I - CHAPITRE V

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CHAPITRE V : DE LA LITURGIE, DANS L'ÉGLISE EN GÉNÉRAL, AU QUATRIEME SIÈCLE

 

 NOTES DU CHAPITRE V

NOTE A

NOTE B

NOTE C

NOTE D

NOTE E

NOTE F

NOTE G

 

 

L'Église enfin sort pour jamais des cryptes qui, trop . souvent, avaient couvert de leurs ombres la majesté de ses mystères. Elle étale au grand jour ces rites dont la pompe et la sainteté achèveront la victoire, que déjà l'auguste vérité de ses dogmes et la beauté de sa morale lui ont assurée sur le paganisme. Suivant notre usage, nous recueillerons dans ce chapitre les faits généraux, qui donneront l'ensemble de l'époque liturgique que nous traitons. Or le caractère de cette époque est le triomphe : c'est : maintenant que s'accomplit la parole du Sauveur : Ce qui se disait à l'oreille, prêchez-le sur les toits (1). Ces mystères cachés ou comprimés dans l'enceinte des temples éclatent au grand jour. La pompe et la richesse du culte, quelque splendides qu'elles fussent par les largesses des patriciens disciples du Christ, dépassent toute mesure du moment que les empereurs ont franchi le seuil de l'Église. De même que la foi, l'espérance des biens futurs, la charité fraternelle avaient fait jusqu'ici le lien intime des chrétiens par tout l'empire, désormais les formes liturgiques, devenues formes sociales, proclament leur puissante nationalité. « Que si, s'écrie Eusèbe, un seul temple situé dans une seule ville de Palestine fut un  objet d'admiration,

(1) Matth. X, 27.

 

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 combien plus est merveilleux le nombre, la grandeur, la magnificence de tant d'églises de Dieu érigées dans tout l'univers (1)I Les prophéties, dit-il ailleurs, sont véritablement accomplies, aujourd'hui que nous voyons des hommes décorés en cette vie de la dignité royale, confondus dans l'Église de Dieu avec les pauvres et le bas peuple (2). »

De toutes parts, on relevait donc les églises démolies durant la persécution : on en édifiait de nouvelles par toute l'étendue de l'empire. La dédicace de ces temples s'accomplissait avec une splendeur toujours croissante; les évêques s'y réunissaient en grand nombre, et le Père de l'histoire ecclésiastique nous a conservé dans des récits pleins d'enthousiasme la mémoire de ces augustes cérémonies.

La première dédicace d'église que nous rencontrons tout d'abord après la paix de Constantin, est celle de la basilique de Tyr, inaugurée vers l'an 315. Cette ville, qui avait pour évêque Paulin, avait vu périr son église durant la persécution de Dioclétien, et les païens s'étaient efforcés d'en défigurer jusqu'à l'emplacement, en y amassant toutes sortes d'immondices. On eût pu aisément trouver un autre lieu pour construire une église, lors de la paix rendue au christianisme; mais l'évêque Paulin préféra faire nettoyer le premier emplacement et y jeter les fondements de la seconde basilique, afin de rendre plus sensible encore la victoire de l'Église; et la gloire de ce second temple fut plus grande que celle du premier. Eusèbe fut chargé de prononcer  l'homélie solennelle de la dédicace au milieu

 

(1)  Quod si templum illud in una Palestinae urbe admiratione dignum erat; quanto magis mirabilis illa frequentia, magnitudo et pulchritudo ecclesiarum Dei in omni loco excitatarum ! Nam totus orbis plenus ecclesiis est. (Euseb. Commen., in Isaiam, pag. 56o.)

(2)  Quod si videas regios viros dignitate ac praestantia in hac vita ornatos, in Ecclesia Dei cum pauperibus ex infima plèbe congregatos, ne cuncteris dicere etiam hac ratione impletam esse Scripturam. (Euseb. ibid., pag. 402.)

 

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d'un peuple immense accouru pour prendre part à cette fête.

S'adressant d'abord aux évêques présents à la cérémonie, il commence ainsi : « O amis de Dieu et Pontifes, qui « portez la sainte tunique et la couronne céleste de gloire, « qui avez l'onction divine et la robe sacerdotale du Saint-Esprit (1). » Fleury lui-même a reconnu ici désignés clairement le costume pontifical et le diadème sacré dont les évêques usaient déjà, au moins dans la célébration des mystères ; et comme nous ne voyons à cette époque aucun règlement ecclésiastique pour fixer ces usages, nous devons en faire remonter l'institution à l'époque qui avait précédé, et durant laquelle nous en avons déjà rencontré plusieurs vestiges significatifs.

Il célèbre ensuite le triomphe que Dieu vient de donner à son peuple sur ses ennemis, et la force victorieuse qu'il a mise en son Christ, qui seul, par la puissance de son bras, a opéré un si merveilleux changement. Après quoi, il s'étend sur l'éloge de l'évêque Paulin qu'il compare tantôt à Beseléel, l'architecte du tabernacle mosaïque, tantôt à Zorobabel, le réparateur du temple. Mais ce qui nous intéresse davantage, c'est la description que fait Eusèbe de l'ensemble et des parties de la basilique avec le détail des mystères signifiés dans sa construction. Ce passage est important en ce qu'il nous révèle la forme des églises chrétiennes primitives, suivant notre remarque au chapitre précédent; mais jusqu'ici nous ne voyons pas qu'il ait été cité, ou même connu de quelqu'un de ces innombrables parleurs d'architecture religieuse dont le pays regorge depuis quelques années, et qui nous étalent, avec une si grotesque suffisance, tout le luxe d'un savoir improvisé.

« Paulin, dans la réédification de son église, dit l'éloquent

 

(1) Amici et sacerdotes Dei, qui sacra tunica talari induti, et coelestis gloriœ corona decorati, divinaque unctione delibuti, et sacerdotali Sancti Spiritus veste amicti estis. (Euseb. Hist. eccles., lib. X, cap. IV.)

 

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panégyriste, non content d'accroître l'emplacement primitif, en a fortifié l'enceinte comme d'un rempart au moyen d'un mur de clôture. Il a élevé son vaste et sublime portique vers les rayons du soleil levant; voulant par là donner à ceux mêmes qui n'aperçoivent l'édifice que de loin, une idée des beautés qu'il renferme, et inviter par cet imposant spectacle ceux qui ne partagent pas notre foi à visiter l'enceinte sacrée. Toutefois, lorsque vous avez franchi le seuil du portique, il ne vous est pas licite encore d'avancer, avec des pieds impurs et souillés : entre le temple lui-même et le vestibule qui vous reçoit, un grand espace en carré s'étend, orné d'un péristyle que forment quatre galeries soutenues de colonnes. Les entrecolonnements sont garnis d'un treillis en bois qui s'élève à une hauteur modérée et convenable. Le milieu de cette cour d'entrée est resté à découvert, afin qu'on y puisse jouir de la vue du ciel et de l'éclatante lumière qu'y versent les rayons du soleil. C'est là que Paulin a placé les symboles de l'expiation, savoir les fontaines qui, situées tout en face de l'église, fournissent une eau pure et abondante, pour l'ablution, aux fidèles qui se préparent à entrer dans le sanctuaire. Telle est la première enceinte, propre à donner tout d'abord une idée de la beauté et de la régularité de l'édifice, et offrant en même temps une place convenable à ceux qui ont besoin de la première instruction. Au delà, plusieurs vestibules intérieurs préparent l'accès au temple lui-même, sur la façade duquel trois portes s'ouvrent tournées à l'orient. Celle du milieu, plus considérable que les deux autres, en hauteur et en largeur, est munie de battants d'airain avec des liaisons en fer et ornée de riches sculptures : les deux autres semblent deux nobles comte pagnes données à une reine. Au-delà des portes, s'étend l'église elle-même, présentant deux galeries latérales au-dessus desquelles ouvrent diverses fenêtres ornées de

 

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sculptures en bois du travail le plus délicat, et par lesquelles une abondante lumière tombe d'en haut sur tout a l'édifice. Quant à la décoration de cette demeure royale, Paulin a su y répandre une richesse, une opulence véritablement colossales. Je ne m'arrêterai donc point à décrire la longueur et la largeur de l'édifice, son éclat splendide, son étendue prodigieuse, la beauté rayonnante des chefs-d'œuvre qu'il renferme, son faîte arrivant jusqu'au ciel et formé d'une précieuse charpente de ces cèdres du Liban, dont les divins oracles ont célébré la louange, quand ils ont dit : Les bois du Seigneur, les cèdres du Liban seront dans la joie. Parlerai-je de l'habile et ingénieuse disposition de l'ouvrage entier, de l'excellente harmonie de toutes les parties, lorsque déjà ce que l'œil en contemple dépasse ce que l'oreille en pourrait ouïr. Après avoir établi l'ensemble de l'édifice, et dressé des trônes élevés pour ceux qui président, en même temps que des sièges de toutes parts pour les fidèles, Paulin a construit le Saint des Saints, l'autel, au milieu ; et pour rendre inaccessible ce lieu sacré, il en a défendu l'approche, en plaçant à distance un nouveau treillis en bois, mais si merveilleux dans l'art qui a présidé à son exécution, qu'à lui seul il offre un spectacle digne d'admiration à tous ceux qui le considèrent. Le pavé même de l'Église n'a point été négligé : le marbre décrit de riches compartiments. Sur les nefs latérales de la basilique ouvrent de très-amples salles que Paulin, nouveau Salomon vraiment pacifique, a fait construire pour l'usage de ceux qui doivent recevoir l'expiation et la purgation par l'eau ou le Saint-Esprit. »

Après ces détails de description dont nous n'offrons ici qu'une traduction libre et abrégée, l'évêque de Césarée se livre de nouveau aux transports de l'enthousiasme que lui inspire la délivrance de l'Église, figurée dans la splendeur du glorieux édifice élevé  par la  main de Paulin ; mais

 

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bientôt il rentre dans son sujet, et expose ainsi quelques-uns des mystères exprimés dans les formes de la construction du temple qu'il vient de décrire.

