles dont vous m'avez fait part simplement m'ont apporté une très-grande consolation. — Il est nécessaire de donner du repos et de la force à votre petit corps, le plus qu'il se pourra ; et, pour cela, il faut un peu céder pour un temps au conseil de ne pas laisser votre esprit à des attentions si fortes. — Je crois en conscience [qu'on] ne doit pas renvoyer votre novice sur un soupçon du mal des écrouelles, sinon que vous fussiez assurée que sa race y fût sujette.

Au reste, vous avez là une bonne croix en la maladie de ces pauvres filles. J'en suis bien marrie, car j'espérais qu'elles rendraient grand service à la Religion, surtout la seconde. Elles seraient bien heureuses d'aller toutes en paradis ; mais peut-être que Notre-Seigneur les laissera encore pour accroître leur couronne par l'humilité et patience, et pour accroître aussi la vôtre, ma très-chère fille, et celles de nos Sœurs, par la charité et support exercés envers elles ; mais vous voyez par là comme nous sommes instruites à nous bien enquérir de la race des filles avant que de les recevoir. [373]

Je vois que partout on se ressent des misères communes, en ce que vous me dites de votre pauvre ville. Vous ferez bien pourtant de tenir bon dans votre enclos, puisque, grâce à Dieu, vous y avez de l'air et de quoi vous étendre. S'il vous en arrive de la nécessité, je vous supplie, ma très-chère fille, d'avoir un grand soin de vous conserver et soulager, faisant pour cela ce que le médecin vous ordonnera. — Je m'assure que vous pensez à bien former les filles que vous jugez plus propres à vous succéder, afin qu'elles conduisent cette petite troupe par l'exacte observance et dans l'esprit de leur vocation, qui est humble, pauvre, simple et doux. Ma toute chère fille, c'est le seul trésor que je souhaite aux Filles de la Visitation, et je prie Dieu de le leur donner et conserver.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMLXXI - À UNE SUPÉRIEURE DE LA VISITATION

Justification de la Mère de Monthoux. — Combien les Filles de la Visitation doivent aimer la petitesse.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1629.]

Ma fille,

Qui n'entend qu'une partie ne peut pas bien juger. Moi qui sais tout ce qui s'est passé pour le voyage des bains, je suis contrainte d'avouer que la pauvre Mère [de Monthoux] n'a point de tort en cela, car Mgr l'évêque de [Chartres] alla lui-même et lui commanda absolument. Elle n'osa pas regimber à son autorité, comme elle avait fait à celle du Père spirituel, lequel est toutefois si bon et si pieux qu'il ne la sollicita qu'après les Révérends Pères Jésuites, le Père recteur, les Pères Capucins, les Minimes [374] et autres Religieux, lesquels conclurent enfin qu'elle y devait aller, et que nous n'étions pas plus austères que les Carmélites, les Capucines, les Feuillantines et les Filles du Calvaire qui y allaient dans de semblables maladies.[91] Et de fait, le jour qu'elle y arriva, les Feuillantines étaient sorties de la même chambre où elle fut logée : voilà son excuse légitime. C'est à nous maintenant de voir ce que nous aurons à faire à l'avenir, selon Dieu et la raison, afin qu'il ne se fasse rien mal à propos.

Je suis marrie que les filles tracassent tant pour la santé de leur Supérieure, surtout celles qui n'en ont point la charge. Il faut ôter cela ; je l'avais déjà bien dit dans mes Réponses, et cependant on ne laisse pas de le faire.

Je suis bien aise que notre Institut soit en bonne odeur dans Lyon comme il est partout, dont je loue Dieu ; pourvu que nous nous tenions bien petites, Il ne manquera pas de se glorifier en notre bassesse. Je crains tant la perte de cet esprit, et que nous n'aimions le haut bout à l'avenir, que je me voudrais fondre pour empêcher ce mal. Je sais que vous n'aimez pas cela, et c'est une chose particulière pour laquelle je vous chéris si parfaitement que je sens bien que nos cœurs ont le même sentiment, et qu'ils sont véritablement au Sauveur, auquel, de toutes les forces de mon âme, je demande incessamment la vraie grandeur pour les Filles de Sainte-Marie, qui est la très-sainte petitesse et le parfait anéantissement, et rien de tout ce que le monde estime grand et éclatant. Votre, etc. [375]

LETTRE CMLXXII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON'

Bonheur de l'âme qui s'oublie pour Dieu. — Affaires diverses.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 9 décembre 1629.

Ma très-chère fille,

Je suis bien aise que vous trouviez nos Réponses à votre gré ; mais je désire que vous les lisiez à loisir et les considériez devant Dieu, puis m'écrire franchement ce qui vous semblera devoir être accru ou retranché, et cela simplement. — Votre retenue dans Lyon ne peut être blâmée où elle n'est pas sue ; car aucun monastère ne la sait que celui de Grenoble, à qui l'on vous a refusée, ni aucune Sœur de l'Ordre que nos Sœurs les Supérieures du faubourg Saint-Jacques et celle de Chambéry. Ce ne sont pas telles nouvelles dont il faut avertir les maisons ; je n'ai garde de me vanter de cela. Mais parce que non-seulement à Lyon, mais ailleurs, les filles ont fait des remuements en telles occasions, j'ai dit franchement la vérité sur ce sujet, comme je devais.

Oh ! que nous serons heureuses, ma vraie fille, quand nous nous serons entièrement oubliées. Mon Dieu ! quand sera-ce que rien ne vivra plus en nous que votre pur amour ? Ma fille, que je le désire ! mais Dieu, qui voit ma lâcheté, ne me donne pas le loisir d'y penser comme il serait requis. Laissez-vous bien et sans réserve à son bon plaisir. Le moins que nous pourrions nous mêler de nous serait le meilleur. — Non, ne dites rien de votre sortie de là ; laissez cela à la Providence céleste. De vous avoir ici serait mon unique consolation ; mais je n'en ai ni sens nulle ardeur ni empressement, grâce à Dieu. Non, [376] ne parlons plus du prochain qu'en bien on pour son bien, sinon entre nous deux qu'il faut tout dire.

Quoique vous m'assuriez que la chère Mère ne voit pas les lettres, si est-ce que je n'ose m'y assurer, et cela me tient en réserve en certaines choses. Maintenant, j'écrirais largement si j'en avais le loisir, car j'espère vous donner ma lettre par main sûre. Le bon Père N. est à grand travail pour les affaires de notre saint Fondateur ; je l'ai prié de vous parler et à ma Sœur de notre union. Selon que je l'entends, je la tiens nécessaire ; si je puis, je lui en donnerai les mémoires, sinon je les enverrai après. Je désire qu'ils soient pesés et considérés devant Dieu, et qu'on les consulte plus avec notre saint Fondateur et les Saints qu'avec les hommes. Adieu, ma fille.

[P. S.]. Je salue chèrement M. Brun ; dites-lui que je lui mande qu'il est trop docte pour soutenir les respects qu'il veut rendre à qui ne les mérite pas, et que le nom de Mère étant plus simple et le propre de la Visitation, il me serait plus doux et honorable ; mais au bout, pourvu que je sois écrite au livre de vie, le reste m'est indifférent, et j'aimerai toujours de tout mon cœur ce bon père-là. Je salue le P. Maillan chèrement ; s'il pensait m'avoir écrit deux fois et que je lui doive réponse, je la ferais, mais je n'ai reçu qu'une lettre, par laquelle il nous accusait les nôtres. Je l'honore de tout mon cœur. — Je vous prie, ma fille, mandez-nous tout ce que vous vous pourrez souvenir de notre fondation de Lyon et des vertus de ma Sœur Marie-Renée [Trunel].

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [377]

LETTRE CMLXXIII - CIRCULAIRE ADRESSÉE AUX SUPÉRIEURES DE LA VISITATION

La Sainte prescrit trois moyens pour conserver l'Institut en sa ferveur primitive : union avec Dieu par la fidélité à pratiquer la Règle telle que l'a donnée saint François de Sales ; union et conformité au monastère d'Annecy, par un confiant recours et une respectueuse déférence ; union mutuelle de tous les monastères, par une cordiale charité 1 s'entr'aider dans le besoin.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 10 décembre 1629.

Mes très-chères et bien-aimées sœurs,

Je supplie le divin Sauveur de nos âmes d'être notre lumière et amour éternellement ! Me voyant proche de mon année soixantième, et dans la continuelle incertitude de notre passage en Piémont, et d'ailleurs sollicitée, et dès longtemps, de plusieurs personnes de piété affectionnées à notre Congrégation, de procurer quelques moyens d'union, et, pour dire tout, pressée de ma propre conscience, j'ai cru, pour ne pas lui manquer de fidélité et à notre cher Institut, que je devais sans plus tarder vous dire sincèrement mes pensées sur ce sujet, que j'ai fort recommandé et fait recommander à Notre-Seigneur.

J'ai considéré plusieurs fois les avis qui nous ont été donnés, mais je ne vois pas qu'ils nous soient convenables. Il n'est pas besoin, ce me semble, mes très-chères Sœurs, d'introduire des choses nouvelles entre nous, mais seulement de nous maintenir fermement en l'état où nous sommes par les mêmes moyens que la divine Providence a établis dans notre Institut, y persévérant ci-après comme nous avons fait ci-devant. Trois choses se sont, par la grâce de Dieu, constamment pratiquées : la première, la parfaite observance en tous les monastères de la Visitation des choses de l'Institut, comme elles ont été données et établies par notre saint Fondateur en ce monastère d'Annecy, [378] progéniteur de tous les autres. — La deuxième, l'union et la conformité en tout et partout avec lui, recevant de sa part non-seulement les institutions, coutumes et manières de faire, mais aussi l'intelligence pour la pratique d'icelles, et l'éclaircissement des difficultés qui arrivaient aux monastères, et ce, par mon entremise, qui en ai presque toujours été Supérieure, toutes les Supérieures ayant un spécial rapport, confiance et communication avec nous pour cela. Et ceci est le lien extérieur par lequel Notre-Seigneur nous a tenues liées ensemble, joignant et unissant tous les monastères à celui-ci, comme les enfants à leur mère, pour ne faire de tous qu'une seule Congrégation. — La troisième chose qui s'est pratiquée, c'est une grande communication, union et bonne intelligence entre les monastères, accompagnées d'une promptitude à s'entr'aider les uns les autres dans leurs besoins, avec une dilection et cordialité nonpareilles, ce qui rend une merveilleuse édification ; et tout ceci sans autre obligation ni lien que celui de la très-sainte charité, et de l'amour et révérence que nous portons aux intentions de notre saint Fondateur. En quoi se voit clairement, et par les fruits et bénédictions qui en sont arrivés aux monastères, que c'est une institution et ouvrage de Dieu, et un effet du soin et delà spéciale conduite de sa divine Providence sur cette petite Congrégation, en laquelle aussi notre Bienheureux Père a jeté tous les fondements et tiré ses maximes.

Voilà, mes très-chères Sœurs, les trois choses èsquelles nous devons persévérer, si nous voulons conserver notre union et conformité et l'esprit saint de notre vocation. Je les crois être pour cela d'absolue nécessité, et que si nous les quittons ou nous relâchons, nous changerons bientôt et d'esprit et d'union, et nos monastères, à faute de ce recours, demeureront sans assistance en leurs besoins, que je sais toutefois ne leur pouvoir être donnée avec telle utilité que par celles du même Institut, et plusieurs de nos maisons pourraient bien rendre témoignage [379] de cette vérité, l'ayant expérimentée à leur grand profit et consolation. Que si quelque monastère n'a pas eu ce besoin, il n'est pas exempt pour cela de l'avoir un jour. Et ceci est un des principaux fruits de notre union.

Un autre que je trouve encore plus important, c'est la conservation de notre esprit ; car je vous dis, mes très-chères Sœurs, que si nous n'y prenons garde, et de près, qu'en prenant les instructions des personnes de différente vocation, et communiquant beaucoup avec elles,, nous prendrons aussi leur esprit, ce qui fera périr celui de notre saint Fondateur, qui est le trésor précieux qu'il nous a laissé. C'est pourquoi je vous supplie, mes très-chères Sœurs, tenons-nous bien unies, liées et serrées ensemble ; nous n'avons pas besoin de doctrine pour l'explication des choses de l'Institut, mais d'une fidèle et simple observance au pied de la lettre. Les instructions ne nous manquent pas : notre Bienheureux Père en a laissé suffisamment. Il faut seulement nous les appliquer et nous en rendre savantes et très-intelligentes par la pratique. Si nous faisons cela, nous aurons rarement nécessité de les chercher ailleurs. Néanmoins, s'il nous arrive quelque difficulté, prenons l'avis de nos Sœurs voisines et plus expérimentées aux choses de l'Institut ; et si la chose ne presse pas, recourons au monastère d'Annecy comme à la source, et, par ce moyen, vous conserverez votre esprit et conformité ; ce que je ne dis pas pour forclore les avis qu'il faut prendre selon la Règle et en des occasions de nécessité ou de sujets qui surpassent la capacité des filles. Or, il me semble, mes très-chères Sœurs, que je vois dans vos esprits une seule difficulté en ceci, qui est de continuer votre spéciale communication, après moi, à celles qui seront Supérieures de ce monastère, vous semblant que vous n'y pourrez pas avoir l'amour ni la confiance que Dieu et la bonté de vos cœurs vous ont fait avoir en moi. Mais, hélas ! mes très-chères Sœurs et mes filles bien-aimées, ne craignez point cela, car la main de Dieu n'est [380] point accourcie sur nous. Soyez assurées que si, avec humilité et simplicité, vous suivez le train dans lequel Il vous a mises, Il pourvoira toujours ce monastère de si bonnes Supérieures, si solides en la vertu de notre vocation et si affectionnées et zélées à sa conservation, que vous en recevrez toute satisfaction et contentement, et incomparablement plus grand que vous ne l'avez reçu de moi, qui, par ma misère et infidélité, me suis rendue indigne de recevoir les grâces que Dieu m'avait destinées à votre considération et pour votre utilité. Que donc rien ne vous arrête ni empêche de suivre votre train ordinaire, je vous en supplie, mes très-chères Sœurs, et soyez assurées, je vous le dis encore, que si vous conservez par amour ce que Dieu a établi par notre saint Fondateur, pour le bien commun de notre Ordre, vous en recevrez autant et plus de bénédictions ci-après, que vous en avez reçu ci-devant.

Voilà ce que j'avais à vous dire, mes très-chères Sœurs, avant mon départ de cette vie : je le mets devant Dieu et devant vous ; conservez-le et vous y affermissez le plus solidement qu'il vous sera possible, je vous en supplie et vous en conjure de toutes les forces de mon âme, et par le saint amour et respect que je sais que vous portez à toutes les volontés et intentions de notre saint et Bienheureux Père, lesquelles vous sont clairement manifestées tant au Coutumier que par ses propres paroles, que je rapporte fidèlement dans mes Réponses, afin que, par ce moyen, il n'y ait jamais dans tous les cœurs et monastères de la Visitation que son seul esprit, vivant dans les mêmes observances. Je supplie notre bon Dieu que, par les intercessions de sa très-sainte Mère et de notre Bienheureux Père, Il vous confirme en ceci. J'ai confiance qu'il le fera, puisque ce cher et petit Institut a l'honneur et le bonheur d'appartenir si entièrement à cette glorieuse Dame, et qu'il est l'une des perles plus précieuses de la couronne de son très-humble et fidèle serviteur, notre très-débonnaire Père. []

Il me vient dans le cœur de vous dire, mes très-chères Sœurs, que vous devez avoir un grand soin de porter suavement Messeigneurs nos prélats et supérieurs à une grande affection à notre Institut, afin qu'ils joignent leurs cœurs à sa conservation, et de notre sainte union et conformité, et il faudra obtenir d'eux qu'ils accordent volontiers dans les occasions les congés nécessaires aux Religieuses qui sont ès monastères de leur juridiction, pour aller secourir et assister, selon que les Règles et le saint Concile le permettent, les autres monastères qui les demanderont en leurs besoins (et ceci est nécessaire), mais spécialement qu'ils relâchent avec facilité celles que le monastère d'Annecy pourrait élire pour Supérieures ; car il doit toujours faire choix des plus intelligentes et solides en la vertu de l'Institut, afin que cette maison qui doit servir de modèle aux autres soit toujours si bien conduite, que l'exacte observance y soit en sa parfaite vigueur et qu'elle puisse aussi répondre mûrement et utilement aux monastères qui s'adresseront à elle, et les servir selon tout le pouvoir de celui-ci, comme il a toujours fait.

Je ne m'aperçois pas que je suis importune en ma longueur. Pardonnez-moi, mes très-chères Sœurs, et impétrez de la divine miséricorde un parfait anéantissement de moi-même. Je la supplie de faire abonder sur vous les plus riches trésors de ses grâces, et qu'il lui plaise tenir toujours sous sa protection cette chère petite Congrégation, que je recommande et laisse de tout mon cœur au plus secret de sa douce Providence, avec tous les soins et affections qu'il m'a donnés pour elle. Je demeure d'une affection incomparable et toute sincère, après vous avoir derechef conjurées de tout mon cœur de persévérer dans le train où vous avez cheminé sous la conduite de notre Bienheureux Père et depuis son décès, mes très-chères Sœurs, votre très-humble et indigne Sœur et servante en Notre-Seigneur.

Sœur Jeanne-Françoise Frémyot,

de la Visitation Sainte-Marie.

Dieu soit béni ! [382]

LETTRE CMLXXIV - CIRCULAIRE ADRESSÉE AUX SUPÉRIEURES DE LA VISITATION[92]

Même sujet.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1629]

Mes très-chères Sœurs,

Il y a longtemps que plusieurs de Messeigneurs nos prélats et grand nombre de bons serviteurs de Dieu nous sollicitent de penser à quelques moyens pour entretenir notre union et conformité, et même plusieurs ont eu quelques pensées sur ce sujet, et communément chacun dit que si l'on n'en établit un entre nous, notre esprit se perdra dans peu d'années. L'on nous en a proposé plusieurs : les uns hors de nous, ce qui, à mon avis, nous ruinerait et offenserait l'autorité de Messeigneurs nos prélats, ce que nous ne pouvons ni ne devons jamais souffrir ; les autres en nous-mêmes, mais avec certaines formalités si éloignées, ce me semble, des intentions de notre Bienheureux Père, ou du moins de la manière qu'il a tenue en l'établissement de tout l'Institut, que nous ne les avons su goûter.

Nous avons beaucoup recommandé et fait recommander cette affaire à Notre-Seigneur. Bien ne nous semble comparable, selon la faiblesse de mon jugement, que de nous maintenir dans le train où nous sommes, par la fidèle conservation et pratique des moyens que la divine Providence a établis pour [382] cela dans notre Institut, et lesquels s'y sont constamment pratiqués dès notre commencement jusqu'à maintenant, qui ne sont autres, après ce grand et universel moyen d'union, que notre Bienheureux Père nous marque dans le Coutumier, de la fidélité que chaque Sœur doit avoir en son particulier et toutes en général de s'unir à Dieu par l'exacte observance, sinon, dis-je, que tous les monastères de la Visitation persévèrent invariablement par ci-après, comme ils ont fait ci-devant, à se tenir unis et conformes à celui d'Annecy en toutes les règles, constitutions, coutumes, cérémonies et manières de faire qui y ont été introduites par notre saint Fondateur, reconnaissant toujours et à jamais ce premier monastère pour leur mère et matrice, comme il l'est en effet, et que de lui ils prennent l'intelligence des choses de l'Institut, et l'éclaircissement sur les doutes qui pourraient arriver en la pratique d'icelles. Et que l'on persévère aussi en la cordiale communication et bonne intelligence les unes avec les autres, mais surtout avec la Mère de ce monastère, par un particulier rapport et toute spéciale confiance et communication, non-seulement pour les choses susdites, mais aussi pour les difficultés qui se peuvent rencontrer en la conduite des âmes, et en mille occasions que la sainte humilité et amour cordial peuvent suggérer pour l'entretien de ce commerce ; car celle pratique de prendre les avis dans l'Institut même est si nécessaire pour conserver notre esprit et empêcher que les communications étrangères ne le fassent périr, qu'elle ne se peut garder trop fidèlement.

J'ai vu arriver tant de profit de la bonne intelligence qui est entre nous pour le bien universel de l'Institut, et tant de bénédictions et utilités à des maisons particulières, que jamais je ne saurais assez dire ni exagérer combien il nous est important, et je dis nécessaire de la continuer fidèlement. J'ai si claire connaissance de ceci que j'aurais de grands scrupules et reproches de conscience, si je ne conjurais de tout mon cœur toutes les [384]

Mères et Filles de la Visitation de faire tout ce qui leur sera possible, avec l'aide de Notre-Seigneur, pour la maintenir avec vigueur. Or, comme tous les monastères reconnaissent celui-ci pour leur mère et matrice, il me semblerait bien convenable que les Sœurs de la Visitation, par principe d'humilité, reconnussent pour Mère commune celle de ce monastère, et la nommassent de ce nom ; que si toutefois l'on se trouve dépourvu de l'inclination de l'appeler Mère, qu'on la nomme Sœur ; car, pourvu que la confiante communication et l'union continuent, je serai contente, et qui plus, Dieu et notre Bienheureux Père léseront. Or, je n'entends nullement que si on la nomme Mère, cela porte conséquence à aucune autorité ni prééminence, que celle que lui donnera ce premier monastère tandis qu'elle en sera Supérieure, et que les Sœurs de cet Ordre lui donneront par leur humble, charitable et cordiale déférence. Je ne prétends pas non plus qu'en tout ceci il y ait autre lien que celui de la très-sainte charité, qui a été le seul qui nous a tenues jusqu'ici saintement et très-utilement unies et liées ensemble, en sorte que nous avons conservé notre esprit en son intégrité, et la conformité entre nous si entière et parfaite, que je ne pense pas qu'elle le puisse être davantage en aucune autre Religion.

Je ne vois rien aussi de contraire à l'autorité de Messeigneurs nos prélats, car tout ceci n'est qu'une continuation de la pratique de charité et d'humilité qui s'est faite pour la conservation de l'Institut en la simplicité de son esprit et de notre union cordiale, sans autre autorité que celle des intentions de notre saint Fondateur, ainsi qu'il les a marquées dans le Coutumier, et que je les ai exprimées plus au long dans mes Réponses par ses propres paroles ; aussi n'ai-je jamais entendu qu'aucun de nos Supérieurs ait eu le moindre dégoût de cette communication. Au contraire, je sais que plusieurs la louent grandement et y renvoient les Sœurs de leurs maisons, ès occasions des difficultés qui [se] sont rencontrées ès choses de l'Institut ; [385] mais pourquoi trouveraient-ils mauvais la persévérance d'un bien si utile aux monastères de leur juridiction ? aussi ne le feront-ils jamais, moyennant la grâce de Dieu, pourvu que nous le voulions bien nous-mêmes, et que, quand il arrivera des sujets de leur en parler, nous le fassions, non comme d'une chose nouvelle, ou que nous n'agréons pas, mais comme d'une coutume que Dieu a établie et qui s'est pratiquée dès le commencement de notre Congrégation, sous la conduite de notre saint Fondateur ; car volontiers l'on nous répond selon que nous proposons, et nous proposons selon que nous affectionnons. Celles qui jugeront à propos de leur en parler le pourront faire, et même leur montrer ce que j'en dis ici. Enfin, il n'y a nulle obligation que celle d'une humble et cordiale déférence, que nous devons nous rendre les unes les autres, en quoi la Supérieure du monastère d'Annecy devra exceller et surpasser les autres, prenant elle-même conseil des Mères plus intelligentes pour les affaires importantes dont elle serait consultée, et desquelles elle n'aurait point eu la pratique.

En tout ceci il n'y a rien qui soit répugnant à l'esprit de vertu et de religion ; au contraire, ce sera une continuelle pratique des deux principales vertus de notre saint Institut : de la sainte humilité par la déférence des unes aux autres, et de la très-sainte charité, conservant par amour le bien commun de notre Ordre, par les mêmes moyens que Dieu nous a donnés, et en nous entr'aidant par des conseils cordials et fidèles et en tout ce que nous pourrons dans nos besoins. Que si nous rompons ce sacré lien, je vous puis assurer, mes très-chères Sœurs, que nous serons bientôt changées et dissipées ; comme, au contraire, si nous sommes si heureuses de le conserver en son entier, j'ai ferme confiance que la divine Providence qui nous a mises dans ce train, et nous y a fait faire un si saint progrès à sa plus grande gloire et profil de nos âmes, nous y continuera ses bénédictions avec sa sainte et spéciale conduite et protection, [386] et fera voir que ce qui est fondé en elle, soutenu et guidé de son bon plaisir, aura plus d'efficace, de persévérance et d'utilité en ses fruits que tout ce que la prudence humaine saurait inventer, et que cette manière d'union est pour nous la meilleure et plus convenable, pour faire qu'en plusieurs cœurs et monastères il n'y ait qu'un seul esprit, vivant dans les mêmes observances et coutumes. Que si nous nous rendons lâches en ceci, certes, nous ne subsisterons pas en notre vigueur et perfection, ni en notre conformité.

J'en vois des raisons sans nombre qui seraient trop longues à écrire ; mais je le suis déjà trop, portée de l'extrême affection que j'ai à la conservation de l'esprit tout pur, tout simple, tout pauvre, tout amoureux de sa petitesse et abjection, mais tout généreux et charitable de notre saint Fondateur, qui est le trésor précieux qu'il a laissé à son pauvre petit Institut, et lequel, ce me semble, ne s'y peut mieux conserver que par la fidèle garde de ses intentions, et d'en prendre les intelligences de celles mêmes qui les pratiquent, et tant qu'il se pourra en même lieu. Que si nous ne sommes fermes en ceci, certes, comme les maisons ont souvent besoin de quelque conseil, il est fort à craindre qu'en les recevant de ceux de dehors et de vocation différente, nous ne recevions aussi leur esprit à la perte du nôtre. Hélas ! néanmoins pour ce qui regarde l'intelligence de notre Institut et de son esprit, nous n'avons besoin ni de docteur ni de doctrine, ains d'une simple et fidèle observance de ce qu'il nous ordonne, sans glose. Que si nous profondons [approfondissons] et examinons ses sentences et maximes, nous y trouverons sans doute la vraie science des Saints, seule nécessaire à la perfection que Dieu requiert de nous dans notre vocation ; faisons-le donc, mes très-chères Sœurs, plus soigneusement et attentivement que jamais. Je vous en supplie de tout mon cœur, et de considérer ce que je vous dis au pied de la croix, et d'en conférer avec notre saint Fondateur et les autres [387] Saints qui ont établi des Religions, plus qu'avec les hommes, ni la prudence humaine.

J'ai fait ainsi, et cent et cent fois j'ai pensé, j'ai regardé cette affaire devant Dieu et notre Bienheureux Père ; je n'ai rien vu de meilleur pour nous, ni plus conforme à ses intentions, que ce que je vous dis, et jamais il ne m'a été représenté qu'aucun mal ou intérêt en puisse arriver à aucune maison. Au contraire, j'ai toujours eu cette lumière, que si nous y persévérons, avec l'esprit de simplicité et de charité, les monastères en recevront par ci-après les mêmes profils et utilités qu'ils ont fait ci-devant ; car la main de Dieu n'est point raccourcie, et sa Providence, comme disait notre Bienheureux Père, a voulu mettre ès mains de notre humilité et fidélité la conservation de notre Institut ; aussi crois-je, certes, que ce que les Filles de la Visitation ne feront pas parmi franc et loyal amour, elles ne le feront par aucune autre voie, au moins utilement.

Voilà, mes très-chères Sœurs, ce que je crois vous devoir dire avant mon départ de celle vie. Je vous ai parlé sincèrement selon Dieu et ma propre conscience, de laquelle j'eusse appréhendé les reproches si je ne l'eusse fait. Considérez bien le tout devant Dieu, comme je vous en ai déjà suppliées. Que si sa divine Bonté vous inspire de joindre vos cœurs au mien en ce sujet, comme j'espère qu'elle fera si vous lui demandez sa sainte lumière avec humilité, faites-le-nous savoir, s'il vous plaît, et tout ce qui sera de vos pensées selon notre accoutumée franchise et confiance ; car, si vous l'agréez, nous vous dirons par après ce qui nous semble se devoir faire pour y donner suite et affermissement après mon décès, et le tout selon la simplicité accoutumée de notre esprit. Et même je serais bien aise que vous m'écrivissiez en même temps ce qu'il vous semblerait de convenable pour cela ; et je vous en supplie de tout mon cœur, mes très-chères Sœurs, comme aussi de prendre la peine de lire et considérer avec nos Sœurs les Réponses que nous avons [388] faites sur nos Règles, lesquelles j'ai revues ce Carême dernier, et que je pense que notre Sœur la Supérieure de Chambéry vous les aura envoyées, afin qu'après que vous aurez examiné le tout, vous me fassiez savoir tout franchement ce que vous penserez qu'il y faille accroître ou corriger, et nous le ferons, pour puis après les faire examiner par Mgr de Genève qui les pourra approuver, et le Chapitre de céans, si l'on juge qu'elles puissent servir, au moins à celles qui seront de ce monastère, où l'on lâchera d'avoir toujours une Mère des plus expérimentées et vertueuses de l'Ordre, et des Sœurs intelligentes des choses de l'Institut par leur fidèle observance pour la conseiller, afin que saintement, fidèlement et solidement, elles servent et conseillent les monastères selon leurs besoins et le recours qu'ils auront à celui-ci, ainsi qu'il s'est fait par ci-devant ; en quoi je vous conjure, par l'amour et révérence que vous portez à notre saint Fondateur, de vouloir persévérer, et je vous en supplie et conjure aussi de tout mon cœur, mes très-chères Sœurs. Et me croyez que ce sera votre grand bien, que ces trois choses ne partent jamais de nos cœurs, ni de nos mains : soyez invariables en la fidélité de vous tenir unies à Dieu par l'exacte observance ; unies et conformes à ce premier monastère en tout ce qu'il a reçu de son Bienheureux Fondateur, continuant avec lui et sa Supérieure ce qui s'est fait par ci-devant, comme j'ai déjà tant dit, et finalement unies entre vous, n'ayant qu'un cœur et une âme, et le seul esprit de notre saint Fondateur, vivant et régnant en toutes.

J'ai confiance en mon Dieu ès intercessions de la Sainte Vierge, de notre Bienheureux Père, et en la bonté de vos cœurs, mes très-chères Sœurs, lesquels m'ont toujours été si unis et si cordials que vous ferez ce dont je vous prie, pour votre bonheur. Si moins, je partirai de cette vie en paix, moyennant la divine grâce, remettant le tout entre les mains de sa divine Providence, au soin de laquelle de tout mon cœur je [389] recommande cette pauvre petite Congrégation, me consolant que, par sa sainte assistance, j'ai fait et dit ce que je crois, et connais être nécessaire pour lui conserver ce qu'elle a reçu de Dieu par son Bienheureux Instituteur. Impétrez-moi de son cœur, qui m'a toujours été si paternel, la continuation de sa sainte conduite, jusque dans la bienheureuse éternité, afin qu'à jamais nous puissions toutes ensemble, avec lui, aimer et louer éternellement le souverain Bien-Aimé de nos âmes.

Je finis avec ce désir que Dieu nous comble toutes en général et chacune en particulier, de ses plus riches grâces, et suis de tout mon cœur, mes très-chères et bien-aimées Sœurs, votre très-humble et indigne Sœur et servante en Notre-Seigneur.

Sœur Jeanne-Françoise Frémyot,

de la Visitation Sainte-Marie.

Dieu soit béni !

LETTRE CMLXXV - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX

Pauvreté des monastères. — Importance du bon choix des sujets. — Ne point permettre d'entrées inutiles ; fermeté de saint François de Sales et de son successeur Mgr Jean-François à ce sujet. — De quelle étoffe doivent être les voiles de nuit. — Conseils de direction.

VIVE † JÉSUS !

Annecy. 18 décembre 1629.

Nous pensions faire ce paquet quand nous avons reçu votre dernière lettre, ma très-chère fille- mais ceux qui le devaient emporter ayant été arrêtés, nous avons encore eu le loisir d'y répondre. Premièrement pour l'argent que vous désirez que nous vous fassions prêter, certes, ma très-chère fille, tous nos [390] monastères sont en nécessité, excepté celui de Lyon, et ne pense pas qu'aucun vous puisse faire cette charité que celui-là. Vous ferez bien de vous y adresser, et prier nos Sœurs de là de vous prêter cinq cents ou mille écus pour vous aider à commencer de bâtir ; ce sera bien assez de cette somme-là pour maintenant, et ce serait une honte de demander deux ou trois mille écus. Je pense que quand vous en emploiriez mille ou cinq cents pour bâtir, il suffira bien pour encore.

Je ne sais que vous dire de ma Sœur N. II ne faut guère prendre d'avis hors de votre monastère pour ces choses-là, car nous ne pouvons pas voir les esprits ni leurs dispositions. Cette parole que vous me dites qu'elle n'a guère pris l'esprit de l'Institut est importante, d'autant qu'il n'y faut pas recevoir ni garder celles qui ne l'ont pas. Vous avez l'Entretien de notre Bienheureux Père sur ce sujet, et j'en dis assez dans mes Réponses pour vous donner lumière et vous résoudre avec l'avis de vos Sœurs à ce que vous en devez faire. Si vous ne la jugez pas propre, ce serait un bon prétexte pour la renvoyer, que le retardement que font Messieurs ses parents. Considérez bien tout devant Dieu avec nos Sœurs ; car c'est une chose importante que de recevoir en la Religion celles qui n'y sont propres, comme aussi de renvoyer celles qui le sont et que Dieu y appelle. Voilà, ma chère fille, ce que je vous en puis dire. Si vous pouviez vous exempter de recevoir celle nièce de M. N., qui est d'une autre Religion [Ordre], vous feriez bien ; au moins lui faut-il représenter humblement que vous ne pouvez surcharger votre maison, voyant son état, d'aucune qui n'y apporte de quoi s'entretenir, afin qu'il lui donne une bonne pension.

Pour ce qui est de donner l'entrée de votre monastère à madame la comtesse de N., vous savez bien, ma très-chère fille, que l'on ne donne point ces entrées en nos maisons qu'aux fondatrices et bienfaitrices. Pour les Religieuses qui ne sont [391] pas réformées, elles ne les doivent point avoir. Notre Bienheureux Père ne voulut jamais que les Religieuses de Saint-Bernard entrassent céans, depuis que nous fûmes sous la règle de Saint-Augustin, et vous étiez ici lorsque Mgr de Genève refusa un gentilhomme qui s'était employé pour quelqu'une de ses parentes, Religieuse de Saint-Pierre de Lyon, laquelle était venue en cette ville et désirait d'entrer céans. Il se faut tenir en ces choses-là, à ce qu'en marque le Coutumier, et que vous en avez vu pratiquer en ce monastère. Si madame la présidente de Granet se fait votre bienfaitrice, elle pourra entrer ; mais il faudra que ses entrées soient limitées et celles des autres deux dames, afin qu'il ne s'en fasse point par simple compliment ; mais seulement à quelques jours, quand elles désireront se retirer pour faire les exercices de dévotion. Vous pourrez bien donner un livre des Règles à cette dite dame, et aussi à M. votre confesseur, pourvu toutefois qu'ils ne les communiquent à personne.

Oh ! non, ma chère fille, je ne veux pas que vous vous leviez avec la communauté, ni que vous fassiez les autres choses dont vous êtes dispensée ; car cela est utile à votre corps, et nécessaire à mortifier les inclinations de votre esprit. — Pour l'Office, je crains que votre petite voix ne fasse rire ceux qui vous entendront ; néanmoins, si vous le voulez faire et que vos filles trouvent qu'il soit passable, je le veux bien. — Si nos Sœurs n'ont rien qui soit nécessaire à me dire, et à quoi vous ne puissiez satisfaire, je serai bien aise qu'elles ne m'écrivent pas, car ayant une grande famille à conduire et à répondre à tous nos monastères, il me reste peu de temps, et pour ce qui est de voir leurs lettres, cela m'est indifférent ; mais néanmoins il est bon d'honorer jusqu'aux moindres pensées et intentions de notre Bienheureux.

Il faudra assurer M. votre bon confesseur, cela veut dire pour le temps qu'il se comportera comme il fait, en telle sorte [392] qu'il soit en liberté de se retirer quand bon lui semblera. Parlez un peu du traité que vous voulez faire avec lui à vos deux dames ; vous savez ce que j'en dis en mes Réponses. — Pour les voiles de nuit, il est mieux de les faire d'étamine, ou de quelque serge ou de petit camelot, que de celui qui est teint en soie. — Or sus, Dieu soit loué ! bien que vous n'ayez nul sentiment sensible de vos fautes et que vous les voyiez fort éloignées de vous, ne laissez, à mesure que vous les voyez, d'en faire un simple abaissement d'esprit devant Dieu. Quant à ce qui se passe en votre intérieur, vous savez dès longtemps ce que l'on vous en a dit : ne vous mettez en peine de rien. Allez toujours et sans vous arrêter dans cette voie où Dieu vous a mise, il n'y a rien à craindre ; mais évitez toute recherche et propre estime de vous-même tant qu'il vous sera possible ; ne faites jamais rien volontairement ensuite de ce mouvement-là.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMLXXVI - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS

On doit obéir aux prescriptions du médecin. — Admission d'une parente de M. de la Rochefoucauld et de madame de Senecey. — Additions à faire à une nouvelle Vie de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 23 décembre 1629.

Ma très-chère fille,

Ces grandes maladies que vous faites me tiennent en extrême peine, et je ne saurais m'en empêcher, quoique de tout mon cœur je remets votre mal et votre personne toute entre les mains de Dieu, pour en disposer selon son bon plaisir ; mais véritablement, je crains fort que ces saignées que l'on vous fait [393] coup sur coup ne vous fassent tomber en quelque hydropisie ou grand accident- au moins, pour moi, je pense que si je fusse encore demeurée à Paris, je serais morte, car je n'en pouvais quasi plus, de tant être saignée. Néanmoins, puisque les médecins jugent nécessaire que vous le soyez tous les mois, il vaudrait mieux vous y assujettir que de vous saigner sept, huit et dix fois coup sur coup, car cela est capable de ruiner tout à fait les forces du corps ; et de l'être tous les mois, au moins l'intervalle du temps qu'il y aurait entre deux, serait cause qu'il ne vous affaiblirait pas tant. Mais nous sommes sous l'obéissance, il y faut demeurer amoureusement et tout abandonner à la divine Providence, qui fera en nous et par nous tout ce qui lui plaira. Puisque Dieu vous a donné un corps faible, je vous prie de le soulager tant que vous pourrez.

Au reste, je vois qu'il se perd tant de nos paquets, que cela nous lève la confiance d'en envoyer à Chambéry ; je ne sais s'il tient à nos Sœurs de là ou à celles de Lyon, mais j'ai remarqué qu'il s'en est déjà égaré deux ou trois fort importants, que nous avions mandés par cette voie. Cela est cause que nous attendrons la commodité assurée de vous envoyer quantité de lettres que nous avons d'écrites, par le Père dom Maurice, qui est en ce pays, il y a environ trois semaines, et ne devait rester que trois ou quatre jours ; et cependant nous l'attendions de jour en jour, mais il n'est point venu, et ne pense pas qu'il parte avant le jour de l'an. C'est pourquoi je vous redirai ce qui est déjà répondu dans les lettres que nous gardons écrites pour vous les envoyer par lui : que pour la réception de la parente de M. de la Rochefoucauld et de madame de Senecey, je n'y vois rien de contraire à l'Institut ; que vous la pouvez prendre quand vous voudrez, et je serai bien aise que vous leur fassiez cette charité au plus tôt. Vous vous pouviez bien résoudre à cela sans attendre ma réponse ; car, comme je vous dis, je n'y vois rien qui ne se puisse faire, ni de contraire à [394] l'Institut. Mgr de Bourges m'en écrit un billet ; faites-lui savoir ce que je vous en dis ; je vous prie de lui faire très-humble révérence de notre part.

Vous ne nous dites rien, par les vôtres dernières, de ma pauvre Sœur de Vigny, et j'en désire extrêmement des nouvelles, car je ne sais où elle est, ni comment elle se porte. Je lui avais écrit un billet, je ne sais s'il était dans les paquets qui se sont perdus, et si vous aurez reçu celui où étaient les lettres de Mgr de Genève pour Mgr de Bourges, sur le décès de feu mon neveu des Francs : ce serait bien dommage si elles étaient perdues. — Si vous pouviez avoir commodité, nous voudrions bien que vous nous fissiez la charité d'encore une bouteille de ce bon vinaigre que vous nous envoyâtes ; il n'y a point de tel remède. Nous désirerions bien savoir un peu plus en particulier la façon de le faire, car il ne le dit pas assez clairement dans la recette que vous nous avez mandée ; nous ne savons s'il faut sécher les herbes, ou quoi.

Or sus, ma très-chère fille, c'est assez pour cette fois vous entretenir : ma Sœur l'assistante m'excusera bien si je ne lui écris ou fais écrire, nous sommes accablées de tant de lettres ; mais, je la salue chèrement et toutes nos Sœurs, avec ma Sœur la Supérieure de la ville. Je supplie Notre-Seigneur leur donner à toutes l'abondance de son divin amour. — Je serais bien aise que le Père Feuillant travaillât à la Vie de notre Bienheureux Père ; mais je voudrais qu'il laissât ce que leur Père général a écrit comme il est, car je le trouve fort bien, excepté qu'il faudrait qu'il fît la correction de quelque chose qui n'est pas comme il doit être : nous en manderons le mémoire ; mais, pour le reste, je désirerais qu'il fît seulement les chapitres de ses vertus pour y ajouter ; il se servirait pour cela des Dépositions que nous laissâmes et des Épîtres.

[De la main de la Sainte. } Vous m'êtes uniquement chère et la vraie fille de mon cœur. Pour Dieu, conservez-vous, et [395] recevez toute la nourriture que l'on vous donnera pour reprendre vos forces. Le saint et doux Enfant dont nous attendons la sacrée naissance vous fortifie par l'abondance de ses consolations et bénédictions. Amen. — Si notre pauvre Sœur de Vigny est là, je la salue, mais de quel cœur ! Je voudrais savoir si en vous quittant elle acceptera le joli logement que nous lui avons offert avec tous nos cœurs, pour la récréer, consoler et soulager au mieux qu'il nous sera possible.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CMLXXVII - À UN RELIGIEUX

Joie d'apprendre que la Vie de saint François de Sales sera complétée.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1629.]

Mon révérend et très-cher père,

Le divin Sauveur fasse abonder en vous son saint amour ! Nous avons su par notre chère Sœur Favre comme Votre Révérence veut obliger toute notre petite Congrégation par l'augmentation de la Vie de notre Bienheureux Fondateur ; ce nous sera un bien et consolation si grande, mon très-cher Père, que jamais nous ne saurions en avoir assez de reconnaissance envers Votre Révérence, et spécialement de ce qu'en cet ouvrage elle conservera en son entier celui du feu Révérend Père Goulu, personnage dont la mémoire nous est en bénédiction, et mérite d'être révérée par la postérité avec un honneur tout saint et spécial. Je crois, mon très-cher Père, que l'on vous aura remis les Dépositions que l'on avait données à ce digne et grand Religieux, pour achever et accroître la Vie qu'il avait si dignement écrite.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [396]

LETTRE CMLXXVIII À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME FAVROT[93]

SUPÉRIEURE À PONT-À-MOUSSON

Ne pas s'établir dans les grandes villes sans avoir des ressources assurées. — À quelles conditions on peut accepter la conduite des Repenties.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1629.]

Ma très-chère fille,

Je loue Dieu de ce qu'il manifeste tous les jours plus sa gloire par l'intercession de notre Bienheureux Père. Je vous prie, ma fille, informez-vous fort particulièrement comme tout s'est passé en cette guérison du flux de sang de madame la princesse, et me l'écrivez, afin que nous voyions s'il sera requis d'en prendre une attestation qui serait fort avantageuse, à [397] cause de la qualité et dignité de la personne. Je suis bien consolée de ce que madame la princesse de Phalsbourg continue à vous affectionner : c'est une bonne, vertueuse et aimable princesse. Je serai bien aise que nous soyons à Nancy, si elle est notre fondatrice ; car d'aller sans bons fondements dans ces grandes villes où tout est si cher, il n'est pas à propos, et c'est mettre les familles religieuses en l'occasion de beaucoup pâtir.

Je vous dis derechef que vous secondiez les saintes intentions de Mgr votre digne prélat touchant la réformation des Repenties. Voici la pensée que Dieu m'a donnée sur ce sujet : c'est que premièrement il faut que vous sachiez la disposition de ces âmes-là, et les conditions avec lesquelles on veut que vous y alliez ; si vous y serez en pleine et absolue autorité sur le spirituel et le temporel, ainsi que nos Sœurs de Paris. Je dis sur le spirituel, quant à la direction pour les exercices de religion et de piété ; car pour la confession et les péchés, cela doit être entièrement laissé au jugement du confesseur, singulièrement en ces pauvres chères âmes qui ont mille choses à dire, lesquelles, grâce à Dieu, nos bonnes filles n'entendent pas. Demandez bien la lumière de Dieu pour cette affaire, je vous en conjure, ma fille, et de prier pour celle de la béatification de notre Bienheureux Père, à laquelle on va travailler à bon escient. Les dépenses qu'il nous faudra faire pour cela nous ruineraient, si Dieu, auquel nous avons jeté toute notre confiance, ne nous assistait. J'espère que sa Providence nous fournira ce qui nous sera nécessaire jusqu'au bout. J'ai tellement à cœur cette sainte œuvre, qu'il me semble que je me vendrais moi-même s'il était requis, afin de voir notre Bienheureux Père béatifié et glorifié selon son mérite ; priez-le pour moi. Votre, etc. [398]

ANNÉE 1630

LETTRE CMLXXIX - À MADAME LA DUCHESSE DE NEMOURS

Hommage de respect et de reconnaissance.

VIVE † JÉSUS. '

[Annecy, 1630.]

Madame,

Puisqu'il a plu à la divine Bonté avoir pitié de son pauvre peuple en délivrant cette ville du mal contagieux [de la peste], j'ai pensé que Votre Grandeur aurait agréable que nous lui donnassions cette bonne nouvelle, avec la reconfirmation de notre très-humble obéissance et du souvenir que nous avons des obligations très-grandes que votre bonté, Madame, s'est acquises sur nous par ses libéralités, charité et bienveillance toute maternelle ; ce qui nous fait désirer incessamment l'honneur incomparable de sa digne présence, afin que, puisque notre petitesse nous ôte tout moyen de servir Votre Grandeur, au moins nous puissions lui faire voir nos cœurs parfaitement soumis à ses volontés, et pleins d'un amour et révérence toute filiale, qui incessamment offrent leurs vœux et prières à la souveraine Majesté de notre bon Dieu, à ce qu'il lui plaise faire abonder les plus riches trésors de sa grâce sur tout ce que Votre Grandeur chérit le plus, à laquelle ayant fait très-humble révérence, je demeure d'une affection pleine d'honneur et d'amour, Madame,

Votre très-humble, très-obéissante et très-obligée servante.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [399]

LETTRE CMLXXX (Inédite) - À LA MÈRE HÉLÈNE-ANGÉLIQUE LHUILLIER

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Restreindre le nombre des personnes qui accompagnent la princesse de Conti dans ses entrées au monastère.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 12 janvier 1630.

... Je vous ai répondu pour ce qui est de madame la princesse de Conti.[94] J'avais compris qu'elle voulait entrer sans heurter ; mais puisque les serrures sont en dedans et les clefs entre les mains de la Mère, je ne vois point de difficulté à cela ; néanmoins je m'en remets à ceux qui ont meilleur jugement que moi ; car pour moi, je n'y en trouve point du tout, seulement j'accroîtrais d'une clef, dont l'une serait gardée par la Supérieure, l'autre par l'assistante, et la troisième par la plus ancienne surveillante ; avec cela je n'y vois rien à craindre. Vous avez bien raison de mettre un très-bon règlement pour l'entrée de celles qu'elle veut mener avec elle, car il est très-important que peu de personnes, quand elles ne cherchent pas le profit spirituel, n'entrent point dans les monastères.

Pour les bonnes Religieuses que vous avez reçues, vous avez bien fait, car, ma très-chère, il nous faut exercer la charité spirituelle envers le prochain, tout autant que celle que nous devons à nos maisons le nous pourra permettre.

Conforme à une copie gardée au premier monastère de la Visitation de Paris. [400]

LETTRE CMLXXXI - À LA MÈRE MARIE-MARGUERITE MICHEL

SUPÉRIEURE À DIJON

Mesures à prendre avant de partir pour la fondation de Besançon. — Reconnaissance duc a madame de Vigny. — Dissiper une prévention contre la Mère Favre.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 21 janvier [1630].

MA TRÈS-CHÈRE FILLE,

Nous avons enfin reçu votre grande lettre, de laquelle je pense que vous nous parliez en la vôtre dernière. Je suis bien du sentiment de M. Chassignet, qu'il ne faut pas que vous laissiez d'aller à Besançon, pour toutes les difficultés et oppositions qui se présentent, pourvu que vous ayez la permission ; car, quand vous serez là avec des filles de qualité et plusieurs de leurs concitoyennes, les choses changeront bientôt, et vous verrez que tout s'accommodera ; et puis, ce n'est que pour le temporel, il n'y faut pas seulement prendre garde.

Pour ma Sœur l'assistante, puisqu'elle a la vertu et les années de Religion, je n'y vois rien à craindre, et crois véritablement que ce sera le mieux, pour le bien de votre maison, qu'elle y soit élue, car, pour ces bonnes Sœurs qui y ont de l'aversion, comme je vous ai déjà écrit, chacun a sa petite croix à supporter, et j'espère, puisque ce ne sont pas des esprits extravagants, qu'elles se rangeront et que tout ira bien. Je ne vois pas qu'il fût à propos, ma chère fille, que vous emmenassiez la petite Blondeau à la fondation de Besancon ; et pour la petite Jaquotot, puisque vous devez donner l'habit bientôt à l'une de vos petites, je serais bien aise que vous la preniez.

Quanta l'offre que vous nous faites de l'argent, nous vous en remercions de tout notre cœur, ma chère fille ; car, bien que ce soit la vérité qu'en ce temps ici l'on ait bien peine d'en [401] avoir à cause que l'on ne peut être payé de personne, néanmoins Notre-Seigneur pourvoit à toutes nos petites nécessités. Nous désirerions seulement que vous nous fissiez la charité, tandis qu'il nous faudra fournir aux frais de la béatification de notre Bienheureux Père qui seront grands, de payer les quarante écus de la pension de notre Sœur Milletot, que l'on doit céans à notre Sœur de Vigny, parce que nous ne tirons rien des huit cents écus qu'elle a donnés pour la béatification de notre Bienheureux Père, à cause que nous ne savons [pas] l'heure de les employer, et néanmoins il ne faut pas laisser de lui en payer la pension ; car c'est à quoi nous ne voulons jamais manquer, moyennant l'aide de Dieu. Faites-nous donc cette charité, ma très-chère fille, s'il vous plaît, seulement pour le temps que nous aurons à fournir aux frais de la béatification de notre Bienheureux Père. — Vous devez interpréter en bien l'emploi que font nos bonnes Sœurs de Paris de ma Sœur de Vigny ; car, parce qu'elles l'aiment et qu'elles connaissent la bonté de cette femme-là et l'affection qu'elle a pour les affaires de l'Institut, elles sont bien aises de lui donner la consolation de l'employer, puisqu'elle s'y porte de si bon cœur.

Cette lettre était écrite quand nous avons reçu la vôtre dernière, où je vois que votre affaire de Besançon est bien retardée ; mais il faut tout remettre entre les mains de Dieu, qui conduira toutes choses selon son bon plaisir. — Quant aux plaintes que vous me faites du long temps qu'il y a que vous êtes en charge, ma fille, je vous connais trop bien pour m'en étonner. Il n'est pas fait qui commence seulement : courage donc, ma très-chère fille, ne nous attendrissons ni abattons point ; car Dieu est le guide des cœurs humbles, et Lui-même guidera ceux dont Il nous donne la conduite. Certes, ma toute chère fille, je serais bien marrie si cette fondation de Besançon ne se faisait pas, pour plusieurs grands biens qu'il me semble qui en doivent réussir. Dieu conduise le tout selon son bon plaisir ! [402]

J'ai une peine plus grande que je ne vous puis dire de cette mauvaise intelligence de notre chère Sœur de Vigny ; car nous sommes si obligées à cette bonne femme, que je voudrais bien qu'elle eût consolation parmi nous ; mais je ne sais comme quoi on la pourra guérir de cette préoccupation ; elle ne m'en a écrit pas un mot en toutes ses dernières lettres dès son retour à Dijon. — Mon Dieu ! ma fille, je vois bien qu'il y a de petits ombrages en votre esprit contre notre Sœur Favre ; le Père dom Maurice m'a dit que vous lui en aviez dit quelque chose. Il faut lever cela, ma fille, et se mettre en parfaite union. Je m'assure que vous y trouverez cette chère Sœur de Paris toute disposée, car elle a le cœur tout bon, vous le savez bien ; il ne faut donc que tirer le rideau et se montrer l'une à l'autre à découvert tout sincèrement, et vous verrez que vos deux très-bons cœurs se joindront incontinent avec une suavité et cordialité toutes saintes. Je vous en prie, ma très-chère fille, et puis vous assurer que mon cœur est vôtre avec une dilection, franchise et amour vraiment maternels, mais je vous dis ceci de cœur, avec sentiment. À Dieu donc, soyons-nous toutes parfaitement unies ensemble et en Lui. Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMLXXXII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À RIOM

Sur les moyens d'union entre les monastères. — Envoi prochain des Réponses. — Il ne faut choisir une Supérieure dans une autre communauté que par absolue nécessité.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 25 janvier [1630].

Il est vrai, ma très-chère fille, que c'est une grande misère de ne pouvoir avoir des nouvelles les unes des autres plus [403] fréquemment ; mais il faut prendre ces choses-là comme venant de Dieu, ainsi que vous avez su faire. J'écris assez et plus que je ne veux plus faire ; mais toujours pourtant quelque billet à ma grande et vieille fille, de deux mois en deux mois ; ce sera bien assez, sinon qu'il arrive quelque affaire importante et extraordinaire. — Or, je vois bien que vous avez reçu la lettre par laquelle je vous disais, comme de moi-même, le sentiment d'autrui ; mais non pas celle où je vous disais simplement le mien touchant notre union ; car, si vous l'aviez reçue, vous n'auriez pas pris la peine de m'en écrire une si grande lettre. Vous verrez, par une lettre que j'écris par nos monastères, tout ce que je puis dire sur ce sujet, qui est fout conforme à mes Réponses,[95] lesquelles j'ai toutes revues ce Carême dernier ; je crois que vous les recevrez bientôt. Je ne vous répète rien de tout cela, parce que je n'y puis rien ajouter de nouveau. Ayant dit ce que je crois, je laisse notre union et tout ce qui est de notre Institut au soin de la divine Providence.

Je crois que vous n'avez pas accepté la fondation de La [404] Châtre que les conditions marquées dans le Coutumier ne s'y trouvent toutes ; je serai consolée de savoir qu'elle est bien acheminée, puisque c'est à la gloire de Dieu. — Pour ce qui est de votre personne, Mgr de Genève n'est pas ici pour lui en parler ; mais je suis bien assurée qu'il sera content que vous serviez Dieu en cette occasion. Et quant à l'élection future d'une Supérieure, puisque vous avez des Sœurs capables en votre maison, il faut faire en cela ce que marque le Coutumier, et ce que j'en dis dans mes Réponses, qui est qu'on ne les prendra ailleurs que par absolue nécessité. Que si vous en voulez une troisième avec les deux que vous avez pour mettre sur le catalogue, vous y pourrez mettre ma Sœur Françoise-Gabrielle [Bally], qui est déposée à Bourges. — Mais, ma très-chère fille, je vois que vous ne me faites point de réponse touchant [l'histoire de] la Fondation de céans ; je vous prie d'y mettre la main pour la nous envoyer avant que vous sortiez de cette maison, afin que nous finissions le reste.

Voilà vous répondre bien promptement, ma très-chère fille ; car je ne fais que de recevoir vos lettres, et n'ai loisir de voir celle de notre chère Sœur la Supérieure de Montferrand, à qui vous communiquerez ce que je vous écris louchant notre union. Enfin, si vous n'avez encore reçu la lettre sur ce sujet, vous pourrez voir dans les Réponses mon seul sentiment, lequel je n'ai su quitter, nonobstant ce que tant de grands serviteurs de Dieu nous en ont proposé, et qui disent que nous ne subsisterons pas sans le moyen que je vous ai écrit si au long ; et moi je crois qu'il nous ruinerait, et que Dieu conservera ce qu'il a établi. Bref, je ne puis avoir autre sentiment que la ferme confiance que la divine Providence sera notre grand gouverneur ; mais il faut être fidèle à l'observance. — Bonsoir, ma toute chère fille, et à nos Sœurs. Que Dieu vous bénisse toutes, et soit béni !

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy. [405]

LETTRE CMLXXXIII (Inédite) - À MONSIEUR L'AVOCAT PIOTON

À CHAMBÉRY

Affaires temporelles.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 2 février 1630.

Mon bon et très-cher frère,

Je vous ai déjà salué par une [lettre] que j'ai écrite à ma Sœur la Supérieure [de Chambéry] et bénis Dieu de votre heureux retour, comme maintenant je le fais encore de tout mon cœur, vous assurant qu'il me tarde bien de vous voir et de vous entretenir un peu à souhait ; ce que j'espère dès aussitôt que cette pauvre ville sera en pleine liberté. Cependant, mon cher frère, en nous continuant votre charité ordinaire, vous acheminerez et solliciterez un peu vivement le procès contre M. de la Ravoire, lequel je vous recommande bien fort, et suis grandement étonnée de voir tant de langueurs en une affaire si claire ; car il y a deux ans ou dix-huit mois au moins que ce procès est sur pied, lequel est de très-grande importance pour tous nos monastères de Savoie ; car, mon très-cher frère, s'il arrivait qu'il en sortit une sentence qui ne nous fût pas favorable, cela susciterait tout incontinent plusieurs procès et troubles en ce monastère ; plusieurs de ceux qui nous doivent attendant l'issue d'icelui pour en intenter des autres contre nous. Il y a même M. Fichet, qui est à Chambéry, lequel nous a déjà plaidé et prétend nous faire perdre la dot de sa sœur qui est morte céans, professe d'une année et un jour. La raison sur laquelle il se fonde est parce que, nonobstant sa profession, elle fit un testament, par lequel elle donnait tous ses droits à ce monastère. Voilà, mon cher frère, comme de la bonne issue de celui du sieur de la Ravoire dépend la paix ou le trouble de nos maisons [406] de Savoie en ce qui regarde la dot des Sœurs. — Si encore vous pouvez obtenir l'entérinement des patentes du sel, ce sera un surcroît d'obligations que toutes nos maisons vous auront, et, outre ce, vous aiderez encore au bâtiment de nos Sœurs, attendant que vous nous veniez aidera bâtir notre église.

Je vous prie, mon cher frère, de faire nos recommandations à M. le commandeur Balbian ; je ne lui écris point parce que les lettres ne servent qu'à ennuyer ; et, en outre, je suis tellement accablée de lettres et d'affaires, à cause de la correspondance que les monastères ont à celui-ci, que j'ai prou peine à m'en débarrasser. On attend de jour à autre l'élargissement de la ville, après lequel nous prendrons loisir de vous entretenir amplement et de cœur.

Je me recommande à vos bonnes prières, et supplie Notre-Seigneur vous combler de ses plus chères grâces, de la même affection que je suis, votre, etc.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMLXXXIV - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE MON

Il est décidé que la Sainte n'ira pas en Piémont. — Demande de livres. — Envoyer quelque secours aux Sœurs de Crémieux.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 6 février [1630]

Ma très-chère fille,

Je vous veux bien dire cette bonne nouvelle : c'est que nous eûmes le bien de voir hier Mgr de Genève, qui venait de voir M. le prince majeur et le prince Thomas, où ils traitèrent de notre passage en Piémont, mais en telle sorte qu'il a été résolu que je n'y irai pas, sur les persuasions que Mgr fit, que si l'on [407] me faisait changer d'air et de climat l'on me ferait mourir, et sur les assurances qu'il donna de mes extrêmes infirmités, vieillesse et faiblesse. Et faut encore dire ce mot, que hier, quand je disais en sa présence que je me portais si bien et que je n'avais point été incommodée cet hiver comme les autres, l'on me répondit : Eh ! ne dites pas cela ! Certes, pour moi, ma chère fille, par la grâce de Dieu, je suis en une parfaite indifférence d'aller ou de demeurer, quoique la nature aurait bien un peu plus d'inclination de demeurer que non pas d'aller. Je vous ai écrit ceci parce que je pense que vous en serez bien aise et la chère Mère du second monastère [aussi].

Je vous prie, faites tout ce que vous pourrez pour nous envoyer nos hardes, tant celles qui viennent de Châlon que les autres, au plus tôt qu'il se pourra. J'ai écrit à ma Sœur la Supérieure de Chambéry que si elle savait quelque commodité des marchands ou autrement, qu'elle me l'adressât. Faites-nous aussi tenir nos livres, car je suis déjà lasse de les attendre. Si le libraire veut faire cette permutation que je vous ai écrite des cinquante livres des Épîtres, nous nous contentons d'en avoir une douzaine, et autant de livres [du Traité] de l’Amour de Dieu, et quelques-uns de C***, du Bien de la tribulation. J'ai toujours envie d'en avoir un qui est fait nouvellement par un Père Jésuite, gros comme un des tomes du Père Rodriguez ; je vous ai déjà mandé l'intitulation. — Nous n'avons point reçu, avec nos hardes que vous aviez envoyées à Crémieux, les prédications de notre Bienheureux Père, que vous nous aviez mandées. Nous ne savons ce qu'elles sont devenues, et nous avons bien envie de les avoir, car nous en voulons faire faire un manuscrit pour le communiquer aux monastères. — 6 février.

Ma chère fille, je vous recommande bien fort nos pauvres Sœurs de Crémieux. Je vous prie, aidez-les de quelques filles qui soient bonnes. Je vous avertis aussi du décès de la bonne madame de N***, afin que vous priiez Dieu pour elle. [408] Recommandez aussi à sa Bonté cette affaire du voyage de Piémont, afin que tout réussisse à sa gloire. Et je vous dis aussi que Mgr [de Lyon] a envoyé votre obédience pour vous tirer de Lyon, mais cela sans aucune induction d'âme qui vive. Il alla voir dernièrement notre Sœur du faubourg, et voulut savoir si c'était vrai ce qu'on lui avait dit que vous étiez professe de Lyon ; elle lui dit simplement que si vous l'êtes de Lyon, je l'étais de Paris elle d'Auvergne, et ainsi des autres. [Et tout cela] était certes de lui-même, et dit beaucoup de choses qui témoignèrent qu'il [le reste est illisible].

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMLXXXV - À LA MÈRE ANNE-MARGUERITE CLÉMENT[96]

SUPÉRIEURE À MONTARGIS

Dans les consolations, l'âme doit regarder Dieu plutôt que savourer ses dons. — Soins à apporter au bon chois des sujets ; craindre surtout les esprits légers. — Il ne faut rien changer au chant de l'Office. — De l'entrée des dames séculières.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1630]

Ma très-chère fille,

Selon que vous m'écrivez de ce qui se passe en vous, cela part de notre bon Dieu. Je ne saurais rien ajouter à ce que vous me dites que vous faites, qui est de ne rien faire, mais vous laisser à la merci de l'amour et recevoir humblement les lumières et grâces qu'il veut bien vous donner ; car ce que vous m'en marquez est solide, et il ne reste aucun lieu de douter. J'ai ce seul mot à vous dire, ma très-chère fille : demeurez en paix pour ce [409] qui regarde votre intérieur, car Dieu y est, mais sans doute. Pour ce qui est des sentiments sensibles à la nature, vous devez vous divertir de cela et n'en faire nul cas, mais vous tenir ferme à ne regarder que Dieu simplement, sans vous abandonner aux goûts et suavités que la nature peut prendre en telles choses.

Vous ne devez point faire de scrupule, ma très-chère fille, de donner quelque peu de temps à ces âmes, qui désirent de communiquer avec vous de leur conscience, car il faut faire tout ce que l'on peut pour la consolation du prochain, pourvu toutefois que cela se fasse sans aucun intérêt de ce que vous devez à nos Sœurs et à votre charge ; car il faut payer ses dettes avant que de faire l'aumône. — Puisque la Règle donne liberté aux Sœurs de parler de leur conscience à des personnes capables, il leur faut ôter ces faiblesses, de ne pas vouloir le demander ; et quand elles en auront besoin leur donner courage de le faire, sans qu'elles soient obligées de dire le sujet à la Supérieure ni autre. — Surtout, je vous conjure, ma très-chère fille, je vous recommande et vous prie au nom de Dieu, de bien prendre garde aux esprits que vous admettez en votre maison ; car quoique vous les puissiez supporter, peut-être qu'une autre Supérieure après vous ne le pourra pas faire de même, et ainsi ce sera un continuel exercice pour les unes et pour les autres ; et ce serait une grande charité de laisser les esprits mal faits dans le monde, plutôt que de les recevoir, parce qu'ils peuvent beaucoup nuire à la Religion. Il est vrai que l'on ne doit pas faire d'état de l'amendement que font les filles, étant proches le temps de la profession. Si celle que nous me dites a l'esprit naturellement léger, vous savez, ma très-chère fille, que la Règle dit tout clairement qu'elle ne doit point être reçue. Pour moi, je ne la recevrais point, qu'elle n'eût fait encore une bonne année de noviciat. Pour celle autre, il serait beaucoup meilleur qu'elle se portât à mortifier son jugement et sa volonté, que non pas aux austérités corporelles. [410]

Pour cette Sœur [prétendante] que vous avez mise dehors à cause des écrouelles, si elle vient à être guérie par l'attouchement du Roi, il n'y a point de doute que vous ne la puissiez reprendre. — Il me semble qu'il ne faut pas nommer les personnes qui nous disent quelque chose secrètement, et si c'est chose de péché et de conscience, il en faut tenir le secret. Pour le reste, on le peut dire à quelque âme discrète, quoiqu'il serait mieux de n'en point parler, si n'était pour quelque nécessité ou utilité. C'est autour de tels esprits qu'il y a beaucoup à travailler pour Dieu, où je supplie sa Bonté que vous agissiez ainsi. Il les faut cultiver doucement, persévéramment et courageusement, enfin renvoyer celles qui ne seraient pas propres. Mais, pour les infirmes de corps, ô ma fille ! il les faut cacher et conserver dans notre sein. Notre saint Fondateur ne trouvait pas bon qu'on s'arrêtât aux infirmités des filles qui ont des talents propres pour la Religion : nos Sœurs ont tort, si elles s'y arrêtent trop. Il n'y a point de doute que vous ne puissiez laisser novice votre Sœur tourière, qui n'a pas envie de faire profession, car, par ce moyen, vous garderez votre liberté, et elle, la sienne.

Pour ce qui regarde le chant de notre Office, c'est la vérité qu'il me fâcherait bien si on le changeait ; il n'est point trouvé désagréable par deçà, pourvu qu'on le chante comme il est marqué sur un ton modéré, d'une voix douce et un peu gaiement ; très-assurément on le trouve plus dévot que désagréable. — Pour ce qui est de l'entrée de cette bonne dame veuve, si vous voyez qu'il y ait de l'utilité pour votre maison et du profit spirituel pour cette âme, et qu'elle ait toutes les bonnes conditions que vous dites, vous lui pouvez donner l'entrée, pourvu que votre digne prélat le trouve bon. Je vous avertis seulement que c'est une grande sujétion de donner l'entrée aux dames séculières, et qu'il ne faut pas le faire sans l'avoir beaucoup considéré. [411]

LETTRE CMLXXXVI - AU PÈRE DOM GALICE, BARNABITE

À MONTARGIS

Éloge de la Mère Anne-Marguerite Clément.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, février 1630.]

Mon Révérend Père,

Le divin Sauveur soit par son amour la vie de votre âme !

Nous remercions très-humblement Votre Révérence de la congratulation qu'elle nous fait, de ce que Dieu a préservé cette maison, au milieu des déluges d'afflictions dont il Lui a plu visiter cette pauvre ville, et puisque sa charité est si grande pour nous, je la supplie d'en offrir une fois le saint sacrifice de la messe en action de grâces à la divine Majesté.

Je suis très-incapable, mon très-cher Père, de répondre utilement à votre lettre, touchant ma Sœur la Supérieure de Montargis. Je prie Notre-Seigneur qu'il me donne sa sainte lumière, afin que je le fasse selon son bon plaisir. C'est une âme en laquelle on a vu toujours beaucoup de traits d'une spéciale communication de Dieu : l'on a toujours vu en elle une vraie humilité, une solide charité envers le prochain et une grande droiture et sincérité envers ses Supérieurs, avec un grand amour à la mortification et à la pratique des vertus ; et tout cela sont de solides dispositions, qui ont accoutumé pour l'ordinaire d'être favorisées de Dieu. Je vois qu'il donne à Votre Révérence une si claire et délicate lumière pour discerner les mouvements de la grâce en cette âme, et que vous la conduisez par des conseils si sages et si solides, que j'ai plus à y admirer qu'à parler. Je vous dirai seulement, mon très-cher Père, que je n'ai rien vu de plus net que le langage de cette chère Sœur : elle s'exprime en des termes si simples, si humbles et si naïfs, et montre si [412] distinctement les opérations de Dieu en elle et les mouvements de son âme, qu'il m'est impossible de croire que ce soit autre chose que l'esprit de Dieu qui la meut. On dit communément que le bon arbre porte de bons fruits ; les effets de cette oraison portant le fruit de la pratique des solides vertus, comme ils font, je ne crois pas qu'il y ait rien à craindre. Avec votre congé, mon très-cher Père, je vous dirai seulement que le silence intérieur avec l'anéantissement dans ces faveurs si grandes sont, me semble, bien convenables. Elle m'écrit une bonne partie de ses sentiments, sur quoi je lui réponds courtement, mais assez selon ma pensée ; elle se doit fort peu regarder et ce qui se passe en elle, se contentant d'arrêter sa vue à cette unité et simplicité de présence de Dieu, le laissant faire. Pour ce qui est de la communion, Votre Révérence lui en fera user selon que sa prudence et discrétion le jugeront à propos. On dit que Mgr de Sens est un prélat de grande piété et fort intérieur ; j'ai pensé que s'il allait là, qu'étant ce qu'il est à cette maison, il serait bon, si vous le jugez à propos, de lui communiquer ce qui se passe en cette chère âme, et que l'on en pourrait recevoir beaucoup de lumières, ou du moins, que ce serait toujours assurer les affaires. Je suis bien de votre sentiment, qu'il serait bon qu'elle écrivît ce qui se passe en elle.

Extraite de la Vie manuscrite de la Mère A. -Marg. Clément. [413]

LETTRE CMLXXXVII - À LA MÈRE JEANNE-MARGUERITE CHAHU

SUPÉRIEURE À DOL, EN BRETAGNE

Condoléances sur la mort de Mgr de Revol, évêque de Dol. — Nécessité de transférer ailleurs la communauté de cette ville.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 15 février 1630.

Ma toute bonne et très-chère fille,

J'ai ressenti avec beaucoup de douleur de cœur la perte que vous avez faite de ce bon et digne prélat, qui vous était vrai père. J'appris seulement hier (qui était le 14e de ce mois) cette nouvelle, par la réception de la vôtre du 21 octobre, et aujourd'hui j'ai fait la sainte communion pour lui, que j'espère en la bonté et miséricorde de Dieu, être jouissant de la gloire, ou en chemin pour y aller. Et quant à vos autres afflictions, ma très-chère fille, vous êtes bien heureuse de recevoir ces visites de Notre-Seigneur ; car c'est à ceux qu'il aime à qui Il les envoie, afin de les rendre plus conformes à Lui. Tout le plus grand mal que je vois en cela, c'est que vous êtes aussi atteinte de ces maladies, ce qui ne va guère bien pour nos pauvres Sœurs ; mais Dieu sait bien ce qu'il leur faut, c'est pourquoi nous devons tout laisser au soin et conduite de sa Providence, avec une entière confiance en sa Bonté.

Cette bonne fille qui vous était venue de Rennes est bien heureuse d'être allée posséder le paradis ; car, en vérité, ma très-chère fille, ceux qui partent de cette vie en paix et en la grâce de Dieu sont les plus avantagés. J'ai été consolée de voir que la divine Bonté ait tiré ce bien de vos maladies, que de vous avoir déchargée de ces deux filles, qui n'étaient pas propres pour nous et que vous eussiez peut-être eu bien peine [414] de renvoyer ; voilà, ma chère fille, comme ce bon Dieu sait bien convertir toutes choses au profit de ceux qui l'aiment et qui se confient en Lui.

Je ne vois pas qu'il faille beaucoup consulter pour le changement de lieu,[97] sur les raisons que vous m'en représentez ; c'est pourquoi il faut chercher les moyens pour cela, et le plus tôt sera le meilleur. — Je réponds le plus promptement que je peux à ma Sœur la Supérieure de Paris qui m'en a écrit ; mais je n'ai reçu sa lettre qu'avec la vôtre ; j'en ai aussi écrit à ma Sœur la Supérieure de Moulins, qui prétendait à la fondation de Nantes ; mais je crois qu'étant si bonne et remplie de charité, elle préférera toujours le bien général de votre maison au particulier de la sienne, et ne fera pas difficulté de vous la céder dans votre nécessité, et j'espère qu'en changeant de lieu, vous en recevrez un grand soulagement en vos incommodités, et que Notre-Seigneur pourvoira à tous vos besoins ; car, ma fille, jamais sa Bonté n'abandonne ni laisse sans secours ceux qui espèrent en Lui, et je crois aussi que la très-parfaite charité de ma Sœur la Supérieure de la ville [de Paris] ne manquera pas de vous aider en tout ce qu'elle pourra. — Au reste, ma chère fille, je ne puis finir cette lettre sans vous dire la consolation que j'ai prise à lire les qualités de l'esprit de celle bonne novice dont vous nie parlez. Il ne faut point craindre que les maisons de la Visitation diminuent jamais pour la réception de telles filles ; car il faut toujours préférer celles qui ont l'esprit de cette vocation aux autres, pour riches qu'elles soient. Je prie Dieu qu'il nous fasse la grâce d'être fidèles en ceci et de n'en point recevoir qui ne soient capables.

Je crois que vous aurez reçu notre grande lettre, que nous [415] écrivîmes à la fin de l'an passé, où étaient toutes nos nouvelles. Grâce à Notre-Seigneur, la santé continue à la ville. Je prie Dieu qu'il vous redonne la vôtre entièrement, ma très-chère fille, et fasse abonder sur vous les mérites de sa sainte Passion, et sur toutes nos chères Sœurs que je salue avec vous de tout mon cœur qui est vôtre.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMLXXXVIII (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX

Ne pas accorder l'entrée du monastère aux Religieuses non cloîtrées.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1630.]

Pour ce que vous m'écrivez que vous avez de la peine de vous défendre des Religieuses qui désirent l'entrée dans votre monastère, si j'étais à votre place, ma très chère fille, les Religieuses qui sortent n'y entreraient pas ; car cela ne se doit nullement permettre que pour quelque grande utilité. — Au reste, si nous avions le moyen de vous aider à faire vos provisions, nous le ferions de grand cœur, je vous en assure, ma chère fille ; mais véritablement nous avons peine de fournir aux nôtres, parce que nous ne pouvons rien tirer de ceux qui nous doivent. Les misères et nécessités sont si grandes que c'est pitié - mais, néanmoins, si je savais que vous eussiez nécessité, quand nous le devrions emprunter en cent bourses, nous vous en enverrions et de tout notre cœur. Faites avec nous en toute confiance ; car votre maison nous est fort chère, et vous tout particulièrement et vos chères professes. Je les aime bien, mais je les prie de tout mon cœur de n'être point parleuses des choses dont elles doivent [416] laisser le soin à la Supérieure, et n'avoir que celui de bien obéir et vivre en parfaite observance.

Il me tardera, ma très-chère fille, d'avoir de vos nouvelles. Je prie Dieu de répandre sur vous ses plus riches grâces et sur votre petite troupe, que je salue avec vous, sans oublier nos chères mesdames de Saint-Julien et de Mépieu et les autres amies. Ma fille, je suis toute vôtre en Notre-Seigneur.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMLXXXIX - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

La Sainte ne quittera pas Annecy ; son amour pour la pauvreté.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 23 février [1630].

Certes, ma très-chère fille, vous êtes bien facile à croire ce que vous désirez. Je vous dirai pourtant que je tiendrais tout à fait pour assuré que ce serait la volonté de Dieu que je fisse ce voyage, si je voyais celle de Mgr de Genève disposée à me le permettre. Il est vrai que le bon M. Gautery trouva à l'abord un peu de facilité dans l'esprit de Mgr pour cela, mais il s'en déprit tout aussitôt, de sorte qu'il ne veut point que je bouge d'ici ; je remets le tout entre les mains de la divine Providence, qui en ordonnera ce qu'il lui plaira. — C'est la vérité, ma très-chère fille, que le bon M. Gautery est un homme vraiment comme il le faut à la Visitation ; je l'ai trouvé parfaitement à mon gré.

Je vous prie de nous continuer votre soin en l'affaire de madame Daloz ; j'en ai écrit à ma Sœur la Supérieure de Bourg, je crois que vous en aurez bientôt la réponse ; je vous prie de la bien solliciter, afin que promptement vous nous en fassiez avoir [417] quelque chose ; car nous avons grand besoin d'argent, je vous en assure, car il ne s'en trouve point en ce pays. Dieu soit béni, et nous fasse la grâce de bien aimer la sainte pauvreté ! Jusqu'ici, je ne fais que me rire de notre pauvre économe, qui ne sait de quel bois faire flèche, me confiant que Notre-Seigneur enverra le secours quand il sera tout à fait nécessaire. Hélas ! nonobstant tout ce défaut d'argent, rien ne nous manque : telle pauvreté est bien aisée à souffrir. Ma très-chère, vous êtes incomparablement ma très-chère fille ; je désire par-dessus tout que nous soyons toutes sans aucune réserve à notre divin Sauveur. Qu'il soit béni ! Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMXC - À MONSIEUR L'AVOCAT PIOTON

À CHAMBÉRY

Prière de s'intéresser à l'issue d'un procès.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 28 février [1630].

Mon bon et cher frère,

Je crois que ces Messieurs qui disputent tant contre la justice de notre cause ont bonne intention. Je prie Dieu qu'il donne sa sainte lumière aux juges, afin qu'ils rendent à chacun ce qui lui appartient. L'importance de cette affaire pour nous ne regarde pas tant la perte des quatre mille florins, comme ce sera ouvrir une porte à mille sortes de troubles et d'inquiétudes aux maisons de la Visitation ; mais Dieu, qui en est le maître, aura soin de leur conserver leur paix et tranquillité, s'il Lui plaît. C'est de quoi je Le supplie de tout mon cœur, et vous mon cher frère, de continuer à travailler comme vous faites pour conserver notre bon droit, lequel nous recommanderons à [418] Notre-Seigneur, et aujourd'hui à la sainte communion le remettrons entre ses mains, pour en disposer selon son bon plaisir. Je supplie ce divin Sauveur de nos âmes faire abonder la vôtre ès grâces et mérites de sa sainte Passion, et demeure pour jamais, mon bon et cher frère, etc.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMXCI - À MADAME LA DUCHESSE DE NEMOURS

À PARIS[98]

Regrets de n'avoir pas reçu ses lettres. — Témoignage de reconnaissance et de dévouement.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 2 mars [1630].

Madame,

Le divin Sauveur soit l'amour de votre digne cœur !

Ce m'est une grande disgrâce que les lettres dont il plaît à Votre Grandeur de m'honorer ne viennent pas jusqu'à moi, qui n'en ai reçu une seule avec cette dernière. Je n'ai osé, durant la furie du mal dont cette ville a été affligée, vous écrire, Madame, craignant d'envoyer à Votre Grandeur quelque mauvais air. Je le fis au commencement et à la fin du mal, ne sais-je si elle les aura reçues. Les obligations infinies que nous avons à votre bonté seront toujours vivantes en notre mémoire, et n'aurons rien de plus à cœur, Madame, que de nous conserver l'honneur de votre chère bienveillance, que nous révérons [419] comme l'un de nos trésors plus précieux ; et comme nous le tenons de la seule bonté de votre cœur, sans un mérite de notre part, ainsi avons-nous confiance que cette même bonté nous le continuera, puisque nous avons l'honneur d'être les très-humbles et très-obéissantes filles et Religieuses de Votre Grandeur, que nous honorons avec tout l'amour et respect de nos cœurs, qui souhaitent incessamment le bonheur de votre très-chère et digne présence. Mon Dieu ! ma très-honorée Mère, n'en jouirons-nous jamais ? Certes, il me semble qu'il serait bien nécessaire à Mgr et à nous...

Madame, venez un peu visiter vos pauvres sujets pour les ravigorer et soutenir par la douceur et l'autorité de votre présence ; ils désirent, et tous les officiers de Votre Grandeur, que cette grâce leur arrive. Mon Dieu ! n'y a-t-il point lieu à l'espérance ? Nous en supplierons de bon cœur Notre-Seigneur, afin qu'il dispose toutes choses à cette fin, si ce doit être sa gloire et le contentement de Vos Grandeurs, comme chacun le pense. Nous avons fait mettre [sur le tombeau de saint F. de Sales], proche de votre lampe, l'enfant d'argent que vous avez offert, Madame, et avons accompagné de nos prières et communions particulières et générales votre neuvaine, que ce bon prêtre a faite avec singulière dévotion, dont nous sommes été édifiées et consolées ; c'est pourquoi, Madame, je prends la confiance de le recommander en toute timidité à Votre Grandeur, au désir qu'il a d'être admis en notre église de Notre-Dame de cette ville : en vérité, sa piété mérite celle grâce, ainsi m'assurerai-je que votre bonté le lui accordera. Je prie Dieu, Madame, de faire abonder les plus riches trésors de ses grâces sur Voire Grandeur et tout ce qu'elle chérit le plus, demeurant en tout respect et de toute notre affection, Madame, etc. [420]

LETTRE CM XCII (Inédite) - À LA MÈRE FRANÇOISE-GASPARDE DE LA GRAVE

SUPÉRIEURE À BELLEY

Affaires matérielles.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 14 mars [1630].

Ma très-chère fille,

Je me réjouis bien de la consolation que vous recevrez de voir Mgr de Genève. Je vous en donne la joie ; vous vous pouvez ouvrir à lui avec toute sincérité et parfaite confiance ; car certes il le mérite, d'autant que c'est un très-vertueux et digne prélat.

J'ai écrit à M. Bebin de Nantua. Il y a fort longtemps qu'on lui remit à Dijon un réveil pour nous faire tenir, et cependant nous ne l'avons point reçu. Je l'ai prié vous l'adresser, s'il ne trouve pas commodité pour l'envoyer ici, afin que vous le nous mandiez par la voie de Chambéry, si vous ne pouvez autrement. Je vous prie, ma chère fille, d'avoir bien soin qu'il ne s'y fasse point de mal, d'autant qu'il est fort bon ; ce serait dommage qu'il se gâtât. Je vous envoie la lettre pour lui faire tenir avec une pour M. du Blâtre, de Nantua, par laquelle nous le prions vous faire tenir les cinquante écus de ma pension,[99] et pour cela voilà la quittance que nous vous mandons, afin que vous la remettiez à ceux qui vous apporteront l'argent. Si vous le pouvez avoir avec le réveil pour le nous envoyer par Mgr, ce serait une belle commodité ; sinon vous nous l'enverrez le plus sûrement que vous pourrez par la voie de Chambéry. Je vous recommande le tout, afin que vous donniez bonne adresse à ces Messieurs pour le nous envoyer, par le moyen de M. Jantel ou autrement. [421]

Adieu, car c'est sans loisir que j'écris ; mais vous devez être assurée que je suis vôtre de cœur. Dieu nous rende toutes siennes et soit béni. Amen. — Nous vous avions priée de nous envoyer l'intitulation de ce livre qu'on lisait à table quand nous passâmes à Belley, fait par un Père Jésuite ; mandez-la-nous s'il vous plaît, et faites tenir cette lettre du marchand.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMXCIII - À LA MÈRE MARIE-MARGUERITE MIGUEL

À DIJON

Désir de voir la Visitation s'établir en Franche-Comté. — Difficultés survenues avec madame de Vigny ; chercher un moyen de lui donner quelque satisfaction.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 14 mars [1630].

Ma très-chère fille,

Premièrement je vous défends, comme à ma fille très-aimée et très-obéissante, de dire que vous avez reçu de mes lettres, et vous prie que vous celiez le contenu de celle-ci, en ce qui est écrit de ma main.

Je viens de recevoir les vôtres dernières. Je trouve les conditions pour l'établissement d'Ornans fort bonnes, et j'ai un grand désir que nous entrions dans le Comté pour la gloire de Dieu et parce que notre Bienheureux Père le désirait ; et me semble que si nous y étions, Dieu en serait glorifié, d'autant que les âmes de ce lieu-là sont fort conformes à notre esprit, et qu'elles ont de bonnes dispositions pour notre manière de vie ; mais ce désir n'empêche pas que je ne veuille que nous secondions les desseins de la divine Providence sans les devancer.[100] Ce n'est pas que pour toutes les difficultés qui se pourraient présenter, tant de la part de Mgr l'archevêque que de la ville, je voulusse que nous laissassions d'aller là, si je voyais quelques conditions apparentes sur lesquelles nous nous y puissions établir avec bienséance, sagesse et discrétion ; et, en ce cas, ma très-chère fille, je désire que vous y entriez la première, parce que je sais que Dieu a mis en vous quelque chose de bien bon pour le service de ces âmes-là, à sa plus grande gloire et au bien de cet Institut. — Je sais bon gré à nos Sœurs de la franchise avec laquelle elles ont offert de payer la pension à ma Sœur de Vigny, bien que ce soit de l'argent de cette maison. — Je crois que vous ne devez pas différer de recevoir la petite Jaquotot ; car elle appartient à des personnes de piété, et qui, à mon avis, méritent bien quelque gratification.

