II - PRÉFACE

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II - ADDITION

INSTITUTIONS LITURGIQUES

PAR LE R.P. DOM PROSPER GUÉRANGER

ABBÉ DE SOLESMES

 

Sanas Pontificii Juris et sacrae Liturgiae traditiones labescentes confovere

 

Deuxième Édition

TOME DEUXIÈME

 

SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE LIBRAIRIE CATHOLIQUE

 

Victor PALÉ éditeur des Bollandistes, DIRECTEUR GÉNÉRAL

Paris, 76 rue des Saints-Pères

Bruxelles, 29 rue des Paroissiens

 

PRÉFACE

 

En donnant enfin au  public le second volume de nos Institutions Liturgiques,  nous éprouvons le besoin de justifier le retard  que nous avons mis à satisfaire à des engagements réitérés.

Certes, nous pouvons nous rendre ce témoignage, que notre bonne volonté est demeurée entière; mais nos forces affaiblies par un long malaise n'ont pas servi notre courage, et nous avons vu les mois, et presque les années, s'accumuler, sans nous rendre cette vigueur qui pourtant nous était nécessaire pour achever la rude tâche que nous nous étions imposée.

D'un autre côté, les nécessités du plan que nous nous sommes tracé, exigeant impérieusement que nous ne fissions pas trop attendre la dernière partie de cette Introduction historique, il nous a fallu subir les exigences du sujet, et, partant, donner au présent volume une dimension presque double de celle à laquelle nous avions cru devoir étendre le premier.

 

VI

 

Du moins, ce long délai, durant lequel nous avons reçu les instances les plus vives et les plus multipliées pour la continuation de l'ouvrage, aura servi à manifester l'intérêt qui désormais paraît devoir s'attacher aux études liturgiques si longtemps éclipsées en France. Assurément, lorsque nous prîmes la plume pour écrire sur ces matières, nous étions loin de nous attendre que notre faible travail dût exciter aussi vivement l'attention des catholiques, et que le siècle fût en mesure de témoigner tant de sympathie pour une œuvre que plusieurs pouvaient croire surannée dans son objet, et que certains symptômes semblaient signaler à l'opinion comme étant tout au moins dépourvue de ce qu'on est convenu d'appeler aujourd'hui actualité.

Nous bénissons le Père des lumières qui a bien voulu qu'il en fût autrement; car ce travail a été entrepris dans des intentions pures, et ce nous est une grande joie de voir se préparer un retour vers l'étude et l'amour des pieuses traditions des âges catholiques. Profès d'un Institut qui place en tête de tous ses devoirs le Service liturgique, il est naturel que nos désirs et nos efforts se tournent vers ce but auquel nous avons voué avec bonheur notre vie tout entière.

Mais avant d'ouvrir la source des mélodies, avant d'expliquer les mystères célestes, il nous fallait tracer un tableau général des vicissitudes de la Liturgie, raconter sa marche à travers les siècles, son admirable progrès, ses altérations en quelques lieux; arriver ainsi à établir l'aspect général de cette immense forme du catholicisme. Cet aperçu, ainsi que nous l'avons dit ailleurs, était

 

VII

 

indispensable, tant pour asseoir sur la base inébranlable des faits la partie didactique de l'ouvrage tout entier, que pour subvenir aux besoins des personnes qui ne possèdent point un ensemble sur la matière des faits liturgiques.

Et le nombre de ces personnes est plus grand que nous ne l'aurions pensé. On rencontre des hommes versés dans les sciences ecclésiastiques, récitant chaque jour les heures canoniales dans un bréviaire, célébrant la sainte messe dans un missel, et avouant avec simplicité ne s'être jamais préoccupés de savoir les noms des rédacteurs de ce bréviaire, de ce missel, qu'ils ont sans cesse entre les mains. Bien plus, un écrivain exact, et même minutieux, l'auteur des Mémoires pour servir à l'Histoire ecclésiastique pendant le XVIII° siècle, en est venu jusqu'à omettre, dans son livre, le récit d'un si grand fait que le changement de la Liturgie dans l'Eglise de France au XVIII° siècle. C'est à peine si on trouve, dans ses quatre volumes, quelques mots épars, à l'aide desquels on puisse se douter qu'une révolution quelconque ait eu lieu chez nous dans les choses du service divin, tandis qu'il est matériellement incontestable que rien d'aussi grave sous ce rapport ne s'était opéré dans nos églises, depuis l'époque de Charlemagne.