« Sans doute cet œuvre est merveilleux et au-dessus de toute admiration, si on en considère l'apparence extérieure; mais bien autrement merveilleux est-il, si l'on s'élève jusqu'à son type spirituel, savoir l'édifice divin et raisonnable bâti par le Fils de Dieu dans notre âme, qu'il a choisie pour épouse et dont il a fait un temple à lui et à son Père. C'est ce Verbe divin qui a purgé vos âmes de leurs souillures, et qui les a confiées ensuite au pontife très-sage et aimé de Dieu qui vous régit. C'est ce Pontife lui-même, tout entier au soin des âmes dont il a reçu la garde, qui ne cesse d'édifier jusqu'à ce jour, plaçant en chacun de vous l'or le plus brillant, l'argent le plus-éprouvé, les pierres les plus précieuses, en sorte qu'il accomplit par ses œuvres sur vous, la mystérieuse prédiction qui porte ces paroles : Voici que j’ai préparé l’escarboucle pour tes murs, le saphir pour tes fondements, le jaspe pour tes remparts, le cristal pour tes portes, les pierres les plus recherchées pour ton enceinte extérieure : tous tes enfants sont instruits par Dieu même, tes fils sont dans la paix, toi-même es bâtie dans la justice. Donc, Paulin édifiant dans la justice, a disposé a dans un ordre harmonieux les diverses portions de son peuple, enserrant le tout d'une vaste muraille extérieure qui est la ferme foi. Il a distribué cette multitude infinie dans une proportion digne de la plus imposante structure. Aux uns il a confié le soin des portes et la charge d'introduire ceux qui veulent entrer ; ils forment ainsi comme un vestibule animé. D'autres se tiennent près des colonnes qui supportent la galerie quadrangulaire de la cour intérieure, parce qu'ils épellent encore il le sens littéral des quatre Évangiles. D'autres, qui sont les catéchumènes, ont leur place sous les galeries latérales

 

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du royal édifice, pour signifier qu'ils sont moins éloignés de la connaissance de ces mystères secrets qui font la a nourriture des fidèles. Quant à ceux-ci, dont les âmes sont immaculées et purifiées comme l'or, dans le divin lavoir, ils se tiennent soit auprès des colonnes de la nef principale qui, s'élevant à un,e hauteur supérieure à celles du portique, figurent les sens mystérieux et intimes des Écritures ;  soit auprès des fenêtres qui répandent la lumière dans l'édifice. Le temple lui-même est décoré d'un  simple et  imposant vestibule, pour marquer la majesté adorable du   Dieu   unique;  les deux galeries latérales qui accompagnent l'édifice, expriment le Christ et le Saint-Esprit, double émanation de lumière : enfin, toute la doctrine de notre foi rayonne dans la basilique avec un éclat éblouissant. Les trônes, les siéges, les bancs placés dans ce temple  sont les âmes dans lesquelles résident les dons qu'on vit un jour s'arrêter sur les apôtres en forme de langue de feu. D'abord le pontife qui préside est pour ainsi dire rempli du Christ : ceux qui siègent après lui (les prêtres), font éclater dans leurs personnes les dons du divin Esprit. Les bancs rappellent les âmes des fidèles sur lesquelles se reposent les anges confiés à la garde des élus. Enfin, l'autel lui-même unique, vaste, auguste, qu'est-il,   sinon  l'âme très-pure  du  pasteur universel, de l'évêque, véritable Saint des Saints, dans lequel réside le Pontife suprême, Jésus, Fils unique de Dieu (1) ? »

Nous avons enregistré ces paroles d'Eusèbe comme le point de départ des traditions écrites sur la construction des basiliques, portion si importante de la science liturgique. Toutes les églises bâties au quatrième siècle, tant en Orient qu'en Occident, nous apparaissent sous la forme si éloquemment décrite ci-dessus : ce qui  prouve jusqu'à

 

(1) Vid. la Note A.

 

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l'évidence que le type, pour être ainsi universel, était antérieur à la paix de Constantin (1). Les mystères cachés sous les détails de la construction, et si magnifiquement racontés par l'évêque de Césarée, étaient connus du peuple fidèle, à qui le langage des symboles était familier dans une religion qui sanctifiait toutes les parties delà création. Nous verrons cette symbolique s'enrichir encore dans l'Église d'Occident, jusqu'à l'époque où l'esprit positif de la Réforme, réagissant même sur les peuples catholiques, en vint à dicter des plans d'église muets et déshérités de tous les souvenirs de la tradition. Quant aux rites au moyen desquels les temples étaient consacrés, au quatrième siècle, dans l'Église d'Orient, nous serions réduits à de pures conjectures, du moment que nous voudrions les reproduire. Il est hors de doute que le chant des psaumes et des hymnes y occupait une grande place ; que des oraisons de consécration, dans le style du reste de la Liturgie, devaient résumer la prière des pontifes et lui donner une plus grande force de sanctification; que, dans ces occasions, les évêques paraissaient avec de riches habits pontificaux ; qu'enfin une dédicace était comme aujourd'hui un sublime spectacle de religion, destiné à graver, dans l'esprit et le cœur des peuples, un profond sentiment de la sainteté et de la majesté de cette demeure que le Seigneur daigne se choisir au milieu des hommes.

Dans l'Occident, les traditions de l'Église romaine nous apprennent que le pape saint Silvestre institua et régla en détail, dès le quatrième siècle, les rites que nous pratiquons aujourd'hui dans la dédicace des églises et des autels (2).

 

(1) Nous rapprocherons des paroles d'Eusèbe ce passage des  Constitutions apostoliques : Primo quidem sedes sit oblonga, ad orientent versa, ex utraqueparte pastophoria versus orientent habens, et quae navi sit similis. (Constitut. apostol., lib. II, cap. LVII. Cotelier, pag. 261.)

(2) Ritus quos in consecrandis ecclesiis et altaribus Romana servat Ecclesia, Beatus Silvester Papa primus instituit. (Brev. Rom. IX, Novemb.)

 

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Ce pontife eut les plus magnifiques occasions de les pratiquer dans l'inauguration des basiliques fondées à Rome par la munificence de Constantin. Cet empereur bâtit, en son palais de Latran, une église qu'il dédia sous le titre du Sauveur, et qui maintenant, connue sous le nom de Saint-Jean-de-Latran, est devenue le siège du Pontife romain, la Mère et la Maîtresse de toutes les églises de Rome et du monde entier, ainsi que le porte l'inscription qu'on lit sur sa façade principale. Outre cette église, Constantin éleva celle de Saint-Pierre, sur le corps même de cet apôtre, au Champ-Vatican; celle de Saint-Paul, sur le corps de l'apôtre des Gentils, sur le chemin d'Ostie ; celle de Saint-Laurent, extra muros, sur la voie Tiburtine ; celle de Sainte-Croix en Jérusalem, in agro Sessoriano ; celle de Sainte-Agnès, sur la voie Nomentane; celle des Saints-Marcellin-et-Pierre, sur la voie Lavicane; et plusieurs autres encore dans Rome et dans les environs de cette capitale.

Non content de réédifier les sanctuaires de l'ancienne Rome avec une magnificence vraiment impériale, le pieux empereur voulut, autant qu'il était en lui, sanctifier la nouvelle qu'il bâtissait sur l'ancienne Byzance. Il y construisit de magnifiques basiliques, entre autres celle qu'il dédia à la Sagesse éternelle, sous le nom de Sainte-Sophie; celle, de Sainte Irène, qui fut sous son règne la Grande Église ; celle des Douze Apôtres, qu'il destina pour sa sépulture, et un grand nombre d'autres dans la ville et aux environs, principalement sur les tombeaux des martyrs. Son zèle pour les solennelles manifestations de la foi parut aussi dans le soin qu'il prit de placer la figure de la Croix dans les lieux publics de la nouvelle capitale. Il aima aussi à faire représenter sur les fontaines, au milieu des places, deux sujets principalement chers aux chrétiens de l'âge primitif, le bon Pasteur et Daniel dans la fosse aux lions (1).

 

(1) Euseb.   Vita Constantini, passim.

 

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Mais un sujet qui émut particulièrement en ce siècle les chrétiens, et qui fournit l'occasion aux actes les plus pompeux de la Liturgie, fut la restauration faite par sainte Hélène, des lieux sacrés de la Palestine qui avaient été les témoins de la vie, des prodiges et des souffrances de l'Homme-Dieu. Secondant avec zèle les pieuses intentions de sa mère, Constantin mit les trésors de l'empire à la disposition de saint Macaire, évêque de Jérusalem, afin que l'église qui devait être bâtie sur le Saint Sépulcre surpassât en magnificence tous les édifices que pouvaient renfermer toutes les villes du monde (1). Eusèbe nous a pareillement conservé la description de cette basilique, qui fut construite en six ans : nous plaçons ce précieux morceau dans les notes à la fin du présent chapitre (2). Après avoir étalé toutes les splendeurs qui brillaient dans la construction de l'église du Saint-Sépulcre, l'historien termine ainsi : « Il nous serait impossible de raconter la somptuosité, la délicatesse, la grandeur, le nombre, la variété des ornements et autres objets d'offrande, étincelants d'or, d'argent et de pierreries, que la magnificence impériale accumula dans le temple de la Résurrection (3).»

Mais si nous avons à déplorer le silence d'Eusèbe sur une matière aussi importante pour la Liturgie que les vases sacrés et autres dons qui entouraient l'autel, dans la basilique du Saint-Sépulcre, la Providence a permis du moins que l'inventaire de plusieurs églises de Rome, au même siècle, parvînt jusqu'à nous, pour nous dédommager en quelque sorte de ce que la négligence des historiens nous a fait perdre. L'importante chronique, connue sous le nom de Liber pontificalis, dont nous avons entrepris

 

(1)  Voyez la lettre de Constantin à saint Macaire, dans Eusèbe, Vita Constant., lib. III, cap. XXX, XXXI, XXXII.

(2)   Vid. la Note B.

(3) Euseb. Vita Constanti, lib. III, cap. XI.