Je m'en vais vous dire le reste de ma main : voyez-vous, mais à vous seule, mon inclination, fondée en toute bonne raison et surtout en l'apparence de la volonté divine, mon inclination, dis-je, est que si vous n'alliez point au Comté, que vous fassiez encore un triennal à Dijon ; mais ce qui m'empêche de trancher [423] cela et de m'en déclarer ouvertement, c'est ce que nous devons à cette pauvre chère Sœur de Vigny, ce qui m'a fait écrire à notre Sœur la Supérieure de Paris du faubourg l'extrême peine où je suis pour cela, lui disant, ce qui est vrai, que je vois que tout va bien en celle maison [de Dijon], que le dedans et dehors est satisfait, que cela me fait craindre, si je m'oppose à votre réélection, de préjudicier à cette maison, et partant au service de Dieu, que ces choses tiennent le premier rang dans mon esprit ; que, d'ailleurs, il m'est extrêmement sensible de voir cette pauvre Sœur de Vigny mécontente et sortie de votre maison sur des préoccupations ; que lui étant si obligées, devant à son affection ce que nous lui devons rendre, je voudrais faire toutes choses pour sa consolation, excepté de contrevenir au dessein et service de Dieu ; que c'est pourquoi je remets cela à la divine Providence et à Mgr de Langres, qui est sur les lieux, qui est Supérieur de cette maison, et qui en doit juger selon qu'il verra être pour le mieux. Que si l'on ne vous emploie pas là, et que [vous] n'alliez au Comté, nous savons prou, grâce à Dieu, à quoi vous employer. Or, voilà comme les choses sont dans mon cœur ; je les vous dis comme à ma propre âme, car c'est la vérité que vous êtes ma très-chère fille, et que je n'entende plus de paroles de méfiance de ce côté-là ; vous n'avez nul sujet d'en avoir, je vous en assure avec toute la sincérité de mon cœur. Or, voilà tout ce que je puis dire, laissant conduire à Notre-Seigneur et aux Supérieurs ; et je sais que ce procédé ne contentera pas notre pauvre Sœur de Vigny ; mais ma conscience ne me permet pas d'aller plus outre. Tout ce que je veux que vous fassiez, c'est de tenir ferme sur cette vérité, que je ne vous résous rien sur ce sujet, espérant que vous irez au Comté, comme je l'espère aussi ; mais je ne sais pas quand ; enfin, vous m'entendez, c'est assez dire ; et tout ce que notre Sœur Favre écrit sur ce sujet, c'est par la compassion qu'elle a de notre Sœur de Vigny. Ce n'est pas qu'elle ne vous chérisse, et estime [424] votre gouvernement, je le sais bien. Adieu. Gouvernez bien ma confiance sincère et droite.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMXCIV - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Condescendance de la Sainte envers les Supérieurs de la Visitation de Lyon.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 28 mars 1630.

Vous êtes admirable de me demander si vous viendrez à cheval ou en litière ! Je crois que vous n'en êtes pas à cette seule difficulté ; car, voyez-vous, je ne veux nullement penser à vous ôter de là, puisque cela donnerait du mécontentement ; mais, si d'une franche affection, et sans la moindre ombre de répugnance ou dégoût, l'on veut vous donner et à moi la consolation de nous voir, certes, je serai bien consolée et plus que de chose qui me puisse arriver ; mais toutefois je laisse cela à Dieu, espérant que nous nous verrons dans l'éternité. Notre bon Père Maillan m'écrit une lettre selon sa grande bonté : il me conseille toujours de vous laisser là, et j'honore ses avis et sentiments de tout mon cœur.

Bonjour, ma vraie et très-chère fille. Si l'on nous veut librement donner la consolation de vous voir, je crois qu'ils vous devront envoyer en litière, avec M. Brun. — Nous avons reçu les bobines, et vous en remercie très-humblement de la part de notre Sœur l'économe.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [425]

LETTRE CMXCV (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX

Offre de secours. — Sollicitude pour les quatre monastères de l'Ordre établis en Savoie. — Éviter tout rapport inutile avec le Père spirituel.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 10 avril [1630].

Ma très-chère fille,

Il me semble qu'il y a dix ans que je n'ai reçu de vos lettres ; mais au moins il y a bien deux ou trois mois. Il est vrai que nos Sœurs en ont bien reçu, par le moyen desquelles nous avons été assurée que vous vous portez bien ; mais j'eusse été bien aise d'en avoir l'assurance de vous, ma très-chère fille. Maintenant, nous vous écrivons pour savoir si vous n'avez point nécessité de quelque chose, et si nous vous pouvons tant soit peu faire servir ici. Pour nous, nous avons bien besoin que vous nous aidiez de vos prières, car l'on est en grande appréhension de deçà, et l'on craint fort que les Français ne se jettent dans le pays. Je crois, ma chère fille, que vous vous souvenez que nous avons quatre maisons dans la Savoie : Nessy, Chambéry, Thonon et Rumilly. Je vous prie aussi de le dire de notre part à mesdames de Saint-Julien et de Mépieu, afin que, si elles ont quelques amis d'autorité, elles procurent qu'on ne nous fasse point de déplaisir s'il arrivait du danger. Je crois que c'est assez dire et que cela suffit.

Mais je me souviens que je n'eus le temps de vous dire dernièrement un mot sur ce que vous me mandiez [au sujet du Père spirituel]. Vous ne devez pas permettre qu'on lui écrive par compliment, mais seulement, ainsi que la Règle le permet, pour l'avertir de quelque chose, si l'occasion en arrivait qu'elle ne voulût pas que la Supérieure vît ; mais, je vous prie, voyez un peu ce que je dis dans mes Réponses sur ce sujet. — Ma [426] toute chère fille, en vérité, je vous chéris de tout mon cœur et vous souhaite, et à toutes nos Sœurs, les plus chères grâces de notre bon Dieu. C'est tout ce que sans loisir je vous puis dire. Mille saluts à nos chères dames.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMXCVI - À MONSIEUR L'AVOCAT PIOTON

À THONON

Espoir que les maisons religieuses n'auront pas à souffrir de la guerre ; précautions à prendre.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 10 avril [1630],

Mon bon et très-cher frère,

Il est vrai que tout ce pays est en alarme ; mais je ne sais comme quoi l'on se donne l'épouvante si chaude par delà, car le Roi étant chrétien et si plein de piété comme il est, il est croyable que les monastères seront conservés, et qu'il ne permettra pas que les Religieuses reçoivent aucun déplaisir par les insolences qui se peuvent commettre, et qui seules sont à craindre en ces occasions ; car tout le danger que je prévois en cela serait de quelques soldats égarés ou particuliers, qui voudraient dérober, lesquels, pour insolents qu'ils fussent, étant petit nombre, ne pourraient faire grand mal, rencontrant une bonne troupe de filles auxquelles, en ces dangers-là, Dieu donnerait une force toute particulière et extraordinaire, tellement qu'ayant une assez grande communauté, avec les dames qui s'y veulent retirer, je ne vois pas qu'il y ait apparence de beaucoup craindre. J'écris à ma Sœur la Supérieure de bien faire fermer [427] et barrer par derrière toutes les portes et fenêtres du second et premier étage de sa maison. C'est tout ce que nous avons su et pu faire pour nous ; aussi est-ce tout le conseil que nous pouvons donner ; car, de penser de sortir des États, il s'en faut bien garder. Si néanmoins ma Sœur la Supérieure avait quelque chose de riche et précieux, userait bon de le mettre en quelque lieu d'assurance ; mais je ne sache pas où, car ni Abondance ni autre lieu de Savoie, je ne pense pas qu'il soit guère assuré. L'on tient que cette ville sera la plus assurée, à cause de Mgr de Nemours ; mais le tout est fort incertain, et partant il le faut tout remettre entre les mains de Dieu, quoique j'en revienne toujours là, que je ne pense pas que les maisons religieuses aient rien à craindre.

Pour ce qui est du tabernacle qui est à Rumilly, si nous pouvons trouver des mulets forts pour cela, nous ne manquerons de l'envoyer prendre, et de faire tout ce qu'il nous sera possible pour le soulagement et la consolation de nos bonnes et très-chères Sœurs. Cependant, mon très-cher frère, je me recommande à vos prières et vous assure que vous ne serez point oublié ès nôtres, puisque c'est de cœur et d'affection que je suis, mon bon et cher frère, votre, etc.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [428]

LETTRE CMXCVII - À MONSEIGNEUR SÉBASTIEN ZAMET

ÉVÊQUE DE LANGRES

Éloge de la Mère F. J. de Villette. — La Sainte recommande la communauté de Dijon à la bienveillance du prélat, et le prie de faire la visite régulière.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 29 avril [1630].

Mon très-honoré Père,

Notre Sœur qui était Supérieure à Dijon[101] m'a écrit distinctement la réponse que vous avez faite touchant sa déposition et la nouvelle élection qui se devait faire en ce monastère-là. De vrai, j'en suis toute confuse, bien que je loue Celui qui vous a donné un cœur de si incomparable humilité ; mais, mon très-cher Père, si m'eussiez-vous obligée singulièrement de ne vous point arrêter à ce que j'avais écrit ou fait écrire, touchant l'emploi de cette bonne Mère, car je l'avais fait ensuite de ce qu'elle m'écrivit que vous trouviez qu'il serait beaucoup mieux qu'elle allât faire la fondation de Besançon, que d'y envoyer notre Sœur l'assistante ; et moi, certes, mon très-cher Père, je me trouve de ce même sentiment, me semblant que notre Sœur l'assistante ne pourrait réussir pour ce commencement, et qu'en une ville de telle importance, il fallait une Mère expérimentée ; et que, prenant là les filles, il était bien convenable qu'elle les y menât et fit cette fondation.

J'espère en la bonté de Notre-Seigneur que celle qui est élue donnera satisfaction. Elle a bien et utilement gouverné notre maison de Saint-Étienne six ans durant, et, en deux fois que je [429] l'ai vue dans l'exercice de son gouvernement, je n'y trouvai rien à redire, sinon qu'elle tenait les esprits un peu trop serrés ; mais je crois qu'elle aura fait de l'amendement en cela, et que vous, mon très-cher Père, faisant la charité à elle et à nos Sœurs de les voir et [de] leur parler en particulier, vous pourrez facilement amender les défauts que vous trouverez dans le gouvernement, et c'est de quoi je vous supplie très-humblement et au nom de Notre-Seigneur, mon très-cher Père, et j'ai confiance que votre bonté aura lieu de se réjouir de l'utilité et profit spirituel que vous leur verrez tirer de votre assistance et conduite paternelle ; car je connais que toutes ont le cœur fort bon et désireux de leur perfection.

Quelques-unes n'ont su goûter notre Sœur l'assistante pour Supérieure ; c'est une âme toutefois où je crois que l'esprit de Dieu règne, et que l'on m'avait écrit que vous agréeriez devoir en charge ; mais Dieu en ayant disposé autrement, Il en tirera sa gloire et le profit de cette chère famille, qu'en tout respect et de tout mon cœur je vous recommande derechef, mon très-cher Père, afin que l'esprit de la vocation y soit conservé en son intégrité et simplicité. C'est tout mon désir et que le divin Sauveur soit glorifié en nous et de nous, selon ses sacrés et éternels desseins. Je supplie son immense bonté de parfaire en votre digne cœur l'ouvrage de sa sainte grâce, et demeure sans fin, en tout respect et de toute mon affection, mon très-honoré Père, votre très-humble, etc.

[P. S.] Mon très cher Père, l'on m'a écrit que vous n'aviez point voulu faire la visite [régulière]. Eh, mon Dieu ! ne craignez-vous point que si vous, étant ce que vous êtes et plein de zèle de la gloire de Dieu, négligez cette action si importante, les autres prélats, à votre imitation, ne fassent le même, et que les pauvres maisons religieuses ne déclinent par ce défaut ? Mon bon et tout bon très-cher Père, je vous supplie, ne négligez plus [430] cela, s'il vous plaît, et me pardonnez si je vous presse. Je vais toujours avec vous à ma vieille mode et parfaite confiance en votre bonté, mon très-cher Père.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMXCVIII - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX

Recevoir avec simplicité les soulagements nécessaires à la santé.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 3 mai [1630].

Ma très-chère fille,

Je suis un peu étonnée de n'avoir point de vos nouvelles ; je désirerais bien d'en avoir amplement. Nos Sœurs m'écrivent que vous êtes toute indisposée et que, nonobstant cela, vous ne voulez point prendre de soulagement, ains suivre le train de la communauté. Ma très-chère fille, vous savez bien notre intention en cela, qui est que vous conserviez vos forces, autant qu'il vous sera possible, pour le service de Dieu en cette bénite troupe, au service de laquelle Dieu vous a destinée ; c'est pourquoi, ma très-chère fille, je vous conjure et prie derechef de suivre notre intention, recevant en simplicité les soulagements et remèdes qui vous seront jugés utiles et nécessaires, et vous supplie de ne rien faire qui vous peine, et de quoi vous ne puissiez réussir avec facilité. J'ai un grand désir que vous persévériez en votre charge ; mais si vos infirmités croissent, et que vous ne puissiez faire ce qu'elle requiert de vous, en nous en donnant avis nous lâcherons de vous faire revenir en cette maison, pour vous y faire servir et soulager avec charité, autant qu'il sera possible, en laquelle vous avez toujours été aimée et affectionnée, et serez auprès d'une Mère qui vous a toujours portée dans son sein.

La santé continue en cette ville ; il est vrai que l'on y est un peu affligé des appréhensions de la guerre ; mais nous en vivons en plein repos. Toutes nos Sœurs se portent bien, si ce n'est notre Sœur Bernarde-Marguerite [Valeray], qui s'en va mourant.[102] Le bon M. Magnin est mort et a fait une fin fort heureuse. Voilà, ma très-chère fille, nos petites nouvelles, avec l'assurance que mon cœur est tout vôtre, je vous en assure, ma très-chère fille, et je prie Dieu qu'il vous rende toute sienne. Amen et soit béni !

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CMXCIX (Inédite) - À LA MÈRE HÉLÈNE-ANGÉLIQUE LHUILLIER

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Les Religieuses de la Visitation ne doivent pas aller aux bains.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 3 mai 1630.

... Ma fille, je vous prie, considérez bien ce que j'ai ajouté dans mes Réponses, des bains, si les Carmélites et autres Religieuses d'exacte observance, comme nous devons être, y vont, que nous y pouvons aussi aller, et m'en mandez votre sentiment, d'autant que j'ai cela sur le cœur, et le voudrais biffer des Réponses, parce que je ne désire point que nous y allions, d'autant que nous, qui n'avons pas des austérités corporelles, devons être plus exactes à garder la clôture. Je vous prie, conférez encore avec quelque Père d'autorité et m'écrivez bien vos pensées sur ce sujet.

Conforme à une copie gardée au premier monastère de la Visitation de Paris. [432]

LETTRE M - À MONSIEUR L'AVOCAT PIOTON

À THONON

Affaire concernant le monastère de Thonon.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 13 mai [1630].

Mon très-cher frère,

Cette occasion me surprend si fort que je n'ai pas le loisir de répondre distinctement à la vôtre. Je crois bien que le revenu de madame Dupuy serait utile à nos bonnes Sœurs ; mais il faut regarder s'il est nécessaire qu'elles se chargent d'un bien de telle condition, qui est sujet à tailles. C'est ce qu'il faut bien peser et considérer pour nos maisons. Je viens tout maintenant de parler à M. le chanoine Roland des dîmes de Thorens, Mgr m'ayant dit qu'il me pourrait dire au vrai la valeur desdites dîmes, duquel nous ne recevons que neuf pairs de blé par an, moitié froment, moitié avoine. Ledit sieur Roland nous a dit qu'en donnant trois mille cinq cents florins pour l'achat d'icelui, c'est tout ce qu'il peut valoir, pour le bien acheter ; et M. de Feuge [de Sales] n'eut garde d'en trouver ni six mille ni trois mille. Nous les donnerons à nos Sœurs. Je ne sais pourquoi M. de Feuge ne le nous veut pas vendre, n'étant point souvenante que nous lui ayons donné aucune sorte de mécontentement, sinon que nous avons désiré que les fruits qui doivent venir en cette maison durant la vie de ma Sœur Françoise-Agathe retournassent au profil de nos Sœurs de Thonon, et non pas au sien. Mais, mon très-cher frère, afin qu'on ne fasse pas double achat, il faut que nos Sœurs l'achètent pour elles et pour un ami à élire.

J'ai proposé aujourd'hui à Mgr ce que vous m'écrivez pour l'envoi de ces bonnes Sœurs dans celle maison, et même que ma Sœur la Supérieure y vienne ; mais il est toujours de ce [433] sentiment qu'il est mieux que j'y aille et afin de voir les filles qui seront propres pour les fondations ; car il est tout assuré, mon cher frère, que si Dieu nous en suscite quelqu'une, que nous voulons décharger la maison de Thonon. Je crois qu'il ne sera pas expédient que ceux de dehors ni même ceux de dedans, excepté ma Sœur la Supérieure, sachent que la Sœur de laquelle je vous parlais et que je prendrai pour ma compagne, si j'y vais, soit pour gouverner cette maison ; car il faut qu'un peu de détour serve d'épreuve, pour connaître si elle sera pour la conduite de cette maison-là.

Il faudra, mon très-cher frère, aviser où l'on pourra mettre l'argent de cette dîme, avec la dot de la sœur de M. Magnin qui est une bien jolie fille, et de laquelle ma Sœur la Supérieure fera tout ce qu'elle voudra. Nous la recevrons céans mercredi, attendant quelque bonne occasion pour la faire conduire. Que si vous la veniez prendre vous-même, vous seriez bien brave ; néanmoins tout à commodité. Que si cela ne se peut, nous attendrons que ces grosses bourrasques de guerre soient un peu passées pour la faire conduire. M. Magnin, son oncle, a été un peu mortifié de ce qu'on ne la peut recevoir en cette maison. mais nous nous en sommes excusées sur notre grande famille. Nous lui avons promis, ce que nous lui tiendrons, que si l'on fait des fondations et qu'on puisse décharger cette maison, nous la ferons venir ici, et la maison de Thonon gardera sa dot, et croyez que tout le bien et assistance que cette maison pourra faire à celle-là, elle le fera de bon cœur ; mais chacun a bien sa petite charge. Assurez-vous, mon très-cher frère, que je vous souhaite de toute mon affection les plus riches grâces de notre bon Dieu, et suis votre très-humble sœur de cœur et servante très-sincère.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [434]

LETTRE MI - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

La froideur contre le prochain est un fruit de l'amour-propre. — Éloge de la Sœur M. F. de Livron.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1630.

Ma toute très-chère fille,

Ne soyez point en peine de moi, je me porte mieux que vous ; car l'on me fait tant de choses que je n'ai garde de rien souffrir. — Mon Dieu ! que ces froideurs entre nous nous sont malséantes ! Enfin, il y a bien de l'humanité et de l'amour-propre en tout cela ; mais il le faut supporter et aller notre train, selon notre esprit. Vous avez raison, ma très-chère fille, de lamenter ce pauvre pays ; car il n'y a misère plus grande que la sienne, ce me semble ; mais il plaît ainsi à notre bon Dieu, la volonté duquel est toujours très-adorable et aimable. Par sa grâce, nous sommes disposées à tout ce qu'il Lui plaira, nous confiant en son soin paternel. Priez bien sa Bonté pour mes besoins particuliers, car certes je suis toute pauvre.

Nous avons ici notre Sœur Marie-Françoise de Livron qui est une règle vivante en humilité, douceur et pureté toute candide. — Il faut prier toujours pour ma très-chère fille. Je recommande aux prières de la communauté deux Sœurs que nous avons malades. — Je suis vôtre, de cœur incomparable.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [435]

LETTRE MII - À LA MÈRE FRANÇOISE-GASPARDE DE LA GRAVE

SUPÉRIEURE À BELLEY

Les fondatrices séculières ont droit de porter l'habit religieux dans l'intérieur de clôture. — On peut se servir de pantoufles à l'infirmerie.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1630.]

Ma très-chère fille,

Nous avons parlé au bon M. des Échelles, lequel nous a donné espérance de le revoir dans huit jours. Il vous dira plus, pour ce qui est de ma Sœur Jeanne-Charlotte, que je ne vous saurais écrire. Quant à ce qui est du désir qu'a votre petite Sœur d'être votre fondatrice, il lui faut laisser faire, car il serait aussi mal fait de lui empêcher de faire ce bien, puisque cela vient d'elle, comme de le lui persuader si elle n'en avait pas envie. Et pour l'envie qu'elle a de prendre l'habit, si elle est fondatrice, vous ne lui devez pas refuser ; car c'est un droit que l'on doit aux fondatrices que de leur laisser porter l'habit de Religion dans le monastère. — Je suis consolée de savoir que nos Sœurs marchent si droitement en la voie de leur vocation ; je supplie Notre-Seigneur de les y rendre déplus en plus affectionnées par une exacte observance.

Je vous remercie de vos pantoufles, lesquelles je trouve fort commodes pour l'infirmerie ; mais pour le reste des Sœurs, il se faut tenir à notre coutume ordinaire, quoique maintenant, à cause de la cherté, l'on puisse faire ce que l'on peut, pour passer chemin en ces mauvaises saisons.

Si M. des Échelles revient, nous serons bien aise de savoir si vous aurez fait tenir la lettre que nous vous envoyâmes pour mademoiselle de la Tuilière, et si vous en avez tiré réponse, car c'est pour une affaire importante à ce monastère ; nous désirerions bien que M. des Échelles nous l'apportât. — Ma toute [436] très-chère fille, je souhaite à votre chère âme, que la mienne chérit parfaitement, le très-saint et pur amour du Sauveur, comme la plus désirable bénédiction que saurait désirer une âme religieuse. En ce saint amour, je suis toute vôtre et de cœur.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MIII - À LA MÈRE MARIE-FRANÇOISE HUMBERT

SUPÉRIEURE À THONON

Lettres patentes obtenues du prince Thomas de Savoie en faveur du monastère de Thonon.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 21 mai [1630].

Ma très-chère fille,

J'ai reçu hier votre lettre, qui me fait mention d'une précédente que je n'ai point reçue ; car vous pouvez bien croire, ma très-chère fille, que je n'eusse pas manqué de répondre et de vous soulager en votre peine, de tout ce qui nous eût été possible. Mais notre bon Dieu, par son infinie miséricorde, nous a levé toutes nos appréhensions par une sainte paix, dans un instant et conjoncture la plus désespérée du monde.[103] Nous devons Lui en rendre des infinies actions de grâces, et bien employer le temps de la tranquillité qu'il nous donne ; car meshui il n'y a rien du tout à craindre. [437]

Nous avons obtenu de Mgr le prince, pour votre maison de Thonon et pour celle de Rumilly, le même don de trois hémines de sel que nous avons ici et à Chambéry, où nous avons envoyé les lettres pour les faire passer en Chambre, ce qui sera un peu difficile, mais non impossible, Dieu aidant. Bien que ces Messieurs [de la Chambre] des comptes se rendent très-difficiles à passer les patentes que nous avons obtenues pour l'exemption des tailles, Messieurs du Sénat les ont [enregistrées]. Dieu accommodera tout avec un peu de patience ; cette sainte vertu est bonne et nécessaire pour toutes choses.

Ma Sœur la Supérieure [mot illisible] nous a dit que notre Sœur Françoise-Agathe s'en allait mourir ; je crois qu'elle est étique. J'ai confiance que sa chère âme est en bon état, et cela est seul désirable. Je prie Dieu qu'il l'assiste en ce passage, et que sa Bonté répande ses plus sacrées bénédictions sur vous, ma très-chère fille, et sur toute votre bénite famille, que je salue avec vous très-chèrement, demeurant tout à fait vôtre en l'amour de Notre-Seigneur, qui soit béni à jamais.

Conforme à une copie de l'original gardé au couvent des R. P. Capucins de Thonon.

LETTRE MIV - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX

Préférer la pratique de l'obéissance à celle de la mortification volontaire.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1630.]

Vous avez raison, ma très-chère fille, d'avoir de la peine sur le défaut que vous avez commis, voulant vous faire de votre propre inclination, votre direction. Ne retombez plus en cette faute, ma très-chère fille : tenez-vous humblement et fidèlement au train où notre Bienheureux Père et moi chétive, vous avons [438] établie, pour l'heure de vous lever, de vous coucher, et de prendre les autres petits soulagements desquels votre petite et faible complexion a besoin. Dieu veut de vous cette obéissance contre vos inclinations. Hélas ! pour changer de pays et de charge, nous ne changeons pas de corps. Nous traînons nos infirmités sur le siège de la supériorité, comme sur les petits bancs des novices ; mais partout nous pouvons être charitables, douces et humbles.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MV - À MADAME ROYALE CHRISTINE DE FRANCE[104]

Témoignage de reconnaissance ; promesse de prières.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1630.]

Madame,

Nous avons reçu le commandement que Votre Altesse Royale nous fait de prier avec plus grande ferveur en ce temps de tribulations. Nous nous sommes essayées de l'exécuter par quelques exercices particuliers, et persévérerons encore plus soigneusement dorénavant, suppliant très-humblement votre bonté, Madame, de croire que comme notre petite Congrégation, entre toutes celles qui servent Dieu en ses États, est la plus obligée au soin dont il plaît à Votre Altesse de la protéger, aussi est-elle toute dédiée à lui rendre sa très-humble obéissance et à prier [439] continuellement notre Sauveur, afin qu'il répande ses grâces et consolations sur les personnes de Monseigneur, de Messeigneurs les princes et de Votre Altesse Royale.

LETTRE MVI - À LA MÈRE ANNE-THÉRÈSE DE PRÉCHONNET

SUPÉRIEURE À MONTFERRAND

Nouveaux empêchements a la fondation de Turin. — Misère du peuple en Savoie.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1630.]

Or sus, ma très-chère fille, n'affligez plus votre cœur bon et tout aimable, qui aime cette chétive Mère si uniquement, sur l'appréhension du voyage de Piémont ; car il faut que je confesse que je crois que la divine Providence ne nous veut pas en ce pays-là ; au moins j'ai ce sentiment maintenant, parce que toutes les fois que nous avons été prêtes de partir, Dieu a toujours envoyé des empêchements si puissants que nous avons été contraintes d'arrêter, au moins ces deux années dernières ; car la peste nous arrêta l'année passée que tout était prêt. Les princes et les princesses avaient écrit pour nous faire partir, mais nous fûmes retenues, parce qu'il fallait faire quarantaine ; et cette année, comme l'on y pensait aller, en sorte que le mardi de Pâques était pris pour cela, la guerre est venue, qui en a aussi empêché. Et maintenant nous nous revoyons dans la peste que l'armée nous a laissée après beaucoup de pertes, de ravages et d'afflictions : les soldats ont laissé ce gage en cette pauvre ville, qui en est dans une affliction qui ne se peut dire ; cela est arrivé par les meubles qu'ils ont pris dans les villages infectés et les ont apportés ici, où ils les ont vendus. Dieu par son infinie bonté veuille avoir pitié des calamités et misères de ce pauvre [440] peuple. Ne soyez point en peine de nous, ma très-chère fille, car nous espérons que Notre-Seigneur nous continuera sa protection et nous préservera, si c'est son bon plaisir. Ne nous envoyez pas de messager exprès, et n'attendez guère de nos nouvelles, quoique nous tâcherons de vous en faire savoir de temps en temps, comme nous pourrons.

Au reste il est vrai, ma fille, qu'il n'y a rien dans la lettre de l'union qui ne soit conforme à l'Institut ; je serais bien marrie de jamais conseiller chose aucune qui y fût contraire. Je bénis Dieu de quoi M. l'official a prévu ces trois points. Et pour ce qui est de cette protestation, le Père à qui j'en avais parlé, pour le dire à ma Sœur la Supérieure du faubourg [de Paris], prit l'un pour l'autre ; car j'avais bien pensé qu'il serait bon de la faire, pour donner un peu d'attention aux Supérieures d'observer et faire observer les Règles et tout ce qui est de l'Institut, mais c'est une pensée que je n'avais pas encore bien digérée ; et, en la façon que je l'ai entendue, je suis bien assurée qu'il n'en peut point arriver de mal ; mais cette chose n'est pas encore résolue. Enfin, ma très-chère, la lettre que j'ai écrite n'est autre chose que le Coutumier ; mais j'en recommande l'observance, sachant encore plus particulièrement les intentions de notre saint Fondateur sur ce sujet. Ainsi que je le dis en mes Réponses, le point de cette protestation y a été ajouté à Paris, et par équivoque, car je ne veux rien de nouveau. — Mais dites-moi votre sentiment sur ces allées aux bains, car je ne puis accorder que l'on y aille, sous quelque prétexte que ce soit, bien que celle qui y est allée l'ait fait sans conteste. — Je salue votre chère âme et lui souhaite, comme à la mienne propre, ce pur amour de Notre-Seigneur ; qu'il soit béni ! Mille saluts et bénédictions à nos Sœurs.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Riom. [441]

LETTRE M VII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-CONSTANCE DE BRESSAND

SUPÉRIEURE À MOULINS

Dispositions à prendre pour la communauté de Moulins : choix d'une Supérieure. — Fondation de Nantes.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1630.]

Ma très-chère fille,

Je vous ai déjà répondu que, faisant considération que vous n'avez plus que quelques mois de supériorité dans notre monastère de Moulins, je croyais que vous pouviez être employée à la fondation de Nantes.[105] Mais avant que de partir pour y aller, vous devez conclure deux choses : 1° l'affaire de ma Sœur M. -Aimée [de Morville], au moins par quelque article que vous laisserez à vos Sœurs pour leur servir d'instruction ; l'autre est [442] de regarder entre les mains de qui vous laisserez votre communauté. Et pour moi je pense, puisque vous avez de bonnes et vertueuses Sœurs, comme ma Sœur M. -Angélique [de Bigny] et ma Sœur M. -Henriette de [Rousseau], que vous devez proposer aux Sœurs en Chapitre, si elles en veulent élire une de celles-là ou telle autre qu'elles voudront, ou pour assistante [commise] ou pour Supérieure. Que si elles l'élisent pour assistante, peut-être que dans quelques mois nous leur pourrions donner une Supérieure, en cas qu'elles ne fussent pas contentes d'elle. — Je ne vois pas qu'il y ait apparence d'envoyer des Sœurs en cette fondation, si vous ne les y allez conduire, car je connais l'esprit de Mgr de Nantes, qui se tiendrait offensé si on le refusait. Mais laissez votre maison en bon ordre, le mieux que vous pourrez, et allez au nom de Dieu. Cette affaire est pour sa gloire et pour le bien et utilité de votre maison, chacun y doit contribuer ; mais toujours devez-vous fâcher de la laisser au meilleur état qu'il vous sera possible ; et pour cela il faut que vous voyiez en charge quelque Sœur avant que partir, celle que nos Sœurs éliront pour Supérieure ou pour assistante. Si vous laissez ma Sœur M. L. à Moulins, et que l'on y élise une Supérieure de dehors, je ne vous conseille nullement de la laisser en charge, ains de faire élire une assistante pour gouverner en votre absence. Je pense que vous pourriez proposer ma Sœur J. -Charlotte de Bréchard et quelqu'une de ce monastère, si vous le jugez à propos. Mais je crois que ma Sœur M. -Henriette réussirait fort bien là, car je la trouve fort judicieuse, et m'assure que sou gouvernement serait utile si elle l'accompagnait de suavité, et j'espère qu'elle le ferait. Que si ma Sœur M. -Angélique n'est pas élue pour Supérieure ou assistante, vous ne la devez pas emmener à Nantes pour cela, parce que c'est une fort brave fille qu'il faut laisser à Moulins, où je pense que si nos Sœurs ne la choisissent pas pour les conduire, que ce sera ma Sœur M. -Henriette, et elles se lieraient bien ensemble ; car pour ce [443] qui est de son désir de venir ici, il n'en faut pas parler en la saison où nous sommes.

Il me semble qu'avant votre déposition vous devez faire le choix, avec nos Sœurs, de celles que vous emmènerez. [Deux lignes illisibles.] Choisissez-en de bonnes et qui soient de bon exemple, le tout selon que Dieu vous inspirera. J'enverrai votre lettre à Mgr de Grenoble, et prierai ma Sœur la Supérieure qu'elle fasse en sorte qu'il n'y ait point d'empêchement d'avoir votre obédience ; mais si vous êtes pressée de partir avant que la recevoir, vous ne laisserez pas de partir, sur l'assurance que je vous donne que je crois qu'il l'agréera. [Plusieurs lignes inintelligibles.] Elle appréhende que notre Sœur M. -Angélique demeure en charge ; mais je lui mande que la Règle ordonne de laisser les Sœurs en liberté de choisir qui bon leur semble.[106] Voyez-vous, ma fille, j'ai sentiment que ma Sœur M. -Henriette donnerait une satisfaction plus générale que pas une, à cause de sa grande douceur et bonté, et je pense qu'elle se portera mieux étant en charge, car l'exercice porte et donne du courage. Je vous dis ma pensée : si les filles jettent les yeux sur elle, il serait bon qu'on l'élût Supérieure ; en ce cas vous pourriez laisser ma Sœur M. -Marguerite [d'Épineul] ou Anne-Marie. [Deux lignes illisibles.] Ceci soit dit entre nous deux... ; car c'est dans la parfaite confiance que je parle, et dans le seul désir de la gloire de Dieu, non que je veuille croire déterminément. Or, il faut que vous emmeniez au moins une fille sincère, droite et capable de vous seconder tant en maladie qu'en santé, laquelle santé je vous recommande ; et pour cela, ma très-chère fille, je vous prie, par tout le crédit que vous m'avez donné sur vous, de ne vous point travailler à des œuvres pénibles, de ne faire aucune austérité que comme la communauté, [444] de bien manger, de bien dormir, et de ne point veiller le soir ; mais que ceci soit une règle en ce sujet, et ne m'alléguez point les affaires ; car j'en ai plus que vous, une famille très-grande, de grandes et fréquentes réponses, et jamais je ne veille. Oh Jésus ! j'ai tant de confiance en votre amour filial que vous me donnerez le contentement de faire ceci.

Pensez-vous, ma fille, que mon cœur ne sente pas aussi bien que le vôtre l'éloignement que vous allez faire ? Oui, certes, et plus que vous ne pensez, car je m'étais promis la chère consolation de vous avoir un peu auprès de moi ; mais puisque Dieu veut que nous fassions ce dépouillement, sa sainte volonté soit faite. Vous aurez, je m'assure, toujours souvenance de moi devant Dieu, et nos cœurs continueront leur sainte union en son divin amour. Oui, ma fille, jamais rien ne nous séparera de la sainte dilection que nous avons en ce divin Sauveur. — J'écris à Mgr de Nantes, c'est un digne prélat, mais il faut aller avec lui avec une grande liberté et confiance filiale, sans art. —Je voudrais bien que notre petite Sœur F. -Angélique [de Fésigny] fût ici. J'écris à Lyon que si l'on nous renvoie, comme je l'espère, ma Sœur M. -Aimée de Blonay, que l'on vous en donne avis promptement, et vous la feriez mener, s'il vous plaît, à Lyon, et elles viendraient ensemble. Que si cette occasion ne se présente, à cause des gens de guerre, il faudra employer la première qui se rencontrera ; et pour ma Sœur A. -Thérèse, comment la laisserez-vous là ? Je la trouve bonne fille, et qui serait utile. La petite [Sœur] de Feu désire aussi d'aller avec vous, ses raisons sont considérables. — Mille et mille remercîments de vos beaux Agnus ; je voudrais que nous eussions chose qui vous fût convenable, elle serait bien vôtre, je vous en assure. — Ma chère fille, je vous prie de dire à ma Sœur A. -Thérèse et à ma Sœur M. -Charlotte de Feu, que ce que je vous réponds d'elles leur suffit, et que je n'ai le loisir de leur écrire.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE MVIII - À LA SŒUR ANNE-BAPTISTE CHAUVEL[107]

À MOULINS

Exhortation à s'abandonner à la volonté de Dieu dans les souffrances.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1630.]

Ma très-chère fille,

Nous avons reçu vos petits Agnus, desquels nous vous remercions de tout notre cœur ; nous en avons maintenant à suffisance, Dieu merci, et partant il n'est pas besoin que vous nous en envoyiez davantage.

Quant à votre infirmité, ma très-chère fille, nous ne manquerons de faire faire votre dévotion, selon le désir que vous en avez, et tout maintenant je viens de faire la sainte communion à cette intention, non pour demander votre guérison, ma fille ; car si Dieu veut que vous souffriez, rien ne nous est meilleur que sa très-sainte volonté, et Il saura bien tirer sa gloire et votre salut éternel de cette souffrance. Vous ne devez donc faire de votre part autre chose, sinon que de vous abandonner totalement au soin et à l'amour éternel que Dieu a pour vous, Lui laissant faire de votre âme, de votre corps et de votre esprit, tout ce qu'il Lui plaira ; et ne craignez point, ma fille, que la violence de vos douleurs vous fasse perdre l'esprit ; car Dieu, qui connaît votre portée, ne vous donnera pas plus de mal que vous n'en pourrez supporter. S'il Lui plaît de vous donner cette affliction, vous vous y devez soumettre amoureusement, et vous remettre tout entièrement sans réserve à son très-saint bon plaisir, afin qu'il dispose de vous et de tout ce qui vous regarde selon sa volonté, en laquelle est tout notre bonheur. [446]

Voilà, ma très-chère fille, ce que je vous prie de faire, vous assurant que si vous connaissiez la valeur de votre souffrance et affliction, vous la chéririez plus que toutes les prospérités du monde. Croyez, ma très-chère fille, que de tout mon cœur et d'une affection sincère, je vous demeure invariablement, ma très-chère fille, votre très-humble, etc.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Nevers.

LETTRE MIX - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Espérance de son retour. — Il ne faut point ouvrir la porte de clôture après l'Angélus du soir.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 12 juin [1630].

Il me faudrait un loisir plus grand que je ne le puis prendre, pour vous écrire selon mon cœur et mon désir ; mais, ma très-chère fille, j'espère que la divine Bonté me consolera de votre présence, et alors nous dirons tout, pour, de toutes choses, nous affermir toujours davantage dans le parfait délais sèment de nous-mêmes et de tout ce qui nous concerne, entre les bras de la divine Providence. On me fâcherait pourtant et bien fort, si l'on vous empêchait de venir ; car je crois qu'il est expédient. Si l'on a puis à faire de vous, l'on vous pourra renvoyer ; mais je désire que, puisque Mgr le cardinal le juge à propos, et que cela est expédient pour l'exemple des autres prélats et pour mille bonnes raisons, l'on ne détourne plus votre retour. L'espérance de vous voir bientôt me fera remettre à ce temps-là à vous dire toutes choses.

L'accident de peste que les soldats avaient apportée ici ne fait nul progrès, grâce à Dieu, et la guerre ne vous doit pas [447] retarder. Hélas ! que les âmes et le pauvre peuple ont besoin d'une bonne et constante paix, pour le salut des uns et la vie des autres ! Dieu y mette sa bonne main. — Non, ma fille, il ne faut point ouvrir les portes après les Ave, Maria, pour faire entrer et sortir ces dames : la seule Reine pourrait commander cela ; que si elle en faisait coutume, encore lui faudrait-il représenter humblement l'intérêt et la messéance que cela apporterait.

Vraiment vous avez tort d'avoir pensé que je disais sérieusement que je me voulais corriger de vous tant écrire. Je le ferai toujours tant que je pourrai ; faites le même, et croyez que je ne reçois jamais de vos lettres qu'avec consolation. — Au reste, nous recevons de grands reproches de la mauvaise impression de notre Coutumier. De vrai, le sieur Cœursilly ne pense qu'à gagner, ce qu'il fait authentiquement, et j'en suis bien aise, mais marrie de ce qu'il nous a si mal servies en l'impression [des livres] de l'Institut, que même le papier des Règles est si chétif, qu'elles ne dureront rien ; il faut avoir patience. — Je salue ma très-chère Sœur la Supérieure. Si Dieu veut employer de ses filles à Montpellier, cela m'est indifférent ; mais je crois que Mgr de Genève, à qui l'on en a demandé il y a si longtemps, pourrait peut-être ne le trouver pas bon ; néanmoins je crois qu'il laissera Mgr de Montpellier en liberté. — Prenez soin de faire tenir promptement et sûrement cette lettre à Marseille. Les pauvres filles sont sans nos nouvelles. Je n'ai point reçu ces lettres d'Avignon. C'est tout ce que, sans loisir, je vous puis dire ; mais de cœur vous savez que je suis vôtre.

Conforme à l'original gardé aux Archives, de la Visitation d'Annecy [448]

LETTRE MX - À LA MÈRE ANNE-MARIE BOLLAIN

SUPÉRIEURE DES FILLES REPENTIES DE LA MAGDELAINE, À PARIS.

Encouragement à dresser des Constitutions aux Filles de la Magdelaine.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 12 juin 1630.

Ma très-bonne et très-chère fille,

Je suis toujours extrêmement consolée quand je reçois de vos lettres, voyant combien votre emploi est utile et profitable à ces bonnes et chères âmes. Il se faut grandement humilier et anéantir devant Dieu, de ce qu'il Lui a plu vous appeler et vos chères Sœurs en un office de charité si important à sa gloire et au salut des âmes.

Je bénis Dieu, ma très-chère fille, de quoi vous êtes prête à faire des professes[108] ; je trouve grandement bonne votre résolution de leur donner deux années de noviciat, espérant que le tout réussira à son plus grand honneur et gloire. Je Le supplie, ce bon Dieu, qu'il vous donne bien son esprit, afin que les Constitutions que vous allez commencer soient conformes à icelui. Mais, ma très-chère fille, il vous faut bien humilier par une totale démission de vous-même, et une parfaite confiance en sa bonté et providence. Redoublez votre courage, et vous verrez que Dieu vous donnera l'esprit de force et de lumière qui vous sera nécessaire, et à notre bonne et chère Sœur Marie-Simone[109] et nos autres Sœurs pour parachever l'œuvre qu'il vous a commise. [449]

Voilà tout ce que sans loisir je vous puis dire. Mais vous savez, ma très-chère tille, avec quelle sincérité mon cœur chérit et affectionne le vôtre, que j'ai toujours tenu pour intimement mien. Je salue notre bonne et chère Sœur Marie-Simone et nos Sœurs, sans oublier toutes vos chères nouvelles converties, lesquelles je prie Notre-Seigneur vouloir rendre toutes siennes, afin que nous nous puissions un jour toutes voir en Paradis. Je suis d'une affection incomparable votre, etc.

Conforme à une copie de l'original gardé au premier monastère de la Visitation de Paris.

LETTRE MXI (Inédite) - À LA MÈRE HÉLÈNE-ANGÉLIQUE LHUILLIER

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Les Religieuses de la Visitation ne doivent pas aller aux bains.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 12 juin 1630.

... Pour ce qui est des bains, il est vrai que la Règle de saint Augustin les permet ; mais elle permettait aussi de sortir pour voir les parents, dont la coutume n'est plus maintenant. Vous savez ce que notre Bienheureux Père en dit. Et pour moi, je suis toujours plus ferme en ce sentiment que nous n'y devons [450] point aller, et je suis bien aise de voir que c'est aussi le vôtre, comme je crois que ce sera toujours celui des vraies Filles de la Visitation. Dieu suscitera quelque autre moyen moins illicite et dangereux pour conserver notre santé, si elle est utile à sa gloire.

Conforme à une copie gardée au premier monastère de la Visitation de Paris.

LETTRE MXII - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX

La peste reparaît en Savoie. — Comment il faut traiter avec les bienfaitrices.

[Annecy], 12 juin [1630].

VIVE † JÉSUS !

Ma très-chère fille,

Je vois bien, par les vôtres dernières, que vous n'avez pas reçu les deux ou trois lettres que je vous ai écrites depuis peu ; au moins ne m'en faites-vous point de mention. Je suis bien aise de savoir que vous n'êtes pas en nécessité pour votre entretien maintenant ; car certes, comme nous vous avons mandé, ma chère fille, nous eussions plutôt emprunté en cent bourses, que de manquer de vous assister dans le besoin ; mais Dieu soit loué, qui y a pourvu. Aussi n'avions-nous guère de moyens de le pouvoir faire maintenant, à cause des misères de ce pauvre pays, où la guerre a fait beaucoup de ravages ; et enfin les soldats ont remis la peste dans cette ville, par les meubles qu'ils ont pris aux villages infectés, ce qui a grandement affligé ce peuple, bien que l'on espère qu'elle n'y fera beaucoup de progrès. — Mon Dieu, que vous êtes heureuse, ma très-chère fille, de vous reposer sur la divine Providence pour ce qui est de l'avenir ! Assurément elle aura soin de pourvoir à vos besoins ; car elle ne manque jamais à ceux qui ont mis en elle [541] leur confiance comme vous faites ; loué en soit notre bon Dieu.

Nous vous remercions de l'offrande que vous avez faite à notre Bienheureux Père ; mais certes, ma très-chère fille, vous m'avez mortifiée de nous avoir envoyé cette aube ; ce n'était pas mon intention. — Je suis bien aise de quoi vous recevez ces deux filles de bonnes maisons ; mais certes il faut représenter à leurs parents qu'il faut bien qu'ils leur donnent davantage que ce que vous me marquez, et que le moins qu'ils puissent donner, c'est huit cents écus de fonds. — Au reste, je suis bien consolée de savoir que madame la présidente de Granet est sortie fort satisfaite de votre maison, et madame de Saint-Julien. C'est fort peu de chose, ce qu'elles donnent ; mais il faut avoir égard à leur bonne volonté, qui promet de faire toujours quelque chose pour le bien de votre maison. Pour notre chère madame de Mépieu, c'est une petite âme que j'aime bien ; assurez-l'en de ma part, ma chère fille, je vous prie, et entretenez bien sa chère affection. Je serais fort aise que sa Margot fût des nôtres. Si je pouvais, j'écrirais volontiers à ces chères dames ; mais certes, ma fille, je ne puis, tant je suis accablée d'occupations. Gouvernez-vous bien par leurs avis en ce qui concerne votre bâtiment, afin de ne l'entreprendre que bien à propos et de n'y rien faire qui soit inutile. Ma toute chère fille, je prie Dieu de répandre son saint amour en votre âme, jusqu'au comble de toute perfection et sur toutes nos chères Sœurs. Je suis de cœur toute vôtre, mais de bon cœur.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [452]

LETTRE MXIII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Nouvelles démarches au sujet de son départ de Lyon.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 15 juin [1630].

Ma très-chère fille,

Nous avons fait ce que nous avons dû, écrivant pour votre retour en ce monastère ; car je vois que qui considérera la lettre que Mgr le cardinal nous a fait écrire par M. d'Aoste, jugera qu'on eût taxé Mgr de Genève et moi d'imprudence, si nous n'eussions fait ce que nous avons fait ; c'est pourquoi je désire, mais bien fort, que ma lettre soit donnée à Mgr le cardinal, et pour vous, ma fille, vous obéirez à ce qu'il ordonnera ; mais certes, je suis un peu étonnée et ne sais pourquoi il y a tant de larmes, puisque nous avons tant promis de vous rendre quand on le désirerait, et qu'on le jugerait utile au bien de votre maison. De vrai, ma très-chère fille, je vous prie de croire que cette affaire m'est aussi ennuyeuse qu'à vous ; car je me romps la tête à tant écrire pour cela, et j'ai déjà écrit tant de raisons qu'on en ferait des volumes.

Enfin, ma très-chère fille, nous ne pouvons, ni ne devons écrire autre chose à Mgr le cardinal sur ce qu'il nous a fait écrire ; c'est à lui à dire maintenant s'il désire vous garder ou non, et je vous prie que la lettre que j'écris à M. de la Faye lui soit donnée, et que celle de M. d'Aoste lui soit montrée ; mais que je sois crue, ma très-chère fille, car si déjà l'on n'eût pas retenu celle que je lui écrivis il y a quelque temps, les affaires auraient peut-être une autre face. Dieu fasse en tout son bon plaisir. Qu'il soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [453]

LETTRE MXIV - À MONSEIGNEUR ALPH. -LOUIS DU PLESSIS-RICHELIEU[110]

ARCHEVÊQUE DE LYON

Sollicitations respectueuses pour obtenir le retour de la Mère de Blonay.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy. 1630.]

Monseigneur,

Le style de votre lettre, la suavité qu'elle répand dans mon cœur, voyant comme vous nous continuez si débonnairement votre faveur, fait que je sens mon âme portée à une grande révérence et confiance filiale envers vous, Monseigneur, et à une totale ouverture de cœur, pour vous dire avec franchise mes pensées sur le sujet [du retour à Nessy de notre Sœur de Blonay], et j'ai un tel sentiment de la douceur et débonnaireté de votre cœur paternel, qui m'assure que vous ne le trouverez point mauvais ; car l'extrême amour et respect que Dieu m'a donnés pour vous, Monseigneur, ne pourraient souffrir ni me permettre de lâcher une seule parole qui, tant peu que ce soit, vous put être désagréable.

En cette assurance donc je vous dirai, comme à notre très-honoré Seigneur et Père, que le refus que l'on nous a fait de notre chère Sœur [de Blonay] est tout à fait contre notre Institut ; car chaque professe de cette Congrégation dépend toujours du Supérieur et du monastère où elle a fait la profession : il s'est ainsi constamment pratiqué. Notre règle et le sacré Concile donnent pouvoir aux monastères d'élire pour Supérieure, en [454] leur besoin, une Sœur du même Institut, de quelque monastère que ce soit : notre chère Sœur [de Blonay] avait été élue en celui de Grenoble, elle a été refusée : ces choses-là sont importantes, Monseigneur. Que si [celle-ci] était empêchée, il en reviendrait un grand préjudice à notre Congrégation. Je m'assure que si cela vous eût été représenté, et les mauvaises conséquences qui se peuvent tirer de cet exemple, votre piété, prudence et saint zèle à la conservation de ce pauvre petit Institut vous l'eussent fait lâcher ; de cette sorte donc que pour éviter tout ce mal, si vous m'en croyez, Monseigneur, vous la donnerez un peu, quand vous en jugerez la saison propre, sur l'assurance que je vous donne, que non-seulement cette chère Sœur, mais les autres de cette maison, sont entièrement vôtres ; et que nous vous la renvoierons assurément, sitôt que vous nous signifierez qu'elle sera nécessaire aux maisons de delà.

De vrai, Monseigneur et très-honoré Père, vous ferez chose agréable à Dieu et vous m'obligerez bien si vous faites cela, en faveur de la conservation de nos observances régulières. Je ne sais si c'est présomption ; mais j'ai le sentiment qu'il lui sera utile de revoir un peu sa maison et recevoir l'air du premier esprit, qui sera même profitable à vos maisons. Monseigneur, usez donc un peu de condescendance et de charité, nous faisant ce que vous voudriez que nous vous fissions si cette chère Sœur était ici, ou quelqu'une de celles de vos maisons, qui vous fût autant agréable qu'elle m'est. Je vous en supplie très-humblement. Que s'il ne vous plaît pas, certes, pour le respect que nous vous portons, nous en demeurerons en paix.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy. [455]

LETTRE MXV - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Amour de la Sainte pour la pauvreté. — Désir que la fondation de Montpellier soit faite par le monastère d'Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 24 juin [1630].

Ma très-chère fille,

Je suis fort en peine de l'indisposition de ma Sœur votre chère Supérieure. C'est la vérité qu'elle ne doit point chanter au chœur ; mais elle y doit pourtant faire résidence pendant les Offices le plus qu'elle pourra. Il la faut faire dormir le matin plus que les autres, la tenir fort joyeuse, et qu'elle ne s'altère de rien. Et pour l'oraison, elle ne s'y doit nullement peiner, mais se contenter de se tenir là devant Dieu en grande révérence. — Il est vrai que ce pays est fort pauvre, mais pourtant rien ne nous a encore manqué, grâce à Dieu, ni à nos maisons qui y sont, que je sache. Je ne veux pas qu'en façon du monde vous demandiez rien pour nous à ma Sœur la Supérieure de la seconde maison ; car, si nous nous trouvons dans un extrême besoin, nous verrons ce que nous aurons à faire ; mais nous ne voulons importuner personne, si nous pouvons, quoique nous ne doutions pas de sa charité envers nous. — Pour ce qui est de votre retour ici, ma chère fille, il me suffit d'avoir écrit comme j'ai fait à Mgr le cardinal ; il en ordonnera puis après comme il lui plaira. Mais il n'eût pas été à propos de vous laisser là sur les témoignages qu'il avait donnés, qu'il n'agréait pas que nous vous retirassions : et, quoi que les hommes disent de cette affaire, je me contente que Dieu sache que la poursuite que nous avons faite pour votre retraite en ce monastère a été pleine de respect, de douceur, juste, et non point par finesse ni par des voies obliques. [456]

Pour ce qui est de la fondation de Montpellier, je prie Dieu qu'il la fasse avec les filles qu'il a destinées pour cela ; c'est tout ce que je désire, et n'y mettrai point d'empêchement. Et si bien Mgr de Montpellier parla pour en avoir des vôtres, ce fut sur la bonne disposition que lui en donna M. Brun, ainsi que ma Sœur votre Supérieure me l'écrivit. Mais, pour le dire ici entre nous deux, si on faisait cela, je ne sais pas si Mgr de Genève et cette maison n'en seraient point offensés, puisqu'il y a si longtemps qu'on s'y est adressé pour en avoir des Sœurs, et qu'il a été reconfirmé depuis un mois par un personnage de qualité. C'est pourquoi il faudra être un peu avisée en ceci, afin que l'on ne s'en aperçoive pas, ou que l'on ne prenne cette imagination que nous voulons courir sur les airs les unes des autres ; car certes, ma fille, si l'on faisait cela à cette maison, il serait à craindre qu'on le fît bien à d'autres. Enfin il nous faut bien tenir dans les termes de notre esprit.

[De la main de la Sainte.] De vrai, ma très-chère Marie-Aimée, je m'accable d'écritures ; vous ne sauriez croire combien il m'en faut faire. Cela me dissipe, avec tant d'autres affaires ; cependant mon chétif esprit incline à la solitude. Hélas ! Dieu me fera la grâce de la trouver dans mon cœur, et y demeurer seule avec mon Dieu ! Qu'il vous bénisse ! — Jour de Saint-Jean.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [457]

LETTRE MXVI - À LA MÈRE MARIE-CONSTANCE DE BRESSAND

SUPÉRIEURE À MOULINS

L'évêque de Grenoble refuse à cette Supérieure la permission d'aller à Nantes.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1630.]

Ma très-chère fille,

Monseigneur de Grenoble m'écrit qu'il ne veut pas vous donner une obédience[111] pour aller à Nantes, si nous ne lui accordons purement et simplement la disposition de notre Sœur Péronne-Marie de Châtel ou de notre Sœur Anne-Catherine de Beaumont. Je lui mande que ce n'est ni par moi ni par ma conduite que cette fondation se fait, et que vous y êtes désirée pour Supérieure, que je laisse à chacun faire ses affaires. Il faudra que vous lui écriviez une lettre d'excuses, et que vous lui disiez qu'ayant demandé sa permission et voyant un si grand retardement à sa réponse, vous avez pensé que la licence qu'il vous avait donnée pour aller à Moulins suffisait, avec le congé que vous lui aviez demandé, étant pressée de toutes parts pour cette fondation, qui était importante au bien de cette maison et à la gloire de Dieu, et que vous avez cru qu'il n'eût pas voulu qu'une si bonne œuvre fût retardée à son occasion ; mais que partout où vous serez, vous voulez toujours dépendre de ses volontés, et que vous ne serez pas moins à sa disposition étant là qu'à Moulins. Voilà, ma chère fille, ce que je crois vous devoir dire, afin que vous lui écriviez sans me mettre aucunement en cette affaire.

Au reste, la maladie ne fait pas progrès en cette ville, Dieu merci ; car dès dix ou onze jours il est fort peu arrivé de mal ; [458] l'on espère que ce ne sera rien. Pour nous, ma très-chère fille, nous avons toutes été malades, et moi-même l'ai été ces jours passés d'une diarrhée et de ma défluxion qui m'a fort incommodée, car elle m'a enflé le visage et me tombe sur l'épaule et le bras droit. Néanmoins je sens que maintenant elle s'en va être sur son déclin, grâce à Dieu, et me trouve un peu mieux. — Je m'attends que si vous passez par nos monastères, ma très-chère fille, vous m'en écrirez des nouvelles très-amplement. Notre bon Dieu vous fasse vivre de sa sainte et juste volonté, ma toute très-chère fille, et bénisse l'œuvre que vous allez commencer pour sa gloire. — Je fais très-humble révérence à Mgr de Nantes ; obtenez-moi une de ses messes.

LETTRE MXVII - À LA MÈRE MARIE-MARGUERITE MICHEL

À DIJON

Éloge de la Mère F. J. de Villette. — Regrets sur le retard de la fondation de Besançon ; nécessité de l'effectuer au plus tôt.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 5 juillet [1630].

Ma très-chère fille,

J'ai été grandement étonnée de ce que vous dites, que vous n'avez point reçu de mes lettres depuis celle du 14e de mars, sachant très-bien que je vous écrivis du depuis, sur le sujet de votre déposition et de l'élection d'une nouvelle Supérieure. J'en adressai le paquet à ma Sœur la Supérieure de Belley pour le vous faire tenir, dans lequel il y avait des lettres que j'écrivais à Mgr de Langres, à MM. les conseillers Blondeau, Jaquotot et M. Boulier, à ma Sœur de Vigny, à ma Sœur votre Supérieure et à quelques-unes de vos filles. Ce me serait une sensible mortification s'il était égaré ; c'est pourquoi, ma très-chère fille, je vous prie d'en écrire à ma Sœur la Supérieure de Belley, afin [459] que, si vous ne l'avez reçu, vous le puissiez recouvrer, sachant à qui elle l'aura remis. — Je suis consolée de savoir toutes nos Sœurs si paisibles et contentes sous la conduite de leur nouvelle et chère Mère ; aussi est-ce une très-digne fille. Les Sœurs doivent bien regarder Dieu en elle ; car c'est la seule Providence qui la leur a donnée, laquelle, j'espère, la comblera de bénédictions en son gouvernement, et fera que sa vertu étant plus reconnue par son humilité et douceur, elle gagnera de plus en plus les cœurs de ses chères filles, et se tiendra dans l'estime et l'affection de tous les amis de la maison.

Au reste, ma très-chère fille, je suis puissamment mortifiée du retardement de la fondation de Besançon, et semble que puisque vous aviez le consentement de Mgr l'archevêque, vous ne deviez pas différer d'y aller ; car ayant votre maison bien accommodée et la permission de mondit seigneur l'archevêque, vous n'aviez rien à douter, car, ma chère fille, plus vous différerez d'y aller, plus vous y rencontrerez de difficultés ; c'est pourquoi il faut conclure cette bonne œuvre et la réduire en effet. La providence de Dieu a permis ce retardement, afin que vous enseigniez à nos Sœurs, par des actes d'humilité, de soumission et d'exacte observance, ce que vous leur avez inculqué par paroles, de quoi je m'assure qu'elles tireront un très-grand profit, à cause de l'estime en laquelle elles vous ont. — Quant à cette chère âme de laquelle vous me parlez, ayant les bonnes qualités que vous me marquez, il y aurait de la conscience de la renvoyer sur un soupçon ; il faut bien faire voir ce que c'est, et y apporter tous les remèdes qui se pourront pour reconnaître que ce sera.

Je ne saurais m'empêcher de dire encore que votre affaire de Besançon est mal conduite : au moins deviez-vous aller tout promptement que vous eûtes vos articles autorisés de Mgr l'archevêque ; certes, les affaires de Dieu ne veulent pas tant de façons ni de remises. Il faut aller, et s'il est besoin entrer dans [460] Besançon à la sourdine et vous mettre dans la maison préparée ou quelque autre, car vous avez tout droit de faire cela. Que si l'on s'oppose à votre établissement, il faudra avoir patience et demeurer ferme : un peu de temps dissipera toutes les difficultés.[112] Pour moi, j'admire comme vous n'avez déjà fait cela ; car vous en avez tout droit, et [ils] n'en ont aucun pour empêcher votre établissement, aussi m'assuré-je qu'ils ne le feront pas, si vous me croyez. Vous n'avez que bien fait d'emprunter de l'argent pour les besoins de cette nouvelle maison, elle aura prou moyen de le payer sans incommoder la maison de Dijon, à qui on lève presque toutes les dots des Sœurs du Comté, ce qui la rendra un peu faible.

Je suis très-aise, ma chère fille, de voir que vous tenez toujours votre cœur dans la sainte tranquillité. Pour la Mère et toutes les Sœurs, je crois que vous en avez toutes sortes de contentements, et que réciproquement vous leur en donnez. Ne vous mettez pas en peine de ce que l'on m'écrit ; mais un jour, à mon loisir, je vous dirai, selon notre chère confiance, ce que j'en retire pour votre utilité ; car je sais que votre bon cœur le [461] veut, étant tout mien ; aussi suis-je certes toute vôtre en Dieu qui soit béni. — Oui-da qu'il vous faut votre obédience. Je l'ai déjà envoyée ; mais je crains qu'elle ne soit perdue avec les lettres.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MXVIII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

À RIOM

Misère du peuple ; pertes temporelles du monastère d'Annecy. — La Sœur déposée doit donner l'exemple du respect envers la nouvelle Supérieure. — Modifications à faire dans la Vie de la Sœur Roget.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1630.]

Ma très-chère fille,

Vous me pardonnerez bien si je ne vous écris pas de ma main ; il m'est survenu quelque embarras qui m'en empêche ; aussi n'y a-t-il pas longtemps que je l'ai fait. — Nous nous portons bien céans, grâce à Notre-Seigneur, excepté quelques-unes malades de fièvres et autres incommodités ; mais, hélas ! il est vrai que ce pauvre pays est grandement affligé, ayant été réduit par l'armée française à l'extrémité de la misère et calamité ; et de surcroît, la peste est quasi par tous les environs de celle ville et même dedans. Il y a environ un mois qu'elle s'y prit en six ou sept maisons, sans qu'elle y ait fait aucun progrès ; mais, depuis deux ou trois jours, elle s'y est reprise en plus grand nombre, et bien plus dangereusement, parce que c'est en divers lieux et rues. Nous espérons, toutefois, de la douce bonté de Notre-Seigneur, qu'elle ne fera pas un tel progrès et ravage qu'elle fit l'année passée. Toutefois, sa très-sainte et aimable volonté soit faite !

Quant à nous, ma très-chère fille, nous n'avons pas été [462] exemptes de l'affliction commune ; car nos prés ont été tous fauchés au bien que nous avons à Nouvelles, et les seigles moissonnés en herbe ; nos moulins désertés et fort ruinés ; nos vignes aussi demeureront sans la culture nécessaire, à cause que le village où elles sont est quasi tout ruiné par la peste, qui y est étrangement ; de sorte que nos pauvres vignerons sont réduits à l'extrémité de la pauvreté et misère, la plupart morts. Bénie soit à jamais la Bonté divine qui a permis le tout, et, comme nous devons croire, pour notre mieux. Certes, j'aurais été marrie si nous n'eussions pas participé en quelque façon à une misère si commune.

Au reste, je bénis Dieu du bon choix que vous avez fait en votre élection[113] ; car c'est, comme je crois, le meilleur que vous puissiez faire de celles de votre maison. Et je suis fort consolée que ma Sœur la Supérieure prenne et se serve fort de votre conseil en ses affaires ; car c'est, sans doute, par une toute spéciale providence de Dieu que vous demeurez encore en cette maison pour son bien, et afin que vous dressiez cette jeune Supérieure. Je trouve bon, ma chère fille, que vous lui baisiez la main en lui présentant quelque chose, et que vous mettiez à demi le genou en terre, et quand elle entre aux communautés, que vous vous baissiez aussi à demi, parce qu'étant fort infirme, comme vous êtes, il suffira bien de cela, qu'il est nécessaire que vous fassiez pour donner exemple à votre communauté, laquelle, autant que vous pourrez, vous devez tâcher de tenir unie au chef. — Pour votre fondation, je suis bien aise qu'elle soit retardée ; et, pour vous dire tout comme à mon propre cœur, je ne serais pas marrie qu'elle ne se fît point du tout ; car, ma chère fille, je craindrais bien fort que vous n'y fussiez guère bien et que vous n'y souffrissiez beaucoup de nécessité, de pauvreté et autrement. [463]

Quant à ce qui est de ma Sœur C. F. Roget,[114] ma Sœur la Supérieure n'a pas assez examiné la chose ; et, au lieu de ce mot parfaite domination, vous pouvez dire qu'elle avait acquis une grande domination sur elle-même, ce qui la faisait grandement surmonter au manger, parce qu'il y avait plusieurs viandes auxquelles elle avait grande aversion naturelle. Pour ce qui est du commencement de sa maladie, il est ainsi que vous dites : que l'on s'aperçut de son mal, ce qui fut cause qu'on lui donna quelque petit et particulier soulagement ; mais elle ne laissait de suivre les exercices de la communauté. Voilà, ma pauvre vieille Sœur et très-chèrement bien-aimée fille, ce que sans loisir je vous puis dire. Priez bien pour nous ; mais n'appréhendez point notre mal et ne vous affligez de rien, Dieu est notre protecteur, il ne nous arrivera que ce qu'il Lui plaira. Son bon plaisir est notre sanctification ; je Le supplie qu'il l'accomplisse en vous et en moi sans réserve, et je suis vôtre de cœur.

[P. S.] Je vous prie, ma très-chère fille, de saluer bien chèrement de ma partie bon Père Maurice.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [464]

LETTRE MXIX - À LA MÈRE CLAUDE-AGNÈS JOLY DE LA ROCHE

SUPÉRIEURE À RENNES

Condoléances sur la perte de plusieurs membres de sa famille. — Sollicitude pour la santé de cette Mère.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1630.]

Ma vraiment très-chère fille,

C'est le métier des âmes amoureuses de Dieu comme la vôtre, de recevoir avec douceur d'esprit les amertumes et les divers événements de cette vie. Dieu vous donne beaucoup d'occasions de vous rendre conforme à Lui, et en cela vous êtes bien heureuse. Hélas ! Il a retiré à soi tout ce qui vous était de plus cher au monde : père, mère, frère, sœur et beau-frère, mais c'est avec tant de bénédiction et par des morts si chrétiennes que vous devez avoir plus de consolation de leur débarquement de celle vie que de douleur de leur mort. La pauvre chère Sœur Marie-Agnès[115] avait fait un si grand avancement à la perfection, que c'était chose admirable pour le peu de temps qu'elle a vécu en Religion : jamais fille ne fut tant pleurée qu'elle l'a été de la Supérieure et des Sœurs. Votre sœur Lucas a fait merveille en son affliction ; elle se comporte en vraie et vertueuse veuve, et prend courage pour bien conduire sa maison et ses enfants en la crainte de Dieu.

Mais moi, ma fille, ne suis-je pas affligée de savoir le peu d'espoir que l'on a de votre santé ? Je confesse que c'est une extrémité de douleur pour mon chétif cœur de vous savoir en [465] cet état. Mais quoi ? mon Dieu le veut, et mon Bienheureux Père jouit de la félicité éternelle ; n'est-ce pas assez, pour me confondre en mes tendresses, et me faire tenir paisible en mes tribulations intérieures et extérieures ? O ma chère et grande Agnès, ne parlons plus que de vivre en telle sorte, que nous puissions un jour parvenir en ces tabernacles éternels ! Je connais votre cœur, sa bonté, son amour et sa franchise pour moi. Dieu me fasse la grâce de vous correspondre ! Il me semble que je ne voudrais pas un moment de vie que pour aimer Dieu et servir nos Sœurs sans réserve ; mais, hélas ! que j'en ai peu de capacité ! Priez bien pour moi, ma toute chère fille. — Je vous prie, faites-nous faire de bonnes attestations des miracles qui s'opèrent par les intercessions de notre Bienheureux Père. Le cher Père dom Juste en est tout en œuvre : c'est un homme sans pareil en bonté et affection.

LETTRE MXX - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Détails au sujet de l'impression des livres de l'Institut. — Il faut laisser la Supérieure malade aux soins de la Sœur infirmière. — Le danger d'une mort prochaine ne peut légitimer une sortie pour aller aux bains. — Maternels reproches.

VIIVE † JÉSUS !

Annecy, 28 juillet [1630].

Ma très-chère fille,

M. Cœursilly ne se foulera en rien quand il nous donnera vingt exemplaires des Entretiens, pour satisfaire aux cent exemplaires qu'il nous avait promis ; car c'est chose assurée qu'il n'en a donné qu'environ soixante et dix ; mais puis, j'aime mieux qu'il gagne que nous, pourvu qu'il nous envoie le livre De la tribulation, de C***, ce béni livre qu'il y a si longtemps [466] que je demande et que j'ai tant d'envie d'avoir. Je vous prie, ma chère fille, de nous le faire venir.

Puisque vous jugez qu'il faudra payer l'impression du Coutumier, j'aime mieux que nous employions l'argent de cette impression à Paris, que non pas vers M. Cœursilly ; car là ils font leur impression fort nette et avec du fort bon papier, témoin nos Règles qui y ont été imprimées, qui sont fort nettes, et dureront contre trois de celles que M. Cœursilly a imprimées, à cause de la chétiveté du papier. De parler de lui donner les Prédications, ma très-chère fille, je vous ai déjà écrit une fois ou deux, ce me semble, que, par des très-bons conseils et capables, on s'était tout à fait résolu de ne les faire point imprimer ; c'est pourquoi il n'en faut plus parler, s'il vous plaît. — Quant à ce qui est des fautes et omissions du Coutumier, c'est la vérité que je ne revis pas l'original après qu'il fut transcrit, et que, possible les manquements peuvent venir de là ; car les écrivains, encore qu'ils vendent fort cher, n'écrivent pas bien souvent avec tout le soin qu'ils doivent. Mais je vous prie, ma chère fille, de tenir main que ledit sieur Cœursilly réimprime cette feuille du Coutumier que j'avais marquée avec les corrections que je vous envoyai, il y a près d'un an, et qu'il me semble que j'ai déjà vues en un Coutumier que vous m'envoyâtes, que j'envoyai à nos Sœurs de Thonon. Depuis je n'en ai plus eu de nouvelles ; mais comme je juge, ainsi qu'il m'a été écrit, qu'elles avaient été réimprimées, je vous supplie de nous en envoyer à proportion des Coutumiers que nous avons par deçà. Je m'aperçois que de nos maisons l'ont reçu, car c'est ma Sœur la Supérieure de Bourges [qui] m'a écrit qu'aux corrections nouvellement imprimées, on y a omis ce qui fut ajouté touchant les Sœurs domestiques ; mais je m'avise maintenant que la raison pourquoi il n'a pas été mis dans les corrections, c'est parce qu'il a été rayé dans la feuille qui a été réimprimée, à laquelle je ne pensais plus ; elle est [467] pourtant tout à fait nécessaire. Je vous prie derechef, ma très-chère fille, de nous en envoyer le plus tôt qu'il vous sera possible.

Quant au recueil que vous fîtes de ce que vous dit notre Bienheureux Père et à vos filles, le jour de saint Etienne, parce qu'il n'avait point de liaison ni de suite, ceux qui ont vu les Entretiens (qui sont plusieurs personnes très-capables) n'ont pas jugé qu'il se pût ni dût mettre en cet état ; mais ils en ont tiré toutes les meilleures pièces qu'ils ont placées dans les Entretiens, ès lieux où elles s'appropriaient le mieux et étaient plus convenables : voilà, ma chère fille, ce que j'en sais. Je suis bien marrie que nos Sœurs de Lyon ne jouissent pas en cette occasion de la consolation qu'elles désirent. Ce qui se pourrait faire en cela serait de regarder ce qui aurait été mis dans les Entretiens, puis faire un recueil des principaux points qui seraient restés, que vous jugeriez être d'utilité et de consolation, auxquels on ajouterait encore quelques avis que nous avons de notre Bienheureux Père, qui sont fort beaux, lesquels on pourrait faire imprimer et joindre à la fin des Entretiens. Mais, parce que c'est une chose de considération, et que nous ne pourrions faire sans le communiquer à Mgr de Genève, vous nous enverriez ce que vous auriez tiré de votre recueil que nous joindrions à ce que nous aurions, pour le faire voir à mondit seigneur. Mais prenez bien garde, si vous faites cela de ne pas répéter ce qui aurait déjà été mis aux Entretiens.

Quant à votre difficulté, lorsque la Supérieure est malade l'assistante, tenant son pouvoir et sa place, doit avoir le soin général de la santé de la Supérieure et des Sœurs, ainsi comme la Règle ordonne à la Supérieure de l'avoir ; car, quant aux services particuliers, ainsi comme la Supérieure les laisse faire aux Sœurs infirmières, aussi l'assistante les doit laisser faire à celle qui a le soin de la Supérieure, et ainsi elle ne se départira point des communautés, si ce n'est pour quelque occasion rare [468] et qui serait importante. — Quant à ce qui est de cette variété d'Antiennes, certes, il faut bien considérer avant que la demander ; car je me souviens que quelques Supérieures ne pouvaient tolérer cela, à cause de certaines disparités qui se trouvaient en certaines fêtes, entre les psaumes de notre Office et ce que l'on prenait du grand, qui donnait insatisfaction à ceux qui l'entendaient, qui fut la cause que notre Bienheureux Père fit prendre les commémoraisons ; mais je pense que si l'on faisait cela par permission du Saint-Siège, que personne n'y oserait plus contrôler, et faudrait qu'il fût enjoint à tous les monastères de reprendre cela, afin que la conformité ne fût point intéressée entre nous, et faudra prendre garde que l'on ne nous charge de rien davantage. Or sur tout ceci, ma très-chère fille, il faut que vous en preniez un bon solide conseil, car voilà tout ce que je vous peux dire ; au reste, ce me serait une grande consolation de voir cela établi. Quant à ce que vous me dites d'en écrire à Mgr votre cardinal, certes, je suis une personne de si bas aloi et si chétive, que mes lettres ne peuvent être en nulle considération vers des personnes si dignes et si hautement relevées. Je m'étonne comme ce bon prélat dit qu'il a été tant pressé et oppressé dans Paris ; je pense qu'il le croit ainsi, pour l'avoir souvent ouï dire ; mais, s'il rappelait sa mémoire, je crois qu'il trouverait, à mon avis, qu'il n'en a pas été fort importuné, puisque les paroles que ma Sœur Favre lui a dites, ne sont autres que celles qui sont contenues dans la lettre de M. d'Aoste. Certes, elles ne peuvent offenser personne, car elles sont toutes véritables. Les Épîtres, le Coutumier et la pratique qui s'en est faite jusqu'à cette heure, en font foi ; mais ne parlons plus de cela.

Toutes nos Sœurs les Supérieures sont de votre sentiment touchant les bains. C'est pourquoi je rayerai sur mes Réponses ce que l'on y a fait ajouter, par conseil de conscience, d'y aller si les Carmélites et celles de sainte Claire y allaient. De grands [469] serviteurs de Dieu m'ont assuré que la conscience ne nous obligeait pas à cela, quand même il s'agirait de la mort. On m'a écrit que cette pauvre petite créature y est retournée ; mais je sais qu'il n'y a point de sa faute, mais oui bien de ses filles, lesquelles à force de persuasions forcent leurs Supérieurs à faire des commandements absolus. Dieu, par sa bonté, nous garde de tel amour humain, qui étouffe tout à fait l'esprit et la révérence que nous devons à la sainteté de notre vocation et de ses ordonnances ! Cela se cache le plus qu'il se peut ; mais vous savez que ce qui est vu par une personne séculière ne se sait toujours que trop tôt ; cela affligera grandement toute notre Congrégation.

Ne vous mettez point en peine de la maladie qui a repris ici : il y a environ douze jours qu'il n'est rien arrivé à la ville. Nous avons toujours force malades de fièvres tierces, et notre pauvre languissante qu'il y a trois ou quatre mois qui est dans le lit d'un ulcère qu'elle a aux reins. Pour moi, ma très-chère fille, j'ai été travaillée depuis cinq semaines en çà d'une [diarrhée] qui m'a quelquefois bien pressée. Je m'en vais en être quitte, ce me semble, moyennant la grâce de Dieu que je supplie d'accomplir en tout ses saintes volontés. — Au reste, ma très-chère fille, je viens d'apprendre d'un messager que vous leur faites tant attendre les réponses que c'est une pitié ; et M. Michel s'est trouvé là présent, qui a dit que des autres lui avaient déjà fait la même plainte ; c'est pourquoi je vous prie de tenir vos lettres prêtes pour ne les plus faire attendre ; car, encore le dernier qui en a apporté croyait d'aller coucher à trois lieues de Lyon, il fut contraint de coucher à Lyon, faute d'avoir sa dépêche.

Ma très-chère fille, ne voulez-vous pas bien que tout cordialement et simplement je vous dise qu'il me semble que vous êtes un peu bien sensible ; car je remarque que vous me répondez tant de choses sur ce que notre Sœur de Bourges [470] écrivit que l'on avait mis aux dernières corrections, qu'il semble que cela vous soit une grande offense, et que les pauvres Sœurs de Lyon sont toujours chargées, mais que vous recevez tout de la Providence, et semblables paroles qui témoignent que vous vous tenez pour bien mal traitée. Eh ! ma fille, faut-il se prendre à toutes telles petites choses ? Notre Bienheureux Père dit qu'il ne faut qu'une gouttelette de modestie [modération] pour supporter les travaux de cette vie. Hélas ! et qu'est-ce que tout ce qui se passe entre nous au prix de cela ? Je vous dis ceci d'un cœur vraiment incomparable en son amour pour vous, recevez-le simplement comme cela. C'est tout ce que je puis dire, à cause de la défluxion qui me travaille fort le visage et le côté droit jusqu'à la ceinture. Il y a déjà quelques jours que j'avais fait écrire ci-devant. — Adieu, priez pour moi. Je suis consolée de ce que vous me dites que ma Sœur la Supérieure et vous, aimez tant notre Sœur Favre. Hélas ! ma fille, que prétends-je au désir de voir dissiper toute ombre de mauvaise intelligence entre vous, sinon la parfaite et cordiale union de vos cœurs, ainsi que je la souhaite entre toutes les Filles de la Visitation ? Dieu l'y établisse parfaitement et solidement, et si solidement que jamais rien ne l'ébranlé. Amen !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [471]

LETTRE MXXI - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS

La familiarité avec les séculiers nuit à l'esprit religieux. — Éloge de plusieurs Supérieures. — Témoignage que rend saint Vincent de Paul du bon état des deux monastères de Paris.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 30 juillet 1630.

Ma très-chère fille,

Dieu soit béni éternellement de quoi la fondation de Besançon est enfin achevée ! Puisque c'est par la puissante et pressante poursuite de ma Sœur N*** vers ses parents qu'elle y est allée, certes, j'en suis bien aise. — J'espère que tout ira bien [à Dijon] et ne doute nullement que ma Sœur la Supérieure ne donne satisfaction à Dieu premièrement, puis à ses filles, et à ceux de dehors s'ils n'ont l'esprit fort déraisonnable. Je me suis un peu pressée de lui écrire en ce commencement, mais j'en reviendrai, car je ne pourrais pas suffire à tant de lettres qu'il me faut faire, surtout maintenant que dès cinq ou six semaines j'ai été fort incommodée d'une diarrhée, puis de ma défluxion qui m'a enflé le visage et me tombe sur l'épaule et le bras droit ; ce qui m'empêche de pouvoir écrire de ma main qu'avec difficulté.

Croyez, ma très-chère fille, que je m'essayerai, par toutes les voies dont Dieu me donnera lumière, de profiter à ma Sœur qui est allée à Grenoble et j'espère de le faire, car elle veut le bien en la pointe de son esprit ; mais l'applaudissement et la trop grande familiarité et communication avec les séculiers lui ont beaucoup nui. J'espère qu'elle en reviendra, moyennant l'aide de Dieu, et qu'elle fera bien. — Je le désire de vrai, ma chère fille, que ma pauvre Sœur de Vigny retourne à [Dijon] et qu'elle jouisse en cette maison-là de toute la paix et [472] tranquillité que nous sommes obligées de lui procurer, et que je lui souhaite de tout mon cœur. Je crois qu'elle est résolue de contribuer de sa part tout ce qui lui sera possible pour cela. Quant à la proposition que vous faites, ma chère fille, de l'assurer qu'on lui rendra son argent, en cas qu'elle n'y puisse demeurer, je ne crois pas que cela se doive faire ; car, puisqu'il y a un contrat fait, il s'y faut tenir, et le contraire pourrait faire penser aux Sœurs qu'elle aurait un autre cœur, que je m'assure qu'elle n'a pas pour cette maison-là, outre que je crois qu'elle y recevra de la satisfaction, car ma Sœur la Supérieure me témoigne qu'elle le désire fort. Je l'en ai priée toutes les fois que je lui ai écrit, et en la dernière lettre, j'y mis au moins une douzaine de lignes pour la communauté, selon ce que vous m'écrivez, je m'assure que cela profitera. Mes incommodités, ainsi que je vous ai dit, m'empêchent de faire une lettre à part pour cela, croyant que ce que j'en dis à la Mère suffira pour elle et les Sœurs. — Au reste, ma toute chère fille, certes je désapprouve grandement le procédé de ma Sœur N*** envers vous ; mais j'espère de remédier à tout cela dans quelque temps, et avec un peu de patience, car il ne le faut pas encore si tôt ; mais croyez qu'elle n'ignore rien de tout ce que vous avez écrit à qui que ce soit de la Bourgogne et qu'elle sait tout, car elle m'a écrit vos propres paroles ; et la disposition de son esprit qui veut être aimé lui a fait faire grand cas de peu de chose. Hélas ! vous dites vrai, ma chère fille mon enfant, qu'il me faut tout dire ; mais croyez qu'il n'en faut pas user ainsi envers toutes sortes de personnes.

Le Père dom Maurice vous dira ce que je lui mande de la Vie de notre Bienheureux Père. — J'espère que celle qui a été élue à Moulins fera bien, pour de bonnes dispositions que je sais être en son esprit. Il y a des âmes à qui les charges donnent du courage, et celle-là en est une. Ma Sœur Marie-Catherine Chariel est une âme douce et craintive. Puisque Dieu l'a choisie, [473] j'ai confiance qu'elle conduira bien ; mais je désire que ma Sœur Jeanne-Charlotte [de Bréchard] demeure en cette maison-là le plus qu'il se pourra, parce qu'elle l'appuiera grandement en ce commencement. — Il est vrai que M. Vincent m'a écrit qu'il a reçu une satisfaction nonpareille en la visite de notre maison de la ville, et de la vôtre encore. Certes, nous nous devons bien tenir humbles devant Dieu, qui daigne nous faire-part si abondamment de ses douces miséricordes. Je Le supplie vouloir continuer à les répandre sur toutes les maisons de la Visitation, afin que de plus en plus II soit servi, loué et béni à jamais. — Je vous assure, ma chère fille, de la bonne santé de Monseigneur, qui est à Sales maintenant, et de celle de M. [le président] et de madame la présidente vos chers frère et sœur, grâce à Notre-Seigneur. Pour nous, nous avons eu plusieurs malades dès quelque temps, et en avons encore, mais non de mal dangereux. La peste ne fait pas grand progrès à la ville, Dieu merci, car dès plusieurs jours il est arrivé peu de mal.

Je vous prie, ma fille, d'assurer notre Sœur de Vigny que je n'épargnerai rien de tout ce qui sera en mon pouvoir pour lui procurer toute la paix et contentement que je lui désire dans le monastère de [Dijon] ; car certes, c'est une âme que je chéris parfaitement et à laquelle je me sens étroitement obligée. Dieu sait si j'ai perdu le souvenir des assistances et bons offices qu'elle a rendus à nos maisons. — J'ai enfin reçu votre lettre du mois d'octobre de l'année passée, depuis six ou sept jours, avec les livres de la Bienheureuse Marguerite d'Arbouze.[116] Elle m'a grandement consolée pour y avoir vu le bon état de votre cœur : il est tel, certes, que je crois que Dieu le désire, dont je bénis sa Bonté. Il me sera de la suavité d'en avoir tous les ans une de cette sorte. [474]

Je vous prie, faites saluer chèrement la bonne Mère du Val-de-Grâce ; j'aime la bonté et simplicité de cette maison-là ; faites aussi saluer de cœur madame de Port-Royal, car je l'aimerai toujours comme cela, bien qu'elle ait tout à fait quitté le commerce avec moi, ne m'ayant rien écrit il y a deux ans, bien que je l'aie fait deux fois. J'admire comme notre bon Mgr de Langres tient serré ce qui se met entre ses mains ; il m'écrit avec grande simplicité et témoignages d'affection, et me dit qu'il nous est toujours ce qu'il a été, regrettant de ne nous point voir, et plusieurs paroles qui me plaisent ; mais le tout en langage commun, en quoi j'admire sa bonté ; car ils savent tous l'aversion que j'ai à leur manière de parler, en quoi il me supporte.[117] Que Dieu tire sa gloire de tout, et nous rende vraies filles de notre Bienheureux Père par vraie imitation ! Bon Dieu ! que je trouve toujours plus sa doctrine simple, solide et aimable ! Je suis vôtre de cœur, mais de cœur incomparable.

Dieu soit béni !

Je crois que vous aurez reçu le paquet où sont les papiers que nous vous avons envoyés. — Je me suis oubliée de vous dire qu'il suffit que vous fassiez demi-heure d'oraison le matin, avec entendre la messe.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [475]

LETTRE MXXII (Inédite) - À LA MÈRE HÉLÈNE-ANGÉLIQUE LHUILLIER

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Satisfaction qu'a reçue saint Vincent de Paul de la visite canonique au premier monastère de Paris.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1630.]

... M. Vincent m'écrit qu'il a reçu un contentement et édification si grande en la visite qu'il a faite en votre maison, que cela ne se peut dire. Il marque particulièrement que l'union est très-grande entre les filles et la Mère, que la Mère possède les filles et que les filles dépendent entièrement de la Mère, et c'est en ce point que gît la grande bénédiction des monastères.

Conforme à une copie gardée au premier monastère de la Visitation de Paris.

LETTRE MXXIII (Inédite) - À LA SŒUR ANNE-MADELEINE LE TILIER[118]

AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Le cœur d'une Fille de la Visitation doit toujours être ouvert à sa Supérieure, et ne tendre qu'au pur amour de Dieu.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1630.]

Ma très-chère fille,

Ce doux Sauveur soit votre unique amour ! Vous ne sauriez [476] croire comme j'ai été consolée de votre lettre, qui m'a fait voir votre cœur au clair selon son ancienne coutume. O ma fille ! notre bon Dieu permet quelquefois à nos esprits, pour leur exercice, de voir les choses autrement qu'elles ne sont. Mais soit que ce soit, vous avez très-bien fait de vous tenir en paix, et ferez royalement de tenir toujours votre cœur tout ouvert à votre bonne Mère, sans lui celer ni vos pensées, ni vos connaissances, ni vos désirs, car assurez-vous qu'elle vous chérit cordialement et sera très-aise de votre consolation ; elle me l'a témoigné. Allez donc tout à la bonne foi, avec une entière confiance, car vous savez que c'est la nourriture de notre repos. Je m'assure que vous recevrez entière satisfaction si vous faites ainsi. Je prie Dieu qu'il vous confirme en cette sainte résolution de bien retirer tout votre esprit des choses de la terre, et de le porter tout en Dieu et en la bienheureuse éternité. Hélas ! ma très-chère fille, pourquoi nous sommes-nous retirées dans la sainte Religion, sinon pour vivre tout en Dieu et de son saint et pur amour ? Appliquez-vous totalement à cet exercice, ma chère fille, et saluez toutes nos Sœurs, mais bien chèrement de ma part, car je les aime infiniment, et les tiens toutes dans mon cœur.

Je suis fort satisfaite de les savoir dans la pratique d'une parfaite union, qui est le trésor précieux des communautés. — Tout le manquement de M. Vincent procède d'oubli, car il est tout bon. Je pense que l'on nous rendra l'usage de la sainte Bible. Sitôt que je pourrai, vous aurez un livre des Entretiens, mais devenez toujours plus brave, et croyez que toujours vous aurez en moi... [La fin est illisible.]