L'histoire des deux derniers siècles liturgiques devra c donc paraître quelque peu étrange à certains esprits préoccupés qui n'aiment pas qu'on les dérange, ou qu'on trouble leur quiétude. Il est des hommes qui voudraient qu'on ne parlât jamais des choses auxquelles ils n'ont pas l'habitude de songer, et qui se trouvent portés à nier de

 

VIII

 

prime abord ce qu'ils ne rencontrent pas dans leurs souvenirs. Quoi qu'il en soit de l'effet que peut produire sur ces derniers la lecture de cette histoire, nous nous flattons du moins que les lecteurs sans préjugés rendront justice aux efforts qu'il nous a fallu faire pour en rassembler les matériaux, tout imparfait d'ailleurs que puisse leur sembler le résultat.

Mais il est un avertissement que nous croyons devoir i déposer ici pour l'utilité de plusieurs personnes. Il consistera tout simplement à dire que quiconque n'est pas familiarisé avec l'histoire du jansénisme, ne saurait jamais qu'imparfaitement saisir la situation de l'Église de France au XVIII° siècle. Si donc on avait oublié la Distinction du fait et du droit, le Cas de conscience, les Réflexions morales, le Problème ecclésiastique, l’Appel et le Réappel, les Héxaples de la Constitution, le Figurisme, le Sécourisme, la Venue d'Élie, etc. ; si on ne savait plus ce que la secte appelait la Vérité, l’Obscurcissement ; si on ne s'était pas familiarisé avec les Bulles Vineam Domini Sabaoth, — Unigenitus, — Auctorem fidei; si on était porté à confondre les évêques constitutionnaires et les évêques constitutionnels, etc., etc., il faudrait bien s'attendre à trouver quelques étrangetés dans notre histoire liturgique. Depuis bientôt deux siècles, le jansénisme est le grand fait religieux de l'Église de France; et ses influences qui, grâces à Dieu, s'en vont s'éteignant de jour en jour, ont été incalculables. Dieu permettra, sans doute, que les derniers restes de cette ivraie maudite disparaissent

 

IX

 

bientôt du champ du Père de famille; mais il nous semble grandement salutaire que les catholiques n'oublient pas trop vite les artifices de leurs ennemis. Le jansénisme a été le protestantisme de notre pays, le seul qui ait su se faire accepter; il importe donc qu'on s'en souvienne.

Pour en revenir au présent volume, certaines personnes remarqueront peut-être qu'il est écrit avec quelque chaleur: nous ne pensons pas cependant qu'elles aillent jusqu'à s'en plaindre. Dans ce cas, nous leur répondrions que la conviction seule nous ayant porté à l'écrire, il nous devenait tout aussi impossible de ne pas montrer cette conviction dans nos paroles, que de tracer même une seule ligne, du moment où il ne nous eût pas semblé évident que la cause que nous soutenons est la bonne cause. Certes, s'il y a lieu de s'étonner de quelque chose en ce monde, c'est de voir la vérité et la justice défendues mollement par les hommes, eux qui sont si ardents au maintien de leurs droits et de leurs prétentions personnelles. Les Livres saints et les écrits des Pères déposent énergiquement en faveur du langage sincère et sans ménagement qui doit être employé par l'homme de foi, dès qu'il s'agit de Dieu ou de son Église.

Et, après tout, qui de nous porte donc aujourd'hui un si tendre intérêt au jansénisme et à ses œuvres, pour se scandaliser du zèle qu'un auteur catholique mettrait à les démasquer et à les poursuivre? Nous ne sommes plus à l'époque où cette secte travaillait à se faire passer pour un fantôme, et y réussissait dans l'esprit d'un si grand nombre

 

X

 

de personnes. Aujourd'hui, le jansénisme est pour jamais inauguré au dictionnaire des hérésies, à côté de l'arianisme, du pélagianisme, et du calvinisme son frère.

Nous trouverait-on amer contre les nouvelles Liturgies? Mais si elles sont pour la plupart l'œuvre de mains jansénistes, pourquoi devrions-nous respecter les fruits, quand il nous est enjoint de maudire l'arbre? Parce que le XVIII° siècle les a produites pour la plupart, devrons-nous leur sacrifier sans résistance le recueil des chants chrétiens, centonisé par saint Grégoire, et devenu l'expression de la foi et de la piété depuis mille ans, dans toute la chrétienté occidentale ? Et encore quelle critique plus sanglante pourrions-nous faire d'une œuvre tout humaine, entachée d'esprit de parti, de prétention nationale, et surtout d'esprit presbytérien, que celle qu'on a osé faire de la Liturgie romaine, lorsqu'on l'a mutilée, parodiée, expulsée enfin de nos églises, comme si elle n'eût pas eu pour elle l'antiquité et l'autorité que donne la tradition ? S'il a pu être permis de refaire à neuf les prières séculaires de la chrétienté, et de donner cet attentat comme un progrès sublime de la chose religieuse, il nous sera bien permis sans doute d'environner de notre amour ces antiques formes de la piété de nos pères, qui sont encore celles de la religion de toute l'Église latine, de les défendre sans faiblesse, et de peser au poids du sanctuaire ce qu'on leur a substitué.