 

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la publication dans nos Origines de l'Église romaine, renferme, à l'article de saint Silvestre, la liste des objets offerts à plusieurs églises de Rome, tant par ce saint pontife que par Constantin lui-même. On peut, d'après ces détails, se faire une idée du service divin, tel qu'il était exercé dans des basiliques si richement pourvues de toutes les nécessités du culte. Nous nous contenterons de donner ici quelques traits, renvoyant aux notes qui suivent ce chapitre le texte même de la Chronique.

« Constantin Auguste, dit la chronique pontificale, édifia la basilique constantinienne (de Latran), dans laquelle il mit beaucoup de vases d'or et d'argent, de pierres précieuses et d'objets d'ornement. Il revêtit l'abside d'or pur, et en garnit la partie supérieure d'argent battu ; il y plaça l'image du Sauveur assis sur un siège, haute de 5 pieds, et pesant 120 livres et aussi les douze apôtres, pesant chacun 90 livres, avec des couronnes : le tout d'argent très-pur. En face de l'abside, une autre image du Sauveur assis sur un trône, haute de 5 pieds, d'argent très-pur, et pesant 160 livres; quatre anges d'argent, pesant 105 livres, ayant des escarboucles aux yeux, et tenant des lances terminées en croix ; le phare ou lampadaire suspendu dans la tribune de l'abside avec cinquante dauphins d'or très-pur, le tout pesant, avec la chaîne, 25 livres; quatre couronnes d'or très-pur, avec vingt autres dauphins servant de lampes, le tout pesant 15 livres ; 5oo livres d'or laminé appliquées à la voûte de la basilique dans sa longueur et dans sa largeur ; sept autels d'argent très-pur, pesant chacun 200 livres ; sept patènes d'or, pesant chacune 3o livres ; quinze patènes d'argent, pesant chacune pareillement 3o livres ; sept coupes de communion en or, pesant chacune 10 livres ; une coupe particulière en métal, couleur de corail, garnie de toutes parts d'émeraudes et d'hyacinthes enchâssées dans de l'or, du poids de 20 livres

 

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3 onces; vingt coupes d'argent,pesant chacune 15 livres; deux ampoules en or très-pur, pesant chacune 5o livres, et pouvant contenir chacune un médimne ; vingt ampoules en argent, de même mesure et pesant 10 livres ; quarante calices moindres, d'or très-pur, et pesant chacun 1 livre ; cinquante calices moindres, destinés au ministère, en argent, et pesant chacun 2 livres.

« Dans la basilique même, hors de l'abside, devant l'autel, un autre phare d'or très-pur, dans lequel brûle une huile de nard sans mélange, avec l'accompagnement de quatre-vingts dauphins, le tout du poids de 3o livres; un phare en argent, avec cent vingt dauphins, du poids de 5o livres; quarante-cinq autres phares en argent dans la grande nef de la basilique ; quarante dans la nef latérale de droite, et trente dans celle de gauche ; cinquante candélabres en argent, pesant chacun 20 livres, placés dans la grande nef ; trois grands vases d'argent très-pur, pesant chacun 3oo livres, et contenant chacun dix médimnes ; sept candélabres d'airain, pesant chacun 3oo livres, destinés à être placés devant les autels, hauts de 10 pieds, ornés de médaillons d'argent représentant les prophètes, etc. (1). »

Ce court fragment donnera une idée de la richesse des églises bâties et ornées par les empereurs : le suivant nous donne la mesure de la munificence d'un Pape du quatrième siècle, envers une simple église fondée par lui dans Rome. « Silvestre bâtit, dans la ville, une église sur le terrain d'un certain prêtre nommé Equitius. Ce titre, situé près des Thermes de Domitien, est appelé encore aujourd'hui Titulus Equitii (2). Le Pape y offrit les dons suivants : une patène d'argent, pesant 20 livres, qu'il avait reçue à cet effet de Constantin

 

(1) Vid. la Note C

(2)  On nomme maintenant cette église Saint-Silvestre-et-Saint-Martin,

ai' Monti.

 

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Auguste ; deux coupes de communion en argent, pesant chacune 10 livres; un calice d'or du poids de 2 livres; cinq calices pour le ministère, pesant chacun 2 livres; deux ampoules d'argent, pesant chacune 10 livres ; une patène d'argent, pour le chrême, incrustée d'or et pesant 5 livres; dix lampes ornées de couronnes, pesant chacune 8 livres; vingt lampes d'airain, pesant chacune 10 livres; douze chandeliers d'airain, pour les cierges, pesant chacun 3o livres, etc. (1). »

Nous avons établi ailleurs l'autorité de la chronique qui nous fournit ces détails, et fait voir qu'elle a été rédigée successivement par plusieurs bibliothécaires du Siège apostolique, sur les mémoires les plus anciens et les plus authentiques.

Ces basiliques si vastes, si somptueuses, retentissaient, le jour et la nuit, des chants du clergé et du peuple ; mais la majesté des rites allait croissant, le chant devenait plus mélodieux; les formules saintes revêtaient de jour en jour plus de grandeur et d'éloquence. Nous parlerons plus loin des diverses Liturgies tant de l'Orient que de l'Occident : leur origine première se confond avec l'origine même des églises qui les pratiquaient; mais elles recevaient de nouveaux développements à cette époque de paix. De grands évêques, illustres soit par la splendeur de leur siège, soit par leur doctrine universelle, consacraient leurs soins au perfectionnement des rites et des prières, et fécondaient, par de nouvelles inspirations, les saintes traditions de l'antiquité. Mais, comme dans les plans de la Providence, tout sert à l'accomplissement des desseins de Dieu sur son Église, il arriva que l'hérésie arienne, si désastreuse dans ses ravages, fut l'occasion de nouveaux développements des formes liturgiques. De même que l'hérésie, dans tous les temps, cherchera à

 

(1) Vid. la Note D.

 

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empoisonner les sources de la Liturgie, de même aussi l'Église catholique a su, à chaque époque, tourner contre sa mortelle ennemie cette arme toujours victorieuse. Nous noterons donc ici deux grands faits, l'un appartenant à l'Église d'Orient, et l'autre à l'Église d'Occident, et attestant l'un et l'autre le génie tout-puissant du sacerdoce chrétien lorsqu'il faut agir sur les masses et réveiller l'énergie du peuple fidèle.

On doit savoir que durant les six premiers siècles du christianisme et au delà, la vie des chrétiens de tout âge, de tout sexe, de toute condition, était profondément empreinte des habitudes religieuses. La prière, la psalmodie, l'étude des divines Écritures en faisait pour ainsi dire le fond : l'Église avait remplacé, dans les mœurs du grand nombre, le théâtre et le forum. Cette activité religieuse explique l'intérêt si violent que prit constamment le peuple aux querelles théologiques qui signalèrent cette période de l'Église chrétienne. L'assiduité aux offices divins, le jour et la nuit, était donc le fait principal dans la vie des chrétiens de ces siècles qu'on pourrait appeler théologiques : les témoignages de toute l'antiquité nous l'attestent : nous nous bornerons à rappeler ici ces paroles de saint Augustin au peuple d'Hippone : « Levez-vous de grand matin pour les vigiles, réunissez-vous pour tierce, sexte et none, avant toute occupation. Que nul ne s'exempte de l'œuvre divin, à moins qu'il n'en soit empêché par une infirmité, une raison d'utilité publique, ou encore par quelque certaine et grave nécessité (1). »

La ville d'Antioche étant en proie aux ariens par la perfidie de Léonce, son évêque, deux illustres membres de cette grande église, Diodore qui fut, plus tard, évêque de

 

(1) Ad vigilias maturius surgite ; ad tertiam, ad sextam, ad nonam ante omnia convenite. Nullus se a sancto opere subtrahat, nisi quem infirmitas, aut publica utilitas, aut forte certa et grandis nécessitas tenuerit occupatum. (Sermo LV de tempore.)

 

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Tarse, et Flavien, qui monta depuis sur le siège épiscopal de la même ville d'Antioche, s'opposèrent, avec une générosité et une vigilance infatigables, à ce torrent d'iniquités. Voulant prémunir le peuple contre la séduction des hérétiques, et l'affermir dans la solidité de la foi par les pratiques les plus solennelles de la Liturgie, ils pensèrent que le moment était venu de donner une nouvelle beauté à la psalmodie. Jusqu'alors, les chantres seuls l'exécutaient dans l'église, et le peuple écoutait leur voix dans le recueillement. Diodore et Flavien divisèrent en deux choeurs toute l'assemblée sainte, et instruisirent les fidèles à psalmodier, sur un chant alternatif, les cantiques de David (1). Ayant ainsi séduit saintement le peuple par cette nouvelle harmonie, ils passaient les nuits dans de saintes veilles, aux tombeaux des martyrs, et là, des milliers de bouches orthodoxes faisaient retentir des chants en l'honneur de Dieu (2). Théodoret rapporte, à la suite de ce récit, que le chant alternatif, qui avait commencé de cette manière à Antioche, se répandit de cette ville jusqu'aux extrémités du monde (3).

L'Église de Constantinople suivit l'exemple de celle d'Antioche, peu d'années après; elle y fut provoquée, pour ainsi dire, par l'insolence des ariens. Ces hérétiques, suivant l'usage de toutes les sectes, cherchant tous les moyens d'intéresser la multitude, imaginèrent de s'approprier le chant alternatif que les orthodoxes avaient récemment inauguré à Antioche. Comme, sous le  règne de

 

(1)  Hi primi psallentium choros duas in partes diviserunt; et Davidicos hymnos alternis canere docuerunt. (Théodoret, Hist. eccles., lib. II, cap. XXIV.)

(2)  Iidem, divinarum rerum studiosis ad martyrum basilicas congregatis, una cum Mis pernoctare consueverant, Deum hymnis célébrantes. (Ibidem.)

(3)  Quod quidem tune primum Antiochiœ fieri cœptum, inde ad reliquos pervasit, et ad ultimos usque terrarum fines perlatum est. (Ibidem.)