Conforme à une copie de l'original gardé au premier monastère de la Visitation de Rouen. [477]

LETTRE M XXIV (Inédite) - À MONSIEUR L'AVOCAT PIOTON

À THONON

Espérance de revoir bientôt la -Mère M. F. Humbert.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 10 août 1630.

Mon bon et très-cher frère,

Certes, ce ne sont pas les femmes qui manquent de parole comme vous dites, car elles sont constantes ; mais quand Dieu parle, ne faut-il pas que chacun se taise ? Oui, de vrai, mon bon et cher frère. Or sus, croyez que je n'ai pas moins d'envie de voir ma bonne Sœur la Supérieure de Thonon et sa chère troupe, qu'elles n'en ont de me voir. Nous lâcherons de lui donner celle consolation, s'il nous est possible, soit ou en allant à Thonon, ou en faisant venir ici ma Sœur la Supérieure ; mais il faut un peu attendre de voir comme les affaires se disposeront pour faire ce voyage, duquel je me remets entièrement à Mgr pour ordonner le temps qu'il jugera convenable pour cela.

Voilà, mon bon et cher frère, ce que je vous en puis dire maintenant, suppliant notre bon Dieu vous faire abonder ès richesses de sa miséricorde. Je demeure, après vous avoir salué de tout mon cœur, mon bon et cher frère, votre très-humble, etc.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [478]

LETTRE MXXV - À LA MÈRE JEANNE-MARGUERITE CHAHU

SUPÉRIEURS À DOL, EN BRETAGNE

Conseils pour le transfert de la communauté de Dol. — Les monastères nouvellement fondés peuvent recourir dans le besoin à ceux dont ils sont sortis.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 16 août 1630.

Ma très-chère fille,

Je vous puis assurer en vérité que ma Sœur la Supérieure du monastère de Paris a une très-sincère et charitable affection pour vous tirer du lieu où vous êtes, et qu'elle travaille tant qu'elle peut pour transporter votre maison à Meaux ; mais, comme c'est une affaire difficile, il ne faut pas que vous trouviez étrange, si elle est un peu de longue haleine. Je lui en ai écrit sur ce qu'elle m'en a proposé ; c'est un cœur, comme vous savez, fort charitable et raisonnable. Je lui en vais encore écrire, et cependant patientez tout doucement. Ce que je pense vous avoir écrit, qu'il fallait bien considérer avant que de sortir d'un lieu dès que l'on y est établi, est fort véritable ; mais vous avez des raisons si puissantes maintenant, qu'il me semble que vous vous en pouvez tirer sans aucune sorte de doute, outre que ce que je vous en écrivais, ce fut sur quelque irrésolution qu'il me semble que vous me témoignâtes sur ce sujet en vos précédentes lettres. Certes, il est vrai qu'il eût été bien plus à propos qu'on vous eût laissée aller à Nantes ou à Caen, et je ne sais qui empêcha cela, car ma Sœur la Supérieure de Moulins à laquelle j'en écrivis, après qu'elle m'eut témoigné sa première aversion, s'accorda que l'on vous y transférât, et en écrivit à ma Sœur la Supérieure de la ville. Je ne me souviens pas maintenant comme cette affaire se renoua.

Or sus, il faut espérer que Dieu tirera sa gloire de tous ces retardements à votre repos, et que par ce moyen nos Sœurs et [479] vous, ma très-chère fille, serez plus duites à la patience, et à vous conformer et rendre entièrement soumises au bon plaisir de Dieu ; et cependant, moyennant sa grâce, vous ne lairrez d'être en lieu où vous pourrez vivre avec plus de repos et de tranquillité. — Vous ne sauriez croire comme j'ai été touchée de l'offre que nos Sœurs de Rennes vous font. Ce trait de charité est bien digne de l'esprit de la Visitation, et j'en vais écrire à la Mère, afin que si vous ne pouvez être établies à Meaux devant l'hiver, elles vous fassent jouir de cette charité, si elles la peuvent faire sans trop grande incommodité, ce que vous devez apprendre d'elles, le plus discrètement que vous pourrez.

Quant à ce que vous désirez de savoir si l'on ne peut pas recourir aux maisons dont on est sorti, en telles occasions, je vous dis que oui, ma très-chère fille, et que les monastères sont obligés d'aider les filles qui sont sorties d'eux ; aussi m'assuré-je que nos Sœurs de Paris ne vous refuseront point leur secours, et qu'elles vous le donneront franchement et de bon cœur ; je m'en vais encore le leur écrire à bon escient. — Certes, ma très-chère fille, il ne faut point parler de renvoyer ces deux novices et cette prétendante si elles sont bonnes ; si vous retournez à la maison de Paris, il les faudra partager entre nos Sœurs de Rennes et de Nantes. J'ai tant de confiance en leur véritable vertu que je crois qu'elles feraient franchement et cordialement cette charité. Que si vous allez faire votre établissement ou à Meaux ou ailleurs, comme je n'y vois point de doute, oh ! certes, ma chère fille, il ne faut point révoquer en doute si vous les mènerez avec vous ; et je pense que votre bon cœur ne les voudrait pas laisser, si elles sont si bonnes. Je prie Dieu qu'il vous assiste et établisse bientôt en lieu où vous Lui puissiez rendre votre service en paix et repos d'esprit. — Je salue nos très-chères Sœurs avec vous, et vous souhaite à toutes le très-pur amour du Sauveur auquel je suis, mais d'un cœur très-sincère et fidèle, ma très-chère fille, votre, etc. [480]

[P. S.] Quant à ce que je vous dis, ma très-chère fille, qu'en cas que vous ne puissiez être établies à Meaux avant l'hiver, que vous pourriez aller à Rennes, c'est une chose qu'il faut bien peser et considérer avant que de requérir cette charité d'elles, parce que tant d'allées et de venues vous pourraient causer beaucoup de distractions et de dépenses, et qu'il serait beaucoup mieux, puisqu'il vous faut transférer en un autre lieu, que cela se fît sans tant de reprises ; néanmoins vous devez procéder en ceci selon que les occasions et nécessités présentes vous le dicteront.

La note ci-après fut ajoutée par la Mère Chahu, lorsqu'elle envoya cette lettre à Annecy, en 1642, au moment où la Mère de Blonay préparait la première collection des Épîtres spirituelles de sainte J. F. de Chantal :

Si cette lettre mérite d'être imprimée, il ne faudrait point parler de ce transport à Rennes ; car je ne sais comme notre très-digne Mère ou la secrétaire s'est méprise, d'autant que jamais je ne leur en ai parlé, ni nos bonnes Sœurs ne nous ont fait cette offre ; oui bien de nous céder la fondation de Vannes.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MXXVI - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Mort chrétienne de M. de Blonay. Se consoler dans l'attente d'une éternelle réunion.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1630]

Ma très-chère fille,

Certes je n'en doute nullement, sachant ce que votre cœur est au mien, qu'il puisse jamais trouver mauvaise chose quelconque que je lui puisse dire ; nous avons toute assurance de ce côté-là, croyez-le bien, ma chère fille. Mais, je vous prie, ne [481] vous alarmez point de mes incommodités ; car, grâce à Dieu, elles ne sont pas si grandes qu'il s'en faille mettre tant en peine. J'ai seulement quelque petit ressentiment de cette diarrhée et de ma fluxion ; mais je crois que le temps et les grandes chaleurs contribuent beaucoup à cela, qui néanmoins se passe petit à petit, bien qu'il ne faut pas désormais attendre une santé si constante en une personne de soixante ans, comme en une de vingt-cinq ou trente. Et puis, ma fille, les jeunes et les vieux meurent ; cette vie est remplie de tant de calamités et afflictions que soit que nous ou nos parents meurent, pourvu que ce soit bien en la grâce de Dieu, nous ne devons point regretter de les voir partir de cette terre d'afflictions.

Ne pensez pas, ma fille, que ces misères de guerre se passent sans que vous ayez votre part de la douleur que plusieurs auront. Non certes, ma très-chère fille ; car ce pauvre cher frère de Blonay y est mort, mais de maladie, en Piémont, et très-heureusement, comme je crois. C'est toujours une grande grâce à ceux de sa condition de mourir en repos dans leur lit, parce qu'ils ont plus de moyens de se disposer à bien faire ce passage, que non pas quand ils meurent dans l'action de la guerre. C'est pourquoi consolez-vous, ma très-chère fille, en l'espérance que nous nous reverrons tous dans le ciel ; aussi bien faut-il que petit à petit nous nous allions acheminant à cette fin dernière que Dieu a ordonnée ; sa Bonté nous fasse la grâce de nous la rendre heureuse ! Je vous prie, écrivez à la chère veuve et le plus tôt que vous pourrez ; car, hélas ! vous pouvez penser le besoin qu'elle en a. Je ne sais pas combien il lui a laissé d'enfants ; mais seulement je sais que nous avons son aînée en notre monastère de Thonon, comme vous savez, ma chère fille. Elle nous sera d'autant plus chère qu'elle est orpheline de père, et qu'elle est nièce de ma très-chère et uniquement bien-aimée fille.

Le livre que vous m'avez envoyé est bien de l'intitulation [482] de celui que j'avais demandé, mais ce n'est pas de même traduction ; mais il n'importe. — Je ne sais que dire à la lettre de M. le prévôt, parce que je vois que mon inconsidération m'a fait lui écrire quelque chose de mal à propos, et je n'aime pas à m'excuser ; mais Dieu m'a donné une telle estime de la vertu solide de ce vertueux personnage que j'en suis marrie, et le serais encore plus si je ne regardais Dieu qui veut que j'aie ce sujet d'abjection. Aidez-lui à bien interpréter ma simplicité et franchise, et apprendre comme cela les choses que je dis avec cet esprit, duquel il ne faut pas requérir la prudence qui n'y est pas. Or sus, ma fille, si vous pensez que cette lettre que j'écris ne soit pas comme il faut, ne la donnez pas.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MXXVII - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX

Dégâts causés à Annecy par l'orage et la grêle. — Proposition d'une postulante tourière.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1630.]

Ma très-chère fille,

Ce billet n'est que pour vous saluer chèrement et toutes nos Sœurs, n'y ayant pas longtemps que je vous ai écrit et répondu à toutes vos lettres ; mais, ayant rencontré cette occasion, je m'en suis voulu servir, bien que j'avais résolu de n'écrire que tous les trois mois une fois, sinon quand il arrive quelque affaire importante et pressante, à cause de la grande multitude de lettres qu'il me faut répondre. Mais certes, ma très-chère fille, je sens une certaine affection au fond de mon cœur pour vous et votre chère troupe, qui me faisait déjà trouver le temps long de vous écrire et recevoir de vos nouvelles. Vous apprendrez les nôtres dans la lettre que notre communauté écrit à la vôtre ; c'est pourquoi je ne vous les dirai pas ici, sinon une qui est arrivée depuis qu'elle est écrite, qui est que mardi dernier, pendant que nous étions à l'oraison du soir, il s'éleva un si grand tourbillon de vents qui se battaient, et le temps devint bien si noir et obscur que cela épouvanta grandement ceux qui le virent, et la grêle qui tomba fort grosse a beaucoup fait de mal aux biens de la terre, en sorte que l'on dit que cette bourrasque n'apportera pas moins de préjudice à la pauvre Savoie, que le passage de l'armée du Roi y en a fait, surtout en cette ville, à cause du grand dégât des couverts, dont elle a emporté des pièces entières, mis bas des granges et déraciné quantité d'arbres. Enfin le temps fut si effroyable, qu'il fit penser plusieurs personnes au jour du jugement ; mais nous remarquâmes que, dès que nous eûmes invoqué notre Bienheureux Père, il commença à s'apaiser. Nous avons eu notre petite part de ces maux. Dieu en soit béni ! Voilà, ma chère fille, comme il plaît à sa Bonté affliger son pauvre peuple ; priez-Le bien qu'il Lui plaise réduire tout à sa gloire et au salut des âmes.

L'on nous est venu présenter une honnête fille de Lagnieux pour la condition de Sœur tourière ; et parce qu'il me semble que vous nous avez mandé que vous on cherchiez pour ce rang-là, nous vous l'avons adressée. Que si vous trouvez qu'elle vous soit convenable, je serai bien aise que vous la preniez ; mais si vous ne la jugez propre et que les affaires de votre maison ne vous permettent de la recevoir, je vous prie, n'en faites ni plus ni moins pour ma recommandation. Voilà tout, sinon que mon cœur souhaite au vôtre le pur amour de Dieu et à nos chères Sœurs, et suis tout à fait vôtre.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [484]

LETTRE MXXVIII - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

Les afflictions bien supportées attirent de grandes grâces. — Offre de secours.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 26 août [1630].

Ma très-bonne et chère fille,

Mon Dieu ! que j'ai de compassion des afflictions de votre maison. Mais j'espère, pourtant, que Dieu en tirera sa gloire et le profit de celles qui souffrent et de celles qui les assistent ; nous ne cessons de prier pour cela. Je me souviens que notre maison de Lyon fut une fois grandement tourmentée de quasi semblables peines, et notre Bienheureux Père le tint pour présage de grandes bénédictions, ce qui arriva ainsi, et vous savez de combien de bénédictions ces maisons-là sont remplies. J'espère que Dieu fera le même en votre maison, si avec une sincère humilité, vous et nos Sœurs, vous embrassez amoureusement ces croix, pour la révérence due à la très-sainte volonté de Dieu qui les permet.

Oh ! qu'il est bien vrai, ma très-chère fille, voici une année de beaucoup de misères et calamités ; cette pauvre ville en est toute pleine. Dieu nous fasse la grâce d'en tirer profit. Je vois que la disette est en vos quartiers comme en ceux-ci, ce qui me fait vous offrir cent écus de l'argent que nos Sœurs de Chambéry nous gardent pour les affaires de notre Bienheureux Père, n'osant l'employer crainte de manquer à cette sainte besogne. Si donc, ma très-chère fille, vous avez peine d'en trouver ailleurs, servez-vous de celui-là. Pourvu que vous le rendiez dans dix mois, je crois qu'il suffira ; mais il faudra à point nommé l'avoir quand nous vous le demanderons.

Croyez, ma très-chère fille, que de tout notre cœur nous [485] voudrions vous assister si nous en avions le pouvoir ; mais, las ! nous avons prou peine ; car la grêle nous a aussi fait du mal, et la guerre [est cause] que le monde est si fort pauvre que l'on ne sait que faire. Dieu, par sa bonté, veuille avoir pitié de son peuple ! Quasi tout le pays est grêlé ; voyez avec le peu de blé qu'il y avait déjà où l'on en sera ; mais Dieu peut autant faire avec peu qu'avec beaucoup. Il faut tout espérer de sa douce miséricorde ; je la supplie d'abonder sur vous et votre chère famille. Croyez, ma fille, que mon cœur est bien tout vôtre, et que vous êtes en vérité l'une de mes plus chères et bien-aimées filles.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MXXIX - À LA SŒUR ANNE-CATHERINE DE SAUTEREAU

MAÎTRESSE DES NOVICES À GRENOBLE

La Sainte la remercie de ses observations sur le livre des Réponses. — Ne jamais censurer les actions de la Supérieure. — Il faut élever les novices dans une sainte liberté d'esprit.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1630.]

Ma bonne et très-chère fille,

Je réponds de tout mon cœur à votre grande lettre, et je voudrais pouvoir correspondre à la bonté de votre chère âme pour moi, qui me sens particulièrement votre obligée du mémoire que vous m'envoyez de vos remarques sur le livre de nos Réponses. Il est vrai, ma chère fille, que je désire, Dieu aidant, d'y retrancher quelque chose, tant pour les rendre entièrement conformes au Coutumier, que parce que j'y ai été trop rigide en quelques points, mais de cela je ne m'en suis pas mise beaucoup en peine pour deux raisons : la première, que d'ordinaire il nous est meilleur de nous tenir un peu bien serrées en toutes [486] nos observances que de nous trop élargir ; et l'autre, qu'en tout et partout la Supérieure a un absolu pouvoir, selon la Constitution, d'agir et commander en tout ce qu'elle juge nécessaire ou utile, sans qu'aucune ait droit de la contrôler. Et vous me faites plaisir, ma très-chère fille, de remarquer comme imperfection en vous, ces petits désapprouvements que vous faites de ce que votre bonne Mère a fait faire cette innocente récréation devant le très-bon et très-vertueux M. [d'Aoste], vrai fils de notre Bienheureux Père, lequel, ou je suis la plus trompée du monde, l'aurait pris pour compagnon, lorsque par une sainte et admirable débonnaireté il a pris plaisir de se trouver à ces saintes et innocentes récréations. Ne trouvez pas étrange, ma chère fille, si la bonne Mère qualifie du nom de frère ce très-cher monsieur. Moi-même je l'appelle ainsi, et je m'estime très-honorée qu'il ait daigné m'accepter, non-seulement pour sa Sœur, mais pour sa très-humble fille.

Voyez-vous, mon cher enfant, vous avez l'esprit un peu scrupuleux ; je vous conjure d'inculquer incessamment à vos novices une observance fidèle, mais simple, qui leur retranche les examens autour des actions d'autrui, surtout de la Supérieure. L'on nous prêchait hier une chose bien remarquable, et que je veux vous dire : c'est que l'ancienne Marie pour un peu d'émulation et murmure contre Moïse, son frère et supérieur, avait été couverte de lèpre. Hélas ! ma fille, si tous ceux qui censurent à présent devenaient lépreux, qu'il y en aurait au monde ! Ce que je ne dis pas pour vous, sachant bien que vos petites remarques ne proviennent que de votre conscience trop gênée.

Tâchez d'élever vos novices dans un esprit de sainte liberté. N'embarrassez point votre esprit à leur vouloir donner quantité de documents. Qu'il vous suffise de leur apprendre avec un soin cordial ce qui est de l'Institut. Il faut avoir une grande patience autour de ces chères âmes, retournant fréquemment votre [487] pensée en Celui sans lequel tout notre travail et empressement n'est qu'une paresseuse inutilité.

Oui, je vous assure, ma chère fille, l'on fait fort bien d'appeler Mère notre chère Sœur la Supérieure de Chambéry. J'ai trouvé divers billets de notre Bienheureux Père qui qualifient ses grandes premières filles de ce nom, tellement qu'avec cette assurance, nous leur devons donner ce titre, que véritablement elles ont bien mérité, ayant reçu les prémices de l'esprit et supporté les premiers travaux.

Voilà, je pense, ma chère fille, votre lettre répondue de point en point, et bien soigneusement. Prenez-le pour un témoignage du désir que j'ai de servir votre âme et d'être à jamais toute vôtre.

LETTRE MXXX (Inédite) - À LA SŒUR MARIE-FÉLICIENNE BAUDET[119]

À GRENOBLE

Pour arriver à la perfection, il faut un grand courage et un parfait abandon à la volonté de Dieu.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1630.]

Mon Dieu ! ma très-chère fille, quelle consolation a ressentie [488] mon âme, voyant le toujours meilleur état de la vôtre ; j'en bénis Dieu de toute mon affection. Sans doute, ma fille, que sa divine Bonté vous appelle à une très-grande perfection et que vous n'avez besoin pour cela que d'une entière détermination à vous abandonner totalement à sa sainte conduite, en la personne de votre Supérieure, et d'une fermeté de courage à faire le bien et fuir le mal à mesure que vous le connaîtrez. Chaque jour que vous emploierez fidèlement, vous acquerrez nouvelle force et facilité au bien ; si, que toutes difficultés s'évanouiront et vous serez tout étonnée de trouver votre chère âme dans un saint repos et familiarité avec Dieu ; car, à celui qui aura vaillamment combattu, l'on fera goûter une manne secrète. C'est ce que je vous désire, et je prie Dieu de tout mon cœur vous donner son amour avec toute perfection ; et vous, ma très-chère fille, d'avoir toujours mémoire dans vos prières de celle qui vous chérit cordialement, et qui est toute vôtre en Notre-Seigneur. Qu'il soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Voiron.

LETTRE MXXXI - À LA MÈRE ANNE-MARGUERITE CLÉMENT

SUPÉRIEURE À MONTARGIS

Les consolations spirituelles ne doivent point faire négliger les devoirs qu'impose la Règle. — Se tenir devant Dieu comme un vaisseau vide prêt à recevoir tout ce qu'il Lui plaira y déposer.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, août 1630.]

On m'écrit, ma très-chère fille, que l'on craint que vous ne tombiez malade, et que votre santé s'affaiblit. J'en viens de voir la cause dans votre lettre, qui sont les occupations intérieures, dont les effets que vous me marquez, portant à la pureté, tranquillité et humilité, montrent qu'ils sont de Dieu. Mais, [489] ma très-chère fille, prenez garde que, comme vous avez le naturel fort affectif, et ces faveurs de Dieu étant fort douces et attrayantes, vous n'accroissiez ces sentiments ; c'est pourquoi je vous prie que vous soyez fort retenue en cette divine conversation, vous contentant de recevoir avec profonde humilité et délaissement de vous-même, n'employant à l'oraison que le temps marqué par la Règle, et après, appliquez-vous aux fonctions de votre charge et vous divertissez à des récréations extérieures. Je vous prie, jetez bien tous vos soins en Dieu, sans arrêter votre vue ailleurs, et vous exercez aux vertus selon que l'occasion vous en sera donnée.

Je vois, ma très-chère fille, que Dieu vous continue ses faveurs, dont Il soit béni. Augmentez votre fidélité, surtout à vous tenir très-humble et très-petite devant ce Souverain, et maintenez votre cœur en grande pureté, ne laissant aucune action à laquelle votre charge et votre Règle vous obligent. Mettez-y l'attention requise. Quand vous verrez des personnes éclairées dans les voies de l'esprit, conférez avec elles de tout ce qui se passe en vous. Priez Dieu pour la paix et les nécessités publiques, celles de l'Ordre et les miennes. Soyez comme un vaisseau vide, qui se laisse remplir de telle liqueur que l'on veut. Suivez le train commun tant que vous pourrez, et faites que nos Sœurs vivent en grande union, paix, amour cordial et joie, dans l'observance de leur Institut.

Extraite de la Vie manuscrite de la Mère A. -Marg. Clément. [490]

LETTRE MXXXII - AU PÈRE DOM GALICE

BARNABITE, À MONTARGIS

Elle se réjouit des faveurs divines que reçoit la Mère Clément, et désire être instruite de l'état intérieur de cette grande âme.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, août 1630.]

Mon Révérend Père,

Ma chère Sœur la Supérieure est bien heureuse de recevoir tant de grâces avec une si profonde humilité et anéantissement d'elle-même : c'est ce qui sert de pierre de touche pour éprouver si elles sont de Dieu, et pour tenir en assurance l'âme qui les reçoit. Mais pourtant, mon très-cher Père, je suis toujours de cet avis, qu'elle ne doit pas trop se laisser plonger dans ces grands sentiments, crainte qu'ils ne dissipent les forces du corps, et n'occupent tellement l'esprit, que ce qui est nécessaire en sa charge ne demeure à faire. Cette chère Sœur sert un si bon Maître ! Il saura bien conduire tous ces sentiments en la partie supérieure de l'âme, pour les y faire résider et empêcher qu'ils ne se répandent au corps, car cela est plus assuré. Ce me sera consolation, mon très-cher Père, de savoir plus particulièrement ce qui se passe en elle de temps en temps, comme vers la fin de l'année et selon que Votre Révérence le jugera à propos.

Extraite de la Vie manuscrite de la Mère A. -Marg. Clément. [491]

LETTRE MXXXIII - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À AUTUN

Utilité qu'apporte la construction régulière du monastère. — Recommandations pour diverses personnes.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 1er septembre [1630].

Oui certes, ma très-chère et bonne fille, que je connais bien votre cher cœur, aussi l'aimé-je parfaitement ; car je sais qu'il est tout à Dieu et à moi ; bien que je ne mérite pas de garder ce trésor, je le ferai pourtant précieusement.

Oh ! que je suis consolée, ma très-chère fille, de savoir que cette chère petite troupe marche fidèlement et droitement à son Dieu ! Je Le supplie de les faire toujours avancer en son put-amour et qu'il vous donne de plus en plus son Saint-Esprit pour les conduire. — Que je suis aise que votre bâtiment s'avance comme vous dites, et que vous soyez si généreuse que de le vouloir poursuivre tant que vous pourrez ; car vous ne sauriez croire, avec la commodité, combien il y a d'utilité pour l'esprit et l'observance à être bâties.

Il n'y a pas longtemps que j'ai écrit à ma fille ; mais il y a bien six mois que je n'ai point eu de ses nouvelles. Quand vous m'écrirez, si vous en savez, dites-m'en, comme aussi de celles du bon M. de la Curne, que j'aime toujours davantage en Notre-Seigneur, et mademoiselle de la Curne sa chère femme. Je ne lui écris point, jusqu'à ce que les affaires soient un peu en meilleur état, n'y ayant pas encore trois mois que je lui ai écrit. Vous les saluerez bien cordialement de ma part, ma très-chère fille, je vous en prie ; mais tout particulièrement le bon M. Guyon et votre bon confesseur. Oh ! que j'ai grande envie qu'ils me recommandent une fois à Notre-Seigneur ; [492] priez-les-en de ma part. Je salue toutes nos chères Sœurs et leur souhaite le comble des plus précieuses grâces célestes. Vous verrez toutes nos nouvelles par la lettre que notre communauté écrit à la vôtre. Je supplie sa Bonté faire abonder sur vous son saint et pur amour et sur toute votre chère troupe, que je salue avec vous très-parfaitement, et suis de cœur toute vôtre, ma très-chère fille.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE M XXXIV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS

À la récréation, les novices ne doivent pas être séparées des professes. — Avis touchant les fondations. — Maintenir le chant de l'Office et se garder des nouveautés. — La peste gagne Chambéry.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1630.]

Ma très-chère fille,

Je suis bien aise que vous ayez été visiter un peu notre maison de la ville, et que nos bonnes Sœurs y aient eu le bonheur de votre présence, ces trois jours que vous y avez été ; je m'assure qu'elles en tireront bien du profit. Mais ma Sœur la Supérieure vous devait bien faire parler à ses filles ; je l'eusse bien désiré, et en effet il le fallait faire. Sans doute qu'elle n'y pensa pas, car je sais bien que son cœur est tout à vous.

Ma fille, quant à sa pensée de séparer les novices d'avec les professes en récréation, j'ai su que l'on en avait parlé à notre Bienheureux Père, mais il ne le voulut jamais permettre ; et, pour moi, je crois que cela ne se doit pas, pour de bonnes raisons Mais l'on m'a proposé deux ou trois choses sur lesquelles je désire que vous me donniez votre avis, pour savoir ce que j'y dois répondre, parce qu'elles sont importantes.

La première qu'on me demande et que je trouve importante, [493] pour l'ardeur que je vois à nos maisons de faire des fondations, c'est que si quelque monastère en fait quelqu'une mal conditionnée, et en lieu où les filles souffrent de grandes pauvretés, et n'y puissent avoir le secours ni pour le spirituel ni pour le temporel que le Coutumier marque, les Sœurs ne pouvant faire autre chose que d'obéir simplement ; si en ce cas-là, elles ne doivent pas avoir recours au monastère dont elles sont sorties, et s'il n'est pas obligé de les aider et d'en avoir du soin ou bien de les retirer ? Écrivez-moi bien vos pensées à ce sujet, et si j'en dois dire quelque chose.

Je vous renvoie la lettre que notre Sœur P. J. de Monthoux vous écrit, qui était si bien jointe à la mienne que vous ne l'avez pas aperçue. Je vous envoie aussi celle qu'elle m'écrit ; vous verrez ce qu'elle me répond sur ce que je lui avais demandé son sentiment touchant les bains : qu'elle aimerait mieux mourir que d'y aller, et la suite. Certes, je ne sais que dire sur cette façon de parler avec moi, sinon que, quand Mgr de Chartres sera à Paris, il lui faut faire faire une remontrance par Mgr de Bourges ou quelque autre prélat de ses amis que vous pourrez employer pour cela.

Voici encore une autre chose, ma très-chère fille, sur laquelle je désire savoir votre sentiment : c'est que ceux qui vont à Rome avec Mgr le cardinal de Lyon ont promis de nous faire avoir la permission de dire notre Office comme nous le disions au commencement, avec ces mélanges que vous savez que notre Bienheureux Père nous avait dressés. Certes j'en serais bien aise, car il faut que je vous confesse qu'il m'en a été fort mal depuis que nous avons eu ôté cela ; c'est pourquoi, si on nous peut obtenir de le redire ainsi avec ces mélanges, ce me serait une grande consolation. On m'écrit de quelqu'un de nos monastères que le chant de notre Office est grandement pénible, et que c'est cela qui fait ainsi mourir les filles étiques. J'ai toujours réfuté cela ; mais je serai bien aise d'en avoir votre [494] sentiment. — Je retourne encore à ces novices que l'on veut séparer ; car j'ai une très-forte idée de ce que notre Bienheureux Père m'en avait dit, qu'il ne l'approuvait pas ; et en effet cela ne se doit pas, outre qu'il se faut garder d'ouvrir la porte aux nouveautés ; car l'esprit qui est plein d'inventions ne ferait autre chose que d'en inventer.

Mon sentiment serait, si vous le trouvez bon, que vous missiez ma Sœur l'assistante directrice ; car outre qu'elle est vertueuse, elle a son esprit plus mûr et sa façon plus rassise que la petite Sœur N. à laquelle, à mon avis, les emplois un peu bas et humbles seront utiles pour quelque temps ; et si cette fille joint une fois la solide humilité avec l'esprit et clarté que Dieu lui a donnés, elle serait un jour une grande et utile servante de Dieu en votre maison. — Oui, ma fille, je savais que notre Sœur était retournée aux bains, et cependant ses lettres ne m'en disent rien. Vous verrez ce que je lui réponds sur les bains, car je vous l'envoie ; mais, je vous prie, dites-moi s'il suffira ; et tout franchement et tout candidement ajoutez-y ou y diminuez selon que vous jugerez être expédient ; car ne faut-il pas que nous traitions ainsi pour la gloire de Dieu ?

Je ne sais qui peut avoir élevé ce bruit de la mort de M. de Félicia ; car je ne pense pas qu'il ait seulement été malade, et crois que tous les vôtres se portent bien, et que la plus grande perte qu'ils aient faite, c'est des [places] qu'ils avaient au Sénat. — La santé continue bonne ici, grâce à Notre-Seigneur ; mais à Chambéry les malades continuent, quoique la peste n'y soit pas encore découverte ; mais elle est quasi par tout le pays, et il y a apparence d'une grande disette si Dieu n'y pourvoit. — Je vous recommande fort cette affaire de madame de Nemours, parce que nous sommes dans une saison où chacune cherche des inventions pour avoir de l'argent, et je crois que cette bonne princesse ne voudrait pas qu'on nous incommodât pour cela. — Nous avons reçu les Épîtres de notre Bienheureux [495] Père, que vous nous avez envoyées. — Vous êtes bien la Mère au grand cœur, ma très-chère et vraie fille, d'avoir envoyé mille francs à nos Sœurs de Bourg ; Dieu leur fasse la grâce de bien employer cette charité ! et pour vous dire ce petit mot de confiance, je crains qu'elles ne ménagent pas tant bien. Je vous prie, recommandez-les toujours bien aux très-bons Messieurs Renaud et Roland. — Je vous conjure, ma fille, entretenez cette communication que vous me dites avec nos Sœurs de N*** ; car, comme vous dites, il faut dissimuler ces petits mots qui peuvent aussi être dits avec simplicité. Ma pauvre Sœur de [Vigny] peut retourner en assurance à [Dijon] ; car elle y sera cordialement bien reçue ; j'en ai reçu des lettres où on me l'assure, et qu'il n'y a point d'esprit qui ne l'aime chèrement. Il faudrait, ma chère fille, que vous la portiez doucement à réduire les sorties à quelques petits voyages utiles à sa santé, et qu'elle n'aille pas à la ville, et ne sorte pour parler à ceux qui la viennent voir, car cela serait contre la clôture. — Vous avez bien fait d'avoir fait imprimer ces petits Directoires : je vous prie, envoyez-nous-en encore quelques copies, cela sera fort utile.

[De la main de la Sainte.] Mon Dieu ! ma fille, que de consolation à mon âme de savoir la vôtre dans cette sainte liberté d'esprit qui ne tient plus qu'à Dieu et à son bon plaisir ! Certes aussi, tout ce qui n'est point Dieu n'est point capable d'amuser une âme noble, et qui tant soit peu a goûté Dieu et se ressente de la pureté de son divin amour ; sa Bonté vous rende de plus en plus selon son Cœur sacré et vous y unisse parfaitement. — Hélas ! certes, la pauvre Sœur N. me fait pitié en la continuation de sa frayeur de la mort et de sa tentation au changement d'habit ; et sa maison m'en fait aussi une très-grande d'avoir quitté cet agréable et tout aimable esprit que j'y ai vu autrefois. Vous ne sauriez croire combien m'est chère cette âme, et comme Dieu la tient toujours hautement élevée dans mes [496] affections et dans mon estime ; elle avait, et je crois qu'elle l'a encore, le vrai esprit de l'Évangile. Faites-la saluer de ma part, ma chère fille, avec l'assurance de cette vérité, que je suis autant sienne qu'à moi-même. Dieu soit sa joie et sa consolation ! — Notre Sœur la Supérieure de Bourges[120] m'écrit comme M. son frère la désire à Paris : je ne crois pas que cela se puisse ni se doive, au moins ne puis-je avoir ce sentiment ni cette prudence, sinon que quelque bonne et utile occasion du service de Dieu et de l'Institut l'y appelât. C'est une brave fille, encore jeune, mais qui a un bon jugement, et une grande, droite et bonne volonté. Elle voudrait tirer, de ce désir de M. son frère quelque aide pour faire une fondation ; mais, hélas ! il me semble que leurs filles [mots illisibles]. Mon Dieu ! ma fille, je ne sais quel remède mettre à ces fondations, à cause de la nécessité que l'on représente de décharger les maisons. Oh ! que cela m'affligerait si je ne regardais à Dieu ! Adieu, ma fille, tout uniquement chère. Jésus soit notre amour : en Lui je suis, mais incomparablement vôtre. L'on a peine de trouver des occasions d'écrire : maintenant la peste est à Chambéry ; tous Messieurs vos frères se portent bien, ils en sont dehors.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE MXXXV - À LA MÈRE ANNE-MARIE BOLLAIN

SUPERIEURE DES FILLES REPENTIES DE LA MAGDELAINE, À PARIS

Encouragements à poursuivre son œuvre. — Éloge de M. Guichard.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 2 septembre 1630.

Je n'en doute pas certes, ma très-bonne et chère fille, que votre cher cœur ne soit en peine de nous sur les misères que [497] vous entendez dire qui sont en la pauvre Savoie et surtout en cette ville ; mais je vous prie de le réconforter ; car maintenant, par la grâce de Dieu, elle est en bonne santé. La peste n'y a pas fait progrès, y ayant environ cinq ou six semaines qu'il n'est point arrivé d'accident. Et pour la guerre, depuis que l'armée du Roi a pris ce pays, nous jouissons d'un peu plus de paix, attendant ce qui arrivera, et ce que Dieu en ordonnera. Je crois que vous avez grand soin de faire des prières pour obtenir la paix ; car, ma très-chère fille, nous qui en jouissons avec tant de repos et de suavité, devons être grandement affectionnées à la demander continuellement à notre bon Dieu, pour le soulagement et consolation du pauvre peuple.

Je loue son infinie Bonté de la nouvelle que vous me dites que ces chères âmes, à la conduite desquelles la divine Providence vous a destinée, se vont fortifiant au bien. Mon Dieu ! ma fille, plus je considère l'honneur et la grâce que Dieu vous fait de se servir de vous si utilement à sa gloire et au salut de ces âmes-là, plus je L'aime et me réjouis de ce qu'il en tire non-seulement leur profit, mais aussi le vôtre. Persévérez avec courage, ma très-chère fille ; car j'espère avec beaucoup de confiance que Dieu, qui voit le fond de votre cœur et la sincérité et pureté de vos intentions, qui n'ont autre but que sa plus grande gloire, fera abonder ses bénédictions sur votre travail et vous en donnera la consolation, et à nos bonnes Sœurs qui sont vos coadjutrices en cette bonne œuvre, lesquelles j'exhorte aussi de tout mon cœur de travailler courageusement ; et qu'elles s'assurent que la moisson sera très-grande pour elles. Je vous estime, et elles aussi, bien heureuses, ma très-chère fille, que Dieu vous donne ces occasions de le servir et lui témoigner votre fidélité et zèle du salut des âmes ; tout cela sont des grâces bien précieuses, desquelles je m'assure que vous tirerez beaucoup de profit. Et ne doutez nullement que vous ne receviez un grand soulagement des assistances que vous fait le bon [498] M. Guichard en cette sainte besogne. Il est vraiment tout propre à cela : car c'est un ecclésiastique pieux, discret, et fort affectionné et zélé au bien des âmes. Je vous supplie de le faire saluer très-chèrement de ma part, avec le souhait que Dieu le rende un grand saint. Et je-salue aussi nos très-chères Sœurs ; mais surtout votre cher cœur, que le mien chérit plus cordialement et tendrement que vous ne sauriez croire ; aussi, certes, est-il tout vôtre.

Conforme à une copie de l'original gardé au premier monastère de la Visitation de Paris.

LETTRE MXXXVI - À SAINT VINCENT DE PAUL

Elle le remercie d'avoir fait la visite canonique au deuxième monastère de Paris.

VIVE † JÉSUS. '

[Annecy, septembre 1630]

Vous êtes toujours admirable en votre humilité, dont je reçois une très-grande et très-particulière consolation ; mais spécialement de la satisfaction que vous dites avoir reçue en la visite que vous avez faite en notre maison du faubourg. Ma Sœur la Supérieure m'écrit aussi qu'elle et toutes ses filles en ont reçu un très-grand contentement. Dieu soit béni, loué et glorifié de tout, et veuille donner à mon très-cher Père une grande couronne pour les peines et charités qu'il exerce envers nos bonnes Sœurs. Hélas ! mon très-cher Père, que vous m'êtes toujours bon ! je le connais par cette petite parcelle de larmes que vous avez jetée, voyant en gros nos dernières réponses. [499]

LETTRE MXXXVII - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX

Une Supérieure ne doit pas négliger les intérêts temporels de sa communauté. — Détails de construction.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 5 septembre [1630].

Ma très-chère fille,

J'ai reçu la vôtre du 6 août, par laquelle j'ai été grandement consolée, vous voyant un peu affranchie de vos extraordinaires incommodités, et que vos infirmités ne vous empêchent point de faire les fonctions de votre charge. J'en bénis Dieu de tout mon cœur.

Je ne vois pas, ma chère fille, que l'ordonnance de M. de Burges contrarie en rien à ce que je vous avais dit pour votre nourriture ; vous n'êtes pas une si grosse mangeuse que de manger au point de porter préjudice à votre santé, car vous n'êtes pas une fille à qui il faille une livre de pain par repas ; donc, ma chère fille, je vous prie de ne rien retrancher de votre manger, ains de suivre comme nous vous faisions faire ici ; car ce peu [d'aliment] que dit le sieur de Burges serait plus encore que cela. Pour la nuit, dormez à votre ordinaire, ce n'est pas trop : si M. de Burges savait comme vous vivez, il trouverait bien qu'il n'y aurait rien à retrancher ; mais empêchez-vous de dormir le jour. Pour vous charger de beaucoup de médicaments, ayant l'estomac faible comme vous [l'avez], je pense que cela ne vous sera pas tant utile. Néanmoins, pour quelques petites choses que vous ordonnera M. votre apothicaire selon qu'il le jugera nécessaire vous ferez bien de les prendre, quoique je craigne toujours un peu ceux qui vendent les drogues, parce qu'ils veulent trop gagner. Il faut que pour ce dernier point des médicaments vous [500] vous y comportiez à votre discrétion, selon que vous verrez que vous en aurez nécessité ; et quant aux jeûnes, vous pourrez jeûner les [veilles des] grandissimes fêtes de l'année, et le vendredi du Carême, prenant une bonne panade le soir avec quelque collation de fruits et [boire] toujours quelque chose entre les repas, ainsi que nous vous faisions faire ici.

Quant aux dots de ces bonnes demoiselles, il me semble que vous ferez bien de seconder un peu les intentions de madame de Saint-Julien pour cela : huit cents écus de dot ne sont pas de trop pour des personnes telles que celles-là. J'aimerais mieux céder quelque chose pour ce qui serait des meubles ; car, ma très-chère fille, il faut un grand soin, et je vous conseille et vous prie d'y prendre garde, de ne pas charger les maisons de filles, surtout en ces petites villes, si elles ne portent non-seulement pour leur entretien, mais pour aider un peu à accommoder la maison ; car le général s'affaiblit grandement lorsque le temporel manque, et je le sais par expérience. Ce n'est pas pourtant que, pour cent ou cinquante écus, je voulusse éconduire une fille qui aurait l'esprit propre pour notre manière de vie ; ceci est un autre point auquel les Supérieures doivent apporter une grande attention, et je vous prie de le faire, ma très-chère fille, afin de n'admettre point des esprits parmi nous qui n'aient les conditions nécessaires pour s'y accommoder. Ceci est un des plus grands biens que les Supérieures puissent faire pour les maisons.

Pour votre visite, vous n'avez pas bien fait d'en écrire à Mgr votre archevêque, puisque vous aviez là M. votre Père spirituel ; mais, puisque vous l'y avez invité, il faut que vous patientiez, et je m'assure qu'il demeurera content et satisfait de votre maison, et que vous en recevrez de l'édification et consolation ; car c'est un très-digne prélat. — Ce m'est une extrême consolation de voir le dessein que vous avez de faire bâtir un dortoir sur votre église, afin de vous mettre un peu au large ; car il est [501] vrai que quand l'on est si resserré, cela cause bien des incommodités aux filles. Je serais bien aise de savoir si l'église et le dortoir que vous faites faire dessus demeureront pour toujours. Quand vous ferez bâtir votre monastère, puisque ce n'est que pour le mois de *** que vous prétendez d'y faire travailler, si nous pouvons, nous vous aiderons de cent écus ; mais, ma chère fille, il me semble que si vous y pouviez faire travailler cet automne, ce serait un grand bien ; car vous vous y pourriez remuer au printemps. Donnez-nous avis de ce que vous ferez, car si nous ne pouvons recouvrer de l'argent, nous en emprunterons plutôt pour vous aider.

Je suis consolée de voir les continuelles assistances que vous fait et promet de faire madame la présidente ; certes, j'ai le cœur touché de voir la charité de laquelle elle est remplie pour le bien de votre maison. Saluez-la très-humblement de notre part, et lui faites savoir les sentiments de mon cœur pour ce regard, l'assurant que nous n'en demeurerons point ingrates devant Notre-Seigneur, et qu'elle en aura encore une double récompense par le contentement que, j'espère, elle recevra de votre maison. Je salue aussi madame de Saint-Julien et madame de Mépieu, et leur souhaite à toutes un saint accroissement en l'amour sacré de notre doux Sauveur. — Ma très-chère fille, je vous chéris avec une affection si entière qu'il ne s'y peut rien ajouter. Seriez Dieu généreusement ; sa Bonté vous remplisse de soi-même, et toutes nos Sœurs, que je salue avec vous !

Dieu soit béni !

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [502]

LETTRE MXXXVIII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Impossibilité de recevoir sa nièce au monastère d'Annecy ; désir de la voir entrer à celui de Bellecour. — Difficultés des Sœurs d'Avignon. — Éloge de Sœur A. F. de Clermont-Mont-Saint-Jean.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 5 septembre [1630].

Ma très-chère fille,

Vous ne devez nullement douter, sachant ce que mon cœur est pour le vôtre, que tout ce qui vous appartient ne nous soit fort cher et que nous ne le servions toujours, autant que Dieu nous en donnera le pouvoir. Je le voudrais certes autant que vous, ma chère fille, que nous puissions retirer auprès de nous votre chère petite seconde nièce ; mais cette maison étant chargée de cinquante filles, sans celles qui en sont dehors pour y revenir, et ne voyant que quelques faibles et incertaines espérances de la pouvoir décharger, par le moyen de quelques fondations, il ne nous est pas possible de la recevoir. Mais, puisque l'on est si constamment résolu de vous garder à Lyon, il me semble que vous avez assez rendu de services à cette maison-là, et y avez été assez utile pour faire la charité à cette petite créature de l'y recevoir. Et je crois que si ma Sœur la Supérieure savait ceci, comme je désire qu'elle le sache, qu'elle s'offrirait de bon cœur à la recevoir ; et de vrai, si elle a la vocation religieuse et qu'elle persévère, il faut qu'elle lui procure cette charité, car vous avez plusieurs fondations en main et votre maison bâtie et accommodée. Il ne vous coûtera guère de faire ce bien-là à cette pauvre petite, laquelle ne pouvant pas retirer auprès de moi (ce que pourtant je ferais de tout mon cœur), je désire qu'au moins elle soit auprès de vous.

Vous verrez ce que j'écris à ma Sœur la Supérieure [503] d'Avignon et à M. leur confesseur. Ce n'est pas une chose nouvelle que cette Bulle qu'elle nous a envoyée : l'on ne demande rien d'elle en cela de plus que ce que l'on demande de toutes les autres maisons religieuses de ce pays-là ; c'est pourquoi il faut qu'elle ait un peu de patience et qu'elle attende que le Père dom Juste aille à Rome, que l'on s'essayera d'obtenir un peu de modération sur la rigueur de cette Bulle. Nous voulons quelquefois tant pénétrer les affaires que nous les gâtons. II faut que vous mandiez à ma Sœur la Supérieure qu'elle suive un peu le train de sa devancière, et qu'il ne faut rien remuer en ceci jusqu'à ce que l'on aille à Rome, afin de ne rien hâter en cette affaire.

Quant à la traduction italienne, nous tâcherons de la faire raccommoder ; mais ceux qui m'en ont fait lecture ne m'ont jamais lu que nous suivrions nos rangs de profession partout. Pour ce qui est que les Constitutions ne sont pas toutes traduites, il ne s'en faut pas mettre en peine ; car même feu Mgr le cardinal [de Marquemont] votre archevêque jugea qu'il suffisait de faire seulement traduire les points principaux, crainte d'ennuyer Messeigneurs les cardinaux par une si longue lecture ; mais cela n'empêche pas qu'on ne doive observer ce qui n'a pas été traduit aussi bien que ce qui l'est.

Hélas ! ma chère fille, certes je ne fais rien en toute ma journée qui vous puisse donner édification : au moins si vous voyiez l'imperfection avec laquelle je fais toutes mes actions ; je ne cesse jamais de travailler, comme les mouches ne cessent de se mouvoir ; mais tout cela assez inutilement. Dieu, par sa bonté, veuille toutefois tout prendre à soi, car c'est mon désir, et qu'il profite aux âmes pour lesquelles je suis si continuellement occupée. — Je donne toute licence à notre Sœur Anne-Françoise [de Clermont-Mont-Saint-Jean] de vous écrire : c'est une petite âme pure, sincère et de bon jugement ; elle me soulage plus que je ne saurais dire, en cette multitude de lettres qu'il me faut continuellement écrire ; car je les lui dicte tout d'une suite, [504] puis elle les va écrire quasi mot à mot comme je les lui dis. Nous en avons encore une autre qui fait tantôt aussi bien qu'elle sans cela je ne pourrais satisfaire ; elle me soulage encore à voir les lettres qui partent de céans, car je n'ai nullement le loisir de le faire. Quand elle y trouve quelque chose qui n'y va pas bien, elle me le dit et je le lui fais raccommoder, ou à celles qui les ont écrites, qui pensent que c'est moi qui les vois ; bien qu'elles sont si bonnes que, pour le désir de mon soulagement, elles l'agréeraient.

Mon Dieu, ma fille, que de bénédictions Dieu répand sur cette famille ! certes, si je ne me trompe fort, elle est bien au gré de notre Bienheureux Père. Il ne se peut rien voir de plus amiable, avec une sainte gravité et modestie provenant de dévotion : le Père Suffren [Jésuite] le remarqua. Adieu, je ne voulais pas tant écrire. Vous savez ce que je vous suis. Faites fort prier pour nos pauvres Sœurs de Chambéry, la peste est à la ville.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MXXXIX - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

À RIOM

Il ne faut pas multiplier les nouvelles fondations. — Pauvreté générale des monastères. — Ne pas réclamer trop souvent des confesseurs extraordinaires. — Importance de l'éducation des novices. — Affaires diverses.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 18 septembre [1630].

Ma très-chère fille,

Je vous suis redevable de deux lettres, car je viens de recevoir la vôtre du 26 août. Il faut que je vous parle selon le sentiment de mon cœur ; certes, je crois que c'est par une grande permission de Dieu que Mgr l'archevêque de Bourges est si ferme à ne vous vouloir point donner la permission de vous [505] établir à La Châtre ; car, ma très-chère fille, si bien c'eût été un grand soulagement pour le présent à votre maison de Riom de se décharger par le moyen de cette fondation, considérez aussi que ce lui eût été une nouvelle charge d'aider à entretenir les Sœurs qui y seraient allées, puisque le lieu est si petit, et qu'il y a si peu de fondement, qu'il eût bien fallu que votre maison y eût beaucoup contribué. Mais enfin, si elle a besoin de se décharger maintenant, dans un an ou deux la fondation qu'elle ferait aurait le même besoin, et ainsi nous ferons prou de fondations, mais sans fondement, au moins plusieurs, si Dieu n'y pourvoit ; et pour vous tout dire, ma chère fille, j'appréhende grandement de nous voir tant multipliées et en de si petits lieux. Nous sommes peut-être sur le point de voir revenir un de ces jours des filles que l'on a envoyées en fondation en ces petites villes, où elles ne peuvent avoir de quoi s'entretenir ; et nous savons par expérience combien ces fondations-là sont à charge aux maisons qui les ont faites, et le soin et inquiétude que cela donne. C'est pourquoi vous vous devez consoler, et encourager nos Sœurs à si bien servir Dieu qu'il leur donne du pain ; et cependant, ménagez le peu que vous avez, le mieux qu'il vous sera possible, ne faisant point de dépense qui ne soit bien absolument nécessaire.

Vous verrez par la suite de cette affaire que ce n'est point nos Sœurs de Bourges qui sont cause que Mgr leur prélat ne vous a pas voulu accorder la permission pour cet établissement, car elles n'ont nulle prétention d'y aller fonder : le lieu est trop chétif. Et quant à ce que votre monastère doit céans, certes, ma fille, en l'état que vous me dépeignez que sont vos affaires, je n'aurais pas le cœur de réclamer maintenant cette somme. Je ne vois pas que vous puissiez recevoir grande assistance pour emprunter de l'argent de point de nos monastères, car je sais l'état de tous ; mais chacun a sa petite nécessité dans cette saison. Nos Sœurs de Lyon, qui sont les plus riches, se plaignent [506] néanmoins, à cause de l'excessive cherté des provisions dont elles ont besoin : les monastères de Paris ne sont ni bâtis ni rentés. Ceux de ce pays sont fort surchargés, car le monastère de Chambéry a fait de grandes pertes cette année par la guerre, et maintenant la peste est fort furieuse en cette ville-là, dont une Sœur tourière en est morte ; mais il n'y avait pas encore de mal dans le monastère grâce à Dieu ; nous en eûmes hier des nouvelles.[121] Je suis en peine de cette maison-là sur toutes ces choses ; mais je m'en repose en Dieu et aux soins de leur bonne Mère, comme je fais aussi des nécessités de votre maison sur vous et sur celle qui en a le soin ; car enfin, ma très-chère fille, voici mon passe-port, qui est que si nous cherchons premièrement le royaume de Dieu et sa justice, le reste nous sera donné. Je ne laisse pas cependant d'avoir grande compassion de votre pays et de votre pauvreté, et je vous assure que si nous avions le moyen de vous aider, nous le ferions de tout notre cœur ; mais certes, ma fille, outre la peine que nous avons d'être payées de ceux qui nous doivent, ce monastère a de si grandes charges, que c'est merveille comme il peut fournir à tout. Il faut que je vous dise ce mot avant de finir de parler de votre pauvreté, selon notre confiance à traiter ensemble ; c'est que je trouve que vous surchargez un peu bien votre maison, en [507] ce commencement, de filles pauvres. Cela vous lèvera quasi le moyen de pouvoir passer outre ; mais néanmoins Dieu est pardessus tout.

Pour ce que vous me dites de ces fréquentes confessions extraordinaires que nos Sœurs de votre monastère demandent, certes je m'étonne de cela, puisqu'elles ont un confesseur si capable, une si bonne Mère, et qu'elles vous ont dans la maison. Ces petites démangeaisons d'esprit ne procèdent que de l'imperfection de celles qui les demandent et ne servent qu'à décréditer une maison religieuse ; c'est pourquoi il ne faut pas permettre cela, bien qu'aussi il ne les faut pas gêner ; mais quand elles le demanderont, il faut avoir choisi un confesseur sage et qui soit fidèle, auquel vous ayez confiance pour cela, et puis ne le point changer. Croiriez-vous que les cinq et six années se passeront en ce monastère, qu'il ne s'y demandera pas deux fois un confesseur extraordinaire par pas une des Sœurs ? et encore est-ce pour des choses que la Mère sait, et cela est marque d'une vraie vertu, comme aussi le contraire est une vraie marque d'imperfection. C'est pourquoi il ne faut point tant laisser parler ces immortifiées : elles peuvent parler de temps en temps à M. l'official ; cela ne leur suffit-il pas bien avec ce qu'elles ont au dedans ?

Au surplus, ma très-chère fille, la chère et parfaite amitié que vous avez pour votre vieille Mère vous a fait appréhender son mal plus grand et dangereux qu'il n'a été en effet ; car, grâce à Dieu, je me porte autant bien maintenant que j'aie fait il y a longtemps. Demeurez-en donc en plein repos, car je vous assure de cela ; mais une autre fois ne vous laissez pas tant aller à la douleur. Cette incommodité que j'ai eue m'a laissée plus saine, ce me semble, en sorte que je n'ai peur sinon de vivre trop longtemps ; mais, en tout, la sainte volonté de Dieu soit faite ! — Si le bon M. Amhélion fût venu ici, croyez que nous l'eussions bien [reçu], car c'est un personnage que [508] j'honore et estime pour les bonnes qualités que Dieu lui a données, toutes propres pour la charge qu'il exerce ; car c'est un vrai bon confesseur. Vous êtes heureuses de l'avoir ; mais certes je suis été bien aise que vous n'ayez pas fait cette dépense de l'envoyer ici ; car il n'en faut pas faire de telle qu'en des occasions d'absolue nécessité.

Pour ce que vous me dites de l'instruction des novices, puisque le nombre n'est pas grand, et qu'elles sont déjà assez bien dressées, je crois que vous feriez une grande charité d'en prendre le soin, pour ce qui est de la conduite de l'esprit seulement ; et les faire instruire, pour ce qui est de l'extérieur, par une autre Sœur, afin que cela ne vous occupe pas tant ; car il est important de les bien former en ce commencement, surtout en l'humilité et mortification d'elles-mêmes, parce que du défaut de cela procède tout notre plus grand mal. —Ma toute très-chère fille, la Mère et notre Sœur F. C. m'ont écrit que si nous vous retirons, elles jugeraient à propos que vous fussiez accompagnée de la Mère ou de notre Sœur Marie-Séraphine. Certes, ma fille, si je ne regardais que l'extrême affection que Dieu m'a donnée pour vous, et à vous pour moi, il ne faut rien douter que nous ne le fissions de tout notre cœur ; mais quand je considère l'état spirituel et temporel de votre maison, ma conscience ne me peut permettre de préférer notre commune consolation à son bien ; car que deviendrait tout cela ? Je pense que pour ce sujet encore Notre-Seigneur n'a pas voulu cette fondation. — Pour notre Sœur M. -Séraphine, certes de tout mon cœur nous la prendrions si notre nombre n'était si grand. Nous sommes quarante-six, et ne pouvons éviter de croître de six, tant de nos Sœurs que nous avons prêtées, que des filles que nous retardons il y a un et deux ans, appartenant à des personnes comme à Monseigneur, au Père spirituel, au président de cette ville. Cela me violente, car ce grand nombre surcharge excessivement le spirituel et le temporel, et nous fait passer le [509] nombre de quarante-cinq, que notre Bienheureux Père m'avait dit ; mais je ne sais que faire à cela. Ma pauvre Sœur la Supérieure de Chambéry ne pouvait refuser ; car, de moi, je n'en ai reçu pas une dès que la charge m'est remise, et si je puis je retarderai encore.

On parlait de nous établir à Montpellier ; mais je n'en entends plus rien. Que si cela se fait, nous prendrons cette chère Sœur M. -Séraphine ; mais en attendant, ma très-chère fille, il faudrait obtenir de M. l'official et de notre Sœur la Supérieure de Montferrand qu'ils la retirassent là. Or toutefois, à cause des conséquences dangereuses et importantes qui se peuvent tirer de tels changements de lieux, je ne suis nullement de sentiment que l'on fasse cela, qu'après avoir employé tous les moyens possibles pour la réduire à vivre doucement en son devoir, à quoi votre douceur pourra beaucoup contribuer. Elle m'écrit sa conduite envers la Mère, mais assez différente de ce que vous m'en dites. Elle me note deux choses à quoi il faut remédier, si elles sont : c'est que la Mère se méfie d'elle, et que vous, en qui elle pensait trouver soulagement, ne prenez pas ce qu'elle vous dit dans le sens de son intention, et que vous lui avez dit certaines paroles fort pénétrantes, qu'elle me dit qui lui ont séché le cœur. Je lui réponds selon ce que Dieu m'a donné, ce me semble ; elle me promet de le faire. Je crois, ma très-chère fille, qu'il se faut mettre un peu au large avec elle, et la traiter avec franchise, amour et confiance, selon que vous jugerez, et beaucoup dissimuler de ses petites actions : car la plupart des maux de cette vie se guérissent par là. J'écris à perte d'haleine pour ne perdre cette occasion. — Je prie Dieu vous confirmer et affermir en l'amour de sa sainte volonté. Croyez, car il est vrai, que je suis entièrement vôtre.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [510]

LETTRE MXL - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS

Fondation de Rouen. — Il est difficile de bien gouverner une communauté trop nombreuse. — Miracle opéré par l'intercession de saint François de Sales. — Lettre à la duchesse de Nemours.

VIVE † JÉSUS!

Annecy, 22 septembre 1630.

Ma très-bonne et chère fille,

Il est plus à craindre que vous ne receviez pas toutes nos lettres, que nous toutes les vôtres ; car je vous écris fort souvent, et n'en perds quasi point d'occasion. J'ai bien répondu à toutes vos lettres : je crois que vous aurez reçu le paquet que nous vous avons envoyé, il y a environ quinze jours.

Pour l'emploi de notre Sœur [Anne-Marguerite Guérin] à Rouen, ma très-chère fille, ce qui est nécessaire ne peut être empêché. Je ne plains en cela que vous, ma chère fille, parce que cette chère Sœur vous pouvait grandement soulager dans la multiplicité d'affaires que vous avez, et des commissions de nos monastères dont je sais que vous êtes surchargée, mais quel remède ? car il faut que cela soit ; c'est mon inclination, et je désire qu'ils aient ainsi recours à vous, afin qu'ils connaissent votre franchise à les assister. Mais il faut que vous dressiez deux Sœurs pour votre soulagement, qui soient employées à poursuivre l'exécution des commissions que l'on vous donne et à faire vos réponses ; et ceci je vous prie pour l'amour de Dieu, ma chère fille, de le faire, car vous avez d'assez bons esprits auprès de vous qui pourront facilement être dressés à cela. Il me semble que, puisque vous donnez la Supérieure pour Rouen,[122] vous devriez faire cette fondation par ensemble, la [511] maison de la ville et la vôtre, afin de vous décharger un peu ; car je ne croyais pas votre nombre si grand que vous me dites ; ou au moins que vous donnassiez une Sœur pour compagne à ma Sœur A. -Marguerite, et ainsi ce serait toujours faire place à deux dans votre maison, puisque vous avez tant de filles qui se présentent.

De vrai oui, ma chère fille, que le nombre de vos Sœurs est assez grand de quarante, et vous avez raison d'appréhender toujours un peu les grosses communautés ; car pour bonnes que soient les filles, elles ont toujours besoin qu'on en ait du soin. Néanmoins, je vous assure que je ne suis point surchargée de notre communauté qui est de quarante-six, sans cinq ou six de nos Sœurs qui reviendront peut-être bientôt ; mais c'est que, comme la vôtre, elle est d'extrêmement facile conduite, et me semble que nos Sœurs s'avancent fort. Nous en avons de très-bonnes pour employer en fondations, ce qui me ferait volontiers désirer d'en faire quelqu'une pour décharger un peu cette maison, et faire place à tout plein qui se présentent et que nous retardons il y a si longtemps, que nous ne savons plus comment nous excuser de les recevoir, parce qu'elles appartiennent à des personnes de grande considération, comme la nièce de Mgr, du Père spirituel, des filles de président et votre petite nièce et semblables ; outre tant d'autres qui demandent avec tant [512] d'instances la grâce d'être admises en cette sainte vocation que, de vrai, si je ne regardais à Dieu parmi tout cela, je pense que je crierais holà, sous la pesanteur de la charge ; mais j'espère que sa bonté pourvoira à tout. — Au reste, je vous prie, ma très-chère fille, ne soyez point en peine de ma santé ; car je me porte du tout bien, et me semble que cette incommodité que j'ai eue m'a laissée plus saine, en sorte que je chante l'Office comme les autres, et si ce n'était cette défluxion qui me donne parfois un peu de sciatique, il me semblerait n'avoir que vingt-cinq ans, tant je me sens vigoureuse, grâce à Notre-Seigneur !

J'écris encore à la bonne madame de Nemours ; j'ai bien envie qu'elle nous fasse notre affaire ; si vous pouviez faire qu'elle vous allât voir et que vous la priassiez de nous accorder ce que nous désirons, qui n'est pas grand'chose (car, pour vous dire la vérité, j'appréhende toujours un peu ces conseils de prince, quand nous n'y avons pas quelqu'un d'affidé) : tout ce que nous lui demandons n'est autre, sinon la soufferte [l'autorisation] pour pouvoir céder rière leurs fiefs et arrière-fiefs jusqu'à trois cents écus ; car pour ce qui est des droits, nous les voulons bien payer. Il me fâche bien de vous donner cette commission ; mais pourquoi êtes-vous là et ma très-chère grande fille ? Cette affaire nous accommodera bien, si elle peut réussir ; il en arrivera ce qu'il plaira à Dieu, car en tout sa sainte volonté soit faite.

J'ai été bien aise de voir le sentiment de notre bon archevêque [de Bourges] touchant l'établissement d'une de nos maisons à Nantua. Il ne trouve pas que ce lieu soit convenable pour nous, et cela est bien fort selon mon goût, car j'appréhende toujours un peu de nous voir tant faire de fondations, au moins en ces petites villes. — Certes, ma très-chère fille, c'est un trait de la Providence de Dieu que ce jeune prince ait reçu la santé par les intercessions de notre Bienheureux Père ; car cela, étant à la vue de toute la cour, fera un grand éclat. Mais ce qui me [513] console le plus, c'est à cause de la présence de Mgr le cardinal-nonce qui est à Lyon. C'est bien la vérité que la dévotion à ce Bienheureux se répand par toute l'Église de Dieu universellement ; et l'estime que l'on fait de nous, nous la devons voir sortir de lui comme de sa source, afin d'en rendre toute la gloire à Dieu, et qu'elle soit à l'honneur de notre Bienheureux Père. Je suis bien aise que nos Sœurs de votre maison lui soient bien dévotes ; il s'est reçu ici quelques grâces depuis peu de temps, assez signalées.

Messieurs vos frères se portent tous bien, au moins comme je pense ; car il n'y a pas longtemps que nous en avons eu des nouvelles assurées. Les deux qui étaient à Chambéry en sont sortis, dès le commencement que la peste y fut découverte. Nos bonnes Sœurs de là ont perdu leur Sœur tourière qui est morte de cette maladie, qui y est furieuse, à ce que l'on dit ; tout se portait bien dans le monastère, Dieu merci ; il faut grandement prier pour elles.

J'écris à madame de Nemours ; mais je ne lui dis pas que nous désirons ces trois cents écus de rente. Vous le lui ferez savoir, avec cette assurance que je ne crois pas néanmoins que jamais nous ayons dans ses fiefs plus de six ou sept cents livres ; mais c'est afin qu'ayant pouvoir de plus tenir que nous n'en aurons de fort, l'on ne vienne point à nous inquiéter ; car vous savez, ma fille, qu'il n'y a que trop de gens à rechercher telles pratiques, et je désire qu'ils n'aient point prise sur nous. — J'aurais d'autres choses à vous dire, mais je n'ai loisir. Nous allons commencer nos solitudes de chacune dix jours. Certes, j'ai grand sujet de louer Dieu en la bonté de nos Sœurs, toutes s'avancent, ce me semble. — Monseigneur est toujours à Sales ; nous envoyons sa mitre à Lyon, qu'il vous a destinée. O ma fille, vous m'êtes précieuse plus que je ne puis dire ! Dieu vous rende de plus en plus toute selon son Cœur, et qu'il soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [514]

LETTRE MXLI - À MADAME LA DUCHESSE DE NEMOURS

Espérance de recevoir bientôt la visite de Son Altesse.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 22 septembre 1630.]

Madame,

J'ai tant de confiance en la débonnaireté de Votre Grandeur, que je ne crains point qu'elle s'importune de mes fréquentes lettres : celle-ci n'a d'autre but que de vous faire très-humble révérence, Madame, et vous offrir, avec tous vos sujets et fidèles serviteurs, nos désirs et continuels souhaits de voir Votre Grandeur en ce pays, pour notre bonheur et la conservation de ses biens et autorité. L'on prend quelque bonne espérance de recevoir cette bénédiction sur les occasions et nécessités présentes ; si c'est votre contentement, Madame, nous supplions notre bon Dieu de ce vous inspirer fortement et de vous donner toute facilité et consolation de ce voyage. Mon Dieu ! notre très-honorée et très-chère Dame, quel honneur et quelle allégresse serait-ce à vos pauvres petites et très-humbles filles et servantes, de se voir visitées de leur très-digne fondatrice, protectrice et vraie mère ! Certes, cela ne se peut exprimer, et cette grâce nous serait si précieuse, que nous voudrions nous confondre devant Dieu en l'en remerciant. Je supplie son infinie Bonté de conduire les desseins de Votre Grandeur, et la remplir et tout ce qu'elle chérit de ses plus riches grâces. Je demeure en tout respect votre très-humble et très-obéissante et très-obligée servante et fille indigne.

[P. S.] Nous regrettons tous ici le départ de M. Deshayes, parce qu'il est très-particulièrement serviteur de Monseigneur et de vous, Madame, et qu'il faisait tenir un très-bon ordre pour [515] empêcher que la maladie contagieuse ne fit progrès, et détournait les... des gens de guerre, et à quoi il sera besoin que Votre Grandeur prévoie.

Conforme à une copie de l'original gardé à Paris, Archives nationales, fonds français n° 3397.

LETTRE MXLII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Maintenir la fondation de Paray et construire le monastère. — Humble sentiment de la Sainte au sujet de ses Réponses. —Comment recevoir les prédicateurs. — La dépensière doit distribuer largement ce qui est de son emploi. — Avis aux Supérieures,

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 22 septembre [1630].

Je ne manquerais pas de raisons en mon esprit, ma très-chère fille, pour soutenir que nos maisons qui sont en des aussi petites villes que Paray sont mieux que ne peut être celle-là à cause que si bien le lieu où elles sont est petit, elles sont néanmoins proches des grandes villes, de qui elles sont appuyées, et dont elles peuvent recevoir le secours pour le spirituel et pour le temporel dont elles ont besoin. Mais laissons cela à part, car il me semble vous en avoir déjà assez écrit mon sentiment qui est que maintenant, puisque nos Sœurs ont déjà quelque accommodement à Paray, et qu'elles s'y trouvent bien si c'était à moi à faire, je ne les en retirerais nullement, pourvu qu'il y ait moyen de leur y faire un honnête bâtiment, selon la petitesse du lieu. La vérité est qu'au commencement, avant qu'elles fussent si fort engagées en ce lieu-là, par l'achat de tant de logement et la réception de plusieurs filles si c'eût été à moi à faire, je les en aurais retirées, voyant que nos Sœurs ne pouvaient goûter d'y demeurer ; mais maintenant que les choses ont changé, et qu'elles disent qu'elles y [516] sont bien, je ne trouve pas qu'il fût à propos de les transférer ailleurs, moyennant, comme je vous ai dit, que l'on voie qu'elles s'y puissent accommoder honnêtement ; et voilà, ma chère fille, ce que je vous en ai déjà écrit, ce me semble.

Je ne suis pas hors d'étonnement de voir que, par nos maisons, à ce que l'on m'écrit, nos Sœurs trouvent si belles nos Réponses ; car pour moi, j'ai un si grand dégoût de cette multiplicité de paroles et d'avis que j'y donne, que je voudrais ôter tout cela, et me contenter de répondre simplement aux demandes que l'on me fait pour l'éclaircissement des choses de l'Institut, et non donner tant d'avis comme je fais ; car il me semble qu'il ne m'appartient pas de les donner, et que ce n'est pas mon affaire ; mais, je vous prie, considérez cela et m'en dites votre sentiment. — Et pour ce qui est des prédicateurs, faites-m'en la demande, et j'y répondrai. À la vérité, dans les grandes villes où ils viennent de loin, il faut bien qu'ils aient quelque lieu pour se reposer ; mais il me semble que la chambre du confesseur peut servir à cela. Néanmoins, c'est la coutume maintenant quasi par toute la France, de leur préparer un lieu particulier ; mais j'ai une grande aversion à cela, comme aussi à ces collations qu'il leur faut faire. De leur donner un peu de fruit cuit ou cru, quand c'est la saison, bon cela, et de leur donner des marrons quand c'en est le temps. Mais de leur donner des confitures et de les y accoutumer, c'est ce qu'il me fâche que nous fassions. — Pour ce que j'ai dit qu'il ne faut pas mesurer le beurre, c'est parce qu'en quelqu'une de nos maisons, il y avait des Sœurs dépensières qui le distribuaient comme par morceaux aux Sœurs domestiques, et leur disaient : Voilà pour le pot et cela pour les épinards, et cela pour une telle sauce, et ainsi des autres choses. Je ne trouvais pas que cela fût bien ; mais de le peser, c'est une autre chose ; on le peut bien, cela.

Il est vrai, ma très-chère fille, qu'il faut que les Supérieures soient bien faites selon l'esprit de la Visitation, pour leur tout [517] dire, il me semble que je l'ai dit. Mais néanmoins, pour moi, je voudrais toujours observer ma Règle, quelles qu'elles fussent, et je crois que celles qui le feront ainsi. Dieu leur en donnera bénédiction. Non certes, ma très-chère fille, les Supérieures ne doivent pas tant examiner leurs filles sur ce qui est de la chasteté ; et de leur vie passée, elles ne s'en doivent pas enquérir, il me semble que je l'ai dit assez ; mais, ma fille, notre Bienheureux Père disait que ses paroles ne faisaient pas des miracles, et beaucoup moins les miennes en feraient-elles. — Les Supérieures ont si grande peur que leurs Sœurs sachent ce qu'elles doivent faire, qu'il a fallu que je leur aie dit quelque chose en particulier.

Vous voyez bien par cette lettre mal faite et pleine de répétitions la hâte que l'on nous donne ; mais enfin je veux dire que, si l'on peut avoir place [à Paray] pour bâtir le monastère comme il faut, et avoir des jardinages suffisants et nécessaires à la récréation et santé des filles, il ne faut plus penser à les ôter de là, et certes je l'ai déjà tant écrit qu'il devrait suffire ; mais, croyez-moi, ma fille, ne faisons plus dorénavant d'établissements dans les petits lieux où l'on n'ait pas ce que le Coutumier marque. Pour moi, j'en suis si dégoûtée que j'en ai déjà diverti deux, et jamais je ne les conseillerai, sinon qu'il y eût des fondateurs si puissants, qu'à force d'argent l'on pût avoir ce qu'il faut.

À Dieu, à Dieu soyons-nous ! Amen /

Je remercie aussi le bon M. Cœursilly de tout mon cœur de ses livres ; mais je ne me soucie pas beaucoup d'en avoir de nouveaux, car j'aime bien me tenir à l'ancienne doctrine de notre Bienheureux Père.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MXLIII (Inédite) - À LA SŒUR FRANÇOISE-MARGUERITE FAVROT[123]

À LYON

Prière de passer à Bourg en revenant à Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 11 octobre [1630].

Ma très-chère fille,

J'ai reçu une de vos lettres datée de septembre ; mais j'en ai reçu auparavant de plus fraîches dates, auxquelles j'ai répondu, et vous ai priée de prendre votre passage en venant ici par notre monastère de Bourg, afin que vous vissiez l'état de cette maison et en quoi nous pourrons soulager et servir nos chères Sœurs de là ; et quand vous l'aurez reconnu, que vous nous envoyassiez un homme pour nous faire savoir tout ce que vous penserez être nécessaire que nous sachions pour aider cette maison-là, et ce que vous jugerez que nous devons faire pour cela. Nous vous avions aussi priée de nous mander, par ce même homme que vous enverrez, si madame la présidente de Bourg pourra prêter sa litière ou des montures pour vous faire conduire jusqu'à Crémieux ou à Belley, afin que si vous ne la pouvez avoir, nous vous envoyions d'ici M. Michel [Favre] pour vous aller prendre à Bourg ; car, d'ici là, il n'y a point de danger de la peste, d'autant que vous ne passerez par aucun lieu infect. Grâce à Dieu, il n'y a point de danger aussi en cette [519] ville ; car elle est nette, bien que de temps en temps il arrive toujours quelque petit accident, comme de mois à mois ou de quinze en quinze jours ; mais cela se prend par des personnes qui l'apportent, et toujours depuis le passage du Roi il est ainsi arrivé des accidents, qui ne font pas progrès, Dieu merci ; de façon que vous pouvez venir sans rien craindre, avec l'aide de Notre-Seigneur. Je crois que le plus tôt que vous pourrez nous envoyer ce messager, pour nous avertir de ce que vous jugerez qu'il faudra faire,, sera le meilleur, afin de gagner du temps avant que le froid vienne.

Voilà ce que je désire, si le bon plaisir de Dieu s'y trouve ; mais nonobstant mon affection de vous avoir ici promptement, si vous jugez qu'il soit expédient que vous arrêtiez là quelques mois ou semaines, pour la gloire de Dieu, je renoncerai à mon inclination ; mais ce n'est toutefois nullement notre intention de vous y laisser Supérieure, en cas que la Mère [Claude-Agnès Daloz] soit morte, ou tellement infirme que l'on soit contrainte de la décharger. En ce cas vous choisirez ici celle qui leur serait plus propre, ou bien nous la vous enverrions en vous faisant revenir, car nous avons de bonnes Sœurs ; je remets tout à votre conduite et suis de tout cœur tout à fait vôtre.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [520]

LETTRE MXLIV - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Sollicitude pour Sœur F. M. Favrot, malade à Lyon.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 16 octobre [1630].

Ma très-chère petite,

Nous avons su que ma pauvre Sœur [F. -Marg. Favrot] se rendait fort traînante et malsaine ; je vous supplie qu'avec tout le soin et discrétion qu'il vous sera possible, vous la soulagiez et fassiez soulager. Je la prie et conjure de vous croire en cela ; mais aussi soyez discrète, afin qu'elle le fasse plus librement et joyeusement. Nous n'avons de loisir que pour ce mot.

J'embrasse et vous et vos chères novices de tout mon cœur, et prie Dieu qu'il les bénisse toutes, et vous fasse humblement cheminer en sa présence, sans regarder, ni vouloir voir votre chemin, ains Lui seul nous suffit.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MXLV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS

Requête au duc de Nemours. —Guérisons signalées obtenues au monastère d'Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 20 octobre [1630].

Je ne voulais point vous écrire, ma toute chère fille, que je n'eusse reçu de vos nouvelles ; mais les voyant retardées [521] extraordinairement, je ne me puis contenir en cette occasion, qui est assurée. Or, je pense que ce qui est la cause de ce retardement, c'est le refus que le conseil de Mgr de Nemours a fait de notre demande, et que vous ne vous rendez pas pour ce rebut premier, ains que vous faites faire des poursuites au double pour emporter de la piété de ce bon prince, ce que la prudence de son conseil a fait refuser. Dans cette pensée, j'ai cru devoir écrire cette lettre à M. de Nemours : je l'ai laissée ouverte, afin que vous jugiez ce que vous trouverez bon d'en faire, de la lui donner ou la retenir. Pour moi, je ne puis que bien espérer d'une si juste et si modérée requête, qui déjà a été accordée, et qui est de si petite conséquence, que, selon ce que nous avons traité avec des personnes séculières, ès fiefs desquels nous avons une grande partie de ce que nous tenons, ce que nous donnera Mgr de Nemours, en la soufferte de nous laisser jouir de ce qui est dans son fief, ne peut valoir de vingt ans en vingt ans qu'environ quatre ou cinq cents florins. Voudrait-il bien exiger cela d'une pauvre maison religieuse ? car cela est le plus pour lui. Mais le pire pour nous est que cela ouvrira l'appétit à quelque affamé, qui l'ira demander pour nous faire mille troubles et inquiétudes. Si vous ne pouvez obtenir ce que nous désirons, au moins qu'il nous fasse jouir du don qu'il nous avait [fait] de pouvoir posséder jusqu'à six cents livres de rente. Certes, jusqu'à ce qu'il nous ait accordé cela, il n'aura qu'importunité de nous.

Au surplus, ma très-chère fille, j'attends bien amplement de vos nouvelles ; les nôtres sont bonnes, grâce à Dieu. Monseigneur se porte bien ; il est à Sales. — Il s'est fait deux guérisons signalées en ce monastère : l'une d'un mal d'esprit très-grand, l'autre d'un mal de corps fort extraordinaire. La santé de l'esprit continue dès six mois, celle du corps dès cinq ou six semaines. Si cela continue, ce sont deux très-grands miracles. Dieu réduise tout à sa gloire et nous comble de son pur amour, [522] avec toutes nos chères Sœurs, que je salue avec vous, qui êtes ma vraie très-chère fille, uniquement bien-aimée.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE MXLVI - À MONSEIGNEUR JEAN-FRANÇOIS DE SALES

ÉVÊQUE DE GENÈVE

Touchant la fondation de Pontarlier.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 21 octobre [1630].

Mon très-honoré seigneur,

Ce fut bien le Saint-Esprit qui vous conseilla d'aller en Chablais. Béni soit Dieu de ce que vous y avez été consolé en la vertu de ces chères âmes ! Je crois qu'il sera nécessaire que notre Sœur la Supérieure de là vienne ici, surtout si cette fondation se fait à Pontarlier, ce qui est tout à fait désirable pour la gloire de Dieu et le soulagement de cette maison [de Thonon]. Ma Sœur me prie instamment de presser M. Pioton de retourner vers Mgr l'archevêque de Besançon ; mais il me semble qu'il faudrait attendre si l'on aura quelques lettres de Son Altesse, bien qu'il ne faille pas laisser traîner l'affaire ; qu'en jugez-vous, mon très-cher seigneur ? Je vous prie me le dire, s'il vous plaît ; mon Dieu, que le monde est plein d'artifices ! Je le crois fermement, mon très-cher seigneur, que vous n'êtes nullement attiré par toutes les grandeurs de leurs avantageuses promesses. Dieu soit votre conseiller, et Il le sera sans doute, nous L'en supplierons incessamment, afin qu'il nous développe de cette affaire si importante à sa gloire et à notre repos. Comme vous dites, mon cher seigneur, si l'État était assuré au Roi, bientôt et [523] facilement vous vous résoudriez ; mais, dans cette incertitude qu'il retourne au duc [mois illisibles], notre bon Dieu veuille bien conduire cette affaire, et vous y assister s'il Lui plaît.

Le Père dom Maurice m'écrit que Mgr de Bourges est tout résolu de venir ce Carême prochain. Je dirai à M. Roland ma pensée touchant la venue du Père dom Juste, afin que vous jugiez, Monseigneur, s'il sera à propos de la suivre ; car il est bien fâcheux de demeurer dans les incertitudes, et de voir cette sainte œuvre tant retardée. Il faut toutefois remettre tout à Dieu, qui conduira selon son bon plaisir qui sera toujours le nôtre, moyennant sa sainte grâce. Je Le supplie vous conserver et fortifier pour l'œuvre de sa gloire, car je n'ai nulle inclination de la voir entreprendre par ceux qui y cherchent leur propre intérêt. Je demeure en tout respect de toutes mes affections, mon très-honoré seigneur,

Votre très-humble et très-obéissante, etc.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MXLVII - À LA MÈRE CLAUDE-AGNÈS JOLY DE LA ROCHE

SUPÉRIEURE À RENNES

Le Seigneur dépouille l'âme qu'il aime et lui tient lieu de tout.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy. 1630.]

Ma plus chère fille,

Je vois l'état admirable où la bonté de Dieu vous tient. Oh ! quand est-ce que vous avez mérité tant de grâces et de faveurs, que de souffrir au corps de si vives douleurs, et de si sensibles épreuves en votre âme ? Ma fille, par cette voie Dieu vous veut tirer tout à Lui, et Il demande que, pour l'amour de Lui, vous vous dépreniez et dépouilliez de toutes choses sans aucune [524] exception ; cela veut dire non-seulement des soulagements corporels, ce qui est peu à votre courage ; mais encore de toutes consolations, lumières et sentiments intérieurs, afin que Lui seul vous soit toutes choses. Que de trésors dans cet abîme d'afflictions ! Souvent nous pensons que tout soit perdu ; et c'est là où nous trouvons la plus suave, la plus délicate, la plus simple et la plus pure union de notre esprit avec le bon plaisir de Dieu, sans mélange d'aucune science, intelligence ni satisfaction ; et c'est correspondre fidèlement au plus haut dessein qu'il ait sur nous que de s'abandonner à sa volonté dans cette souffrance. Je Le supplie de vous en faire la grâce, et vous conjure de prier pour mes besoins. Votre, etc.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MXLVIII - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS

Désir que son cœur soit abîmé dans le Cœur de Jésus. —Maladie de Sœur F. M. Favrot. — L'amour-propre empêche la perfection de l'amour divin. — Prévisions pour une prochaine élection.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 24 octobre [1630].

Ma toute très-chère fille,

Je n'ai point reçu vos lettres précédentes à celles du dernier septembre, que M. de la Thuile m'apporta devant [hier] à soir. J'espère qu'elles ne seront point perdues, puisque vous m'y parlez de votre cœur, que le mien chérit si parfaitement. Oh ! Sauveur démon âme ! que je souhaite, ma très-chère fille, qu'ils soient tout abîmés, ces pauvres cœurs, dans le grand Cœur royal de ce divin Seigneur, pour ne vivre plus que de son amour et très-aimable volonté ; car, aussi bien, tout ce qui n'est point cela et pour cela est moins que rien. [525]

Voilà une sensible nouvelle que l'on me donne que notre pauvre Sœur Françoise-Marguerite Favrot est à l'extrémité à Lyon. C'est une âme si solidement vertueuse que j'en ressentirai vivement la privation, si Dieu la retire ; mais toutefois sa très-sainte volonté soit faite sans aucune exception.

Il ne se peut dire combien vos sentiments sont au gré des miens ; je vous remercie de me les avoir dits franchement ; je vous conjure, ma très-chère fille, de faire toujours ainsi en toute occasion sans exception. Je ferai ce que je pourrai pour revoir donc ces Réponses : mais, las ! je ne sais quand ce sera, tant je suis accablée de diverses occupations.

Vous connaissez parfaitement l'esprit de notre Sœur N*** : oui, c'est un cœur qui ne se nourrit que par la confiance ; mais celles qui gouvernent ne doivent pas agir selon cela. Elle perd et fait beaucoup perdre à ses Sœurs et à toute sa maison de ne pas prendre langue [conseil] de vous ; car sa maison a besoin de se conformer à la vôtre, et elle, à votre conduite. Mais c'est grand cas que de la misère humaine et des imprudences ; elles gâtent sinon tout, au moins empêchent-elles la pureté de la perfection en la plupart des âmes qui toutefois y prétendent. Dieu nous en veuille délivrer et de nos propres intérêts formés de l'amour-propre ! Ma fille, je dis ma très-grandement très-chère fille, il nous faut, tant qu'il nous sera possible, épurer les âmes que Dieu commettra à notre soin, de ce subtil poison qui délustre tout. — Je me recommande aux prières de notre bon Mgr de Langres, en le saluant très-humblement.

Je le crois prou que les bonnes Sœurs Carmélites ne se tiendront pas sous l'autorité des Pères de N*** ; elles en seraient trop pressées. Nous sommes bien heureuses si nous le savions connaître et nous entr'aider (selon que sans doute nous le pourrons, si nous le voulons), et plus utilement par la voie d'une charitable confiance et du saint zèle que nous devons avoir pour toutes les maisons, que si nous avions mille hommes [526] pour gouverneurs. Mais, las ! je crains que l'imperfection des Supérieures ne nous gâte tout par leur bizarrerie et peu d'intelligence. Je prévois cela avec douleur ; mais il se faut accommoder aux [conditions] misérables de cette vie et se reposer en Dieu, laissant le soin de tout à sa douce Providence, qui donnera, dans les temps et les nécessités, les secours nécessaires.

Je ne sais comment nous pourrions faire pour retirer notre Sœur la Supérieure de N*** au bout de son temps, et empêcher qu'elle ne se fasse succéder à la charge par son assistante, ce qui serait rendre les filles de là martyres, et la maison hors de l'esprit intérieur de douceur et humilité. Il y a une Sœur nommée Jeanne-Agnès, fort douce et de bon jugement, qui, à mon avis, me croirait ; mais je ne sais comment l'introduire dans l'esprit des filles ; car je pense qu'on l'en recule pour avancer l'assistante : Dieu veuille y pourvoir ! — Il faut vous entremettre avec grande retenue, afin que les maisons aient toujours grande confiance et recours à vous ; c'est tout mon désir et surtout que nous soyons tout à Dieu. Qu'il soit béni et vous comble de son saint amour, ma toute chère et grande fille et toutes nos Sœurs. Et la chère Sœur de Vigny est donc allée à Rouen ! — 24 octobre.

Je vous dis que notre Sœur [M. -Aimée de Blonay] ne gouverne nullement que ses novices ; au contraire, elle a été exercée par la vivacité de la Mère, qui veut faire son gouvernement et que personne ne s'en mêle. — Si vous me croyez, vous ne donnerez nul assentiment à M. Brun ; je craindrais qu'il n'eût pas assez de gravité pour Paris ; mais si vous le jugez propre, faites-lui entendre dextrement que vous ne pouvez ni devez penser à cela que quand nos Sœurs le désireront et vous le témoigneront.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [527]

LETTRE MXLIX - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Sentiments de résignation au sujet de la maladie de Sœur F. M. Favrot. —Comment excuser l'opposition que les Supérieurs de Lyon ont mise au départ de la Mère de Blonay.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 24 octobre [1630].

