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LA LÉGENDE DORÉE

Des fêtes qui arrivent dans le temps de la rénovation, temps que l’Église reproduit à partir de l’Avent jusqu'à la Nativité du Seigneur.

 

L'AVENT DU SEIGNEUR

 

L'Avent du Seigneur est renfermé dans quatre semaines pour marquer les quatre sortes d'avènements de Jésus-Christ, savoir : en la chair, en l’esprit, en la mort et au jugement. La dernière semaine n'est pas tout à fait complète, parce que la gloire qui sera accordée aux saints, lors du dernier avènement, n'aura jamais, de fin. C'est aussi la raison pour laquelle le premier répons du 1er dimanche d'Avent a quatre versets, y compris le Gloria Patri, afin de désigner ces quatre avènements. C'est au lecteur à juger dans sa prudence auquel des quatre il préfère donner son attention. Or, bien qu'il y ait quatre sortes d'avènements, cependant l’Église s'occupe spécialement de deux; celui en la chair et celui du jugement, dont elle semble faire la mémoire : comme on le voit dans l’office de ce temps. De là vient encore que le jeûne de l’Avent est en partie (2) un jeûne de joie et en partie un jeûne de tristesse *; car en raison de l’avènement en la chair, c'est un jeûne de joie, et en raison de l’avènement du jugement, c'est un jeûne de tristesse.

Et pour l’indiquer, l’Eglise chante alors quelques cantiques de joie, à l’occasion de cet avènement de miséricorde et de jubilation; elle en omet quelques autres, à cause de l’avènement d'une justice pleine de sévérité et d'affliction.

Par rapport à l’avènement en la chair, on peut établir trois considérations : son opportunité, sa nécessité et son utilité. L'opportunité se tire en premier lieu du côté de l’homme qui, d'abord, sous la loi de nature, fut convaincu d'avoir perdu la connaissance de Dieu : de là sa chute dans les abominables erreurs de l’idolâtrie et l’obligation dans laquelle il se trouva de crier et de dire : « Seigneur, éclairez mes yeux... » (Illumina ocidos meos, Ps. XII). Vint ensuite le commandement de la loi sous laquelle l’homme fut convaincu d'impuissance. Auparavant il criait : « Tous sont disposés à obéir, mais il n'y a personne pour commander; » il était seulement instruit, mais non délivré du péché; aucune grâce ne l’aidait pour faire le bien; alors il fut forcé de crier et de dire : « Il y a quelqu'un pour commander, mais il ne se trouve personne pour obéir. » Le Fils de l’homme arriva donc

 

* L'Avent, qui a toujours été pour l’Eglise un temps de pénitence, était autrefois sanctifié par le jeûne comme le carême. Cf. Beleth, chanoine d'Amiens, Rationale divinorum. officiorum, Guillaume Durand, Rupert, D. Menard, sur le Sacramentaire de saint Grégoire, Martène et Durand, Baillet, etc.

 