 

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Théodose, ils avaient perdu les églises dont ils jouissaient à Constantinople, ils étaient réduits à faire leurs assemblées sous des portiques publics. Là, ils se divisaient en choeurs, et psalmodiaient alternativement, insérant dans les cantiques sacrés certaines sentences, qui exprimaient leurs dogmes impies. Ils avaient coutume de faire ces assemblées aux fêtes les plus solennelles, et en outre le premier et le septième jour de chaque semaine. Ils en vinrent même à ajouter des cantiques entiers qui avaient rapport à leur querelle avec les catholiques ; un de ces chants commençait ainsi : Où sont maintenant ceux qui disent que trois sont une puissance unique? Saint Jean Chrysostome, craignant avec raison que quelques-uns de son peuple, séduits par ces nouvelles formes liturgiques, ne courussent risque d'être pervertis, exhorta les fidèles à imiter ce chant alternatif. En peu de temps, ils ne tardèrent pas à surpasser les hérétiques, et par la mélodie qu'ils mettaient à exécuter les chants, et par la pompe avec laquelle l'Église entière de Constantinople, marchant avec des croix d'argent, et portant des cierges, inaugurait ce nouveau mode de psalmodie (1).

En Occident, le chant alternatif des psaumes avait commencé dans l'Église de Milan, vers le même temps qu'on l'établissait à Antioche, et toujours dans le même but de repousser l'arianisme par la manifestation d'une nouvelle forme liturgique. Saint Augustin ayant été témoin de cette heureuse innovation, nous en a laissé un récit que nous placerons ici en son entier. Voici donc comme il s'exprime au neuvième livre de ses Confessions : « Que de fois, le cœur vivement ému, j'ai pleuré au chant de vos hymnes et de vos cantiques, ô mon Dieu, lorsque retentissait la voix doucement mélodieuse de votre Église ! Ces paroles s'insinuaient dans mes oreilles ; la

 

(1) Vid. la Note E.

 

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vérité pénétrait doucement dans mon cœur ; une piété affectueuse s'y formait avec chaleur, et mes larmes coulaient et mon bonheur était en elles. C'était depuis très-ce peu de temps que l'Église de Milan avait adopté ce moyen de produire la consolation et l'édification, en unissant par des chants les coeurs et les voix des fidèles. Il n'y avait guère plus d'un an que Justine, mère du jeune empereur Valentinien, séduite par les ariens dont elle avait embrassé l'hérésie, avait poursuivi votre serviteur Ambroise de ses persécutions. Le peuple fidèle veillait jour et nuit dans l'église, prêt à mourir avec son évêque. Ma mère, votre servante, toujours la première dans le zèle et dans les veilles, était là, vivant, pour toute nourriture, de ses oraisons. Moi-même, froid encore, puisque je n'avais point ressenti la chaleur de votre Esprit, j'étais ébranlé par le spectacle de cette cité plongée dans le trouble et la consternation. Alors il fut ordonné que l'on chanterait des hymnes et des psaumes, suivant la coutume des Églises d'Orient, dans la crainte que le peuple ne succombât au chagrin et à l'ennui. Cet usage a été retenu jusqu'aujourd'hui, et dans toutes vos bergeries, par tout l'univers, l'exemple en a été suivi (1).»

Il est à remarquer ici que saint Ambroise n'institua pas seulement le chant alternatif des psaumes dans l'église de Milan, mais qu'il fit aussi chanter les hymnes qu'il avait composées, hymni et psalmi, ce qui est confirmé non-seulement par le témoignage de Paulin, diacre, dans le récit qu'il nous a laissé de la vie de son saint évêque, mais encore par les paroles mêmes de saint Ambroise : « On prétend que je séduis le peuple au moyen de certaines hymnes que j'ai composées. Je n'en disconviens pas : j'ai, en effet, composé un chant dont la puissance est au-

 

(1) Vid. la Note F.

 

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dessus de tout : car, quoi de plus puissant que la confession de la Trinité? A l'aide de ce chant, ceux-là qui à peine étaient disciples sont devenus maîtres (1). » En effet, dans les hymnes qu'il a composées, et dont la forme a servi de modèle à tous les hymnographes des siècles suivants, saint Ambroise s'est attaché toujours à confesser énergiquement la foi du mystère de la Trinité.

Telle est l'histoire de l'introduction du chant alternatif dans les diverses Églises d'Orient et d'Occident : fait important dans les annales de la Liturgie, et qui confirme une fois de plus, par les circonstances dans lesquelles il s'accomplit, cette maxime que nous avons exposée en commençant, que la Liturgie est la prière à l'état social.

Au reste, si l'Église employa contre l'hérésie les forces de la Liturgie, il faut dire aussi que l'hérésie, dès le quatrième siècle, chercha à détourner le coup, en propageant des erreurs perfides sur le sujet des rites sacrés. Nous la verrons, dans toute la suite de cette histoire, fidèle à ce plan diabolique : ou elle appliquera à ses propres besoins les formes populaires du culte, ou elle décriera ces mêmes formes comme dangereuses, superstitieuses, ou d'invention humaine. Elle répétera surtout ce sophisme, que ce qui, dans la Liturgie, n'est pas appuyé sur l'Écriture sainte, doit être ôté, comme contraire à la pureté du service divin, méconnaissant ainsi à plaisir le grand principe établi ci-dessus, que toute Liturgie appartient particulièrement à la tradition. Nous en avons eu déjà un exemple frappant, dans l'erreur des quartodécimains que l'Église a qualifiée d'hérésie: cependant,  en célébrant la Pâque, le   14 de

 

(1) Hymnorum quoque meorum carminibus deceptum populum feront. Plane nec hoc abnuo. Grande carmen istud est, et quo nihil potentius; quid enim potentius quam confessio Trinitatis ? Facti sunt igitur omnes magistri qui vix poterant esse discipuli. (Opusc. de Spiritu Sancto, in Epist. XXXI.)

 

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la lune, ces sectaires se conformaient à la lettre des Écritures. Bien plus, ils soutenaient, disaient-ils, une tradition : car il y a des traditions d'erreur comme de vérité, et on ne saurait les distinguer qu'en les rapprochant de la source à jamais pure du Siège apostolique.

Or, dans le quatrième siècle, un Gaulois, nommé Vigilance, fut suscité par l'enfer pour être le précurseur des hérétiques antiliturgistes, dont nous donnerons bientôt la succession. Lui aussi trouva et soutint que le culte se surchargeait de plus en plus de pratiques nouvelles, propres à en altérer la pureté. La pompe du culte extérieur, l'affluence des peuples aux tombeaux des martyrs, le culte rendu aux fragments de leurs ossements, les flambeaux, les cierges allumés en plein jour, pour marquer la joie de l'Église ; la multitude des fêtes : toutes ces choses excitèrent une fureur sans pareille dans l'âme de Vigilance. Saint Jérôme, avec son éloquence incisive, entreprit de confondre ce nouveau pharisien, et il s'est trouvé que les arguments qu'il employa pour anéantir ses sophismes, paraissent avoir été préparés contre de modernes sectaires, de même que les erreurs de ces derniers ne sont qu'une pâle copie des déclamations de notre hérésiarque gaulois. La place nous manque pour insérer ici les pages pleines de chaleur et de conviction que le docte prêtre de Bethléem consacra à la réfutation de son adversaire ; son traité contra Vigilantium serait à citer tout entier. Nous invitons le lecteur à le relire dans les livres du saint Docteur.

Il nous reste encore à consigner ici un fait liturgique d'une autre nature, et dont nous devons suivre la trace dans le cours de cette histoire. Il s'agit des églises des moines et des formes du culte qu'on y exerçait. Les monastères, en effet, ne pouvaient exister longtemps sous le régime de paix dont jouissait l'Église elle-même, sans réclamer les moyens de mettre à même ceux qui les

 

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habitaient de remplir les devoirs du christianisme, et dès lors ils devaient renfermer une église, un autel pour le sacrifice, des ministres pour les sacrements. En outre, l'Office divin, faisant la principale occupation des moines, la manière de le célébrer devait être l'objet de règlements liturgiques spéciaux qui, tout en demeurant en rapport avec les usages généraux de l'Église, devaient représenter d'une manière particulière les maximes et les mœurs du cloître. Nous traiterons de la forme des différents Offices monastiques, dans la partie de cet ouvrage qui renfermera l'explication de l'Office divin.

La célébration des saints mystères exigeait, dans chaque monastère, la présence d'un ou plusieurs prêtres ou diacres, soit qu'ils fussent du nombre des moines, soit qu'ils fussent du clergé de quelque Église voisine. Toutefois, les ] premiers Pères de l'ordre monastique, saint Pacôme, par exemple, se souciaient peu de faire ordonner des sujets qui déjà avaient fait profession de la vie monastique : ils préféraient employer au ministère de l'autel des prêtres déjà honorés du sacerdoce, lorsqu'ils avaient embrassé la vie parfaite du désert. L'Église ne tarda pas à manifester ses intentions à ce sujet, et les lettres des souverains Pontifes, comme les décrets des conciles, statuèrent les règles à suivre pour l'ordination des moines, dont ils regardèrent l'état comme une véritable préparation au sacerdoce. Nous nous bornerons à citer ici, comme autorité du quatrième siècle, la fameuse décrétale de saint Sirice à Himerius de Tarragone. Voici les paroles du Pape : « Nous désirons et voulons que les moines qui sont recommandables par la gravité de leurs mœurs, et par une vie et une foi saintes et irréprochables, soient agrégés aux offices des clercs (1). »

 

(1) Monachos quoque quostamen morum gravitas, et vitae ac fidei institutio sancta commendat, clericorum officiis aggregari et optamus et volumus. (Constant, Epist. Rom. Pont., tom. I, pag. 635.)