Ma très-chère fille,

Si vous me dites avec regret la maladie de ma très-chère Sœur Françoise-Marguerite Favrot, je l'ai reçue avec encore plus grande et sensible douleur de cœur, quoique j'en laisse faire à Notre-Seigneur ce qu'il Lui plaira : mais cela n'empêche pas que je ne sois fort touchée de son mal. Je m'étais revêtue de beaucoup de bonne espérance de recevoir un grand soulagement, consolation et édification de sa présence ; mais s'il plaît à Dieu que je sois privée de tout cela, je ne sais que dire sinon qu'il me fait toujours plus connaître qu'il veut que je vive sans aucun soutien que de Lui seul, et sans consolation extérieure. En tout, sa très-sainte volonté soit faite, même en la destruction de nos désirs, pour bons qu'ils puissent sembler être. — Je n'ai point reçu vos lettres, que vous dites que ma Sœur la Supérieure m'a écrites auparavant celles de M. de la Thuile, qui arriva seulement [avant-hier] à soir, et hier je le vis.

Ma très-chère fille, si j'ai dit que votre retenue en votre maison de Lyon serait cause de grands maux, j'ai dit une parole trop exagérante et que je ne devais [pas] dire, mais je vous prie, ne prenez point les choses si à l'extrême ; car, si bien l'on vous a retenue, vous n'en n'êtes pas coupable, et j'espère que Dieu, qui l'a ainsi permis, en tirera sa gloire et le bien des maisons de Lyon. Le monastère qui veut imiter le vôtre en cela c'est celui de Blois ; mais je ne sais pas comme vous pourriez faire, si vous en écrivez, car il s'en faut bien garder de dire les [528] choses comme elles se sont passées. Mais seulement vous pouvez dire qu'il est vrai que votre Supérieur fit un peu difficulté de vous relâcher quand on vous eut élue à Grenoble, parce qu'aussi vous étiez malade, et que nous, voyant cela, nous fûmes bien aise d'y employer une autre, et que cependant Mgr de Lyon nous envoya sa permission pour vous retirer ; mais que Mgr de Genève et nous voyant que nous n'en avions pas une absolue nécessité, et le grand commerce que cette maison a avec celle de Lyon, nous avons été bien aises de vous y laisser, afin qu'il y eût une fille de cette maison [de Nessy] ; et voilà comme nous pouvons ajuster les choses en vérité, car je l'ai écrit ainsi.

Au reste, ma très-chère fille, si notre chère Sœur Françoise-Marguerite est encore en vie et qu'il n'y ait pas apparence qu'elle puisse guérir, je vous prie de tirer d'elle ce qu'elle aura à me dire de nos maisons, et de retirer tous ses papiers.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE ML - À LA SŒUR FRANÇOISE-MARGUERITE FAVROT

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Soumission au divin bon plaisir. — Derniers adieux.

[Annecy. 1630.]

Hélas ! ma très-chère Sœur, que ce m'a été une sensible touche de savoir votre maladie, qu'on m'a dit être telle, que si notre chère Sœur [Marie-Aimée de Blonay] ne me disait de vous écrire, je tiendrais le temps de le faire pour perdu.[124] Dieu [529] fasse de vous et de nous son bon plaisir ; mais je confesse qu'il me touche à l'endroit que je sens bien fort. Il me prive de la douceur, consolation et utilité que j'espérais de votre présence et assistance, m'étant bien résolue que nous vivrions et demeurerions ensemble le reste de ce peu de jours que, selon mon âge, je dois demeurer en cette misérable vie, en laquelle, si ce billet vous rencontre avec quelque espoir de vie, je vous conjure de vous encourager, et faire tout ce qui vous sera possible pour reprendre vos forces, afin de vous rendre ici au plus tôt qu'il vous sera possible. Que si vous êtes sur votre départ, pour aller où nous devons avoir toutes nos espérances et nos désirs, souvenez-vous de celle à qui Dieu adonné une parfaite dilection pour vous, et laquelle, avec beaucoup de larmes et de douleurs, vous dit le dernier adieu, attendant de recevoir de la douce miséricorde l'héritage que par son soin Il nous a acquis. Je supplie la divine Bonté de vous recevoir entre les bras de son amour et dans son sein paternel. Vivante ou mourante, recommandez-moi à la douceur de sa miséricorde et à la débonnaireté de sa très-sainte Mère et de notre Bienheureux Père afin qu'ils aient quelque compassion de ma faiblesse, et de la longueur de mon pèlerinage. Adieu, ma chère Sœur ; aimez éternellement celle qui éternellement désire de vous aimer en Celui qui est le principe et le seul objet de notre amour. Qu'il soit béni dans les siècles des siècles. Amen. [530]

LETTRE MLI (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX

Soutenir ses droits avec humilité. — Si les notices n'excellent en respect et en obéissance, leur profession doit être retardée.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1630.]

Ma très-chère fille,

J'ai trouvé le procédé de cette dame à qui vous avez donné parole de recevoir ses deux filles, un peu bien impérieux. Vous deviez bien tout doucement et humblement dire au Père Capucin qui vous vint dire de sa part qu'elle ne voulait avoir qu'un mot à dire avec vous : Mon Père, il n'est donc pas besoin que madame prenne la peine de venir, puisqu'elle n'a qu'un mot à dire ; et lui faire entendre qu'encore que nous ne soyons que de pauvres Religieuses, ce serait un grand bonheur à mesdemoiselles ses filles d'être en notre compagnie ; car, ma chère fille, à ces personnes-là qui pensent tant obliger nos maisons d'y mettre leurs filles et parentes, il faut un peu faire connaître que la maison les oblige bien autant qu'eux en y recevant des filles qui y portent si peu.

Au surplus, ma très-chère fille, je m'étonne de ce que vous me dites, que dans le noviciat il y a si peu de soumission et respect envers la maîtresse. Certes, si les filles qui manquent ainsi à cela ont leur voile teint en noir, l'on a fait grand tort à la Religion de les recevoir avant qu'elles sussent bien ce que c'est la souplesse qu'il y faut avoir en toutes choses, et si elles sont encore novices, je vous conseille de faire en sorte que leur voile ne devienne point noir qu'elles n'aient bien appris la vraie soumission, et le respect qu'elles doivent à celles que Dieu leur donnera pour leur conduite ; et faut que vous leur parliez souvent là-dessus, pour bien leur faire entendre l'importance de [531] ce défaut. — Il ne faut point sonner à la fin de la messe les deux coups ; None servira de signe. — Je suis fort consolée, ma très-chère fille, que nos Sœurs vous aient rendu leur devoir avec tant d'amour et de soin. Elles y sont certes bien obligées ; mais, je vous prie, condescendez à leurs désirs pour votre soulagement, et ne parlez nullement de suivre la communauté. — L'état auquel Dieu vous a mise est de paix, de repos, de simplicité, nudité, et bref, de ne rien du tout faire. Demeurez-y ferme, sans recevoir aucune pensée contraire. Il faut finir, on m'appelle. Assurez-vous que d'un cœur incomparable je suis vôtre. Mille saluts à toutes, dedans et dehors.

Dieu soit béni !

L'on me presse d'achever mes Réponses. Si vous avez quelques demandes à faire, mandez-le-nous, car nous désirons y mettre la dernière main.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MLII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À AUTUN

À quel âge recevoir les Sœurs du petit habit — Conseils au sujet des fondations proposées à Clamecy et à Charolles. — Ne demander une Supérieure d'un autre monastère que par grande nécessité. — On peut s'adresser au confesseur ordinaire pour les confessions annuelles.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 10 novembre [1630].

Ma très-chère fille,

Quand vous seriez un an sans m'écrire, je ne saurais, pour cela, douter de votre bon cœur : je le connais trop bien et lui ai une parfaite confiance, car je sais qu'il l'a en moi tout entière. Mais c'est la vérité que ces pestes et la guerre nous font [532] perdre plusieurs de vos lettres, et je m'étais déjà bien aperçue de la perte d'une que je vous avais écrite ; mais je crois néanmoins que vous aurez maintenant reçu la mienne dernière qui était la réponse de la vôtre envoyée par le Père Capucin. Ma Sœur la Supérieure de Dijon m'a écrit depuis peu que votre Sœur qui est auprès d'elle se remettait et qu'elle faisait mieux ; mais il est vrai qu'auparavant elle m'avait écrit avec des grandes conjurations pour la faire retirer, et me priait que ce fût au plus tôt. Or, puisqu'elle fait mieux, grâce à Dieu, je crois qu'entre vous deux vous pourrez bien faire en sorte qu'elle la garde jusqu'à la Saint-Jean, voire plus s'il est requis.

Pour ce que vous me dites, ma très-chère fille, touchant la réception de la petite de madame de Tavane, l'importance n'est pas tant à son bas âge (parce que de cela, qui n'est que du Coutumier, les Supérieurs en peuvent dispenser) comme à savoir si elle se trouvera d'un bon naturel ; car si ce n'est pas une enfant douce et que vous ayez l'espérance de pouvoir rendre une bonne Religieuse, il vous la faudra renvoyer, et vous acquerrez pour ennemies toutes ces personnes à qui elle appartient ; mais il faut remettre tout cela à la providence de Dieu. Il est vrai que la petite Blondeau fut reçue à Dijon et la petite de Ragny à Paris, qu'elles n'avaient qu'environ dix ans ; mais c'est parce qu'on prenait cette dernière en qualité de bienfaitrice. Et de vrai, si une telle fille que celle dont vous me parlez ne vous porte au moins trois ou quatre mille écus, ce sera une honte aux parents.

Mais bien, que Dieu le leur pardonne, ma très-chère fille, à ceux qui ont inventé qu'il y avait des personnes qui vous faisaient des mauvais offices auprès de moi, et qui disaient que vous vous départiez de mes sentiments et éloigniez de moi, car jamais aucune créature ne m'a dit ni écrit rien de vous, approchant de cela, je vous en assure ; mais Dieu a permis qu'il vous ait été dit ainsi pour toucher votre bon cœur au lieu où il le [533] ressent, car vraiment je ne doute pas qu'il n'en ait été touché vivement ; mais demeurez en paix de ce côté-là, ma chère fille ; car je sais si bien ce que vous m'avez toujours été, ce que vous m'êtes, et que je m'assure en Notre-Seigneur que vous me serez toujours, que quand toutes les créatures du monde me diraient que vous n'êtes pas toute mienne et que vous-même me le diriez, je ne le pourrais pourtant jamais croire. Oh ! demeurez donc en plein repos d'esprit sur cela, je vous en prie, ma chère fille.

Mon Dieu ! que la disposition en laquelle vous me mandez que sont nos chères Sœurs est sainte et tout à fait à mon gré ! Je prie Notre-Seigneur leur y donner une sainte persévérance. — Et pour ce qui est de votre établissement dans Clamecy, je vous conjure, ma très-chère fille, que nous nous tenions toujours dans les termes du Coutumier en cela. Si vous pensez avoir le secours pour le spirituel et pour le temporel qu'il marque, vous ferez bien d'accepter cette fondation. Pour moi, je ne sais quelle ville c'est ; mais nous savons par expérience combien c'est mettre au hasard les Sœurs que l'on envoie en fondation, quand on n'y trouve pas au moins ce qui est requis pour leur entretien ; car cela est cause qu'il nous faudra peut-être voir défaillir des fondations ou les transporter en d'autres lieux, avec beaucoup de dépenses pour les maisons qui les ont faites, faute de pouvoir trouver ce qu'il leur fallait au lieu où elles sont. Je crois donc que vous ferez bien de ne pas envoyer nos Sœurs en cette ville-là ni en aucune autre, si vous n'y avez quelque fondement, au moins pour leur nourriture en ce commencement.

Quant à ce que vous me dites que vous n'avez pas de nouvelles de nos bonnes Sœurs de Paray, il ne faut pas que vous laissiez pour cela de leur écrire et le plus cordialement que vous pourrez ; elles ont été préoccupées de ce qu'on leur avait dit, que vous vouliez aller fonder à Charolles et que vous ne leur en écriviez rien. Elles craignaient que cela nuisît à leur maison ; mais je leur ai mandé que, puisque vous ne m'en disiez [534] rien, je ne croyais pas que vous eussiez cette prétention, et que si le lieu était trop près pour y établir une de nos maisons, qu'elles ne s'en missent point en peine, que deux biens ne se nuisaient jamais l'un l'autre. — Pour ce qui est de notre Sœur N***, ma Sœur la Supérieure de Dijon m'écrit tant qu'elle est bien remise, qu'entre vous deux je vous en laisse disposer.

Et quant à votre Sœur Marie-Philippe [de Pédigon], ma très-chère fille, si vous jugez qu'elle ait les conditions requises pour vous succéder en la supériorité, j'en serai bien aise ; car il est toujours mieux de prendre celles que l'on a chez soi, quand elles sont propres, que d'en demander ailleurs, bien que nous ayons [céans] des Sœurs très-bonnes et capables pour la charge de Supérieure ; mais si vos Sœurs agréent celle-là, et que vous croyiez qu'elle puisse bien gouverner votre maison, vous n'avez pas besoin de chercher autre part ce que vous pouvez trouver chez vous, puisque la Règle le dit. Et pour moi je ne serai nullement en peine de la savoir en charge en cette maison-là, surtout si vous demeurez encore quelque temps après votre déposition, ce que je trouve tout à fait nécessaire, tant pour bien établir la nouvelle Mère en son gouvernement, que pour conduire les Sœurs et les bien acheminer sous sa conduite. Bref, plus vous demeurerez là, tant mieux ce sera pour la maison. Mais nous avons si souvent besoin de Supérieures que peut-être nous ne vous laisserons pas longtemps en votre repos ; mais, si je puis, vous y serez un an. — J'écrivis dernièrement à notre bon M. de la Curne ; mais ne laissez de le saluer chèrement de ma part et sa chère femme. Je salue toutes nos chères Sœurs avec vous et votre bon confesseur. Croyez invariablement que je suis immortellement toute vôtre et du fond de mon cœur, qui est douloureusement touché sur le trépas de notre très-chère Sœur F. -Marg. Favrot : c'était une âme consommée en vertu. Dieu soit éternellement béni de tout. Amen.

Je m'étais oubliée de vous dire sur le désir de nos Sœurs de [535] faire leurs confessions annuelles au confesseur ordinaire, que cela se peut faire. Il les faut laisser en liberté, bien que quand l'on a quelque confesseur extraordinaire fort capable pour les recevoir, il est bon de les faire vers eux. Si vous avez encore quelques questions à faire, ou que vous pensiez qu'il faille ajouter quelque chose dans nos Réponses, mandez-le-moi, parce que l'on me presse de les achever.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MLIII - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS

Impression du Directoire spirituel. — Projet de fondation à Cambrai. — Nouvelles de la famille Favre. — Ne rien changer dans les Règles. — L'oraison de simple présence de Dieu est l'attrait général des Filles de la Visitation.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 10 novembre [1630].

Ma très-chère et bonne fille,

C'est presque sans loisir que je vous fais écrire celle-ci, qui n'est qu'un supplément au billet que je vous ai écrit, il y a un peu ; et toujours nous n'avons point reçu la lettre de votre solitude. Nos Sœurs sont toutes fort en œuvre du petit Directoire ; mais elles désireraient bien, s'il se pouvait, que l'on y ajoutât l'Exercice de l'union et les trois Souhaits de notre Bienheureux Père, qui sont au commencement du Coutumier auquel l'on a fait une omission notable et laquelle il faut réparer, parce que c'est un point important, et duquel nous ne nous étions point aperçues que par le moyen de notre petit Directoire. C'est qu'en l'article sixième de la Réfection il dit sur la fin de l'article : « Qu'elles prendront indifféremment de la main de Dieu, tant pour les viandes que pour toutes autres choses, ce qu'elles [536] aimeront comme ce qu'elles n'aimeront pas. » Il dit de plus au vieux Directoire : « Voire même à l'infirmerie, où elles se rendront douces, patientes et obéissantes à l'infirmière, et recevront ce qui leur sera donné avec action de grâces, reconnaissant qu'elles ne méritent pas un si doux et charitable traitement. » C'est ce dernier point qu'il faut faire ajouter au petit Directoire, ainsi qu'il est au vieux, car il est important.

Vous ferez fort bien, ma chère fille, de faire l'établissement de Cambrai,[125] et de vous servir pour cela de ma Sœur Françoise-Augustine, laquelle vous ferez bien de tirer auprès de vous dès que la fondation sera résolue, afin qu'elle voie un peu les Sœurs que vous lui voulez donner, et que les Sœurs la voient aussi, pour ajuster un peu leurs esprits les uns avec les autres. Je pense que ma Sœur [Claire-Marie] Amaury fera bien dessous elle ; mais je crains que ma Sœur N. n'ait un peu l'esprit trop brave pour se ranger sous son obéissance. Vous y prendrez un peu garde, car il lui faut donner tant que vous pourrez des âmes douces et souples.

Nous avons prié et fait prier Dieu pour votre procès ; mais nous le ferons encore. — Je n'ai rien à vous dire sur l'affaire de M. de Nemours, en ayant écrit tout ce que j'en puis dire ; mais si tant est que vous recommenciez la batterie, M. de Vaugelas s'offre à nous avec tant de témoignages d'affection, que si vous jugiez à propos de l'y employer, je pense qu'il pourrait de beaucoup vous servir et soulager en cette affaire. — Nous avons vu ici M. de Charmette qui se porte bien : il nous a assuré que Messieurs vos autres frères se portent bien et toute leur famille. Nos Sœurs de Chambéry se portent bien aussi. La peste s'apaise fort à Chambéry. Elle est toujours en cette ville [d'Annecy], mais c'est sans y faire grand progrès, parce que les accidents qui en arrivent de temps en temps sont par le moyen de [537] quelqu'un qui l'apporte de dehors ; elle ne passe pas plus outre, et n'empêche point que le commerce y soit aussi grand que jamais. — Vous me faites bien plaisir de me dire toutes vos petites nouvelles ; car étant toutes de dévotion, j'ai de la consolation à les lire.

Venant à ce que vous dites, qu'il faudrait faire que les jeunes professes ne donnassent pas leur voix, c'est une chose qui ne se peut pas ; mais il faut avoir un grand soin de les bien dresser à cela dans le noviciat. En ces occasions, elles doivent toujours prendre langue [conseil] de la Supérieure, pour apprendre à s'y bien conduire. Si notre Bienheureux Père était en vie, on pourrait faire des changements èsquels nous ne devons pas penser d'ouvrir la porte.

Je vois que l'attrait des Filles de notre Congrégation pour l'oraison est à cette simple présence de Dieu, où l'on est oisive sans pouvoir rien faire ; et celles qui veulent faire gâtent tout et se peinent [beaucoup]. Cependant les avis des personnes religieuses sont pour l'ordinaire fort contraires à cela, ce qui met en grande peine les filles et quelquefois celles qui les gouvernent. Je ne sais si j'en dois dire quelque chose dans mes Réponses : si vous le jugez, il faut que je sois un peu appuyée de votre sentiment et expérience ; car enfin je vois que ce simple et unique regard en Dieu, par une totale remise de l'âme entre ses mains, est tout ce qu'elle peut faire pour toutes choses, soit pour préparation à la sainte communion, pour action de grâces, pour dresser l'intention et le reste, et c'est cela que ceux qui ne sont pas conduits par là trouvent étrange. Je vous prie, que si vous le jugez à propos, nous en fassions un entier éclaircissement et solide conclusion, mais avec avis ; et, si vous le trouvez bon, parlez-en à Mgr de Langres [mot illisible] comme vous voudrez, et m'écrivez fort distinctement votre sentiment, et si j'en parlerai en mes Réponses.

Je vous écris à tâtons sans clarté ; mais certes c'est d'un [538] cœur incomparable tout à fait. Je suis tout à vous, et vous toute mienne.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MLIV - À UN ÉVÊQUE

Témoignage de profond respect. — Entière et filiale soumission de la communauté.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 15 novembre 1630.

Monseigneur,

Les obligations très-grandes que nous avons à Votre Seigneurie illustrissime, pour l'affection vraiment paternelle avec laquelle il vous plaît d'exercer tant d'effets de charité à l'endroit de nos chères Sœurs vos filles, nous ont fait ressentir le mécontentement que vous recevez du procédé de N. Car nous désirons, Monseigneur, que non-seulement cette maison-là, mais toute notre petite Congrégation vous rende, par respect et très-humble soumission, la reconnaissance qui vous est due, ainsi qu'en mon particulier je me sens obligée de vous en rendre mes très-humbles actions de grâces, en vous avouant, Monseigneur, qu'il est vrai que sur les propositions que notre Sœur la Supérieure de N. nous a faites, des difficultés qu'elle avait de pouvoir fournir ce qui serait nécessaire à nos chères Sœurs vos filles, à cause de la pauvreté en laquelle la guerre, la peste et la cherté les réduisent, et que, si elles étaient toutes ensemble, elles pourraient vivre avec moins de dépense ; là-dessus, Monseigneur, je lui dis qu'elle ferait bien d'en communiquer avec son Supérieur et avec ses Sœurs, pour voir les accommodements qu'on y pourrait prendre ; et je m'assure, Monseigneur, qu'ayant l'honneur et le bonheur de vous parler, vous les trouverez toutes soumises et désireuses de vous rendre leur [539] très-humble obéissance en tout ce qui leur sera possible. Et pour nous, nous nous estimerons heureuses si nous pouvons contribuer quelque chose à votre consolation et au bien particulier de cette fondation, sur laquelle je loue et admire la fermeté de votre esprit, à vouloir perfectionner l'œuvre que votre piété a si saintement commencée pour la plus grande gloire de Dieu, qui sera votre récompense éternelle, comme je L'en supplie, et de faire la grâce à nos chères Sœurs, qui ont le bonheur de vivre sous le favorable appui de votre protection, d'être votre joie et consolation. Je demande en toute humilité votre sainte bénédiction, et demeure, Monseigneur, votre, etc.

LETTRE MLV (Inédite) - À MONSIEUR L'AVOCAT PIOTON

À THONON

Comment triompher des difficultés qui s'opposent à la fondation de Pontarlier.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 18 novembre 1630.

Mon bon et très-cher frère,

Je ne vois rien à répondre à ce que vous m'écrivez touchant la fondation de Pontarlier, sinon qu'il faudra avoir une grande patience pour cela, vu que ma Sœur la Supérieure de Besançon nous écrit presque toutes les mêmes difficultés que vous nous dites, mon cher frère, au moins les principales. Et je pense que le plus court chemin pour s'y établir, c'est, comme vous dites, de tâcher de gagner le cœur de ce bon et digne prélat, de quoi je m'assure que vous saurez très-bien réussir, ainsi que vous l'avez toujours fait de toutes les affaires de la Visitation que vous avez entreprises, en quoi vous nous avez toutes infiniment obligées, mais particulièrement moi, qui aussi prierai journellement Notre-Seigneur qu'il répande sur votre chère [540] âme l'abondance de ses grâces, comme étant d'une affection invariable, votre, etc.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MLVI - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À BLOIS

Charitable avertissement. — Douleur de la Sainte à la mort de ses filles. — Les Religieuses de la Visitation ne doivent jamais aller aux bains.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy. 1630.]

Ma très-chère fille,

Il n'y a pas longtemps que je vous ai écrit, mais je m'avance un peu, afin que la pauvre désolée madame de Monthoux, votre chère et digne belle-sœur, reçoive plus tôt la consolation qu'elle désire de vous ; ainsi qu'elle mêle témoigne, elle a grande envie de vous revoir en ce pays ; mais je ne sais si vos maladies et quasi continuelles infirmités nous peuvent permettre de l'espérer. Dites-m'en votre sentiment, ma chère fille, non pour avancer les années de votre gouvernement, car il les faut achever ; mais, après cela, je voudrais bien que nous puissions donner ce contentement à cette chère veuve, qui en a grandement besoin ; mais il y a encore du temps d'ici là pour en parler.

Ma chère fille, pourquoi laissez-vous ainsi affliger votre cœur par des peines intérieures sur une ombre de soupçon que j'ai pensé que vous ayez manqué de simplicité vers moi ? car, ma fille, je ne vous disais pas que vous l'eussiez fait, mais seulement qu'étant avertie par plusieurs de nos monastères que vous étiez retournée aux bains, je ne le voulais pas croire, que je n'en susse la vérité de vous. Or, je sais bien que c'est l'extrême [541] amour que vous avez pour moi qui vous a causé cette douleur-mais, ma chère fille, demeurez en paix de ce côté-là. Je sais que vous êtes ma fille de cœur et que je vous suis Mère de même et Mère véritablement des plus cordialement affectionnées que je pense qu'il se puisse guère trouver ; ne doutez jamais de cela, ma chère fille, je vous en prie. Il est vrai que toute notre Congrégation a été fortement touchée de ce second voyage de bains mais j'espère que cela ne prendra point de suite. J'ai écrit à presque tous nos monastères qu'il n'y avait point du tout de votre faute, et que vous aviez été contrainte d'obéir au commandement exprès que vous en avait fait votre prélat d'y aller, quoique ce fût avec une extrême répugnance et violence que vous vous êtes faite pour obéir en cela ; mais n'en parlons plus, ma chère fille.

Certes, mon cœur est touché de vous savoir en l'état que vous me dites que vous êtes ; hélas ! cela redouble bien ma douleur, car voilà notre chère Sœur Françoise-Marguerite Favrot qui est décédée en s'en retournant de Marseille en ce monastère, dans notre maison de Lyon, dont j'ai ressenti une sensible affliction, je vous en assure. Notre Sœur Françoise-Gabrielle Bally s'en va aussi mourant. Ma pauvre chère Sœur la Supérieure de Rennes, je ne sais si elle n'est plus en vie ; et puis, si vous suiviez tout cela, pensez un peu que sera mon affliction ! voilà donc comme Notre-Seigneur me va dépouillant de mes plus chères filles. Oh ! je vous prie pourtant, tandis que vous avez encore un peu de vie, que vous fassiez ce que vous pouvez pour la conserver, afin de servir plus longtemps Dieu et la sainte Religion ; mais je vous en conjure, ma très-chère fille et que pendant que vous vivrez, vous tâchiez, tant qu'il vous sera possible, de bien établir en nos Sœurs le vrai esprit de leur vocation, de douceur, suavité et respect les unes envers les autres, et le cordial support et charité envers les infirmes et âgées ; et que celles qui gouvernent sous vous le fassent avec [542] esprit d'humilité et de douceur, et non impérieusement et avec maîtrise.

Ma très-chère fille, je crois qu'il est expédient que vous graviez fort dans l'esprit de nos Sœurs l'importance qu'il y a, que jamais pas une n'ait espérance de pouvoir user de ce remède des bains, et que vous leur fassiez entendre que toute notre Congrégation est résolue de plutôt mourir que d'y aller, puisqu'elle sait que notre Bienheureux Père ne le voulait pas. Certes, je vous puis dire pour votre consolation, que tous les prélats témoignent une spéciale dévotion et révérence à notre Bienheureux Père et à toutes ses institutions et intentions, qu'ils protestent de vouloir maintenir dans les maisons de leur obéissance sans y rien innover, et tous nous aiment fort. Je vous conjure, ma très-chère fille, de vous réjouir en Dieu parmi toutes nos Sœurs, car cela leur sera à grande consolation. Je les aime avec vous de tout mon cœur, suppliant Notre-Seigneur de les remplir toutes de son pur amour.

Je salue très-humblement M. Riollé, que j'honore avec dilection et estime. Je salue aussi les amis de ma connaissance et suis toute vôtre.

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.

LETTRE MLVII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Éloge de Sœur F. M. Favrot. — Ordre donné par la Mère de Châtel de garder copie des Lettres de sainte Chantal. — Comment assister les mourantes.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 2 décembre [1630].

Hé ! qu'il est vrai, ma très-chère fille, si l'Institut avait beaucoup de semblables Sœurs que notre pauvre très-chère défunte [F. M. Favrot], je ne serais pas tant en soin que je suis [543] quelquefois ! Mais je m'en repose pourtant à la divine Providence qui sait bien faire de beaux ouvrages avec de chétifs outils, comme disait notre Bienheureux Père.

Je veux bien que vous voyiez les lettres que vous a laissées cette chère âme ; mais je vous prie aussi de me les envoyer après cela, parce qu'il y a une ordonnance céans de ma Sœur la Supérieure de Chambéry à celle qui écrit sous moi, quand j'écris quelque chose qui vaille, d'en garder la copie. C'est pourquoi, s'il y a quelque chose en ces lettres-là qui vaille le garder, nous le prendrons, sinon nous en pourrons bien faire comme vous dites, les jeter au feu. Mais, pour le linge et les habits de cette chère défunte, j'ai déjà répondu à ma Sœur votre Supérieure ce qu'elle en ferait : et pour la montre, vous ferez bien de nous l'envoyer ; car puisqu'elle est de céans, et qu'on la lui avait prêtée, nous serions bien aises de la ravoir. Je crois que vous devriez écrire au personnage que vous pensez qui lui avait donné les dix écus pour faire ce tableau, afin de savoir son intention ; puis vous le feriez faire selon son désir, et nous l'enverriez. Mais je suis bien marrie que vous ne m'ayez pas écrit par votre lettre précédente (cette dernière à laquelle je répondis) ce que vous me dites de cette pauvre chère Supérieure d'Arles[126] ; car c'est la vérité qu'elle a un vraiment bon cœur, et si je peux, je lui écrirai. Faites-lui tenir ma lettre bien sûrement par le moyen de M. le prévôt.

C'est bien la vérité, ma très-chère fille, que ces derniers [544] passages sont fort importants ; mais pour les âmes que l'on sait être toutes reposées en Dieu, comme était cette pauvre chère défunte, on ne doit pas beaucoup les presser de faire des actes et de se ressouvenir de Dieu ; car il est vrai, ce qu'elle a dit : qu'il faut peu de chose pour donner de l'inquiétude en ce temps-là. Il suffit à ces âmes que l'on sait qui ont cette habitude de se tenir si reposées en Dieu, de leur dire quelques paroles de temps en temps fort doucement ; mais il est bien difficile de donner des avis sur ce sujet, ma chère fille, parce qu'il faut procéder selon la disposition des âmes qui sont en ce passage. Voilà tout ce que je vous veux dire pour ce coup, attendant une ample réponse à nos dernières, et ce que je vous ai envoyé pour ajouter aux Réponses, desquelles je me veux détrapper, quand j'aurai ajouté ce que l'on me demande. Vous savez ce que je vous suis, et Dieu veuille que nous soyons tout à Lui, et consommées en son divin amour ! Amen. Qu'il soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MLVIII - À LA MÈRE MARIE-MARGUERITE MICHEL

SUPÉRIEURE À BESANÇON

Elle se réjouit de l'heureux établissement du monastère de Besançon. — Bien choisir l'emplacement pour bâtir.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 2 décembre [1630].

Ma bonne et très-chère fille,

À la vérité, il faut avouer que c'est par une spéciale conduite de la Providence divine que votre établissement a si heureusement et avec tant de bénédictions réussi, parmi de si grandes difficultés ; je L'en loue et remercie de tout mon cœur, et tiens les contradictions et oppositions que vous y avez eues pour des [545] marques certaines de la gloire que Dieu prétend d'en tirer, par le moyen de tant de chères âmes qui se voueront et consacreront à son saint service, lesquelles étant si parfaitement bonnes comme sont celles-là, on ne peut espérer que beaucoup de bien.

Je suis consolée de ce que vous me dites que le bon M. Chassignet veut écrire cette fondation, parce qu'étant rédigée par écrit par une si bonne main, l'on ne pourra qu'en tirer beaucoup de consolation et d'édification. Et puisque nous parlons de lui, je vous supplie, ma très-chère fille, de le saluer chèrement de notre part, et l'assurer que je conserve soigneusement les sentiments de la cordiale dilection qu'il nous a toujours témoignée, et des grandes obligations que lui a tout notre Institut. Je bénis Dieu avec vous, ma chère fille, des témoignages d'affection et de bienveillance que, contre l'opinion commune, vous recevez de votre bon Mgr l'archevêque : tâchez, je vous prie, de lier en sorte cette affection, que la vous conservant, vous la rendiez encore utile pour l'établissement de nos pauvres Sœurs de Thonon à Pontarlier, puisque même il a, ainsi que vous m'écrivez, donné quelque témoignage de le vouloir faire. Je vous ai écrit, il n'y a pas longtemps, par la voie de M. Pioton pour cette affaire, pour l'acheminement de laquelle je m'assure que votre bonté ne vous laissera rien oublier. —J'ai aussi une consolation particulière que vous ayez reçu pour bienfaitrice la bonne madame de Faverolle, de laquelle votre maison recevra beaucoup d'utilités temporelles et spirituelles encore, pour la consolation et édification que vous recevrez de ses vertus.

Enfin, ma très-chère fille, je ne vois que des sujets de bénédictions en votre lettre ; mais encore tout spécialement du bon rencontre que vous avez fait, tant en père spirituel comme en votre confesseur qui est, comme vous me dites, accompagné de toutes les conditions requises ; c'est un bonheur tout particulier. [546]

Je ne suis point souvenante d'avoir ouï parler que la dot de ces quatre Sœurs eût apporté quelque dommage, ou eût intéressé en quelque façon la maison de Dijon ; car, ma très-chère fille, il fallait bien tenir parole, puisqu'on l'avait donnée. Je ne doute point qu'en peu de temps, avec votre bonté, votre soin et votre zèle accoutumés, vous ne mettiez votre maison en bon état, tant pour le temporel que pour le spirituel. Quant à l'estime que vous dites que l'on a de notre Institut, je crois que plus on connaîtra l'esprit des vraies Filles de la Visitation, plus on l'affectionnera, spécialement en ce lieu-là, où je m'assure que les souhaits et la forte inclination qu'avait notre Bienheureux Père que nous y fussions établies ne seront point inutiles, et que vous ne vous arrêterez pas là ; car les esprits y étant si parfaitement bons et propres pour notre manière de vie, la Providence de Dieu qui vous a guidée et soutenue parmi tant de difficultés en ce premier abord, vous suscitera sans doute plusieurs autres moyens pour étendre vos branches plus avant, et exercer votre zèle à cultiver ces bonnes et chères âmes.

Ma très-chère fille, voici la quatrième ou cinquième [lettre] que je vous ai écrite dès votre départ de Dijon, sans que j'en aie reçu des vôtres, que celle à laquelle je réponds par celle-ci, et une que vous m'écrivîtes quand vous fûtes arrivée à Monclez. — Je me suis avisée de vous dire encore tout confidemment qu'il me semble que la maison de M. de la Tour, où vous êtes maintenant, n'est pas propre pour bâtir votre monastère, et je n'ai su comprendre par la vôtre si vous l'avez à louage ou comment. Je me souviens qu'étant à Besançon, l'on nous dit qu'il y avait force belles places. C'est pourquoi, ma très-chère fille, je vous prie que pour votre bâtiment vous fassiez choix de quelqu'une qui soit saine, aérée et spacieuse, ce qu'il me semble que celle de M. de la Tour n'est pas, et que vous y seriez trop resserrées. J'ai pensé que je vous devais dire tout [547] simplement ce petit mot touchant votre logement ; car je sais que votre bon cœur désire que nous vivions avec cette entière confiance ensemble. — Dieu fasse abonder sur vous et toute votre chère famille les plus riches trésors de sa grâce ! Je la salue avec vous, et n'oubliez pas le bon Père Bally et la chère Sœur Madeleine (Adelaine).

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MLIX (Inédite) - À MONSIEUR L'AVOCAT PIOTON

À THONON

Procéder avec une sage lenteur pour la fondation de Pontarlier.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 5 décembre [1630].

Mon très-cher frère,

Nous avons reçu vos deux dernières lettres, sur lesquelles je vous dis que je n'ai point eu la prétention que vous fussiez le porteur de la lettre que j'écrivais à ma Sœur la Supérieure de Besançon, mais seulement que vous la fissiez tenir par quelque voie assurée ; car je sais bien qu'il ne faut pas presser Mgr l'archevêque, et qu'il faut avoir un peu de patience en l'affaire que nous désirons de lui ; mais parce que, dans cette lettre, j'ai parlé d'autre chose que de la fondation de Pontarlier,[127] c'est pour cela que je désirais que ma Sœur la Supérieure la reçût au plus tôt qu'il se pourrait. Quant au messager qui apporte nos lettres au Père dom Juste, il n'est pas encore de retour ; au moins n'en avons-[nous] point eu de réponses.

Pour M. le docteur Favrot, je crois que c'est le frère de feu ma pauvre très-chère Sœur [F. -Marguerite]. Nous envoyâmes, [548] il y a quelques jours, à ma Sœur la Supérieure de Thonon, une lettre pour lui, que cette chère âme lui écrivait un peu de temps avant sa mort, avec une des miennes pour la prier de les faire tenir. — Je vous supplie, mon cher frère, d'aider un peu cette chère Sœur à tirer le payement de M. de Charmette ; car je vous assure qu'il y a je ne sais combien de semaines ou de mois que nous ne vivons que d'emprunt, tant nous sommes nécessiteuses. Vous nous obligerez bien de nous faire cette charité, laquelle nous attendons de votre bonté et piété. Croyez, mon très-cher frère, que d'une affection entièrement sincère, je suis, après vous avoir souhaité le comble des grâces célestes, votre très-humble, etc.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy

LETTRE MLX - À MADAME LA DUCHESSE DE NEMOURS

À PARIS

Demande de papiers importants. — Témoignages de respect.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 8 décembre [1630].

Madame,

Ne serai-je pas importune à Votre Grandeur de lui écrire si souvent ? Ce n'est pas mon dessein, mais de conserver en sa mémoire le cher souvenir de ses plus petites, mais très-obéissantes et très-humbles servantes, qui l'honorent avec toute la dilection et respect qui leur est possible, et ne veulent jamais cesser de faire à la divine Majesté leurs vœux et prières pour votre conservation, Madame, et celle de Messeigneurs vos dignes enfants, et pour l'augmentation de Vos Grandeurs en toutes prospérités.

La Sœur [Favre, Supérieure du deuxième monastère] de [549] Paris nous a dit de votre part, Madame, que la grâce que nous avions espérée de votre bonté ne nous sera point accordée maintenant ; mais j'espère qu'elle le sera un jour, du moins la jouissance des six cents livres de rente que Monseigneur nous avait accordé de pouvoir posséder en ses fiefs, dont nous vous envoyâmes les patentes, Madame, pour y obtenir la prolongation de quelques années. Je ne sais si Votre Grandeur nous aura fait cette grâce, car nos papiers ne sont point retournés en nos mains, bien qu'il [vous] ait plu nous mander de les nous avoir renvoyés, mais nous ne les avons pas reçus ; et parce qu'ils nous sont très-importants, faites-nous cette grâce, Madame, qu'ils nous soient rendus, s'il vous plaît, et pardonnez l'importunité de celle qui n'en voudrait jamais donner à Votre Grandeur, mais toutes sortes de contentements en la très-humble obéissance qu'elle lui doit, s'honorant avec un amour d'incomparable respect et soumission en qualité, Madame, de votre, etc.

Conforme à une copie de l'original gardé à Paris, Archives nationales, fonds français, n° 3397.

LETTRE MLXI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS

Lettre à la duchesse de Nemours. — Nouvelles de la famille Favre.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 8 décembre 1630.

Ma chère fille,

Je n'ai que ce mot à vous dire ; car je vous écrivis l'autre jour seulement ; mais M. Paget a voulu avoir une lettre de moi pour madame de Nemours, et un billet pour vous. —Tout se porte bien ici, grâce à Notre-Seigneur. M. de Charmette y est avec sa famille, que je vis hier en bonne santé. J'écris donc à cette [550] bonne princesse pour ravoir au moins nos papiers, avec l'augmentation des années pour les six cents livres de rente qu'ils nous ont données. — Je n'ai toujours point reçu votre lettre de la solitude, et ne sais pas si toutes les miennes vous ont été rendues, entre autres une où il y avait deux écus dedans, pour nous faire avoir certaines laines et soies. Ma vraie fille, vous savez de quel cœur je suis vôtre, cela est au-dessus de toute comparaison en ce monde. Oh Dieu ! que je souhaite que nos cœurs ne vivent plus que pour l'amour du Sauveur, ou au moins tout en son amour. Qu'il soit béni.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE MLXII (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

Rien ne manquera aux âmes qui cherchent premièrement le Royaume de Dieu. — Une Supérieure doit former des Religieuses capables de lui succéder et ne pas surcharger la maison de personnes infirmes.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 9 décembre [1630].

Vous ne sauriez croire, ma vraiment très-bonne et très-chère fille, la consolation que m'a apportée votre lettre, car je vous assure que j'étais tout affamée de savoir de vos chères nouvelles. Je bénis Dieu de ce qu'il Lui a plu préserver votre maison du mal contagieux. Ces Messieurs de Grenoble qui furent ici l'autre jour nous en avaient déjà bien assurées ; nous vous écrivîmes par eux. Ils se nommaient MM. Ponnet, de Somoron, Rochette et Miltollier, qui tous quatre vous témoignaient beaucoup d'affection. Je serai bien aise que vous en témoigniez bien de la reconnaissance à mesdames leurs femmes, quand vous les verrez, car ils nous ont beaucoup obligées. [551] J'ai reçu une grande consolation de voir le soin de la divine Providence sur vous, en la charité de feu la pauvre madame de Bouqueron, je prie Dieu qu'il la lui rende. Vous voyez par là, ma très-chère fille, qu'il ne faut, sinon bien chercher premièrement le Royaume de Dieu, car si nous Le servons fidèlement, Il aura soin que le reste ne nous manque pas.

Nous n'avons pas été exemptes, non plus que vous, d'avoir beaucoup de malades ; car presque tout au long de cet été les lits de notre infirmerie ont été pleins, bien que, grâce à Dieu, Il n'ait pas permis que nous ayons eu des maux contagieux, mais seulement diverses maladies assez ordinaires. Et pour vous, ma chère fille, je vous prie de vous soulager le plus que vous pourrez, et surtout de vous garder du froid, du serein et du brouillard ; car je pense que c'est cela qui vous cause ainsi ce catarrhe ; parlez peu, écoutez beaucoup.

Je bénis Dieu de ce que vous me dites que nos Sœurs ont si bien fait leurs solitudes [retraites]. Ma très-chère fille, je n'estime pas moins le chemin par lequel elles marchent que si elles avaient beaucoup de consolations et de sentiments de dévotion ; car si elles sont fidèles en cette voie, Dieu ne les laissera pas sans se manifester à elles et leur faire sentir la douceur de ses suavités. — Il m'est venu en la pensée ce matin, avant d'avoir reçu votre lettre, de vous dire que si rien ne nous presse à la fin de vos trois ans, que nous vous laisserons encore trois autres ans en votre maison ; et partant, il faut de bonne heure que vous jetiez les yeux sur celles auxquelles vous verrez plus de dispositions pour vous succéder en la supériorité, afin de les mettre en estime et en crédit envers les autres Sœurs ; et par le soin que vous prendrez à les cultiver et dresser elles se puissent rendre capables du gouvernement. Et premièrement, il me semble que vous devez regarder pour cela ma Sœur assistante, car si bien elle a inclination aux charges relevées, ce n'est pas par orgueil ni ambition, mais par la défiance qu'elle a d'elle-même, qui se [552] nourrit et accroît quand on ne la relève pas et qu'on la tient ès offices bas ; il lui semble alors qu'elle n'est propre à rien, et qu'on n'a pas de bonne espérance d'elle. Vous avez aussi notre Sœur de Bourges, en laquelle je ne vois rien à redire, sinon que je craindrais que sa grande douceur ne laissât bien croître de la mousse dans la maison ; néanmoins elle se pourra bien faire d'ici à ce temps-là. Il y a encore nos Sœurs de Rofat, M. -Félicienne [Baudet], et la Sœur directrice : tout cela a, ce me semble, des dispositions pour le gouvernement, avec le soin et la peine que vous prendrez à les former, pourvu qu'elles aient la vertu requise à cela, laquelle elles peuvent acquérir avec le temps, si elles sont fidèles à marcher droitement devant Dieu. Travaillez donc autour de toutes, ma chère fille ; que si c'est en vain pour elles, ce ne sera pas inutilement pour vous, si vous le faites parce que votre chétive Mère vous l'a dit.

Quant à votre novice, je n'y vois pas de dispositions pour être reçue à la profession ; mais néanmoins je m'en rapporte à ce que Dieu en ordonnera, et à l'examen que nos Sœurs en feront. Votre maison est déjà assez surchargée de filles infirmes de corps sans en accroître le nombre de celle-là, qui avec cela est encore imbécile d'esprit : je vois bien que ce serait une grande charité de la garder ; mais vous la devez premièrement à votre maison de ne pas la remplir de filles qui y soient inutiles, car vous en avez assez de telles. Vous avez bien fait de ne pas écrire aux monastères l'accident de notre Sœur M. H. — Je réponds dans notre mémoire pour les officières. Hier seulement j'ai reçu votre lettre ; aujourd'hui, ma très-chère fille, je réponds et les renvoie à Rumilly à ces Messieurs de Grenoble, avec celles que nous avions déjà écrites.

Voilà votre lettre répondue, ma très-chère fille ; il ne me reste rien, sinon à prier Dieu qu'il vous fortifie et donne la santé requise à porter le fardeau qu'il a mis sur vos chères épaules. J'espère que sa Bonté le fera, et de votre part je vous [553] prie d'y apporter ce que vous pourrez, car cela est requis au bien de vos filles, jusqu'à ce qu'elles soient un peu plus affermies. Dieu, par sa douce miséricorde, leur fasse la grâce de cheminer en leur voie humblement et fermement, et vous comble de son saint et pur amour, auquel je suis et de tout mon cœur, ma très-chère fille, entièrement vôtre, je vous en assure.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse.

LETTRE MLXIII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS

Projet d'une fondation. — Affaires diverses.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, décembre 1330.]

Ma très-chère fille,

Voilà une lettre qu'un Révérend Père Jésuite m'a écrite, avec la réponse ouverte, afin que vous la voyiez, et que si l'affaire dont elle traite s'achemine par vous, vous ne la fassiez pas donner. J'ai cru la devoir faire ainsi, et n'ai pas cru qu'il fût à propos de vous la renvoyer, à cause du désir que vous verrez qu'a Mgr l'archevêque d'avoir des Religieuses qui ne soient pas Françaises de nation ; mais si l'on peut faire changer la pensée qu'il a pour ce sujet, et qu'il veuille prendre de vos Religieuses, vous garderez ma lettre et poursuivrez la fondation pour vous.

Je n'ai rien voulu répondre sur la proposition que le Père me fait de notre Sœur Marie-Agnès [Le Roy], parce que je ne crois pas que vous la vouliez donner, à cause que de longtemps vous ne pourriez avoir dressé une Sœur comme celle-là, qui fût capable de servir utilement votre maison. Mais de cela et [554] de la lettre vous en ferez tout comme bon vous semblera, car je vous remets entièrement cette affaire ; que si vous voyez qu'elle ne puisse réussir pour vous, vous la poursuivrez, s'il vous plaît, pour cette maison. Il faut que je vous dise encore, ma très-chère fille, que la cause pour laquelle je n'ai pas voulu dire qu'on vous avait parlé de cette fondation, est parce que le Père m'en écrit de la part de Mgr l'archevêque, et je me suis souvenue que le Père de l'Oratoire ne vous l'ayant proposée que comme de lui-même et non de la part de Monseigneur, ne serait peut-être pas aise que l'on sût qu'il vous en eût parlé sans en avoir la charge de mon dit seigneur ; mais si vous voyez que ma lettre doive être autrement, je vous supplie de la refaire.

Après avoir écrit jusqu'ici, nous avons reçu les laines et soies qu'il a plu à votre charité nous envoyer, et vos lettres du 29 octobre tout ensemble, dont nous vous remercions mille fois. Mon Dieu ! ma chère fille, votre bon cœur nous fait tous les jours mieux voir ce qu'il est pour nous, ce qui me donne de grands sentiments de dilection envers lui. Mais ce n'est pas cela que je voulais dire : c'est que il est vrai que M. Vincent [de Paul] et ma Sœur la Supérieure de la ville nous ont écrit pour nous faire prendre ma Sœur M. -Marguerite ; mais le chemin d'ici à Paris est bien long pour la faire venir, surtout en cette saison. C'est pourquoi je crois que vous ferez grande charité de la prendre, car je vous le dis franchement, ma chère fille, j'appréhende de mettre cet esprit dans une si grande communauté, ayant si peu de loisir de vaquer à le cultiver. Il sera donc bien plus à propos que vous la preniez, parce qu'aussi bien, si elle venait ici et qu'elle fît du mal à notre communauté, je la renverrais ; comme de même si elle en fait à la vôtre, vous devez faire ; puis on cherchera quelque expédient pour remédier à cet esprit. Il est de vrai à craindre qu'elle ne se lie avec ma Sœur Madeleine, si elle demeure au faubourg, c'est pourquoi il la faudrait renvoyer au grand couvent ou à [555] la M. — Ma chère fille, c'est sans loisir que je fais ce billet, et ne puis écrire à la très-chère Sœur de la ville, mais je la salue ; ce sera pour la première occasion. Le doux Sauveur naissant nous rende dignes de son amour et imitation. Amen.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE MLXIV - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

La Sainte achève ses Réponses ; sa répugnance à les voir imprimer ; défense de les laisser sortir des monastères. — Usage des cartes pour le bon ordre de la maison. — Souhaits ardents de vivre dans une parfaite dépendance. — Abandon à la volonté divine.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 24 décembre [1630].

Ma très-chère fille,

Votre lettre à ma Sœur la Supérieure de Blois est fort bien. Nous sommes après considérer s'il ne sera point mieux de tout laisser à la divine Providence, que de la vouloir rappeler, prévoyant, sur des bonnes conjectures, que peut-être aurions-nous bien peine d'en venir à bout, et que cela ferait un nouveau préjudice à l'Institut ; mais j'espère que Dieu aura soin de tout, et que peut-être nous donnera-t-il le moyen de faire quelque chose de notre côté, pour empêcher le mal qui pourrait arriver, ce que nous tâcherons toujours de faire le plus fidèlement qu'il nous sera possible.

Je n'ai pas encore vu les dernières demandes de ma Sœur l'assistante, n'en ayant pas eu le loisir ; mais, voyez-vous, ma très-chère fille, je désire grandement que désormais nous n'ayons à faire tant de demandes, et que nous nous occupions bien à faire [ce que nous savons] ; car si notre Bienheureux Père disait que ses paroles ne faisaient pas des miracles, beaucoup moins les miennes auront-elles effet, si ce n'est [556] envers quelques-unes qui auront bonne volonté ; mais celles-là feront toujours prou d'elles-mêmes. Je veux pourtant achever ces Réponses, puisque vous autres premières l'agréez et désirez tant ; et, pour cela, j'attendrai encore un peu ce que nos maisons me voudront faire savoir pour y mettre ; mais il me semble qu'il n'y a pas plus grand'chose qui soit important à éclaircir, et je vous assure que j'ai envie d'en être défaite. La cause pour laquelle notre Sœur la Supérieure du faubourg les veut faire imprimer, c'est qu'il y a une grande difficulté d'en faire écrire tant de copies qu'il en faut pour donner à nos maisons, et afin qu'en les écrivant l'on n'y change rien ; car, si ce n'était cela, jamais je ne pourrais me résoudre à laisser imprimer ces choses-là, parce que j'ai une si grande aversion à entendre seulement ce mot, de les faire imprimer, que j'ai peine à le supporter ; mais elle en veut seulement faire faire cent ou six-vingts copies, afin de les distribuer à nos maisons. Que s'il faut que j'y ajoute après cela encore quelque chose, on le pourra faire remettre, si l'on en fait d'autres copies ; et je m'attends que l'on ne me donnera pas la mortification que jamais il en sorte rien de nos monastères, ce qui me fait condescendre au désir de ma Sœur la Supérieure, qui me l'a ainsi assuré.

Pour ce qui est de faire demeurer les Supérieures déposées aux maisons où elles ont gouverné, il me semble que nous en sommes bien dans la pratique. N'y a-t-il pas celles de Rennes, de Bourges, Montferrand, Riom, vous, et encore quelques autres ? mais après qu'elles ont demeuré quelque temps déposées, si les Supérieurs pour quelque nécessité les veulent employer ailleurs, il est bien force qu'elles obéissent, et il m'est avis que je les exhorte bien à demeurer le plus qu'elles pourront aux monastères qu'elles ont gouvernés ; car c'est bien la vérité que nul ne sait ce que c'est que la vraie soumission s'il ne la pratique après avoir longtemps gouverné. Je fais tant d'état de celles qui s'y comportent comme il faut, que j'estime [557] que c'est une des meilleures preuves qu'elles puissent rendre de leur vraie vertu.

Je suis bien marrie de l'accident arrivé à Mgr votre cardinal : je prie Dieu qu'il vous le conserve, car c'est un digne prélat ; vous perdriez beaucoup s'il mourait. Au surplus, ma très-chère fille, je bénis Dieu de tout mon cœur des bénédictions qu'il répand sur votre famille, et Le supplie de Les y continuer et accroître toujours plus. Je ne vous saurais rendre, ce me semble, un plus grand témoignage de l'estime que j'en ai que celui-ci : je suis bien aise, quand vous faites des fondations, car je ne suis pas ainsi satisfaite de toutes ; plusieurs en font ou veulent faire que je voudrais bien qui s'en abstinssent.[128] Je ne doute point que la maison où vous serez ne soit toujours fort unie avec celle-ci ; car je sais bien que tout votre cœur y est, ma très-chère fille.

C'est une vérité toute sincère que notre chère défunte [F. -Marg. Favrot] avait une vertu solide ; vous avez su quasi tout ce qui était de son intérieur, car il est vrai qu'elle était sujette à ces ennuis d'esprit dans la vue de sa bassesse et de son néant ; mais cela avec une simple et quasi continuelle union de [558] son âme avec Dieu. — Vous verrez bien par celle-ci que nous avons reçu votre paquet remis à l'écolier ; et depuis cette lettre commencée, les vôtres dernières.

Pour ce qui est de ces cartes, ma chère fille, cela vient de notre Bienheureux Père, lequel ayant été à Port-Royal y en vit grande quantité, en sorte que l'on ne parlait en cette maison-là quasi que par ces cartes, et ce Bienheureux Père m'en fit grand état pour l'aide que cela donne à conserver le silence. Or, comme je passais, en revenant de Paris, à Port-Royal, je les vis, mais je ne les goûtai pas, parce que je ne les pouvais comprendre, si bien que je n'en pris que les plus aisées que j'apportai, et les autres demeurèrent à faire. Ce n'est donc pas une nouveauté de les avoir faites, ma chère fille, mais une tardiveté en mon obéissance, non de volonté, mais de ce que je ne les comprenais pas. Mais maintenant que nous en avons l'intelligence, nous les trouvons d'une utilité nonpareille, surtout celles des cellules et balayages, parce que cela décharge grandement la Supérieure de plusieurs demandes superflues. Je vois clairement que le silence et la tranquillité s'en gardent mieux, et que le bon ordre de la maison est mieux observé, et cela sans peine ni de la Supérieure ni des Sœurs, qui généralement les trouvent d'un grand soulagement. — Vous auriez grand tort si vous ne me disiez pas toujours entièrement et sans réserve ce qui se passe en votre esprit ; car je vais avec vous avec une telle confiance qu'il ne s'y peut rien ajouter, et ne fais point tant de considérations si je le dois, comme vous en faites : ôtez-moi ces doutes-là, je vous en prie, car notre Bienheureux Père disait que l'on me pouvait tout dire.

Cette chère âme, ainsi que je le remarque dans ce que vous m'avez écrit d'elle, a dit cinq ou six choses que je voudrais qu'elle n'eût pas dites. Je ne dirai que celle-ci : qui fut qu'en sept ans elle n'avait mangé que je ne sais combien de livres de viande ; cela était conforme à son inclination austère et non à la [559] Règle. Vous aurez bien vu dans mes lettres que je n'approuvais pas qu'elle nourrît si mal ses filles, que l'on a pensé plusieurs être mortes faute d'avoir été bien nourries ; cela se dit dans votre communauté tout haut. Quelque esprit austère en pourrait tirer quelque imitation préjudiciable ; réparez cela sans intéresser la défunte.

Le surplus, je le laisse à la Providence, devant laquelle ces choses sont ce qu'elles sont en vérité. Je n'en diminue pour cela rien de l'estime que j'ai de cette très-chère âme, que je connaissais jusqu'au fond pour être en effet toute bonne ; mais, comme disait notre Bienheureux Père, il n'y a eu que le Sauveur et sa Sainte Mère qui aient donné au milieu du blanc, les Saints en ont approché, mais ils n'y ont pas atteint ; les inclinations font toujours quelque petite ombre, mais cela n'est rien. Oh ! plût à Dieu que nous eussions plusieurs telles âmes ! Je ressens toujours ce que j'ai perdu en elle, tant je suis immortifiée ; car j'en attendais beaucoup d'utilité en toutes façons ; Dieu ne m'en a pas jugée digne, qu'il soit béni de tout.

Vous m'avez obligée de me donner l'avis de cette communication, cela est important : j'en écris pour la faire cesser nettement ; on le fera, je m'en assure. Notre Bienheureux Père la tenait [Sœur N.] bien capable d'autres choses que de la grille, et il me dit même, en ses derniers jours, qu'elle ferait bien partout, et en avait grande estime, je le sais ; mais il disait qu'il y avait pourtant quelque défaut, comme il est vrai. Je crois de savoir les trois [Sœurs] et qu'elles sont céans, et m'y font fort peu de peine, bien qu'elles en firent beaucoup à la chère défunte. J'eusse désiré, pour sa consolation, qu'elle les eût vues maintenant ; et cette famille, elle y eût bien trouvé de quoi louer Dieu. — Je crains que votre assistante n'exagère, mais cela fut mal ; j'espère que tout se redressera. Je ne puis écrire ce que je vous dirais sur ce sujet, j'ai confiance que vos avis porteront profit, que Dieu me donnera l'adresse de les utilement employer à [560] cette chère âme, en laquelle je sais qu'il y a de notables changements en mieux. — Quant à celle de Dijon, je sais de bonne part qu'elle fait bien, et vit assez retirée et suit toutes les communautés ; elle est fort infirme, et une Sœur me l'écrivant, ce me semble, j'ai recommandé que l'on en eût du soin ; mais non en tels termes que l'on vous dit. — Non, les sorties non nécessaires ne sont pas selon mon goût ; je toucherai cette corde un jour que Dieu me donnera, afin qu'elle sonne agréablement et utilement.

J'aime d'inclination le cœur de votre chère Supérieure : il est bon, et j'espère qu'un jour elle sera une digne Supérieure et zélée à garder les lois de l'Institut ; elle a une grande franchise qui me plaît, et sera utile avec le temps. C'est par une spéciale providence de Dieu sur nous qu'elle n'y a pas égard. Oh Dieu ! mériterai-je cette grâce, qu'avant que je meure, je sois en soumission et en fasse le profit qui s'y peut faire ? Hélas ! ce ne sera jamais qu'avec certaines réserves qui gâtent tout ; mais notre bon Dieu fasse de nous ce qu'il Lui plaira, soit pour nous purifier ou nous laisser dans notre rouille et chétiveté ! Cette sainte enfance nous prêche merveille. Sa Bonté nous rende participantes de ses mérites, par une vraie imitation. C'est trop, adieu, vôtre, vôtre sans réserve.

[P. S.] Ma très-chère fille, j'avais encore oublié de vous dire, pour ces cartes, que nous ne les envoyons pas à toutes nos maisons, mais seulement à celles qui les demandent, le Coutumier disant qu'elles seront maintenues selon l'ordonnance de la Supérieure, qui non-seulement peut, mais doit faire ce qu'elle juge à propos pour le bon ordre de la maison, et nous trouvons que cela y aide. — Ce jeune écolier n'est pas venu nous apporter le paquet, mais l'a remis à un ecclésiastique qui fut volé par les chemins, et on lui jeta les lettres, après qu'ils eurent défait le paquet, dans lequel nous n'avons trouvé que votre [561] lettre, et une de ma Sœur [la Supérieure] du second couvent, avec vos demandes, et une lettre d'Orléans pour nous, et quelqu'une pour notre Sœur Marie-Élisabeth ; je ne sais s'il y en avait plus que cela.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MLXV - À LA MÈRE ANNE-THÉRÈSE DE PRÉCHONNET

SUPÉRIEURE À MONTFERRAND

Notre souverain bien est en l'accomplissement de la volonté divine. — La Mère de Préchonnet peut s'occuper des affaires de ses enfants sans nuire au gouvernement de sa communauté. — Conduire les âmes avec douceur.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1630.]

Ma très-chère fille,

Incontinent que je sus le trépas de cette bonne mère,[129] j'allai communier pour le repos de son âme, que Dieu a reçue, je m'assure, dans le sein de sa Bonté. Hélas ! ma très-chère Sœur, je ne m'étonne nullement des grands sentiments que cette séparation vous a apportés ; il est impossible de les empêcher à la nature ; mais loué soit Dieu que votre très-amère amertume s'est faite en paix, que votre esprit est sans trouble, et qu'il adore amoureusement la volonté suprême qui fait toutes choses pour notre mieux. [562]

Vous me dépeignez votre cœur dans un grand abandonneront des consolations ; néanmoins je vois que vous recevez encore des lumières et des sentiments en la sainte oraison ; qui a cela n'est pas tant à plaindre. Mais Dieu ! quel bonheur à une âme de n'avoir, au milieu de ses désolations et afflictions, autre soutien que celui de son Dieu, par la foi nue et simple ! Enfin, ma très-chère Sœur, notre souverain bien est en sa volonté toute sainte : qu'il nous mène donc par les voies de crainte ou assurance, selon qu'il Lui plaira, il nous sera tout un ; car, en l'un et en l'autre, nous ne voulons chercher que son bon plaisir. Ne vous amusez donc point à regarder le chemin par où Il vous conduit : voilà ce que je vous dis sur le deuxième point de votre lettre, m'étant venu ainsi.

Quant au premier, il n'y a nul doute qu'il ne faille que vous serviez d'aide et de conseil, en tout ce qui sera possible, pour la conduite des personnes et des affaires qui vous ont été laissées par le trépas de cette chère mère. Vous y aurez un peu d'occupation en ce commencement ; mais, à la suite, vous y serez toute soulagée, et vous verrez que Dieu vous donnera du temps pour tout porter de l'une et de l'autre charge, et sans que vous en soyez oppressée ; car je ne suis nullement d'avis que vous quittiez la conduite de notre maison de [Montferrand] que la divine Providence vous a commise. Il faudra donc que vous vous déterminiez à suivre votre train, sans rien laisser ni de l'un ni de l'autre devoir, et cela gaiement ; mais j'approuve bien que vous vous déchargiez du soin du ménage et affaires ordinaires du monastère, sinon que quelque Sœur prenne l'ordre de vous tous les soirs pour les occasions où elle aura besoin de votre autorité et conseil.

Je suis vieille de soixante ans, cette famille est composée de quarante-six Religieuses ; de plus, le dehors et quantité d'affaires plus qu'en aucune de nos autres maisons, pour le temporel ; et, avec cela, les affaires des autres monastères me donnent [563] incomparablement plus d'occupations que ne sauraient avoir celles de la maison de M. votre père et de MM. vos enfants, et cependant Dieu me fournit du temps pour tout. Je suis entièrement la communauté, excepté quelquefois que je n'assiste pas aux Offices, mais rarement ; et avec cela je fais encore quelque autre petite besogne. C'est pour vous dire que vous ne devez rien craindre aux charges que Dieu vous impose.

Ne vous départez point, pour aucune chose que l'on vous puisse dire, de votre manière de conduite par la voie de douceur. Tous les jours j'expérimente que c'est la plus utile, et que rien ne se fait bien que par cette voie-là. Je ne dis pas qu'en certaines occasions il ne faille parler fortement, mais toujours suavement, et qu'on connaisse que la cordiale dilection règne dans le cœur. — C'est la vérité que quand nous prétendons obtenir quelque grâce par la voie d'oraison, qu'il la faut accompagner d'une profonde humilité et entière résignation, en ne demandant sinon que la volonté de Dieu soit accomplie. C'est ce que nous requérons pour votre chère fille, et faisons faire des prières particulières, afin que si notre bon Dieu a le dessein sur elle de la rendre toute sienne, Il le fasse ; sinon soit fait ce qu'il a destiné en son éternel conseil.

Votre, etc. [564]

ANNÉE 1631

LETTRE MLXVI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS

Dans tous les états de la vie spirituelle, l'âme ne doit chercher d'appui qu'en Dieu. Estime pour la Mère Clément. — Divers détails.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 7 janvier [1631].

Nos Sœurs de la ville [de Paris] nous font envoyer des hommes exprès de Lyon, bien souvent pour peu de chose et qui ne presse pas ; cela m'empresse, moi, ma très-chère grande fille, et me surcharge. Enfin les lettres se multiplient si fort de toutes parts, que j'ai peine à fournir, bien que j'emploie d'ordinaire deux jours à y répondre. — Je dirai donc nettement et brièvement qu'il faut laisser aller ces filles par cette voie de simplicité, bien qu'il me semble que, pour la consolation de celles qui y marchent, il faudrait ajouter quelque chose pour quand elles sont privées des sentiments ou de la vue de cette douce attention à Dieu, laquelle leur sert de soutien ; et quand elles en sont sevrées, l'âme se met en peine et cherche quelque chose pour s'appuyer, ce qu'elle ne doit pas faire. Quand Dieu me donnera du temps, je n'oublierai rien de tout ce que vous me marquez.

Pour les Réponses, dites-moi bien tout ce que vous penserez : je vois que des maisons en profitent et se les rendent fort familières ; d'autres aussi les tiennent cachées aux filles, chacun abonde en son sens ; il me suffit d'obéir à vos désirs et des [565] autres qui le souhaitent. — Notre Sœur de Montargis est tirée de Dieu dès son enfance ; mais on la dévoya de son chemin à Orléans. Je n'y saurais rien craindre ; mais ce m'est consolation que Mgr de Langres la prenne [sous sa direction]. Il faut que vous fassiez vers lui qu'il tempère l'ardeur de celui qui la conduit ; je n'ai rien su voir encore de tous ses écrits. — Je ne crois pas qu'il faille presser notre Sœur N. de venir vers nous : aussi bien ne pensé-je pas qu'elle se puisse guérir que par une longue pratique ; c'est pourquoi je pense qu'il serait tout à fait nécessaire qu'elle demeurât au moins un an avec vous. — Sœur N. est un bon cœur qui peut bien servir l'Institut ; mais il lui faut ôter cet esprit soupçonneux et de prudence humaine et cette grande communication au dehors, et lui apprendre la simplicité et confiance honteuse avec ses filles, et à se nourrir du pain que Dieu a donné à l'Institut. Je n'ai loisir de lire ce que je vous écris. — On désire bien fort de nous donner notre Sœur M. M. ; ils ont écrit pour que nous l'acceptions, mais je crois qu'elle refusera, notre Sœur la Supérieure le désirant ainsi ; mais je lui dis toujours qu'il faut la faire passer au faubourg. Enfin, ma très-chère grande fille, faites si adroitement avec M. Vincent que, sans éconduire ses désirs, cette fille ne vienne point ici : ce n'est pas qu'elle ne soit de bon cœur ; mais je n'ai loisir d'examiner son esprit comme il serait requis. — Hélas ! ma fille, je le sens au milieu de mon cœur que vous êtes ma vraie très-chère fille ; aussi suis-je vôtre d'une façon inexplicable. Je salue notre chère Sœur de Vigny ; il m'est impossible d'écrire davantage.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [566]

LETTRE MLXVII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Comment pacifier un léger différend. — La diversité de manières de voir n'empêche pas la perfection. — Il ne faut parler des défauts du prochain qu'à ceux qui peuvent y remédier.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 7 janvier [1631].

Ma très-chère fille,

Ma Sœur la Supérieure de Chambéry nous a envoyé la lettre que ma Sœur la Supérieure d'Arles lui a écrite, et la réponse qu'elle lui fait, ouverte. J'ai admiré l'une et l'autre : en celle d'Arles, la liberté avec laquelle elle fait voir les vifs ressentiments qu'elle eut contre une Mère de telle bonté et vertu que celle de Chambéry, l'humilité et charité de laquelle j'ai admiré en sa réponse. Tout cela, ma chère fille, nous fait connaître qu'il y a de l'altération en la Mère d'Arles contre l'assistante d'Aix, à quoi nous désirerions fort de pouvoir remédier et les faire remettre en leur première union et bonne intelligence ensemble ; et pour cela j'avais pensé qu'il serait à propos que la Mère d'Arles retournât pour quelque temps à Aix achever son triennal, me semblant que toutes choses s'en accommoderaient mieux et se passeraient plus doucement ; mais comme je vois maintenant la vivacité de son esprit, je crains qu'elle n'y fasse quelque éclat contre la Sœur assistante, laquelle pourtant est fort retenue et se maintient dans une grande modération. Vous savez que feu notre pauvre chère Sœur [F. M. Favrot] disait que cette affaire me donnerait de la peine, et il est vrai, car je ne sais ce que je dois faire ; je ne connais que fort peu l'une et l'autre de vue, et ce que j'en sais n'est que par leurs lettres. L'on vient au conseil vers moi, certes je suis bien empêchée là-dessus : c'est pourquoi j'ai pensé que Mgr votre bon [567] cardinal et M. Marcher ayant une grande connaissance d'elles et de toutes les affaires ici, il serait bon qu'un jour, vous ou ma Sœur la Supérieure, ou toutes deux ensemble, leur en parlassiez, pour savoir qu'est-ce qu'ils jugeraient plus à propos qu'on fit pour le bien de ces deux maisons et pour accommoder et pacifier toutes choses, et que vous m'en mandassiez bien leurs sentiments, afin que je puisse donner solide résolution à ces chères Sœurs sur ce qu'elles me demandent ; cependant je vous prie de faire tenir bien sûrement ce paquet à Arles.

Au reste, ma chère fille, je me porte assez bien, grâce à Notre-Seigneur. Il y a bien toujours quelque petite chose [à souffrir], mais cela n'est rien, car je sens qu'il y a encore bien de l'huile dans la lampe pour durer prou, de quoi j'ai plus d'inclination d'être marrie que de m'en réjouir ; mais la sainte volonté de Dieu soit faite ! Vous dites que vous avez toujours quelque espérance de me voir, et moi, je n'y pense plus, quoique je sente bien que si cela arrivait, ce me serait une douce consolation, et peut-être des plus grandes que je puisse recevoir. Voyez-vous,, ma très-chère fille, vous avez toujours été tellement partiale pour moi que cela vous fait dire des choses qui donnent des impressions de moi qui ne sont pas véritables. Hélas ! si Mgr votre non cardinal me voyait, il trouverait qu'il y a bien de la différence avec ce que l'on lui fait entendre. — Mais, qui vous a faite si hardie que de faire voir dehors ma Déposition de notre Bienheureux Père ? J'ai toujours envie que mes affaires demeurent cachées, et l'on ne fait que les montrer ; de vrai, je n'en suis point aise, mais toutefois prou indifférente. — J'ai encore sur le cœur de n'avoir rien dit, en faveur de la vérité et charité due au prochain, que c'est à tort que l'on a dit n'être pas bien édifié de la visite des deux Supérieures ; j'ai su tout ce qui se passa. Oh Dieu ! jamais celle qui présidait ne fit ni ne dit rien que conformément à l'esprit de charité de sa vocation ; mais cela procède de la diversité des esprits : l'un porte à l'austérité et [568] sécheresse, l'autre à la douceur et support du prochain, car il était lors question de cette pauvre Sœur N. Oh ! tout cela n'empêche point la perfection, selon que nous, chétives créatures, la pouvons avoir ; tant de grands Saints ont été de divers sentiments.

Mais voici un petit avis que je désire qui ne parte jamais de votre cœur : jamais, éternellement, ne parlez dans le commerce de confiance, pour entière qu'elle soit, des défauts d'autrui, sinon pour y mettre du remède et qu'il fut en votre pouvoir de le faire : cela était une des maximes de notre Bienheureux Père. Je me suis souvenue de quelques Sœurs qui lui faisaient de la peine en chose importante, dont l'une n'est ni n'était en ce monastère ; l'autre en est, mais dehors ; l'autre, je crois, est céans, qui est notre Sœur J. F. de Sales. Ce Bienheureux en était fort importuné alors, et cela lui fit lâcher cette parole ; mais, grâce à Dieu, tout va mieux partout. Ce qui découlpe le prochain, j'ai peine à le retenir. Ma fille, croyez que vous êtes bien uniquement ma très-chère fille. Oui, vivez dans un grand anéantissement de tout soin des choses qui ne vous sont commises ; mais si, sans le chercher, vous rencontrez quelque chose à réparer, faites-le en esprit d'humilité et franche cordialité vers qui que ce soit. À Dieu soyons-nous éternellement en la façon qu'il Lui plaira. Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [569]

LETTRE MLXVIII - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX

Souhaits de bonne année. — Une Supérieure ne doit tolérer aucune faute contre l’obéissance, tout en se montrant condescendante envers ses Sœurs.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, janvier 1631.]

Ma très-chère fille,

Nous vous souhaitons bien aussi la bonne et sainte année, et toutes sortes de saintes prospérités en icelle, sur vous et sur toute votre chère communauté, que nous saluons très-cordialement de la part de la nôtre, qui la remercie et vous aussi du souvenir que vous avez d'elle. Je ne sais que vous dire, ma très-chère fille, sur les reconnaissances que vous nous témoignez du peu d'assistance que nous faisons à votre maison, sinon que si nos moyens égalaient nos affections, vous en ressentiriez des effets plus utiles que vous ne faites pas ; mais au moins ferons-nous ce que nous avons promis et ce que nous pourrons, vous vous en devez assurer, ma très-chère fille, et cela de bon cœur avec l'aide de Notre-Seigneur, lequel, à ce que je vois, vous a favorisée, vous faisant trouver les matériaux pour votre bâtiment sur le lieu, ce qui est un grand avantage.[130]

De vrai, je suis bien marrie de voir que l'obéissance ne règne pas comme il faut dans votre maison. Je vous prie, ma très-chère fille, travaillez soigneusement à l'y bien établir, faisant connaître à vos Sœurs l'importance de cette sainte vertu et des fautes qu'elles y commettent ; parlez-leur souvent là-dessus et [570] leur faites lire ce que notre Bienheureux Père en dit. J'écris une bonne lettre sur ce sujet à ma Sœur N., par où je lui mande nettement qu'il faut qu'elle s'affranchisse de ce manquement et qu'elle reçoive et accomplisse toutes les obéissances que vous lui donnerez, avec simplicité et humilité ; mais quand elle fait ces fautes, vous lui en devez donner une bonne mortification devant les autres, si c'est en leur présence qu'elle vous fait ces répliques. Et de même pour ma Sœur N. quand elle parle ainsi légèrement à la récréation. Il ne faut laisser tels manquements sans leur en donner quelque pénitence ; mais aussi, après qu'elles auront reçu les obéissances, il faut que vous leur donniez la confiance de vous dire leurs petites difficultés en particulier, quand elles auront quelque légitime empêchement de les pouvoir accomplir, et que, s'il est juste, vous leur condescendiez, afin de les rendre plus affectionnées à l'obéissance, voyant que, quand elles ne le peuvent faire, l'on reçoit avec douceur d'esprit leurs raisons et qu'on leur condescend. Et au reste, je vous prie, ma très-chère fille, de croire que je vous dis toujours sincèrement, et selon qu'il me semble, ce que Dieu me donne pour l'utilité de celle à qui je parle. C'est pourquoi prenez toujours tout ce que je vous dirai, et ne laissez entrer aucun ombrage dans votre esprit, qui vous empêche de me dire tout ce que vous jugerez être utile tant à vous qu'à nos Sœurs. Et je vous supplie aussi que pour ce qui regarde vos infirmités, vous preniez tous les soulagements nécessaires et raisonnables, selon que votre conscience vous dictera être de mes intentions, et que si j'étais auprès de vous je vous ferais prendre. Mais surtout ne vous laissez plus saigner, sinon pour quelque violente fièvre continue, car je sais qu'ici les médecins ne le voulaient pas à cause de l'hydropisie dont vous êtes menacée. Il vous faut bien nourrir et prendre du repos après cet accident qui vous a ainsi affaiblie.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [571]

LETTRE MLXIX - À L'ASSISTANTE ET AUX RELIGIEUSES DE LA VISITATION DE RENNES

Éloge de la Mère CI. -A. Joly de la Roche ; regrets de sa perte. — Conseils à la communauté.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy. 1631.]

Ma très-chère fille,

Enfin, Dieu a voulu retirer à soi votre très-bonne Mère Claude-Agnès Joly de la Roche,[131] pour la faire jouir, comme nous l'espérons, du repos et de la félicité que le Sauveur nous a acquis par son sang et qu'elle a mérités par son humilité, ardent amour de Dieu et grande patience. De vous dire combien mon cœur a ressenti cette perte, cela ne ferait que vous attendrir davantage. Je crois que vous serez toutes demeurées en cette occasion dans l'amoureuse soumission aux divines ordonnances, que nous devons généreusement aimer dans les rencontres douloureuses et amères. Embrassez donc cette divine [572] volonté, mes filles, et demeurez toutes dans la parfaite union et bonne intelligence que cette sainte âme vous a tant recommandées. Puisqu'elle vous a dit d'attendre à l'Ascension prochaine de faire votre élection, il faut lui obéir, vu même qu'il y a peu de temps à s'écouler d'ici là, et alors vous élirez celle que Dieu vous inspirera. Mais, je vous prie, ne regardez que Lui et confiez-vous absolument à sa Providence, et vous sentirez des effets de sa bonté. Je vous dis cela à toutes en général, mes très-chères filles, avec la tendre et cordiale dilection que Dieu m'a donnée pour vos âmes.

Et à vous, ma très-chère Sœur l'assistante, je vous dis que vous gouverniez cette bénite troupe, attendant l'élection, avec une profonde humilité ; et faites en cela selon l'exemple que la bénite défunte vous a donné. Comportez-vous au dedans avec une grande douceur et observance, et au dehors avec une sainte modestie et dévote conversation ; que vous conserviez envers tous la bonne odeur que la chère Mère avait répandue d'une parfaite vertu. Oh ! non vraiment, ma fille, je ne serai point en peine de votre maison, car j'espère que Dieu en sera le maître et le pilote. Assurez toutes les Sœurs que je les tiens dans mon cœur, mais particulièrement vous, de qui je suis, etc.

LETTRE MLXX - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Voyage de M. Marcher à Aix. — Mort de la Supérieure de Rennes.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 27 janvier [1631].

Ma très-chère fille,

Vous verrez ce que j'écris au bon M. Marcher. Je ne sais si je me serai bien expliquée, car c'est toujours dans mon [573] empressesèment ordinaire, par la multitude de lettres qu'il me faut faire.

Je continue à être de sentiment qu'il faut que ma Sœur la Supérieure d'Arles retourne à Aix ; mais, comme je ne puis pas savoir toutes choses si bien que ceux qui sont sur les lieux, ce nous est un grand bien que M. Marcher aille là, parce qu'il pourra voir ce qui sera pour le mieux en toute façon, et je ne désire nullement qu'il fasse aucun fondement sur tout ce que je dis ; mais qu'il fasse selon Dieu ce qu'il jugera se devoir faire pour le bien de ces deux chères âmes que je chéris également, selon pourtant les dispositions que je sais que Dieu a mises en elles. Je ne désire que leur bien et celui de leur maison sans aucune autre prétention. Je vois bien que ma Sœur l'assistante a cette impression dans son esprit, que si ma Sœur la Supérieure retourne à Aix, elle y apportera du préjudice ; mais je crois que non, moi, si M. Marcher peut la réduire dans le degré d'humilité qu'il est requis pour la faire tenir dans la modération. Au contraire, j'estime que ma Sœur l'assistante a besoin de cette occasion pour se remettre tout à fait bien avec elle, qui a le cœur du tout bon ; et pourvu qu'on lui laisse la liberté de parler en confiance à M. Marcher, et de m'écrire, et moi, à elle, comme je crois que la Mère fera, j'espère que tout ira bien. Je ne leur écris point maintenant, parce que je crois qu'il ne partira pas si tôt, me disant que ce ne sera qu'en carême-prenant. Je vous prie cependant de m'en dire des nouvelles au plus tôt, parce que si je peux, je serai bien aise d'écrire par lui. Croyez-moi, ma très-chère fille, qu'il est peu d'âmes dans ce degré de sincérité et simplicité où était notre chère défunte ; c'est pourquoi il est bon de tenir ferme dans le document de ne jamais parler des imperfections du prochain à qui que ce soit, quand on n'y peut pas remédier.

Hélas ! voilà la pauvre chère Supérieure de Rennes partie [décédée], et moi qui cependant demeure dans la sensible douleur de me voir privée du secours et consolation que [574] j'attendais de ces chères âmes-là ! Je ressens toujours plus le grand dépouillement que Notre-Seigneur m'a fait de la présence de notre chère Sœur F. -Marguerite Favrot ; car je me vois par ce moyen quasi hors d'espérance de pouvoir être dans la liberté que j'attendais, me déchargeant des affaires de cette maison sur elle, ce que je vous dis sur la proposition que vous me faites qu'il faut que j'aille en Provence, à quoi je ne vois pas grande apparence. Je ne sais pas ce qu'il plaira à la divine Providence d'en ordonner, mais je sais bien que j'obéirai toujours de bon cœur en tout. Et si Dieu me donne la consolation de vous revoir, son saint Nom en soit béni ! S'il ne Lui plaît pas, son saint Nom soit aussi béni ! Je vous dis ceci, parce que voici ma petite secrétaire[132] qui dit que vous parlez pour les autres, mais que vous prêchez pour vous.

Je suis marrie de ce que votre ancienne assistante croit que je ne l'estime plus, car je l'aime bien ; mais non pas toutes ses inclinations, parce qu'elle se recherche trop. Je vous prie pourtant de me conserver un peu dans ses bonnes grâces et de la saluer chèrement de ma part. Je prendrai le loisir entre ci et un mois de répondre à ses demandes, car je ne l'ai encore su faire et je ne puis pas tant écrire de lettres inutiles, parce que je suis accablée des nécessaires. — Notre Sœur la Supérieure de Dijon m'écrit qu'elle est en peine que je n'aie pas reçu certaines lettres auxquelles j'ai répondu, et vous avons envoyé le paquet. Je vous prie d'avoir soin de faire donner bonne adresse à nos lettres.

[P. S.] Je n'en puis plus. Priez pour moi, que Dieu reçoive tous mes moments, mes actions et mes pensées ; car si ce n'était cette espérance, il se faudrait rendre et tout quitter.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [575]

LETTRE MLXXI - À LA MÊME

Prévision pour une prochaine élection de Supérieure. — Affaire des monastères de Provence.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 6 février [1631].

Ma vraiment bonne très-chère fille,

Il faut dire la vérité, mais il m'a fait grand bien, nonobstant tout mon embarras, de recevoir de vos nouvelles et de voir des lettres écrites de la main de ma vraiment toute bonne et chère fille ; car il me semble que je l'aime bien. Mais ce n'est pas cela que je veux dire.

Nous verrons entre ci et l'Ascension ce que nous pourrons faire pour l'élection de nos Sœurs de Valence. Je crois bien, pour vous parler simplement, qu'il leur serait fort utile si elles pouvaient avoir une Supérieure de céans, et si nous ne faisons plus de deux ou trois fondations, nous leur en pourrons bien donner une qui sera telle qu'il la faut et que vous dites ; mais je pense qu'elles rééliront celle qui est maintenant ; néanmoins il faut tout laisser conduire à Notre-Seigneur. Je ne crois pas que vous deviez penser à remettre en charge votre jadis assistante, si ce n'est par le moyen de quelque fondation qui se puisse faire proche de vous, comme à Villefranche où l'on parlait de vous établir ; mais il lui faudrait donner une bonne assistante fort sage et vertueuse, et des Sœurs bien douces, souples et de bonne observance. Il lui faut faire entendre que l'on a ce dessein-là, pourvu qu'elle s'y dispose par une humble soumission, exacte observance, et qu'elle tâche d'affranchir son esprit de tant de réflexions et de ne se plus tant rechercher elle-même ; car je crois bien comme vous, ma très-chère fille, que c'est le seul moyen de la remettre que cela. Et pour vous dire ce [576] mot de cœur, nous en avons aussi une ici que vous savez que nous avons rappelée pour tel sujet, qui en est quasi de même, quoique non pas si inquiète que la vôtre, mais qui a un peu de ces impressions-là ; mais j'espère pourtant que quand elle aura accoisé son esprit, elle pourra encore dans quelque temps être employée et rendre de bons services à Dieu.

Je suis fort consolée de ce que Mgr votre cardinal a reçu tant de satisfaction de nos bonnes Sœurs de Bourg. Je n'en attendais pas autre chose que cela ; j'écrirai encore, si je puis, à M. le prévôt et à nos Sœurs de Provence. Voilà cependant la lettre pour notre Sœur la Supérieure de Bourg, que vous avez mandé que j'écrivisse.

Croyez, ma très-chère fille, que c'est bien empressement que j'écris ces lettres pour la Provence et au bon M. Marcher. Le plus important, c'est de bien mettre l'observance ès deux maisons d'Aix et d'Arles, et je ne sais si l'on pourra donner ce moyen. Je le vois bien, ma très-chère fille, que si j'étais telle que je devrais être, une petite visite leur ferait grand bien ; mais je laisse tout cela à la Providence divine, voyant difficulté d'être tirée des mains de Mgr de Genève et de cette maison, si quelqu'un de puissant n'en montrait la nécessité ou grande utilité : j'ai toujours vu que Mgr se rend à cela. De ma part, nonobstant les répugnances qu'a la nature d'aller et tracasser, je me sens, par la divine grâce, sans difficulté ni résistance à suivre en tout ce que Dieu voudra, dont Il soit éternellement béni ! Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [577]

LETTRE MLXXII - À LA MÈRE FRANÇOISE-GASPARDE DE LA GRAVE

SUPÉRIEURE À BELLEY

User de modération en traitant avec une fondatrice. — On propose d'établir des monastères à Ornans et au Pont-de-Beauvoisin.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 8 février 1631.

Ma très-chère fille,

Je vous remercie de tout mon cœur du soin que vous avez eu de faire tenir notre lettre à mademoiselle de la Tuilière. M. des Échelles nous a promis de lui faire tenir celle que nous lui écrivons encore ; vous prendrez seulement celui de nous en faire tenir la réponse, si mondit sieur des Échelles vous la remet.