Au reste, dans cette lutte laborieuse, nous ne paraîtrons pas seul. De nobles champions, à la tête desquels on verra

 

XI

 

briller l'illustre Languet, archevêque de Sens, le marteau du jansénisme, entreront avec nous dans la lice, et pas une parole ne sortira de notre bouche qui ne soit l'écho des doctrines expresses de ces vaillants antagonistes de l'hérésie antiliturgiste, au dernier siècle.

Enfin, si notre accent est quelquefois sévère, c'est encore parce que nous ne saurions nous résoudre à contempler de sang-froid les ravages que les changements liturgiques de ces derniers temps ont faits dans les habitudes delà piété catholique, en France ; l'altération des offices divins, l'oubli du symbolisme des cérémonies, la destruction des chants antiques, le refroidissement de la dévotion à la sainte Vierge et aux saints; et, ce qui met le comble à tout, l'intelligence des mystères, si ample et à la fois si facile par la Liturgie, ravalée pour la plupart des fidèles à la mesure de ces innombrables petits livres qui inondent de plus en plus la librairie religieuse.

Mais, diront quelques-uns, pourquoi révéler au grand jour une telle situation ? Pourquoi ? afin d'aider à y mettre un terme; afin d'empêcher, en si faible mesure que ce soit, qu'elle ne s'aggrave encore. Au reste, dans cette histoire, c'est à des morts surtout que nous avons affaire, et si nous avons cru devoir relever quelques faits contemporains, nous ne l'avons fait qu'en écartant soigneusement les noms des personnes. Toutes les fois aussi que la marche de notre narration nous a mis à même de raconter le bien qui s'est fait, et se fait encore, de constater les indices consolants et déjà si nombreux d'un retour aux anciennes formes de

 

XII

 

la prière et du culte divin, nous nous sommes étendu avec complaisance sur ces récits, nous en avons fait ressortir avec joie toute la portée.

Mais il était nécessaire que nous entrassions tout d'abord avec franchise dans la question des causes de la révolution ; liturgique du siècle dernier, et que nous montrassions la véritable raison des changements à l'aide desquels il se fait que nos églises se présentent aujourd'hui tout aussi modernisées sous le rapport des prières qu'on y récite et des cantiques qu'on y chante, que sous celui de leur architecture, de leur décoration et de leur ameublement. Il fallait prendre les devants sur les hommes de la science laïque et même profane qui s'apprêtaient à se lancer, au -nom de la poésie et des origines nationales, sur le champ de la Liturgie, comme ils ont déjà, au nom de l'art du moyen âge, envahi nos édifices sacrés. Mieux valait donc convenir sincèrement des aberrations d'un siècle que personne n'ose plus défendre, et montrer dès l'abord, que nous, hommes d'Eglise, n'avons pas besoin d'un secours étranger pour interpréter nos livres, ni des leçons d'autrui pour reconnaître ce qui reste à faire, en notre temps, quand on voudra aussi restaurer ces livres et y rétablir les droits de l'antiquité, et les glorieux avantages de l'universalité. N'était-il pas urgent de montrer que cette déviation malheureuse n'est point notre ouvrage; que si nous sommes réduits à en subir les conséquences, la faute en est, pour la plus grande partie, dans les obstacles matériels que nous avons hérités d'un autre âge, et, pour le reste,

 

XIII

 

dans ces préjugés de Liturgie perfectionnée qui nous ont bien été imposés avec l'éducation, mais qui s'effacent de jour en jour, comme tant d'autres, pour faire place à une appréciation plus large des institutions catholiques. Oui, nous le disons avec sincérité, nous penserons avoir rendu un service, si, en nous jetant ainsi dans ces questions de l'histoire et de la forme liturgiques, nous parvenons à occuper la place, et à prévenir l'invasion de ces littérateurs, historiens, poètes, artistes, et autres, dont le demi-savoir et l'incompétence produisent journellement tant d'inconvénients dans les publications, périodiques ou non, qu'un zèle, souvent très louable en lui-même, leur fait entreprendre.