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en temps opportun, quand l’homme fut convaincu d'ignorance et d'impuissance; car s'il fût venu plus tôt, l’homme, peut-être, eût attribué son salut à ses propres mérites, et par conséquent il n'eût pas eu de reconnaissance envers son médecin. L'opportunité se tire, en second lieu, du côté du temps, puisque le Sauveur vint dans la plénitude du temps (Galates, IV). « Beaucoup se demandent, dit saint Augustin, pourquoi J.-C. n'est pas venu plus tôt; c'est que la plénitude du temps n'était pas encore arrivée, d'après la disposition de celui par lequel toutes choses ont été faites dans le temps. » Enfin dès qu'arriva la plénitude du temps, vint celui qui devait nous délivrer du temps. Or une fois délivrés du temps, nous arriverons à cette éternité où le temps aura disparu. En troisième lieu, l’opportunité se tire du côté de la blessure et de la maladie. Comme elle était universelle, il devint opportun de fournir un remède universel, ce qui fait dire à saint Augustin : « Alors arriva le, grand médecin, quand par tout l’univers souffrait abattu le grand malade. » C'est la raison pour laquelle l’Eglise, dans les sept antiennes qu'elle chante avant la Nativité de Notre-Seigneur, montre l’innombrable complication de ces maladies et réclamé pour chacune d'elles l’intervention du médecin : car, avant la venue du Fils de Dieu en la chair, nous étions ignorants ou aveugles, engagés dans la damnation éternelle, esclaves du démon, enchaînés à la mauvaise habitude du péché, enveloppés de ténèbres, enfin des exilés chassés de leur patrie. Nous avions donc besoin d'un docteur, d'un rédempteur, d'un libérateur, d'un émancipateur, (4) d'un éclaireur et d'un Sauveur. Comme nous étions des ignorants et due nous avions besoin d'être instruits par le Fils de Dieu, voilà pourquoi tout d'abord, dans la première antienne, nous chantons : « O Sapientia... O sagesse sortie de la bouche du Très-Haut... venez nous enseigner la voie de la prudence. » Mais à quoi eût servi d'être instruits, si nous ne dussions pas être rachetés ? aussi demandons-nous que le Fils de Dieu nous rachète, quand nous lui crions dans la seconde antienne : « O Adonaï... O Adonaï, chef de la maison d'Israël... venez, étendez votre bras pour nous racheter. » Mais à quoi bon avoir été instruits et rachetés, si après notre rédemption nous eussions encore été retenus captifs? C'est alors que nous demandons d'être délivrés, quand, dans la troisième antienne, nous chantons : « O radix Jesse... O rejeton de Jessé... venez nous délivrer; ne tardez pas. » Mais être délivrés et être rachetés, qu'était-ce pour des captifs, s'ils n'étaient cependant pas encore dégagés de tout lien, de manière à ne pas s'appartenir et ne pouvoir librement aller où ils voudraient? Il était donc peu avantageux qu'il nous eût rachetés et délivrés, si nous restions encore enchaînés. C'est pourquoi nous demandons à être dégagés de tous les liens du péché, quand, clans la quatrième antienne, nous disons à haute voix : « O clavis David... O clef de David... venez, faites sortir de sa prison le captif assis dans les ténèbres et à l’ombre de la mort. » Or parce que ceux qui sont restés longtemps dans une prison, ont les yeux troubles et ne sauraient distinguer les objets, libérés alors de la prison, il nous reste à être éclairés (5) pour voir où nous devons aller, et dans la cinquième antienne nous nous écrions : « O oriens... O orient, splendeur de lumière éternelle... venez et éclairez ceux qui sont assis dans les ténèbres et à l’ombre de la mort. » Mais que sert d'être instruits, rachetés, délivrés de tous nos ennemis et éclairés, si nous ne devions être sauvés? Donc dans les deux antiennes suivantes, nous demandons d'être sauvés, en disant : « O Rex Gentium... O Roi des Nations... venez sauver l’homme que vous avez formé du limon. » Et encore : « O Emmanuel... O Emmanuel... venez nous sauver, ô Seigneur notre Dieu. » Par la première, nous demandons le salut des, nations, en disant : « O Roi des Nations. » Par la seconde, nous réclamons le salut des Juifs, auxquels Dieu avait donné la loi; en sorte que nous disons : « O Emmanuel, notre roi et notre législateur. »

L'utilité de l’avènement de J.-C. est attribuée à diverses causes par différents saints. Dieu lui-même, en saint Luc (IV), dit être venu et avoir été envoyé pour sept utilités : « L'Esprit du Seigneur est sur moi... » Il expose successivement en ce passage, qu'il a été envoyé pour consoler les pauvres, guérir ceux qui sont affligés, délivrer les captifs, éclairer les ignorants, remettre les péchés, racheter tout le genre humain et pour rendre à chacun selon ses mérites. Saint Augustin donne trois raisons de l’utilité de l’avènement de J.-C. : « Dans ce siècle livré à la malice, dit-il, qu'y a-t-il, si ce n'est naître, travailler et mourir? Voilà les denrées de notre pays : et c'est pour se les procurer que le marchand est descendu. Or par la (5) raison que le marchand donne et reçoit, qu'il donne ce qu'il a et qu'il reçoit ce dont il est privé, J.-C., dans ce marché, donne ce qu'il a et reçoit ce qui se trouve ici-bas en abondance : la naissance, le travail et la mort. En échange il donne de renaître, de ressusciter et de régner éternellement. Ce céleste marchand vient à nous pour recevoir le mépris et;combler d'honneurs, pour subir la mort et octroyer la vie, pour épuiser l’ignominie et donner la gloire. » Saint Grégoire énumère quatre utilités ou causes de, l’avènement de J.-C. : « Tous les orgueilleux issus de la race d'Adam, dit ce Père, n'avaient pour but que d'aspirer à tous les bonheurs ici-bas, d'éviter les adversités, de fuir les opprobres et de rechercher la gloire. Or le Seigneur, en s'incarnant, vient subir l’adversité, mépriser le bonheur, embrasser les opprobres et fuir la gloire. Le Christ attendu arrive ; aussitôt il nous apprend des choses nouvelles, par là il opère des merveilles et détruit le mal. » Saint Bernard en assigne d'autres causes : « Nous souffrons, dit-il, bien misérablement de trois sortes de maladies, car nous sommes faciles à séduire, faibles pour agir et fragiles pour résister. Si nous voulons discerner entre lé bien et le mal, nous nous trompons; si nous essayons de faire le bien, le courage nous manque ; si nous faisons des efforts pour résister au mal, nous nous laissons vaincre. De là la nécessité de la venue d'un Sauveur, afin qu'en habitant avec nous par la foi, il illumine notre aveuglement; qu'en restant avec nous, il aide à notre infirmité et qu'en se posant pour nous, il protège et défende notre fragilité. »