Quant à votre petite Sœur qui a ce grand désir d'être votre fondatrice, je vous ai dit, ce me semble, tout ce que je vous peux dire sur ce sujet ; il faut laisser agir en cela le Saint-Esprit, sans vous en mêler beaucoup, ni pour l'y pousser, ni pour l'en divertir, sinon ès occasion. Puisqu'elle a parlé à ses parents, tâchez de, modérer l'affaire tant qu'il vous sera possible, et je vous supplie, ma très-chère fille, puisque le père même vous en a parlé, de faire paraître en ce sujet quel est l'esprit de la Visitation, par une suave modération en cet accommodement. — Quant à ce qui est de la fondation d'Ornans, je ne pense pas que M. Clément soit près d'obtenir la permission de Mgr l'archevêque. — M. des Échelles m'a parlé du Pont-de-Beauvoisin ; si vous pouviez vous établir là, je pense que ce serait un grand bien. Et en ce cas, ma très-chère fille, il ne faudrait pas parler de l'autre, car je sais par expérience que quand l'on tire d'une maison des filles pour une fondation, c'est bien assez pour une fois, car il faut toujours qu'il y en demeure de bonnes pour servir la maison et donner bon exemple et édification à celles que l'on y reçoit nouvellement. Si pourtant la [578] fondation d'Ornans était prête, vous y pourriez mener les Religieuses ; mais souvenez-vous, ma très-chère fille, qu'en faisant de nouvelles maisons, il faut avoir un grand soin de conserver celles qui sont faites.

Je salue de tout mon cœur votre chère âme, ma toute chère fille, sans oublier nos chères Sœurs, auxquelles [je souhaite] le comble des perfections de notre saint Institut, par une exacte observance ; mais avant tout particulièrement l'abondance du saint amour, auquel et par lequel je suis d'une affection incomparable, ma très-chère fille, votre très-humble et indigne sœur et servante, toute vôtre et de cœur vraiment sincère, mais toujours accablée d'écritures.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MLXXIII - À LA MÈRE CATHERINE-CHARLOTTE DE CRÉMAUX DE LA GRANGE

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Oppositions qu'apporte Mgr de Genève au départ de la Sainte. — La direction des âmes est le premier devoir d'une Supérieure. — Nécessité de détruire tous les exemplaires des faux Entretiens.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 23 février 1631.

Ma bonne très-chère fille,

J'admire votre bon cœur de prendre une joie si grande en l'espérance de voir mon inutilité ; car, en vérité, je me peux nommer de la sorte. C'est la vérité que le bon M. Gautery trouva à son arrivée quelque entrée dans l'esprit de Mgr de Genève ; mais, du depuis, il a tout à fait résolu de ne m'y laisser pas aller. Je crois que si Dieu ne dispose son esprit autrement, il ne me permettra pas de bouger d'ici ; et je ne pense pas d'être si nécessaire et utile à nos Sœurs, que Dieu veuille pour cela plier le cœur de mon Supérieur pour permettre que j'y aille. Je [579] remets le tout aux soins de la divine Providence, me suffisant de me tenir prête pour obéir à tout ce qu'il Lui plaira me commander.

Pour les cinquante francs de notre pauvre Sœur Favrot, il me semble que ma Sœur la Supérieure de Marseille nous a écrit qu'elle avait donné à ma Sœur Françoise-Marguerite cinquante francs, pour acheter des clinquants à mettre au dais de damas vert qu'elles ont envoyé à notre Bienheureux Père ; mais n'y bougez encore rien que nous n'en sachions plus particulièrement la vérité d'elle. — Je suis consolée de ce que vous dites que notre chère Sœur la Supérieure du Puy s'occupe tout autour de ses abeilles ; certes, ma très-chère fille, c'est la plus sérieuse occupation que puissent et doivent avoir les Supérieures. Ç'a toujours été une fille d'espérance que celle-là ; je prie Dieu qu'il la rende de plus en plus selon son Cœur, et toutes ses chères filles.

Au reste, ma très-chère fille, nous avons fait lire à table le livre des faux Entretiens pour voir [ce] que c'était ; mais nous en avons été toutes scandalisées, voyant la hardiesse de renverser tout à fait l'esprit de notre saint Fondateur et les demandes qu'on lui a faites, de sorte que je vous prie de les brûler tous, ou bien de vous en servir à plier des paquets ou coller les châssis, car c'est un livre qui ne mérite pas et qui ne doit jamais être lu.

Nos Sœurs de Rumilly se plaignent de quoi elles n'ont pas reçu les deux ou trois exemplaires des vrais Entretiens que M. Cœursilly devait à tous les monastères ; vous ferez bien [la] charité de les leur faire tenir. Je salue de tout mon cœur votre chère âme, et supplie Notre-Seigneur de verser en elle l'abondance des grâces de son saint et pur amour, comme aussi sur toutes nos Sœurs, que je salue très-chèrement. Croyez que je suis et serai d'une affection invariable et de tout mon cœur, ma très-chère fille, votre très-humble et indigne sœur et [580] servante, qui est tout à sa très-chère fille, qu'elle aime de cœur entier.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MLXXIV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE SU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS

Comment s'insinuer dans les cœurs pour les porter à Dieu. — Craindre que de trop fréquents rapports avec le monde nuisent à l'esprit de simplicité.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1631.]

J'écris donc pour la Sœur M. M. dans la ci-jointe ; je crains fort que cette petite Mère ne soit de difficile guérison de cet esprit méfiant qui fait tant de mal. Oh ! c'est la vérité que celui de notre Sœur N. est tout à fait humain ; c'est pourquoi je ne la veux nullement ici, car je n'ai pas assez de loisir pour la servir selon son besoin. Elle a pourtant le cœur bon, de bonnes lumières, mais lâche à se vider du monde et d'elle-même : je crois que dans le détroit où elle est, vous lui profiterez grandement ; mais il lui faut de la confiance, sans la flatter pourtant. Vous lui trouverez bien quelque chose de bon, mais qui est fort embarrassé. Il est vrai que M. Vincent est un digne serviteur de Dieu, et je suis consolée de quoi vous le reconnaissez.

[Le reste est coupé ; au dos de la lettre est écrit ce qui suit :] Je n'ai le loisir d'écrire à notre Sœur de la ville ; elle me mande que toujours l'on veut nôtre Sœur [la Supérieure] de Bourges : cela est fâcheux ; car, outre le préjudice qu'en recevra sa maison de Bourges, ce frère attirera des courtisans, ses bons amis, en votre parloir, et rendra votre maison une cour mondaine. Mon Dieu ! que cela m'est à charge ! car enfin il est à craindre que parmi ce commerce de tant de monde nous ne perdions notre [581] simplicité et union avec Dieu ; sa Bonté nous prémunisse de ce mal ! Notre Sœur la Supérieure me dit que cette chère Sœur de Bourges lui succédera en sa charge, n'en voyant point chez elle ; je ne trouve pas cela hors de propos, pourvu qu'elle soit quelques mois avec vous pour prendre le vrai esprit.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE MLXXV - À LA MÈRE ANNE-MARGUERITE CLÉMENT

SUPÉRIEURE À MONTARGIS

Quand Dieu se communique à une âme, elle n'a qu'à s'anéantir et à le laisser faire. — Demande de prières.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1631.]

Je suis fort satisfaite, ma très-chère fille, du bon jugement que votre digne prélat fait de la conduite de Dieu sur vous. Bénie soit éternellement une si grande Bonté, qui daigne se communiquer si abondamment à ses pauvres et indignes créatures. Ma fille, je n'ai rien à vous dire là-dessus ; suivez fidèlement ce que votre digne prélat vous a dit. Vous n'avez qu'à regarder Dieu et Le laisser faire, vous anéantissant tout en Lui. Puisque son amour vous permet de Lui parler si amoureusement et si familièrement, je vous prie, ma très-chère fille, de lui présenter quelquefois mon chétif cœur, Le suppliant en toute humilité de le rendre tout sien et d'en disposer à son gré, lui faisant la grâce qu'il fasse et souffre tout selon le même très-saint bon plaisir. Recommandez-Lui fort notre pauvre petite Congrégation ; qu'il y fasse régner son esprit. Aimez-moi toujours chèrement en son saint amour, et m'y recommandez souvent, et avec tant d'affection que j'en ressente les effets selon la mesure de son adorable volonté.

J'ai lu moi-même les deux pages de votre lettre touchant [582] votre intérieur, ma très-chère fille, sur quoi je n'ai rien à vous dire, mais seulement à louer Dieu des grâces et des lumières qu'il répand dans votre chère âme, à laquelle les paroles des créatures sont inutiles et insipides, puisque le Créateur lui daigne Lui-même parler.[133]

Extraite de la Vie manuscrite de la Mère A. -Marg. Clément.

LETTRE MLXXVI - À MONSIEUR L'AVOCAT PIOTON

À THONON

Affaires.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 13 mars 1631.

Mon bon et très-cher frère,

Nous avons envoyé vos lettres aux Barnabites. Nous verrons quelle sera la bonne volonté de M. le chevalier. Notre nécessité présente nous ferait bien désirer qu'elle nous fût favorable : néanmoins, mon très-cher frère, nous ferons toujours tout notre petit pouvoir pour satisfaire à tout ce que nous devrons. Monseigneur et moi écrivons à ma Sœur la Supérieure [de Thonon] ; nous sommes extrêmement en peine de la savoir dans l'indisposition où nos Sœurs nous disent qu'elle est. Nous lui écrivons d'user de toutes les viandes et remèdes qui lui seront jugés nécessaires par le médecin et son confesseur ; il faut qu'elle obéisse.

Nous serons fort aises que vous tiriez ce que vous pourrez de M. de Vallon ; mais pour M. de Félicia, certes, nous désirerions bien qu'il nous payât. Mon très-cher frère, les rivières sont tellement basses céans qu'il n'y a pas une goutte d'eau, [583] de sorte que nous employons volontiers l'aide de nos amis, pour qu'ils contribuent de leurs peines à nous faire tirer quelque chose de ceux qui nous doivent ; car, pour nous, nous n'y pouvons réussir ; aussi sommes-nous dans une disette si grande d'argent que je n'ai jamais vu cette maison dans l'état où elle est, pour durer si longtemps. Dieu soit loué de tout, mon très-cher frère, et vous rende un grand saint ! C'est de tout mon cœur que je L'en supplie, et que je me dis votre très-humble, etc.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MLXXVII - À LA SŒUR MARIE-SÉRAPHINE DE LALANDE

À RIOM

La paix de l'âme s'acquiert par la soumission au bon plaisir de Dieu.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1631.]

Ma très-chère fille,

Depuis que vous m'eûtes écrit les difficultés que vous aviez en notre maison de Riom, je pensai que, si cela continuait, il fallait que nous vous trouvassions quelque remède et soulagement, ce qui ne se peut que par le changement de lieu ; c'est pourquoi, sachant ce qui se passe, je pense que votre esprit retirerait une grande utilité de l'assistance et conduite de notre très-chère Sœur la Supérieure du faubourg de Paris, et pour cela je l'ai priée de vous prendre. Mais, ma très-chère fille, je vous prie et conjure de porter à cette bonne Mère un cœur déterminé à se laisser manier et plier selon le bon plaisir de Dieu. Soyez sûre, ma très-chère fille, que si vous y allez avec cette disposition, vous y trouverez les vrais moyens de paix et de perfection dans votre vocation, et cela avec tant de douceur que vous sentirez et expérimenterez combien Dieu vous fait de [584] miséricorde de vous conduire là. Mais je vous conjure de nouveau d'y aller avec une ferme résolution de vous quitter vous-même, et de vous perfectionner dans une entière soumission de votre propre jugement et de votre volonté. Tenez-vous-y si humble et si basse que tout le monde en soit édifié. Bienheureuse sera l'âme en qui reluira cette excellente vertu d'humilité et d'amour de l'abjection. C'est cette vertu que je vous désire par-dessus toutes, comme je la souhaite pour moi-même et pour toutes les filles de l'Institut dont elle est l'étendard. Que Dieu nous accorde cette grâce, s'il Lui plaît.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MLXXVIII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

À RIOM

Compassion pour la Mère de Bréchard et sa communauté. — Prière d'achever l'histoire de la fondation d'Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 16 mars [1631].

Ma très-chère fille,

Il était bien raisonnable que j'attendisse comme se comporterait ma Sœur M. -Séraphine auprès de la [nouvelle] Supérieure, et de savoir si celle-ci [la Mère Charriel] la pourrait supporter, avant que de parler de faire ces changements qui sont de si grande conséquence. Ma Sœur la Supérieure du faubourg de Paris, de qui la charité est notre recours universel en tous nos besoins, s'en chargera. Elle doit aller ce Carême à Troyes, mener des filles en une maison de Religieuses qui désirent des nôtres, parce qu'il est nécessaire pour la gloire de Dieu qu'elle voie un peu elle-même la condition de ces esprits-là. Vous lui pourrez écrire, afin qu'elle vous marque le temps auquel vous la lui enverrez ; après quoi vous la lui ferez conduire le plus convenablement qu'il se pourra, avec quelque honnête fille, [585] selon que vous jugerez le mieux. J'ai confiance en Dieu que tout se passera doucement, et qu'étant sous cette bonne Mère, elle se remettra à son devoir.

Vous n'êtes pas exempte, à ce que je vois, de pauvreté et misère, non plus que nous. Croyez, ma chère fille, que chacun en a sa bonne part. Je suis extrêmement marrie de vos continuelles maladies ; je m'assure que l'on ne manque pas de vous donner tous les soulagements qui vous sont nécessaires. — J'ai pensé que je devais écrire à ma Sœur Séraphine de l'air que je fais, afin de lui faire faire ce passage plus doucement ; et puis ce n'est [pas] mon air de ravaler les esprits pour les gagner à Dieu. Voilà, ma très-chère fille, ce que je vous dis brièvement pour envoyer votre homme promptement, qui arriva [hier] à soir à la nuit, et nous lui faisons son dépêche ce matin.

Quand sera achevée [l'histoire de] la fondation de cette maison ? car cela retient que l'on ne peut écrire les autres qui se multiplient. Ma pauvre vieille très-chère fille, que j'ai bien envie que vous en fassiez une pour soulager votre maison ; mais il faut attendre le secours de Dieu, qui l'enverra quand moins l'on y pensera ; et cependant se reposer en son soin et préparer de bonnes filles pour cela, car certes il n'y faut plus mener d'esprits mal faits. Vous voyez comme vous vous trouvez de notre bonne Sœur F. -Catherine [de Gerbès]. — Oh ! bonjour mille fois, ma très-chère fille. Dieu vous comble de son saint amour, auquel je suis et de cœur incomparable, tout à fait vôtre, vous le savez dès longtemps.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [586]

LETTRE MLXXIX (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE TARIS

Nécessité de voir par elle-même l'état du couvent de Troyes qu'on désire incorporer à la Visitation. — La Sainte trouve beaucoup de rapports entre son attrait intérieur et celui de la Mère Favre. — Mécontentement de madame du Halliers, à qui on a refusé l'entrée du monastère d'Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 16 mars [1631].

Ma très-chère et très-aimée fille,

Il sera tout à fait utile, voire nécessaire, que vous preniez connaissance des esprits de ces bonnes filles de Troyes, et qu'elles vous voient et prennent confiance en vous, afin de les pouvoir mieux aider, soit par vous-même, leur écrivant, soit par les conseils que vous donnerez à la Mère, et peut-être pour en amener quelqu'une. Vous ferez donc très-bien d'aller là quinze jours ou trois semaines, tout en ira à jamais beaucoup mieux. Il sera bon aussi d'y envoyer notre Sœur [Claire-Marie Amaury], bien que vous ne prissiez pas notre Sœur N. J'avais déjà pensé de vous l'écrire, et j'admire comme nous nous rencontrons. Elle y fera fort bien. Je ne suis pas d'avis que vous tiriez notre Sœur N. que pour quelque autre fondation ; et quand vous en aurez, la faire aller à vous à l'avantage, pour la dresser un peu.

Il faut retirer notre Sœur [M. S.]. J'espère que sous votre main elle se pourra ramener : si son esprit se pouvait changer, quittant l'humanité dont elle est toute pleine, et prendre l'esprit de Religion, ce serait une brave fille. Elle a de vrai de la finesse et couverte ; bien qu'elle m'ait toujours témoigné grande confiance, j'ai reconnu cela. Elle veut être tenue haute dans le cœur de sa Supérieure ; je pense toutefois que ce qui s'est passé la doit avoir matée. Rien ne gâte ni ne désoblige tant un esprit que la méfiance, je voudrais pouvoir arracher cela de l'esprit de cette petite Mère, et cette jalousie de [587] l'honneur, avec ces prudences humaines. Mon Dieu l'en veuille affranchir ! car hors cela elle ferait merveille, c'est un bon cœur. Vous devinez parfaitement la cause de sa répugnance à vous donner notre Sœur [M. S.] ; mais il la faut tirer de là. Je lui écris la disposition qu'elle doit porter vers vous, et le bonheur incomparable que ce lui sera d'être conduite par vous. Je la prie fort d'en faire son profit. Voilà votre dernière lettre répondue, ce me semble ; je la reçus, [hier] à soir, bien tard, et j'y réponds ce matin, par le messager qui est venu de Riom pour cette fille, et mande à Lyon qu'on vous l'envoie promptement.

Je viens à votre lettre précédente. Vous parlâtes dignement à Mgr de Chartres. Vrai ! jamais les prélats ne nous détraqueront. — Votre état est tout à fait à mon gré ; je l'appelle état, à cause de la stabilité que Dieu vous y a donnée. Bénie soit la Bonté divine d'avoir mis votre esprit en cette sainte et pleine liberté ! Mon Dieu ! que votre voie est bonne, douce, sainte, et votre conduite tout aimable, et selon le vrai esprit de notre vocation ! Je vous dirai avec simplicité que j'ai votre même attrait, mais non la fidélité et facilité de retourner si fréquemment à l'union de mon esprit à Dieu dans les occupations, bien qu'incessamment je le désire, et trouve ce divin Sauveur assez facilement ; mais de moment en moment, comme vous, je n'en ai pas la grâce. Mon Dieu ! que si j'avais le loisir de m'entretenir un peu sur ce sujet avec vous, ce me serait consolation ; mais il faut finir. Croyez qu'il est bien vrai que vous avez mes yeux et mes oreilles, et certainement encore plus mon propre cœur ; car il me semble que Dieu n'en a fait qu'un seul très-unique des deux nôtres, dont Il soit béni. — 16 mars.

Je ne puis écrire au cher frère, je le salue chèrement. Je voudrais bien savoir qu'est-ce que fait le Père dom Maurice, s'il est mort ou malade ; envoyez-m'en un peu des nouvelles. Je m'informerai du Père Dufour, et puis [vous] en écrirai. Je vous prie de m'envoyer un peu des nouvelles de notre bon Mgr [588] l'archevêque [de Bourges] ; il n'y a pas longtemps que, comme à vous, je lui écrivis par un commissaire des guerres qui s'en allait à Paris. — Je salue ma Sœur Marie-Agnès [Le Boy] ; je n'ai pas connu sa lettre jusqu'à ce que le paquet a presque été fait ; je lui écrirai, car c'est une de mes chères filles, que j'aime bien. — Nous avons ici M. des Essaix, et, dès quatre mois environ, madame du Halliers, par conséquent la gouvernante de ce pays[134] ; elle demanda avec beaucoup de courtoisie l'entrée de ce monastère au commencement qu'elle arriva en cette ville, se disant princesse et tenant la place de reine, que c'était la coutume en France que telles personnes entrassent en tous les monastères, ce que je n'ai pas vu pratiquer ; c'est pourquoi, pour bonne considération, nous ne l'avons pas laissée entrer, dont elle jette feu et flamme contre moi. Elle ne cesse de faire connaître mes défauts et les dire à chacun avec grand mépris de ma race, dont je ne me soucie guère ; mais dites-moi, s'il est vrai qu'en France les gouvernantes du pays entrent dans tous les monastères ?

L'original de cette lettre a été partagé : la première feuille se garde à la Visitation de Chambéry, et la seconde à celle d'Annecy.

LETTRE MLXXX - À MONSIEUR L'AVOCAT PIOTON

À CHAMBÉRY

Elle se réjouit de l'heureuse issue d'un procès.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 18 mars [1631].

Mon bon et très-cher frère,

Loué soit Dieu de la bonne inspiration qu'il a donnée à Messieurs du Sénat de nous faire si bonne et droite justice ! J'écris [589] les lettres de remercîment aux trois que vous marquez, ainsi que vous l'avez désiré ; mais je ne l'ai encore pu faire au bon M. le commandeur Balbian ; je le ferai pourtant au plus tôt, puisqu'il ne part pas devant Pâques. Je laisse à ma Sœur la Supérieure et à vous, mon cher frère, le soin de faire toutes les reconnaissances qui se doivent à l'endroit de tous ces Messieurs en telle affaire, et puis nous satisferons à tout. Je m'assure que vous aurez vu clairement que votre présence était nécessaire à l'issue d'une affaire si importante. Vous nous apporterez tout ce qui sera nécessaire pour l'exécution de notre arrêt, afin que nous tirions un peu de raison de ces Messieurs qui la nous voulaient faire si mauvaise. — Nous espérons, mon très-cher frère, de vous voir bientôt, et ce nous sera grande consolation, quoique ce sera un peu courtement ; car je pense qu'il faudra que vous conduisiez nos Sœurs [à Aoste], lesquelles il faut faire partir le mardi de Pâques, au plus tard ; dites-le à ma Sœur [de Châtel]. Je remercie tout le monde, sinon celui qui a pris le plus de peine qui est vous, mon très-cher frère ; mais nous sommes si accoutumées à recevoir des biens de vous que nous les recevons comme de nous-mêmes. Mais la divine Bonté, qui sait la cordiale dilection que nous avons pour vous, vous en récompensera largement par l'abondance de ses grâces, ainsi que de toute mon affection : je L'en supplie, étant, mon très-cher frère, votre, etc.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MLXXXI - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À AUTUN

Elle la remercie d'avoir fait faire une retraite à madame de Toulonjon. — À quelles conditions on peut s'établir dans les petites villes. — Les jeunes professes doivent tirer leur rang d'année et donner leur voix au Chapitre. — Legs de madame de la Curne.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 19 mars [1631].

Ma très-chère fille,

Vous avez fait une bonne et ample charité à ma pauvre fille de Toulonjon ; elle m'en écrit et s'en loue grandement, et surtout de ce que vous l'avez assistée si dignement, dont je m'en sens fort votre obligée.[135] Si elle pouvait tous les ans faire ainsi un peu de retraite et revue de sa conscience, cela lui aiderait fort à se tenir ferme en ses bonnes résolutions ; je le lui mande. Mais, parce que je vois qu'elle a en vous une très-entière confiance, je crois que votre persuasion lui profitera beaucoup en cela ; c'est pourquoi je vous prie, ma très-chère fille, de l'y encourager le plus que vous pourrez. Je serai bien aise que vous lui fassiez encore la charité de garder sa petite [Gabrielle] pendant son voyage, et le serai encore plus si vous lui pouvez jeter de si bons fondements de la piété, tandis qu'elle sera là, qu'elle prenne tout de bon résolution de retourner à vous, pour [591] vivre et mourir en notre sainte société ; mais il arrivera tout ce qu'il plaira à Dieu.

Pardonnez-moi, ma très-chère fille, je n'ai point du tout d'aversion de nous voir établies aux petites villes, pourvu qu'elles soient assurées ; je veux dire qu'en temps de guerre l'on y puisse éviter le choc, et que l'on y ait du secours spirituel suffisant, et quelque aide pour le temporel. Il n'y a donc rien de ce qui n'est pas fait, qui ne se puisse faire avec le temps pour Charolles. Quand nos Sœurs de Paray auront un peu accru leur nombre de filles de ce lieu-là, s'il s'en présente de bonnes, et si le lieu de Charolles est trouvé convenable pour y établir une de nos maisons, vous vous pourrez bien prévaloir de l'affection de ceux qui vous y désirent tant. — Je crois, ma très-chère fille, que vous n'aurez pas grand'peine à gagner M. de la Curne, afin qu'il vous fasse valoir la bonne volonté de feu madame sa femme, car il m'a écrit qu'il vous était si ami et lié d'affection que je pense qu'il se laissera facilement porter à vous faire du bien. Mais il faut un peu solliciter et tout doucement, afin que, avant qu'il effectue son dessein, il vous fasse jouir de l'effet du testament de la bonne défunte ; car, de vrai, cela fera grand bien maintenant à votre maison. — J'ai su tout ce qui s'est passé en ce qui regarde notre Sœur M. -Aimée de Morville. À la vérité, voilà bien une fâcheuse affaire en la maison de Moulins et pour tout l'Ordre. Et la pauvre créature, après avoir beaucoup donné de peine, en aura à la fin sa bonne part ; mais je ne pense pas qu'en aucun de nos monastères on la veuille recevoir, ni que les Supérieurs puissent forcer à la prendre, si ce n'est pour la tenir dans une cellule, et le monastère de Moulins est aussi bon pour cela que les autres. Au moins pour nous, nous ne la recevrons pas, je vous en assure, ma chère fille ; je l'ai dit de bonne heure.

Quant à faire tenir aux novices professes un autre rang que celui du sort, et les faire aller les dernières, je n'en oserais [592] dire un mot, parce que la Règle y est expresse, et que notre Bienheureux Père disait même qu'il était bien aise de voir quelquefois que les dernières étaient en tête de toute la troupe. Mais une Supérieure peut faire cela à quelque Sœur, comme par manière d'humiliation. Et de même pour ce qui regarde de les empêcher de donner leur voix, notre Bienheureux Père ne voulait point qu'on le fît, bien que, comme je l'ai dit en mes Réponses, elles doivent être fort retenues à parler en cette occasion, et se bien instruire vers leur Supérieure ou directrice sur ce qu'elles auront à dire. — Je viens encore de lire la lettre du bon M. de la Curne, et voici ses propres paroles, parlant de sa femme : « Elle a légué à votre maison d'Autun mille écus, et environ cinq cents écus et quelque linge, tapisserie et toutes ses bagues et joyaux, tant en honneur de la mémoire de votre Bienheureux Père qu'en reconnaissance de la charité de vos bonnes filles de cette maison, et encore pour la dot d'une sienne nièce, qui est à mon service, âgée de dix-huit ans, et qui doit demeurer en ma maison jusqu'à vingt-quatre ans complets. Elle est fort bonne fille et propre à votre Institut. » De façon, ma chère fille, que je pense que si vous voulez lui parler, ce legs ne vous sera pas inutile, car ce bon et très-vertueux M. de la Curne est si cordialement affectionné à votre maison que je crois qu'il fera ce qu'il pourra pour vous le rendre utile.

Ma toute très-chère fille, mon âme, qui chérit la vôtre de sa plus tendre affection, vous souhaite pour toute bénédiction le très-saint et pur amour de notre divin Sauveur, et à toutes nos Sœurs, que je salue avec vous très-cordialement.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [593]

LETTRE MLXXXII - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX

Une Supérieure ne doit pas tolérer des paroles de désapprobation, tout en traitant avec ses Sœurs franchement et cordialement.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1631.]

Ma très-chère fille,

Nous n'avons point vu le Père Supérieur des Augustins, mais oui bien M. de Quinson, votre bon confesseur, lequel nous avons tâché de caresser le mieux que nous avons pu ; il est tout affectionné à votre maison.

Vous faites bien de faire faire un peu d'exercice à nos Sœurs, pourvu qu'elles ne se chargent pas trop ; mais je crois que vous ne les laisserez pas travailler au soleil de mars, parce qu'il est malsain. Je voudrais que vous m'eussiez nommé celles qui ont dit ces paroles de désapprouvement de cette obéissance. Il ne leur faut pas permettre cela ; et je vous prie que, pour tout ce qu'elles pourraient dire, vous ne vous lassiez point en ce travail, et n'y allez que lorsque la communauté y ira, pourtant encore fort peu. Ma très-chère fille, tâchez tant qu'il vous sera possible, je vous en prie, de tenir le cœur de toutes vos Sœurs dans le vôtre et entre vos mains ; car par ce moyen vous en ferez ce que vous voudrez ; il n'y faut autre artifice pour cela que de traiter avec elles suavement, franchement, cordialement et confidemment. — Vous trouverez dans nos [lettres] précédentes la réponse aux vôtres grandes. Vivez toute joyeuse, ma toute chère fille, avec grand soin de votre santé, et de vous donner de la force suffisante pour faire les fonctions de votre charge. Ne jeûnez point et mangez des œufs le carême ; conduisez votre petite troupe avec grand amour et sainte liberté d'esprit à l'exacte observance, dans cette sainte liberté d'esprit qui est la marque [594] des vrais enfants de Dieu. Bonsoir, ma toute chère fille ; priez bien Dieu pour celle qui vous souhaite le comble de toute sainte perfection, et qui est de cœur toute vôtre.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MLXXXIII (Inédite) - AU RÉVÉREND PÈRE PLUMERET, JÉSUITE

À AUTUN

La Sainte lui recommande madame de Toulonjon et la communauté d'Autun.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 7 avril [1631].

Mon très-cher et Révérend Père,

Je supplie le divin Sauveur de nos âmes de répandre abondamment les mérites de sa sainte Passion sur la vôtre très-chère. Ce m'a été une grande consolation de savoir la bonne action qu'a faite ma pauvre fille de Toulonjon devant vous. J'espère que puisque Notre-Seigneur lui a donné la force de franchir ce pas, qu'il lui fera encore la grâce de se maintenir désormais dans une plus grande pureté, à quoi vos bons encouragements et saintes instructions lui aideront beaucoup. C'est pourquoi je supplie très-humblement Votre Révérence de ne les lui pas épargner. C'est la vérité qu'elle a un bon cœur, mais trop sensible aux choses de cette vie, et je prie Dieu de tout mon cœur de lui changer ou adoucir ces inclinations-là.

J'ai été consolée aussi d'entendre que nos bonnes Sœurs d'Autun persévèrent à vivre en leur devoir, et jouissent de la sainte paix et de l'union que doivent posséder les âmes qui servent Dieu en une si sainte vocation. Je recommande toujours les unes et les autres au soin paternel que Votre Révérence a sur elles. Celle qui est à Dijon fait fort bien, à ce que m'écrit [595] ma Sœur la Supérieure. Je vous supplie, mon cher Père d'avoir mémoire d'elle en vos saintes prières, auxquelles je vous demande aussi une bonne part, en ayant grande nécessité et étant très-véritablement de Votre Révérence, etc.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Nancy.

LETTRE MLXXXIV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS

Plusieurs évêques demandent des Religieuses de la Visitation pour travailler à la réforme des Filles repenties. — Projets de fondations.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 30 avril 1631.

Ma très-chère fille,

Je vous croyais déjà à Troyes. Il est vrai, comme vous dites, que Paris a certaines inventions pour détourner ou retarder les effets de quelque bonne œuvre ; mais Dieu le permet ainsi pour les faire par après réussir plus heureusement à sa gloire. J'espère que ma Sœur Marie-Augustine n'y fera rien moins que ma Sœur C. M.

Mgr le vice-légat d'Avignon nous a fait entendre qu'il désirait de nos Sœurs pour dresser les pénitentes de là, avec offre de remettre entièrement à notre disposition tout le temporel et le spirituel de cette maison-là. J'ai proposé cette demande à Mgr de Genève, lequel n'y a pas trouvé grande difficulté ; mais pour moi j'y en trouve beaucoup, bien que de vrai c'est une œuvre de grande charité, parce que, si nous prenons cette pente, on ne voudra faire autre chose que de nous employer à de tels exercices ; car voilà à Nancy où l'on nous demande aussi pour cela. Et pour vous dire simplement la vérité, j'y ai une extrême répugnance ; mais tout ceci ne sont que des raisons et considérations humaines. Et passant aux [596] principales, c'est parce que, pour envoyer là, il faut avoir des filles d'une extraordinaire solidité et vertu, et surtout qui ne soient pas tendres en ce qui regarde la pureté et netteté, afin qu'elles puissent supporter toutes les attaques qui se peuvent rencontrer parmi ces âmes-là : je vous prie de m'en dire votre sentiment.

Ma Sœur la Supérieure de Chambéry vient ici la semaine prochaine ou bien après Pâques, pour prendre une petite Sœur de Grenoble que nous avons gardée ici quinze mois, en laquelle Dieu a opéré une grande merveille par les opérations de notre Bienheureux Père. Elle vient aussi pour nous aider à faire choix de quelques Sœurs que nos monastères de Provence demandent pour les aider un peu à se soutenir. Je crois qu'il nous faudra faire bientôt aussi la fondation de Montpellier et quelque autre qu'on demande encore en la Provence : pour l'une, nous croyons que ce sera une œuvre grandement agréable à Dieu et utile à sa gloire, à cause du peu de dévotion qu'il y a en ce lieu-là. Voilà qui fera grand bien à nos pauvres monastères de Savoie, non pas pour le bien ni décharge des maisons, mais pour la consolation d'un grand nombre de braves et fort bonnes filles qui prétendent, et lesquelles on ne peut recevoir sans décroître le nombre des autres par le moyen de quelque fondation ; et il semble que la providence de Dieu les nous présente pour le bien et contentement de ces chères âmes. Sa Bonté comble votre chère âme de son pur amour !

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE MLXXXV (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX

M. Rosset a fait don d'un crucifix au monastère d'Annecy. Érection de l'oratoire du Calvaire.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1631.]

Ma très-chère fille,

Nous avons vu le bon Père Augustin, et avons été bien aises de rencontrer cette occasion pour saluer votre chère âme et lui donner un peu de nos nouvelles. Nous avons tâché de lui témoigner le ressentiment que nous avons des assistances qu'il rend à votre maison, de laquelle il rend un fort bon témoignage, et se loue aussi grandement des charités réciproques qu'il en reçoit.

Ma Sœur la Supérieure de Chambéry m'a écrit comme vous avez reçu les cent écus, que vous envoyâtes prendre vers elle de notre part, ce qui m'a fort réjouie ; car, ma très-chère fille, j'avais eu un peu d'appréhension que vous ne tirassiez pas grand fruit de cette petite charité. — Il ne faut pas omettre à vous dire le soin et la diligence qu'a eus M. Rosset, votre bon et cher frère, à nous faire faire et à nous envoyer, même par son valet expressément, un beau crucifix assorti de toutes ses pièces, ainsi que vous lui en aviez écrit, pour notre oratoire du mont de Calvaire, lequel, par le moyen de cette charité, a été dressé pour ces fêtes de Pâques et fidèlement visité par nos Sœurs. Certes, ce témoignage de cordialité nous fut à consolation, sinon en ce qu'il ne voulut point dire ce qu'il coûtait et n'en voulut point d'argent.

Pour nos petites nouvelles, elles sont bonnes, grâce à Notre-Seigneur ; il n'y a que notre Sœur Bernarde-Marguerite qui est toujours dans l'infirmerie. Tout le reste se porte bien. Nous [598] sommes toujours en l'attente d'une bonne paix, laquelle on tient pour assuré être faite. C'est tout ce que nous avons à souhaiter en cette vie. Je salue derechef votre cher cœur, et supplie Notre-Seigneur le remplir des mérites de sa très-sainte Passion et du fruit de son amoureuse Résurrection, comme aussi toutes nos Sœurs, que je salue de tout mon cœur, et suis d'une affection invariable, ma très-chère fille, votre très-humble, etc.

Conforme à une copie faîte sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MLXXXVI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-ÉLÉONORE GONTAL[136]

SUPÉRIEURE À MARSEILLE

Appréciation sur deux Religieuses d'Annecy envoyées à Marseille. — Un soin raisonnable de la santé facilite le travail et les exercices de piété. — Ne pas donner le voile noir à une Sœur domestique par des motifs d'intérêt. — Échange de présents.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 1er mai [1631].

Ma très-chère fille,

Vos lettres me sont toujours de grande consolation, parce que j'y reconnais une certaine bonté et sincérité tout à fait revenantes [599] à mon cœur. Je suis bien aise de ce que vous goûtez ce que je vous écris, et que vous ayez tant d'affection de le mettre en pratique. Croyez, ma très-chère fille, que jamais, moyennant l'aide de Dieu, je ne vous dirai rien qui ne soit droit, et que je tâcherai toujours de vous répondre, sur tout ce que vous désirez de moi, avec le plus de sincérité et droiture qu'il me sera possible ; car j'ai un très-grand désir de vous pouvoir servir en quelque chose. Je vous assure que ce serait bien d'une grande affection que nous le ferions, parce qu'en vérité, ma chère fille, je vous sens très-véritablement et intimement unie et conjointe à mon âme.

J'ai trouvé ce que vous avez écrit et fait écrire par notre chère Sœur du tout bien, touchant ce que vous avez remarqué toutes deux des vertus de feu notre chère Sœur F. Marguerite [Favrot]. Je vous en remercie de tout mon cœur. Hélas ! ma très-chère fille, je crois bien comme vous, que si cette chère âme n'eût été amenée si rudement, et qu'elle fût venue en l'équipage que vous lui aviez destiné, elle ne serait pas si tôt morte ; mais il faut acquiescer amoureusement à ce qu'en a voulu ordonner la divine Providence.

Cependant voilà notre chère Sœur la Supérieure de Chambéry qui s'en va vous amener deux de nos bonnes Sœurs d'ici, selon votre désir. J'espère, ma chère fille, qu'elles vous donneront une entière satisfaction, car elles sont très-vertueuses. L'une est pour toutes les charges du monastère auxquelles vous la voudrez employer, et même si vous n'avez point de Sœurs pour vous succéder en la supériorité, après avoir fait encore un triennal quand vous aurez achevé celui où vous êtes, je crois que cette bonne Sœur peut être dressée pour cela, car elle en est capable. L'autre est une sainte âme, bonne pour être employée aux choses extérieures de labeur et travail et encore pour donner bon exemple. Enfin ce sont des filles qui, j'espère, avec la grâce de Dieu, ne se détraqueront jamais ni en ceci ni [600] en cela, et vous donneront tout contentement, ainsi que de tout mon cœur j'en prie Notre-Seigneur. Ma Sœur la Supérieure de Chambéry vous aidera à vous résoudre touchant votre logement, et verra s'il se peut faire que vous demeuriez où vous êtes, ce qui serait mon inclination. Elle a un bon, solide et universel jugement pour toutes choses, mais particulièrement pour les bâtiments ; c'est pourquoi vous ferez bien de lui communiquer votre dessein, car elle vous y pourra beaucoup aider. Nous l'avons priée de rester une huitaine de jours avec vous, pour votre utilité et la consolation que je crois que vous recevrez de sa présence. Elle vous dira tout plein de petites choses que je lui ai dites pour vous dire, et je vous supplie, ma très-chère fille, de prendre toute confiance en elle et de lui parler do tout ce que vous désirerez, comme à moi-même, car c'est une âme d'une humilité, sincérité et charité rares, qui a le vrai esprit de la Visitation. J'espère qu'elle vous aidera beaucoup en votre dessein de mettre cette sainte liberté d'esprit parmi vos Sœurs : vous verrez qu'elle leur profitera pour le corps et pour l'esprit. Vous avez aussi pris une bonne résolution que celle de les bien faire traiter, car comme vous dites, ma chère fille, l'argent que vous employez pour les faire soulager et donner des remèdes quand elles sont malades, sera plus que suffisant pour fournir à ce que vous donnerez de plus pour leur meilleur traitement, et elles s'en porteront mieux de toutes façons ; car quand on est en santé et force, on [travaille] avec plus de vigueur et l'on en fait mieux ses exercices.

Quant à la proposition que l'on vous a faite pour votre Sœur domestique, afin qu'elle eût le voile noir, ma chère fille, votre réponse a été fort bien faite là-dessus. Si elle est propre pour les autres rangs et qu'elle ait quelque talent pour y pouvoir servir, vous savez que cela dépend de vous de la proposer à vos Sœurs, selon la Règle. Mais si cela n'est pas, pour moi je ne lui donnerais pas le voile noir pour avoir seulement cent écus ; [601] mais vous devrez représenter à sa bonne mère que si elle fait cette charité à votre maison, elle l'obligerait toujours plus à soulager sa fille en ses infirmités. Au reste, ma très-chère fille, pour ces petites coutumes que vous désirez savoir, ma Sœur la Supérieure et nos bonnes Sœurs vous les diront toutes comme elles se pratiquent céans, et cela m'évitera une plus longue lettre, celle-ci l'est déjà assez. — Vous avez une bonne croix en ces pauvres malades, mais il faut avoir patience et leur faire tous les soulagements qu'il se pourra ; celle qui a le cerveau soulevé ne vivra plus guère, comme je pense, puisqu'elle a de si violentes douleurs de tète.

Hé, ma très-chère fille, vous faites trop de charité à cette maison, qui n'a pas sa commodité de la contre-échanger ; mais croyez pourtant que nous le ferions de bon cœur, et vous supplie qu'en ce que vous penserez que nous vous puissions aider et servir, vous nous le disiez franchement, car nous le ferons cordialement. Cependant nous vous remercions de grand cœur de votre sirop et eau de cannelle. Je crois que nos Sœurs de Lyon ne manqueront de la nous envoyer. Nos Sœurs vous portent un peu de filet. La peste et la guerre nous ont empêchées d'avoir du lin, de sorte que nous ne nous en sommes pas procuré comme [à l'ordinaire]. Voilà quelques petits bouquets : de bon cœur nous nous en dépouillons pour votre consolation, car je vous assure, ma très-chère fille, qu'il n'y a rien que je ne voulusse faire pour cela, vous chérissant d'une dilection tout à fait entière et sincère, suppliant notre bon Dieu combler votre chère âme de son saint et pur amour, et toutes nos chères Sœurs vos filles, que je salue avec vous fort chèrement.

Dieu soit béni !

Ma chère fille, notre Sœur la Supérieure de Chambéry vous dira comme le Père Quesnay nous a écrit pour l'entrée de madame la générale. [Nous verrons] ensemble ce qui se doit faire. Je ne leur donne nulle espérance ; mais, si, ne les refuserai-je, n'étant pas aussi à moi de le faire.

Conforme à une copie de l'original gardé au deuxième monastère de la Visitation de Marseille.

LETTRE MLXXXVII (Inédite) - À MONSEIGNEUR PIERRE FENOUILLET[137]

ÉVÊQUE DE MONTPELLIER

Départ des Sœurs fondatrices du monastère de Montpellier.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 9 mai 1631.

Monseigneur,

J'ai confiance que votre débonnaireté n'aura pas désagréable que nous lui offrions les très-humbles obéissances de toutes les filles de cette maison, avec celles de ces chères âmes qui ont été si heureuses que d'être choisies pour aller vivre à l'abri de votre protection toute paternelle, et rendre à la divine Majesté un service si digne. Les voilà qui s'en vont, avec une très-humble générosité, se rendre entre vos bénites mains, Monseigneur, afin que par elles vous accomplissiez les desseins que la [603] souveraine Providence a inspirés à votre piété pour l'accroissement de sa gloire. J'espère que vous leur trouverez toutes sortes de dispositions pour cela, et que leur sincérité et candeur à vous rendre leurs très-humbles obéissances les logera bien avant dans votre cœur paternel ; c'est le bonheur que je leur souhaite, mon très-honoré seigneur, et qu'en glorifiant Dieu, par une exacte observance et la bonne odeur de leur conversation, vous en receviez une parfaite satisfaction et consolation. Je prie Dieu de leur en faire la grâce. La Supérieure est une digne Religieuse qui a l'honneur d'appartenir de fort près à notre Bienheureux Père ; elle a eu le bonheur, ainsi que son assistante, de recevoir le voile sacré de ses bénites mains, et plusieurs saintes instructions. Le Bienheureux les chérissait avec une dilection toute particulière. Je pense, Monseigneur, que par le grand amour que vous portez à ce grand Saint, vous serez bien aise de savoir cette particularité, qui vous les rendra plus chères et plus agréables. Je prie Dieu de faire abonder en vous les plus riches trésors de ses grâces, et sur tout le peuple commis à vos soins, et vous conserver longtemps en santé pour son bonheur, et celui de cette nouvelle plante que vous allez planter au jardin de votre Eglise.

Monseigneur, baisant en tout respect vos mains sacrées, et prosternée à vos pieds, je demande en toute humilité votre bénédiction, et la grâce que vous me teniez pour ce que je suis et serai à jamais de tout mon cœur, dans une affection pleine d'honneur, Monseigneur, votre, etc.

Extraite de la fondation manuscrite de la Visitation de Montpellier. [604]

LETTRE MLXXXVIII - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX

Comment reconnaître les bienfaits de Dieu. — Visite régulière à Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 13 mai 1631.]

Nous n'avons point reçu votre grande lettre, ma très-chère fille ; mais M. de Mépieu, qui est un très-digne gentilhomme et qui vous affectionne grandement, nous a dit comme votre bâtiment avancera en peu de temps par la commodité des matériaux qui se trouvent sur la place, et la charité de la bonne madame de Saint-Julien. Certes, la divine Providence témoigne un grand soin de votre maison ; cela doit bien exciter nos Sœurs à se rendre toujours plus observantes et plus fidèles à leur perfection, afin de plaire à ce grand Dieu qui a tant de soin d'elles. Je supplie sa Bonté de les former toutes selon son Cœur, et vous donner, ma très-chère fille, l'abondance de son amour.

C'est tout ce que je vous puis dire en attendant Monseigneur qui fait ce matin la visite. Il reçut hier après dîner l'examen, avec une satisfaction et consolation très-grandes de la vertu de nos Sœurs. Dieu en soit béni ! Amen. Je suis vôtre, ma très-chère fille.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [605]

LETTRE MLXXXIX - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS

Voyage de la Sainte à Thonon. — Grande générosité de la Mère Favre. — Prière de revoir les Réponses. — Bien faible est la vertu qui n'est pas fondée sur l'humilité.

VIVE † JÉSUS

[Annecy]. 15 mai [1631].

Ma très-chère fille,

Je supplie le Sauveur de nos âmes de nous rendre participantes des mérites de sa glorieuse et sainte Résurrection, après toutefois qu'il nous aura fait un peu de part de ses souffrances et humiliations. — Il y a quelque temps que je ne vous ai écrit, tant à cause que je vous croyais à Troyes, que parce que j'attendais toujours de vous envoyer les Réponses ; mais notre Sœur la Supérieure de Chambéry qui a été ici, d'une volonté absolue les a emportées. Nous attendrons voir si elle les nous renverra, par ceux qui ont mené nos Sœurs pour la mission de Montpellier ; car déjà elle est partie avec celles qu'elle mène en Provence.

Nous laissons cette lettre faite ici et charge à nos Sœurs, si elles reçoivent lesdites Réponses, de vous les faire tenir avec ; car je m'en vais faire un petit voyage, pour environ dix-neuf ou vingt jours, vers nos Sœurs de Thonon. Mon Dieu ! ma fille, qu'est-ce que de notre faiblesse et misère humaine ? ce que je vous dis sur l'appréhension que l'on a eue de revoir la pauvre petite Sœur N. Mais, ma chère fille, il faut tout supporter.

Je suis bien aise de ce que M. Amaury s'est enfin retourné ; car il est beaucoup mieux, en effet, pour toutes choses, que ce soit une fille de votre maison qui aille à Troyes, qu'une de dehors. Hélas ! il est vrai, ma chère fille, les Supérieures ne sont pas quelquefois coupables de la stérilité qui se peut trouver dans les maisons religieuses, de filles capables de gouverner. Je [606] le crois certes que votre bonne assistante fait bien sa charge de directrice ; c'est un esprit sage, judicieux et pur, et qui sera un jour une digne fille pour vous succéder. Dieu lui en fasse la grâce. — Vous avez fait prudemment de ne pas mener cette petite Sœur à Troyes, car ce. n'est pas un esprit de fondation.[138]

Ce que vous me dites de vous me console extrêmement et m'édifie, c'est pourquoi faites-le toujours quand vous voudrez. — Je suis bien aise que vous ayez fait la charité de prêter à nos Sœurs de Blois ces six cents livres ; mais je crains aussi que nos Sœurs abusent de la bonté de votre grand cœur, car nous autres, qui ne sommes pas permanentes en charge, devons être retenues à faire de telles charités ; je vous dis cela en passant, selon notre confiance. Et aussi j'ai pensé que si l'on venait à savoir le gros présent que vous avez fait à notre Bienheureux Père, je craindrais que cela ne fût contrôlé ; c'est pourquoi je crois que si vous nous voulez donner votre pavillon, il faudrait au moins que vous permissiez que nous le contre-échangeassions en quelque autre chose ; mais je vois bien que ceci ne plaira pas à la générosité du cœur de ma grande fille, ni à son [607] incomparable affection pour cette maison. Je pense pourtant qu'il faudra faire ainsi.

Je désirerais grandement que vous vissiez les Réponses, et qu'avec une entière liberté et confiance vous retranchassiez ce qui y sera de mal à propos ; mais cela, je vous prie, faites-le selon l'unité d'esprit qui est entre ma grande fille et sa chétive Mère. Et pour les Supérieures, vous verrez aussi ce que je leur dis ; mais il me semble que vous leur diriez beaucoup mieux ce qu'il leur faut que non pas moi. Je vous remets le tout, pour en faire selon que vous trouverez plus à propos. Si vous voulez faire voir les Réponses au Père dom Maurice ou à M. Vincent, je serai bien aise ; mais vous ferez de tout comme vous voudrez.

Sans doute, ma toute chère fille, que cette petite Sœur s'était embarrassée dans l'espérance des charges hautes. J'ai toujours vu qu'il y avait de la vanité dans son esprit, sans qu'elle le connût, et c'est ce qui l'a fait renverser, sa vertu étant imbécile [faible], par le défaut du solide fondement. Si elle peut bien connaître cela, cette chute lui profitera pour toute sa vie ; pourvu qu'elle acquière de l'humilité, elle ne lairra pas d'être un jour brave fille, mais il lui faut plusieurs années. — Il s'est perdu un fort gros paquet de lettres, qui a été dérobé à celui auquel nos Sœurs de Lyon l'avaient remis. Elles me mandèrent qu'il y en avait dix-sept, ce qui m'en a le plus fâché. — Bonsoir, ma toute très-chère fille, uniquement unique en son rang, et la chère Supérieure de Chambéry au sien ; car vraiment elle est tout à fait bonne. Dieu soit éternellement l'union, l'amour et le seul désir de nos cœurs ! Amen. Qu'il soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [608]

LETTRE MXC (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX

Désir que ses filles deviennent des Règles vivantes. — Maintenir sa liberté pour le choix des sujets.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 4 juin 1631.

Ma très-chère fille,

Je suis extrêmement consolée de ce que vous me dites que nos Sœurs se sont amendées ; car ce me serait une cruelle douleur, que celles qui ont été choisies de Dieu pour aller être les pierres fondamentales de cette maison-là, servissent de mauvais exemple aux autres, vu que, de toutes parts, je n'ai que sujets de consolation de celles qui sont sorties de cette maison, et que, par les autres maisons, l'on nous demande des filles de céans pour servir de bon exemple et porter le vrai esprit de notre Institut. Je vous prie, ma très-chère fille, de leur dire que je les salue bien chèrement, et que j'ai tant de confiance en leur bonté que j'espère qu'elles se rendront des vraies règles vivantes, et je les conjure de me donner ce contentement. Il est vrai, ma très-chère fille, que ce que je vous écrivis par la mienne dernière est le seul et unique moyen pour les faire avancer à la perfection ; c'est pourquoi je n'ai rien à vous dire de plus pour cela.

Au reste, ce nous serait une chose bien dure que les séculiers nous veuillent si fort tenir sujettes, que nous ne fussions pas en liberté de recevoir des filles, quand on leur voit la disposition et les conditions requises pour être de vraies servantes de Dieu, si elles n'ont des grosses dots. Or en cela, ma très-chère fille, vous devez faire ce que vous conseilleront ces bonnes dames, quoique aussi il ne vous faut pas tant charger de filles, si vous ne les voyez extrêmement bonnes, car il me semble que vous êtes déjà assez bon nombre. Je suis bien aise que la petite de [609] madame de Mépieu soit entrée ; mais j'aimerais bien mieux que ce fût l'aînée. — Quant à ce que vous désirez savoir en quel lieu la première pierre des bâtiments des monastères se doit mettre, c'est toujours à l'église, et après qu'elle est mise, l'on fait bénir les bâtiments, puis attend-on de faire bâtir jusqu'à ce que Dieu en donne les moyens. Voilà, ma très-chère fille, répondu à toutes vos deux lettres. Je salue chèrement votre chère âme et toutes nos chères Sœurs, que je prie Dieu rendre de plus en plus toutes siennes, par l'exacte observance de tout ce qui est de leur saint Institut, et de les remplir des grâces et îles fruits de son Saint-Esprit, mais très-particulièrement votre cher cœur qui m'est et sera toujours très-cher en Notre-Seigneur. Je suis en Lui d'une affection invariable.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MXCI - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS

C'est un grand honneur de pouvoir coopérer au salut des âmes. — Pensée de la Sainte touchant l'éducation des petites filles. — Voyage de la Mère de Châtel en Provence. — Fondations projetées à Apt et à Sisteron.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy), 5 juin [1631].

Enfin, ma toute bonne et vraiment très-chère fille, vous voilà déjà partie et déjà de retour de votre fondation de Troyes[139] ; vous l'avez fort bien partagée et pourvue de bonnes filles ; je prie Dieu qu'il les remplisse des grâces et des fruits de son Saint-Esprit.

Vous voilà donc chargée de ma Sœur M. -Marguerite avec ma Sœur M. -Séraphine ; ce ne sera pas un petit exercice pour vous, mais aussi ce n'est pas une petite chose de coopérer à [610] l'œuvre du salut des âmes. Certes, si elles ne profilent du bonheur d'être sous votre conduite, j'en perdrai toute bonne espérance, sinon dans la remise et abandon qu'il faudra faire d'elles entre les bras de la miséricorde de Dieu, que je supplie leur faire la grâce de profiter, et de ne pas se rendre indignes de ce bénéfice. — Je vois que nous nous trouvons toujours de même pensée et même sentiment : les mêmes raisons que vous avez pour empêcher que nous ne soyons employées au service des petites [filles], sont toutes dans mon esprit ; mais difficilement les eussé-je pu si bien arranger comme vous. Nous l'avons donc résolu ainsi avec ma Sœur la Supérieure de Chambéry, qui nous dit pourtant que, pour Paris et pour Avignon, il n'y faudrait pas refuser. Je m'étonne qu'elle ait demeuré huit mois sans vous écrire, car elle a bien mille bonnes affections pour vous ; et pour dire le vrai, elle en est toute pleine. Elle est maintenant allée faire sa visite en Provence pour m'exempter la peine de faire ce voyage. Nous croyons qu'elle fera trois fondations par là tandis qu'elle y sera : la première sera celle de Montpellier,[140] où pourtant elle n'ira pas du commencement, qui a été demandée par Mgr l'évêque de là, lequel a écrit à Mgr de Genève que, dans peu de temps, il espérait que ce serait une des meilleures maisons de la France. Nous y avons envoyé pour Supérieure ma Sœur Louise-Dorothée [de Marigny], laquelle, selon mon gré, est digne de cette charge ; car ce n'est plus celle que vous avez vue. Dieu a pris en telle sorte le soin de sa conduite intérieure qu'elle a fait un changement absolu, et l'a rendue telle que, moyennant sa grâce, elle réussira à sa gloire. Nous lui avons donné pour assistante notre Sœur Gasparde-Angélique Brunier, qui est une solide et vertueuse fille. Les autres quatre sont, en leur simplicité, toutes des filles de vertu. La seconde fondation sera, comme nous croyons, celle d'Apt,[141] que nos [611] Sœurs de Grenoble font ; et la troisième, celle de Sisteron,[142] que nos Sœurs d'Embrun, de Chambéry et de Grenoble font ; mais partout l'on envoie des bonnes vertueuses filles.

Nous croyons que vous aurez reçu nos Réponses, lesquelles nous remîmes à un gentilhomme de M. le gouverneur de Dijon, qui est aussi gouverneur ici, pour les donner à ma Sœur la Supérieure de Dijon, pour vous les faire tenir ; il peut y avoir environ quinze jours. — Faites tenir promptement et sûrement cette lettre à Mgr de Bourges ; car il l'attend avec impatience pour venir de deçà. O ma fille ! l'Esprit Très-Saint vous remplisse et comble entièrement des dons de son amour sacré ! Amen. Amen. — Votre pauvre indigne Mère qui est toute vôtre unique de cœur, et le divin Jésus en est l'amour. Amen. Sans loisir.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [612]

LETTRE MXCII - À LA MÈRE LOUISE-DOROTHÉE DE MARIGNY[143]

SUPÉRIEURE À MONTPELLIER

Joie d'apprendre l'édification que donnent les Religieuses envoyées à Montpellier. Mort de Sœur B. M. Valeray.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 22 juin [1631].

Mon Dieu ! ma très-chère fille, que ce m'est une grande consolation d'avoir un peu de vos nouvelles, et de savoir le progrès que vous faites en votre voyage ; mais celle-là m'est encore plus grande de l'édification que recevront de vous et de votre chère troupe nos maisons par où vous passez, par les instructions que vous leur donnerez de plusieurs choses de quoi elles étaient ignorantes ; de partout elles m'écrivent les consolations et édifications qu'elles ont reçues de toute la troupe.

Nous nous portons fort bien, Dieu merci, particulièrement moi qui ai fait notre voyage de Thonon fort heureusement, en avons amené deux bonnes Sœurs pour la fondation d'Apt. Si elle ne se fait pas, nous les garderons de bon cœur et bénirons Dieu ; car, après avoir fait en l'œuvre de Dieu tout ce que l'on peut et que l'on doit, le succès m'est toujours en fort grande indifférence, car nous ne devons rien avoir de plus cher que les événements de son bon plaisir. — Notre pauvre Sœur [613] Bernarde-Marguerite mourut mardi dernier fort heureusement, après avoir souffert beaucoup de douleurs avec une patience remarquable. [Elle] est demeurée dix-neuf jours sans quasi parler, ni prendre aucune nourriture, si ce n'est deux pleines cuillers de consommé et de sirop. Je ne vous dis pas ses vertus, vous les savez assez, aussi n'en avons-nous pas le loisir, ni d'en envoyer la lettre ; vous ferez les prières pour elle.

O ma très-chère fille ! vous ne sauriez croire combien Notre-Seigneur me donne de bonnes espérances que vous et votre petite troupe rendrez tant de bonne odeur, que vous en parfumerez tous ces quartiers-là, et surtout la chère ville de Montpellier. Demeurez ferme dans le train où Dieu vous a mise ; n'appréhendez rien, reposez-vous en sa sainte Providence pour toutes choses ; regardez toujours ce divin Seigneur, mais d'un esprit saintement libre, sans gêne ni contrainte. — Notre Sœur Marie-Innocente [de Saint-André] dit je ne sais quoique vous lui avez dit ; si tous vous pouvez souvenir des paroles que vous lui dites, je voudrais que vous me les écrivissiez, selon votre sincérité et confiance. — Je salue votre chère âme et toutes nos pauvres Sœurs ; croyez que vous et elles êtes bien dans mon cœur. Le doux Jésus soit notre vie et amour éternellement et soit béni. Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [614]

LETTRE MXCIII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

À AUTUN

Pressante invitation de se rendre à Bourg en Bresse où elle vient d'être élue Supérieure.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 23 juin [1631].

Ma très-chère fille,

Vous voilà élue en notre maison de Bourg ; l'on dit que Mgr d'Autun ne veut pas vous relâcher. Je sais le crédit que vous avez vers lui, et que, si vous voulez, il vous relâchera facilement. O ma fille très-chère ! il faut que je vous le dise selon ma parfaite confiance en vous, que vous devez absolument faire tout ce qui vous sera possible pour obéir en cette occasion aux ordonnances de notre saint Fondateur ; car vous savez ce qu'il a mis dans la Règle. Vous devez cette fidélité à la conservation de notre Institut ; et de plus vous le devez à Dieu, qui, je vous assure, vous appelle à lui rendre ce service. Que si vous manquez de correspondance, soyez assurée que vous déplaisez à sa Bonté, contrevenant à ses desseins et au service qu'il requiert de vous ; car je vous dis, ma très-chère fille, que l'un des plus agréables que vous lui sauriez jamais rendre, c'est de vous employer pour trois ans à la conduite de cette maison, car je connais ses besoins, et que Dieu vous a donné tout ce qu'il faut pour y remédier doucement. Les filles y sont bonnes ; mais toutes les affaires ont besoin de votre main. Après ces trois ans, vous pourrez retourner en voire maison d'Autun, où aussi vous serez utile.

Donc, ma très-chère fille, que cette souveraine Providence ne soit point contrariée en ses dispositions, ni nos Sœurs éconduites. Ces refus sont trop importants pour les confirmer, Dieu [615] ne le permette. J'attends de votre bon cœur un acte de sa parfaite union avec le mien qui est sans réserve tout vôtre.[144]

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse.

LETTRE MXCIV - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS

Message pour Mgr de Bourges. — Désir que le livre des Réponses ne sorte jamais des maisons de la Visitation. — Quelle conduite tenir à l'égard des Sœurs fondatrices du monastère.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 23 juin [1631].

Ma très-chère fille,

Voilà des lettres de Mgr de Genève, que nous vous envoyons, adressantes à notre bon archevêque et à Mgr de Belley l'ancien, pour leur signifier que, quand il leur plaira de venir, ils seront les très-bienvenus. Mais voici un secret : c'est qu'il faudra que vous sachiez de Mgr de Bourges s'il se pourra assurer, mais d'une assurée assurance, que mondit seigneur de Belley puisse venir, à cause des incertitudes qu'il a témoignées quelquefois pour cela ; que si l'on peut tirer cette assurance de lui avec un peu de marque de stabilité et qu'il ne change point de résolution, tant mieux, nous ne désirons rien davantage. Mais si vous ne voyez pas que l'on s'y puisse assurer, voilà une lettre pour M. Ramus, laquelle vous lui feriez tenir promptement, quand même il faudrait envoyer tout exprès, selon que vous aurez conclu entre vous et Mgr de Bourges touchant mondit seigneur de Belley, afin qu'il vienne au plus tôt pour mettre la fin à cette bénite besogne. Vous entendez bien ce que je veux dire, et le ferez mieux que je ne le sais exprimer. Concluez de tout avec [616] notre digne archevêque, auquel j'en écris aussi, afin de faire venir des deux celui qu'il aura le plus agréé. Nous vous adressons toutes les lettres, lesquelles vous ne ferez pas distribuer que vous ne lui ayez parlé ; car celui qui lui reviendra le plus, c'est celui qu'il faut avoir. Je vous recommande cette affaire.

Il y a longtemps que nous n'avons point eu de vos nouvelles ; mais je crois que vous avez fait votre voyage de Troyes, qui en [est] cause. Tout se porte bien et joyeusement ici, tant pour la paix que pour l'attente où nous sommes de ces bous seigneurs, pour mettre fin à cette sainte besogne. Nous vous avons déjà écrit comme nous vous avons envoyé nos Réponses par la voie de Dijon ; je crois que vous les avez reçues. J'ai toujours un peu de crainte que l'impression ne les fasse mettre hors de chez nous ; c'est pourquoi je pense, ma toute chère fille, qu'il serait bon que, comme c'est vous qui faites faire cela, pour la croyance que votre humilité vous fait avoir qu'elles pourront être utiles, qu'aussi, par l'adresse que vous ferez desdites Réponses, vous recommandiez fort, en la petite épître que vous ferez mettre au commencement pour cela, de ne les point communiquer dehors, au moins que je ne sois morte ; car je ne pourrais, ce me semble, porter qu'avec peine l'abjection que d'autres que nos Sœurs sussent que j'ai osé souffrir que l'on imprimât ce que je dis : voyez ma faiblesse.

J'oubliai de dire un mot aux Supérieures de la conduite qu'elles doivent avoir sur celles qui ont été envoyées pour faire les fondations ; car je vois que quasi partout on les ravale trop et qu'on les tient comme étrangères et à charge aux maisons, elles, dis-je, qui en ont porté le faix. Cela est contre l'équité et la charité. Si vous croyez que cela se doive dire, mettez-le où vous le trouverez mieux et comme vous le trouverez bon. Je vous dis tout sans réflexion et comme à ma propre âme, vous tenant pour cela sans division. — Ce 23 juin. Sans aucun loisir.

[P. S.] La Supérieure de Blois, au contraire des autres, [617] excède à tenir ses anciennes hautes ; je voudrais la charitable discrétion. — Notre Sœur Bernarde-Marguerite, après avoir maladié et souffert des douleurs extrêmes, environ une année et quelques mois, dans l'infirmerie, est morte fort heureusement le 19 de ce mois. Nous n'avons loisir d'envoyer la lettre maintenant ; mais nous vous prions de faire faire les prières ordinaires pour elle, et d'en avertir le premier monastère, afin qu'il les fasse aussi.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MXCV - À LA SŒUR ANNE-LOUISE DE VERDELOT[145]

MAÎTRESSE DES NOVICES AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Nécessité de perdre ses répugnances naturelles dans la volonté divine. — Inculquer aux novices l'esprit de sainte joie. — On ne doit pas tenir le noviciat pendant la demi-heure de repos.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy]. 10 juillet 1631.

Ma très-chère fille,

Je me souviens fort distinctement de vous et de votre esprit, ayant conservé l'idée de toute votre personne entièrement. [618] Toute votre nécessité, ce me semble, est de vous affermir invariablement dans le train d'une totale dépendance de Dieu et de l'obéissance, perdant et anéantissant là dedans toutes vos réflexions, tous les soins, désirs et vues que vous avez sur vous-même. Mais ceci sans exception que d'une amoureuse, simple et naïve fidélité à vous tenir proche de Dieu, et à faire gaiement le bien qu'il vous présentera dans chaque moment, quel qu'il soit, et nonobstant les répugnances qui vous y pourraient arriver, lesquelles il faut surmonter en les négligeant et ne faisant pas semblant de les voir, ains élevez votre esprit au-dessus de tout par cette unique pratique de regarder Dieu et de faire ce qui Lui plaît, vous contentant de ce qu'il Lui plaira vous donner dans la sainte oraison et ailleurs. Une seule chose est nécessaire : c'est d'avoir Dieu. Voilà pour ce qui vous regarde, ma très-chère fille, et je prie Dieu de vous donner la grâce de le bien faire, puisque c'est la voie dans laquelle j'ai connu que sa Bonté veut que vous cheminiez.

Dieu répand ses très-saintes bénédictions sur votre noviciat ; puisque l'union, le recueillement et la simplicité y règnent, tout ira bien. Reste la sainte joie et la liberté d'esprit qu'il faut tâcher de leur donner, car c'est l'âme de la vie spirituelle. Je suis particulièrement consolée de savoir que la petite N. aime sa vocation, car étant fille d'une si vertueuse mère, elle me sera toujours en spéciale recommandation.

Peut-être n'aurez-vous plus notre Sœur N., puisque l'on a envoyé une novice à Meaux,[146] bien que celles qui ont cette affliction ne soient pas propres aux fondations. Si elle vous est demeurée, tâchez de la faire soumettre à votre direction ; que si elle ne le fait, c'est signe qu'elle est attachée, à son jugement, et qu'elle n'aura que de la peine dans la Religion et en fera prou, si Dieu ne survient par une grâce très-grande.

Pour ce qui est de tenir le noviciat pendant la demi-heure du repos, cela se peut s'il y a de légitimes nécessités et que la Supérieure le trouve bon ; mais, hors de là, il faut laisser la liberté à celles qui ont besoin de repos. Les autres peuvent faire ce qui est de leur charge, bien que, s'il n'y a rien de pressé, elles feront mieux de se tenir auprès de Dieu et y reposer leur esprit. Ma fille, je vous souhaite le saint amour du Sauveur, auquel je suis de cœur toute vôtre. Je salue avec vous nos chères Sœurs novices, et je me recommande aux prières de toutes.

Conforme à une copie de l'original gardé au premier monastère de la Visitation de Paris.

LETTRE MXCVI - AU PÈRE DOM GALICE, BARNABITE

À MONTARGIS

Dieu aime à se communiquer aux âmes qui lui sont fidèles.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1631.]

Mon Révérend et très-cher Père,

Le sujet de votre lettre est si précieux[147] que la lecture m'en doit être bien agréable, de grande consolation et sujet de beaucoup louer Dieu, Le remerciant des grâces merveilleuses qu'il opère en cette chère âme. Ceux qui ont quelque expérience de [620] la bonté de cet amour éternel ne trouveront jamais étrange de Le voir tant abaisser, que de se communiquer si familièrement aux âmes qu'il prend à soi, comme Il a fait si particulièrement et dès longtemps cette chère Sœur. Et je ne doute point aussi que Votre Révérence, qui étant près d'elle, et sait tout ce qui se passe en cette âme, qui vous le déclare avec tant de sincérité, ne se remplisse toute d'admiration de voir la grande bonté de Dieu sur ses créatures, et ne s'enflamme de nouveaux désirs de brûler de ce même feu. Je supplie cette infinie Bonté de lui continuer ses grâces, mais surtout celle de la très-sainte humilité, de laquelle je ne fais pas moins d'état que des autres, parce qu'elle nous tient en assurance en toutes les voies où Dieu nous fait passer en cette vie.

Extraite de la Vie manuscrite de la Mère A. -Marg. Clément.

LETTRE MXCVII - À LA MÈRE LOUISE-DOROTHÉE DE MARIGNY

SUPÉRIEURE À MONTPELLIER

Elle loue Dieu de l'accueil que ses Filles ont reçu a Montpellier. — Espérance de voir terminer promptement les affaires de la béatification de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 19 juillet [1631].

Loué soit Dieu, ma toute très-chère fille, de ce que nous venons de recevoir des nouvelles de ma Sœur la Supérieure de Chambéry, où elle nous dit que vous avez été magnifiquement bien reçues à Montpellier,[148] après que vous et votre petite troupe [621] avez donné une très-grande édification et consolation à nos maisons où vous avez passé. Il ne nous manque plus rien, sinon d'avoir un peu de vos nouvelles particulières, que nous attendons avec beaucoup d'affection. Les nôtres sont très-bonnes, grâce à Notre-Seigneur : la santé continue en cette ville, et nous attendons bientôt ici Mgr de Bourges, le Père dom Juste y est déjà, si bien que nous espérons voir cette bénite affaire de la béatification de notre saint Père achevée dans peu de temps, ce qui nous console grandement.

Je crois que nos Sœurs vous écrivent amplement toutes nos autres nouvelles ; mais elles ne peuvent vous dire comme moi combien véritablement je vous chéris cordialement, sincèrement et maternellement, et toutes nos pauvres Sœurs vos chères compagnes que je salue avec vous de tout mon cœur, suppliant notre bon Dieu répandre avec abondance la rosée de ses célestes grâces sur cette nouvelle plante, afin qu'elle croisse et fructifie en toute vertu et solide piété, par une exacte observance. Voilà tout mon désir, ma très-chère fille, et que cette infinie Bonté vous donne une santé suffisante et surtout la conduite de son Saint-Esprit en toutes choses : voilà le souhait de votre pauvre vieille Mère, toute vôtre.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [622]

LETTRE MXCVIII - À LA MÈRE MARIE-PHILIBERTE AYSEMENT[149]

SUPÉRIEURE À SAINT-ÉTIENNE

Maternel intérêt pour cette Supérieure et sa communauté. — La peste règne toujours aux environs d'Annecy. — Envoi d'un modèle de fourneau. — Saluer respectueusement MM. Roussier et Journel.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 25 juillet [1631].

Ma très-chère et bien-aimée fille,

Je suis tout étonnée de ce que vous me dites qu'il y a près d'une année que vous n'avez reçu de nos nouvelles, vu qu'il n'y a pas encore longtemps que je vous ai écrit, vous faisant réponse à celle où vous nous mandiez l'accident de peste arrivé en votre maison, et avons envoyé la lettre à nos Sœurs de Lyon ; mais je ne sais comme elles se perdent ainsi. Croyez, ma très-chère fille, que, si Dieu vous a donné de la dilection pour moi, Il m'a donné aussi une grande correspondance pour vous et votre chère troupe, que je chéris avec une affection toute spéciale et particulière, je vous en assure, et que je suis grandement consolée de savoir les bénédictions spirituelles et temporelles que Dieu répand sur votre maison. Vous avez raison, ma chère fille, de L'en remercier continuellement et d'en être grandement reconnaissante. Pour moi, je ne vous saurais dire comme mon cœur en est touché envers la divine Bonté, à qui j'en rends grâce de toute mon âme, La suppliant de vous les continuer autant que je le souhaite.

Quant à la fille simple, il la faut supporter doucement ; c'est une croix à votre maison ; mais patience, vous avez là une bonne [623] occasion de pratiquer la charité et plusieurs vertus de très-grande utilité pour vos âmes. Au reste, ma fille toute chère, je vous donne assurance que nous nous portons bien, grâce à Notre-Seigneur, et que la santé est très-bonne en cette ville, bien que la peste fasse toujours un peu la guerre aux autres de ce pays et à quelques villages d'ici autour ; mais l'on espère que Dieu y donnera remède, s'il Lui plaît.

Nous attendons bientôt ici nos commissaires pour achever les affaires de la béatification de notre Bienheureux Père. Faites fort prier Dieu pour cela, s'il vous plaît ; et si vous savez quelqu'un en vos quartiers ou aux enviions, qui ait reçu quelques grâces par ses intercessions, mandez-nous en des attestations de ceux qui les ont reçues, en la meilleure forme qu'il se pourra.

Nous vous envoyons le modèle des fourneaux, tiré sur du papier ; mais parce qu'il est un peu malaisé à entendre, nous avons mis ce papier qui vous en donnera l'intelligence ; renvoyez-le-nous, s'il vous plaît. Nos Sœurs de Lyon nous feront bien plaisir de ne plus ainsi égarer nos affaires et nos lettres. — Je n'écris point à notre Sœur M. F. Raton, parce que je n'en ai pas le loisir, et que je vois qu'il n'est pas nécessaire ; mais je la salue chèrement à part, et toutes nos Sœurs en général et en particulier, leur souhaitant l'abondance de l'amour sacré, et aux très-vertueux MM. Roussier et Journel que je salue très-humblement, me recommandant à leurs prières. C'est sans loisir que je vous écris par un messager venu exprès d'une de nos maisons, pour n'en pas perdre l'occasion, car elles nous sont assez rares, à cause de la peste qui est à Lyon. Je salue votre âme qui m'est chère et précieuse et que je tiens toute dans mon cœur. Je salue aussi toutes nos Sœurs, à part vos deux chères veuves. J'ai confiance aux prières de toutes, et suis de cœur votre, etc.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [624]

LETTRE M XCIX (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS

Prochaine arrivée de Mgr de Bourges ; désir qu'il soit accompagné de l'évêque de Belley. — La Mère de Bigny demande à faire un voyage à Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 26 juillet 1631.

Ma très-chère fille,

C'est fort à la hâte que je vous écris ce billet, pour ne perdre l'occasion de ce messager, pour vous dire que je suis fort en peine de ce que, depuis votre départ pour Troyes, je n'ai point eu de vos nouvelles. Je vous conjure, ma très-chère fille, de nous en envoyer, et [nous dire] si vous avez fait remettre nos lettres à notre bon Mgr de Bourges et à Mgr de Belley, et si vous aurez bien ménagé l'affaire, afin qu'au défaut que Mgr de Belley ne puisse venir, M. Ramus vienne ; mais nous aimons bien mieux Mgr de Belley. Enfin, je connais bien maintenant que vous êtes ma grande très-chère fille, car j'ai un peu de peine à supporter une si longue privation de vos lettres ; faites-nous-en donc part au plus tôt, je vous en conjure. Nous attendons Mgr de Bourges pour le 14 du mois prochain ; cependant nous faisons toutes nos diligences pour lui tenir de la besogne prête. Voilà, ma toute chère fille, ce que je peux vous dire par notre messager de Moulins, qui est venu avec des lettres fort pressantes pour me faire agréer que [la Mère de Bigny] Supérieure de là vienne ici pour voir ce qu'il y aurait de mieux à faire pour ma Sœur Marie-Aimée [de Morville] ; si vous pouviez tirer quelque chose des sentiments de ses parents, faites-le-moi savoir. — Ma Sœur la Supérieure de Lorraine nous écrit qu'elle a envoyé une belle aube à notre Bienheureux Père ; nous ne l'avons pas reçue, ni ses lettres aussi. Si elle ne s'est pas adressée à vous, informez-vous si elle ne serait point au grand monastère.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [625]

LETTRE MC (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON[150]

Difficultés des Sœurs de Condrieu. Sagesse et prudence de la Sainte pour y remédier — La peste sévit à Crémieux. — La Supérieure doit signer elle-même ses lettres.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 4 août 1631.

Ma très-chère fille,

Je ne suis pas sans déplaisir de voir que nos lettres ne vont pas jusqu'à vous. Par trois diverses fois je vous ai écrit mon petit sentiment sur le sujet de l'affaire de nos Sœurs de Condrieu, puisque vous le désiriez, et toujours j'ai dit qu'il la fallait manier avec douceur et patience. Voyez-vous, ma très-chère fille, cette bonne Mère-là [M. -D. Goubert] a l'esprit fort et bon ; [mais elle] n'avait pas accoutumé les nécessités, ayant [en qualité d'économe] gouverné longtemps votre maison, qui ne se ressentait, grâce à Dieu, d'aucune [gène excessive]. Elle s'est trouvée en de très-grandes disettes, accablée des mauvaises saisons, chargée d'une grande famille en ces pauvres petits lieux, d'où elle ne pouvait recevoir le secours nécessaire, leur maison mal placée, de peu de récréation et commodités. Parmi tant de choses qui la peinaient, elle n'a pas eu assez de force et confiance en Dieu pour retenir son esprit dans ses bornes accoutumées. Elle l'a laissé échapper en des plaintes qui pouvaient donner quelque soupçon à Mgr votre très-digne cardinal, que votre conduite, en l'établissement de cette maison de Condrieu, n'eût pas été accompagnée de toute la prudence et charité qui est requise en tel sujet. Certes, en cela, comme je lui ai écrit, [626] elle a eu tort, car elle devait se servir de votre entremise pour représenter à Son Éminence les besoins de leur maison, et pour en obtenir les assistances nécessaires.

Mais cette faute étant faite, et s'étant accrue de plusieurs paroles et procédés trop ardents, et contraires à la vraie humilité et douceur dont les Filles de la Visitation doivent accompagner toutes leurs actions, que faire à cela, me dites-vous ? Hélas ! ma très-chère fille, je vous dirai ce que je ferais, ce me semble, si j'étais en votre place : je lui dirais cordialement sa faute ; je lui confesserais aussi en toute simplicité mon tort ; car voyez-vous, ma fille, votre maison les devait assister en leurs extrêmes besoins (que je sais avoir été très-grands), plus largement que l'on a fait, et les soulager aussi en les déchargeant de quelques filles, sur tout des esprits qui leur ont donné beaucoup de peine et d'exercice. Vous savez ce que j'en ai écrit, à mon avis plusieurs fois, et je crois qu'il faudra encore en venir là, leur témoignant une généreuse charité, et tâchant par votre douceur et suave dilection de regagner cet esprit, et le remettre en son premier train. C'est une fille capable pour le spirituel et le temporel, qui peut faire beaucoup de service en la Religion : elle a le fond très-bon ; mais elle n'est pas encore dans une si entière mortification qu'il ne soit à craindre que, si on la lève de là avec violence, l'on ne la perde, et qu'il ne se fasse de grands éclats. Il sera donc bien plus à propos que vous lâchiez, avec toute sorte d'amour et de charitables industries, de reprendre son cœur entre vos mains. Par ce moyen, vous la redresserez et remettrez à son devoir, je m'en assure en la bonté de Notre-Seigneur, qui a tant fait de faveurs à cette chère âme-là que je ne puis croire que maintenant ni plus longtemps Il la laisse dans son entortillement. Si Mgr de Vienne et le monastère étaient insatisfaits de sa conduite, alors ils pourraient supplier Mgr le cardinal de la retirer ; mais, si ce n'est par cette voie, je ne crois pas que Son Éminence le fasse, puisque ce serait contre les statuts de notre [627] Congrégation ; mais en cas, ma très-chère fille, que Mgr de Vienne et les Religieuses demandassent qu'elle fût levée de là, pour Dieu, que cela se fasse avec telle douceur que cette pauvre Sœur ne soit point rompue, mais pliée suavement. Voilà, ma très-chère fille, ce que je vous puis dire sur ce sujet. — Quant à nos très-chères Sœurs de Crémieux, il n'y avait encore que leur tourière de frappée [de la peste]. Je me confie, ma très-chère fille, en la sainte charité que vous avez pour elles, que vous les aiderez, et je m'assure que Mgr de Vienne et M. leur Père spirituel ne leur manqueront pas ; mais surtout notre bon Dieu en aura soin, ainsi que de tous nos cœurs et incessamment nous L'en supplions. Vous savez que de cœur je suis vôtre en son amour ; je Le supplie de vivre et régner en nous. Amen.

[P. -S.] Nous ne trouvons plus personne qui aille à Lyon de ces quartiers ; c'est pourquoi ne vous étonnez pas si vous n'avez pas de nos nouvelles. Je me suis aperçue que vous ne signiez pas vos lettres de votre main ; je ne trouve pas que cela soit bien, ma très-chère fille.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MCI - À MONSEIGNEUR PIERRE II DE VILLARS

ARCHEVÊQUE DE VIENNE

Nécessité de rappeler à Lyon la Supérieure de Condrieu.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 12 août [1631].

Monseigneur,

Je n'ai osé jusqu'ici prendre la hardiesse d'écrire à votre Seigneurie illustrissime de l'affaire de Condrieu ; mais maintenant, pressée de douleur et d'étonnement de la savoir au point [628] où elle est, j'en prends la confiance pour supplier très-humblement votre bonté, Monseigneur, et avec tout le respect et soumission qu'il m'est possible, d'y vouloir apporter de l'adoucissement, en acquiesçant, s'il vous plaît, au désir qu'a Mgr le cardinal de Lyon de retirer notre Sœur la Supérieure. Je crois certainement, et selon la disposition où je vois cette affaire, que ce serait la gloire de Dieu et le bien de cette chère âme ; car, à la suite du temps, elle n'aurait pas repos d'être demeurée là, contre la volonté de son Supérieur. Et s'il vous plaisait, Monseigneur, d'agréer en sa place notre Sœur de Sainte-Colombe,[151] qui est une âme établie en l'humilité, douceur et charité, sans doute, Monseigneur, que vous et M. votre frère en recevriez toutes sortes de consolations et satisfactions ; et cette petite famille, que j'estime heureuse de vivre sous votre obéissance, aurait d'elle une très-bonne conduite et exemple.

Je prie Dieu, Monseigneur, vous faire connaître sa sainte volonté en ce sujet, et qu'avec abondance sa divine main verse les plus riches trésors de ses grâces sur votre digne et sacrée personne à laquelle, faisant très-humble révérence, je demeure en tout respect, Monseigneur, votre très-humble et très-obéissante fille et indigne servante.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Thonon. [629]

LETTRE MCII - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS

Maladie de Mgr de Bourges. — Soumettre le livre des Réponses à l'examen de saint Vincent de Paul.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 12 août [1631].

Ce n'est pas pour vous écrire, car j'espère le faire aujourd'hui, n'en ayant le loisir à cette occasion, que je ne veux perdre toutefois, sans vous dire, ma toute chère fille, que loué soit Dieu de tout ce que vous m'avez écrit. Au reste, la peste n'a point été à Chambéry, selon le bruit qui s'en fait, et maintenant est, je pense, tout à fait cessée dès la prise des engraisseurs qui la donnaient[152] : enfin, certes, la santé est très-bonne en ce pays, grâce à Dieu, et les affaires de notre Bienheureux Père en très-bon état.

Mais, mon Dieu ! que la maladie de Mgr de Bourges nous a touchées ; mais, selon que M. Barotte nous a écrit, il ne laissera de partir le lendemain de la mi-août ; cela m'empêche de lui écrire, ne croyant pas qu'une lettre le trouvât. Mais, mon Dieu, si son mal l'empêchait tout à fait de venir cette année, je crois qu'il est si bon qu'il voudrait faire venir Mgr de Belley et M. Ramus, qu'il nous faudrait envoyer quérir, afin que cette bénite affaire se terminât ; car si on la retardait, ce serait peut-être la faire périr. Or, il ne faut pas dire que je dis ceci ; mais je crois qu'il nous le faudrait faire inspirer doucement à ce bon prélat. Je vous recommande cette affaire si importante. On a trouvé de grands miracles, de belles dépositions ; tout est prêt. Faites-nous savoir promptement ce qui s'en devra attendre. [630]

Ne faites pas imprimer les Réponses que je ne les aie fait voir au bon Père dom Juste et mandé son sentiment ; rien ne presse. Faites-les voir cependant au Père dom Maurice et à M. Vincent s'il en a le loisir, mais aussi à notre Sœur de la ville. Il faut que je raccommode quelque chose pour donner les voix aux élections de Supérieures, craignant les équivoques. —Il faut finir, je n'ai le loisir de voir la lettre de notre chère Sœur de Vigny ; je la salue chèrement, attendant que je lui écrive. Je suis, mais de cœur incomparable, toute vôtre.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MCIII - À LA MÊME

Quelle récompense Dieu destine à ses serviteurs. — Nouvelles du monastère de Montpellier.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 12 août [1631].

Ma vraie très-aimée et toute chère fille,

Il n'y a pas quatre heures que je vous ai écrit un billet.

Vraiment, il faut confesser cette vérité que, quand il plaît à Dieu d'exercer une âme, Il en fournit des moyens dignes de sa sagesse et bonté. Je trouve que, par les travaux intérieurs et extérieurs que sa Providence vous a fait souffrir en cette fondation [de Troyes], vous êtes largement et saintement récompensée des services que vous lui avez rendus ; c'est la plus digne et précieuse monnaie dont il me semble qu'il paye ses vrais serviteurs et servantes, et celle qui nous doit être la plus aimable et profitable ; car, par elle, nous acquérons les trésors des adorables vertus de la croix, auxquelles il faut avouer que nous ne pouvons bien parvenir que par cette voie. Mais, dites-moi [631] parmi cette bourrasque, votre cher esprit n'eut-il pas toujours sa pointe arrêtée en Dieu et unie à son bon plaisir ? Au reste, ma très-chère fille, votre conduite ne pouvait, ce me semble, être meilleure. Il est évident que Dieu a conduit cette affaire ; si vous ne fussiez allée qu'après le consentement de la ville, jamais cette fondation ne se fût faite. Il y a bien de l'apparence que Dieu en tirera beaucoup de fruits pour les âmes ; et quand cela est, il nous doit suffire, et que le monde dise tout ce qu'il voudra. Nous serons bien heureuses quand il dira tant de mal de nous en mentant.

La santé est très-bonne en ce pays, grâce à Dieu, sinon de ces fièvres traînantes. MM. vos parents se portent bien. Nous vîmes à Thonon M. de Félicia ; vous feriez un grand coup si vous lui pouviez persuader de se marier ; chacun en serait plus content. — Je vous ai dit ce matin que le Père dom Juste désire voir les Réponses ; je le désire aussi avant qu'elles s'impriment ; il y faut ajouter les intentions de notre Bienheureux Père, touchant l'immortelle résolution de n'ouvrir jamais la porte au désir de recevoir des abbayes. L'on en a déjà fait la proposition deux ou trois fois ; je m'étais oubliée d'y répondre. Mon Dieu ! ma fille, que je suis marrie de voir que nous avons beau savoir ce que nous devons faire, nous ne laissons de suivre nos inclinations dans les occasions ; enfin, il faut tout remettre à Dieu et demeurer en paix. Notre Sœur de Chambéry ne se hâte guère de venir, bien que je la presse fort ; nous l'attendons à la fin de ce mois. La fondation de Montpellier commence heureusement. Mgr l'évêque est grandement satisfait des Sœurs ; il m'écrit qu'elles ont ravi le cœur de tous ceux de la ville, surtout la Mère, qui, en vérité, est une âme d'élite et une très-capable et digne Mère. Les autres filles envoyées en Provence donnent une bonne odeur et grande satisfaction. Adieu, ma vraie très-chère fille ; vous savez que de cœur je suis vôtre, mais vôtre incomparablement.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [632]

LETTRE MCIV - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Avantages du dépouillement intérieur. — L'humilité est le fondement de toute vertu.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1631.]