 

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La suite des ordonnances ecclésiastiques n'a cessé de confirmer, dans chaque siècle, cette maxime, et le décret de Clément VIII, Cum ad regularem, qui fait aujourd'hui le droit des réguliers, sur l'article de l'admission des sujets à la profession, défend expressément d'en admettre aucun dans l'ordre des choraux, qui ne présente l'espoir fondé de pouvoir être un jour élevé au Sacerdoce (1). Enfin, parmi les propositions condamnées par Pie VI, dans la Bulle Auctorem fidei, on lit celle-ci : Ne compotes fiant ecclesiasticœ hierarchies qui se huic (monastico) ordini adjunxerint, nec ad sacros ordines promoveantur, prœterquam ad summum unies, vel duo, initiandi tanquam curati, vel capellani monasterii, reliquis in simplici laicorum ordine remanentibus. Il est fâcheux que cette proposition soit identique à plusieurs de celles qu'on rencontre dans les Discours de Fleury, et dans quelques autres ouvrages français qui sont journellement entre les mains du clergé ; mais nous n'avons point à traiter ici ces questions ; nous avons voulu seulement ouvrir, pour ainsi dire, les églises des monastères dans lesquelles, par la suite, nous aurons occasion de pénétrer, pour y étudier, soit les rites généraux de l'Église, soit les rites particuliers des moines.

Avant de résumer les travaux liturgiques des écrivains de l'époque qui nous occupe, nous dirons un mot des lois ecclésiastiques sur cette matière, durant la même période.

Les souverains Pontifes du quatrième siècle héritèrent du zèle et de la sollicitude de ceux des trois premiers, dans tout ce qui concerne les rites sacrés. Saint Silvestre fit des règlements sur la consécration du saint chrême, et sur les cérémonies du baptême à  suppléer à ceux  qui

 

(1) Quisque recipiendus in aliquo ordine regulari etiam mendicantium, eam litterarum scientiam calleat,. aut illius addiscendœ spem indubiam prae se ferat, ut minores, et, suis temporibus, majores ordines, juxta decreta sacri Concilii Tridentini, suscipere valeat.

 

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avaient reçu ce sacrement en maladie. Il établit que les diacres useraient de la dalmatique dans l'église, et porteraient au bras gauche un mouchoir de lin, qui est devenu depuis le manipule; que le sacrifice serait célébré sur l'autel, couvert, non d'un tapis de soie, ou de quelque étoffe teinte, mais d'une toile de lin, à l'imitation du linceul dans lequel fut enseveli le corps de Jésus-Christ (1). Saint Marc ordonna que l'évêque d'Ostie, auquel appartenait déjà le droit de consacrer le Pape, aurait l'usage du Pallium (2). Saint Jules statua que les notaires de l'Église tiendraient un registre exact de toutes les donations faites aux basiliques, et un état de tous leurs titres : mesure à laquelle nous devons certainement les précieux inventaires du trésor des églises de Rome, au temps de saint Silvestre (3). Saint Damase, comme on peut le voir par la lecture de ses œuvres, composa plusieurs hymnes à la louange des saints, et orna d'inscriptions en vers le lieu où avaient reposé les corps des saints Apôtres, aux Catacombes, et les tombeaux d'un grand nombre de martyrs. Il s'occupa aussi de régler l'Office divin ; et saint Grégoire le Grand (4) nous apprend qu'à la persuasion de saint Jérôme, il inséra dans les offices romains plusieurs usages des églises d'Orient. Ce témoignage de saint Grégoire, qui atteste les relations de saint Damase et de saint Jérôme au sujet de la Liturgie, nous semble propre à concilier un plus haut degré d'autorité à une opinion qu'on rencontre dans tous les liturgistes du moyen âge : que saint Jérôme aurait eu une grande part à un remaniement de l'Office divin entrepris par saint Damase (5).

 

(1)  Lib. pontificalis, in Silvestrum.

(2) Ibid., in Marcum.

(3) Ibid., in Julium.

(4) Lib. XII, Epist. IX.

(5) Grancolas, Commentaire historique sur le Bréviaire romain. Tome I pag. 26.

 

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Saint Sirice, successeur de saint Damase, dans la décrétale que nous avons citée plus haut, corrige la témérité de ceux qui conféraient le baptême à Noël, à l'Epiphanie, aux fêtes même des Apôtres, et confirme la tradition de toutes les églises de n'administrer ce sacrement qu'aux fêtes de Pâques et de la Pentecôte (1). On trouve plusieurs traits du même genre dans les lettres de ce saint Pape, qui ont été recueillies avec tant de soin par D. Constant; mais il faut remarquer la solennité avec laquelle il intime les volontés du Siège apostolique, en matière de Liturgie. « Jusqu'ici on a assez erré sur ce point : que maintenant donc s'attachent à la règle que nous venons d'établir, tous les Prêtres qui ne veulent pas être séparés de la solidité de cette Pierre apostolique sur laquelle le Christ a bâti son Église (2). » Nul doute que les décrets des Pontifes antérieurs ne fussent rendus avec cette solennité : le pouvoir du Siège apostolique ayant été le même depuis l'origine de l'Église, et la vigueur des Papes toujours inébranlable, quand il s'agissait du maintien et de la conservation des traditions.

Si nous en venons maintenant aux conciles du quatrième siècle, nous trouvons celui de Nicée avec son fameux canon sur la célébration de la Pâque; celui d'Antioche, tenu en 332, avec ses règlements sur le même sujet; celui de Laodicée, vers 362, qui prescrit plusieurs règles sur la psalmodie et les lectures qui l'accompagnaient; celui de Gangres, vers 370, qui condamne ceux qui blâment les assemblées que l'on tenait aux mémoires des martyrs ; le troisième de Carthage, en 397, qui, renouvelant des prescriptions déjà portées en 3o,3 par un concile tenu à Hippone,

 

(1)  Constant, Epist. Rom. Pontificum, tom. I, pag. 626.

(2) Hactenus erratum in hac parte sufficiat: nunc praefatam regulam omnes teneant sacerdotes qui nolunt ab apostolicas Petras, super quam Christus universalem construxit ecclesiam, soliditate divelli. (Pag. 627.)

 

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promulgua des canons très-importants sur la célébration delà Pâque, les prières liturgiques, l'administration des sacrements, l'offrande du saint sacrifice et la lecture publique des saintes Écritures; le quatrième de Carthage, en 398, qui détermine dans un détail si précieux les rites de l'ordination (1).

La liste des écrivains du quatrième siècle, qui ont traité des matières liturgiques est longue et imposante. En tête, nous inscrirons d'abord Eusèbe, dont l’ Histoire ecclésiastique offre tant de traits remarquables sur l'objet qui nous occupe, comme sur mille autres. Nous l'avons mise à contribution dans ce chapitre, ainsi qu'on vient de le voir; nous regrettons vivement que la perte de deux ouvrages de cet illustre écrivain nous ait privé du puissant secours que nous en eussions tiré. Ces deux opuscules sont une description spéciale de l'Église de Jérusalem et un livre de la fête de Pâques.

Saint Eustathe d'Antioche, docteur orthodoxe, composa une Liturgie syriaque qu'on trouve encore, mais interpolée, au Missel des Maronites.

Saint Athanase, l'invincible vengeur de la foi de Nicée, est réputé, chez les Orientaux, l'auteur de l’Anaphore, qui commence par ces paroles : Deus fortis Domine. Les Grecs appellent Anaphore la partie des prières de la Messe qui renferme l'offrande et le canon.

Saint Cyrille, de Jérusalem, doit être compté parmi les liturgistes du quatrième siècle, pour les précieuses Catéchèses dans lesquelles il expose souvent, avec autant de profondeur que d'éloquence, les rites des sacrements et du saint sacrifice.

Saint Hilaire, de Poitiers, d'après le témoignage de saint Jérôme et de saint Isidore, est auteur d'un Livre d'Hymnes et de Mystères sacrés qui n'est pas venu

 

(1) Concil. Labb. Tom. II.

 

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jusqu'à nous. Une seule de ces hymnes a survécu au naufrage, celle que le saint Évêque envoya à sa fille Abra, et qui commence par ce vers : Lucis largitor splendide. George Cassander et Grégoire Fabricius lui ont attribué aussi celle de la Pentecôte : Beata nobis gaudia, celle du Carême : Jesu, quadragenariœ, et enfin celle de l'Epiphanie : Jesus refulsit, omnium. Le B. Tommasi lui donne aussi cette dernière. Zaccaria paraît incliner à lui attribuer la longue pièce qui commence : Hymnum dicat turba fratrum : Hincmar, de Reims, est de ce sentiment. Enfin une autre hymne : Ad cœli clara non sum dignus sidera, a été jointe, par D. Coustant, à celle Lucis largitor splendide, sans que le docte bénédictin ait prétendu l'attribuer à saint Hilaire, mais seulement afin qu'elle ne pérît pas. Le faux Alcuin désigne saint Hilaire comme ayant complété l'hymne Gloria in excelsis. En outre, il nous est tombé entre les mains une dissertation imprimée (sans date) à Poitiers, sous le nom de M. l'abbé Cousseau, dans laquelle on veut faire saint Hilaire auteur de l'hymne Te Deum. Cet opuscule, qui n'est pas sans quelque mérite, aujourd'hui surtout où si peu de personnes paraissent s'intéresser aux études liturgiques, nous a semblé d'ailleurs très-insuffisant pour démontrer la thèse difficile que l'auteur s'est posée.

Saint Pacien, de Barcelone, a laissé un livre de Baptismo, ad Catechumenos.

Saint Ephrem, moine, Syrien de nation, diacre d'É-desse, a composé une immense quantité d'hymnes en langue syriaque. Il s'était proposé de détruire, par des poésies orthodoxes, les funestes effets que produisaient chez les Syriens les vers de l'hérétique Harmonius. Ces hymnes sont au nombre de quinze sur la Nativité de Jésus-Christ, quinze sur le Paradis, cinquante-deux de la Foi et de l'Eglise, cinquante et une de la Virginité, quatre-vingt-sept de la Foi contre les ariens et  les eunomiens, cinquante-six

 

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contre les Hérésies, quatre-vingt-cinq hymnes mortuaires, quinze hymnes parénétiques, etc. Toutes ces poésies sont étincelantes de génie, d'images orientales, de réminiscences bibliques, et sont remplies d'une onction admirable. On a donné, assez étrangement, à la plupart, le titre de Sermons, dans l'édition Vaticane de saint Éphrem. L'Église copte emploie une grande partie de ces hymnes dans les offices divins.

Saint Basile de Césarée, outre ses livres du Baptême, est auteur de la Liturgie grecque qui porte son nom.