 

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Considérons deux faits par rapport au second avènement, c'est-à-dire au jugement . ce qui le précédera et ce qui l’accompagnera. Trois choses le précéderont; ce seront des signes terribles : l’Antéchrist avec ses impostures et la violence du feu. Les terribles signes précurseurs du jugement sont au nombre de cinq dans saint Luc (XXI) : « Il y aura des signes dans le soleil; la lune et les étoiles; et sur la terre, la consternation des peuples, au bruit de la mer et des flots. » Les trois premiers signes sont dépeints dans l’Apocalypse (VI). « Le soleil devint noir comme un sac de poil, la lune paraissait être du sang et les étoiles du ciel tombèrent sur la terre. » Or le soleil s'obscurcira ou quant à sa lumière, comme s'il paraissait gémir sur la mort du père de famille, c'est-à-dire de l’homme, ou parce qu'il surviendra mue plus grande lumière, savoir la lumière de J.-C., ou d'après une manière de parler métaphorique, parce que, selon saint Augustin, la vengeance divine sera si rigoureuse que le soleil lui-même n'osera regarder, ou, d'après une signification mystique, parce que le soleil de justice, J.-C. , sera alors si obscurci que pas un n'osera confesser son nom. Il est ici question du ciel aérien et ces étoiles dont on parle ne sont autre chose que là substance qui parait être celle de ces astres; alors il est dit qu'elles tomberont du ciel, comme si c'était la chute d'une substance, ainsi qu'on le pense communément des corps qui s'abaissent. L'Ecriture se conforme ici à notre manière ordinaire de parler. L'impression qui en résultera sera immense, parce que ce sera le feu qui dominera; le Seigneur agissant ainsi afin (8) d'imprimer de l’effroi aux pécheurs. Ou bien encore on dit que les étoiles tomberont, parce qu'elles projetteront au loin des queues pareilles à celles des comètes; ou bien que beaucoup qui paraissaient briller dans FEglise comme des étoiles, feront de lourdes chutes; ou enfin qu'elles perdront leur lumière et deviendront complètement invisibles. Le quatrième signe sera: la détresse sur la terre :c'est ce qu'on lit dans saint Mathieu (XXIV) : « Il y aura alors une affliction telle qu'il n'y en a point eu de pareille depuis le commencement du monde, etc. » Quelques-uns mettent pour cinquième signe le bouleversement de la mer détruite avec un grand fracas et transformée, selon ces paroles de l’Apocalypse (XXI) : « Et la mer n'existe plus. » D'après d'autres, ce sera un bruit causé par le fracas des vagues qui s'élèveront de quarante coudées au-dessus des montagnes et qui ensuite tomberont. Saint Grégoire suit ici le sens littéral : « Alors il y aura une perturbation étrange et insolite sur la mer et les flots. » Saint Jérôme, en ses Annales des Hébreux *, trouve quinze signes précurseurs du jugement. Seront-ils successifs ou intermittents ? il ne s'en explique pas. Le premier jour, la mer s'élèvera droit comme un mur de quarante coudées au-dessus des plus hautes montagnes. Le 2e jour, elle s'abaissera au point d'être presque invisible; le 3e jour, des bêtes marines nageront au-dessus de la mer et pousseront des rugissements qui s'élèveront jusqu'au ciel et Dieu seul aura

 

* Le B. Jacques de Voragine copie tous ces détails dans l’Histoire Scholastique de Pierre Comestor.