Ma très-chère et vraie fille,

Vos lettres me consolent toujours grandement quand vous me parlez de votre chère âme, laquelle, pour dire la vérité, j'aime au-dessus de toute comparaison. Tenez-la bien toujours en cette nudité et simplicité : il n'y a rien au delà qui soit agréable à notre divin Sauveur. « Aime et fais tout ce que tu voudras », dit saint Augustin. Aimons donc bien Notre-Seigneur, et notre prochain pour l'amour de Lui. Faisons-lui ce que nous voudrions qu'il nous fit : toute la perfection est là.

Ma fille, j'ai mon cœur fort touché de l'état où cette bonne âme est tombée, et me tarde fort de savoir qu'elle soit relevée. O ma fille, que le fondement de la véritable humilité et soumission est solide ! Qui a bâti là-dessus ne laisse pas d'être agité des vents de la tentation ; mais, à mon avis, il ne plie pas jusqu'aux actes. Il y avait de la réserve dans le fond de ce pauvre cœur, quelque propre estime, entretenue de ses ardents désirs d'austérité, auxquels j'ai toujours connu qu'elle était fort attachée, et ne se soumettait pas en ce point avec l'entière sincérité et franchise que j'eusse désiré ; mais j'espère que Notre-Seigneur convertira tout au profit de cette âme, et que d'ores en avant [dorénavant] elle sera plus humble. — Ma très-chère fille, il nous faut prendre garde de tenir les esprits qui sont le mieux fort bas, sans leur témoigner aucune estime d'eux, jusqu'à ce qu'ils soient parvenus à avoir le fond du cœur humble ; l'amour-propre est subtil : où est-ce qu'il n'entre pas ? Les âmes [633] les plus expérimentées en la vie spirituelle et les plus éclairées ont assez de peine de se garder de ses finesses et tromperies.

N'est-ce pas le dessein de sa divine Bonté que nous soyons les plus petites et humbles Religieuses de son Eglise ? et qui nous peut mieux servir à cela que les mépris et censures ? O ma fille, que cela nous doit être cher ! c'est notre esprit que celui de la douce et généreuse humilité.

Votre, etc.

LETTRE MCV - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX

Offre de secours. — Maternels encouragements.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1631.]

Ma très-chère fille,

Nonobstant que nos Sœurs de Lyon nous aient envoyé la lettre que vous leur avez écrite, et qu'elles nous promettent toutes sortes d'assistances pour vous, je ne laisse de désirer avec passion de vos nouvelles ; je vous supplie de nous en faire savoir le plus souvent que vous pourrez. Nous ne trouvons personne ici qui veuille aller à Crémieux[153] ; néanmoins, il s'est trouvé un [634] honnête homme de quatre lieues de là, qui nous a promis de vous faire tenir la ci-jointe et de nous en rapporter la réponse. Je vous prie, faites-nous bien savoir par lui toutes vos nouvelles et vos nécessités ; car encore que nos Sœurs de Lyon nous ont promis qu'elles ne vous laisseraient avoir besoin de rien, et qu'étant plus proches que nous elles en ont plus de moyens, néanmoins mandez-nous bien toutes vos nécessités, car nous ferons tout notre possible pour les vous faire avoir ; car tout ce que nous avons est à votre service, et ne craignez rien de nous demander tout ce dé quoi vous aurez besoin. Prenez bien garde de ne point exposer votre personne ; vous savez ce que nous avons fait en cette maison en telle occasion, faites-le du mieux que vous pourrez.

Ayez un grand courage, ma très-chère fille, et une parfaite confiance en Dieu qu'il vous tirera de tous ces dangers, heureusement et à sa gloire. Que s'il Lui plaît de retirer à soi quelqu'une d'entre vous, il Le faudra bénir et ne s'en point étonner, car toujours faut-il mourir. Tenez-vous, et nos chères Sœurs, le plus joyeuses que vous pourrez. Croyez que nous ne vous oublierons point. Je vous ai déjà écrit une fois dès votre accident, par nos Sœurs de Lyon qui m'écrivirent encore avant-hier et me promettent de vous bien assister, et que je n'en sois point en peine. Dieu, par sa bonté, vous conserve. Croyez que je suis bien d'un cœur entier tout à fait vôtre, et à nos Sœurs que je salue.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [635]

LETTRE M CVI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURS AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

On doit être fort retenu à parler des défauts du prochain et de ce qui se fait dans le monastère. — Profiter de la confiance qu'elle inspire à la Mère de Bigny, pour lui faire agréer quelques observations.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 29 août [1631].

Lisez ceci vous seule. — Ma très-chère fille, notre Sœur la Supérieure de Moulins renvoie son équipage pour faire ici quelque séjour. À la vérité, le sentiment de ma conscience ne me dictait pas qu'elle se tint si longtemps éloignée de sa maison ; mais puisqu'elle le désire, croyant que quelque peu de séjour ici lui sera profitable et qu'elle en tirera de l'utilité, nous serons consolées de l'y avoir. Elle nous a témoigné d'être grandement satisfaite de vous et de votre maison, et contente de ce que vous l'aviez été d'elle.

Je vous envoie une lettre pour Mgr de Bourges, que je vous prie lui faire tenir promptement et de l'adresser à ma Sœur la Supérieure de la ville [premier monastère de Paris]. Je n'écris ni à l'une ni à l'autre de nos Sœurs les Supérieures ; je le ferai à la première occasion. Ma Sœur la Supérieure de Moulins vous portera les réponses de ce que vous lui avez donné charge de nous demander, qui est cause que je ne les vous répéterai pas. Seulement je vous dirai, puisque vous le voulez, ma très-chère fille, et que la bonté de votre cœur m'en donne la confiance, mais succinctement, que non-seulement moi, mais plusieurs qui vous connaissent particulièrement, ont reconnu, il y a longtemps, que dans votre maison les sentiments y sont toujours fort délicats, et qu'il ne faut pas désapprouver ce que l'on y fait, ni même les Supérieurs en ce qu'ils font, ains trouver tout bon. Que si l'on touche cette corde, l'on excite force [636] justifications et excuses. Voilà en peu de mots à quoi je pense que l'on fera bien de prendre garde, et encore à être fort retenue à parler, surtout des personnes et choses de l'Institut, car, pour confiantes que soient les personnes, pour l'ordinaire elles ne sont guère capables de savoir avec utilité les défauts des maisons. Enfin cette retenue des défauts de nos Sœurs est un grand bien et qui entretiendra fort l'union et l'amour.

Au reste, nonobstant ce que je vous dis, je sens que ma conscience me presse de vous dire, mais à vous toute seule et pour la seule gloire de Dieu (au moins me semble-t-il que cette intention est fort pure en moi), puisque je ne puis pas profiter à ma pauvre Sœur la Supérieure comme je désirerais, ne lui trouvant pas la disposition, et craignant aussi qu'elle ne découvre d'où sont les connaissances que j'ai de ce qui se passe, à cause du mal qu'en recevrait celle qui les donne. Or l'estime que vous lui avez témoigné avoir d'elle et la confiance lui ont fort gagné le cœur, sur quoi je pense que vous pourriez lui profiter, si vous saviez ses besoins : surtout nous aimons l'excellence et des choses éclatantes en tout ; nous avons besoin de mépriser la vanité, de nous former selon notre Institut, d'en prendre l'esprit de rondeur, de franchise, de simplicité, de pauvreté, car les dépenses sont faites largement ; se rendre acoisible [accessible] aux filles, égale, suave et supportante, cela un peu naïvement et dans la simplicité de l'observance, mais ces choses, il les faut inspirer et couler s'il se peut dans le cœur, comme insensiblement, sans que l'on fasse voir qu'elle en ait besoin. Enfin, prisez-lui fort la pauvreté, simplicité et humilité religieuses, avec la sainte et vraie cordialité et franchise ; car, voyez-vous, cet abord sec ferme le cœur aux filles. Elle est splendide en meubles, bâtiments, habits, livres, petites gentillesses, enfin quasi en tout la pauvreté est intéressée. Or faites bien l'office de charité, et si je puis je le ferai bien aussi, et je l'espère puisque nous aurons un peu de temps de nous voir. [637] Elle a de bons talents, prudence, mais il faut diviniser et simplifier tout cela. — Que ceci soit pour vous seule, et brûlez ce billet.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MCVII - À LA MÈRE LOUISE-DOROTHÉE DE MARIGNY

SUPÉRIEURE À MONTPELLIER

Les prélats ne doivent pas entrer dans la clôture chaque fois qu'ils viennent au monastère. — Éloge de Sœur G. A. Brunier. — Comment habituer les commençantes à se tenir en la présence de Dieu. — User avec discrétion des libéralités de Mgr de Montpellier. — Divers détails.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 30 août 1631.

Ma très-chère fille,

J'ai reçu beaucoup de consolations d'apprendre par votre grande lettre les particularités des bénédictions dont Dieu vous a favorisées en votre établissement ; sa douce Bonté en soit bénie et louée à jamais ! Je ne prends aucune gloire mondaine de tous les honneurs que vous avez reçus, mais oui bien sujet de m'humilier profondément devant la sagesse et providence de ce grand Dieu, qui daigne tirer quelque gloire de ses petites servantes. Sa Bonté nous fasse la grâce de Le servir si humblement et fidèlement qu'il en puisse être de plus en plus honoré et glorifié.

Je vous assure, ma très-chère fille, que ce que vous m'écrivez de Mgr votre digne prélat m'en rend tout amoureuse d'une sainte dilection ; car, selon ce que vous m'en dites, il est tout aimable. Ayez un grand soin de conserver, voire, d'accroître, s'il se peut, la sainte affection que Dieu lui adonnée pour vous, qui est une grande bénédiction sur une nouvelle maison. Pour ce qui est de son désir que j'aille là, je vous supplie de modérer un peu voire ardeur à le procurer, et de remettre tout à la divine Providence, qui en ordonnera selon son bon plaisir. [638]

Je ne m'étonne pas maintenant si vous avez été malade et incommodée, car j'en trouve la cause dans votre lettre : ces grands accablements de visites que vous avez eus et la veille que vous fîtes après cela. O ma chère fille, ce n'est pas ainsi qu'il faut manier votre santé, car Dieu est bien si bon qu'il daigne en avoir affaire, et vous ne me sauriez davantage obliger que de vous conserver le plus que vous pourrez. Faites-le donc, ma chère fille, je vous en prie.

Quant à la petite de M. de Vallat, il n'est que bon de ne se pas charger de ces enfants si jeunes ; mais quand elle aura dix ans, il la pourra bien retirer des Ursulines pour vous la donner, et cependant [elle] se dégrossira un peu. Pour madame de Vallat, sa mère, Mgr de Montpellier comme fondateur lui peut bien donner les entrées des fondatrices et à qui il lui plaira ; mais il faut attendre que cela vienne de lui, qui ne doit pas entrer dans votre maison toutes les fois qu'il vous ira voir, mais seulement quand il y aura de la nécessité, mais cela procède de sa grande bonté qu'il veut ainsi toujours entrer. Il faut néanmoins tâcher de le divertir le plus dextrement et suavement que vous pourrez. Nous eûmes prou peine de dénicher feu Mgr de Grenoble qui entrait ainsi dans le monastère toutes les fois qu'il venait voir les Sœurs, et Mgr de Nevers en voulait aussi faire de même au commencement ; mais notre Bienheureux Père dit que cela ne se devait pas, et il me semble que je l'ai mis dans mes Réponses. — Je suis bien aise que vous ayez toujours le bon M. Gautery, parce qu'il vous sera fort utile en ce commencement, surtout si vous le pouvez garder encore quelque temps. Sitôt que nous eûmes reçu vos lettres, nous écrivîmes à ma Sœur la Supérieure d'Avignon pour la prier que, s'il se peut, elle agrée qu'il s'arrête quelque temps auprès de vous, pour vous assister en votre nouvel établissement.

Au reste, ma très-chère fille, cette aversion que nos Sœurs ont conçue contre les actions de ma Sœur Gasparde-Angélique [639] [Brunier] est une tentation ; mais je crains bien que nos Sœurs n'y aient coopéré en se communiquant leur aversion l'une à l'autre. Le malin esprit se mêle par là dedans pour contrebalancer les bénédictions que Dieu vous a fait sentir en votre établissement. Il faut cependant qu'elles tâchent de tirer profit de cette aversion ; car je suis bien assurée que ma Sœur Gasparde-Angélique ne leur donne point de sujet d'en avoir. C'est une âme solidement vertueuse, nous en avons vu l'expérience ; elle va droitement à Dieu et ne cherche que Lui. Si, au partir de là, elle fait quelque action qui ne soit pas au gré des autres, il faut que l'humilité et la sincère charité couvrent tout cela. Voyez-vous, ma chère fille, il faut que je tienne toujours un peu le parti de la droiture et sincérité, là où je la connais, comme je sais véritablement qu'elle est en cette chère Sœur. Vous ferez très-bien d'exercer la charge de directrice en ce commencement, si vous le pouvez faire ; mais, à cause des divertissements à quoi une Supérieure est sujette, il faut que vous preniez une assistante au noviciat, et que ce soit ma Sœur Gasparde-Angélique, quand ce ne serait que pour contrarier nos Sœurs, qui ont de la répugnance qu'elle soit directrice. Elles ont un peu mis leur esprit trop avant en ce qui est du gouvernement, en cette occasion ; car elles ne doivent pas avoir ces répugnances-là. Elle a tant élevé de braves filles pour la Religion, à Chambéry et ici, et sous des Mères plus capables et expérimentées que ne sont pas vos Sœurs, que je ne sais pourquoi il leur fâche tant qu'elle soit au noviciat ; mais il faut qu'elles soumettent leur jugement à la conduite et aux ordonnances de leur Supérieure, et qu'elles ne se mêlent pas de tant de choses.

Quant à ce que vous désiriez savoir comme il faut que les commençantes se tiennent en la présence de Dieu, le principal est de reconnaître leurs attraits pour les leur faire suivre ; et celles qui n'en ont point, il les faut faire tenir en la présence de [640] Dieu par la foi, sans aucune imagination. Il est bon aussi de leur faire pratiquer ce que notre Bienheureux Père me dit au commencement, que, pour donner un bon maintien à notre âme, il lui faut commander de faire toutes ses actions en la présence de Dieu et comme s'il lui ordonnait de les faire. Vous trouverez le reste dans les Réponses.

Je vous ai déjà écrit, ma très-chère fille, que je vous suppliais de tout mon cœur de vous rendre extrêmement souple aux désirs de Mgr votre digne prélat touchant les remèdes et soulagements qui vous seront ordonnés, et ne pas attendre des commandements absolus ; bien lui pouvez-vous représenter doucement et une seule fois ce qu'il vous semble pouvoir ; mais après, soumettez-vous. Au reste, cette grande libéralité dont il use envers vous doit vous rendre extrêmement retenue à dire les besoins de votre maison, craignant qu'enfin vous ne lui soyez à charge ; car il vaut bien mieux lui laisser l'appétit de vous donner que de l'en lasser. Sitôt que vous recevrez quelque chose des filles, et que ce peu d'argent que vous avez durera, demandez le moins que vous pourrez, à moins que l'on ne vous donne sans que vous le requériez. Je sais que votre bon cœur fera cela si bien et si adroitement que vous le rendrez plus attentif à vous pourvoir en vos besoins. Voilà comme je dis toujours tout à ma très-chère fille, laquelle j'aime d'une affection, certes, tout incomparable.

C'est ma consolation de savoir que Dieu maintient votre chère âme dans son train. Oh ! qu'il est bon, ma fille, et assuré de marcher ainsi dans ce parfait abandonnement et confiance en Dieu, et surtout le solide consiste en ce sentiment de son vrai néant. Mon Dieu ! tenez-vous bien là, ma très-chère fille, et toutes vos filles ; qu'elles donnent ce contre-poids de leur bassesse et vileté à ce grand applaudissement. Je crains un peu que l'esprit de notre Sœur M. -Renée ne s'y laisse emporter ; c'est un bon cœur et une fille de service, mais il en faut avoir [641] un grand soin afin qu'elle ne s'échappe ; la sainte crainte et l'humilité lui sont de nécessaires compagnes... Hélas ! que nous devons toujours bien vivre en attention sur nous-mêmes !

Si l'esprit de notre Sœur M. -Marguerite [de Vallon] peut se détortiller et remplir de générosité, je crois qu'elle sera bonne, sincère et humble. Ma fille, assurez-vous que je ne vous oublierai jamais devant Dieu, et que je vous porterai toujours chèrement dans mon cœur comme ma vraie très-chère fille, à qui je suis toute en l'amour de Jésus que je lui souhaite, et à toutes nos Sœurs que je salue.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MCVIII (Inédite) - À LA MÈRE HÉLÈNE-ANGÉLIQUE LHUILLIER

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Nécessité de bien choisir les Religieuses envoyées en fondation.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 6 septembre 1631.

... Quant à ces deux bonnes Sœurs que ma Sœur la Supérieure de Dol désire que vous retiriez, de vrai, ma très-chère fille, c'est une chose de grande importance aux nouvelles maisons d'y avoir des filles inutiles. Certes, je désirerais bien que nos Sœurs les Supérieures qui l'ont des nouvelles maisons fissent un peu plus de considération sur les conseils de notre Bienheureux Père, afin de n'y envoyer que des filles vraiment fondées en la vertu, qui aient l'esprit de leur saint Instituteur pour le communiquer aux autres.

Mais pour vous dire simplement ma pensée puisque vous le voulez, ma très-chère fille, vous ferez une grande charité de prendre l'une ou l'autre, si vous ne pouvez toutes deux, ou du moins vous feriez bien de les assister toutes les années de [642] quelque chose. Je le crois bien, ma très-chère fille, que vous vivez maintenant comme des enfants ; mais ne voyez-vous pas que les autres portent votre croix ? Mais, ma chère fille, puisque vous avez senti et expérimenté la pesanteur des croix ? faites si bon choix des esprits que vous recevrez désormais, que vous ne vous chargiez plus de telles croix.

Conforme à une copie de l'original gardé au premier monastère de la Visitation de Paris.

LETTRE MCIX (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS

Quelques passages à rectifier dans l'histoire de la fondation de Troyes. — Une Supérieure doit tâcher de ne pas laisser de dettes à celle qui lui succède. — Retard des affaires de la béatification.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 6 septembre [1631].

Ma chère fille,

Je vous ai déjà répondu sur vos lettres écrites dès votre retour de Troyes. Mais je bénis Dieu derechef de ce qu'il vous a fait souffrir en Le servant, et que l'œuvre de sa gloire n'a pas laissé, nonobstant toutes les traverses du monde, de s'achever heureusement, à la même gloire de sa divine Majesté et au salut de ces chères âmes. — Nous avons vu votre fondation de Troyes, qui est écrite d'un style simple et naïf, ce qui me plaît merveilleusement ; j'y ai seulement remarqué qu'il me semble qu'il ne faudrait pas dire que Mgr de Troyes n'est pas estimé ; mais vous pouvez bien dire qu'il n'est pas aimé, à cause qu'il supporte les maisons religieuses ; et que là où vous parlez de la rusticité de ces Messieurs, il le faudrait faire avec le plus de douceur qu'il est possible. Il faut aussi nommer les Sœurs que vous avez employées et laissées à cette fondation. Voilà comme [643] je corresponds à ma très-chère fille, qui traite avec moi avec une entière franchise, et moi de même avec elle.

Vous avez raison de faire ce qu'il vous est possible pour la santé de votre bonne assistante, car c'est une digne fille. Il ne sera que bien que, quand elle sera remise, si elle le peut faire, vous la retourniez au noviciat ; et cependant vous aurez éprouvé la conduite de ma Sœur Marie-Euphrosine [Turpin]. Je suis bien aise que ma Sœur N. soit auprès de vous : c'est une fille qui ne manque point de belles paroles, car elle discourt fort bien de la perfection ; mais elle a besoin de s'appliquer sérieusement à l'acquisition des vraies vertus d'humilité, amour à la pauvreté et abjection, et enfin de prendre l'esprit religieux. Quant à ma Sœur N., hélas ! il est vrai, ma très-chère fille, elle n'est occupée que d'elle-même ; c'est aussi un esprit où le vôtre très-bon' trouvera bien de quoi exercer sa charité. Je leur réponds à l'une et à l'autre courtement ; car véritablement, s'il n'y a quelque nécessité ou utilité, il faut que les filles se contentent que j'écrive aux Mères, autrement je ne pourrais subsister parmi tant de lettres. Elle me dit, ma Sœur N., que vous n'avez pas confiance qu'elle se découvre bien à vous, mais qu'elle le fait pourtant fort simplement, et même naïvement ; j'espère que votre charité exercée envers elle ne sera pas sans utilité.

J'écris bien à ma Sœur la Supérieure de la ville que je crois bien qu'elle s'accommodera avec vous pour ce qui regarde ma Sœur M. M., et qu'elle le fera d'autant plus facilement qu'il me semble que vous leur devez encore quelque chose. Je ne lui parle point des quatre mille livres, car pourquoi ne vous donnerait-elle pas la dot d'une fille qu'elle recevra à sa place, qui sera pour le moins de sept ou huit mille livres ? car il faut qu'elles vous quittent ce que vous leur devez, et qu'elles aient égard à la pauvreté de votre maison. Quant aux charités que nos Sœurs les Supérieures requièrent de vous, je suis très-aise que vous [644] les assistiez ; mais aussi je crains qu'elles n'abusent de la bonté et franchise de votre cœur, et je vous prie de me dire celles qui le feront ; car nous autres, qui ne sommes que passagères en la supériorité, laissons quelquefois des charges ès maisons qui donnent sujet de plainte et mécontentement à celle qui nous succède et à nos Sœurs. Je l'écrirai bien à ma Sœur la Supérieure de Nantes, et qu'il faut qu'elle fasse en sorte qu'avant que votre triennal soit fini, elle affranchisse votre maison de toutes ces cautions et dettes faites par elle, afin que les Supérieurs n'aient pas sujet de mécontentement de ces choses-là. Voilà ce que c'est : l'on veut faire des fondations, et puis il faut que les autres maisons les soutiennent ; et, ce qui m'est plus fâcheux, il faut quelquefois les décharger des filles qui donnent de la peine. Certes, je l'ai dit franchement à ma Sœur la Supérieure de Moulins qui est maintenant ici et qui est allée envoyer huit filles pour la fondation du Croisic et des filles faites on sait comment[154] ! tout cela est maintenant à la charge de la maison de Nantes.

Voyez-vous, ma chère fille, il leur faut mander, quand elles vous demanderont de grosses sommes, que vous n'êtes plus que pour trois ans en charge là, et que vous n'osez pas dépourvoir votre maison, qui n'est ni fondée ni bâtie, pour prêter cela sans l'avis de vos Supérieurs, qui ne vous le permettront pas, et qu'il faut qu'elles aient recours aux maisons dont elles sont sorties, et enfin comme vous savez qu'il leur faut représenter les nécessités de votre monastère ; car, il est vrai, il leur semble que pour être dans Paris, l'argent vous abonde, et cependant ils s'accommodent quelquefois mieux avec [645] ce qu'on leur prête, que ne font pas les maisons qui font la charité.

Or sus, il ne faut donc plus rien dire à votre charité, ni à celle de nos Sœurs qui veulent accomplir l'ornement de notre Bienheureux Père ; mais, comme vous dites, j'espère qu'il vous en récompensera (et nous l'en supplions de tout notre cœur) par une abondance de son double esprit, qu'il vous donnera pour le répandre sur toute votre chère famille, où il vivra et régnera à jamais, moyennant l'aide de Dieu ; j'en ai cette confiance.

Au reste, Chambéry est net, comme tout le pays s'en va aussi être, Dieu merci. — Et quant au retardement des affaires de notre Bienheureux Père, je vois bien qu'il en faut boire le calice, car il n'y a nulle apparence d'exposer notre bon prélat [l'archevêque de Bourges] au travail du chemin en l'état où il est. Dieu le veuille conserver, s'il Lui plaît, car c'est ce qui est à désirer, d'autant que le cœur et l'affection pour cette sainte besogne ne lui manqueront jamais ; mais il faut tenir les affaires nouées, afin que, s'il se peut, il vienne au moins ce mois de mai prochain, parce qu'il faut nécessairement que le Père dom Juste aille en Piémont le mois d'avril, et si cette affaire n'est faite auparavant cela, j'en désespérerais quasi ; mais je crois que ce retardement sera cause que tout en sera plus prêt, et que trois semaines ou un mois de séjour ici de Mgr de Bourges suffira. Il faut bien tenir Mgr de Belley en sa bonne volonté de venir. — C'est bien Dieu, ma très-chère fille, qui vous a préservées du mal contagieux et a béni la charité que vous faisiez à ces bons Pères. Je vous conjure de vous conserver le plus qu'il vous sera possible, car votre chère personne m'est plus précieuse que jamais, et voire maison toujours plus chère ; fermez donc votre église et votre parloir, je vous en prie, afin que le mal ne vous arrive.

Ôtez hardiment ce que vous voudrez des Réponses et les faites imprimer, car Mgr [de Genève] le trouve bon, et le Père dom [646] Juste aussi ; mais je vous enverrai encore un mémoire de quelque chose pour y ajouter ; si je ne puis à cette heure, ce sera une autre fois. Nous avons fait tenir vos lettres à M. le président, sûrement. — Je m'avise que ce qu'il faut ajouter du sentiment de notre Bienheureux Père, touchant le refus total que nous devons faire des abbayes et prieurés, doit être mis au commencement ; ainsi il le faudra attendre, aussi bien rien ne presse de les faire imprimer. Ma toute vraie très-chère fille, que mon cœur chérit plus que soi-même, je suis plus que vôtre. Jésus soit notre tout. Amen.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE MCX - À LA MÈRE ANNE-MARIE BOLLAIN

SUPÉRIEURE DES FILLES REPENTIES DE LA MAGDELAINE, À PARIS

Recevoir les dons de Dieu avec humilité et reconnaissance.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 6 septembre [1631].

Ma très-chère fille,

Ce ne serait pas une moindre consolation pour moi que pour vous, si je pouvais encore entendre une bonne fois tout votre état intérieur de votre bouche ; mais je trouve que vous me l'exprimez assez bien dans vos lettres, qui me font toujours plus connaître que Dieu vous conduit de sa sainte main, non-seulement pour ce qui regarde votre intérieur, mais encore Il prend le soin de conduire les âmes qui sont en votre charge. Je n'ai rien à ajoutera cela, ma très-chère fille, sinon que vous persévériez avec humilité, et grande reconnaissance envers Dieu des grâces que sa bonté vous fait. Cette dernière que vous avez reçue, par laquelle Il vous fait tendre à une plus grande pureté que vous n'eussiez quasi jamais osé espérer, est très-précieuse, [647] et mérite bien que vous L'en bénissiez et remerciiez continuellement, avec toute l'humilité qu'il vous sera possible.

Il est vrai, vos bonnes filles de la Magdelaine m'ont écrit une lettre simple en leur cordialité et témoignages d'affection envers nous, pour le bien et l'utilité qu'elles reçoivent de votre présence. Nous leur répondons aussi je ne sais quoi, car la grande multitude de lettres qu'il me faut faire empêche quelquefois de répondre si distinctement que l'on désirerait, et qu'il serait bien requis souvent. Mais pour vous, ma très-chère tille, vous m'avez toujours été si bonne que je ne fais pas difficulté de passer sous silence plusieurs points de votre lettre, auxquels peut-être vous eussiez bien désiré que j'eusse répondu ; mais il n'y a de remède, il faut que vous me pardonniez et que vous me supportiez en cela ; car je vous proteste que de cœur je suis invariablement tout à fait vôtre, mais sans loisir dans mon ordinaire accablement. Dieu soit béni et vous bénisse ! Amen.

Conforme à une copie de l'original gardé au premier monastère de la Visitation de Paris.

LETTRE MCXI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-CONSTANCE DE BRESSAND

SUPÉRIEURE À NANTES

Admirables enseignements touchant la charité. — Ne pas surcharger les monastères en empruntant trop facilement. — Générosité de la Mère Favre. — Conseils au sujet des fondations.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 7 septembre 1631.

Ma très-chère fille,

J'ai lu tout au long la lettre de cette pauvre Sœur N., laquelle véritablement me fait grande compassion, car l'on voit bien qu'il y a je ne sais quoi de bon en cette âme-là ; mais elle a ses passions si excessivement fortes et violentes et son esprit si [648] bizarre que c'est une pitié, et cela l'emporte, quand elle est émue, à faire tous les manquements qu'elle commet. J'ai pensé, ma très-chère fille, que si cette âme-là était entre les mains de notre Bienheureux Père, qu'il en ferait quelque chose de bon, et tâcherait de la gagner par une tout extraordinaire douceur, charité et support exercés autour de cet esprit ; et c'est le seul moyen de la ramener que de la traiter de cette sorte. Je vous dis ceci parce que je sais que vous le ferez, et que vous voulez bien aussi que je vous le dise.

Pour l'amour de Dieu, ma très-chère fille, quand elle fera des fautes envers vous, qui ne seront point connues des Sœurs, je vous prie, ne lui en dites rien du tout, mais seulement témoignez-lui de la compassion de son esprit ; et jamais ne lui reprochez ces manquements, ni ce que vous avez fait pour elle, le support que vous avez eu en son endroit et choses semblables ; mais traitez-la avec toute sorte de douceur et charité, lui faisant entendre que vous voulez en cela reprendre votre premier train, et que ce que vous avez fait n'a été que pour la prendre de toutes les façons qu'il se pouvait, pour essayer de la réduire à la modération qu'elle doit. Et pour les fautes importantes qu'elle fera devant les Sœurs, comme quand elle témoigne ces bizarreries, tâchez, quand son esprit sera un peu accoisé, de lui faire désirer d'en faire quelque pénitence devant la communauté, afin d'empêcher par ce moyen les mauvaises conséquences qu'il s'en pourrait tirer. Elle se plaint de ce que, quand elle a fait des fautes, on la laisse sans lui rien dire. Hélas ! ma très-chère fille, c'est un esprit qui a besoin d'être grandement encouragé et conforté ; c'est pourquoi je vous supplie que, quand vous penserez que son émotion sera un peu passée, comme quelques heures après, vous l'alliez visiter, pour l'encourager et aidera se remettre en bon train, lui disant quelques bonnes paroles avec beaucoup de douceur et cordialité. Voyez-vous, ma chère fille, il faut une charité non commune pour faire ceci, [649] mais excellente ; aussi êtes-vous appelée à cela. Pratiquez-la donc de bon cœur en ces occasions-là ; car peut-être rendrez-vous plus de service à Dieu en ce que vous ferez pour lui gagner cette âme, qu'en tout le reste de votre vie. Donnez-lui tout le temps qui lui sera nécessaire pour vous bien décharger son cœur ; elle vous en fera perdre sans doute, mais il n'y a remède, car c'est un esprit à qui il faut souvent parler. Et puisqu'elle ne se découvre pas au dehors, il faut que vous lui donniez tout le soulagement qu'il vous sera possible au dedans. Ne lui témoignez jamais qu'elle vous est à charge, ennuyeuse ni fâcheuse pour quoi qu'elle puisse dire ni faire, mais traitez-la toujours fort maternellement, car je vous dis derechef qu'elle veut être maniée avec une extrême charité et support. Je sais bien que vous le faites, mais je vous conjure que ce soit de plus en plus, parce que moyennant cela, je crois que c'est une âme pour le salut éternel.

Il me semble vous avoir déjà dit que pour les menues fautes qu'elle ferait d'omissions et semblables, il ne la fallait pas corriger, et que nos Sœurs la doivent supporter cordialement en ces manquements-là ; car je vous dis qu'elles sont plus coupables devant Dieu avec toute leur perfection, pour de légères imperfections qu'elles font, que n'est pas celle-là pour ses plus grosses fautes, à cause de l'extrême bizarrerie de son esprit et de la violence de ses passions. Mais il faudrait un peu user de condescendance en certains petits désirs qu'elle peut avoir, et prendre garde à ne la pas contrarier ; ceci est une prudente et industrieuse charité, mais qui est bien nécessaire aux Supérieures.

Nous avons ici celle de Moulins dès le jour de saint Barthélémy, qui a ramené notre Sœur F. -Angélique [de la Croix de Fésigny], et n'en pense partir qu'après la Saint-Michel ; je crois que ce séjour lui sera grandement utile. Elle m'a dit comme la fondation du Croisic n'est point faite, et que vous avez toujours [650] les Sœurs qu'on y a envoyées à la charge de votre maison, dont j'ai été marrie ; car, ma très-chère fille, je vois que vous ne prenez pas le soulagement de vos nécessités sur la maison de Moulins, mais sur celle du faubourg de Paris, d'autant que ma Sœur la Supérieure m'écrit qu'elle est en peine pour vous prêter de l'argent et faire trouver des cautions. Je suis bien aise qu'elle vous aide ; mais nous autres Supérieures qui ne sommes que passagères en charge, quand nous avons fini notre temps, on nous envoie en un autre monastère, et nous laissons quelquefois des charges sur les maisons, dont celles qui nous succèdent ne sont guère aises et ne nous savent pas grand gré. C'est pourquoi je vous supplie que vous fassiez en sorte qu'avant que le triennal de cette chère Sœur du faubourg soit fini, vous puissiez rendre tout, et la délivrer de ses cautions, afin que ses Supérieurs n'aient point de sujet de mécontentement ; car voyez-vous, ma chère fille, elle a un cœur royal, cette Mère, pour assister nos maisons, j'en suis bien aise ; mais aussi ne faut-il pas qu'elle en ait aucun sujet de mortification de ses Supérieurs.

Au reste, j'ai dit franchement à ma Sœur la Supérieure de Moulins qu'elle avait donné des Sœurs au double de ce qu'il en fallait pour cette fondation, et qu'on lui en renverrait une partie. Certes, si nous continuons à mander en fondation celles qui n'ont pas les vertus d'humilité, amour à la pauvreté et autres de l'Institut, nous ferons des images de Religion, et non pas des maisons de la Visitation ; car, comme je dis en mes Réponses, l'on ne peut donner aux autres ce que l'on n'a pas soi-même. Vous expérimentez bien ce que c'est que de mettre de ces filles en fondation, en ma Sœur M. -Marthe [Dubois] qui n'était pas propre pour cela ; mais pourtant, puisque la chose est faite, je crois que si vous la traitez avec une grande douceur, charité et support, et que les Sœurs aussi fassent de même, vous la gagnerez ; car enfin c'est une âme où il y a je ne sais quoi de bon, [651] au fond. — J'espère que notre Sœur la Supérieure de Moulins s'en retournera avec un nouvel esprit, et que l'amour de la sainte humilité, pauvreté et simplicité auront pris place en son cœur. Certes, les Supérieures ne l'inculquent pas assez à leurs filles ; faites-le dorénavant fortement, car sans cet esprit nous ne sommes que des fantômes de Religion. Ma fille, je suis vôtre de tout mon cœur.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Voiron.

LETTRE MCXII - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX

Sollicitudes de la Sainte pour les Sœurs de Crémieux. — Comment faire quand on n'a pas une messe tous les jours. — User de réserve à l'égard d'une postulante éconduite une première fois. — Prudence à garder lorsque les séculiers iront parler aux Religieuses dans la maison où elles se sont réfugiées pendant la peste.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1631.]

Ma vraiment bonne et très-chère fille,

Il faut que je vous confesse simplement que ce m'a été une extrême consolation d'avoir de vos nouvelles, et je vous conjure de m'en faire savoir le plus souvent qu'il vous sera possible, au moins de quinze en quinze jours, ou pour le plus tard, de trois en trois semaines ; car si bien vous êtes hors de l'infection et en bon air comme vous dites,[155] cela ne me suffit pas pour me tenir hors de peine si je n'ai souvent de vos nouvelles. Envoyez-les à [652] ma Sœur la Supérieure de Belley ; car je crois que c'est la voie la plus sûre pour les avoir promptement.

Mais, ma très-chère fille, si j'ai été consolée d'une part, il faut avouer que j'ai ressenti de la douleur de la mort de feu M. de Quinson, en laquelle je confesse avec vous que votre maison a fait une grande perte ; mais il nous faut soumettre au bon plaisir de Dieu, et L'adorer en toutes choses, nous assurant qu'il aura soin de vous, comme vous le voyez visiblement par la grâce qu'il vous a faite de vous préserver parmi les dangers où vous avez été exposées. Il ne vous reste, ma très-chère fille, sinon à tenir votre chère petite troupe dans une grande retenue, netteté et pureté, par une entière exactitude, par bonnes actions de grâces aux bénédictions qu'il plaît à sa Bonté verser sur elle.

Quant à ce qui est de la difficulté que vous avez d'avoir des ecclésiastiques pour dire votre messe, et de la cherté où vous en êtes, de vrai, je trouve que cela irait bien loin, et parlant, ma très-chère fille, vous ne devez point faire de scrupule, encore que vous ne l'entendiez pas tous les jours ; et me semble que deux fois la semaine avec le dimanche vous doivent suffire. Les autres jours, vous l'entendrez spirituellement, et toutes pourront communier ces deux fois pour compenser les communions journalières des trois qui ne se feront pas tous les jours — Quant à la fille de cette bonne demoiselle qui vous oblige tant, si votre nombre n'est que de vingt-deux, ainsi que je l'ai conjecturé par la vôtre, il me semble que vous devez lui donner la consolation de la recevoir, pourvu que la rente de ces trois cents écus et cette pension que vous croyez qu'ils donneront pendant sa vie, fût suffisante pour l'entretien, afin qu'elle ne fût pas à charge à votre maison. Mais pour l'autre que l'on vous presse de reprendre, de vrai, ma très-chère fille, je m'en excuserais tout à fait, car je sais par expérience que celles qui ne sont pas propres pour la Religion en un temps ne [653] le sont pas en un autre, sinon que Dieu fasse des miracles. Croyez-moi, ne vous bâtez point de vous charger de filles. Quant à la mère de ma Sœur N., si vous jugez qu'elle soit propre pour vous servir, vous lui pouvez donner parole de la contenter, pourvu que vous soyez rétablies à Crémieux.

Je reçus encore hier des lettres de ma Sœur la Supérieure de Lyon, laquelle m'assure qu'elle ne vous laissera avoir besoin de chose aucune qui soit à son pouvoir, et que je ne m'en mette point en peine. Vous avez raison de vous louer de la cordiale et sincère affection qu'elles ont pour votre maison, et de la charité qu'elles y exercent, car vous savez bien, ma très-chère fille, que la Mère a un cœur qui en est tout rempli. Elle m'écrit encore qu'elles vous prêteront les seize cents francs dont nous payerons la rente.

Quant au désir que vous avez de savoir comme vous ferez pour les séculiers qui désireront de vous voir et parler après votre quarantaine finie, il faudra que vous ayez une chambre pour eux qui soit, le plus que vous pourrez, hors du commerce des Religieuses, en laquelle vous leur pourrez donner entrée, sans pourtant les laisser aller dans les autres chambres où vous couchez et faites vos exercices ; et même dans cette chambre où je dis que vous les recevrez, vous pourrez mettre un banc ou quelque barrière par le milieu, pour faire voir que les séculiers sont d'un côté et vous de l'autre. — Mais je m'avise, ma très-chère fille, de vous dire sur ce que vous me dites que vous avez fermé votre maison de Crémieux, et l'avez laissée toute seule, que cela est bien dangereux, si vous ne la recommandez à quelqu'un qui en ait bien soin pour empêcher que l'on y jette quelque infection dedans, ou que l'on ne dérobe ce que vous y avez laissé, et tels autres accidents, si quelqu'un ne vous fait la charité d'y prendre garde. — Ma très-chère fille, ayez toujours un grand soin de nourrir vos filles dans le béni et désirable esprit de leur vocation, qui est humble, pauvre, doux et simple ; [654] et priez bien Dieu qu'il Lui plaise me faire miséricorde, et toutes nos Sœurs que je salue avec vous, car je suis de cœur tout à fait vôtre.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MCXIII (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

Inquiétudes au sujet de la prolongation du voyage de la Mère de Châtel.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 13 septembre 1631.

Ma très-chère fille,

Ce n'est que pour saluer très-chèrement votre bon cœur, car le porteur nous a surprise. Nous nous portons bien, grâce à Dieu, et avons ici nos Sœurs les Supérieures de Thonon et Moulins pour jusqu'à la fin du mois. Nous sommes en très-grande peine de notre Sœur la Supérieure de Chambéry, nous craignons qu'elle ne soit malade ; que si elle ne l'est pas, il m'est avis qu'elle a grand tort de tant demeurer à mander à nos Sœurs de Chambéry de l'envoyer chercher, car elles n'attendent que son retour pour partir pour Aoste, et elles ne le peuvent faire devant. Cependant le temps passe et les promesses et les commodités du voyage. Dieu la veuille bientôt amener ! Pour moi, je l'admire en sa liberté d'esprit et au peu de soin qu'elle a de faire savoir ses nouvelles. Pour Dieu, si vous en savez, mandez-les-nous. Je crois qu'elle viendra par Grenoble, et de là, ici. Ne la retenez point, car sa présence est trop nécessaire ici. Dieu nous conserve toutes et nous donne son saint amour. Amen.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Sorésine (Lombardie.) [655]

LETTRE MCXIV - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

La Sainte est résolue de restreindre sa correspondance. — Hâter le retour de Sœur Cl. -Ag. Daloz.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 18 septembre 1631.

Ma très-chère fille,

Il faut toujours prendre bien simplement ce que je dis. La pauvre petite Sœur Françoise-Angélique [de la Croix de Fésigny] me le dit ainsi ; et moi, je ne voulais rien savoir que ce que je demandais. Certes, vous avez raison de me dire comme je puis subsister parmi tant de tracas ; car il me semble que j'en ai quelquefois au-dessus de toutes mes forces et de celles de mes deux pauvres assistantes, qui me font de tout leur cœur la charité de m'aider ; aussi me suis-je résolue de ne vouloir plus écrire qu'aux Mères ; et, pour commencer, je salue bien chèrement ma Sœur Marguerite-Élisabeth Sauzion, le cœur de laquelle je connais et aime tout particulièrement, et me semble de la voir toute ravigorée. Je lui recommande toujours le soin de la santé de sa très-chère Mère, qu'elle sait bien qui est ma vraiment très-chère fille.

Voilà que c'est que de ne pas faire les commissions que je vous donne ; car si vous eussiez fait payer la dot de notre Sœur C. A. Daloz, vous n'auriez pas perdu le contrat, car nous le vous avons bien envoyé, il y a plus de six ans. Faites-le un peu chercher ; si nous pouvons, nous en renvoierons un. — Je le crois bien ma très-chère fille, que vous avez reçu une entière satisfaction d'avoir vu ma Sœur la Supérieure du deuxième monastère ; car, de vrai, c'est une fille qui est bien avant dans mon cœur. Je voudrais bien qu'entre vous deux vous eussiez l'adresse [656] d'obtenir de Mgr le cardinal ou de M. de la Faye, de nous renvoyer notre Sœur Claude-Agnès par l'équipage qui viendra prendre ma Sœur la Supérieure de Moulins ; faites voir si vous pourrez être si braves toutes deux. — Je n'écris pas à votre veuve, car je n'ai pas le loisir ; ce sera une autre fois. Mais, je vous prie, ne m'adressez plus de ces paquets ; car je suis accablée.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MCXV - À LA MÊME

Voyage de M. Michel à Lyon. — De l'autorité des Pères spirituels. — Nouveau projet de fondation à Mâcon.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1631.]

Ma très-chère fille,

Je répondrai brièvement à votre lettre, car notre bon M. Michel, qui est tout content de vous aller voir, vous dira toutes nos nouvelles. Nous lui avons remis les contrats de notre Sœur Claude-Agnès, et prié qu'avec vous l'on conclue cette affaire ; je vous en prie aussi de tout mon cœur, ma très-chère fille, et qu'enfin vous en fassiez comme de votre affaire propre.

Quant à ce qui est de la nièce de M. de la Faye, je n'ai qu'une grossière idée d'en avoir ouï parler, et je ne sais que c'est ; mais je crois que vous et vos Sœurs aurez regardé à Dieu et à votre Règle, et que partant vous n'aurez rien fait qui ne soit bien à propos. — Il est vrai, ma très-chère fille, que les Pères spirituels qui sont affectionnés à l'Institut et qui tiennent les esprits en paix et unis les uns avec les autres, sont des trésors à nos maisons. Je désirerais bien que M. de la Faye [657] enseignât un peu cette conduite à M. Pingot, car il se veut un peu trop mêler de toutes choses. Je crois que ma Sœur la Supérieure vous en écrira amplement, car elle est telle qu'il la lui fallait. Si vous lui écriviez un peu sur cela, avec quelque petite chose que M. de la Faye lui pourrait dire du repos qu'il doit prendre en sa conduite, possible en demeurerait-il en paix. Il m'écrit qu'il a été à Mâcon, et que Mgr de Mâcon lui a parlé avec des grands témoignages de bonne volonté pour l'établissement d'une de nos maisons là, où il propose d'envoyer pour Supérieure ma Sœur F. -Augustine [Brung], que ma Sœur la Supérieure a menée avec elle à Bourg, avec les filles qui sont allées d'Annecy pour fonder la maison de Bourg. Enfin il fait de grands projets là-dessus ; mais nous lui avons répondu qu'il y a fort longtemps que cet établissement est entre vos mains, et que je croyais que vous en sauriez bien chevir ; que néanmoins je pensais que possible feriez-vous bien la charité à la maison de Bourg d'y prendre quelques filles pour un peu la soulager. C'est un homme qui a des grands desseins, mais je vois pourtant qu'il fait toutes ces choses à bonne fin.

Il y a fort longtemps que l'on nous a écrit, ce me semble, que nos Heures étaient déjà imprimées ; mais je n'en ai point vu de marque. Je vous prie, si elles le sont comme il faut, de nous en envoyer une paire par M. Michel, afin que je voie s'il n'y a plus de fautes ; et, si elles sont bien et que le sieur Cœursilly nous en veuille faire prix honnête, nous en ferons venir plusieurs paires ; mais s'il les vend si cher, nous nous en passerons encore. Je crois bien qu'il ne se soucie plus guère de nous, maintenant qu'il en a tiré tout ce qu'il voulait. Il n'a pas même envoyé les deux exemplaires d'Entretiens que nous avions réservés pour nos Sœurs de Rumilly. Je vous prie, ma très-chère fille, de les leur faire avoir. Je remets le surplus de nos nouvelles à M. Michel, qui est toujours tout bon.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [658]

LETTRE MCXVI - À MADAME DE VAUDAN

À AOSTE[156]

Départ des Sœurs fondatrices du monastère d'Aoste.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1631.]

Enfin, Madame ma bonne et vraiment chère sœur, voilà les chères âmes que vous avez tant désirées pour l'établissement d'une maison de la Visitation, lesquelles, j'espère, rendront gloire à Dieu par le bon exemple et édification qu'elles donneront au prochain et consolation de votre âme ; c'est ce que je désire de tout mon cœur. Elles s'en vont sous la protection de la divine Providence, sous celle de Mgr d'Aoste et la vôtre, ma très-chère sœur. Nous prierons son infinie Bonté à ce qu'il lui plaise de répandre sur vous l'abondance de ses grâces et son très-saint amour. En cette affection, je suis invariablement, Madame, votre très-humble servante en Notre-Seigneur.

Conforme à une copie gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MCXVII - À LA MÈRE JEANNE-MARGUERITE CHAHU

À CAEN.

Encouragement à porter avec soumission la croix de la maladie. — Souhaits de bénédictions. — Prier pour la conversion de Genève.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 12 octobre [1631].

Ma très-chère fille,

Loué soit Dieu de votre changement,[157] et de ce que vous commencez à ressentir le repos que vous et nos chères Sœurs avez tant désiré ! Notre-Seigneur mêle toujours quelques mortifications parmi les faibles contentements de cette vie. Il est vrai que c'est une bonne croix, et pour vous et pour vos filles, que cette incommodité de gravelle : pour vous, qui en souffrirez les douleurs ; et pour elles, qui seront privées de la consolation de recevoir de vous les assistances qui sont pour l'ordinaire nécessaires en ces commencements de maison ; mais j'ai confiance en Dieu, ma très-chère fille, qu'il aura soin d'elles, et qu'il ne rendra pas votre fardeau plus pesant que ce que vous en pourrez porter, et que vous mettant sur le lit de sa croix, ce n'est que pour vous faire participer aux mérites d'icelle et vous remplir de son esprit de douceur, d'humilité, de simplicité, charité, patience.

Quant à ces deux bonnes Sœurs que vous désirez que nos Sœurs de Paris retirent, je crois qu'elles le feront. J'en ai écrit à ma Sœur la Supérieure de la ville et lui ai dit que, si elle ne peut les retirer toutes deux, qu'au moins elle en prenne [660] une, et qu'elle donne quelque pension pour l'entretien de l'autre, et je suis bien assurée que tout le secours que vous désirerez de ma Sœur la Supérieure de la ville, vous l'aurez, pourvu que vous lui témoigniez une grande confiance et un peu de dépendance ; car, si elle voit cela en vous, ma très-chère fille, elle est si généreuse que vous en obtiendrez tout ce que vous voudrez.

Pour votre déposition, il me semble que vous devriez attendre jusqu'à l'Ascension de la faire ; néanmoins vous suivrez en cela les intentions de Mgr de Paris, que vous pourrez apprendre par nos Sœurs. Je prie Dieu de répandre abondamment son saint amour sur votre chère âme et sur celles de toutes nos Sœurs, afin que les filles, par lesquelles sa douce Providence accomplira [complétera] cette petite famille, en soient toutes parfumées, et excitées à poursuivre dans une généreuse humilité leur entreprise ! Ma très-chère fille, mettez bien avec l'aide de Notre-Seigneur, dans tous les cœurs de nos chères Sœurs, l'esprit de douceur, d'humilité, de simplicité et pauvreté ; car, sans ces dignes vertus, les Religieuses ne sont que des ombres de Religion. — Nous nous portons bien, grâce à Notre-Seigneur. L'on attend toujours les commissaires pour achever les affaires de l'information de la vie et miracles de notre Bienheureux Père. Invoquez sur moi la divine miséricorde et priez bien pour cette affaire, et pour la conversion de Genève. Je suis toute vôtre et de cœur.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [661]

LETTRE MCXVIII - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX.

Rentrer à Crémieux aussitôt que la contagion aura cessé. — Avec quelle prudence on doit faire la correction. — Comment suppléer aux confessions annuelles que la peste oblige de différer.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 20 octobre [1631].

Ma très-chère fille,

Je suis bien aise que nos petites lettres vous apportent quelque consolation ; mais j'en recevrais une bien grande si j'apprenais que nos chères Sœurs fussent telles que leur vocation les oblige d'être. Je les supplie et conjure toutes de bien employer le temps que Dieu leur donne en cette solitude et retraite où elles sont, à bien établir les vraies vertus en elles et à se rendre exactes à tout ce qui est de l'observance, et elles seront bien heureuses si elles font cela. Pour ce qui est de votre retour à Crémieux, ma très-chère fille, quand la ville sera bien nette, je crois que vous ferez bien de vous y retirer vers Noël, mais prenez en cela l'avis de M. Bellefin qui est un homme sage, et qui, voyant les dispositions du lieu, vous pourra mieux conseiller que moi. Il faut que vous soyez bien assurée de la fidélité de votre valet pour lui laisser votre maison libre. Il peut bien se retirer en quelque corps de logis et y aller pour les affaires ; mais d'aller par tout le monastère, je ne pense pas que cela se doive permettre.

Je ne crois pas que vous deviez beaucoup [vous] mettre en peine de cette affection qu'a N. pour ma Sœur N., car c'est une fille à laquelle j'ai toujours reconnu un bon cœur et de bonnes dispositions ; mais je pense qu'il faudrait que vous la reprissiez de ses défauts avec beaucoup de cordialité et de dilection, lui témoignant que ce n'est que le zèle que vous avez de sa perfection qui vous porte à cela, et le désir que j'en ai aussi, [662] parce que je lui ai vu des bonnes dispositions pour rendre du service à Dieu, et que vous la reprissiez plus en particulier que devant les autres. Si vous tenez un peu cette méthode, ma chère fille, vous verrez qu'elle lui profitera, Dieu aidant. Je ne lui écris point sur ses défauts, parce que, ne m'ayant pas écrit, elle connaîtrait que je les ai appris de vous, et il est bon qu'elle ne le sache pas. Je suis bien consolée de ce que ma Sœur N. et ma Sœur N. vous donnent de la consolation ; je ne me puis pas aussi empêcher de les en aimer davantage et de les saluer à part. Je crois que vous vous devez beaucoup reposer en ma Sœur N. pour ce qui est des menues affaires du ménage et ne vous en pas charger ; faites en cela comme moi, qui en laisse toujours le soin à quelque Sœur. — Si votre maison a besoin d'être éprouvée partout, votre valet pourra servira cela ; mais il faut qu'il soit bien fidèle s'il va ès lieux où vos affaires sont retirées, lesquelles, je pense, vous aurez bien fait enfermer, et qu'il n'aille point se promener par la ville.

Pour vos confessions annuelles, vous les pouvez faire devant Notre-Seigneur en attendant que vous soyez à Crémieux, pour les faire [à] quelque bon confesseur, car il ne serait pas à propos de faire aller là un Père Augustin réformé. Mais que nos Sœurs fassent de bonnes résolutions avec vous pour leur amendement, et que chacune ne se mêle que de ce que l'obéissance lui ordonnera ; car, s'étant déjà confessées de toutes ces choses-là, la confession annuelle n'est pas un point de nécessité. — Or sus, je vous prie de saluer chèrement toutes nos Sœurs, auxquelles je souhaite le vrai esprit de leur sainte Règle, et tous demeure à toutes de cœur, mes très-chères filles, votre très-humble et indigne Sœur et servante.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de Visitation d'Annecy. [663]

LETTRE MCXIX - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À BLOIS,

Moyen d'acquérir la paix intérieure. — Avis pour l'oraison.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1631.]

Je vois que vous avez été sur le lit de la croix cet été passé ; Dieu vous fasse la grâce de recevoir toutes celles que sa divine bonté vous enverra, avec humilité, patience et amour ! Il n'a pas laissé de vous donner en votre solitude beaucoup de clartés pour votre perfection. Je m'en réjouis, et de ce que ce bon Sauveur vous donne de si grandes résolutions de vous rendre avec soumission à toutes les épreuves qu'il lui plaira vous donner et permettre vous arriver. Enfin, ma très-chère fille, nous n'aurons jamais la paix que par l'entier écorchement de notre cœur, que notre bon Dieu veut que nous lui remettions et abandonnions net de tous nos propres intérêts et de tout ce qui n'est point Lui ; alors Il nous revêtira de la riche robe qu'il donne à ses fidèles servantes et épouses, qui n'est autre que Lui-même.

Pour ce qui est de votre oraison, ma très-chère fille, je trouve que vous faites trop de réflexions et de regards ; c'est un exercice où il faut aller avec une grande simplicité et droit à Dieu, traitant avec sa Bonté tout confidemment, soit par l'entremise de quelque considération sur les sacrés mystères, si l'on en peut faire sans effort et facilement, ou bien en se tenant simplement devant Dieu ou en Dieu, avec une grande révérence intérieure et extérieure, si l'on peut, et lui parler simplement et confidemment selon nos petits besoins, et que l'on se sent attirée. Et quand on ne fait autre chose que de demeurer en sa présence avec désir qu'il accomplisse sa sainte volonté en nous et la résolution de ne le point offenser, c'est une bonne oraison ; [664] mais vous savez mieux cela que moi, ma très-chère fille. Prenez un grand cœur pour le servir, ce divin Sauveur de nos âmes, ruinant foutes vos inclinations pour son saint amour, car Il s'est bien consumé pour le vôtre. Je supplie sa Bonté vous octroyer cette grâce ; recommandez moi souvent à sa miséricorde.

Je crois que vous avez encore une année à être en charge, je vous prie de me l'écrire ; et cependant tâchez de bien cultiver celle que vous jugez qui pourra vous succéder, mais surtout de la bien établir en l'humilité et union de son âme avec Dieu, le tout dans une exacte observance, mais d'une observance qui soit douce, tranquille et suave, autrement elle ne serait pas conforme à l'esprit de la Visitation. — Quant à ce que vous me dites que nos Sœurs ne mangent que six onces de pain tous les soirs, pour moi, à qui trois onces suffisent par repas, je ne m'en mettrais pas en peine. Mais pourtant, ma chère fille, je n'aime guère que l'on lire le pain aux Sœurs ; car il est à craindre qu'en le leur épargnant, on ne soit par après contrainte de ne leur pas épargner les médecines.

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.

LETTRE MCXX - À LA MÊME

Compassion pour la communauté de Blois éprouvée par la peste.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 26 octobre 1631.

Je vous écris celle-ci, ma très-chère fille, pour vous dire que, sachant le danger où vous avez été exposée par la maladie contagieuse de votre bonne Sœur tourière, je compatis beaucoup à votre affliction et à la peine que vous avez eue au changement de lieu[158] ; mais vous avez bien fait pourtant de vous être retirée [665] et d'avoir suivi en cela le conseil du Révérend Père recteur des Jésuites, qui a pris la peine de m'écrire tout ce qui s'est passé, et comment votre tourière fut frappée. J'espère que Notre-Seigneur ne permettra pas qu'il arrive plus de mal, et qu'il vous conservera toutes, comme nous l'en supplions de tout notre cœur.

Ce bon Père recteur me témoigne d'être grandement affectionné à votre maison ; c'est pourquoi, ma très-chère fille, je vous conjure de vous tenir fort unie à la leur et d'avoir recours à eux en vos besoins, puisque notre Bienheureux Père le voulait ainsi, et qu'il disait que c'était le solide.

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.

LETTRE MCXXI - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE Al PREMIER MONASTÈRE DE LYON.

De quelle manière conduire une âme présomptueuse. — Maladie de la Mère Favre. — Diverses affaires.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 28 octobre [1631].

Notre bon M. Michel arriva [hier] à soir, si consolé de vous et de nos maisons que rien plus. Je le prie de vous répondre sur votre mémoire, et sur le présent que vous trouverez dans ce paquet, plusieurs considérations me l'ayant fait retenir. Il suffit de lui envoyer quelquefois, proche le Carême et encore [666] rarement, quelques boîtes de brugnons et de raisins de Damas, de quatre livres les deux. — Oh ! certes je suis consolée du bon état où j'ai vu le cœur de notre chère Sœur [la Supérieure] de Moulins. Elle m'a donné une si pleine confiance de traiter avec elle, et témoigné tant de désir du vrai bien, que je n'ai rien oublié de ce que j'ai connu lui être utile, c'est un fort bon cœur.

Vous trouverez dans ce paquet une grande lettre que je vous écrivis dans ma solitude. Non certes, ma fille, je ne désire rien de vous, sinon que vous persévériez à être toute à Dieu et toute bonne. M. Michel me dit que vous l'êtes parfaitement. Oh mon Dieu ! si vous pouviez venir ici ou me faire aller là, quelle consolation ! — Je crois et crains que notre Sœur Marie-Denise[159] ne s'évanouisse dans ses sentiments, et que sa nature ne s'y complaise fort et trop, vu les choses passées. J'aurais plus de contentement de la voir fort amortie, confuse, pleine de componction et de douleur de ses fautes passées, que si pleine d'admiration et de grands sentiments desquels, si vous me croyez, vous ne la laisserez guère parler, car son amour-propre s'y complaît ; mais portez-la à la disposition que je viens de dire ; que l'on voie de la confusion dans son cœur et en son rabaissement extérieur, et non tant de satisfaction. Elle presse maintenant d'être humiliée, ne lui permettez plus ; mais quand elle n'y pensera pas, faites-le, et le plus que vous pourrez, surtout en la négligeant, et ne lui témoignant aucune attention sur elle ni affection ; car elle a besoin de cela. Dieu seul peut savoir ce que je vous suis. Conservez votre peu de santé ; cela, je le veux tout de bon.

[P. S.] Ma très-chère fille, je vous prie de faire remercier M. Cœursilly des belles Heures qu'il nous a envoyées ; mais je les trouve trop belles pour moi. C'est pourquoi je vous prie que [667] celles que vous avez encore, vous nous les fassiez changer en une autre paire de toutes simples, qui ne soient point historiées et qui aient deux petits fermails de laiton. — Nous sommes ici en grande peine de la douloureuse nouvelle qu'on nous a mandée de la maladie de ma Sœur Favre. Si cette fille-là mourait, ce me serait une sensible affliction. Mgr de Bourges m'écrit que les médecins n'en attendaient rien de bon. Si vous en savez quelques nouvelles, faites-nous-en part. — Nous vous remercions de l'or que vous nous avez envoyé ; mais nous n'avons point reçu l'azur que nous vous avions demandé, selon la montre qui était dans la lettre ; peut-être ne l'aurez-vous pas reçue. Je pense qu'il en fallait environ pour quatre livres. Nous vous envoyons l'argent que vous avez fourni pour nous, avec mille remercîments de toutes vos charités.

Pour les lettres que M. Cœursilly désire pour ajouter aux Épîtres, elles furent coupées l'année passée par accident, si bien que nous n'avons jamais su les rassembler, dont j'ai été bien mortifiée ; mais il n'y a remède, car je ne saurais plus reprendre la peine qu'il faudrait pour les réavoir de si loin. Il y en a assez dans le livre des Épîtres pour ceux qui en voudront faire leur profit. — Je viens de parler à M. de Mongeny votre neveu, qui est venu pour savoir quand il amènerait sa sœur céans, que l'on dit qui est une fort brave demoiselle. Assurez-vous, ma très-chère fille, que je la servirai et tout ce qui vous appartiendra avec beaucoup d'affection ; mais priez bien Dieu pour elle, afin qu'elle soit bonne fille. Je m'en vais aussi faire ce que je pourrai pour avoir ici la petite de Blonay qui est à Thonon, afin que, si je ne vous puis avoir, j'aie au moins de vos parentes.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [668]

LETTRE MCXXII - À MADAME LA PRINCESSE DE CARIGNAN

À TURIN

Promesse de s'unir aux prières que fait la princesse pour obtenir la guérison de son fils sourd-muet.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1631.]

Madame,

Je remercie très-humblement Votre Altesse qui a daigné nous faire part de ses nouvelles, et de l'honneur de ses recommandations par N., laquelle m'a dit la peine où vous êtes, Madame, sur le jugement que les médecins ont fait de l'incommodité de Monsieur votre cher petit. Certes, nous en avons été affligées, mais non toutefois hors d'espérance de sa guérison en regardant la divine miséricorde, qui peut-être réserve cette grâce à votre humilité et soumission à son bon plaisir. C'est une très-puissante oraison devant Dieu, que la totale résignation d'un cœur maternel en une occasion si sensible. Ne doutez point, Madame, que vous n'obteniez cette guérison, si elle doit être pour la gloire de Dieu et au profit éternel de ce cher enfant. À cette intention nous joindrons au dessein de Votre Altesse les vœux, les prières et les communions de tous nos monastères, et pour la conservation de Mgr le prince, pour la vôtre et pour l'accroissement de toutes vos prospérités. C'est, Madame, de Votre Altesse Sérénissime, la très-humble, etc. [669]

LETTRE MCXXIII - À LA MÈRE LOUISE-DOROTHÉE DE MARIGNY

SUPÉRIEURE À MONTPELLIER

La Sainte à dû faire partir les fondatrices d'Aoste en l'absence de la Mère de Châtel. — Reconnaissance due à Mgr Fenouillet et à sa famille ; envoi de reliques — Espoir que la Visitation de Montpellier servira de pépinière pour l'Espagne. — Ne pas se dispenser facilement de l'oraison ; comment y suppléer. — Éloge de la Mère Favre.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 9 novembre 1631.

Ma très-bonne et vraiment chère fille,

Je commence aussi à vous répondre à l'avantage dès le lendemain que j'ai reçu vos lettres, apportées par ceux de chez M. Garin, qui sont revenus de Montpellier, afin que j'aie le loisir de vous écrire amplement et de vous dire tout ce que je me souviendrai, par le messager qu'ils renverront. Premièrement : je ne m'étonne nullement qu'il vous soit resté de la tendresse pour cette pauvre vieille et indigne Mère ; car j'en ai toujours une grande pour vous, non pas certes qui me fasse pleurer, mais un amour qui fait que je vous ai fort présente et visible.

Or sus, vous aurez donc vu ma Sœur la Supérieure de Chambéry dont je suis bien aise ; car je ne pensais pas qu'elle se détournât de si peu quand je lui mandais qu'elle n'allât pas à Montpellier, que cela la retarderait trop ; mais nous ne l'avons encore point vue, ce qui me tient en peine, car je crains qu'elle ne se soit engagée parmi ces pestes. Pourvu toutefois qu'elle revienne en santé, nous serons toutes consolées, et lui pardonnerons de bon cœur d'avoir tant demeuré, quoique sa présence fût grandement nécessaire par deçà, et c'est ce qui me la faisait tant presser de hâter son retour à cause du partement de ses filles pour Aoste, lequel pourtant nous avons été contraintes de faire sans elle, voyant qu'elle ne venait point. Dieu la veuille [670] bien ramener, s'il lui plaît ! Il nous en tarde grandement.

C'est une grande bénédiction sur les maisons religieuses, ma très-chère fille, que d'avoir l'amour de leur prélat. Certes, le vôtre très-digne est tout à fait digne de respect, d'honneur et d'amour. Pour moi, je me sens pleine de tout cela pour lui, en sorte qu'il ne s'y peut rien ajouter, ce me semble. Nous verrons donc mademoiselle sa nièce, puisqu'elle retourne en Savoie, et la servirons de tout notre cœur, si elle est fille pour nous en donner l'occasion, non pas pour l'attirer en Religion, mais pour la rendre bonne séculière. Il ne nous doit point fâcher de rendre les reconnaissances que nous devons, ma chère fille, quand elles ne sont pas contre notre conscience, ni contre notre premier devoir, comme je ne vois pas que soient les entrées de mademoiselle de Vallat, ni la réception de sa petite, à cause du titre de fondateur que Monseigneur a, par lequel il peut donner ces privilèges à qui il lui plaît. Enfin, il faut correspondre aux grandes cordialités par de grandes cordialités. Je vous ai déjà répondu sur ce sujet une autre fois, ce me semble.

Vous avez fait très-prudemment de ne pas recevoir la fille qui est de race de gros sang ; car si bien elle n'a encore nulle apparence d'être atteinte de ce mal, elle n'en sera pas exempte avec le temps, si ce n'est par miracle, puisque sa mère en est morte ; il faut bien prendre garde à cela. — Ce vous est une grande décharge, ma chère fille, que Mgr votre bon et digne prélat veuille prendre le soin de traiter avec les parents du temporel des filles ; car cela vous évitera plusieurs picoteries que l'on eût faites contre vous — Je serais bien aise que vous eussiez la sœur de Mgr de Nîmes, parce que ce sera un bon moyen de réveiller la fondation qu'on parlait de faire en cette ville-là ; car je serai consolée qu'il y ait encore une de nos maisons proche de vous. Je ne sais si ma Sœur la Supérieure de Chambéry aura vu s'il y a quelque disposition pour cela ; à son retour elle y devait passer. [671]

C'est une grande bénédiction de Dieu que les premières filles que l'on reçoit ès fondations aient de si bonnes qualités, que celles que vous me marquez des deux à qui vous avez donné l'habit. Mais les contes de la simplicité de votre bonne Sœur tourière, que votre communauté a écrits à la nôtre, m'ont plus donné de connaissance de son esprit que tout le reste. De vrai, elle est tout à fait aimable en sa simplicité, et je l'aime pour cela de tout mon cœur. Je suis bien consolée de ce que nos Sœurs font si bien. Je vous ai écrit quelque chose touchant ma Sœur N. que je ne connais pas que vous ayez reçu ; mais prenez garde à ce que je vous en dis, car cela est nécessaire. Si elle prend une fois un bon fond en la solide humilité et sincérité, ce sera un jour une brave fille. Elle m'écrit et me dit merveille de vous et des autres ; aussi auraient-elles bien tort si elles ne vous aimaient, car vous leur avez été et serez toujours bonne mère, comme je crois. Enfin, j'ai confiance que vous ferez là une très-bonne et brave maison de la Visitation qui servira de pépinière pour l'Espagne, avec l'aide de Dieu. — Croyez, ma très-chère fille, que la lettre de ma Sœur la Supérieure d'Avignon représente naïvement son esprit, qui est fort absolu et entier, mais bon et tout cordial néanmoins. Je lui ai écrit deux fois, ce me semble, et que je tenais un peu ferme pour ce qui regarde M. Gautery ; mais, à la troisième, je lui dis que je remets tout à la Providence de Dieu. J'espère qu'il vous pourvoira de quelque autre part aussi bien que de celle-là.

Oh ! plût à Dieu, ma chère fille, que l'on eût pensé à demander Mgr votre digne prélat pour les affaires de la béatification de notre Bienheureux Père ! nous en serions bien consolées. Néanmoins la Providence divine a tout bien ordonné. Nous lui envoyons des reliques de ce Bienheureux et des plus précieuses que nous ayons, à ce bon seigneur. Je ne doute point qu'il n'en soit bien aise. — Quel tableau est-ce que vous me dites que l'on a porté à Sisteron ? Dame ! si c'était l'original de notre [672] Bienheureux, il le faudrait bien faire chercher ; car nous le voulons réavoir. — Nous vous avons déjà écrit que nous nous emploierions de grand cœur à faire le voile de calice pour Monseigneur, mais il n'y a moyen maintenant, tant à cause que l'on a les mains rudes et que le froid fait éparpiller la soie, que parce que l'on a grande peine à travailler proprement et nettement l'hiver ; mais ce sera le Carême prochain, s'il plaît à Dieu, que nous le ferons et avec tout le soin et affection qu'il nous sera possible ; vous en devez être assurée, ma très-chère fille. Au reste, nous avons reçu tout ce que vous nous avez envoyé, avec une affection correspondante à la vôtre. Nous vous en remercions de tout notre cœur, et nous vous envoyons aussi ce que nous pouvons et de bon cœur. Nos ménagères vous font un mémoire de questions, pour savoir comme nous ferons de tout ce que vous nous mandez des provisions d'étoffe que vous nous pourriez faire là, afin de s'en instruire pour faire par après selon qu'il sera jugé pour le mieux.

J'ai été quasi un peu mortifiée du présent de cette pièce de cadix que M. de Vallat a envoyé. Nous lui mandons une chemise de Notre-Dame de Chartres où il y a des reliques de la vraie croix, un petit pain de Rome, du sang, du foie et du linge teint du sang de notre Bienheureux Père, et quelques autres reliques encore ; et pour mademoiselle de Vallat sa femme, un chapelet et un reliquaire. Le présent n'est pas correspondant au leur ; mais faites-le-leur agréer, s'il vous plaît, car c'est d'une grande affection qu'il est donné. Vous verrez les reliques que nous mandons à Monseigneur en assez bonne quantité ; mais ne les dîmez point. — Au surplus, ma chère fille, vous me dites que Mgr de Montpellier est en peine dès qu'il entend que vous toussez ; mais aussi le suis-je bien, moi, quand je l'entends dire, et je vous prie que si vous me voulez obliger, vous fassiez tout ce que les médecins vous ordonneront pour votre santé. Que s'il vous semble qu'ils fassent quelque chose de trop, dites-le au Père recteur, puis [673] vous en tenez à ce qu'il vous dira : voilà tout le relâche que je vous puis donner pour cela. — Quant à ne point faire d'oraison mentale pour l'ordinaire, je ne pense pas que votre manière d'oraison vous puisse nuire, parce qu'elle est fort douce ; que si néanmoins ils ne veulent pas, il vous en faudra passer, et faire que votre vie soit une continuelle oraison, par l'habitude à vous tenir toujours proche de Dieu ; car vous suppléerez par ce moyen très-abondamment au défaut de l'oraison.

Je pensais vous beaucoup écrire de ma main, mais il m'est impossible maintenant, à cause que je ne puis quasi remuer mon esprit ni ma tête, tant je l'ai pleine de défluxions qui me tombent sur le visage et sur les dents. N'en soyez pourtant pas en peine ; car c'est un anniversaire qu'il me faut payer tous les ans, vous le savez bien. — La lettre que j'écris à Monseigneur est bien brouillée et mal godriée ; car il me l'a fallu faire en plusieurs reprises et avec beaucoup de peine, ce qui est cause que je n'écris pas de ma main à mademoiselle de Vallat, comme je le pensais, et aussi parce que je vois que le bon M. de Vallat fait trop d'état de ce qui vient de moi ; car vous lui en parlez selon votre affection, et je n'aime pas cela. Or sus, ma très-chère fille, je vous prie de saluer de ma part M. Crespin : c'est un homme tout cordial et affectionné à notre Institut. Entretenez-vous bien de lui, selon que Monseigneur l'agréera, auquel nous en voyons une copie des articles pour déposer et des interrogats de notre Bienheureux Père, pour les miracles ; ce serait un grand bien s'il faisait une belle déposition. Nous vous enverrons la nôtre quand nous l'aurons, car maintenant elle n'est pas céans. Nous sommes toujours attendant Mgr de Belley et M. Ramus pour achever cette bénite affaire ; car la maladie de Mgr de Bourges l'a empêché de venir cette année. Il nous a mandé que ma pauvre Sœur Favre était fort malade, et avec peu d'espérance des médecins. ce qui nous tient en grande peine en l'attente de ses nouvelles. Vous savez combien cette fille a des dons et des grâces [674] pour la gloire de Dieu et l'utilité et honneur de notre Institut, duquel elle est un des bons piliers. Seigneur Jésus ! que ce me serait une sensible douleur au cœur si elle mourait ! Mais en tout, la sainte volonté de Dieu soit faite !

Je n'écris point pour ce coup à nos Sœurs, mais je les salue chèrement, en attendant qu'avec le temps et les occasions qu'elles m'en donneront je leur fasse à chacune un petit billet de ma main, qui sera pour un long temps, s'il n'en arrive quelque pressante nécessité. — Quant à votre tentation que vous ne me nommez pas, je la devine prou ; il ne faut que la négliger et s'humilier devant Dieu pour la porter et supporter tant qu'il lui plaira. Oh ! qu'il nous est bon, ma toute très-chère fille, d'avoir toujours quelques bonnes abjections et contradictions ; certes, cela est nécessaire à l'avancement des âmes. C'est tout ce que je vous puis dire, et que mon cœur est vôtre d'une manière fidèle et cordiale. Dieu soit notre tout et seul unique amour ! Amen ! — 9 novembre.

[P. S.] Depuis cette lettre écrite, nous avons reçu des nouvelles de notre Sœur la Supérieure du faubourg, qui se trouve mieux, Dieu merci ; mais elle a été à l'extrémité. — Je vous prie encore, ma très-chère fille, que le dimanche après les Rois, vous fassiez faire la communion générale pour l'intention que j'ai, laquelle je vous dirai bien tout ouvertement à vous parce que vous êtes Savoyarde. C'est pour demander à Dieu l'accomplissement de sa sainte volonté au bon succès des affaires de nos bons princes, et particulièrement en la guérison du fils de M. le prince Thomas qui, à l'âge de quatre ou cinq ans, ne parle ni n'entend ; et l'on juge par là qu'il demeurera ainsi sourd et muet, ce qui serait un grand dommage, car c'est le plus bel enfant qu'on puisse guère voir. Je vous dis ainsi tout, ma chère fille, parce que je sais bien que vous avez emporté l'affection naturelle du pays ; mais ne le communiquez pas au dehors, et [675] faites encore faire neuf jours durant la communion des trois Sœurs à cette même intention, après la générale ; car cette affaire est importante à la gloire de Dieu.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MCXXIV - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À BLOIS

Deux Sœurs de Blois sont mortes de la peste. — Amélioration de la santé de la Mère Favre. — Il faut se maintenir en union et confiance avec les Pères de la Compagnie de Jésus.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 24 novembre 1631.

Ma toute bonne et vraiment chère fille,

J'ai vu, par la lettre que vous avez écrite à notre très-chère Sœur la Supérieure du faubourg Saint-Jacques de Paris, l'affliction donc il a plu à Dieu vous visiter, par la mort de deux de vos Sœurs et la maladie de celles qui sont demeurées à Blois. Cette affliction est à la vérité fort sensible, étant regardée en elle-même ; mais, en la volonté de Dieu qui la permet pour le bonheur de celles qui souffrent et l'exercice de votre vertu, ma chère fille, et de nos Sœurs qui sont avec vous, elle est toute adorable et aimable. J'espère en son infinie Bonté que sa divine Providence aura soin de la conservation du reste de votre chère troupe, et surtout de vous, ma chère fille. Vous usâtes d'une bonne prudence de renvoyer ces deux Sœurs qui se trouvaient mal à Blois.

Vous aurez su que notre chère Sœur Favre a été aux portes de la mort ; mais Dieu a eu pitié de nous et nous l'a encore conservée, dont je le bénis et remercie de tout mon cœur, car ce m'aurait été une sensible douleur si elle fût morte. Je vois que son bon cœur vous assiste dignement et charitablement en votre affliction, ce qui m'est à grande consolation et soulagement ; [676] car je sais bien que ces maladies-là fournissent beaucoup d'occasions de dépenses. Je suis aussi grandement consolée de voir le soin que le Révérend et très-charitable Père recteur prend de vous visiter et assister. Mon Dieu ! que ce doit bien nous faire connaître que si bien il se rencontre quelque petit je ne sais quoi en l'esprit de quelques-uns, nous ne devons pas pour cela nous désunir jamais de la Compagnie, car partout on voit nos maisons recevoir de grandes assistances et charités de ces bons Pères-là ; nous nous y devons tenir toujours unies, car c'est toujours là que nous trouverons la solide charité et le secours en nos besoins.

Je vous supplie, ma chère fille, de faire appliquer la messe de la communauté et la communion générale, le premier dimanche après les Rois, selon mon intention, pour obtenir de Dieu, par les intercessions de notre Bienheureux Père, quelque grâce signalée que je désire en une affaire de grande considération, et de faire encore communier les trois Sœurs du rang tous les neuf jours durant, avec un quart d'heure d'oraison pour la même intention.

Conforme à une copie gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MCXXV - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

À RIOM

Désir d'avoir des nouvelles de la communauté de Riom forcée par la peste de quitter son monastère. — Assurance de tendre affection.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 26 novembre [1631].

Ma pauvre toute bonne et vraiment très-chère fille,

J'allais toujours attendant de vous écrire que j'eusse reçu cette bénite lettre, par laquelle vous me promettiez de me dire des nouvelles de votre cher cœur ; mais voyant qu'elle ne vient [677] point, je ne puis plus retarder de vous faire ce billet, par lequel je vous demande où êtes-vous et que faites-vous, ma très-chère fille ? Car je suis en peine d'être si longtemps sans avoir de vos nouvelles parmi ces maladies contagieuses, qui affligent si fort votre pays de delà. On m'a bien écrit que vous étiez sortie de Riom et que vous étiez logée en un certain château[160] ; mais cela ne me satisfait pas, car je le voudrais savoir plus amplement et par vous-même. Enfin, croyez, ma fille, qu'il est bien vrai que le bon sang naturel ne peut mentir, car comme je vous ai toujours aimée et vous aimerai tant que je vivrai, fort particulièrement, je ne me saurais empêcher de désirer de vos chères nouvelles. Nous écrivons les nôtres petites à ma Sœur la Supérieure ; c'est pourquoi je ne vous dirai rien de plus ici, n'ayant pas reçu de vos lettres depuis que je vous ai écrit.

Soyez toute assurée, ma très-chère fille, que de cœur entier et sincère je suis tout à fait vôtre. Dieu soit notre tout et soit béni. Amen !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [678]

LETTRE MCXXVI - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Question d'intérêt. — Conseils pour la direction d'une Religieuse qui paraît être dans l'illusion. — Amour et estime de la Sainte pour la pauvreté spirituelle. — Remercîments. — Avis relatif à la fondation de Mâcon. — Retour de la Mère de Châtel.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 30 novembre [1631].

Ma très-chère fille,

Nous n'avons reçu de vous, dès le retour de M. Michel, que ces deux derniers billets ; la lettre du 5 de ce mois n'est point venue ; j'en suis marrie, mais Dieu l'a permis.

Je pense que vous devez presser madame de Senecey, et écrire pour cela à notre Sœur du faubourg au plus tôt ; moi, je la prierai de la presser doucement d'accomplir ce bon œuvre, car je lui vais écrire. Les affaires de Dieu ne veulent pas tant de remises ; quand on laisse passer leur temps, elles se rendent difficiles, Dieu le permettant ainsi pour pénitence de la négligence passée. Mon Dieu ! ma fille, qu'il est vrai que cette vie est ennuyeuse et serait quasi insupportable, si la très-sainte volonté de Dieu qui nous y tient n'y était regardée, surtout, ce me semble, pour moi qui ai si peu de temps à penser à cette bienheureuse éternité, et tant de sortes d'affaires qui divertissent, et auxquelles il me semble que j'ai fort peu d'inclination ! c'est pour le temporel, car ici l'on est quasi forcé d'avoir autant de procès que de créanciers. Nous ne saurions rien tirer d'eux, ils disent que nous n'avons pas besoin, que nous sommes si riches ! Cependant, il faut pâtir et s'occuper à chercher moyen de vivre par emprunt, ayant été contraintes, par le défaut des créanciers, d'emprunter plus de quatre mille florins cette année, pour subvenir aux besoins de cette maison, et puis maintenant l'on veut être payé, et nous n'avons pas de quoi. Si l'on eût pu nous faire avoir quelque chose de la dot de notre Sœur Daloz, il fût venu bien [679] au besoin ; il faut avoir patience ! Je ne sais comme je me suis embarquée à vous dire ceci, car je n'aime rien d'en parler. Mais, dites-moi, si nous pouvions un jour retirer nos créances de ceux qui nous doivent, pourrions-nous mettre en assurance l'argent à rente à Lyon, et serions-nous payées plus facilement des fruits ? Je serais bien aise de le savoir.

Au reste, ma très-chère fille, certes, je ne trouve point à mon gré l'intérieur de notre Sœur M. -Denise [Goubert] ; c'est un esprit souple en la main de sa vanité et propre recherche, qui lui fait prendre telle forme que son orgueil veut ; au moins, il me semble, elle se forge des sentiments de perfection selon cela. Pour moi, j'aimerais beaucoup mieux la voir bien amortie, et si confuse de ses fautes passées qu'elle n'eût point tant de babil intérieur et extérieur, ni tant de vues d'excellence. Sainte Catherine de Gênes ne parle pas plus hautement ni plus distinctement de l'anéantissement parfait et du règne absolu de Dieu en elle, que fait cette bonne Sœur ; mais, quant à la réalité, je crois qu'il y a différence comme du jour à la nuit, et crains bien fort qu'elle ne soit plus dépendante de son imaginaire perfection que de la volonté de Dieu : elle dit que Dieu seul vit en elle, et qu'elle n'est plus en elle-même, ains qu'elle voit clairement que c'est Dieu qui vit, au lieu d'elle.

Autrefois, elle avait ces mêmes vues, et il est à craindre que si elle était dans les occasions, elle ne se trouvât dans la dépendance d'elle-même au lieu de celle de Dieu. Pour moi, je ne dis pas tout ceci par jugement arrêté, car je confesse que l'état où elle dit être surpasse ma capacité ; mais j'ai cette vue qu'elle se trompe, et j'aurais plus de satisfaction en mon âme, et plus d'assurance pour elle, si je la voyais dans une profonde humilité, silence et amortissement d'elle-même : voilà comme je réponds à ses questions ; vous lui en direz ce que vous jugerez à propos. Il m'est avis que vous ne la devez guère écouter en tout cela, ni moins lui témoigner que vous faites état de ce [680] qu'elle dit. Si elle trouvait en vous plus de sériosité, de froideur et de négligence pour elle, je pense qu'il lui ferait du bien ; au bout, je remets le tout à Dieu et à votre sage conduite. Je l'aime certes, mais je ne puis m'empêcher de la désirer dans des sentiments rabaissés, confus, anéantis, et purifiés de tant de propre satisfaction, car, à mon avis, elle s'évanouit [dans ses pensées]. Dieu ne le permette, s'il lui plaît, ains la réduise selon son bon plaisir et nous comble de son pur amour ! Amen. J'écris ma pensée à notre Sœur M. -Denise ; conduisez-la bien, car de moi je n'ai pas le loisir de tant lire ni écrire.

La nièce est venue : elle est toute agréable, d'un esprit gai et vif. Dieu la bénisse ! — Ces lettres pour Paris sont importantes aux affaires de notre Bienheureux Père ; mettez-les à la poste. Bonjour, ma chère fille. Dieu vive et règne en nous. Amen.

Nous avons eu grand contentement en ce que vous vous voyez si pauvre et dénuée, cela est une grande richesse. Mon Dieu ! que j'aime cette sainte pauvreté spirituelle qui nous met toutes nues entre les mains de Dieu, et là nous trouvons les riches trésors de son infini amour et mérite qui nous suffisent, les aimant mieux en leur origine que si nous les voyions en nous-mêmes. Ma fille, priez Dieu qu'il m'anéantisse toute, mais de l'anéantissement solide et réel. Amen. Qu'il soit béni ! Il y aura plus de facilité à me tirer quelque jour à vous, que vous ici. — Jour Saint-André.

[P. S.] Depuis cette lettre écrite, nous avons reçu la vôtre du cinquième de ce mois, avec consolation ; car elle me représente naïvement votre esprit, lequel j'aime, ce me semble, uniquement, nonobstant ce que vous me dites que vous n'êtes pas de ces grandes Supérieures qui font tant de choses pour gagner les cœurs de leurs Sœurs. Vos attraits en sont plus puissants, ma chère fille, mais ne laissez pas pourtant d'éloigner l'attache de vous, tant que vous pourrez. [681]

Vous nous faites trop de bien, ma très-chère fille ; véritablement je suis honteuse de tant de choses que vous envoyez à cette maison et à ma considération. Il suffisait, si vous nous vouliez mander des biscuits, qu'il y en eût deux ou trois douzaines, et non pas une si grande boîte ; mais nos malades vous en sont obligées, car pour moi j'use fort peu de toutes ces choses-là, et je ne pense pas en avoir pris demi-douzaine ou une douzaine au plus de ceux que vous envoyâtes la première fois. Je vous prie, ne nous mandez donc plus tant de choses, ma très-chère fille. J'écrirai désormais honorablement, puisque vous nous avez mandé de si beau papier ; et de tout, nous vous en remercions très-humblement. — Vous verrez, en ce que je vous dis de ma Sœur M. -Denise et à elle, comme je ne suis point gracieuse ; mais je n'y saurais que faire, car je dis ce que je pense. Je l'aime pourtant certes bien, car elle a le cœur et le fond bons ; mais si cet esprit si subtil, si souple et ardent, n'est tué, brisé et mis en pièces, il y aura toujours je ne sais quoi à craindre. Votre petite veuve a bien eu tort d'avoir quitté Dieu pour le monde, et le repos et tranquillité pour retourner parmi le trouble ; j'en serais marrie, mais Dieu l'a permis ainsi.