Saint Grégoire de Nazianze passe pour être l'auteur d'une Liturgie grecque, et de plusieurs prières du même genre, qu'on trouve dans les livres d'offices des Syriens et des Coptes, et qui auraient été traduites du grec.

Apollinaire le jeune, qui fut évêque de Laodicée, et, depuis, condamné comme hérétique par saint Damase dans un concile romain, composa des hymnes et des cantiques, pour être chantés par le peuple dans les divins offices.

Saint Ambroise nous présente, dans ses écrits, particulièrement dans ses lettres, d'importants matériaux pour la connaissance de la Liturgie du quatrième siècle. Ses translations de martyrs, par exemple, offrent, sous ce rapport, le plus précieux intérêt. Son traité des Offices des Ministres, et celui des Mystères appartiennent directement à notre sujet, Quant aux six livres des Sacrements, on ne convient pas s'ils appartiennent ou non au docte évêque de Milan ; mais ils n'en sont pas moins importants pour leur haute antiquité et pour les richesses liturgiques qu'ils renferment. Les hymnes qui sont attribuées à saint Ambroise, avec le plus de certitude, sont d'abord les onze que lui reconnaît Dom Ceillier, savoir : Aeterne rerum conditor. Deus creator omnium. Jam surgit hora tertia. Veni, redemptor gentium. Illuminans Altissimus. Orabo mente Dominum. Alterna Christi mimera. Somno refectis

 

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artubus. Consorspaterni luminis. O Lux beata Trinitas. Fit porta Christi pervia. Le B. Tommasi, dans son Hymnaire, ajoute les suivantes sur la foi des manuscrits : Intende qui regis Israël. Hymnum dicamus Domino. Hic est dies verus Dei. Optatus votis omnium. Jesu, nostra redemptio. Jam Christus astra ascenderat. Conditor alme siderum. Agnes beat ce virginis. A solis ortus cardine. Mysterium ecclesiœ. Agathœ sacrœ virginis. Grates tibi, Jesu, novas. Apostolorum passio. Magni palmam certaminis. Apostolorum supparem. Mediœ noctis tempus est. Rerum creator optime. Nox atra rerum contegit. Tu Trinitatis unitas. Summœ Deus clementiœ. Splendor paternœ gloriœ. Aeternœ lucis conditor. Fulgentis autor œtheris. Deus œterni luminis. Christe, rex cœli, Domine. Aeterna cœli gloria. Diei luce reddita. Jam lucis orto sidère. Certum tenentes ordinem. Nunc, sancte nobis Spiritus. Bis ternas horas explicans. Jam sexta sensim volvitur. Dicamus laudes Domino. Rector potens, verax Deus. Ter hora trina volvitur. Perfecto trino numero. Rerum Deus tenax vigor. Deus qui certis legibus. Sator princepsque temporum. Lucis creator optime. Immense cœli conditor. Telluris ingens conditor. Cœli Deus sanctissime. Magnœ Deus potentiœ. Plasmator hominis Deus. Christe cœlestis medicina Patris. Obduxere polum nubila cœli. Squalent arva soli pulvere multo. Tristes nunc populi, Christe redemptor. Sœvus bella serit barbarus horrens. Presque toutes ces hymnes font partie des Bréviaires romain et ambroisien, et les autres se trouvent dans l'Office mozarabe. Au reste, nous ne donnons pas cette dernière énumération comme authentique de tout point ; au contraire, nous rendrons plusieurs de ces hymnes à saint Grégoire ; mais le B. Tommasi lui-même n'a pas prétendu faire autre chose que recueillir les traditions des anciens Hymnaires, sans en prendre toujours la responsabilité. On a, en

 

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outre, attribué à saint Ambroise l'hymne monastique Te decet laus, mais il faut convenir que c'est sans aucune espèce de fondement. On intitule d'ordinaire le Te Deum laudamus, Hymne de saint Ambroise et de saint Augustin : on ne peut avoir, pour appuyer ce titre, que des conjectures et une possession qui n'est pas très ancienne. Ces deux hymnes en prose n'ont rien de commun avec les véritables hymnes de saint Ambroise qui sont mesurées; mais elles remontent à une antiquité voisine de ce saint Docteur, puisqu'elles sont citées dans la règle de saint Benoît, qui a dû être écrite dans la première moitié du sixième siècle.

Théophile, d'Alexandrie, outre son cycle pascal, écrivit des Sacrés Mystères, ou du Mobilier sacré de l'Église de Dieu : ouvrage que nous n'avons plus et qui avait été traduit du grec par saint Jérôme.

Saint Augustin, dans tous ses écrits, mais particulièrement dans ses sermons, dans ses lettres, dans une foule de traités spéciaux, comme sont ceux de Catechizandis rudibus, de Cura gerenda pro mortuis, de Symbolo ad catechumenos, ses Epîtres ad Januarium, présente le tableau le plus complet et le plus vrai des mœurs de l'Église de son temps, et, par là même, fournit à l'observateur d'innombrables particularités propres à alimenter la science liturgique; mais nous ne voyons pas qu'il ait rien composé qui touche directement cette matière. Nous ferons voir ailleurs que c'est à tort qu'on lui a attribué le chant du cierge pascal : Exultet jam angelica.

Fabius Marius Victorinus, personnage consulaire, orateur, rhéteur et grammairien, le même dont saint Augustin raconte la conversion au christianisme, au livre VIII de ses Confessions, composa trois hymnes en prose sur la Trinité; plusieurs fragments de ces hymnes sont entrés dans la composition de l'Office de la sainte Trinité, au Bréviaire romain.

 

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Saint Jean Chrysostome n'est pas l'auteur de la Liturgie grecque qui porte son nom; nous aurons occasion de revenir sur cette question, quand nous traiterons des livres liturgiques de l'Orient. Ses Homélies et son Traité du Sacerdoce renferment une foule de traits infiniment précieux sur la célébration des saints mystères, sur les fêtes et les assemblées chrétiennes.

Saint Jérôme, dont les travaux appartiennent en grande partie au quatrième siècle, est infiniment riche en détails sur les formes liturgiques de son temps, particulièrement dans ses lettres et ses opuscules contre les hérétiques. Nous parlerons ailleurs du Martyrologe et du livre appelé Cornes, qui lui ont été attribués.

Prudence, personnage consulaire, le prince des poètes chrétiens, a grandement mérité de la Liturgie, par les belles hymnes dont il a enrichi les offices divins, tant de l'Église romaine que de l'Église gothique d'Espagne. Son premier recueil intitulé Cathemerinon, ou collection de prières quotidiennes, renferme les suivantes : Ad Gallicinium. Ales diei nuncius. Hymnus matutinus. Nox et tenebrœ et nubila. Ante cibum. O crucifer bone, lucisator. Post cibum. Pastis visceribus, ciboque sumpto. De novo lumine paschalis sabbati. Inventor rutili, dux bone, luminis. Ante somnum. Ades, Pater supreme. Hymnus jejunantium. O Nazarene, lux Bethlem, Verbum Patris. Post jejunium. Christe, servorum regimen tuorum. Omni hora. Da, puer, plectrum, choris ut canam fidelibus. Circa exequias defuncti. Deus, ignee fons animarum. VIII, Kalendas januarias. Quid est quod arctum circulum. De Epiphania. Quicumque Christian quaeritis.

Le second recueil d'hymnes est intitulé : Peristephanon (des couronnes), parce que le poète y célèbre le triomphe d'un grand nombre de martyrs, savoir : les saints Hémétérius et Célédonius,  saint Laurent,   sainte Eulalie, les

 

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dix-huit martyrs de Saragosse, saint Vincent, les saints Fructueux, Eulogius et Augurius, saint Quirinus, saint Cassien, saint Romain, saint Hippolyte, les saints apôtres Pierre et Paul, saint Cyprien et sainte Agnès. Nous donnerons ci-dessous dans les notes de ce chapitre, l'hymne magnifique que Prudence consacre à chanter la fête des saints Apôtres à Rome(1); elle renferme la description des églises de saint Pierre et de saint Paul, telles qu'elles étaient alors. On y verra de précieux détails sur les pompes de ce grand jour et notamment sur les deux Messes que le Pape célébrait en cette occasion. Les hymnes de Prudence, et la plupart de ses autres poésies, sont remplies de particularités liturgiques du plus haut intérêt : nous ne saurions trop en recommander l'étude aux lecteurs.

En finissant ce tableau liturgique du quatrième siècle, nous tirerons de tout ce qui précède les conclusions suivantes :

La beauté, la grandeur, la richesse des églises fut un des caractères de cette époque de paix.

L'Eglise dirigea contre l'hérésie l'arme puissante de la Liturgie, en instituant contre les ariens le chant alternatif des psaumes, en opposant des hymnes orthodoxes à des cantiques inspirés par l'erreur.

L'hérésie, redoutant l'effet prodigieux des formes liturgiques sur le peuple, attaqua dès lors les pompes et le caractère traditionnel du culte, par les arguments que répétèrent les sectaires des âges suivants.

Les monastères, en ce siècle, commencèrent à avoir des églises, et une Liturgie monastique se forma.

Le plus haut pouvoir de la chrétienté, le Siège apostolique continua de promulguer les  lois sur la Liturgie,

 

(1) Vid. la Note G.

 

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préparant ainsi l'unité qui devait plus tard briller dans cette partie, comme dans tout le reste. Les conciles de ce siècle mirent les questions liturgiques au rang des plus importantes, et les plus illustres docteurs s'occupèrent avec complaisance à expliquer et à régler les formes du culte divin.