Toutefois, nous éprouvons le besoin de protester contre un abus dans lequel, malgré nous, la lecture de notre livre pourrait peut-être entraîner quelques personnes. Il ne serait pas impossible que certains ecclésiastiques, apprenant par nos récits l'origine peu honorable de tel ou tel livre liturgique en usage dans leur diocèse depuis un siècle, crussent faire une œuvre agréable à Dieu en renonçant avec éclat à l'usage de ces livres. Notre but n'est certainement pas d'encourager de pareils actes, qui n'auraient guère d'autre résultat final que de scandaliser le peuple fidèle, et d'énerver le lien sacré de la subordination cléricale. Pour produire un bien médiocre, on s'exposerait à opérer un mal considérable. Nous désavouons donc à l'avance toutes démonstrations imprudentes et téméraires, propres seulement à compromettre une  cause qui n'est

 

XIV

 

pas mûre encore. Sans doute, notre intention est d'aider à l'instruction de cette cause, et nous la voudrions voir jugée déjà et gagnée par la tradition contre la nouveauté ; mais une si grande révolution ne s'accomplira qu'à l'aide du temps, et la main de nos évêques devra intervenir, afin que toutes choses soient comme elles doivent être dans cette Église de Dieu qu'il leur appartient de régir.

Tel est notre avis que nous déposons ici pour la décharge de notre conscience, nous souvenant de notre qualité de membre indigne du clergé régulier, lequel a dans tous les temps témoigné de son attachement inviolable à Tordre hiérarchique, sans croire par là porter atteinte aux privilèges dont la discipline générale de l'Église l'a investi; tandis qu'on a vu constamment les docteurs du presbytérianisme, guidés par un secret instinct, confondre dans une même aversion la prérogative divine de l'épiscopat et les droits concédés aux corps privilégiés. Nous en appelons, sur ce point, à l'histoire des controverses qui s'agitèrent, en France, au XVII° et  XVIII° siècles, sur la hiérarchie et ses applications. Ce qui nous perd aujourd'hui, c'est l'ignorance de ce passé, sans lequel, pourtant, on espérerait en vain comprendre et terminer les questions présentes.

Il ne sera peut-être pas inutile de répéter ici ce que nous avons déjà dit ailleurs, savoir que, dans cette Introduction historique, nous touchons un grand nombre de questions, sur lesquelles nous sommes amené à prendre un parti, sans que la marche du récit nous permette de nous arrêter assez pour motiver notre avis. Si quelquefois

 

XV

 

le lecteur avait peine à se rendre compte des raisons qui nous déterminent pour telle ou telle conclusion, nous le prierions d'attendre le développement même de l'ouvrage; il n'est pas une seule des questions soulevées dans l'Introduction, qui ne doive être discutée dans la partie didactique de notre travail. On peut revoir le plan de l'ouvrage entier dans la préface du premier volume.

On nous a prié de caractériser la nature et l’étendue de la réaction liturgique du XVIII° siècle; c'était déjà notre intention, et nous croyons même que rien ne sera plus utile, quand, d'une manière précise, nous en viendrons à l'explication détaillée des offices divins, que de placer jour par jour, en regard des formules de l'antiquité, les innombrables pièces nouvelles qu'on y a substituées, en France. La science liturgique, comme toute science de faits, avance principalement par la réunion et la comparaison des données positives; c'est ce qui nous a porté à ne rien négliger pour procurer à notre ouvrage les compléments dont il a besoin pour être, autant que nos forces nous le permettront, une Somme liturgique. Ainsi nous n'interrogerons point seulement les anciennes Liturgies de l'Orient et de l'Occident; mais nous étudierons, dans le plus grand détail, les produits de notre fécondité nationale en ce genre, à partir du Bréviaire de Cluny, de 1686, jusqu'aux récents bréviaires que notre siècle a vus paraître.

Nous avons déjà dit et nous répétons ici volontiers que nous nous ferons un devoir de répondre franchement aux observations ou réclamations qui nous seraient adressées ;

 

XVI

 

la préface du volume suivant contiendrait nos éclaircissements sur les points contestés, ou même, s'il y avait lieu, les rectifications qu'une plus ample instruction de la matière nous mettrait à même de fournir.

Jusqu'ici du moins, nous le disons en toute simplicité, nons n'avons recueilli que des suffrages bienveillants. Pour ne parler que de la France, les encouragements directs que nous ont transmis plusieurs de nos archevêques et de nos évêques, la sympathie que d'autres prélats nous ont fait témoigner, l'assentiment d'un nombre très considérable des membres les plus éclairés du clergé du second ordre, toutes ces choses sont pour nous le motif d'une consolation d'autant plus grande, que nous n'avons fait aucune démarche pour nous attirer ces honorables témoignages de satisfaction. Nous ne formons maintenant d'autre voeu que celui de nous en rendre digne de plus en plus.