 

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l’intelligence de leurs mugissements; le ie, la! mer et l’eau brûleront ; le 5e, les arbres et les herbes se couvriront d'une rosée de sang : s'il faut en croire quelques auteurs, ce cinquième jour encore, tous les oiseaux du ciel se. rassembleront dans les champs, chaque espèce à part, sans manger ni boire, mais resteront transis, à l’arrivée prochaine du souverain Juge. Au 6e jour, crouleront les édifices; on dit qu'en ce 6e jour encore la foudre ira du coucher du soleil jusqu'à son lever contre la face du firmament. Au 7e jour, les pierres s'entrechoqueront et se partageront en quatre, et on prétend que chaque morceau se frappera l’homme ne pourra s'en expliquer le son, Dieu seul le comprendra. Dans le 8e jour, tremblement de terré général, si violent, dit-on, que pas un homme, pas un animal ne pourra rester debout, mais tous seront jetés à terre. Le 9e , la terre sera nivelée et les collines et toutes les montagnes seront réduites en poussière. Le 10e, les hommes sortiront des cavernes et iront comme des hébétés, sans pouvoir se parler les uns aux autres. Le 11e les ossements des morts se lèveront et se tiendront sur leurs sépulcres, car depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher, tous les tombeaux s'ouvriront pour que les morts en puissent sortir. Le 12e jour, chute des étoiles : tous les astres, fixes et errants, épandront des chevelures enflammées et changeront de substance. En ce jour encore, tous les animaux viendront mugir dans la campagne, restant sans manger ni boire. Au 13e jour, mort des vivants, pour ressusciter avec les autres. Le 14e jour, le ciel et la terre brûleront. Dans le l5e jour seront créés de (10) nouveaux cieux et une nouvelle terre, puis la résurrection générale.

Le second fait :qui précédera. le jugement sera le prestige de l’Antéchrist. Ses efforts auront pour but de tromper les hommes de quatre manières : 1° par la ruse qu'il emploiera- pour interpréter à faux les Ecritures : car il voudra persuader et prouver par l’Ecriture sainte qu'il est le Messie promis dans la loir et il détruira la toi de J.-C., pour établir la sienne. Sur ces paroles du psaume : « Etablissez sur eux un législateur, etc. » La glose porte que ce législateur est l’Antéchrist. Sur ces autres de Daniel (XI) : « Et ils mettront dans le temple l’abomination de la désolation. » La glose dit : « l’Antéchrist siègera, dans le temple comme une divinité, pour abolir la loi de Dieu; 2° il trompera par ses oeuvres miraculeuses. La 2e  épître aux Thessaloniciens porte (2-9) : « Il viendra accompagné de la puissance de Satan, avec toutes sortes de miracles, de signes et de prodiges trompeurs. L'Apocalypse dit (XIII, 13) : « Et il fit des signes, jusqu'à faire descendre du feu du ciel en terre. » La glose ajoute: «Comme l’esprit saint fut donné aux apôtres en forme de feu ; ceux-là donneront l’esprit malin sous la forme du feu; » 3° il trompera par l’abondance de ses dons (XI, 39) : « Il leur donnera beaucoup de puissance, dit Daniel (XI, 39) et il partagera la terre gratuitement. La glose ajoute : « l’Antéchrist comblera de présents ceux qu'il aura trompés, et il partagera la terre entre les soldats de son armée. » En effet ceux qu'il n'aura pu soumettre par la crainte, il les subjuguera par l’avarice; 4° il séduira par les supplices qu'il (10) infligera. «Il fera, ajoute Daniel (VIII), un ravage étrange et au delà de toute croyance. » Saint Grégoire dit encore, en parlant de l’Antéchrist : « Il tue ceux qui sont robustes, quand il vainc corporellement ceux qui n'ont point été vaincus. »

Le troisième signe précurseur du jugement sera la véhémence du feu, qui paraîtra devant la face du souverain juge. Ce sera Dieu lui-même qui enverra ce feu, 1° pour renouveler le monde; il purifiera et renouvellera tous les éléments, et comme les eaux du déluge, il s'élèvera de 25 coudées au-dessus de toutes les montagnes. L'Histoire scholastique * prétend que les ouvrages des hommes ne sauraient atteindre une plus grande élévation ; 2° pour purifier les hommes, parce qu'il tiendra lieu du purgatoire à ceux qui seront trouvés encore vivants ; 3° pour le plus affreux supplice des damnés; 4° pour le plus grand éclat des saints. Car, selon saint Basile, Dieu, après avoir purifié le monde, séparera la chaleur de la lumière ; cette chaleur il l’enverra tout entière pour être le plus grand tourment des damnés, et la lumière ira vers les bienheureux pour augmenter leur joie.