 

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NOTES DU CHAPITRE V

 

NOTE A

 

Itaque multo ampliorem locum metatus (Paulinus), exteriorem quidem ambitum muro undique communivit, qui totius operis tutissimum esset propugnaculum. Magnum deinde atque   excelsum  vestibulum ad  ipsos solis orientis radios extendit ; iis qui a sacro loci ambitu longius remoti sunt, conspectum quemdam eorum quae intus reconduntur abunde exhibens, et oculos eorum qui a nostra fide alieni sunt, ad conspicienda limina quodam modo invitans. Caeterum ubi portas ingressus sis, non statim impuris et illotis pedibus in sacrarium introire permisit. Sed inter templum   ac   vestibulum   maximo    intervallo    relicto,    hoc    spatium   in quadrati   speciem    circumseptum    quatuor   obliquis   porticibus   circumquaque exornavit,   quas    columnis   undique   attolluntur.   Intercolumnia  porro  ipsa   septis   e   ligno   reticulatis,   in mediocrem et congruam altitudinem elatis circumclusit. Medium autem spatium apertum et patens reliquit, ut et cœli aspectum praeberet,  et aerem   splendidum solisque radiis collustratum praestaret. Hic sacrarum expiationum signa posuit; fontes scilicet ex adverso Ecclesiae struçtos, qui interius sacrarium ingressuris copiosos latices ad abluendum ministrarent. Atque hoc primum intrantium diversorium est ; cunctis quidem  ornatum ac nitorem concilians; iis vero qui institutione adhuc opus habent,congruentem praebens mansionem. Jam vero hoc spectaculum prætervectus,   pluribus aliis interioribus vestibulis aditus ad templum patentes effecit; rursus ad ipsos solis orientis radios tribus ordine   januis in uno eodemque   latere constructis. Quarum mediam duabus aliis utrimque positis et altitudine et latitudine plurimum praestare voluit, eamdemque aereis tabulis ferro vinctis, et sculpturis variis prœcipue decoravit; ei tanquam reginae satellites alias adjungens. Ad eumdem modum cum porticibus ad utrumque templi latus fabricatis parem vestibulorum numerum disposuisset, diversos aditus quibus copiosum lumen superne in aedem infunderetur, supra ipsas porticus excogitavit, easque fenestras variis e ligno sculpturis minutissimi operis ornavit. Ipsam vero aedem regiam opulentioribus magisque pretiosis speciebus instruxit, prolixa sumptuum magnificentia ad hoc usus. Hic jam mihi superfluum videtur aedis ipsius longitudinem  ac latitudinem describere, et hunc splendidissimum decorem, atque inexplicabilem magnitudinem; radiantem operum speciem ac splendorem ; fastigia ad cœlum usque tendentia; et supra hæc eminantes  Libani   pretiosissimas cedros oratione prosequi, quarum mentionem ne divina quidem oracula

 

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praetermiserunt, in quibus dicicitur : Laetabuntur ligna Domini, et cedri Libani quas plantavit. Quid jam attinet de solerti et ingeniosa totius fabricae dispositione, ac de excellenti singularum partium pulchritudine accuratius disserere, praesertim cum oculorum testimonium omnem quae auribus percipi potest notitiam excludat. Porro cum templum in hune modum absolvisset, thronisque altissimis in honorem praasidentium, ac praeterea subselliis per universum templum ordine dispositis exornasset; postremo sanctum sanctorum, altare videlicet, in medio constituit. Utque haec sacraria multitudini inaccessa essent, ea rursus lignis cancelliis munivit, mihutissimo opere ad summum artis fastigium elaboratis, adeo ut admirabile intuentibus spectaculum exhibeant. Quin etiam ne ipsum quidem solum negligendum putavit. Quod cum mirum in modum marmore exornasset, inde ad ea quae extra templum posita sunt conversus, exhedras et œcos amplissimos utrimque summa cum peritia fabricavit, qui sibi invicem ad latera ipsius basilicae conjunguntur, portisque quibus in médium templum intratur connexi sunt. Quas quidem aedes in gratiam eorum qui expiatione et purgatione per aquam et Spiritum Sanctum opus habent, Salomon noster vere pacificus templi hujus conditor exstruxit.

..............Est quidem hoc opus miraculum, et omni admirationemajus, iis praesertim qui ad solam rerum exteriorum speciem attendunt. Omnibus vero miraculis mirabiliora sunt archetypa, et primitivae eorum imagines,spiritalia Deoque digna exemplaria : instaurationes divini illius et rationalis in animabus nostris aedificii. Quod quidem asdificium cum ipse Dei Filius ad imaginem suam condidisset, atque in omnibus Dei similitudinem praeferre voluisset, incorruptibilem ei naturam et incorpoream atque ab omni terrena materia segregatam largitus, rationalem quoque substantiam et prersus intellectualem ei tribuens; posteaquam semel ex nihilo primumeam creavit, sponsam sanctam et sacrum templum sibi ac Patri suo constituit.

............Cumque mentium vestrarum locum purum ac nitidum reddidisset, huic sapientissimo post haec Deique amantissimo praesidi eum tradidit. Qui cum in aliis rebus singulari judicio et ratiocinandi solertia praeditus, tum in animarum quarum curam sortitus est, cogitationibus dignoscendis ac discernendis perspicacissimus, ab initio fere ad hunc usque diem aedificare non destitit : nunc aurum splendidissimum, nunc purum ac probum argentum, nunc pretiosissimos lapides in uno quoque vestrum coagmentans; ut suis erga vos operibus sacram denuo et arcanam praedictionem adimpleat, quae sic habet : Ecce ego praeparo tibi carbunculum lapidem tuum, et fundamenta tua sapphirum, et propugnacula tua jaspidem, et portas tuas lapides crystalli, et murum tuum lapides electos : et omnes filios tuos doctos à Deo, et in multa pace filios tuos : et in justitia aedificaberis. In justitia igitur aedificans, totius populi vires ac facultates congrua ratione distinxit : hos quidem exteriore duntaxat cingens muro, id est firma fide. Cujus generis infinita est multitudo, quas praestantiorem

 

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structuram ferre non potest. Illis vero aditus in templum permittens; ad portas stare et intrantes deducere eos jubet : qui non absurde templi vestibulis comparantur. Alios primis columnis quae forinsecus circa atrium in quadranguli speciem dispositae sunt suffulsit, intra primos litteralis quatuor evangeliorum sensus obices eos inducens. Jam vero nonnullos circa regiam aedem utrimque lateribus applicat, qui adhuc quidem catechumeni sunt: et augmentum ac progressum faciunt, non tamen procui absunt ab ipsa abditissimorum Dei mysteriorum inspectione qua fideles fruuntur. Ex horum numero eos quorum animas immaculatas sunt et divino lavacro instar auri purgatae assumens; alios columnis, quae exterioribus illis longe praestantiores sunt, arcanis scilicet et intimis sacras Scripturae sententiis suffulsit. Alios vero fenestris ad lumen in œdes immittendum factis illustrat. Ac universum quidem templum uno maximo vestibulo, unius scilicet Dei summi omnium regis adoratione exornavit. Christum vero et Spiritum Sanctum utrimque ad latus paternae auctoritatis, quasi secundum lumen praebet. Sed et in reliquis singillatim fidei nostrae    sententiis,    per   totam   basilicam   copiosissimam  ac   praestantissimam veritatis  lucem atque evidentiam ostendit............   Insunt etiam in hoc templo throni; et subsellia scamnaque innumera; in cunctis scilicet animabus in quibus Sancti Spiritus resident dona, cujusmodi olim visa sunt sacrosanctis Apostolis; quibus linguae instar ignis divisée, et singulis insidentes apparuerunt. Verum in ipso quidem omnium principe ac prasside, totus, ut verisimile est, insidet Christus. In iis vero qui secundum dignitatis locum obtinent, quatenusquisque dispertita virtutis Christi Sanctique Spiritus dona capere potest. Subsellia quoque Angelorum sunt quorumdam animas, quorum institutio et custodia illis demandata est. Augustum vero magnumque et unicum altare quodnam aliud est, quam summi omnium sacerdotis purissima mens prorsusque sanctum sanctorum. Cui dexter assistens maximus ille omnium Pontifex, ipse scilicet Jesus unigenitus Dei Filius. (Euseb. Hist. eccles., lib. X, cap. IV.)

 

NOTE B

 

Hoc, inquam, monumentum tanquam totius operis caput, imperatoris magnificentia eximiis columnis et maximo cultu primum omnium decoravit, et cujusque modi ornamentis illustravit. Transgressus inde est ad vastissimum locum libero patentem cœlo. Cujus solum splendido lapide constravit, longissimisque undique porticibus ad tria latera additis. Quippe lateri illi quod e regione speluncas positum, solis ortum specta-bat, conjuncta erat basilica; opus plane admirabile, in immensam altitudinem elatum.et longitudine maxima expansum. Cujus interiora quidem versicoloribus marmoris crustis obtecta sunt: exterior vero parietum superficies, politis lapidibus probe inter se vinctis decorata, eximiam quamdam pulchritudinem, nihilo inferiorem marmoris specie, prœferebat.

 

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Ad culmen vero et cameras quod attinet,exteriora quidem tecta plumbo, tanquam firmissimo quodam munimento, ad hibernos imbres arcendos obvallavit. Interius autem tectum sculptis lacunaribus consertum, et instar vasti cujusdam maris compactis inter se tabulis per totam basilicam dilatatum, totumque auro purissimo coopertum, universam basilicam velut quibusdam radiis splendere faciebat. Porro ad utrumque latus, geminae porticus tam subterraneae quam supra terram eminentes, totius basilicae longitudinem aequabant; quarum concamerationes auro perinde variatae sunt. Ex his, quae in fronte basilicae erant, ingentibus columnis fulciebantur: quae vero interiores, pessis magno cultu extrinsecus ornatis sustinebantur. Portae tres ad orientem solem apte dispositae, introeuntium turbam exceperunt. E regione harum portarum erat hemisphaerium, quod totius operis caput est : usque ad culmen ipsius basilicae protentum. Cingebatur id duodecim columnis, pro numero sanctorum Servatoris nostri Apostolorum. Quarum capita maximis crateribus argenteis erant ornata: quos imperator tanquam pulcherrimum donarium, Deo suo dicaverat. Hinc ad eos aditus qui ante templum sunt progredientibus, aream interposuit. Erant autem in eo loco primum atrium, deinde porticus ad utrumque latus, ac postremo portas atrii. Post has totius operis vestibula in ipsa media platea, in qua forum est rerum venalium,ambitioso cultu exornata, iter forinsecus agentibus, aspectumearum rerum quae intus cernebantur non sine quodam stupore exhibebant. (Eusebius, Vita Constantini, lib. III, cap. XXXIV-XXXIX.)