Mon Dieu ! ma fille, la grande charité que vous me faites en celle que vous prétendez faire à nos pauvres Sœurs de Bourg, y en prenant quelques-unes pour votre fondation de Mâcon ; Dieu vous en récompensera bien. Pour votre assistante, si elle a les autres talents pour être Supérieure, il n'y aurait point de danger de l'y envoyer, encore qu'elle n'a pas toute l'affection qui serait requise pour le bon ordre des choses extérieures, pourvu toutefois qu'elle soit assez humble pour souffrir qu'une assistante fasse ce qu'elle ne saura pas faire ; car enfin, ma fille, j'aime les âmes humbles et vertueuses en charge. — Vous ne nous avez point mandé nos Heures ; M. Michel dit que M. Cœursilly lui en avait donné deux paires, et il n'en apporta qu'une. Je vous avais priée, ce me semble, de nous les faire [682] changer : cela veut dire la paire que vous avez avec d'autres qui fussent toutes simples et qu'il y eût deux fermails de laiton, afin qu'elles puissent servir à mon usage. Aussitôt que nous aurons de l'argent, nous en ferons venir six ou huit paires pour nos Sœurs, et lui en donnerons quarante sous de roi ou quatre florins ; je pense que cela est juste.

Au reste, ma très-chère fille, voici notre Sœur la Supérieure de Chambéry [P. M. de Châtel] qui est revenue chargée des lauriers des mérites que ses travaux lui ont acquis. Je vous dis ceci en esprit de joie, mais pourtant c'est la vérité que deux petites fondations qu'elle a faites lui ont donné prou peine et mangé une partie de son temps ; car elles sont composées de ses filles de Grenoble et de Chambéry, et tout cela lui tient au cœur comme la peau est attachée à la chair, si qu'elle a bien eu peine à s'en dépêtrer. Nous vous laissons cette lettre de communauté ouverte pour la voir, mais faites-la après tenir, s'il vous plaît, avec celle pour Monseigneur. Nous en envoierons une autre fois une pour nos maisons de Paray et du Puy. Faites-la voir aussi au second couvent. Dieu vous bénisse, ma très-chère Sœur, et soit béni ! Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE MCXXVII - À LA SŒUR MARIE-DENISE GOUBERT

AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

En quoi consiste le vrai anéantissement de soi-même.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy. 1631.]

Ma très-chère fille,

J'ai lu et relu votre lettre à la fin de laquelle vous me priez de vous dire si vous vous trompez en la créance que vous avez aussi ferme qu'un article de foi (faute notable, ma fille, de [683] croire ses imaginations comme on croit un article de foi !) que votre esprit est ainsi anéanti en Dieu comme vous le dépeignez. Or je vous vais dire, selon ma sincérité accoutumée, que je crois que vous vous trompez ; car le vrai anéantissement ne consiste pas en l'imagination, et à en avoir beaucoup de sentiments et de lumières pour en discourir comme vous faites : ces lumières donneraient de la consolation, si on les voyait dans une âme vraiment morte à elle-même. Ma fille, vous êtes bien éloignée de ce bonheur, étant toute vive et pleine de propre recherche ! Tâchez de vous acquérir le véritable et solide anéantissement de vous-même, qui consiste en la mort ou amortissement de vos passions, sentiments, inclinations, présomptions, vanité et amour-propre ; et pour y parvenir, travaillez constamment et persévéramment à cette besogne par une continuelle mortification de tout votre être, et commencez par le retranchement de la vanité et agilité de votre entendement et de tant de belles imaginations. Je voudrais que vous prissiez de la simplicité en vos questions trop subtiles. Enfin, ma fille, il faut devenir vraiment humble et réellement mortifiée, et puis Dieu vivra et régnera en vous. Prenez et suivez la conduite de votre bonne Mère, et Dieu vous bénira. Je L'en supplie et suis dans son saint amour votre, etc. [684]

LETTRE MCXXVIII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Édification que donne la communauté de Montpellier.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 9 décembre [1631].

Ma très-chère fille,

Voici bien la troisième fois que je vous ai écrit depuis que M. [Michel] Favre alla à Lyon. Je crois que maintenant vous aurez reçu toutes nos lettres. Nous avons ici ma Sœur la Supérieure de Chambéry qui est toujours parfaitement meilleure. Je crois qu'elle vous écrira, et vous dira les bénédictions que Dieu répand sur nos maisons de la Provence, surtout sur celle de Montpellier où il y a des filles tout à fait bonnes, et surtout la Mère qui est une âme accomplie. Elles répandent une très-bonne odeur à la gloire de Dieu et à l'édification du peuple, mais surtout de Mgr de Montpellier qui leur est un vrai père, et auquel il fallait la Supérieure qu'on lui a envoyée, et non une autre, je vous en assure.

La nièce veut que l'on vous écrive que vous priiez Dieu qu'Il lui fasse la grâce de devenir aussi sage qu'elle a été folle.[161] Je pense que ce sera une bonne fille. — Vous savez de quel cœur je suis vôtre. Au reste, je n'écris plus qu'en beau papier fin, grâce à votre charité, car j'en serai moins lasse. Ma pauvre chère fille, je suis bien vôtre de cœur.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [685]

LETTRE MCXXIX (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS

Craintes au sujet du voyage du Père dom Juste à Paris. — Épître dédicatoire placée en tête du livre des Réponses.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 12 décembre [1631].

Ma très-chère fille,

Nous venons de recevoir votre lettre du 28 passé, laquelle me tient en peine de vous savoir toujours en une si grande faiblesse, craignant que vous ne veniez à retomber malade. Mais, pour l'amour de Dieu, ma très-chère fille, donnez-vous la patience de vous bien remettre avant que de vous mettre à travailler, soit aux affaires, soit à quoi que ce soit ; car vous avez besoin de repos d'esprit et de corps d'ici à Pâques ; il faut que vous preniez ce temps-là pour vous fortifier. Et, en un mot, je vous prie derechef, comme j'ai déjà fait par la première lettre que je vous écrivis après que je sus votre restauration, et laquelle peut-être sera perdue, je vous prie, dis-je, que vous ayez bien soin de cette pauvre santé, et que vous fassiez ce que vous pouvez pour vous garder de retomber.

Cependant voilà notre bon Père dom Juste qui enfin s'en va à Paris. Dieu veuille que les Pères qui le font aller et nous, n'en ayons pas de repentir ! Certes, ma fille, je vous dis ceci avec douleur, de voir mettre en chemin ce bon Père en une saison si incommode, parce que, s'il lui arrivait quelque mal, nous pourrions bien tout quitter et cacheter les affaires de notre Bienheureux Père, d'autant que je ne vois homme au monde, pour les aller poursuivre à Rome, que lui. Mais de ceci et de votre indisposition, ma fille, j'en fais comme vous me dites que vous faites, je remets le tout à Dieu, avec confiance qu'il en fera son bon plaisir ; car on ne saurait avoir paix faisant [686] autrement. Quant au changement de vos charges, celles d'assistante et de directrice peuvent facilement être portées et être utilement exercées par ma Sœur l'assistante ; mais pourtant, ma chère fille, je crois que si vous avez quelqu'un à qui vous puissiez donner la charge d'assistante, vous ferez bien de le faire pour un an seulement, et je vous dirai bien ceci : que peut-être [il] n'y aurait point de danger d'y éprouver ma Sœur N. ; car, à mon avis, elle y trouvera assez de sujets d'abjection pour lui faire connaître qu'elle n'est pas tant capable des charges relevées comme elle pense ; mais je remets toujours tout parfaitement à votre jugement, lequel Dieu vous a donné, selon le mien, parfaitement bon pour la conduite. Ma pauvre Sœur M. me fait compassion en son petit entortillement au désir d'être employée aux charges importantes ; mais, las ! pourtant, ma fille, comme vous dites, elle n'a ni conduite ni prudence pour cela ; elle est toutefois digne d'être supportée à cause de la grande bonté qui est en elle.

Votre petite épître[162] pour les Réponses est parfaitement bien à mon gré, d'un style doux et simple. Je vois bien que vous n'avez pas encore reçu la lettre où je vous mandais qu'il n'était point besoin que vous me l'envoyassiez, et qu'il suffisait qu'elle fût à votre gré. Quant au désir de nos Sœurs d'en avoir chacune un livre, de ces Réponses, je ne sais pas si cela leur serait utile, parce que, ce qu'on voit souvent, on s'en dégoûte facilement ; néanmoins, je laisse cela à votre discrétion pour en faire selon que vous trouverez bon. Notre bon archevêque [de Bourges] m'écrit avec témoignage de beaucoup de joie de se revoir dans l'espérance de venir achever ici la sainte besogne que Dieu lui a confiée, et me promet de partir pour cela aussitôt après Quasimodo. Il faudrait bien tenir l'affaire liée, ma chère fille, et faire en sorte que les Pères n'engagent point le [687] Père dom Juste à rien qui le puisse arrêter, passé ce temps-là ; car, résolument nous voulons, s'il plaît à Dieu, que tout s'achève ici cette [année] prochaine ; et puis, du reste, Dieu en ordonnera ce qui Lui plaira.

Ma très-chère fille, hier on résolut que le Père partirait ; mais enfin aujourd'hui, après avoir conféré des nécessités des Pères de Paris avec ceux d'ici, ils ont conclu qu'il fallait représenter les raisons pour lesquelles il ne pourrait pas aller, jugeant sa présence n'être point nécessaire aux Pères de Paris. Ils avancent les affaires de notre Bienheureux Père ; mais enfin, ma chère fille, il faut lever ce masque-là ; car le Père dom Maurice aurait eu grand tort s'il avait différé jusqu'à présent à y faire ce qu'il faut ; car pour ce qui est de la mauvaise écriture qu'ils disent être en cela, ce n'est rien ; le Père dom Juste attend donc leur réponse avant de rien bouger. — L'on m'a écrit que ce livre que Mgr de Belley a fait, de l'intérieur de notre Bienheureux Père, est très-mal reçu, et qu'il serait à désirer qu'il fut étouffé. Voilà ce que sans loisir je vous puis dire ; mais, Jésus, Marie ! qu'on ne fasse point aller le Père dom Juste sous le prétexte de la réussite des affaires de notre Bienheureux Père : que si l'on en a tant de besoin, qu'on sache leurs raisons.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [688]

LETTRE MCXXX (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON

Perplexités de la Sainte au sujet des changements qu'on veut introduire dans le chant de l'Office.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 19 décembre [1631].

Ma très-chère fille,

Vous vous plaignez toujours de moi, que je ne vous écris pas assez, quoique je pense qu'il ne se passe guère de semaine que je ne le fasse. Mais je vois bien que c'est que vous voudriez avoir, non-seulement tous les jours, mais tous les moments de mes nouvelles, tellement vous m'êtes bonne ; interprétez ainsi le motif de votre plainte. Nous avons bien reçu toutes les vôtres, même celle du 6, et si bien je ne vous l'ai dit particulièrement, celle que je vous écrivis et à ma Sœur M. -Denise, avec le remercîment de vos biens, en était un assez bon témoignage. Je serai toujours bien aise de savoir si vous avez reçu celle que je vous écrivis, il y a environ cinq ou six semaines, qui vous fut envoyée seule avec une pour ma Sœur la Supérieure de N.

Au reste, ma très-chère fille, je ne sais que vous dire sur tant de mouvements que je vois en plusieurs de nos monastères pour le changement de notre chant, craignant que si l'on ouvre la porte à ce changement, il en attire plusieurs autres. Cette appréhension me donne une extrême difficulté à m'en résoudre ; et, d'autre côté, je crains aussi pour deux raisons de me tenir trop ferme en cela : l'une est que je crains que les Supérieurs et les monastères mêmes ne le changent, ainsi que Mgr de Vienne a déjà dit que ce n'était pas une chose essentielle que les Supérieurs ne puissent changer, et en a écrit à Mgr de Genève, auquel il dit qu'il vaudrait mieux que les changements vinssent de ce monastère ici, qui a donné les Règles et tout ce qui est [689] de l'Institut, aux autres ; l'autre, c'est que je vois que non-seulement plusieurs de nos monastères inclinent à ce changement, mais que la plupart le changent, ne faisant pas les tons ainsi qu'ils nous sont marqués, et notre chant n'ayant que deux tons. les musiciens mêmes n'y entendent rien. Voilà ma perplexité, ma très-chère fille, entre ces deux appréhensions : l'une, d'ouvrir la porte à quelques changements parmi nous, crainte qu'ils n'en attirent des autres ; et l'autre, que ces changements ne s'introduisent en quelques monastères particuliers, ce qui serait difforme et contraire à la conformité que nous devons avoir en toutes choses. Donnez-moi votre avis là-dessus.

Le Père dom Juste écrit à M. Brun pour avoir certains livres dont il a besoin. Je vous prie de le lui recommander encore, afin que cette petite emplette se fasse comme il faut. Il nous a donné une pistole pour cela. Quand ils seront achetés, vous les enverrez et nous ferez savoir ce qu'ils auront coûté, et nous vous enverrons la pistole et le surplus s'ils coûtent davantage, par la première commodité assurée. — Vous savez bien de quel cœur je suis vôtre, priez Dieu pour nous. Je salue toutes nos Sœurs. Le doux et débonnaire Enfant Jésus soit notre unique amour et prétention en toutes nos actions. Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

fin du troisième volume de la correspondance

TABLE DES MATIÈRES

année 1627.

Lettre DCCLIV (Inédite). — À M. le baron de Chantal, son fils, à Paris. — Souhaits de bonne année. — La Sainte espère voir ses enfants à son voyage d'Orléans. — Penser souvent à l'instabilité de cette vie.             2

Lettre DCCLV. — À la Mère M. -A. Fichet, à Rumilly. — Il faut s'abandonner à Dieu et travailler à l'acquisition des vertus solides. — Confiance due à la Supérieure d'Annecy. — Les lettres d'une Religieuse doivent être courtes et dévotes.               3

Lettre DCCLVI (Inédite). — À la Mère P. -J. de Monthoux, à Blois. — Le voyage de Piémont est retardé. — Projet de fondation à Bourg en Bresse. — Les dames fondatrices d'un monastère particulier n'ont pas le droit d'entrer dans tous ceux de l'Ordre.  4

Lettre DCCLVII (Inédite). — À M. de Coulanges fils, à Paris. — Félicitations au sujet de son mariage.          5

Lettre DCCLVIII. — À madame la comtesse de Dalet, à Montferrand. — Fondation de Saint-Flour. — Prochain voyage en France............................................................................................................................ 6

Lettre DCCLIX (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Désir de confier à la Mère Favre l'établissement d'un monastère à Bourg en Bresse.................................................................................... 8

Lettre DCCLX. — À madame la comtesse de Toulonjon, à Alonne. — Condoléances au sujet de la mort de son fils.  9

Lettre DCCLXI (Inédite). — À M. l'avocat Pioton, à Évian. — Affaires concernant la maison d'Évian.           9

Lettre DCCLXII (Inédite). — À la Sœur F. -G. de la Grave, à Belley. — Une novice atteinte des écrouelles doit être renvoyée. — Logement du confesseur.......................................................................................... 10

Lettre DCCLXIII (Inédite). — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Autun. — Conseils pour la construction du monastère. — Le bien commun doit être préféré au particulier. — Voyage de l'archevêque de Bourges à Annecy pour les affaires de la béatification de saint François de Sales............................................................................................. 11

Lettre DCCLXIV (Inédite). —À la Mère M. -C. de Bressand, à Moulins. — Commencement du procès de béatification de saint François du Sales. — Ne pas permettre l'entrée des monastères aux Religieuses non réformées. [692] — Prochain départ de la Mère Favre............................................................................................................................ 12

Lettre DCCLXV. — À la Sœur F. -G. de la Grave, à Belley. — User de prudence et de patience envers les âmes encore imparfaites.................................................................................................................. 14

Lettre DCCLXVI (Inédite). — À M. l'avocat Pioton, à Évian. —Le transfert de la communauté d'Évian à Thonon est résolu. — La Sainte consent à rappeler à Annecy la Sœur de Feuge.................................. 15

Lettre DCCLXVII. — À la Mère M -A. de Blonay, à Lyon. — Charité envers les malades. — Éloge de la Mère Favre. — Affaires d'intérêts. — Embarras de la communauté de Paray. — Difficultés de M. le prieur de Blonay.           15

Lettre DCCLXVIII. — À la Sœur F. -G. de la Grave, à Belley. — Avantages de la douceur dans la direction des âmes. — Se confier en Dieu........................................................................................................... 19

Lettre DCCLXIX (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Demande d'un Nouveau Testament. — Prochain départ des fondatrices de Bourg......................................................................................... 20

Lettre DCCLXX. — À madame la comtesse de Toulonjon, sa fille, à Alonne. — Espérance d'une prochaine entrevue. — Soumission à la volonté de Dieu............................................................................. 21

Lettre DCCLXXI. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — Le voyage de l'archevêque de Bourges est retardé. — Travaux du Père dom Juste. — Les souffrances considérées dans la volonté de Dieu sont très-aimables.          22

Lettre DCCLXXII (Inédite). — À la Mère M. -F. de Livron, à Grenoble. — Conseils au sujet de la fondation de Gap. — Secourir les Sœurs d'Embrun................................................................................................... 24

Lettre DCCLXXIII. — À la Sœur A. -C. de Sautereau, à Grenoble. — Elle lui recommande l'adhésion à la divine volonté et la sainte joie.................................................................................................................... 25

Lettre DCCLXXIV. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — La Sainte se réjouit de l'entrée de mademoiselle de Saint-André à la Visitation. — Soins à donner à une Sœur malade. — Emplacement du deuxième monastère de Lyon. — Nouvelles de celui de Bourg....................................................................................................................................... 26

Lettre DCCLXXV (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Bourg en Bresse. — Instances faites à Rome pour les fondations de Verceil et de Carmagnole. — On demande la Mère Favre pour être Supérieure à Orléans.  28

Lettre DCCLXXVI. — À Mgr de Neuchèze, son neveu, évêque de Châlon. — Elle le félicite de son zèle pour la gloire de Dieu et le bien du peuple. — Malheur des temps.............................................................. 29

Lettre DCCLXXVII — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Autun. — La vertu d'une Religieuse n'est pas toujours une preuve de sa capacité pour les charges. — Sage lenteur à accepter de nouvelles fondations.             31

Lettre DCCLXXVIII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Maladie et rétablissement de l'archevêque de Bourges. — Annonce d'un voyage. — Affaires diverses........................................................ 32

[693]

Lettre DCCLXXIX. — À la même. — Les Religieuses ne doivent pas travailler pour leurs parents. — Estime pour la Sœur assistante.................................................................................................................... 34

Lettre DCCLXXX — À la même. — Départ de la Sainte pour Chambéry. — Bruits calomnieux au sujet de la fondation de Bourg en Bresse.................................................................................................................... 35

Lettre DCCLXXXI. — À M. Michel Favre, à Annecy. — Prière de venir au-devant d'elle jusqu'à Rumilly.     37

Lettre DCCLXXXII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Conduite à tenir envers l'archevêque de Lyon. — Visite canonique................................................................................................................... 37

Lettre DCCLXXXIII. — À la même. — Utilité des contradictions. — Condescendre au changement du Père spirituel. — Bulle d'établissement du monastère de Lyon.................................................................. 39

Lettre DCCLXXXIV. — À la même. — Il ne faut pas renvoyer une novice pulmonique. — La Sainte ne choisit pour Supérieures ni les plus habiles Religieuses ni les plus parfaites, mais celles qui ont les vrais talents du bon gouvernement. — Le grand devoir des Supérieurs est de faire observer la Règle............................................................... 41

Lettre DCCLXXXV. — a la Mère M. -A. Fichet, à Rumilly. — Avec quelle douceur une Supérieure doit exercer sa charge ; responsabilité qui pèse sur elle. — Humilité de la Sainte.................................... 43

Lettre DCCLXXXVI. — À la Mère M. -À. de Blonay, à Lyon. — Se réjouir dans les persécutions. — Prière de justifier la conduite de la Mère Favre. — La Mère de Blonay doit préparer son départ de Lyon.         44

Lettre DCCLXXXVII. — À la Sœur A. -M. de Lage de Puylaurens, à Bourges. — Une Religieuse ne doit pas s'inquiéter des choses dont elle n'est pas chargée. — Conseils de direction............................ 46

Lettre DCCLXXXVIII. — À la Mère M. -À. de Blonay, à Lyon. — Moyens de conserver l'union entre les monastères. — Conseils au sujet d'une fondation que projetait la communauté de Saint-Étienne.               48

Lettre DLCLXXXIX. — À la même. — Les contradictions sont de grandes grâces. — Impression de deux Brefs concernant l'Institut. — Seconde édition des Épîtres de saint François de Sales............... 49

Lettre DCCXC (Inédite). — À la Mère M. -C. de Bressand, à Moulin.. — La fondation de Charlieu doit être acceptée. — Éprouver sérieusement la vocation d'une Religieuse sortie d'un autre Ordre. — La Supérieure ne peut permettre des entrées inutiles dans son monastère.................................................................................................. 50

Lettre DCCXCI. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — La fondation du second monastère de Lyon est résolue. 52

Lettre DCCXCII (Inédite). — À la Sœur J. -F. Le Tellier, à Orléans. — Sollicitude pour la Mère Joly de la Roche ; désir d'avoir de ses nouvelles........................................................................................................ 53

Lettre DCCXCIII (Inédite). — À la Mère M. -H de Chastellux, a Autun. — Le manque de sujets capables et la trop grande pauvreté doivent faire retarder une fondation. — Difficultés de celle de Cluny. 54

Lettre DCCXCIV. — À une dame, à Lyon. — Elle lui demande sa coopération pour l'établissement du second monastère de Lyon............................................................................................................................ 55

Lettre DCCXCV. — À la Mère M. -À. Fichet, à Rumilly. — Les fautes des [694] âmes faibles doivent servir d'instruction aux plus parfaites. — C'est une tentation que de penser n'être pas en grâce avec Dieu.            56

Lettre DCCXCVI. — À M. le baron de Chantal, son fils. — De quelle prudence user envers Mgr de Bourges. — Il faut toujours se tenir prêt à paraître devant Dieu......................................................................... 57

Lettre DCCXCVII. — À madame la baronne de Chantal, sa belle-fille, à Paris. — Inquiétudes maternelles au sujet des périls que court le baron de Chantal — Espoir d'une prochaine entrevue......................... 59

Lettre DCCXCVIII. — À la Mère M. -F. Humbert, à Évian. — Le prince de Savoie approuve le transfert de la communauté d'Évian à Thonon. — Confiance en Dieu. — Choix d'un confesseur................ 61

Lettre MCCXCIX. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Ne pas s'inquiéter de l'opinion,. des hommes. — On peut juger des tentations par les effets qu'elles produisent.................................................. 62

Lettre DCCC — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — Dépositions de sainte de Chantal pour le procès de béatification de son Bienheureux Père. — La Mère de Bréchard doit préparer les siennes....... 63

Lettre DCCCI. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Conseils pour la réception des prétendantes. — Admirables sentiments d'humilité................................................................................................ 64

Lettre DCCCII. — À la Mère P. -J. de Monthoux, à Blois.Regrets de la mort de madame de Limours.         65

Lettre DCCCIII. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — Elle doit préparer sa déposition sur les vertus du Bienheureux Fondateur................................................................................................................... 66

Lettre DCCCIV. — À M. de Coulanges, à Paris. — Profession d'une nièce de M. de Coulanges. — Zèle et travaux de Mgr de Bourges. — Prochain départ pour Orléans........................................................... 67

Lettre DCCCV (Inédite). — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Paris. — La Sainte se réjouit de l'élection de la Mère Lhuillier. — Les dépositions mettent au jour les admirables vertus du Bienheureux Fondateur. — Supporter les esprits difficiles.                68

Lettre DCCCVI. — À la Mère M -A. de Blonay, à Lyon. —Dispositions à prendre pour l'établissement du second monastère de Lyon............................................................................................................................ 69

Lettre DCCCVII (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Bourg en Bresse. — La recherche de ses propres intérêts détruit l'esprit de charité. — Du Père spirituel. — Détails divers................................................ 70

Lettre DCCCVIII. — À madame la baronne de Chantal, sa belle-fille, à Paris. — Héroïque résignation de la Sainte à la mort de son fils......................................................................................................................... 72

Lettre DCCCIX. — À M. de Coulanges, à Paris. — Même sujet........ 74

Lettre DCCCX. — À la Mère M. -A. Fichet, à Rumilly. — Désir de l'envoyer comme Supérieure à la fondation de Crémieux.     75

Lettre DCCCXI. — À Mgr Sébastien Zamet, évêque de Langres. — Amour de la volonté divine ; désir de correspondre à l'attrait du parfait dénûment..................................................................................... 76

Lettre DCCCXII. — À une Supérieure de la Visitation. — La Sainte se console de la mort de son fils dans l'espoir qu'il jouit du bonheur éternel.......................................................................................................... 77

[695]

Lettre DCCCXIII. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — Même sujet.            78

Lettre DCCCXIV. — À une Supérieure de la Visitation. — Même sujet.  79

Lettre DCCCXV. — À la M ère J. -H. de Gérard, à Embrun. — La Supérieure ne peut pas s'assujettir à tout ordonner aux obéissances ; elle doit avoir une grande liberté d'esprit. — Encouragement à achever son triennat.               79

Lettre DCCCXVI. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Nouvelles de la communauté de Saint-Étienne. — On prépare une édition des Entretiens du Bienheureux François de Sales. — Maintenir les droits du Père spirituel.               82

Lettre DCCCXVII. — À la même. — Préparer sagement sa déposition. — Une même Supérieure ne doit pas gouverner deux monastères en même temps. — Corrections à faire au Coutumier que l'on va imprimer. — Hâter la fondation du second monastère.      83

Lettre DCCCXVIII. — À la Sœur F. -A. de la Croix de Fésigny, à Riom. — Encouragements à servir Dieu avec joie et confiance....................................................................................................................................... 86

Lettre DCCCXIX. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Conseils au sujet d'une jeune Religieuse qui avait besoin d'apprendre à s'humilier et à obéir........................................................................... 87

Lettre DCCCXX. — À la Mère M. -F. Humbert, à Thonon. — Assurance de tendre et maternelle affection. — Demande de prières.......................................................................................................................... 88

Lettre DCCCXXI (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Bourg en Bresse. — Bon état des maisons d'Orléans et de Blois.        88

Lettre DCCCXXII. — À la Mère M. -C. de Bressand, à Moulins. — Les Sœurs associées ne sont pas obligées à la récitation de l'Office. — L'assistante peut encore exercer un autre emploi. — De la coadjutrice. — Humilité de la Sainte.  89

Lettre DCCCXXIII (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Ne pas dépasser le nombre des Religieuses limité par la Règle........................................................................................................................ 91

Lettre DCCCXXIV. — À la Mère J. -M. Chahu, à Dol. — Éloge de l'évêque de Dol ; user de ses libéralités avec discrétion. — Faire lire les Écrits de saint François de Sales. — On imprime le Coutumier et la Règle.     92

Lettre DCCCXXV. — À dom Juste Guérin Barnabite, à Lyon. — Pressante invitation à se rendre promptement à Orléans. — Ne rien épargner pour avancer les affaires de la béatification de saint François de Sales.         95

Lettre DCCCXXVI. — À la Sœur F. -A. de la Croix de Fésigny, à Riom. — Les âmes humbles et confiantes sont les plus agréables à Dieu. — Conseils pour la direction des novices............................. 96

Lettre DCCCXXVII. — À saint Vincent de Paul. — Elle lui découvre humblement et confidemment ses peines et ses combats intérieurs..................................................................................................................... 98

[696]

année 1628.

Lettre DCCCXXVIII. — À la Mère M. -M. Michel, à Dijon. — Séjour de Mgr de Bourges à Dijon. — Avis sur divers sujets.    99

Lettre DCCCXXIX. — À la Mère P. -J. de Monthoux, à Blois. — Gratitude et confiance dues aux Pères Jésuites. — Il ne faut pas donner le petit habit à des enfants trop jeunes........................................... 100

Lettre DCCCXXX. — À la Mère J.. M. Chahu, à Dol. — Impossibilité d'aller visiter sa communauté.               102

Lettre DCCCXXXI. — À. la Mère M--A. de Blonay, à Lyon. — La sainte se réjouit des faveurs spirituelles dont Dieu comble cette Mère. — Sa peine quand elle est obligée de contrister quelqu'un......... 103

Lettre DCCCXXXII. — À la Mère M. -C. de Bressand, à Moulins. — Projet de fondation à Rouen. — Support à l'égard de la Sœur de Morville..................................................................................................... 105

Lettre DCCCXXXIII. — À la Mère J. -M. Chahu, à Dol. — Elle lui recommande le respect et la confiance envers son évêque..................................................................................................................................... 106

Lettre DCCCXXXIV (Inédite). — À la Mère M. -M. de Mouxy, à Rumilly. — Souhaits d'un saint avancement dans la parfaite observance............................................................................................................... 107

Lettre DCCCXXXV. — À la Mère M. -J. Favre, à Bourg en Bresse. — Invitation à se rendre promptement au deuxième monastère de Paris, où elle doit remplacer la Mère de Beaumont.................... 108

Lettre DCCCXXXVI. — À la Mère M. -A, de Blonay, à Lyon. — Fausse édition des Entretiens. — Prévisions pour le voyage de la Mère Favre...................................................................................................... 110

Lettre DCCCXXXVII (Inédite). — À la Mère C. -A. Joly de la Roche, à Orléans. — Réunir les Sermons de saint François de Sales. — Projet d'une fondation à Rennes.......................................................... 111

Lettre DCCCXXXVIII. — À la Mère M. -À. de Blonay, à Lyon. — Désir de l'employer ailleurs pour le bien de l'Institut. — Préventions de Mgr de Miron............................................................................... 112

Lettre DCCCXXXIX. — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Autun. — Hésitation de la Sainte pour fonder à Cluny. — Promesse de passer à Autun................................................................................................... 114

Lettre DCCCXL (Inédite). À la Mère M. -M. Michel, à Dijon. — Passage de la Mère Favre à Dijon. — Dans quel esprit de désintéressement doit agir une Supérieure......................................................... 116

Lettre DCCCXLI. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Affaire des Entretiens falsifiés. — Chaque Religieuse dépend de l'évêque sous lequel elle a fait profession........................................................... 118

Lettre DCCCXLII. — À la même. — Projet de fondation au Puy. — Désir d'envoyer la Mère de Blonay à Orléans.      120

Lettre DCCCXLIII (Inédite). — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. [697] — Prière d'envoyer la relation d'un miracle opéré par l'intercession de saint François de Sales et d'écrire l'histoire de la fondation d'Annecy. — Générosité à exercer son emploi.     121

Lettre DCCCXLIV (Inédite). — À la Sœur F. -G. de la Grave, à Belley. — Encouragement a supporter les esprits difficiles..................................................................................................................................... 122

Lettre DCCCXLV. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — De l'élection de Lyon. — Divers détails.          123

Lettre DCCCXLVI (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Bourg en Bresse. — Prière de hâter son voyage et de peu séjourner à Dijon.......................................................................................................................... 125

Lettre DCCCXLVII. — À Mgr J. -F. de Sales, évêque de Genève. — Affaires de la béatification de saint François de Sales. — Poursuites faites pour saisir l'édition falsifiée des Entretiens.......................... 126

Lettre DCCCXLVIII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Empêcher la vente des faux Entretiens.       128

Lettre DCCCXLIX. — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Autun. — Difficultés des Sœurs de Paray. — Il faut tout recevoir de la main de Dieu............................................................................................................. 128

Lettre DCCCL. — À la Mère C. -A. Joly de la Roche, à Orléans. — Condoléances sur la mort de son père.    130

Lettre DCCCLI —À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. —Recommandations au sujet des Entretiens. — La Sainte doit quitter Paris prochainement................................................................................................ 131

Lettre DCCCLII. — À madame la comtesse de Toulonjon, sa fille, à Alonne. — Promesse de la voir en passant en Bourgogne. — Affaires de famille.............................................................................................. 133

Lettre DCCCLIII. — À la Mère F. -M. de Châtel, à Annecy. — Les Supérieures déposées ne doivent pas toujours demeurer au monastère qu'elles ont gouverné. — Profonde humilité de la Sainte. — Défense de parler de la prochaine élection.    135

Lettre DCCCLIV. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — S'opposer au débit des faux Entretiens.            137

Lettre DCCCLV (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — On applaudit à la sagesse de son gouvernement. — Espérances que donnent les Sœurs du deuxième monastère de Paris. — Prière de revoir le Coutumier et les Réponses.            138

Lettre DCCCLVI. — À Mgr Sébastien Zamet, évêque de Langres. — Instances pour obtenir la visite canonique au monastère de Dijon. — Éloge de la Mère Favre..................................................................... 140

Lettre DCCCLVII — À M. Michel Favre, à Annecy. — La Sainte l'exhorte à vivre en paix dans sa vocation. 141

Lettre DCCCLVIII. — À la Mère A. -M. de Lage de Puylaurens, à Bourges. — Conseils et encouragements. — Détails au sujet de plusieurs prétendantes...................................................................................... 142

Lettre DCCCLIX — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Sévères reproches sur la conduite des Sœurs de Lyon, qui s'étaient proposé de réélire cette Mère pour un troisième triennat.................. 144

[698]

Lettre DCCCLX (Inédite). — À la même. — Mgr de Genève ne permettra pas qu'elle accepte la supériorité à Valence..................................................................................................................................... 145

Lettre DCCCLXI, — À la Mère F. -J. de Musy, à Nevers. — Alarmes de la Sainte en sachant la communauté de Nevers menacée de la peste. — Abandon au bon plaisir de Dieu................................ 145

Lettre DCCCLXII. — À la Mère C. -C. de Crémaux de la Grange, à Lyon. — Tribulations des Sœurs de Paray ; prière de les secourir. — Mort du jeune abbé de Sales........................................................... 147

Lettre DCCCLXIII (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Recommandation en faveur de madame de Châtillon..................................................................................................................................... 148

Lettre DCCCLXIV (Inédite). — À la Mère C. -C. de Crémaux de la Grange, à Lyon. — Il ne faut pas désirer garder toujours à Lyon la Mère de Blonay......................................................................................... 149

Lettre DCCCLXV (Inédite). — À la Mère C. -A. Joly de la Roche, à Orléans. — Miracles opérés par l'intercession de saint François de Sales. — Regrets sur la perte du Supérieur d'Orléans et le changement d'évêque. — Estime pour madame de Châtillon..................................................................................................................................... 150

Lettre DCCCLXVI (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Saint Vincent de Paul se réjouit de voir le deuxième monastère de Paris gouverné par la Mère Favre................................................ 152

Lettre DCCCLXVII. — Au Révérend Père Maillan, Jésuite, à Lyon. — Le gouvernement d'une Supérieure ne peut jamais se prolonger au delà de six ans dans un même monastère ; les Sœurs de Lyon sont répréhensibles d'avoir pensé réélire la Mère de Blonay après ce terme.......................................................................................................... 152

Lettre DCCCLXVIII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Même sujet.       155

Lettre DCCCLXIX. — À la Mère C. -C. de Crémaux de la Grange, à Lyon. — Prévoyance de la Sainte pour les Sœurs de Paray. Itinéraire de son voyage. — L'archevêque de Lyon est prévenu contre elle. 158

Lettre DCCCLXX. — À Mgr J -F. de Sales, évêque de Genève. — Affaires de la béatification de saint François de Sales et de la publication de ses Entretiens................................................................................ 159

Lettre DCCCLXXI. — À la Mère C. -C de Crémaux de la Grange, à Lyon. — Impression des vrais Entretiens, des Règles et du Coutumier................................................................................................................ 161

Lettre DCCCLXXII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — La communauté de Lyon n'a pas droit de la retenir indéfiniment..................................................................................................................................... 162

Lettre DCCCLXXIII. — À la même. — Elle la charge de surveiller l'impression des Entretiens.         163

Lettre DCCCLXXIV. — À la même. — Projet de passer à Alonne et à Dijon. — Nouvelles des Sœurs de Paray-le-Monial. — Conseils touchant l'impression des vrais Entretiens......................................... 165

Lettre DCCCLXXV. — À la même. — Prochaine arrivée de la Sainte à Dijon. — Traiter à l'amiable le différend avec l'imprimeur Derobert.................................................................................................................... 167

Lettre DCCCLXXVI. — À la Mère C. -C. de Crémaux de la Grange, à [699] Lyon. — Situation périlleuse de la communauté de Paray. Nécessité de la transférer ailleurs............................................................. 168

Lettre DCCCLXXVII. — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Autun. — Inquiétudes de la Sainte en sachant la peste à Autun. — Offres de secours.................................................................................................... 170

Lettre DCCCLXXVIII. — À la même. — Impossibilité d'aller à Autun. — Quels moyens prendre pour se ménager une entrevue..................................................................................................................................... 172

Lettre DCCCLXXIX (Inédite). — À la Mère M. -C. de Bressand, à Moulins. — Ne pas s'inquiéter d'un reproche mal fondé. — Comment traiter avec la Sœur de Morville. — La liberté de conscience ne doit pas dégénérer en abus.          172

Lettre DCCCLXXX. — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Autun. — Satisfaction que donne à la Sainte le courage des Sœurs d'Autun. La Supérieure ne doit pas sans une véritable nécessité s'exposer au danger de soigner les pestiférées. — Périls que courent les monastères de Paris, de Blois et de Nevers................................................... 174

Lettre DCCCLXXXI (Inédite). — À la Mère C. -C. de Crémaux de la Grange, à Lyon. — Observations au sujet des Entretiens. — Bruits de peste à Lyon...................................................................................... 177

Lettre DCCCLXXXII. — À la Mère H. -A. Lhuillier, à Paris. — Ne pas multiplier inutilement le nombre des séculiers dans le monastère — La Supérieure doit voir en particulier ses Religieuses tous les mois.              177

Lettre DCCCLXXXIII (Inédite). — À la Mère C. -C. de Crémaux de la Grange. — Désir de savoir ce qui a été résolu au sujet des Sœurs de Paray. — Retard de Mgr de Bourges.................................................. 178

Lettre DCCCLXXXIV. — À la même. — Affliction de la Sainte en apprenant que la peste sévit à Lyon. — Précautions à prendre...................................................................................................................... 179

Lettre DCCCLXXXV (Inédite). — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Autun. — Regrets de n'avoir pu visiter sa communauté..................................................................................................................................... 180

Lettre DCCCLXXXVI (Inédite). — À la Mère M. -J Favre, à Paris. — Elle la félicite de son bon gouvernement. — Demande d'un portrait de saint François de Sales. — Détails sur la communauté de Dijon. 180

Lettre DCCCLXXXVII. — À la Sœur A. -M. Clément, à Orléans. — Conseils de direction. 182

Lettre DCCCLXXXVIII (Inédite). — À la Mère C. -A. Joly de la Roche, à Orléans. — Avantages de l'humilité et de l'ouverture de cœur. — Avis pour la fondation de Rennes. — On accuse faussement une Supérieure d'obliger ses filles à lui révéler leurs péchés..................................................................................................................................... 183

Lettre DCCCLXXXIX (Inédite). — À la Mère M. -C. de Bressand, à Moulins. — Se rendre indépendante des créatures, et ne consulter les personnes du dehors que par nécessité...................................... 185

Lettre DCCCXC — À la Mère C. -C. de Crémaux de la Grange, à Lyon. — Maternelles sollicitudes pour les communautés de Lyon. — S'abandonner à la volonté de Dieu à la vie et à la mort. — Précautions à prendre contre la peste.   186

[700]

Lettre DCCCXCI. — À la même. — Elle l'engage à se confier en lu Providence et à vivre saintement joyeuse.              189

Lettre DCCCXCII. — À la même. — Admirable soumission de la Sainte à la volonté divine ; sa charité envers les Sœurs de Lyon.......................................................................................................................... 190

Lettre DCCCXCIII. — À la Mère A. -M. de Lage de Puylaurens, à Bourges. — Dieu prend soin des âmes qui attendent tout de sa Providence........................................................................................................... 191

Lettre DCCCXCIV. — À la Mère P. -. J. de Monthoux, à Blois. — Sollicitudes pour les Sœurs de Blois. — Nouvelles de quelques monastères.............................................................................................. 192

Lettre DCCCXCV. — Aux Mères Supérieures des deux monastères de Lyon. — Douleur de savoir le deuxième monastère de Lyon affligé de la peste.......................................................................................... 192

Lettre DCCCXCVI. — À la Mère J. -M. Chahu, à Dol, en Bretagne. — Nouvelles des Sœurs de Lyon. — Reconnaissance due à Mgr de Dol. — Les esprits légers ne sont pas propres à la vie religieuse. — Des voix au Chapitre. 194

Lettre DCCCXCVII. — À la Mère M. -A. Pichet, à Crémieux. — Elle la prie de fournir des provisions aux Sœurs de Lyon, et lui recommande la charité et la fidélité à l'observance............................................. 196

Lettre DCCCXCVIII (Inédite). — À la Mère F. -G. de la Grave, à Belley. — Envoi de provisions au monastère de Lyon. — Conseils au sujet d'une Religieuse qui sortait d'un autre Ordre. — Diverses affaires.          197

Lettre DCCCXCIX. — À la Mère M. -M. de Mouxy, à Rumilly. — Regret de n'avoir pu visiter sa communauté ; promesse de le faire au plus tôt........................................................................................................ 198

Lettre CM. — À la Mère C. -C. de Crémaux de la Grange, à Lyon. — Mort d'une Sœur de Chambéry. — Résignation à la volonté divine. — Préparer le départ de la Mère de Blonay. — Affaire des Entretiens. 199

Lettre CMI. — Aux Mères Supérieures des deux monastères de Lyon. — Nécessité de quitter le premier monastère de Lyon s'il est envahi par la peste. — Prendre l'avis des Révérends Pères Jésuites........ 201

Lettre CMII (Inédite). — À la Mère C. -A. Joly de la Roche, à Rennes. — La Sainte se réjouit de la fondation de Rennes. — Les bienfaitrices séculières doivent entrer seules au monastère. — La peste, la guerre et la famine menacent la Savoie.    203

année 1629.

Lettre CMIII. — À la Mère M. -A. Fichet, à Crémieux. — Sollicitudes pour la santé de cette Supérieure. — Impression des vrais Entretiens................................................................................................................. 205

Lettre CMIV. — À la Mère C. -C. de Crémaux de la Grange, à Lyon. — Recommandation en faveur d'une prétendante. — Traiter pour l'impression des Entretiens.......................................................................... 206

[701]

Lettre CMV. — À Mgr de Neuchèze, son neveu, évêque de Chalon. — Éloge de Mgr de Bourges ; exhortation à imiter ses vertus........................................................................................................................ 207

Lettre CMVI. — À la Mère P. -J. de Monthoux, à Blois. — Dieu console les âmes à proportion des épreuves qu'elles ont supportées pour son amour. — Former les novices à l'oraison et à la mortification. — Misère et désolation de la ville de Lyon..................................................................................................................................... 208

Lettre CMVII. — À madame de Vaudan, à Aoste. — Projet d'une fondation dans cette ville.            210

Lettre CMVIII. — À M. Michel Favre, à Annecy. — Décès de madame de Cornillon ; réception de sa fille au monastère d'Annecy.................................................................................................................. 211

Lettre CMIX (Inédite). — À la Mère C. -A. Joly de la Roche, à Rennes. — Du bon choix des novices. — L'humilité est le grand remède à nos chutes. — Nouvelles de la famille Joly de la Roche.................. 211

Lettre CMX. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — Estime et affection de la Sainte pour les communautés de Grenoble et de Chambéry. — Elle prépare l'Histoire des Fondations.................................. 213

Lettre CMXI (Inédite). — À la Mère M. -À. de Blonay, à Lyon. — Prochain retour à Annecy.         214

Lettre CMXII (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Remercîments pour l'envoi d'une mitre et d'une chasuble. — Maternelle confiance.............................................................................................. 215

Lettre CMXIII. — À madame la duchesse de Nemours, à Paris. — Espérance de l'arrivée de cette princesse. — Témoignage de profond respect et assurance de prières.............................................................. 216

Lettre CMXIV. — À la Mère C. -C. de Crémaux de la Grange, à Lyon ! La communauté de Lyon n'a pas le droit de retenir la Mère de Blonay. — Conclure au plus tôt l'affaire des Entretiens. — Nécessité de transférer ailleurs les Sœurs de Paray-le-Monial..................................................................................................................................... 217

Lettre CMXV. — À la Mère M. -À. de Blonay, à Lyon. — Le premier monastère de Lyon doit secourir les Sœurs de Paray et ne plus s'opposer au départ de la Mère de Blonay................................................. 221

Lettre CMXVI. - À la Mère C. -C. de Crémaux de la Grange, à Lyon. — Mêmes sujets.        223

Lettre CMXVII (Inédite). — À la Mère M. -É. Sauzion, à Paray-le-Monial. — Les Supérieurs de Lyon n'agréent pas le transfert de la communauté de Paray. Regrets et résignation à ce sujet......................... 225

Lettre CMXVIII. — À la Mère M. -À. de Blonay, à Lyon. — Elle la rassure affectueusement contre toute pensée de défiance..................................................................................................................................... 226

Lettre CMXIX. — À la Mère C. -C. de Crémaux de la Grange, à Lyon. — Bonté et humilité de la Sainte au milieu des difficultés qu'on apporte au départ de la Mère de Blonay................................................... 228

Lettre CMXX. — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Autun. — Rentrée des Sœurs de Paray dans leur monastère. — Combien on doit estimer la tribulation.................................................................................. 229

Lettre CMXXI. — À la Mère M. -À. de Blonay, à Lyon. — Elle la [702] charge de distribuer aux monastères le Coutumier, les Règles et le Formulaire.......................................................................................... 230

Lettre CMXXII. — À la Mère C. -C. de Crémaux de la Grange, à Lyon. — Sentiments héroïques de soumission à la volonté de Dieu, en sachant le premier monastère de Lyon désolé par la peste............... 231

Lettre CMXXIII (Inédite). — À la Mère M. -M Michel, à Dijon. — Bon état de sa communauté et de celle de Pont-à-Mousson..................................................................................................................................... 233

Lettre CMXXIV. — À la Mère A. -M. Rosset, à Crémieux. — Conseils pour le gouvernement du monastère. — Il ne faut pas donner le petit habit à des enfants trop jeunes.................................................. 233

Lettre CMXXV (Inédite). — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Grenoble. — On ne doit pas, malgré la contagion, quitter la clôture sans un danger imminent.......................................................................... 235

Lettre CMXXVI. — Aux Sœurs de la Visitation de Montferrand. — Elle leur conseille d'élire pour Supérieure la Sœur A. -T. de Préchonnet............................................................................................................... 237

Lettre CMXXVII. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — Bon état de la maison de Riom. — Saint François de Sales n'approuvait pas les changements de monastère. — Comment faire la correction.               238

Lettre CMXXVIII. — À la Mère M -A. de Blonay, à Lyon. — Les Sœurs de Lyon manquent à l'équité et à la Règle en refusant de laisser partir la Mère de Blonay, élue à Grenoble.......................................... 240

Lettre CMXXIX. — À Mgr A. de Revol, évêque de Bol. — Remercîment pour la protection qu'il accorde à la Visitation de Dol..................................................................................................................................... 244

Lettre CMXXX. — À la Mère C. -C. de Crémaux de la Grange, à Lyon. — Nécessité d'envoyer une nouvelle Supérieure à Paray. — Les communautés auxquelles on a souvent recours pour les fondations peuvent recevoir jusqu'à quarante-cinq Religieuses, mais ne pas dépasser ce nombre......................................................................................... 245

Lettre CMXXXI. — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Autun. — Changement de la Supérieure de Paray. — Peste à Annecy..................................................................................................................................... 247

Lettre CMXXXII. — À la même. — Soumission de la Sainte à la divine Providence ; sa détermination de ne point quitter Annecy tant que durera l'épidémie. — Nouvelles des Sœurs de Paray. — Dévouement de Mgr de Genève.  248

Lettre CMXXXIII. — Aux Mères C. -C. de Crémaux de la Grange et M. -A. de Blonay, à Lyon. — En quoi consiste la perfection. — Éloge du nouvel archevêque de Lyon............................................................ 250

Lettre CMXXXIV (Inédite). — À la Sœur M. -J. Bertrand de la Perrouse, à Chambéry. — Conseils pour l'oraison.      251

Lettre CMXXXV. — À la Mère M. -M. Michel, à Dijon. — La fondation de Besançon doit être différée. — Procurer une bonne Supérieure à la communauté de Dijon. — Élection de la Mère de Châtel à Chambéry. — Divers détails.         253

Lettre CMXXXVI — À la Mère A. -M. Rosset, à Crémieux. — Solution de quelques difficultés.      255

Lettre CMXXXVII (Inédite). — À la Mère M. -À. de Blonay, à Lyon. [703] — Nécessité de réimprimer le Coutumier et les Épîtres de saint François de Sales........................................................................ 257

Lettre CMXXXVIII (Inédite). — À la Mère M. -C. de Bressand, à Moulins. — User de condescendance envers une âme éprouvée. — Projets de fondations à Mâcon et à Nantes. — Conseils pour les Sœurs qui doivent y être envoyées.  258

Lettre CMXXXIX (Inédite). — À madame de Coulanges, à Paris. — Assurance d'une sainte et invariable amitié.       261

Lettre CMXL. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Instances faites par Mgr de Genève pour le retour de la Mère de Blonay....................................................................................................................... 262

Lettre CMXLI. — À la Mère C. -C. de Crémaux de la Grange, à Lyon. — La peste redouble en Savoie. — Injustice des oppositions qu'on apporte au retour de la Mère de Blonay............................. 263

Lettre CMXLII. — À la Mère P. -J. de Monthoux, à Blois. — Douleur d'apprendre qu'une communauté manque de douceur et d'humilité. — Les monastères doivent se conformer à celui d'Annecy. — Sans blâmer la conduite de la Mère de Monthoux, la Sainte condamne la sortie de la clôture pour aller aux bains........................................ 264

Lettre CMXLIII (Inédite). — À M. le chanoine Riollé, à Blois. — Les Religieuses de la Visitation doivent observer rigoureusement les lois de la clôture.................................................................... 266

Lettre CMXLIV (Inédite). — À la Mère C. -A. Joly de la Roche, à Rennes. — La conservation de l'Institut dépend de l'union des monastères avec celui d'Annecy................................................................... 267

Lettre CMXLV. — À Mgr de Neuchèze, son neveu, évêque de Chalon. — Condoléances sur la mort de son frère, le baron des Francs........................................................................................................................ 268

Lettre CMXLVI. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. —Nouvelles d'Annecy. — Mort de M. de Boisy. — Éloge de l'évêque de Genève................................................................................................................. 269

Lettre CMXLVII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Trois points nécessaires à la conservation de l'Ordre de la Visitation. — Il ne doit jamais se ranger sous la conduite d'une Supérieure générale.         270

Lettre CMXLVIII. — À la Mère A. -M. Rosset, à Crémieux. — La peste commence à se calmer. — Nouvelles de Mgr de Genève..................................................................................................................................... 272

Lettre CMXLIX (Inédite). — À la Mère F. -G. de la Grave, à Belley. — Le monastère d'Annecy n'a pas eu à souffrir de la peste. — Comment agir à l'égard de quelques postulantes.......................................... 273

Lettre CML (Inédite). —À la Mère À. -C. de Beaumont, à Grenoble. — Conseils pour la distribution des emplois. — Une Supérieure a besoin de force de corps et d'esprit pour exercer sa charge. — Comment les monastères doivent être unis à celui d'Annecy.................................................................................................................. 274

Lettre CMLI. — À la Sœur A. -C. de Sautereau, à Grenoble. — Il faut éviter les retours sur soi-même et se livrer sans réserve à l'obéissance.............................................................................................................. 277

Lettre CMLII. — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Autun. — Ne pas admettre facilement une tourière au rang des Sœurs domestiques. — Projet de fondation à Auxerre. — Divers détails.................. 277

[704]

Lettre CMLIII. — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Grenoble. — L'âme doit demeurer en paix au milieu des désolations intérieures et peu s'en occuper.............................................................................. 279

Lettre CMLIV (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Tendre affection pour la Sœur Turpin. — Envoi des Réponses, prière de les examiner.............................................................................................. 281

Lettre CMLV. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Mesures à prendre pour arrêter la vente des faux Entretiens. — Peine et résignation de la Sainte en voyant prolonger le séjour de la Mère de Blonay à Lyon.     283

Lettre CMLVI (Inédite). — À la même. — Correction et réimpression du Coutumier et des Heures d'Office. 287

Lettre CMLVII. — À la Mère C. -C. de Crémaux de la Grange, à Lyon. — Elle la remercie de ses libéralités. — Maternels reproches. — Misère générale à Annecy, — Décès de la Sœur CI. -S. Fardel. 288

Lettre CMLVIII. — À la Mère J. -F. Le Tellier, à Orléans. — Témoignage d'affectueux souvenir. — Affaires.                292

Lettre CMLIX. —À la Mère A. -M. de Lage de Puylaurens, à Bourges. — La Mère de Monthoux n'est allée aux bains que sur l'ordre de ses Supérieurs ; il ne faut pas croire les médecins quand ils conseillent de tels remèdes. 293

Lettre CMLX. — À la Sœur M. -É. Joly, à Paris. — Elle lui recommande l'abandon entre les mains de l'autorité et la fidélité à la Règle. — Ne désirer aucune charge. — Comment avertir la Supérieure de ses défauts.      295

Lettre CMLXI. — À la Mère A. -M. Bollain, à Paris. — Encouragements et félicitations au sujet de l'œuvre de la Magdelaine ; elle procurera la gloire de Dieu et le salut des âmes........................................... 296

Lettre CMLXII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Désir de la voir. — Projet d'écrire une lettre au sujet de l'union entre les monastères......................................................................................................... 298

Lettre CMLXIII. — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Autun. — La Sainte loue sa déférence envers la communauté de Paray. — Prétentions de la Sœur de Morville................................................................. 300

Lettre CMLXIV (Inédite). — À la Mère M. -M. Michel, à Dijon. — Acheminement de la fondation de Besançon et dispositions à prendre pour la communauté de Dijon. — La peste diminue à Annecy...... 301

Lettre CMLXV. — À la Mère M. -C. de Bressand, à Moulins. — Ne pas craindre la calomnie. — L'humiliation doit être appréciée comme un riche trésor. — Conduite à tenir envers la Sœur de Morville.               303

Lettre CMLXVI. — À la Mère C. -C. de Crémaux de la Grange, à Lyon. — Conseils pour la fondation de Condrieu. — Il ne faut pas s'engager à dire l'Office des Morts pour tous les parents des fondateurs. — Sentiment de saint François de Sales au sujet de l'éducation des jeunes filles à la Visitation.......................................................... 305

Lettre CMLXVII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Le vrai mépris de soi-même doit produire la confiance en Dieu. — Mort de Mgr de Bérulle. — Éloge de la Mère de Villette.................................. 307

[705]

Lettre CMLXVIII. — À la Mère C. -C. de Crémeux de la Grange, à Lyon. — Remercîments affectueux. — On ne peut recevoir une prétendante atteinte d'épilepsie..................................................................... 309

Lettre CMLXIX. — À la Sœur M. -J. Compain, à Montferrand. — La Sainte se réjouit de l'élection de la Mère de Préchonnet..................................................................................................................................... 311

Lettre CMLXX. — Circulaire adressée aux Supérieures de la Visitation. — Situation du monastère d'Annecy pendant la peste. Précautions prises pour le préserver de l'épidémie............................................ 312

À la Mère J. -C. de Bréchard.

À la Mère P. -J. de Monthoux.

Lettre CMLXXI. — À une Supérieure de la Visitation. — Justification de la Mère de Monthoux. — Combien les Filles de la Visitation doivent aimer la petitesse..................................................................... 322

Lettre CMLXXII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Bonheur de l'âme qui s'oublie pour Dieu. — Affaires diverses..................................................................................................................................... 323

Lettre CMLXXIII. — Circulaire adressée aux Supérieures de la Visitation. — La Sainte prescrit trois moyens pour conserver l'Institut en sa ferveur primitive : union avec Dieu par la fidélité à pratiquer la Règle telle que l'a donnée saint François de Sales ; union et conformité au monastère d'Annecy, par un confiant recours et une respectueuse déférence ; union mutuelle de tous les monastères, par une cordiale charité à s'entr'aider dans le besoin......................................... 325

Lettre CMLXXIV. — Circulaire adressée aux Supérieures de la Visitation. — Même sujet. 329

Lettre CMLXXV. — À la Mère A. -M. Rosset, à Crémieux. — Pauvreté des monastères. — Importance du bon choix des sujets. — Ne point permettre d'entrées inutiles ; fermeté de saint François de Sales et de son successeur Mgr Jean-François à ce sujet. — De quelle étoffe doivent être les voiles de nuit. —Conseils de direction............. 336

Lettre CMLXXVI — À la Mère M. -J. Favre, à Paris- — On doit obéir aux prescriptions du médecin. — Admission d'une parente de M. de la Rochefoucauld et de madame de Senecey. — Additions à faire à une nouvelle Vie de saint François de Sales..................................................................................................................................... 339

Lettre CMLXXVII. — À un Religieux. — Joie d'apprendre que la Vie de saint François de Sales sera, complétée.      341

Lettre CMLXXVIII. — À la Mère P. -J. Favrot, à Pont-à-Mousson. — Ne pas s'établir dans les grandes villes sans avoir des ressources assurées. — À quelles conditions on peut accepter la conduite des Repenties.              342

année 1630.

Lettre CMLXXIX. — À madame la duchesse de Nemours. — Hommage de respect et de reconnaissance.    343

[706]

Lettre CMLXXX. — À la Mère H. -A. Lhuillier, à Paris. — Restreindre le nombre des personnes qui accompagnent la princesse de Conti dans ses entrées au monastère............................................................. 344

Lettre CMLXXXI. — À la Mère M. -M. Michel, à Dijon. — Mesures à prendre avant de partir pour la fondation de Besançon. — Reconnaissance due à madame de Vigny. — Dissiper une prévention contre la Mère Favre.      345

Lettre CMLXXXII. — À la Mère J. -C de Bréchard, à Riom. — Sur les moyens d'union entre les monastères. — Envoi prochain des Réponses. — Il ne faut choisir une Supérieure dans une autre communauté que par absolue nécessité. 347

Lettre CMLXXXIII (Inédite). — À M. l'avocat Pioton, à Chambéry. — Affaires temporelles.            349

Lettre CMLXXXIV. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Il est décidé que la Sainte n'ira pas en Piémont. — Demande de livres. — Envoyer quelques secours aux Sœurs de Crémieux.......................... 351

Lettre CMLXXXV. — À la Mère A. -M. Clément, à Montargis. — Dans les consolations, l'âme doit regarder Dieu plutôt que savourer ses dons. — Soins à apporter au bon choix des sujets ; craindre surtout les esprits légers. — Il ne faut rien changer au chant de l'Office. — De l'entrée des dames séculières.................................................. 352

Lettre CMLXXXVI. — Au Père dom Galice, Barnabite, à Montargis. — Éloge de la Mère Anne-Marguerite Clément. 355

Lettre CMLXXXVII. — À la Mère J. -M Chahu, à Dol. — Condoléances sur la mort de Mgr de Revol, évêque de Dol. — Nécessité de transférer ailleurs la communauté de cette ville.......................... 356

Lettre CMLXXXVIII (Inédite). — À la Mère À. -M. Rosset, à Crémieux. — Ne pas accorder l'entrée du monastère aux Religieuses non cloîtrées....................................................................................... 358

Lettre CMLXXXIX. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — La Sainte ne quittera pas Annecy ; son amour pour la pauvreté..................................................................................................................................... 359

Lettre CMXC. — À M. l'avocat Pioton, à Chambéry. — Prière de s'intéresser à l'issue d'un procès. 360

Lettre CMXCI. — À madame la duchesse de Nemours, à Paris. — Regrets de n'avoir pas reçu ses lettres. — Témoignage de reconnaissance et de dévouement....................................................................... 361

Lettre CMXCII (Inédite). — À la Mère F. -G. de la Grave, à Belley. — Affaires matérielles.               362

Lettre CMXCIII. — À la Mère M. -M. Michel, à Dijon. — Désir de voir la Visitation s'établir en Franche-Comté. — Difficultés survenues avec madame de Vigny ; chercher un moyen de lui donner quelque satisfaction.            363

Lettre CMXCIV. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Condescendance de la Sainte envers les Supérieurs de la Visitation de Lyon..................................................................................................................... 366

Lettre CMXCV (Inédite). — À la Mère A. -M. Rosset, à Crémieux. — [707] Offre de secours. — Sollicitude pour les quatre monastères de l'Ordre établis en Savoie. — Éviter tout rapport inutile avec le Père spirituel.             367

Lettre CMXCVI. — À M. l'avocat Pioton, à Thonon. — Espoir que les maisons religieuses n'auront pas à souffrir de la guerre ; précautions à prendre............................................................................................. 368

Lettre CMXCVII. — À Mgr Sébastien Zamet, évêque de Langres. — Éloge de la Mère F. -J. de Villette. — La Sainte recommande la communauté de Dijon à la bienveillance du prélat, et le prie de faire la visite régulière.           369

Lettre CMXCVIII. — À la Mère À. -M. Rosset, à Crémieux. — Recevoir avec simplicité les soulagements nécessaires à la santé..................................................................................................................................... 371

Lettre CMXCIX (Inédite). — À la Mère H. -À. Lhuillier, à Paris. — Les Religieuses de la Visitation ne doivent pas aller aux bains.......................................................................................................................... 372

Lettre M. — À M. l'avocat Pioton, à Thonon. — Affaire concernant le monastère de Thonon.         373

Lettre MI. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — La froideur contre le prochain est un fruit de l'amour-propre. — Éloge de la Sœur M. -F. de...................................................................................................... 374

Lettre MII. — À la Mère F. -G. de la Grave, à Belley. — Les fondatrices séculières ont droit de porter l'habit religieux dans l'intérieur de la clôture. — On peut se servir de pantoufles à l'infirmerie........ 375

Lettre MIII. — À la Mère M. -P. Humbert, à Thonon. — Lettres patentes obtenues du prince Thomas de Savoie en faveur du monastère de Thonon............................................................................................. 376

Lettre MIV. — À la Mère A. -M. Rosset, à Crémieux. — Préférer la pratique de l'obéissance à celle de la mortification volontaire.................................................................................................................. 378

Lettre MV. — À madame Royale, Christine de France. — Témoignage de reconnaissance ; promesse de prières.        378

Lettre MVI. — À la Mère A. -T. de Préchonnet, à Montferrand. — Nouveaux empêchements à la fondation de Turin. — Misère du peuple en Savoie................................................................................................ 379

Lettre MVII (Inédile). — À la Mère M. -C. de Bressand, à Moulins. — Dispositions à prendre pour la communauté de Moulins : choix d'une Supérieure. — Fondation de Nantes............................. 380

Lettre MVIII. — À la Sœur A. -B. Chauvel, à Moulins. — Exhortation à s'abandonner à la volonté de Dieu dans les souffrances..................................................................................................................................... 384

Lettre MIX. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Espérance de son retour. — Il ne faut point ouvrir la porte de clôture après l'Angélus du soir........................................................................................... 385

Lettre MX. — À la Mère A. -M. Bollain, à Paris. — Encouragement à dresser des Constitutions aux Filles de la Magdelaine..................................................................................................................................... 387

Lettre MXI (Inédite). — À la Mère H. -A. Lhuillier. — Les Religieuses de la Visitation ne doivent pas aller aux bains..................................................................................................................................... 388

Lettre MXII. — À la Mère A. -M. Rosset, à Crémieux. — La peste reparaît en Savoie. — Comment il faut traiter avec les bienfaitrices.............................................................................................................. 388

[708]

Lettre MXIII. — À la Mère M. A. de Blonay, à Lyon. — Nouvelles démarches au sujet de son départ de Lyon.          390

Lettre MXIV. — À Mgr A. -L. du Plessis-Richelieu, à Lyon. — Sollicitations respectueuses pour obtenir le retour de la Mère de Blonay....................................................................................................................... 391

Lettre MXV. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Amour de la Sainte pour la pauvreté. — Désir que la fondation de Montpellier soit faite par le monastère d'Annecy.............................................. 393

Lettre MXVI. — À la Mère M. -C. de Bressand, à Moulins. — L'évêque de Grenoble refuse à cette Supérieure la permission d'aller à Nantes......................................................................................................... 394

Lettre MXVII. — À la Mère M. -M. Michel à Dijon. — Éloge de la Mère F. -J. de Villette. — Regrets sur le retard de la fondation de Besançon ; nécessité de l'effectuer au plus tôt........................... 395

Lettre MXVIII. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — Misère du peuple ; pertes temporelles du monastère d'Annecy. — La Sœur déposée doit donner l'exemple du respect envers la nouvelle Supérieure. — Modifications à faire dans la Vie de la Sœur Roget..................................................................................................................................... 398

Lettre MXIX. — À la Mère C. -A. Joly de la Roche, à Rennes. — Condoléances sur la perte de plusieurs membres de sa famille. — Sollicitude pour la santé de cette Mère.......................................................... 400

Lettre MXX. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Détails au sujet de l'impression des livres de l'Institut. — Il faut laisser la Supérieure malade aux soins de la Sœur infirmière. — Le danger d'une mort prochaine ne peut légitimer une sortie pour aller aux bains. — Maternels reproches.......................................................................................... 401

Lettre MXXI. — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — La familiarité avec les séculiers nuit à l'esprit religieux. — Éloge de plusieurs Supérieures. — Témoignage que rend saint Vincent de Paul du bon état des deux monastères de Paris.       406

Lettre MXXII (Inédite). — À la Mère H. -A. Lhuillier, à Paris. — Satisfaction qu'a reçue saint Vincent de Paul de la visite canonique au premier monastère de Paris........................................................... 410

Lettre MXXIII (Inédite). — À la Sœur A. -M. Le Tilier, à Paris. — Le cœur d'une Fille de la Visitation doit toujours être ouvert à sa Supérieure, et ne tendre qu'au pur amour de Dieu........................................ 410

Lettre MXXIV (Inédite). — À M. l'avocat Pioton, À Thonon. — Espérance de revoir bientôt la Mère M. -F. Humbert..................................................................................................................................... 411

Lettre MXXV. — À la Mère J. -M. Chahu à Dol. — Conseil pour le transfert de la communauté de Dol. — Les monastères nouvellement fondés peuvent recourir dans le besoin à ceux d'où ils sont sortis.                412

Lettre MXXVI. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Mort chrétienne de M. de Blonay. — Se consoler dans l'attente d'une éternelle réunion........................................................................................... 414

Lettre MXXVII. — À la Mère A. -M. Rosset, à Crémieux. — Dégâts causés à Annecy par [l'orage et la grêle. — Proposition d'une postulante tourière....................................................................................... 416

[709]

Lettre MXXVIII. — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Grenoble. — Les afflictions bien supportées attirent de grandes grâces. — Offre de secours................................................................................................. 417

Lettre MXXIX. — À la Sœur A. -C. de Sautereau, à Grenoble. — La Sainte la remercie de ses observations sur le livre des Réponses. — Ne jamais censurer les actions de la Supérieure. — Il faut élever les novices dans une sainte liberté d'esprit.      419

Lettre MXXX (Inédite). — À la Sœur M. -F. Baudet, à Grenoble. — Pour arriver à la perfection, il faut un grand courage et un parfait abandon à la volonté de Dieu................................................................... 421

Lettre MXXXI. — À la Mère A. -M. Clément, à Montargis. — Les consolations spirituelles ne doivent point faire négliger les devoirs qu'impose la Règle. — Se tenir devant Dieu comme un vaisseau vide prêt à recevoir tout ce qu'il Lui plaira y déposer..................................................................................................................................... 422

Lettre MXXXII. — Au Père dom Galice, Barnabite à Montargis. — Elle se réjouit des faveurs divines que reçoit la Mère Clément, et désire être instruite de l'état intérieur de cette grande âme.......... 423

Lettre MXXXIII. — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Autun. — Utilité qu'apporte la construction régulière du monastère. — Recommandations pour diverses personnes...................................................... 423

Lettre MXXXIV (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — À la récréation, les novices ne doivent pas être séparées des professes. — Avis touchant les fondations. — Maintenir le chant de l'Office et se garder des nouveautés. — La peste gagne Chambéry.................................................................................................................. 424

Lettre MXXXV. — À la Mère A. -M. Bollain, à Paris. — Encouragements à poursuivre son œuvre. — Éloge de M. Guichard..................................................................................................................................... 429

Lettre MXXXVI. — À saint Vincent de Paul, à Paris. — Elle le remercie d'avoir fait la visite canonique au deuxième monastère de Paris...................................................................................................................... 430

Lettre MXXXVII. — À la Mère A. -M. Rosset, à Crémieux. — Une Supérieure ne doit pas négliger les intérêts temporels de sa communauté. — Détails de construction............................................................ 430

Lettre MXXXVIII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Impossibilité de recevoir sa nièce au monastère d'Annecy : désir de la voir entrer à celui de Bellecour. — Difficultés des Sœurs d'Avignon. — Éloge de Sœur A. -F. de Clermont-Mont-Saint-Jean..................................................................................................................................... 433

Lettre MXXXIX. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — Il ne faut pas multiplier les nouvelles fondations. — Pauvreté générale des monastères. — Ne pas réclamer trop souvent des confesseurs extraordinaires. — Importance de l'éducation des novices. — Affaires diverses................................................................................................ 435

Lettre MXL. — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Fondation de Rouen. — Il est difficile de bien gouverner une communauté trop nombreuse. — Miracle opéré par l'intercession de saint François de Sales. — Lettre à la duchesse de Nemours.                440

Lettre MXLI. — À madame la duchesse de Nemours. — Espérance de recevoir bientôt la visite de Son Altesse.        444

Lettre MXLII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Maintenir — [710] fondation de Paray et construire le monastère. — Humble sentiment de la Sainte au sujet de ses Réponses. — Comment recevoir les prédicateurs. — La dépensière doit distribuer largement ce qui est de son emploi. — Avis aux Supérieures.......................... 445

Lettre MXLIII (Inédite). — À la Sœur F. -M. Favrot, à Lyon. — Prière de passer à Bourg en revenant à Annecy.        448

Lettre MXLIV. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Sollicitude pour Sœur F. -M. Favrot, malade à Lyon.          449

Lettre MXLV (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Requête au duc de Nemours. — Guérisons signalées obtenues au monastère d'Annecy............................................................................................... 450

Lettre MXLVI. — À Mgr J. -F. de Sales, évêque de Genève. — Touchant la fondation de Pontarlier.              451

Lettre MXLVII. — À la Mère C. -A. Joly de la Roche, à Rennes. — Le Seigneur dépouille l'âme qu'il aime et lui tient lieu de tout..................................................................................................................................... 452

Lettre MXLVIII. — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Désir que son cœur soit abîmé dans le Cœur de Jésus. — Maladie de Sœur F. -M. Favrot. — L'amour-propre empêche la perfection de l'amour divin. — Prévisions pour une prochaine élection.     453

Lettre MXLIX. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Sentiments de résignation au sujet de la maladie de Sœur F. -M. Favrot. — Comment excuser l'opposition que les Supérieurs de Lyon ont mise au départ de la Mère de Blonay.         455

Lettre ML. À la Sœur F. -M. Favrot, à Lyon. — Soumission au divin bon plaisir. — Derniers adieux.              457

Lettre MLI (Inédite). — À la Mère A. -M. Rosset, à Crémieux. — Soutenir ses droits avec humilité. — Si les novices n'excellent en respect et en obéissance, leur profession doit être retardée....................... 458

Lettre MLII (Inédite). — À la Mère M. -R. de Chastellux, à Autun. — À quel âge recevoir les Sœurs du petit habit. — Conseils au sujet des fondations proposées à Clamecy et à Charolles. — Ne demander une Supérieure d'un autre monastère que par grande nécessité. — On peut s'adresser au confesseur ordinaire pour les confessions annuelles.                459

Lettre MLIII. — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Impression du Directoire spirituel. — Projet de fondation à Cambrai. — Nouvelles de la famille Favre. — Ne rien changer dans les Règles. — L'oraison de simple présence de Dieu est l'attrait général des Filles de la Visitation......................................................................................................... 463

Lettre MLIV. — À un évêque. — Témoignage de profond respect. — Entière et filiale soumission de la communauté..................................................................................................................................... 465

Lettre MLV (Inédite). — À M. l'avocat Pioton, à Thonon. — Comment triompher des difficultés qui s'opposent à la fondation de Pontarlier............................................................................................................. 466

Lettre MLVI. — À la Mère P. -J. de Monthoux, à Blois. — Charitable avertissement. — Douleur de la Sainte à la mort de ses filles. — Les Religieuses de la Visitation ne doivent jamais aller aux bains... 467

Lettre MLVII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. —Éloge de Sœur [711] F. -M. Favrot. — Ordre donné par la Mère de Châtel de garder copie des Lettres de sainte de Chantal. — Comment assister les mourantes.          469

Lettre MLVIII. — À la Mère M. -M. Michel, à Besançon. — Elle se réjouit de l'heureux établissement du monastère de Besançon. — Bien choisir l'emplacement pour bâtir.......................................... 471

Lettre MLIX (Inédite). —À M. l'avocat Pioton, à Thonon. — Procéder avec une sage lenteur pour la fondation de Pontarlier..................................................................................................................................... 473

Lettre MLX. — À madame la duchesse de Nemours. — Demande de papiers importants. — Témoignage de respect..................................................................................................................................... 474

Lettre MLXI (Inédite). — À la Mère M. -J- Favre, à Paris. — Lettre à la duchesse de Nemours. — Nouvelles de la famille Favre..................................................................................................................................... 475

Lettre MLXII. — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Grenoble. — Rien ne manquera aux âmes qui cherchent premièrement le Royaume de Dieu. — Une Supérieure doit former des Religieuses capables de lui succéder et ne pas surcharger la maison de personnes infirmes...................................................................................................................... 476

Lettre MLXIII (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Projet d'une fondation. — Affaires diverses. 479

Lettre MLXIV. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — La Sainte achève ses Réponses ; sa répugnance à les voir imprimer ; défense de les laisser sortir des monastères. — Usage des cartes pour le bon ordre de la maison. — Souhaits ardents de vivre dans une parfaite dépendance. — Abandon à la volonté divine...................................... 480

Lettre MLXV. — À la Mère A. -T. de Préchonnet, à Montferrand. — Notre souverain bien est en l'accomplissement de la volonté divine. — La Mère de Préchonnet peut s'occuper des affaires de ses enfants sans nuire au gouvernement de sa communauté. — Conduire les âmes avec douceur..................................................................... 486

année 1631.

Lettre MLXVI (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Dans tous les états de la vie spirituelle, l'âme ne doit chercher d'appui qu'en Dieu. — Estime pour la Mère Clément. — Divers détails......... 488

Lettre MLXVII (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Comment pacifier un léger différend. — La diversité de manières de voir n'empêche pas la perfection. — Il ne faut parler des défauts du prochain qu'à ceux qui peuvent y remédier.  489

Lettre MLXVIII. — À la Mère A. -M. Rosset, à Crémieux. — Souhaits de bonne année. — Une Supérieure ne doit tolérer aucune faute contre l'obéissance, tout en se montrant condescendante envers ses Sœurs.              492

Lettre MLXIX. — À l'Assistante et aux Religieuses de la Visitation de Rennes. — Éloge de la Mère Cl. -A. Joly de la Roche ; regrets de sa perte. — Conseils à la communauté.............................................. 494

[712]

Lettre MLXX. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Voyage de M. Marcher à Aix. — Mort de la Supérieure de Rennes..................................................................................................................................... 495

Lettre MLXXI. — À la même. — Prévision pour une prochaine élection de Supérieure. — Affaire des monastères de Provence..................................................................................................................................... 497

Lettre MLXXII. — À la Mère F. -G. de la Grave, à Belley. — User de modération en traitant avec une fondatrice. — On propose d'établir des monastères à Ornans et au Pont-de-Beauvoisin.......................... 499

Lettre MLXXIII. — À la Mère C. -C. de Crémaux de la Grange, à Lyon. — Oppositions qu'apporte Mgr de Genève au départ de la Sainte. — La direction des âmes est le premier devoir d'une Supérieure. — Nécessité de détruire tous les exemplaires des faux Entretiens................................................................................................................. 500

Lettre MLXXIV (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Comment s'insinuer dans les cœurs pour les porter à Dieu. — Craindre que de trop fréquents rapports avec le monde nuisent à l'esprit de simplicité.      502

Lettre MLXXV. — À la Mère A. -M. Clément, à Montargis. — Quand Dieu se communique a une âme, elle n'a qu'à s'anéantir et à le laisser faire. — Demande de prières.............................................................. 503

Lettre MLXXVI. — À M. l'avocat Pioton, à Thonon. — Affaires.... 504

Lettre MLXXVII. — À la Sœur M. -S. de Lalande, à Riom. — La paix de l'âme s'acquiert par la soumission au bon plaisir de Dieu........................................................................................................................... 505

Lettre MLXXVIII. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — Compassion pour la Mère de Bréchard et sa communauté. — Prière d'achever l'histoire de la fondation d'Annecy.......................................... 506

Lettre MLXXIX (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Nécessité de voir par elle-même l'état du couvent de Troyes qu'on désire incorporer à la Visitation. — La Sainte trouve beaucoup de rapports entre son attrait intérieur et celui de la Mère Favre. — Mécontentement de madame du Halliers, à qui on a refusé l'entrée du monastère d'Annecy.            507

Lettre MLXXX. — À M. l'avocat Pioton, à Thonon. — Elle se réjouit de l'heureuse issue d'un procès.          509

Lettre MLXXXI. — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Autun. — Elle la remercie d'avoir fait faire une retraite à madame de Toulonjon. — À quelles conditions on peut s'établir dans les petites villes. — Les jeunes professes doivent tirer leur rang d'année et donner leur voix au Chapitre. — Legs de madame de la Curne........................ 510

Lettre LMXXXII. — À la Mère A. -M. Rosset, à Crémieux. — Une Supérieure ne doit pas tolérer des paroles de désapprobation, tout en traitant avec ses Sœurs franchement et cordialement. 513

Lettre MLXXXIII (Inédite). — Au Révérend Père Plumeret, Jésuite à Autun. — La Sainte lui recommande madame de Toulonjon et la communauté d'Autun................................................................. 514

Lettre MLXXXIV (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Plusieurs évêques demandent des Religieuses de la Visitation pour travailler à la réforme des Filles repenties. — Projets de fondations.          515

[713]

Lettre MLXXXV (Inédite). — À la Mère A. -M. Rosset, à Crémieux. — M. Rosset a fait don d'un crucifix au monastère d'Annecy. — Érection de l'oratoire du Calvaire.................................................. 516

Lettre MLXXXVI (Inédite). — À la Mère M. -E. Gontal, à Marseille. — Appréciations sur deux Religieuses d'Annecy envoyées à Marseille. — Ne pas donner le voile noir à une Sœur domestique par des motifs d'intérêt.           518

Lettre MLXXXVII (Inédite). — À Mgr P. Fenouillet, évêque de Montpellier. — Départ des Sœurs fondatrices du monastère de Montpellier............................................................................................................... 521

Lettre MLXXXVIII. — À la Mère A. -M. Rosset, à Crémieux. — Comment reconnaître les bienfaits de Dieu. — Visite régulière à Annecy..................................................................................................................... 522

Lettre MLXXXIX. — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Voyage de la Sainte à Thonon. — Grande générosité de la Mère Favre. — Prière de revoir les Réponses. — Bien faible est la vertu qui n'est pas fondée sur l'humilité.         523

Lettre MXC (Inédite). — À la Mère A. -M. Rosset, à Crémieux. — Désir que ses filles deviennent des Règles vivantes. — Maintenir sa liberté pour le choix des sujets....................................................... 526

Lettre MXCI. — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — C'est un grand honneur de pouvoir coopérer au salut des âmes. — Pensée de la Sainte touchant l'éducation des petites filles. — Voyage de la Mère de Châtel en Provence. — Fondations projetées à Apt et à Sisteron..................................................................................................................... 527

Lettre MXCII. — À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — Joie d'apprendre l'édification que donnent les Religieuses envoyées à Montpellier. — Mort de Sœur B. -M. Valeray................................ 530

Lettre MXCIII (Inédite). — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Autun. — Pressante invitation de se rendre à Bourg en Bresse, où elle vient d'être élue Supérieure....................................................................... 531

Lettre MXCIV. — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Message pour Mgr de Bourges. — Désir que le livre des Réponses ne sorte jamais des maisons de la Visitation. — Quelle conduite tenir à l'égard des Sœurs fondatrices du monastère.      532

Lettre MXCV. — À la Sœur A. -L. de Verdelot, à Paris. — Nécessité de perdre ses répugnances naturelles dans la volonté divine. — Inculquer aux novices l'esprit de sainte joie. — On ne doit pas tenir le noviciat pendant la demi-heure de repos.      534

Lettre MXCVI. — Au Père dom Galice, Barnabite à Montargis. — Dieu aime à se communiquer aux âmes qui lui sont fidèles..................................................................................................................................... 536

Lettre MXCVII. — À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — Espérance de voir terminer promptement les affaires de la béatification de saint François de Sales............................................................... 537

Lettre MXCVIII. — À la Mère M. -P. Aysement, à Saint-Étienne. — Maternel intérêt pour cette Supérieure et sa communauté..................................................................................................................................... 538

Lettre MXCIX (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Prochaine arrivée de Mgr de Bourges ; désir qu'il soit accompagné de [714] l'évêque de Belley. — La Mère de Bigny demande à faire un voyage à Annecy.           540

Lettre MC (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Difficultés des Sœurs de Condrieu. Sagesse et prudence de la Sainte pour y remédier. — La peste sévit à Crémieux. — La Supérieure doit signer elle-même ses lettres.      541

Lettre MCI. — À Mgr Pierre II de Villars, archevêque de Vienne. — Nécessité de rappeler à Lyon la Supérieure de Condrieu..................................................................................................................................... 543

Lettre MCII. — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Maladie de Mgr de Bourges. — Soumettre le livre des Réponses à l'examen de saint Vincent de Paul......................................................................................... 544

Lettre MCIII. — À la même. — Quelle récompense Dieu destine à ses serviteurs. — Nouvelles dû monastère de Montpellier..................................................................................................................................... 546

Lettre MCIV. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Avantages du dépouillement intérieur. — L'humilité est le fondement de toute vertu........................................................................................................... 547

Lettre MCV. — À la Mère A. -M. Rosset, à Crémieux. — Offre de secours. — Maternels encouragements.   548

Lettre MCVI (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Crémieux. — On doit être fort retenu à parler des défauts du prochain et de ce qui se fait dans le monastère. — Profiter de la confiance qu'elle inspire à la Mère de Bigny, pour lui faire agréer quelques observations............................................................................................................ 550

Lettre MCVII. — À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — Les prélats ne doivent pas entrer dans la clôture chaque fois qu'ils viennent au monastère. — Éloge de Sœur G. -A. Brunier. — Comment habituer les commençantes à se tenir en la présence de Dieu. — User avec discrétion des libéralités de Mgr de Montpellier. — Divers détails.      552

Lettre MCVIII (Inédite). — À la Mère H. -A. Lhuillier, à Paris. — Nécessité de bien choisir les Religieuses envoyées en fondation.................................................................................................................. 555

Lettre MCIX (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Quelques passages à rectifier dans l'histoire de la fondation de Troyes. — Une Supérieure doit tâcher de ne pas laisser de dettes à celle qui lui succède. — Retard des affaires de la béatification..................................................................................................................................... 556

Lettre MCX. — À la Mère A. -M. Bollain, à Paris. — Recevoir les dons de Dieu avec humilité et reconnaissance.       560

Lettre MCXI (Inédite). — À la Mère M. -C. de Bressand, à Nantes. — Admirables enseignements touchant la charité. — Ne pas surcharger les monastères en empruntant trop facilement. — Générosité de la Mère Favre. — Conseils au sujet des fondations..................................................................................................................................... 561

Lettre MCXII. — À la Mère A. -M. Rosset, à Crémieux. — Sollicitudes de la Sainte pour les Sœurs de Crémieux. — Comment faire quand on n'a pas une messe tous les jours. — User de réserve à l'égard d'une postulante éconduite une première fois. — Prudence à garder lorsque les séculiers visiteront la maison où les Religieuses se sont réfugiées pendant la peste.     564

Lettre MCXIII (Inédite). — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Grenoble. [715] — Inquiétudes au sujet de la prolongation du voyage de la Mère de Châtel................................................................................. 567

Lettre MCXIV. —À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — La Sainte est résolue de restreindre sa correspondance. — Hâter le retour de Sœur CI. Ag. Daloz................................................................................. 568

Lettre MCXV. — À la même. — Voyage de M. Michel à Lyon. — De l'autorité des Pères spirituels. — Nouveau projet de fondation a Mâcon.................................................................................................. 569

Lettre MCXVI. — À madame de Vaudan, à Aoste. — Départ des Sœurs fondatrices du monastère d'Aoste. 570

Lettre MCXVII. — À la Mère J. M Chahu, à Caen. — Encouragement à porter avec soumission la croix de la maladie. — Souhaits de bénédictions. — Prier pour la conversion de Genève................. 571

Lettre MCXVIII. — À la Mère A. -M. Rosset, à Crémieux. — Rentrer à Crémieux aussitôt que la contagion aura cessé. — Avec quelle prudence on doit faire la correction. — Comment suppléer aux confessions annuelles que la peste oblige de différer.   573

Lettre MCXIX. — À la Mère P. -J. de Monthoux, à Blois. — Moyen d'acquérir la paix intérieure. — Avis pour l'oraison..................................................................................................................................... 574

Lettre MCXX. — À la même. — Compassion pour la communauté de Blois éprouvée par la peste.  576

Lettre MCXXI. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — De quelle manière conduire une âme présomptueuse. — Maladie de la Mère Favre. — Diverses affaires...................................................................... 577

Lettre MCXXII. — À madame la princesse de Carignan. — Promesse de s'unir aux prières que fait la princesse pour obtenir la guérison de son fils sourd-muet........................................................................... 579

Lettre MCXXIII. — À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — La Sainte à dû faire partir les fondatrices d'Aoste en l'absence de la Mère de Châtel. — Reconnaissance due à Mgr Fenouillet et à sa famille ; envoi de reliques. — Espoir que la Visitation de Montpellier servira de pépinière pour l'Espagne. — Ne pas se dispenser facilement de l'oraison ; comment y suppléer. — Éloge de la Mère Favre............................................................................................................... 580

Lettre MCXXIV. — À la Mère P. -J. de Monthoux, à Blois. — Deux Sœurs de Blois sont mortes de la peste. — Amélioration de la santé de la Mère Favre. — Il faut se maintenir en union et confiance avec les Pères de la Compagnie de Jésus.      585

Lettre MCXXV. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — Désir d'avoir des nouvelles de la communauté de Riom forcée par la peste de quitter son monastère. — Assurance de tendre affection................ 587

Lettre MCXXVI. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Question d'intérêt. — Conseils pour la direction d'une Religieuse qui paraît être dans l'illusion. — Amour et estime de la Sainte pour la pauvreté spirituelle. — Remercîments. — Avis relatifs à la fondation de Mâcon. — Retour de la Mère de Châtel....................................... 588

Lettre MCXXVII. — À la Sœur M. -D. Goubert, à Lyon. — En quoi consiste le vrai anéantissement de soi-même.       592

[716]

Lettre MCXXVIII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. —Édification que donne la communauté de Montpellier.  593

Lettre MCXXIX (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Craintes au sujet du voyage du Père Dom Juste à Paris. — Épître dédicatoire placée en tête du livre des Réponses.................................... 594

Lettre MCXXX (Inédite). —À la Mère M. -À. de Blonay, à Lyon. —Perplexités de la Sainte au sujet des changements qu'on veut introduire dans le chant de l'Office.............................................................. 596

fin de la table des matières
du troisième volume de la correspondance.

paris. typographie de e. plon et cie, 8, rue garancière.