Bien des circonstances accompagneront le jugement : 1° La discussion du juge : Le juge descendra dans la vallée de Josaphat pour juger les bons et les méchants; il placera les bons à droite et les méchants à gauche. On doit croire qu'il occupera un endroit élevé pour

 

* Chapitre XXXIV. L'Histoire scholastique est l’oeuvre de Pierre Comestor, chanoine et doyen de Sainte-Marie de Troyes, qui vivait dans la seconde moitié du XII° siècle.

 

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pouvoir être vu. Il ne faut pas penser que tous seront dans cette petite vallée ; ce qui serait chose puérile, dit saint Jérôme; mais ils seront là, et dans les lieux environnants. Sur un petit espace de terre peuvent se placer des milliers d'hommes, surtout quand on les presse. Et encore, s'il est besoin, les élus seront élevés dans l’air, en raison de l’agilité de leurs corps. Les damnés pourront être :aussi suspendus par la . puissance de Dieu. Alors le juge discutera avec les méchants, et il leur fera un crime des oeuvres de miséricorde qu'ils n'auront pas accomplies; tous alors pleureront sur eux-mêmes, selon ce que dit saint Chrysostome sur saint Mathieu : «Les juifs pleureront sur eux-mêmes à la vue de J.-C. vivant et vivifiant, qu'ils regardaient comme un homme ayant subi la mort et en voyant son corps avec ses plaies, ils seront convaincus et ne pourront nier leur crime. » Les gentils pleureront aussi sur eux-mêmes, trompés qu'ils avaient été par les nombreuses discussions des philosophes; ils pensaient que c'était folie et chose irrationnelle d'adorer un Dieu crucifié. Les chrétiens pécheurs pleureront sur eux-mêmes, pour avoir mieux aimé le monde que Dieu ou J.-C. Les hérétiques pleureront sur eux-mêmes pour avoir dit que J.-C. était simplement un homme qui avait été crucifié, quand ils verront en lui le juge que les juifs ont fait souffrir. Sur elles-mêmes pleureront toutes les tribus de la terre; car il n'y aura plus de force pour lui résister, plus de faculté de fuir de sa présence, plus de moyen de faire pénitence, plus de temps laissé à la satisfaction.. Tout sera dans l’angoisse, il ne restera de place que pour le deuil.

 