Le public laïque a accueilli les Institutions Liturgiques avec un empressement, sur lequel, nous le répétons, nous étions loin de compter. La presse catholique s'est exprimée avec la plus précieuse et la plus rare unanimité en faveur du retour aux anciennes et véritables traditions du service divin, et nos faibles efforts vers ce but ont été récompensés à l'excès, par les articles qu'ont bien voulu consacrer à notre livre les Annales de Philosophie chrétienne, l’Université catholique, l’Ami de la religion, l’Univers, etc.

Mais ce qui nous a semblé encore plus digne de remarque, a été de voir notre livre et ses doctrines devenir,

 

XVII

 

dans un journal anglican, l'objet non seulement d'une attention sérieuse, mais d'une sympathie presque catholique. Le British Critic, organe solennel et véritablement grave du clergé de l’Église-établie, dans le N° d'octobre 1841, après avoir développé les plus hautes considérations sur l'importance de la forme religieuse, conclut ainsi le long et bienveillant article qu'il a consacré à notre premier volume :

« Toutes formes donc, autant qu'elles sont religieuses, étant des symboles des choses spirituelles, l'uniformité, comme nous le rappelle l'Abbé, en doit être la condition, et par là même le gage de l’unité de l’Esprit (1). En effet, pour employer les propres paroles de l'archidiacre Manning, n'est-il pas certain que l'uniformité est le langage symbolique et silencieux de l’unité ? Y a-t-il quelque loi dans l'œuvre de Dieu qui n'ait sa propre forme invariable ? Qu'est-ce que la variété de la nature, sinon l'expression uniforme d'une variété de lois, et non pas l'expression variée d'une seule loi ? Là où il n'y a qu'un   cœur, il n'y aura aussi qu'une voie, a dit Jérémie (2). En conséquence, l'Abbé condamne la variété des rites dans l'Église ; il la poursuit comme un manque d'appréciation de l'importance de l'unité chrétienne, et il  propose   de  surmonter la difficulté en prenant Rome pour centre.   Ici,  il   ouvre une question dans laquelle nos lecteurs nous pardonneront certainement

 

(1)  Eph., IV, 3.

(2)  Jerem., XXXII, 3o.

 

XVIII

 

de ne pas nous engager, à la fin d'un long article. Nous nous bornerons donc, pour le présent, à dire que, quant aux vues de l'Abbé sur l'importance de l'unité religieuse, et sur la futilité de tous les efforts dépensés à procurer cette unité sans l'uniformité, il peut, si cela lui est de quelque consolation, être assuré de la franche sympathie de plus d'un cœur anglais.

« Certes, il n'est pas un cœur catholique (1) qui ne soupire ardemment vers une règle plus forte, vers une plus grande unité d'action, et non seulement en Angleterre, mais par toute la chrétienté. Nous sympathisons du fond de nos cœurs avec l'auteur dont nous venons d'examiner l'ouvrage, en ce qu'il dit contre l'esprit de nationalité en religion. Nous ne pouvons ressentir le moindre attrait pour le parti gallican, en tant qu'il s'oppose à l'école ultramontaine. Les théories nationales, y compris même la théorie gallicane, qui, par le fait, est plus ou moins la théorie actuelle des divers pays de la communion romaine, nous paraissent receler un subtil érastianisme, et témoigner en même temps d'une véritable insouciance pour la plénitude et pour la liberté de l'Évangile. C'est en émettant cette profession de sympathie que nous prenons congé de l'Abbé, lui souhaitant de cœur la santé et une longue vie, pour mener à terme l'ouvrage de si haute importance et de si ardue difficulté dont ce volume n'est que le premier gage (2). »

 

(1) Le mot catholique est pris ici dans le sens de l'anglicanisme, qui l'étend à ses propres membres.

(2) British Critic. Number LX. October M DCCCXLI, pag. 464 et 465.

 

XIX

 

Et nous, nous demandons au Père des lumières qu'il lui plaise de se révéler de plus en plus à ces frères séparés, auxquels il a déjà donné de comprendre la nécessité de l'unité dans la doctrine et dans la forme ; afin que leur coeur acceptant, par le secours de la divine grâce, la vérité déjà manifestée à l'intelligence, la confession publique de la vraie foi, la participation aux divins sacrements, la soumission filiale à la seule vraie hiérarchie, consomment bientôt dans l'unité de l'amour ceux qu'un lamentable isolement en avait arrachés.

 

 

 

 

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