[1] Marie de Chantal, qui fut depuis la célèbre marquise de Sévigné.

[2] Voici comment la Mère de Chaugy raconte l'histoire de celle fondation : « Monseigneur Charles de Noailles, évêque de Saint-Flour, duquel la vie est en bonne odeur, et le mérite en réputation par toute la France, avait dessein d'établir en sa ville, capitale de la haute Auvergne, un monastère de Religieuses, et d'autant qu'il avait eu la grâce de connaître notre saint Fondateur, le doux souvenir de la sainteté de sa vie lui fit jeter les yeux sur notre petit Institut, croyant que les greffes prises sur un si bon arbre ne pourraient que lui rendre des fruits de toute piété et suavité. Toutefois, la fondation fut différée jusqu'en automne 1628. M. le prieur de Rochefort, à qui on avait remis le soin de cette affaire, s'adressa à la communauté de Montferrand pour avoir des Religieuses. Par l'avis de notre digne Mère de Chantal, qui s'y trouvait alors, notre Sœur Marie-Michelle des Roches fut envoyée comme Supérieure : ou lui donna pour compagnes les Sœurs Anne-Gabrielle Rebours, Marie-Amable Vernet, Marie-Catherine Èpervier, Françoise-Augustine Rodier et Marie-Angélique de la Grave, toutes professes de Montferrand. L'établissement se fit le 8 septembre 1628, au milieu d'un grand concours de noblesse et des applaudissements du peuple. » (Histoire inédite de la fondation de Saint-Flour.)

[3] Sœur Françoise-Agathe, fille de Gaspard de Sales, cousin germain du saint Évêque de Genève, continua d'édifier la communauté de Thonon, jusqu'à la fin de sa vie, par la pratique de ce grand principe de la vie spirituelle : « La sainteté ne consiste pas à faire beaucoup de choses, ni à en faire de grandes, mais à bien faire celles que Dieu demande de nous... »

[4] C'est-à-dire d'un deuxième monastère de la Visitation à Lyon.

[5] Les fondatrices de Bourg.

[6] Les Religieuses de la Visitation étaient appelées dans cette ville par mademoiselle de Saint-Loup. La Mère Favre alla commencer cette maison, accompagnée des Sœurs Claude-Agnès Daloz, Aimée-Bénigne Grossy, Louise-Bonaventure Rebitel, Marie-Catherine de Lonnay, Jeanne-Louise de Champagne et Marie-Antoinette Dard, toutes professes d'Annecy. « M. l'official, de la part de Mgr d'Autan, suffragant de Lyon, les reçut, et le jour du très-heureux saint Joseph, auquel la conduite de la divine enfance fut commise, l’établissement fut fait avec grande solennité et affluence de peuple. » (Histoire inédite de la fondation de Bourg)

[7] M. de Sève de Saint-André, président au parlement de Lyon.

[8] Il s'agit d'un emplacement pour le deuxième monastère.

[9] Ce fut le 1er mai de cette année. 1627 (dit l'histoire de la fondation de Belley) que la Sainte présida à l'élection de la Mère F. G. de la Grave, qui, depuis le départ de la Mère M. -Marg. Michel pour Dijon, avait gouverné la communauté en qualité d'assistante commise.

[10] Lieu proposé pour l'établissement du second monastère de Lyon.

[11] Le cardinal Denys-Simon de Marquemont avait été remplacé sur le siège archiépiscopal de Lyon par Mgr Charles de Miron, transféré d'Angers le 2 décembre de cette même année 1626. Un des premiers soins du nouveau prélat fut d'établir une Congrégation de docteurs, à l'autorité de laquelle devaient être soumises toutes les affaires de son diocèse, spécialement celles des maisons religieuses. En outre, il voulut assujettir tous les monastères de femmes à la juridiction immédiate du curé de la paroisse sur laquelle elles étaient établies, et les obliger à prendre ce curé pour Supérieur ou Père spirituel. La Mère de Blonay, craignant les graves conséquences que cette première infraction aux Règles de son Institut pouvait avoir dans l'avenir, déclara qu'elle n'accepterait jamais d'autre Supérieur que M. de la Faye, choisi et élu par la communauté. Le prélat, offensé de cette fermeté, menaça de déposer la Mère de Blonay ; mais elle répondit avec autant d'humilité que de sagesse : « La perte de ma supériorité me sera un gain et un repos, en me permettant de m'occuper plus à loisir de mon Dieu et de ses ineffables perfections ; mais la perte de la pratique de nos Constitutions serait la perte de notre Ordre, et partant la perte de mon salut, si je n'y tenais la main. » L'archevêque ne tarda pas longtemps à se rendre aux représentations et aux prières de la digne Supérieure, et conçut même tant d'estime pour elle, que souvent il disait dans la suite ; « La Mère de Blonay est la seule en qui j'aie trouvé la réunion d'une force inflexible et d'une douceur inaltérable. »

Ces détails ont paru nécessaires pour donner l'intelligence des lettres suivantes.

[12] « L'exercice et les traverses ne manquèrent pointa la Mère Favre, en cet établissement de Bourg. Les permissions avaient été obtenues de Mgr d'Autun, durant qu'il avait la régale de l'archevêché de Lyon, mais Mgr de Miron, archevêque de Lyon, étant arrivé, envoya défense aux Sœurs de la Visitation de faire aucune fonction publique et religieuse. Il fallut boire cette confusion et cesser de chanter les divins Offices pour cinq ou six semaines, et ne célébrer la sainte messe qu'à huis clos. Il est vrai que le peuple, qui ne recevait qu'édification du bon exemple des Sœurs, dans l'étonnement de ce procédé, leur portait grande compassion. Par l'instigation de quelque esprit de travers, la contradiction fut telle que la Mère Favre se vit dans les termes de ne plus poursuivre cet établissement et de ramener les Sœurs. Néanmoins, avant que de conclure cette rupture, elle eut recours à Dieu, par une neuvaine qu'elle ordonna à toute sa communauté, à la fin de laquelle, contre toute espérance humaine, madame de Vigny, bienfaitrice de la maison de Dijon, qui, honorant notre Mère M. J. Favre, épousait toutes ses affaires plus que les siennes propres, étant allée à Lyon pour un autre sujet, obtint heureusement les permissions, et les choses demeurèrent bien établies. » (Fondation inédite du monastère de Bourg.)

[13] Maison des R. P. Jésuites, à Lyon.

[14] Une fondation que le monastère de Saint-Étienne projetait de faire au Puy.

[15] Des 1626, le pape Urbain VIII avait délégué trois commissaires apostoliques pour procéder aux enquêtes juridiques sur les vertus de saint François de Sales et les miracles obtenus par son intercession : ce furent Mgrs André Frémyot, ancien archevêque de Bourges ; Pierre Camus, évêque de Belley, et Georges Ramus, docteur de Louvain. Par suite de la maladie de Mgr de Bourges, ils ne purent se réunir à Annecy et commencer les informations qu'en juillet de cette année 1627.

[16] Sœur Jeanne-Françoise Le Tellier, que la reine. Marguerite de Valois appelait son petit ange, que sainte de Chantal nommait plus tard un trésor, fut reçue au premier monastère de Paris par la Bienheureuse Fondatrice, qui lui donna son nom. Envoyée à la fondation d'Orléans, elle y devint le modèle des parfaites novices, puis l'émule des plus saintes Religieuses, si bien qu'elle fut jugée digne de succéder a la vénérable Mère de la Roche, dans la charge de Supérieure. « Sa conduite était si suave que nos Sœurs admiraient en elle une Règle vivante et animée, en qui la Mère Agnès, pat-une infusion céleste, avait transmis et traduit la pureté de son esprit et de ses maximes. » Sœur Jeanne-Françoise Le Tellier décéda au monastère de Tours, après l'avoir gouverné pendant deux ans, avec beaucoup d'édification. (Vies de IX Religieuses de lu Visitation, par la Mère de Chaugy.)

[17] La mort du comte de Boutteville, qui venait de perdre la vie sur l'échafaud, ayant inspiré au jeune baron de Chantal les plus sérieuses réflexions, il regretta vivement de s'être laissé emporter à la barbare passion des duels, et prit la résolution d'y renoncer pour jamais. Mais les occasions en étaient si fréquentes à la cour qu'il était prudent de s'en éloigner : il saisit une occasion qui se présenta de le faire avec gloire.

« Le siège de la Rochelle se poussait alors avec beaucoup de vigueur par l'armée de Louis XIII. Les Anglais avaient mis une flotte sur pied pour aller au secours des protestants de cette place ; il leur était nécessaire, pour y parvenir, de s'emparer de l'île de Ré. Le roi de France donna au marquis de Toiras le commandement de cette île, et l'envoya avec trois mille hommes pour la défendre. Le baron de Chantal, ami de Toiras, voulut partager ses périls et sa gloire, et alla servir en qualité de simple volontaire dans cette petite armée. »

[18] La translation de la communauté d'Évian à Thonon eut lieu le 22 juillet 1627. « Pour l'effectuer (disent les anciens Mémoires), il y avait des difficultés presque égales du côté des habitants des deux villes : ceux d'Évian, qui aimaient nos Sœurs, se tenaient très-offensés de ce qu'elles voulaient les quitter ; ils avaient protesté que celui qui serait assez hardi pour descendre la cloche, sa tête descendrait la première. Il fallut donc la démonter de nuit et envelopper le battant crainte de bruit. Les habitants de Thonon étaient dans une disposition contraire, et ne voulaient pas nous recevoir dans leur ville. Tous ces contre-temps n'étonnèrent pas la Mère Marie-Françoise Humbert, et, le jour fixé étant venu, elles partirent munies de l'obéissance de Mgr de Genève, et tout se passa fort heureusement. »

[19] Les dépositions de sainte de Chantal, sur les vertus de saint François de Sales, se voient en entier, dans cet ouvrage, au IIe volume des Oeuvres diverses.

[20] C'est-à-dire, qu'on se croie obligé de recevoir en premier lieu les postulantes qui se sont présentées les premières.

[21] C'est-à-dire à faire rentrer la somme promise par la fondatrice pour l'établissement du monastère.

[22] Que vous contractiez de grandes dettes pour commencer un second monastère à Lyon.

[23] Voici en quels termes un historien contemporain raconte cette mort : « Chantal fut choisi pour être mis à la tête du premier escadron des volontaires, qui dans ce temps-là était composé de toute la fine fleur de la cour ; et se trouvant commandé pour être un de ceux qui devaient s'opposer à la descente des Anglais dans l'île de Ré, le 22 juillet 1627, il s'y signala avec tant de courage que, pendant six heures de combat, il fut blessé de vingt-sept coups de pique, dont il mourut deux heures après, à trente et un ans. La manière de sa mort fait l'éloge de sa valeur, et les regrets de tout le monde, celui de son mérite. La fin de ce vaillant gentilhomme fut aussi chrétienne que généreuse : dès le matin, il s'était préparé au combat par la réception des sacrements, et il exhala son dernier soupir dans les sentiments de la piété la plus sincère... Le lendemain, Toiras réclama son corps, que lui rendit le général anglais. Il le fit embaumer et enterrer dans l'île de Ré, réservant le cœur pour l'envoyer à Paris à la veuve éplorée du défunt, qui fit déposer avec honneur ces tristes restes dans l'église des Minimes. »

[24] Cette fondation fut procurée (dit la Mère de Chaugy) par mesdames de Saint-Julien et de Mépieu, les deux principales de la ville, qui, par leur dévotion à notre Bienheureux Père et leur affection à son petit Institut, désirant avoir un de nos monastères proche d'elles, obtinrent toutes les permissions requises, tant de Mgr l'archevêque de Vienne, duquel Crémieux dépend, que de Messieurs de la ville ; après quoi elles obtinrent que notre digne Mère allât faire la fondation en parlant pour son voyage de France, ce que Sa Charité accorda facilement, et nomma, pour aller commencer cette nouvelle maison, nos chères Sœurs Marie-Adrienne Fichet, Françoise-Emmanuelle de Nouvery, Marie-Adrienne de Dingy, Marie-Isabelle de la Luxière, Jeanne-Charlotte Magdelain et Anne-Péronne Balliard. Mgr commit le Révérend Père gardien des Capucins pour faire l'établissement, qui eut lieu le jour de saint Matthieu, 21 septembre 1627. » (Histoire inédite de la fondation de Crémieux.)

[25] C'est-à-dire que madame de Toulonjon n'avait plus alors qu'une fille, ayant perdu tous ses autres enfants.

[26] Lors de son passage à Embrun.

[27] La Mère de Blonay, se voyant contrainte d'éconduire plusieurs sujets d'élite qui demandaient leur admission dans sa communauté déjà au complet, résolut de fonder à Lyon une seconde maison de la Visitation. Grâce aux libéralités de M. de Sève de Saint-André, dont l'une des filles était novice au premier monastère, dit de Bellecour, la digne Supérieure put venir à bout de son entreprise. « Après bien des difficultés, on acheta sur la colline de Fourvières la maison de Gourguillon, bâtie sur un emplacement qui avait été sanctifié par le courage et les souffrances d'une multitude de martyrs. Le nombre de ceux qui donnèrent, en ce lieu, leur vie pour Jésus-Christ fut si grand (disent les anciens Mémoires), que le reste du sang que la terre ne put boire descendit comme un torrent impétueux, à si gros bouillons que la rue par où il passa pour se rendre à la rivière prit le nom de Gros-Bouillon (d'où l'on a fait Gourguillon) ; et la rivière où il se répandait si abondamment, que les eaux prirent la couleur du sang, fut nommée Saône. » — Le petit essaim sorti du premier monastère pour aller peupler la nouvelle ruche se composait des Sœurs Marie-Élisabeth Guérard, Anne-Marie Pillet, Louise-Gasparde de Saint-Paul, Marie-Jacqueline Chapoton, Jeanne-Marie Bouffard et Marie-Catherine de Sève. Le 21 décembre, jour de saint Thomas, M. de la Paye lit l'établissement selon qu'il est marqué au Coutumier. (Histoire inédite de la fondation du deuxième monastère de Lyon.)

[28] Voir la note de la lettre DXXVII, page 265, IIe volume.

[29] La cérémonie se fit le 8 décembre 1627, par Mgr de Damas, suffragant de Lyon.

[30] La Sainte veut parler de sa déposition sur les vertus de saint François de Sales.

[31] La More Jeanne-Marguerite Chahu, admise au premier monastère de Paris par sainte de Chantal, se montra, pendant toute sa longue carrière, Religieuse « fervente, régulière et mortifiée ». Aussi, Mgr de Revol, évêque de Dol en Bretagne, voulant établir une Visitation dans sa ville épiscopale, on ne crut pouvoir mieux répondre à son désir qu'en lui envoyant la Mère Chahu. Ses coopératrices furent les Sœurs Catherine-Thérèse de Saint-Germain, Claude-Marie de Pincé, Marie-Catherine Camus, Françoise-Marguerite Patin et Anne-Madeleine de Monthéron. La cérémonie de l'établissement eut lieu le 21 octobre 1627. Après avoir prodigué ses soins pendant six ans à cette maison naissante, la Mère Jeanne-Marguerite gouverna successivement la communauté de Riom (où, en 1637, elle eut la douleur de fermer les yeux à la Vénérable Mère de Bréchard), puis celles de Dijon, de Meaux et de Caen. C'est de ce dernier monastère qu'elle partit pour le ciel, chargée des glorieuses gerbes moissonnées dans les champs du sacrifice et de la mort à tout ce qui n'est pas Dieu. (Année Sainte, II volume.)

[32] Pour travailler à l'information des nombreux miracles opérés à Orléans par l'intercession de saint François de Sales.

[33] On sait assez quelle profonde et tendre estime, quelle réciproque vénération unissait saint François de Sales et saint Vincent de Paul. Formés tous deux à l'école du Cœur de Jésus, devenus, l'un apôtre de sa douceur, l'autre, de sa charité, leurs belles âmes avaient des traits de ressemblance si frappants qu'après la mort de son grand Directeur, la Mère de Chantal crut, en se plaçant sous la conduite de saint Vincent de Paul, n'avoir pas changé de maître ! En effet, c'était bien la même prudence, la même douceur, et au besoin la même énergie. De son côté, la Sainte fut pour son nouveau Guide ce qu'elle avait été pour le Bienheureux Évêque de Genève, et lui montra toujours même ouverture de cœur, même humilité, même obéissance. De ces rapports intimes et sacrés dut résulter, sans doute, un touchant échange de lettres : malheureusement, il ne reste que de faibles débris de cette précieuse correspondance, qui se continua jusqu'à la mort de la Mère de Chantal.

[34] La Mère Marie-Marguerite Michel, née à Salins (Franche-Comté), fut une de ces âmes fortes qui ravissent le ciel par la violence. Richement douée des avantages de la nature et de l'esprit, elle errait sur le chemin de la vanité et du mensonge, quand tout à coup sa fragile beauté disparut par suite d'accidents successifs, qui la rendirent boiteuse pour le reste de sa vie. Terrassée comme un autre Saul, elle se livra à Dieu avec la même ardeur qu'elle s'était livrée au monde, et vint en 1618 se présenter au premier monastère d'Annecy, où elle ne tarda pas à devancer dans les voies de la perfection les cœurs les plus généreux. Ravi de sa constance et de son courage, saint François de Sales, au milieu des âmes d'élite dont il était environné, ne craignit cependant pas de dire : « Je n'ai jamais connu personne qui ait plus de force d'esprit et de talents pour la direction que la Sœur Marie-Marguerite. » Après avoir mis à profit ce don de Dieu, d'abord aux monastères de Belley et Dijon, elle établit et gouverna les maisons de Besançon, Fribourg, Soleure, contribua aux fondations de Dole, Gray, Salins, Gruyères (depuis transféré à Langres), et peu s'en fallut qu'elle ne portât la Visitation jusqu'aux extrémités du Canada. « Je passerais volontiers ma vie, disait-elle, à creuser les fondations des maisons de Dieu et à les bâtir, pourvu qu'il y soit glorifié, et qu'on Lui élève des autels où Jésus-Christ son Fils unique Lui soit offert chaque jour en sacrifice. » L'intrépide foi de cette humble Religieuse ne se démentit jamais, au milieu des rudes épreuves qu'elle eut ; à subir ; et quand tous les appuis humains croulèrent autour d'elle, son courage, plus grand que la tribulation, s'éleva jusqu'à l'héroïsme. La Mère Michel, ayant achevé ses six ans de supériorité à Verceil, venait d'être élue au monastère d'Arone (Italie), lorsque, le 29 août 1662, elle déposa le glaive du combat pour saisir la palme du triomphe. (Vies de XII Supérieures de l'Ordre de la Visitation.)

[35] Les grandes vertus de la Mère A. C. de Beaumont lui avaient attiré la bienveillance et même la confiance d'une foule de personnages du plus haut rang. Anne d'Autriche et Marie de Médicis oubliaient, dans leurs rapports avec l'humble Religieuse, l'éclat de la majesté royale. « Il est bien facile, disaient-elles, d'honorer en sa personne l'autorité de Dieu qu'elle soutient par une conduite toujours égale, mêlée d'une certaine gravité qui est la marque de l'Hôte divin qui loge constamment en son âme. » Cette estime et ces applaudissements excitèrent la jalousie de certaines âmes vulgaires, que la digne Supérieure avait toujours prévenues de son affection et de ses bienfaits. L'orage éclata si fortement que sainte de Chantal, lors de son séjour à Paris en 1628, jugea qu'il était plus sage de ne pas se roidir contre le torrent, et crut tout calmer en intimant à l'accusée l'ordre de partir pour Annecy. Cet ordre brisa le cœur de la Mère Anne-Catherine ; mais, habituée à tout recevoir de la main de Dieu, elle refusa l'intervention de la Reine qui voulait s'opposer à son départ, et ne se permit pas même un mot d'explication, répondant aux personnes qui l'engageaient à se justifier : « Toutes les raisons qui appuient les intérêts de l'amour-propre doivent être immolées sur le même autel où l'on a égorgé sa liberté, autrement l'holocauste serait imparfait et la victime toujours vivante. »

[36] Voir la note de la lettre DCCCLI, page 154.

[37] Il s'agissait de réimprimer les Règles, éditées une première fois du vivant de saint François de Sales.

[38] La translation delà communauté d'Autun à son nouveau monastère se fit avec la plus grande solennité. Monseigneur ordonna à cet effet une procession générale à laquelle il assista en personne, au milieu des magistrats, de la noblesse, et d'un grand concours de peuple.

[39] Second fils du président Antoine Favre, gouverneur des princes de Carignan, et plus tard membre de l'Académie française.

[40] Un personnage influent, ennemi du monastère, répandait mille bruits calomnieux sur la Mère Marguerite-Élisabeth Sauzion. Quoique les Supérieurs connussent la vérité, ils s'opposèrent à la réélection de cette Mère, et la rappelèrent à la fin de son premier triennal au monastère de Bellecour dont elle était professe.

[41] Nièce de la Mère Joly de la Roche.

[42] Les Entretiens spirituels, suaves épanchements du cœur de saint François de Sales au milieu de ses chères filles de la Visitation, furent soigneusement recueillis par celles-ci, et conservés pendant quelques années dans le secret du cloître, comme un précieux trésor de famille. En 1627, lors de sa première supériorité à Annecy, la Mère de Châtel, désirant mettre en ordre ce recueil exclusivement destiné aux Religieuses de son Institut, le soumit à l'examen de deux Pères jésuites, puis l'envoya à la Mère de Blonay, qui se hâta d'en faire transcrire un exemplaire pour l'avantage de sa communauté. La personne chargée de ce travail en garda secrètement une copie qui, sans doute à son insu, fut peu après livrée à l'impression sous ce titre : Entretiens et Colloques du Bienheureux François de Sales. Mais, soit précipitation de la part du copiste, soit que le manuscrit même ait été retouché par une main audacieuse qui se serait permis d'y changer, ajouter ou retrancher, il est certain que la première édition des Entretiens, donnée en 1628, était très-fautive. On avançait dans la préface que la Mère de Blonay avait fourni les matériaux ; mais on se gardait bien d'ajouter que la publication se faisait sans sa participation, sans même qu'elle en eût connaissance. Le public y fut trompé et accueillit ce livre avec empressement, grâce à la vénération qu'inspirait la mémoire de saint François de Sales. Pénétrée de douleur en voyant le nom de cet illustre défenseur de la foi catholique servir de passe-port à des principes erronés, la Mère de Chantal, par le conseil de Mgr Jean-François, évêque de Genève, résolut d'arrêter la vente de l'ouvrage apocryphe. On recourut à Louis XIII, qui donna ordre de saisir tous les exemplaires, avec défense à qui que ce fût de les réimprimer à l'avenir. Pour venger l'honneur de son Bienheureux Père, sainte de Chantal crut alors opportun de publier une édition exacte de ses Entretiens ; elle parut en 1629 sous le titre de Vrais et fidèles Entretiens du Bienheureux François de Sales, évêque et prince de Genève.

Telle est en résumé l'histoire de la publication des Entretiens : ces quelques détails ont paru nécessaires pour expliquer les difficultés dont parle la Sainte dans un bon nombre de Lettres de cette année 1628 et suivantes.

[43] Voir la note de la lettre DCCVI, volume II, page 572.

[44] Ferme appartenant au premier monastère d'Annecy.

[45] Sœur Anne-Jacqueline Barut, très-vertueuse tourière que la Sainte estimait beaucoup.

[46] Sœur Jeanne-Françoise Le Tellier. Voir sa notice au bas de la lettre DCCXCII, page 61.

[47] Angélique Arnauld, abbesse de Port-Royal, qui, depuis la mort de saint François de Sales, s'était placée sous la direction de Mgr Zamet. Quelques années plus tard pour son malheur, cette abbesse, jusque-là si estimable et si estimée des plus grand personnages de son siècle, tombait entre les mains du trop fameux Saint-Cyran et adoptait toutes ses erreurs.

[48] L'élection du 8 juin avait donné pour Supérieure au premier monastère de Lyon la Mère Catherine-Charlotte de Crémaux de la Grange.

[49] Au moment où la peste éclata à Nevers, la Mère F. J. de Musy résolut de soigner elle-même celles de ses filles qui seraient atteintes de l'épidémie. Sainte de Chantal dut interposer son autorité et défendre ce généreux dévouement, qui aurait privé la communauté de la présence de sa Supérieure, aux jours où elle lui devenait plus nécessaire.

Vainement on pressa les Religieuses de se retirer à la campagne. « Pas une ne voulut y entendre (dit la Mère de Chaugy) ; se confiant en la Providence, elles assurèrent ne pas craindre la mort, et ne voyant pas le danger assez grand pour quitter leur chère clôture, elles se promirent de s'assister mutuellement, quoi qu'il pût arriver. Trois furent frappées de peste et en moururent. Quand il fallut enterrer la dernière, au milieu de la nuit les deux Sœurs dévouées à cet office de charité se trouvèrent surprises par un violent orage, qui éteignit leurs lumières. Aussitôt, s'adressant à Celui que l'Écriture nomme la lumière du monde, il parut une grande clarté tout autour de la fosse, faisant un petit et gracieux midi, et demeura ferme et arrêtée tout autant de temps qu'il fut requis... Aussi nos chères Sœurs regardèrent cette tribulation plutôt comme une bénigne visite de Dieu que comme un châtiment, tant elles goûtaient de consolations intérieures parmi toutes leurs afflictions. »

[50] « La peste éclata si fortement à Paray (dit la Mère de Chaugy), qu'en moins de quatre ou cinq jours les principaux habitants s'éloignèrent de la ville, où il ne resta que les pauvres, qui n'avaient point de lieu de refuge, ce qui forma environ quarante petits ménages. Cependant nos Sœurs se tenaient dans leur retraite, ayant le moins de communication possible avec le dehors, ce qui n'empêcha pas que notre Sœur Claude-Antoinette Quinet fût atteinte du mal ; chacune des autres Religieuses sollicita le privilège d'exposer sa vie pour la soigner ; on tira au sort, et Sœur Jeanne-Catherine Vivian emporta le prix. Toute la communauté l'embrassa tendrement, la félicitant de son bonheur ; et elle, plus contente que toutes, ayant pris la bénédiction de sa Supérieure, s'enferma avec sa chère malade, qui, grâce à une saignée qu'on eut bien de la peine à lui procurer, en réchappa. Sœur Jeanne-Catherine prit le mal ; mais étant bien secourue, elle guérit, comme aussi trois ou quatre autres qui avaient encore été atteintes. »

[51] Un jeune abbé, proche parent de saint François de Sales, s'était noyé malheureusement en se baignant dans le Rhône ; d'après les instances des Religieuses de la Visitation de Lyon, il fut inhumé dans l'église de leur monastère.

[52] Père spirituel de la Visitation d'Orléans.

[53] Sœur A. M. de Lage de Puylaurens, élue Supérieure à l'Ascension de cette même année.

[54] Toutes les prières et remontrances de la Sainte furent vaines ; l'archevêque de Lyon s'opposa constamment au départ de la Mère M. -Aimée de Blonay : « Nos Sœurs de Valence, qui avaient besoin d'une Supérieure (dit l’Histoire de la fondation de Lyon), l'élurent sans l'avoir demandée, crainte de refus. Dès qu'on en eut la nouvelle, notre Mère Charlotte de Crémaux se jeta aux pieds de Monseigneur pour le supplier de ne pas l'accorder, disant que s'il le faisait, elle conjurerait Sa Grandeur de la déposer en même temps, parce que c'était lui ôter tout son appui et la consolation de sa charge. L'archevêque fit alors appeler notre vénérable Déposée et lui dit : « Êtes-vous cette sainte tant désirée à Annecy, tant demandée à Moulins, élue à Valence et tant utile à Lyon ? » Cette Mère vraiment humble lui répondit : « Monseigneur, je ne suis ni sainte, ni utile en quelque lieu que ce soit, étant une pauvre petite Religieuse incapable de tout. » Le prélat fut si édifié de cette humble réponse, qu'il la refusa à nos Sœurs de Valence et a toutes les autres. »

[55] La communauté de Paray, demeurant exposée aux plus grands dangers dans la ville presque entièrement déserte, obéit au désir de sainte de Chantal et se retira à la campagne « dans une haute tour, avec mille bonnes pensées que leur premier refuge était la Très-Sainte Vierge, Tour de David inexpugnable, et continuèrent à suivre les exercices religieux avec autant de régularité et de ferveur que si elles eussent été dans leur monastère ». (Fondation inédite du monastère de Paray.)

[56] « La grande peste se prit à Autun (disent les anciens Mémoires). À la première apparition du mal, la Mère de Chastellux proposa à la communauté d'user de la liberté laissée par le concile de Trente en pareille occasion, c'est-à-dire de quitter le monastère et de se retirer à la campagne. Madame de Roussillon, sa sœur, offrit à cet effet un château situé en bon air. Mais à peine la digne Supérieure eut-elle proposé ce préservatif, que toutes les Sœurs protestèrent ne vouloir pas quitter leur chère et sainte clôture, assurant qu'elles ne craignaient pas la peste, si ce n'est celle de l'âme ; et s'embrassant les unes les autres, elles se promirent de se soigner réciproquement jusqu'à la mort. »

[57] La Mère de Chaugy, dans ses Mémoires sur la vie et les vertus de sainte J. F. de Chantal (tome Ier de cette publication, page 251), raconte les touchants détails de cette entrevue.

[58] Sœur Marie-Madeleine Darlay.

[59] Peu après la réception de cette lettre, la Mère Clément partit pour la fondation de Montargis, due au zèle des Révérends Pères Barnabites. « Leur piété leur suggéra (disent les anciens Mémoires) que, comme ils avaient reçu le bénéfice de leur fondation en cette ville par notre Bienheureux Père, ils devaient le reconnaître en ses Filles, afin que, comme eux instruisaient, attiraient, et faisaient fleurir les vertus en la jeunesse de leur sexe, nos chères Sœurs servissent aussi d'un doux refuge aux filles ; c'est pourquoi ils se résolurent de poursuivre l'établissement d'une de nos maisons à Montargis, ville de passage, assez commode à vivre, portée à la piété et située au centre de la France. Mgr de Sens, Octave de Bellegarde, de qui Montargis dépend, approuva et loua ce projet. En trois jours, les Révérends Pères accommodèrent une maison, chapelle, autel et clôture, et allèrent à Orléans avec un équipage pour amener les fondatrices. » Ce furent, avec la vénérable Mère Clément, Supérieure : les Sœurs Anne-Marie Ossemont, Marie-Louise de Balot, Marie-Espérance Boutron et Marie-Thérèse Bourdon. Mgr de Sens les attendait à l'église et fit lui-même la cérémonie de l'établissement qui eut lieu le 5 octobre 1628. (Histoire inédite de la fondation de Montargis.)

[60] Voici comment la Mère de Chaugy raconte l'origine de ce monastère : « Le Révérend Père de la Rongère, très-digne Jésuite, après avoir été quelque temps à Orléans, fut appelé à Rennes, où sachant que notre Mère de la Roche, qu'il avait connue très-particulièrement, était déposée et nageait dans l'élément de son humilité en la condition d'inférieure, il lui écrivit qu'en l'état où elle était, il voyait deux choses : l'une, qu'elle avait trop de satisfaction à obéir ; l'autre, qu'il était dommage qu'une si bonne ouvrière se reposât, que ce ne serait que pour reprendre haleine. » À la sollicitation du digne Religieux, madame de la Hautaye, épouse du second président, se rendit fondatrice du monastère, et demanda la Mère de la Roche pour Supérieure. Elle s'y rendit, accompagnée des Sœurs Marie-Angélique Moüard, Anne-Radegonde Paulin, Marie-Renée de Guéroust, Marie-Henriette de Prunelay, professes d'Orléans, et Marie-Michelle de Nouvelles, professe d'Annecy. L'établissement fut fait le 27 octobre 1628. « La ville envoya ses officiers visiter la bonne Mère, couverts de leurs casaques de satin blanc passementées d'hermine, et lui offrir les services de leur république. La- réputation de la Mère de la Roche était telle, que ceux qui avaient reçu de ses lettres pour les affaires de la fondation les gardent comme reliques, et n'est pas bonnement croyable la foule et l'empressement qui furent faits pour lu voir. »

[61] La peste fit à Lyon des ravages effrayants : le premier monastère, situé à Bellecour, entre le Rhône et la Saône, fut d'abord épargné ; mais le second, malgré sa situation, une des plus salubres de la ville, eut étrangement à souffrir. Dès les premiers jours, onze Religieuses furent atteintes, et sept succombèrent en peu de temps. La maison demeurant en outre entièrement dépourvue de secours spirituels, on obligea les Sœurs que le fléau avait respectées, d'accepter l'hospitalité que leur offrait la Supérieure de Bellecour : tel était l'effroi répandu dans cette grande ville de Lyon, qu'elles ne purent trouver une voiture pour faire le trajet, et se virent contraintes de parcourir à pied les rues jonchées de cadavres. Non contente de les accueillir avec la plus vive charité, la Mère de Crémaux poussa le dévouement jusqu'à envoyer trois de ses filles à Gourguillon pour soigner les malades que la prudence empêchait de transporter à Bellecour ; deux d'entre elles moururent martyres de leur héroïque charité. Quand l'épidémie fut calmée, la petite colonie retourna sur la sainte colline de Fourrières, ne sachant si elle était plus redevable à la communauté du premier monastère qui l'avait si fraternellement accueillie, ou aux Révérends Pères Jésuites qui, au péril de leur vie, avaient abondamment pourvu les chères pestiférées des secours même matériels, et entouré leurs derniers instants de toutes les consolations de la sainte Eglise. Après la cessation du fléau, on constata qu'il avait fait, dans la seule ville de Lyon, plus de quatre-vingt-six mille victimes, parmi lesquelles on distinguait l'archevêque, Mgr Charles de Miron, mort le 6 août de cette année 1628. (Histoire inédite de la fondation du deuxième monastère de Lyon.)

[62] Les deux communautés de Lyon étaient encore réunies.

[63] Une aube qu'elle offrait en l'honneur de saint François de Sales.

[64] Veuve d'un ambassadeur du duc de Savoie à la cour d'Espagne.

[65] Le départ des Religieuses fut retardé jusqu'en 1631, sans doute à cause de la peste et des guerres qui désolèrent la Savoie.

[66] Sainte J. F. de Chantal commençait dès lors, on le voit, ce grand travail de l'Histoire des Fondations, que la Mère de Chaugy, et après elle chaque monastère de la Visitation, a continué avec tant de soin, travail qui forme aujourd'hui plus de trente volumes manuscrits, précieux trésor pour l'Institut, annales où sont consignés les traditions de famille, les plus rares exemples de vertus, les prodiges de la Providence, les événements historiques de l'époque dans leurs détails les plus intimes et les moins connus, le tout écrit avec une simplicité, une naïveté qui en double le prix.

[67] Anne de Lorraine, fille unique du duc d'Aumale, avait épousé, en 1618, Henri Ier de Savoie, duc de Nemours. Toujours elle témoigna un grand intérêt aux Religieuses de la Visitation et inspira le même sentiment à ses enfants et petits-enfants. En 1644, son fils Henri II donna au monastère d'Annecy le pré Lombard, « île spacieuse qui était comme nécessaire à l'agrandissement du clos, réduit à un très-petit espace par la construction de la nouvelle église due au zèle de la Mère de Blonay ». Quelques années plus tard, la veuve de ce prince, Élisabeth de Vendôme, frappée par le malheur, trouva refuge et consolation au pied du tombeau de saint François de Sales ; sa fille Jeanne-Baptiste, devenue duchesse régente de Savoie, se fit à son tour la protectrice de la vénérée Mère de Chaugy, qu'elle délivra des poursuites de la calomnie, et l'honora toujours d'une tendre amitié.

[68] La Mère Marguerite-Élisabeth Sauzion, ayant achevé ses trois ans de supériorité au mois de mai de cette année, fut rappelée au premier monastère de Lyon et remplacée à Paray par la Mère Anne-Éléonore de Lingendes, aussi professe de Bellecour.

[69] Le 7 février 1629, les Sœurs de Paray rentrèrent dans leur monastère que, par ordre des Supérieurs, elles avaient dû abandonner momentanément pendant la peste.

[70] La Mère Anne-Marie Rosset alla remplacer à Crémieux la Mère Fichet, que ses pressantes infirmités rendaient incapable d'exercer les fonctions de la supériorité.

[71] La peste qui semblait respecter le premier monastère de Lyon, pendant qu'il abritait si charitablement les Sœurs de Gourguillon, vint, quelque temps après le départ de ces dernières, y moissonner aussi des victimes. « Il arriva (disent les anciens Mémoires) que le tombereau des pestiférés passant près le monastère de Bellecour, un chat s'en étant approché, puis étant entré à l'intérieur, une Sœur domestique le caressa, et incontinent elle tomba malade du pourpre suivi de la peste ; deux autres la prirent d'elle et en moururent toutes trois. »

[72] Peu après son retour de Paris, la Mère A. C. de Beaumont avait été envoyée à Grenoble pour des affaires importantes.

[73] La comtesse de Date ! (voir la note de la lettre CCCLXXXVIII), après avoir durant plusieurs années porté secrètement l'habit religieux au monastère de Montferrand, et défié dans les voies de la perfection les âmes les plus généreuses, avait pu, dégagée des sollicitudes de sa famille, recevoir publiquement à Saint-Flour le voile de la Visitation. Cette héroïque veuve, connue désormais sous le nom de Sœur Anne-Thérèse de Préchonnet, était revenue à Montferrand sur la fin de son noviciat, et par une dérogation unique aux règles de l'Ordre, dérogation que justifiaient des circonstances exceptionnelles et la décision de sainte de Chantal, elle fut élue Supérieure le lendemain de sa profession. Alors brillèrent d'un nouvel éclat les grands dons que Dieu lui avait départis : plus que jamais elle sut allier dans une merveilleuse harmonie la mansuétude à la force, l'ardeur à la patience, la sûreté de coup d’œil à la vigueur de l'exécution, une grande élévation de sentiments à une touchante bonté de cœur. L'humilité la plus profonde mettait le comble à tant de mérite, et pendant que chacun applaudissait à la sagesse de son gouvernement, la Mère Anne- Thérèse s'élevait au-dessus de tous les éloges, en protestant qu'elle était une servante inutile. Élue au premier monastère de Rouen, elle ne se prévalut de l'influence attachée à son nom et à sa réputation de sainteté que pour établir un second monastère de la Visitation dans cette capitale de la Normandie, et un autre à Dieppe. Au milieu des lourdes croix dont le Ciel couronna les travaux de cette éminente Supérieure, « la sainte indifférence fut le secret de paix qui fixa pour jamais son âme dans le côté du Sauveur. » C'est la qu'elle puisa la force de supporter les contradictions qui l'attendaient à Montferrand, lorsque à son retour il fallut traiter de la fondation de Clermont. C'est enfin dans ce sacré côté qu'elle s'abîma pour jamais, le 31 juillet 1654. Sainte de Chantal avait une telle estime pour cette grande Religieuse, qu'elle n'hésita pas à dire : « Si la Visitation devait avoir une Supérieure générale, il faudrait élire la Mère de Préchonnet. » (Vies de VIII vénérables Veuves, par la Mère de Chaugy.)

[74] Mgr Antoine de Revol, d'abord chanoine régulier de Saint-Ruf, n'avait accepté l'évêché de Dol, en Bretagne, qu'à la persuasion de saint François de Sales, dont la constante amitié et la précieuse correspondance le soutinrent au milieu des sollicitudes pastorales. Après la mort du Bienheureux Évêque, Mgr de Revol sembla reporter sur la Visitation naissante la vénération qu'il professait pour son illustre Instituteur. « Ne pouvant plus le trouver sur terre en sa propre personne, il allait, disait-il, chercher les vestiges de son esprit chez ses chères Filles. » C'est aux sollicitations de ce digne prélat que s'établit en 1627 le monastère de Dol, dont il fut le fondateur temporel. Jusqu'à sa mort, arrivée le 6 août 1629, il ne cessa de prouver aux Religieuses, plus encore par ses nombreux bienfaits que par ses paroles, « qu'il les honorait comme les images vivantes de leur Bienheureux Père et les estimait comme le bonheur de son diocèse ». (Histoire inédite de la fondation de Dol.)

[75] Malgré toutes les difficultés qui semblaient nécessiter la dispersion de la petite communauté de Paray, les Révérends Pères Jésuites, éclairés d'en haut, soutinrent constamment qu'elle devait être maintenue. Ainsi, l'heureux monastère qui leur devait son existence leur dut encore sa conservation.

[76] Cette Religieuse, propre nièce de la Mère de Châtel, fut la première postulante reçue au monastère de Chambéry. C'était, selon le témoignage de sainte de Chantal, une fille de parfaitement bon conseil, ainsi qu'elle l'a spécialement montré pendant les années de son gouvernement à Aix, Gray et Chambéry. C'est en cette dernière ville qu'elle s'endormit du sommeil des justes, 30 avril 1677. (Année Sainte, Ve volume.)

[77] L'élection du 31 mai avait rendu à sainte J. F. de Chantal le titre de Supérieure du monastère d'Annecy.

[78] On lit dans l'Histoire de la fondation de Blois : « Notre chère Mère Paule-Jéronyme fut frappée d'apoplexie ; on n'attendait plus que sa mort, lorsqu'elle fut vouée à notre Bienheureux Père qui la retira des portes du tombeau, sans cependant la guérir entièrement, car elle demeura paralysée de la moitié du corps et perdit presque l'usage de ses facultés intellectuelles. En outre, elle éprouvait surtout des maux étranges et des cruelles contractions de nerfs. Les médecins, ayant employé inutilement tous les remèdes, se crurent obligés de lui en conseiller un qui pouvait entraîner de fâcheuses suites, parce qu'il l'obligeait de quitter pour quelque temps le monastère. Elle s'en défendit autant qu'elle put, dans la crainte de donner un exemple dangereux à l'Institut ; mais Mgr de Chartres lui ayant commandé sous peine de désobéissance de se soumettre à la consultation des médecins, elle passa sur toutes les autres considérations, et s'offrit à Dieu pour souffrir toutes les contradictions que la Providence lui préparait. »

[79] M. Riollé, chanoine de l'église Saint-Sauveur de Blois et Supérieur du monastère de la Visitation de cette ville, ecclésiastique d'une éminente vertu et spécialement honoré par sainte J. F. de Chantal.

[80] Bénigne de Neuchèze, baron des Francs, seigneur de Brain et de Bussy, neveu de sainte J. F. de Chantal, par sa mère Marguerite Frémyot, après s'être distingué dans la plupart des expéditions de Louis XIII, notamment à la Rochelle, fut tué au siège d'Aleth, en mai 1629.

[81] « Fils aîné de Gallois frère de saint François de Sales, jeune homme de zèle et de vertu, qui s'était dédié à l'Eglise de Dieu. »

[82] La Mère de Chaugy, dans ses Mémoires sur la vie et les vertus de sainte J. F. de Chantal, chapitre xxi de la deuxième partie, donne d'intéressants détails sur le dévouement de Mgr Jean-François de Sales pendant l'épidémie.

[83] D'après l’Histoire inédite de la fondation de Grenoble, la Mère de Livron, à la fin de ses six ans de supériorité, fut remplacée par la Mère Anne-Catherine de Beaumont, élue le 31 mai de cette année.

[84] Sœur Marie-Euphrosine Turpin, professe du premier monastère de Paris, choisie d'abord pour coopérer à l'établissement du second de cette ville, fonda en 1640 une maison de son Ordre à Amiens, où elle termina, onze ans après, une carrière plus riche de mérites que d'années. Sainte de Chantal estimait particulièrement cette fervente Religieuse, et l'employa comme secrétaire lorsque en 1636 elle travaillait à Paris à l'achèvement du Coutumier ; c'est alors qu'en témoignage de satisfaction, elle lui donna une image de la Sainte Famille, sur laquelle on lisait les lignes suivantes : « Ma très-chère fille Marie-Euphrosine, qui faites si bien et si cordialement tout ce qu'il faut pour les ouvrages de notre Bienheureux Père, tenez, voilà l'image qu'il aimait le plus à voir et dont il avait une vive représentation en son âme. Imitez l'innocence et l'obéissance de l'Enfant sacré, l'humilité et la pureté de sa sainte Mère, la simplicité et la droiture de son céleste Époux, et vous deviendrez vraie fille du Bienheureux Père que je supplie vous obtenir ces saintes vertus. »

[85] Le monastère de Crest avait été établi, le 8 mai 1628, par un petit essaim sorti de Valence. Il se composait des Sœurs Claude-Marie de la Martinière, Marie-Clémence Mistral, Françoise-Séraphine Rispe, Marie-Françoise de Gelas, une novice et une tourière. La fondatrice temporelle du nouveau monastère, mademoiselle de Bachason, ne tarda pas à y prendre l'habit religieux, sous le nom de Sœur Marie-Catherine.

[86] Les procédures faites à Orléans pour la béatification de saint François de Sales.

[87] Sœur Marie-Élisabeth Joly, professe du premier monastère de Paris dès 1620, donna des preuves d'une vertu si solide, qu'elle fut choisie plus tard pour coopérer à la réforme des filles de la Magdelaine. Elle contribua ensuite à l'établissement de la Visitation du Mans, où elle mourut en 1648, après s'être distinguée par un grand esprit de pauvreté et un grand amour de la vie cachée.

[88] La Mère Anne-Marie Bollain, professe du premier monastère de Paris, eut le bonheur d'être formée au noviciat par sainte J. F. de Chantal, qui lui inspira un zèle ardent pour la gloire de Dieu et le salut des âmes : bientôt elle fut à même de le déployer. En 1629, la marquise de Meignelay, de concert avec saint Vincent de Paul et plusieurs autres personnages de distinction, ayant obtenu de l'archevêque de Paris que le premier monastère de la Visitation de cette ville prit la direction des Filles repenties dites de la Magdelaine, la Mère Bollain fut placée à la tête de cette œuvre si difficile. Il fallait pour réussir une vertu héroïque et une capacité rare ; heureusement elle possédait l'une et l'autre. Sans faiblesse ni découragement au milieu des obstacles qui surgirent de toutes parts, les yeux fixés sur Celui qui seconde ou traverse à son gré les desseins de ses faibles créatures, elle ajourna, persévéra, recommença autant de fois qu'il plut à Dieu d'éprouver sa constance. Peu à peu cette digne Supérieure eut la joie de voir rentrer dans le bercail le plus grand nombre de ces brebis égarées. Les Constitutions qu'elle leur dressa, d'après l'avis de saint Vincent de Paul, furent approuvées en 1631 par le pape Urbain VIII, qui érigea la maison de la Magdelaine en Ordre religieux. L'estime et la confiance de ses Sœurs arrachèrent plusieurs fois la Mère Anne-Marie à son laborieux apostolat : élue en 1633 au premier monastère de Paris, à Chaillot en 1665, rappelée encore à sa maison de profession par l'élection de 1673, partout et toujours personnifiant les admirables dispositions que saint François de Sales désire à son Théotime, elle prouva que « si elle changeait de lieu, elle ne changeait pas de cœur, ni son cœur d'amour, ni son amour d'objet ; car, bien que ses occupations fussent fort différentes, elle était indifférente à toute occupation, demeurant toujours toute unie à Dieu, toujours blanche en pureté, toujours vermeille de charité, et toujours pleine d'humilité ». La Mère Bollain fut conviée aux éternelles rémunérations le 15 janvier 1683. (Année Sainte, Ier volume.)

[89] C'est-à-dire se conformer à la communauté pour la nourriture ; la santé de la Mère de Blonay, fortement ébranlée par une grave maladie, exigeait encore des ménagements.

[90] M. de Villars, ayant résolu de se rendre fondateur d'une maison de la Visitation à Condrieu, s'adressa au premier monastère de Lyon pour avoir des Religieuses. Persuadée que ce désir venait du ciel, la Mère de Crémaux lui envoya les Sœurs Marie-Denise Goubert, Marie-Catherine de Villars, Marie-Claire Bouchetel, Françoise-Marguerite de Ruffy, Claude-Françoise du Peloux, Marguerite-Charlotte Tantillon, une novice domestique et une tourière. Mgr de Villars, archevêque de Vienne, frère du fondateur, vint lui-même faire l'établissement le 1er janvier 1630, et dès lors il se plut à donner aux Filles de saint François de Sales des témoignages particuliers d'une sainte affection et d'une paternelle bienveillance. (Histoire inédite de la fondation de Condrieu.)

[91] Des personnes mal informées avaient seules pu assurer à sainte de Chantal que les Religieuses des grands Ordres rompaient la clôture pour aller aux bains. De telles sorties n'étaient tolérées que dans les abbayes déchues de la régularité primitive.

[92] En comparant cette lettre avec la précédente, il est évident qu'on y retrouve des idées identiques, ce qui donnerait lieu de croire que l'une n'est que l'ébauche de l'autre. Toutefois, l'original de cette lettre CMLXXIV, étant écrit et signé de la main de la Sainte, a droit de figurer dans la présente publication. D'autre part, la Mère de Blonay, et après elle tous les éditeurs de la correspondance de sainte de Chantal, ayant fait paraître la lettre ci-devant, il n'a pas été possible de la retrancher de cette collection.

[93] Sœur Paule-Jéronyme Favrot, reçue à Annecy par saint François de Sales, put toute sa vie, avec le grand Apôtre, se glorifier en la croix de Jésus-Christ. Son courage, son joyeux abandon, furent toujours à la hauteur de l'épreuve, et dans les circonstances les plus douloureuses, elle n'eut jamais au cœur et sur les lèvres que ces sublimes paroles : « Celle vie n'est aimable que parce qu'on y peut souffrir pour Dieu. » Obligée de partir avec les fondatrices de Dijon le jour même de sa profession, elle préluda ainsi aux sacrifices de tout genre dont chacun de ses instants devait être marqué C'est à l'ombre de la croix qu'elle établit, en 1626, le monastère de Pont-à-Mousson, et travailla, en 1632, à la réforme des Filles repenties de Nancy ; mais c'est sur la croix même qu'elle fonda dans cette ville une maison de la Visitation qui, par suite des guerres de Lorraine, se vit réduite l'espace de huit ans à la plus extrême pauvreté. L'exemple et la parole de la Mère Paule-Jéronyme soutinrent le courage de la petite communauté pendant cette longue tribulation, et inspirèrent les plus héroïques vertus. Amplement dédommagée de la privation de toutes les choses de la terre, par l'abondance des faveurs célestes, elle vit la plupart de ses filles gratifiées comme elle d'un don de contemplation très-élevé. Le 3 mai 1672, cette fidèle épouse de Jésus crucifié alla participer au triomphe de l'Époux divin, dont elle avait ici-bas partagé les ignominies et les douleurs. (Année Sainte, Ve volume.)

[94] La pieuse princesse de Conti, grande bienfaitrice du premier monastère de Paris, y occupait un appartement en dehors de la clôture. Elle était même résolue de se retirer tout à fait dans l'intérieur ; mais elle fut surprise par la mort avant d'avoir pu effectuer ce projet.

[95] Le livre des Réponses de sainte J. F. de Chantal, admirable commentaire des Règles et des Constitutions de la Visitation, fut composé d'abord à l'insu de la Sainte, par le soin des Religieuses d'Annecy et des autres maisons qu'elle visitait. Pénétrées de vénération pour la Bienheureuse Fondatrice, les Sœurs aimaient à lui poser des questions sur la pratique des observances régulières, à lui exposer leurs difficultés dans l'exercice des vertus, et chacune de noter ensuite ses Réponses avec une scrupuleuse fidélité. Les monastères se communiquant leurs recueils, peu à peu le précieux volume se forma et, alors seulement, sainte de Chantal eut connaissance du filial empressement avec lequel on recueillait ses moindres paroles. Bien que blessée dans son humilité, elle ne voulut pas anéantir le travail de ses filles et le laissa circuler dans l'Institut. Enfin, cédant aux instances réitérées qui lui furent faites, elle relut soigneusement ce manuscrit, en élagua les répétitions, combla les lacunes et autorisa la Mère Favre à le faire imprimer, mais à la condition expresse qu'il ne sortirait jamais des monastères de la Visitation. Le respect dû aux intentions si formellement exprimées par la Sainte n'a donc pas permis d'insérer les Réponses parmi ses Œuvres diverses.

[96] Les lettres de Sainte de Chantal à la Vénérable Mère Clément n'ayant pas été conservées, on a dû se borner à reproduire la réunion de plusieurs fragments tels qu'ils se voient dans sa Vie manuscrite gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

[97] Le transfert de la communauté de Dol dans une autre ville devenait nécessaire à cause de l'insalubrité du climat, dont les Religieuses avaient beaucoup à souffrir.

[98] L'original de cette lettre, fractionné en deux parties, ainsi qu'on le voit à Paris aux Archives nationales, fonds français, n° 3397, ayant été relié à rebours, un des derniers éditeurs de la Correspondance de sainte de Chantal a publié ces fragments comme deux lettres différentes, bien qu'ils n'en forment qu'une seule, reproduite ici textuellement.

[99] On sait que Mgr Frémyot avait assuré à la Sainte une pension viagère.

[100] Quoique les Religieuses de la Visitation demeurassent fidèles à la maxime de la Vénérable Mère de Chantal : Seconder les desseins de la Providence sans les devancer, chaque année cependant voyait naître de nouvelles maisons de leur Institut. Au printemps de 1630 la petite ville de Digne réclama à son tour des Filles de saint François de Sales. M. Albert, curé du lieu, fut le premier inspirateur de cette fondation, marquée plus que nulle autre peut-être du sceau de la croix. Lorsque la Mère Jeanne-Hélène de Gérard et ses compagnes partirent d'Embrun pour répondre au désir du pieux ecclésiastique, la ville était ravagée par la peste ; aussi les habitations se fermaient sur leur passage, tant on redoutait qu'elles n'apportassent quelque germe contagieux. Arrivées à Digne, on refusa de les recevoir, et elles se virent contraintes de faire quarantaine à la campagne. Enfin leur constance triompha de tous les obstacles. « Monsieur le lieutenant général fit crier à son de trompette que l'on eût à les recevoir solennellement. Messieurs du chapitre et de la justice les vinrent prendre processionnellement à l'entrée de la ville et les conduisirent avec chants et acclamations populaires à leur maison de louage, où l’établissement fut fait avec toute solennité. » (Histoire inédite de la fondation de Digne.)

[101] La Mère Michel, devant partir prochainement pour Besançon, avait fait procéder le 7 avril à une nouvelle élection, qui plaça à la tête de la communauté de Dijon la Mère Françoise-Jéronyme de Villette.

[102] Cette Religieuse, rendue à la santé par l'intercession de saint François de Sales, vécut encore jusqu'en juin 1631.

[103] Au printemps de cette année 1630, la Savoie avait eu à subir les désastres de l'invasion étrangère : Annecy osa d'abord résister aux armes victorieuses de Louis XIII. Obligés de se rendre, les magistrats obtinrent du maréchal de Châtillon, commandant en chef de l'armée française, une capitulation honorable, dont l'une des clauses stipulait « que le corps du vénérable François de Sales ne pourrait jamais être déplacé ni porté hors d'Annecy ».

[104] Fille de Henri IV et de Marie de Médicis, avait épousé en 1619 Victor-Amédée, duc de Savoie. Cette princesse est ordinairement connue dans l'histoire sous le nom de Madame Royale, parce que le duc son époux est le premier de sa dynastie qui ait exigé le titre d'Altesse Royale, donné depuis à ses successeurs.

[105] Ce monastère doit son existence à la piété de madame Hardouin, qui, frappée des maximes de haute perfection contenues dans l’Introduction à la vie dévote, se disait souvent à elle-même : Si le saint Évêque de Genève en exige tant des personnes du monde, que ne doit-il pas demander de ses Religieuses ? Elle était occupée de cette pensée lorsqu'une nuit elle crut entendre le Bienheureux lui adresser ces douces paroles : « Contribuez à l'établissement de mes filles, et vous glorifierez Dieu. » Dès lors elle poursuivit son entreprise avec un redoublement de courage. Monseigneur de Nantes, Philippe Cospéan, n'accorda les permissions qu'a la condition expresse de voir la Mère de Bressand faire elle-même cette fondation, car, assurait-il, « il n'y a point de Supérieure semblable en tout l'Institut ». En juillet, la communauté de Moulins dut donc, à son grand regret, voir partir cette vénérable Mère, accompagnée des Sœurs Marie-Marguerite d'Épineul, Marie-Charlotte de Feu, Marie-Catherine Durye, Marie-Marthe Dubois et Marie-Augustine de Servy. Toutefois, la cérémonie de l'établissement ne se fit que le 25 septembre. « Nous devons estimer notre pays bien fortuné, disait l'évêque de Nantes, puisque Dieu lui a fait don d'une sainte en la personne de la Mère Marie-Constance. Par ses prières et celles de ses compagnes, elle attirera les bénédictions du ciel sur la ville. » (Histoire inédite de la fondation de Nantes.)

[106] Le 28 juin 1630, la communauté de Moulins élut pour Supérieure Sœur Marie-Angélique de Bigny.

[107] Cette Religieuse, après avoir édifié pendant trois ans la communauté d'Autun, où elle avait été envoyée en qualité d'assistante, était rentrée au monastère de Moulins.

[108] Recevoir à la profession des filles de la Magdelaine.

[109] Sœur Marie-Simone Tollue, native de Chartres, passa de cette cité dévouée au culte de la Vierge Mère dans l'humble Institut de la Visitation. Entrée au premier monastère de Paris à l'âge de quarante-deux ans, elle parut tout d'abord formée aux exercices des parfaits ; aussi la jugea-t-on capable, peu après sa profession, de seconder la Mère Bollain dans la conduite des Filles de la Magdelaine. Cette fervente Religieuse s'y dévoua au péril de sa vie, plusieurs fois menacée par quelques misérables obstinées, qui, pour toute vengeance, ne reçurent que de nouvelles marques de tendresse. Le spectacle d'une si héroïque charité opéra de merveilleux changements dans la maison, qui fut dès lors embaumée des parfums de la pénitence ; ceux de l'amour de cette épouse fidèle réjouissant le divin Époux, Il se hâta de l'appeler à Lui (13 octobre 1632). Saint Vincent de Paul, présent à la mort de Sœur Marie-Simone, dit qu'il n'avait jamais vu de fin plus radieuse, et crut pouvoir assurer « que son esprit victorieux était monté dans un chariot de feu au séjour de la gloire ». (Vies de IX Religieuses de la Visitation, par la Mère de Chaugy.)

[110] Mgr Alphonse-Louis du Plessis-Richelieu, frère du célèbre ministre de Louis XIII, après avoir vécu pendant vingt ans dans l'Ordre des Chartreux, avait été promu au siège archiépiscopal d'Aix, puis transféré en 1629 à celui de Lyon, et le 10 novembre de cette même année honoré de la pourpre romaine. Il se signala par son zèle et sa charité jusqu'à sa mort, arrivée le 23 mars 1653.

[111] On sait que la Mère de Bressand était professe de la Visitation de Grenoble et, comme telle, dépendait de l'évêque de cette ville.

[112] Pendant que de grands seigneurs ou d'éminents prélats appelaient les Religieuses de la Visitation dans la plupart des villes de Fiance, une pauvre fille du peuple leur procurait une fondation a Besançon ; elle se nommait Madeleine-Adelaine. Dieu, qui aime à choisir ce qu'il y a déplus faible aux yeux du monde pour confondre ce qu'il y a de plus fort, l'avait préparée à cette œuvre difficile en lui donnant de hautes lumières sur ce verset du Magnificat : Fecit potentiam in brachio suo, etc. Aussi pendant dix ans, ni les huées du peuple, ni les rebuts des magistrats, ni les oppositions de l'archevêque, ne purent vaincre sa constance. Le 25 août 1630, ses efforts furent enfin couronnés par l'établissement définitif du monastère. Les Religieuses fondatrices venues de Dijon étaient, avec la courageuse Mère Marie-Marguerite Michel, les Sœurs Catherine-Élisabeth de la Tour, Jeanne-Marguerite de Berbisey, Marie-Dorothée de Velleclef, Marie-Thérèse Chassignet, Marie-Agnès Charmigney, Marie-Séraphine Monnier, Madeleine-Angélique Boulier, Marie-Ignace Naime, Marie-Françoise de la Tour-Remelon, et une postulante, mademoiselle de Grammont. Histoire inédite de la fondation de Besançon.)

[113] L'élection du 16 mai 1630 avait donné pour Supérieure au monastère de Riom Sœur Marie-Catherine Chariel.

[114] La Mère de Bréchard se proposait d'insérer une notice sur la Sœur C. F. Roget, dans l'Histoire de la fondation du monastère d'Annecy, qu'elle rédigeait alors.

[115] Sœur Marie-Agnès Joly de la Roche, après avoir reproduit au noviciat de Chambéry les vertus de saint Louis de Gonzague, fut conviée, le 29 juin 1629, avant la fin de son année de probation, à contempler au ciel la gloire de cet aimable saint.

[116] La Bienheureuse Marguerite d'Arbouze, de l'Ordre de Saint-Benoît, célèbre par la réforme de l'abbaye du Val-de-Grâce, qu'elle entreprit en 1619, mourut quelques années plus tard en odeur de sainteté.

[117] Ces paroles : « Ils savent tous l'aversion que j'ai à leur manière de parler », ne donneraient-elles pas à entendre que la Sainte entrevoyait déjà l'abîme où allait se précipiter Port-Royal ? Pouvait-elle, d'ailleurs, mieux juger les austères maximes du Jansénisme qu'en les comparant à la doctrine simple, solide et aimable de son Bienheureux Père ?

[118] « Sœur Anne-Madeleine Le Tilier, professe du premier monastère de Paris, était douée d'un esprit excellent, au-dessus du commun (dit la Mère de Chaugy) ; mais la Providence emprisonna cette belle âme dans un petit corps tout bossu et voûté. Ses infirmités la rendaient toujours plus courageuse, dévote et aimable : la paix et la suavité étaient les ornements de son visage, et la douce charité, celui de son cœur. Elle avait passé plus de dix-huit ans en Religion, tant à notre première maison de Paris qu'à celle de Rouen, où elle fut envoyée en fondation, quand, le 23 janvier 1639, Notre-Seigneur serra ce bon grain dans son grenier. » (Année Sainte, Ier volume.)

[119] Cette Religieuse, professe de Grenoble, expérimenta pendant cinquante-six ans de vie claustrale que « le Seigneur est bon à ceux qui espèrent en Lui, et à l'âme qui Le cherche ». Dès son entrée au monastère, elle montra tant d'élévation de sentiment, tant d'abnégation et de sagesse, que bientôt ses Supérieurs purent lui confier la conduite des Filles repenties de Grenoble, dont la Visitation avait accepté la direction. Après quelques années de ce laborieux apostolat, Sœur Marie-Félicienne gouverna successivement les communautés de Tarascon et de Digne. Partout et toujours elle se distingua par un zèle ardent pour le maintien de l'observance et une tendre dévotion envers la divine Eucharistie, jusqu'au jour où il lui fut donné de contempler face à face dans les splendeurs de la patrie Celui qu'elle avait tant aimé parmi les ombres de l'exil. (Année Sainte, IVe volume.)

[120] La Mère Anne-Marie de Lage de Puylaurens.

[121] Ces nouvelles sont consignées dans la fondation du monastère de Chambéry ; en voici quelques détails : « La peste, suivant toujours la guerre et la famine, vint donner ses coups sur notre pauvre ville et y fit un grand ravage. S'approchant de notre monastère, elle s'attaqua tout premièrement à une Sœur tourière qu'elle emmena en deux jours en l'autre monde ; mais, par la grâce de Notre-Seigneur, elle se contenta de cette bonne Sœur et n'entra pas plus avant... La plus sensible de toutes les douleurs que la calamité apporta au cœur de notre digne Mère de Châtel et de ses filles, fut de voir que la peste emmena le Père recteur des Jésuites, le Père vice-recteur nommé Jean Bertrand, vrai Père de la Visitation, et cinq ou six autres, auxquels la chère Mère eut la consolation de rendre tous les petits services dont elle se put aviser... »

[122] « Ce monastère (dit la Mère de Chaugy) eut pour premier et principal fondateur la Providence divine, qui inspira à M. de Bractuit, chanoine de la cathédrale et conseiller au parlement, un zèle infatigable pour poursuivre cette sainte entreprise. » Bien que plusieurs personnes de distinction unissent leurs instances à celles de ce digne ecclésiastique, les exigences des magistrats ajournèrent pendant plusieurs années l’établissement, qui se fit enfin le 27 octobre 1630. Les fondatrices, venues du premier monastère de Paris, étaient, avec la Mère Anne-Marguerite Guérin, les Sœurs Marie-Charlotte Foras de Bernard, Jeanne-Élisabeth Édeline, Anne-Madeleine Le Tilier, Jeanne-Françoise le Comte, Anne-Catherine de La Motte Labbé, Anne-Marie de France, Marie-Louise Cloutier, une novice et une Sœur tourière. (Histoire inédite de la fondation du premier monastère de Rouen.)

[123] Sœur Françoise-Marguerite Favrot, après avoir fondé et gouverné pendant six ans le monastère de Marseille, reçut l'ordre de revenir à Annecy. Elle se mit immédiatement en route, malgré les prières de sa communauté qui lui représentait les difficultés du voyage à travers un pays ravagé par la peste. À toutes les objections, cette âme pleine de foi se contenta de répondre : « Dieu ouvre les chemins à ceux qui ouvrent leur cœur à l'obéissance. » Arrivée à Lyon, elle fut atteinte d'une fièvre maligne qui, en peu de jours, la conduisit aux portes du tombeau.

[124] Cette lettre trouva en effet Sœur Françoise-Marguerite sur le seuil de l'éternité. « Calme et radieuse elle s'envola, le 29 octobre 1630, dans ce bienheureux séjour où étaient son trésor et son cœur. » (Livre des Vœux du premier monastère d'Annecy.)

[125] Plusieurs difficultés s'opposèrent à la réussite de cette fondation.

[126] La Mère Anne-Thérèse de Rajat, appelée à Arles par Mgr Gaspard du Laurens, archevêque de cette ville, pour travailler à la réforme d'une communauté d'Urbanistes, s'y était rendue avec plusieurs professes du monastère d'Aix dont elle était Supérieure. Le 12 juillet 1629, elles eurent la consolation de voir cette maison définitivement unie à leur Institut, avec l'approbation du souverain Pontife : toutes les anciennes Religieuses, à l'exception d'une seule, prirent l'habit de la Visitation et en embrassèrent la Règle avec une ardeur qui ne se démentit jamais. (Histoire inédite de la fondation d'Arles.)

[127] Ce projet de fondation ne put jamais se réaliser.

[128] Le monastère de Bellecour avait tout récemment profité de l'autorisation de sainte de Chantal en faisant une fondation au Puy. Cet établissement rencontra d'abord des oppositions puissantes, qu'aplanit l'intervention de la reine Anne d'Autriche. « À peine la peste eut-elle cessé dans cette ville, où il était mort près de dix mille personnes ; la famine y était encore et la guerre de tous côtés (disent les anciens Mémoires), lorsque Dieu, contre l'intention des hommes, nous y fit entrer et nous y établit, on peut dire miraculeusement, ayant tellement changé les cœurs et les volontés de ceux qui s'y opposaient le plus, qu'enfin par le consentement de Mgr l'évêque et celui des magistrats et consuls, nous fûmes reçues et établies le 21 novembre 1630, jour de la Présentation de Notre-Dame. » Les Religieuses fondatrices étaient, avec la Mère Anne-Élisabeth Perrin, les Sœurs Marie-Thérèse Aimon, Marie-Augustine Guignant, Marie-Suzanne Jomaret et Marie-Claire Bouchetel. (Histoire inédite de la fondation du Puy.)

[129] Le monastère de Montferrand jouissait depuis quatorze mois de la plus sainte paix sous la conduite de sa digne Supérieure, quand il plut à Notre-Seigneur d'affliger celle-ci en retirant de ce monde madame de Montfan, sa mère ; « et comme cette dame avait paru plus généreuse et splendide qu'épargnante et ménagère (disent les anciens Mémoires), elle laissa sa maison extrêmement surchargée de dettes et d'affaires embrouillées. Il fut jugé à propos, selon la douceur de l'esprit de notre saint Fondateur, que cette chère Sœur de Préchonnet n'abandonnât point ses enfants en ce besoin, c'est-à-dire qu'elle examinât les papiers et les comptes, et donnât toute l'intelligence possible aux procureurs et hommes d'affaires. »

[130] La Mère Rosset ayant résolu, malgré la pénurie dans laquelle se trouvait sa communauté, de commencer à bâtir un monastère régulier, avait acquis à très-haut prix le terrain nécessaire, ce dont on la blâmait ouvertement. Mais le Seigneur justifia la conduite de sa servante, en permettant que les ouvriers découvrissent dans ce lieu même une abondante carrière de pierres qui suffit à toutes les constructions.

[131] La Vénérable Mère Claude-Agnès Joly de la Roche fut conviée aux noces éternelles le 30 décembre 1630. Sainte de Chantal a consacré les lignes suivantes à sa mémoire dans le Livre des Vœux du premier monastère d'Annecy : « Elle exerça toutes les premières charges de l'Institut avec une humilité, prudence, support et patience tout à fait remarquables. À l'imitation de quelques grands serviteurs de Dieu, cette vraiment sainte Religieuse cherchait l'humiliation et le mépris d'elle-même avec une avidité nonpareille ; elle aimait tant ces chères vertus que, s'il lui eût été loisible, elle eût fait des actes de folie pour se faire mésestimer et mépriser. Notre-Seigneur lui avait donné les vertus de douceur et de patience si pleinement qu'elle semblait n'avoir plus de sentiments contraires. » — « Ma douleur est d'autant plus juste (dit ailleurs la Sainte) que, perdant notre Mère Agnès de la Roche, notre Institut perd un de ses plus dignes sujets. Nous lui avons toutes des obligations infinies, et son souvenir chez nous mérite l'immortalité. C'est elle qui a eu soin de recueillir les cahiers de notre Bienheureux Père et la plupart de ses sermons. Elle avait la mémoire si heureuse qu'elle récitait mot à mot ce que ce grand prélat avait prêché plusieurs jours auparavant. »

[132] Sœur Anne-Françoise de Clermont Mont-Saint-Jean.

[133] Cette lettre est une réponse à celle que la Mère Clément écrivit à sainte de Chantal, en date du 9 janvier 1631.

[134] Pendant l'occupation de la Savoie par les Français.

[135] Madame de Toulonjon s'était retirée pendant quelques jours au monastère d'Autun, afin de puiser dans la prière la force de supporter toutes les inquiétudes auxquelles son âme était en proie. M. de Toulonjon, après avoir pris une part active à l'expédition d'Italie en 1630, avait été nommé gouverneur de Pignerol ; mais cette place encore mal fortifiée fut pendant plusieurs mois en butte aux continuelles attaques de l'ennemi, que favorisaient encore les ravages effrayants de la peste. Un tel état de choses ne permit à madame de Toulonjon de se rendre à Pignerol qu'après le traité de paix de Cherasco (1631), qui fit cesser les hostilités des puissances belligérantes.

[136] La Mère Marie-Éléonore Gontal, entrée à la Visitation de Lyon en 1621, mérita jeune encore ce bel éloge de sainte de Chantal : « J'ai reconnu en notre grande novice un jugement sage, un esprit religieux, une conduite généreuse, et toutes les qualités nécessaires pour donner un bon fondement à nos maisons. » D'après le désir de la Sainte, elle fut adjointe en 1623 aux Sœurs d'Annecy qui allaient établir une maison de leur Ordre à Marseille, y succéda six ans plus tard à la Mère F. M. Favrot, fit la fondation de Nice en 1635, puis revint gouverner successivement les deux monastères de Marseille. Ce fut au premier de cette ville qu'elle s'endormit dans le Seigneur en 1676, après avoir porté pendant trente-trois ans le fardeau de la supériorité. Les rares talents et le mérite bien connu de la Mère Gontal lui valurent ce témoignage d'un grand évêque : « Je n'ai jamais vu de Religieuse plus solidement établie dans la vertu ; je lui ai trouvé l'esprit et la douceur de saint François de Sales. » (Année Sainte, VIe volume.)

[137] Mgr Pierre Fenouillet, natif d'Annecy, s'était distingué de bonne heure par son talent oratoire. Après l'avoir entendu pendant trois carêmes, Henri IV le choisit pour son prédicateur ordinaire, et en 1607 le nomma à l'évêché de Montpellier. Le nouveau prélat eut le bonheur d'être soutenu par les conseils de saint François de Sales, et s'efforça d'imiter les vertus et le zèle de cet illustre ami, qui lui portait « beaucoup d'amour, d'honneur, de respect et de révérence ». La profonde vénération que Mgr Fenouillet conserva toujours au Bienheureux Fondateur de la Visitation lui inspira le désir d'établir une maison de cet Ordre en sa ville épiscopale. Jusque dans les bras de la mort (1652), il voulut donner une preuve d'affection au monastère et de dévotion à saint François de Sales, en ordonnant que son cœur reposât dans la chapelle qu'il avait fait construire en l'honneur de ce Saint, à la Visitation de Montpellier, « n'ayant jamais aimé personne, disait-il, plus qu'il n'avait aimé Mgr de Genève ».

[138] La Mère Favre, cédant aux instances de l'évêque de Troyes, qui désirait transformer en monastère de la Visitation un ancien couvent de sa ville épiscopale, partit en mai 1631, accompagnée des Sœurs Claire-Marie et Jeanne-Françoise Amaury, Françoise-Madeleine Ariste, Marie-Catherine Goulu et deux novices. Mais les magistrats, blessés de ce que cette affaire s'était traitée sans leur participation, résolurent de s'opposer à l'entrée des Religieuses. Dans ce but, ils les attendirent aux portes de la ville ; le prélat voulut interposer son autorité, une longue discussion s'ensuivit, quand tout à coup le maire s'adressant à la Supérieure : « Voudriez-vous donc faire violence à la cité ? » lui dit-il. — « À la cité du ciel, oui, répondit la Mère Favre, mais à celles de la terre, oh non !... » Cependant on obligea la petite troupe à se retirer dans une maison de campagne, où, pendant six semaines, elle eut à lutter contre les difficultés les plus inattendues. La constance des Filles de saint François de Sales triompha du mauvais vouloir des magistrats, et le 6 juillet elles furent solennellement installées à Troyes, au grand contentement de ceux-là mêmes qui s'étaient le plus opposés à leur réception. (Histoire de la fondation du monastère de Troyes.)

[139] La Sainte le croyait ainsi ; mais de graves difficultés obligèrent la Mère Favre de prolonger son séjour à Troyes, comme on le voit à la note de la p. 524.

[140] Voir pour la fondation de Montpellier la note de la page 529.

[141] La Mère de Beaumont, répondant aux sollicitations de Mgr d'Apt, envoya dans cette ville quatre de ses Religieuses, auxquelles on adjoignit les Sœurs F. -Catherine de Pingon, professe d'Annecy, et F. -Angélique Moynet, professe de Thonon. La Mère de Châtel, visitant alors au nom de la sainte Fondatrice les monastères du Midi, assista à l'établissement de celui d'Apt, qui eut lieu le 6 juillet 1631. Elle y demeura six semaines, et laissa pour Supérieure Sœur M. -Marguerite de Rajat, professe de Grenoble.

[142] La fondation de Sisteron, préparée par les soins de la gouvernante de cette ville, dame aussi pieuse que distinguée, se fit le 20 juin 1631. La Mère Jeanne-Hélène de Gérard, Supérieure à Embrun, y conduisit quelques-unes de ses Religieuses avec deux professes de Grenoble et deux de Chambéry ; quelques mois plus tard elle leur procura pour Supérieure la Mère M. -Françoise de Livron, professe d'Annecy. — (Fondation inédite du premier monastère de Grenoble.)

[143] La Mère Louise-Dorothée de Marigny, proche parente de saint François de Sales, eut le bonheur d'être voilée de ses mains, au monastère d'Annecy. Nommée en 1631 Supérieure de la fondation de Montpellier, elle s'unit dès lors si étroitement à la croix et au Cœur de Jésus, pour entrer dans la carrière du sacrifice absolu de soi-même, qu'elle mérita cet éloge de ses contemporaines : « C'était une âme avantagée d'une grande prudence, sagesse, piété, et d'une vraie droiture. Elle était d'un bon conseil, d'un solide jugement, d'un esprit fort mâle et généreux, zélée à l'observance, qu'elle a fait pratiquer à la rigueur pendant les trente et un ans qu'elle a été Supérieure en nos monastères de Montpellier, du Puy, Billom et Moulins. La sincérité, rondeur et bonne foi étaient ses chères vertus. C'était une âme à l'abri du respect humain, incapable d'un détour et d'un manque de simplicité, un esprit droit et bien intentionné, qui ne cherchait que Dieu, son bon plaisir et sa plus grande gloire, ce qui attira sur sa conduite toutes bénédictions spirituelles et temporelles. » Rentrée à Annecy, la Mère de Marigny comprit bientôt qu'elle aurait à subir un autre martyre plus douloureux que celui du travail. Sans retour sur le passé ni prévoyance pour l'avenir, elle s'abandonna pleine de foi au Seigneur et entra dans l'arène. Un horrible cancer fut l'instrument de supplice qui la tortura pendant quatre ans, sans qu'il lui échappât ni plainte ni gémissement. Le 16 octobre 1669, la généreuse victime put entonner le cantique de la délivrance : « Bienheureux ceux qui oui lavé leurs vêtements dans le sang de l'Agneau. » (Livre des Vœux du premier monastère d'Annecy.)

[144] La Mère de Chastellux accepta l'élection et se rendit à Bourg.

[145] Cette Religieuse, entrée au premier monastère de Paris à l'âge de vingt-huit ans, racheta par une ferveur exemplaire ses délais à répondre au divin appel. Le Père dom Juste Guérin ayant eu occasion de la voir, lorsqu'elle était portière, dit à sa Supérieure : « J'ai remarqué en cette fille trois vertus qui la doivent faire estimer pour une des plus chères héritières de l'esprit du Bienheureux Fondateur : l'amour à la petitesse, la véritable candeur et simplicité, et la piété qui lui rendent vénérables toutes les actions petites et grandes de la vie religieuse. » Effrayée du projet qu'on formait de la nommer Supérieure de la fondation du Mans, Sœur Anne-Louise pria le Ciel avec tant d'instance de ne pas l'exposer au péril des honneurs que ses vœux furent exaucés. Le 6 octobre 1633 elle allait recevoir la récompense promise aux humbles de cœur. (Vies de IX Religieuses de la Visitation, par la Mère de Chaugy.)

[146] La Visitation de Meaux avait été fondée le 14 juin de cette année 1631, par un petit essaim sorti du premier monastère de Paris. Il se composait des Sœurs Marie-Geneviève de Furnes, Marie-Anastase Pavillon, Marie-Simone d'Attilly, de deux autres professes, une novice, et trois jeunes filles pour le petit habit. « Le nouveau monastère fut bientôt en grande estime : on l'appelait le rempart et le boulevard de la ville, un paradis terrestre florissant en vertus et dévotion. » (Histoire de la fondation du monastère de Meaux.)

[147] La lettre du Père dom Galice, à laquelle fait allusion sainte de Chantal, est datée du 30 mai 1631.

[148] La fondation du monastère de Montpellier avait été faite le 19 juin de cette année 1631 par des Religieuses d'Annecy. C'étaient, avec la Mère Louise-Dorothée de Marigny, les Sœurs Gasparde-Angélique Brunier, Marie-Renée Fabert, Marie-Marguerite de Vallon, Marie-Jacqueline Grassis et Marie-Éléonore de Nouvelles. « Le lendemain de leur arrivée (dit l'Histoire de la Fondation), les Sœurs furent visitées de tous les magistrats, de MM. les chanoines de l'église cathédrale de Saint-Pierre, suivis d'un nombreux clergé, de M. le juge-mage, chef du sénéchal et présidial, de MM. de la noblesse, des gouverneurs de la ville et citadelle et des supérieurs des Ordres religieux, tous faisant des grandes bienvenues et des offres de service, assurant dans leurs belles harangues que l'arrivée des Religieuses était une des plus grandes grâces que Dieu eût faites depuis longtemps à la ville et à la province. En sortant du monastère, ils se rendirent tous à l'évêché pour remercier Mgr Fenouillet, qui dit aux Religieuses en pleurant de joie : « J'ai fait venir des Capucins et des Jésuites en cette ville, j'y ai prêché deux carêmes et fait plusieurs autres choses dont jamais le corps de ville ne m'avait dit grand merci, et depuis votre arrivée, j'ai prou à faire d'écouler tous les remercîments que je reçois pour vous avoir appelées. »

[149] La Mère Marie-Philiberte Aysement, professe de Lyon, envoyée en 1622 à la fondation de Saint-Étienne, y succéda à la Mère Françoise-Jéronyme de Villette, puis gouverna successivement les monastères d'Apt, Riom et Montbrison. Toujours et partout sa conduite interpréta mieux encore que ses paroles cette grande maxime qu'elle se plaisait à répéter : « Observer parfaitement la Règle ou mourir. »

[150] Le 5 juin 1631, la Mère Marie-Aimée de Blonay avait été de nouveau élue Supérieure -du premier monastère de Lyon.

[151] Ce ne fut point la Sœur de Sainte-Colombe, mais la déposée de Lyon, Sœur Catherine-Charlotte de Crémaux de la Grange, qui fut envoyée à Condrieu.

[152] On appelait ainsi les individus que, à tort ou à raison, on accusait d'entretenir la contagion.

[153] La peste ayant éclaté à Crémieux, chacun s'empressa de fuir à la campagne, et la petite communauté resta dépourvue de tout secours. Comme il n'y avait pas de puits dans la clôture, on était obligé de s'exposer à un danger imminent en faisant chercher l'eau à la ville infectée. La Sœur tourière qui s'acquittait de ce service se trouva promptement atteinte du mal, et mourut au bout de trois jours. Le soir même où il se déclara, elle avait préparé le souper des Religieuses, « ce que sachant le médecin, il dit qu'elles ne pouvaient assez tôt faire des fosses pour s'enterrer toutes. Mais la Supérieure fit vœu que s'il plaisait a Dieu les préserver, par les intercessions de notre Bienheureux Père, elles offriraient à son tombeau une petite représentation en argent de leur monastère ; et, quoiqu'elles fussent toutes dans un péril évident, pas une depuis ne prit le mal, ni même ne l'appréhenda. » (Histoire inédite de la fondation de Crémieux.)

[154] La Mère Marie-Angélique de Bigny avait effectivement fait partir les huit Religieuses destinées à la fondation du Croisic ; mais rien n'étant encore disposé pour le nouvel établissement, elles durent séjourner plusieurs mois au monastère de Nantes. Grâce au zèle et au dévouement de la Mère de Bressand, qui en était Supérieure, leur installation au Croisic put avoir lieu le 28 septembre de cette année 1631.

[155] « La ville de Crémieux arriva à une telle extrémité qu'il n'y avait plus que quelques femmes et les nettoyeurs, ce que M. le Père spirituel ayant vu, et qu'il fallait, ou que les Religieuses mourussent de soif, ou qu'elles allassent elles-mêmes chercher l'eau, leur commanda de sortir de la ville et les fit conduire dans un château, où elles gardaient une exacte clôture et faisaient tous les exercices religieux avec une grande exactitude et édification du peuple. » (Histoire médite de la fondation de Crémieux.)

[156] Depuis plusieurs années, madame de Vaudan négociait sans succès l'établissement d'un monastère de la Visitation à Aoste, quand tout à coup « Dieu permit que la ville fût attaquée de la peste, et plusieurs des opposants moururent, entre lesquels il y en eut deux qui, près de mourir, dirent que leur cœur était tourmenté de peines insupportables, d'avoir empêché la gloire de Dieu en s'opposant à l'établissement des Religieuses. Le Père Hugenet prit de là occasion de prêcher dans des termes si forts et si énergiques, il fit une telle impression sur les esprits et sur les cœurs que toutes les permissions furent accordées », et les fondatrices que madame de Vaudan avait demandées au monastère de Chambéry arrivèrent en octobre 1631. C'étaient les Sœurs Françoise-Gasparde Favier, Jeanne-Séraphine de Chamousset et trois autres, auxquelles sainte de Chantal adjoignit une professe d'Annecy, Sœur M. -Bonaventure de Nouvelles. « Les principaux de la ville allèrent les visiter et s'en retournèrent en disant qu'ils avaient vu des Anges et non des créatures mortelles. » (Histoire inédite de la fondation d'Aoste.)

[157] La communauté de Dol, ayant été continuellement éprouvée par l'insalubrité du climat de cette ville, n'avait jamais pu établir l'observance de la Règle. Sur vingt Religieuses, quatorze étaient malades en même temps. Aussi, d'après le conseil de sainte J. F. de Chantal, le monastère se transféra à Caen le 26 juillet 1631.

[158] La peste, qui en 1628 avait fait d'effrayants ravages à Blois, éclata de nouveau dans cette ville en 1631. La courageuse Mère Paule-Jéronyme était bien résolue, comme lors de la première apparition du fléau, d'affronter tous les dangers plutôt que de quitter la clôture ; « mais la peste devenant plus violente (disent les anciens Mémoires), on l'obligea, par principe de conscience, à se retirer à la campagne, quelque peine qu'éprouvât son bon cœur à abandonner deux ou trois de ses filles frappées du mal. Elle les laissa aux soins de cinq ou six autres Religieuses qui s'étaient généreusement offertes à les soigner. »

[159] Sœur Marie-Denise Goubert, Supérieure déposée de Condrieu, dont il est souvent question dans les lettres de cette époque.

[160] La peste faisant de grands ravages dans la ville de Riom, Mgr de Clermont ordonna à toutes les communautés religieuses d'en sortir. Les Filles de la Visitation se rendirent dans un château voisin nommé le Châtelar, où elles furent accueillies avec joie par la marquise de Montmorin, qui leur avait préparé un appartement entièrement séparé du sien. Elles y chantaient l'Office et suivaient leur Règle avec autant d'exactitude que si elles avaient été dans un monastère.

[161] C'est-à-dire, éprise de la vanité et des plaisirs du monde.

[162] La lettre placée en tête du volume des Réponses de la Sainte.