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2° La différence des rangs. Saint Grégoire s'exprime ainsi : « Au jugement, il y aura quatre rangs : deux dés réprouvés et deux des Elus. Les uns sont jugés et condamnés, comme ceux auxquels il est dit : « J'ai eu faim et vous ne m'avez pas donné à manger. » D'autres ne sont pas jugés et sont condamnés ; tels sont ceux dont il est dit :, « Celui qui n'aura pas cru a déjà été jugé ; » car ceux-là n'écoutent pas les paroles da juge, qui n'ont pas voulu garder la foi, pas même en un seul point. Les autres sont jugés et règnent : tels sont les parfaits qui jugeront les autres, non pas qu'ils portent la sentence, cela n'appartient, qu'au juge; mais on dit qu'ils jugent, en assistant le juge. Ce sera d'abord un sujet d'honneur pour les saints de siéger avec le souverain juge, ainsi qu'il l’a promis (Mathieu, V, 9). « Vous serez placés sur des trônes pour juger, etc... » Ensuite ils témoigneront de la sentence du juge; ils l’approuveront comme ont coutume de faire ceux qui la souscrivent. Au psaume CXLIX, il est dit : « Ils écriront la minute du jugement. » En troisième lieu, leur assistance sera pour la condamnation des damnés : elle sera portée contre eux d'après le témoignage des oeuvres de leur vie; 3° Les insignes de la Passion, qui sont : la croix, les clous et les cicatrices imprimées sur le corps de J.-C. Telles seront: 1° Les preuves ostensibles de sa victoire glorieuse; aussi les verra-t-on resplendissantes de gloire. Ce qui fait dire à saint Chrysostome sur saint Mathieu : « La croix et les cicatrices seront plus brillantes que les rayons du soleil. » Considérez aussi combien est grande la vertu de la croix. Le soleil sera obscurci et (14) la ligne ne donnera plus de lumière, pour nous apprendre que la croix est plus lumineuse que la lune, plus resplendissante que le soleil; 2° Ces insignes témoigneront de sa ;miséricorde, qui seule aura sauvé les bons; 3° de sa justice; on verra par là avec combien d'équité les réprouvés seront damnés pour avoir méprisé leur rançon énorme que J.-C. a acquittée avec son sang. Aussi leur adressera-t-il ces reproches que saint Chrysostome met dans sa bouche : « J'ai été fait homme pour vous; pour vous j'ai été lié, moqué, meurtri et crucifié; où est le fruit de tant d'injures que j'ai reçues ? Voici le prix du sang donné par moi pour le rachat de vos âmes. Quelles sont vos oeuvres en compensation de mon sang ? Je vous ai préférés à ma gloire, alors que j'ai voilé ma divinité sous les apparences d'un homme, et vous m'avez prisé plus bas que toutes vos richesses. En effet la chose la plus vile de la terre, vous l’avez préférée à ma justice et à ma loi. »

Le quatrième fait, c'est la sévérité du juge : « La crainte ne le fera pas fléchir, car il est tout puissant. » (saint Chrysostome). Il n'y aura pas moyen de lui résister, ni de le fuir, etc. « Les présents ne le sauraient corrompre, il est si riche ! » (saint Bernard). « Il viendra ce jour où les coeurs purs auront plus de valeur que les paroles adroites, et une conscience nette l’emportera sur les bourses pleines. C'est lui qui. ne se laissera pas tromper par les paroles, ni fléchir par les présents » (saint Augustin); « Le jour du jugement est attendu et apparaîtra alors le juge intègre par excellence, qui ne fera acception d'aucune personne puissante; dont le palais, ni par or, ni par argent, (15) ne pourra être souillé par la présence d'aucun évêque, abbé, ni comte. » Etant très bon, il ne saurait être entraîné ni par la haine, qui n'a aucune prise sur lui « Vous n'avez haï rien de ce que vous avez fait, » est-il dit au livre de la Sagesse (XI) ; ni par l’amour, car il est très juste : aussi ne délivrera-t-il pas ses frères, c'est-à-dire les faux chrétiens : « Le frère ne rachètera pas » (Psaume) ; ni par l’erreur, il est très sage (saint Léon).

Son aspect est redoutable, il connaît tous les secrets, pénètre dans ce qu'il y a de plus compact; pour lui les ténèbres luisent, les muets répondent, le silence parle, et l’esprit articule sans le secours de la voix. Or comme sa sagesse est tellement grande, contre elle donc ne pourront rien les allégations des avocats, ni les sophismes des philosophes, ni l’éloquence la plus brillante des orateurs, ni les ruses des fourbes. » A ce sujet, qu'on écoute saint Jérôme : « Combien de muets qui seront plus heureux là, que ceux qui parlent facilement ; que de bergers plus heureux que les philosophes, de paysans que les orateurs ; combien de niais l’emporteront sur l’adresse d'un Cicéron. »

Le cinquième fait, c'est l’accusateur affreux. Il y aura trois accusateurs contre le pécheur: Le premier, c'est le diable (saint Augustin). « Accourra alors le diable qui répétera les paroles de notre profession et qui nous opposera toutes nos actions, dans quel lieu, à quelle heure nous avons péché, ce que nous avons dû faire de bien alors. Cet adversaire devra dire en effet : « Très équitable juge, jugez que celui-ci m'appartient en raison de sa faute; lui qui n'a pas voulu être vôtre par la grâce : vôtre par sa nature, il est devenu mien (16) par sa misère; vôtre, à cause de votre passion :il est mien par ma persuasion. Désobéissant à vous, il n'a été obéissant qu'à moi; de vous, il a reçu la robe d'immortalité, de moi il a reçu ces lambeaux qui le recouvrent ; il s'est dépouillé de votre vêtement, et il est venu ici avec le mien: Très équitable juge, jugez qu'il est mien et qu'il doit être damné avec moi. » Oh! pourra-t-il ouvrir la bouche celui qui est trouvé tel qu'il y aura justice à (envoyer avec le diable ! » (;e sont les paroles de saint Augustin.