 

NOTE C

 

Hujus temporibus fecit Constantinus Augustus basilicas istas, quas et ornavit : basilicam Constantinianam, ubi posuit ista dona. Fastigium argenteum battutile, quod habet in fronte Salvatorem sedentem in sella in pedibus 5. pens. libras 120. Duodecim Apostolos in quinis pedibus, qui pensaverunt singuli libras nonagenas, cum coronis argenti purissimi. Item à tergo respiciens in absida, Salvatorem sedentem in throno in pedibus quinis ex argento purissimo, qui pens. libras 140. Angelos quatuor ex argento, qui sunt in pedibus quinis costas cum crucibus tenentes, qui pensaverunt singuli libras 105, cum gemmis alavandinis in ocuos. Fastigium ipsum ubi stant Angeli vel Apostoli, pensat libras duo millia viginti quinque ex argento dolatico. Farum ex auro purissimo, quod pendet sub fastigio cum delphinis qùinquaginta, quae pensant cum catena sua libras 25. Coronas quatuor cum delphinis viginti ex auro purissimo pensantes singulae libras 15. Cameram Basilicae ex auro trimme in longum, et in latum in pedibus quingentis. Altaria septem ex argento battutili pens. sing. libras 200. Patenas aureas septem, quae pensant singulae libras 3o. Patenas argenteas 13 pensantes singulas libras 3o. Scyphos aureos 7, qui pens. singuli libras decem; scyphum singularem ex metallo, corallo ornatum undique de gemmis prasinis, et hyacinthinis

 

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auro interclusum qui pensat ex omni parte libras viginti et uncias très. Scyphos argenteos viginti pensantes singulos libras 15. Amas ex auro purissimo duas, pensantes sing. libras quinquaginta portantes sing. medemnos très. Amas argenteas viginti, quae pensant singulae libras decem, portantes singulae medemnae singulas. Calices minores ex auro purissimo quadraginta, pensantes singulos libras singulas.Calices minores ministeriales quinquaginta pensantes singuli libras binas. Ornamenta in basilica. Farum cantharum ex auro purissimo ante altare, in quo ar-det oleum nardinum pisticum cum delphinis octuaginta, qui pensant libras triginta, ubi candelae ardent ex oleo nardino pistico in gremio Ecclesiae. Pharum cantharum argenteum cum delphinis centumet viginti, quod pensat libras quinquaginta, ubi oleum ardet nardinum pisticum. Phara canthara argentea in gremio basilicae quadraginta pens. singula libras triginta, ubi ardet oléum quod supra. Parte dextra basilicae : Phara argentea quadraginta pens. singula libras viginti. Phara canthara in laeva Basilicas argentea viginti quinque pens. singula libras viginti. Canthara cyrostrata in gremio basilicae argentea quinquaginta pens. singula libras viginti. Singularum librarum metrae très ex argento purissimo, quas pensant singulae libras 3oo, portantes singulae medemnas decem. Candelabra aurichalcha septemante altaria, quae sunt in pedibus 10, cum ornatu suo ex argento interclusa sigillis Prophetarum pens. singula libras triginta, etc. (Liber pontificalis, in Silvestrum.)

 

NOTE D

 

Hic fecit in urbe Roma Ecclesiam in praedio cujusdam presbyteri sui, qui cognominabatur Equitius; quem titulum Romanum constituit juxta thermas Domitianas : qui usque in hodiernum diem appellatur titulus Equitii, ubi et haec dona contulit : Patenam argenteam pensantem lib. 20, ex dono Constantini Augusti. Donavit autem scyphos argenteos 2, pensantes singulos lib. 10. Calicem aureum pensantem lib. 2. Calices ministeriales 5, pensantes singulos lib. 2. Amas argenteas 2, pensantes singulas lib. 10. Patenam argenteam auro clusam chrismalem, pensantem lib. 5. Phara coronata 10, pensantia singula lib. 8. Phara aerea 20, pensantia singula lib. 10. Canthara cerostrata aerea 12, pensantia singula lib. 3o, etc. (Ibidem.)

 

NOTE E

 

Nam cum ariani, quibus, regnante Theodosio, ademptae fuerant ecclesiae Constantinopoli, extra urbis moenia conventus ecclesiasticos agerent, noctu in publicis porticibus primum congregabantur. Et in cœtus divisi, antiphonatim psallebant, clausulas quasdam juxta ipsorum dogma compositas adjicientes. Prima autem luce, eadem publice canentes, pergebant ad loca in quibus collectas celebrabant. Atque id facere consueverant in

 

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celebrioribus quibusque festivitatibus, et primo ac septimo cujusque hebdomadis die. Tandem vero cantica quoque adjecerunt, quae ad rixam et contentionem spectarent: Ubinam sunt qui très dicunt esse unicam potentiam? Et alia ejusmodi hymnis suis intermiscentes. Joannes itaque, veritus ne quis ex ecclesia sua per haec in fraudem induceretur, plebem quas sub ipso erat, ut similiter psalleret incitavit. Qui brevi tempore illustriores facti, arianos et multitudine et apparatus splendore longe superarunt. Nam et crucum argentea signa, praecedentibus cereis, eos anteibant. (Sozomen., Hist. eccles., lib. VIII, cap. VIII.)

 

NOTE F

 

Quamtum flevi in hymnis et canticis tuis, suave sonantis Ecclesia: tua; vocibus commotus acriter! Voces illae influebant auribus meis, et eliquabatur veritas in cor meum; et exaestuabat inde affectus pietatis, et currebant lacrymae, et bene mihi erat cum eis. Non longe coeperat Mediolanensis ecclesia genus hoc consolationis et exhortationis celebrare, magno studio fratrum concinentium vocibus et cordibus.Nimirum annuserat, aut non multo amplius, cum Justina Valentiniani régis pueri mater, hominem tuum Ambrosium persequeretur, hœresis suas causa qua fuerat seducta ah arianis. Excubabat pia plebs in Ecclesia, mori parata cum episcopo suo, servo tuo. Ibi mater mea, ancilla tua, sollicitudinis et vigiliarum primas tenens, orationibus vivebat. Nos adhuc frigidi a calore spiritus tui, excitabamur tamen civitate attonita atque turbata. Tune hymni et psalmi ut canerentur secundum morem orientalium partium, ne populus mœroris taedio contabesceret, institutum est; et ex illo in hodiernum retentum, multis jam ac pene omnibus gregibus tuis, et per caetera orbis imitantibus. (S. Augustin., Confessionum lib. IX, cap. vi et vu.)

 

NOTE G

 

Plus solitocoeunt ad gaudia: die amice, quid sit.

Romam per omnem cursitant, ovantque.

Festus apostolici nobis redit hic dies triumphi,

Pauli, atque Petri nobilis cruore.

Unus utrumque dies, pleno tamen innovatus anno,

Vidit superba morte laureatum.

Scit Tiberina palus, quae flumine lambitur propinquo,

Binis dicatum cespitem trophaeis,

Et crucis, et gladii testis : quibus irrigans easdem

Bis fluxit imber sanguinis per herbas.

Prima Petrum rapuit sententia, legibus Neronis

Pendere jussum praeminente ligno.

Ille tamen veritus celsae decus asmulando mortis

 

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Ambire tanti gloriam magistri,

Exigit ut pedibus mersum caput imprimant supinis

Quo spectet imum stipitem cerebro.

Figitur ergo manus subter, sola versus in cacumen :

Hoc mente major, quod minor figura.

Noverat ex humili coelum citius solere adiri :

Dejecit ora, spiritum daturus.

Ut teres orbis iter flexi rota percucurrit anni,

Diemque eumdem sol reduxit ortus,

Evomit in jugulum Pauli Nero fervidum furorem,

Jubet feriri gentium magistrum,

Ipse prius sibimet finem cito dixerat futurum,

Ad Christum eundum est, jam resolvor, inquit.

Nec mora; protrahitur, poenae datur, immolatur ense,

Non hora vatem, non dies fefellit.

Dividit ossa dum Tibris, sacer ex utraque ripa,

Inter sacrata dum fluit sepulchra,

Dextra Petrum regio tectis tenet aureis receptum,

Canens oliva, murmurans fluento.

Namque supercilio saxi liquor ortus excitavit

Frondem perennem chrismatis feracem,

Nunc pretiosa ruit per marmora, lubricatque clivum,

Donec virenti fluctuet colymbo.

Interior tumuli pars est, ubi lapsibus sonoris

Stagnum nivali volvitur profundo.

Omnicolor vitreas pictura superne tingit undas,

Musci relucent, et virescit aurum.

Cyaneusque latex umbram trahit imminentis ostri:

Credas, moveri fluctibus lacunan

Pastor oves alit ipse illic gelidi rigore fontis,

Videt sitire quas fluenta Christi.

Parte alia titulum Pauli via servat Ostiensis,

Qua stringit amnis cespitem sinistrum.

Regia pompa loci est: princeps bonus has sacravit arces,

Lusitque magnis ambitum talentis.

Bracteolas trabibus sublevit, ut omnis aurulenta

Lux esset intus, ceu jubar sub ortu.

Subdidit et parias fulvis laquearibus columnas,

Distinguit illic quas quaternus ordo.

Tum camuros hyalo insigni varie cucurrit arcus :

Sic prata vernis floribus renident.

Ecce duas fidei summo Patre conferente dotes,

Urbi colendas quas dedit togatae.

Aspice, per bifidas plebs Romula funditur plateas,

Lux in duobus fervet una festis.

 

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Nos ad utrumque tamen gressu properemus incitato,

Et his, et illis perfruamur hymnis.

Ibimus ulterius, qua fert via pontis Hadriani,

Laevam deinde fluminis petemus.

Transtiberina prius solvit sacra pervigil sacerdos,

Mox huc recurrit, duplicatque vota.

Haec didicisse sat est Romae tibi; tu domum reversus,

Diem bifestum sic colas, memento.

(Prudentius, Peristephanon. Hymn. XII, de SS. Apostolis.)

 

 

 

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