Le second accusateur sera le crime lui-même : Car chacun sera accusé par ses propres péchés. Il est écrit au livre de la Sagesse (IV) : « Ils paraîtront pleins d'effroi au souvenir de leurs offenses : et leurs iniquités se soulèveront contre eux pour les accuser. » Saint Bernard ajoute : « Alors leurs oeuvres élèveront ensemble la voix et diront : C'est toi qui nous as faites; nous sommes tes oeuvres ; nous ne te lâcherons point, mais nous serons constamment avec toi, et avec toi nous irons au jugement. » Et elles t'accuseront d'une infinité de crimes divers.

Le troisième accusateur, ce sera le monde entier (saint Grégoire). « Me demandez-vous quel sera celui qui vous accusera? Je vous réponds : Tout le monde car le créateur étant offensé, tout le monde l’est. » Saint Antoine commente ainsi saint Mathieu : « En ce jour-là, il n'y aura pour nous rien à répondre, alors que le ciel et la terre, l’eau, le soleil et la lune, les jours et les nuits, l’univers, en un mot, se lèvera devant Dieu contre nous pour rendre témoignage de nos fautes. Et quand l’univers se tairait, même nos (17) pensées, même nos oeuvres se lèveront en présence de Dieu et nous accuseront sans ménagement. »

Le sixième fait, c'est le témoin infaillible. Le pécheur en aura' trois à charge. Le premier qui viendra sera au-dessus de lui, ce sera Dieu ; il sera juge et témoin. « Je suis juge et témoin, dit le Seigneur, » (Jérémie, XXIX). Le second sera au dedans de lui, ce sera sa conscience (saint Augustin). « Craignez-vous le juge à venir? corrigez dès aujourd'hui votre conscience; car ce qui défendra votre cause, ce sera le témoignage de votre conscience. » Le troisième témoin sera à côté de lui, son propre ange gardien, qui, comme le confident de tout ce qu'il a fait, rendra témoignage contre lui (Job, XX). « Les cieux (c'est-à-dire, les anges) dévoileront son iniquité. »

Le septième fait, ce sera l’accusation du pécheur. Voici ce qu'en dit saint Grégoire : « Oh ! combien étroites seront alors les voies du pécheur! Au-dessus un juge irrité, au-dessous l’horrible chaos: à droite, les péchés accusateurs, à gauche un nombre infini de démons entraînant aux supplices,. au dedans une conscience bourrelée, au dehors un monde acharné. Le misérable pécheur ainsi environné, où fuira-t-il? Se cacher sera impossible, se montrer, intolérable. »

Le huitième fait, c'est la sentence irrévocable. En effet de cette sentence il ne pourra jamais avoir ni cassation, ni appel. Trois motifs s'opposent en justice criminelle à l’appel : 1° Un juge éminent. En effet on n'appelle pas d'un roi qui porte une sentence dans ses états, car il n'a personne au-dessus de lui dans son royaume, ainsi on n'en appelle ni de l’empereur, ni du (18) pape; 2° Un crime prouvé. Quand le crime est notoire il ne saurait y avoir appel; 3° L'urgence. Alors qu'il y a péril en la demeure il né saurait y avoir de sursis à l’exécution. Il y a encore trois motifs pour lesquels on ne reçoit point appel. Le pape lui-même ne pourrait le recevoir : 1° à cause de l’excellence du juge ; le juge ici n'a aucun supérieur, mais il l’emporte sur tous en éternité, en dignité, en puissance. On pourrait en quelque sorte en appeler de l’empereur ou du pape à Dieu; mais on ne saurait en appeler de Dieu à quelqu'un puisqu'il n'est personne au-dessus de lui; 2° à cause de l’évidence du crime, car là les abominations et les crimes des réprouvés seront notoires et manifestes. « Il viendra le jour, dit saint Jérôme, où l’on verra toutes nos iniquités écrites comme sur un tableau; » 3° l’urgence. Rien de ce qui se fait là ne souffre de retard, mais tout s'écoule en un moment, en un clin d'oeil.

 

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