III - CHAPITRE VI

Précédente Accueil Remonter Suivante

Accueil
Remonter
III - PRÉFACE
III - CHAPITRE I
III - CHAPITRE II
III - CHAPITRE III
III - CHAPITRE IV
III - CHAPITRE V
III - CHAPITRE VI
III - CHAPITRE VII
III - CHAPITRE VIII
III - L. A Mgr de RHEIMS

CHAPITRE  VI : DES LIVRES LITURGIQUES   AVANT L'INVENTION  DE  L'IMPRIMERIE

 

NOTES DU CHAPITRE VI

 

 

Après  avoir considéré les   livres liturgiques  sous  le rapport  de  leur   antiquité,   des   langues   sacrées   dans lesquelles ils sont écrits, de la publication solennelle qui leur donne leur véritable caractère, et enfin de la correction légitime qui peut leur être appliquée, il nous reste à faire connaître les caractères pour ainsi dire matériels de ces livres, et à montrer  que sous ce point de vue encore ils l'emportent sur tous les autres livres, et méritent une attention et un respect tout particuliers.

C'est une loi de la nature, sanctionnée par son divin auteur, que la beauté esthétique de la forme vienne s'adjoindre comme complément à toutes les œuvres au fond desquelles résident la sainteté et la vérité, et que si des circonstances accidentelles interceptent parfois une si précieuse alliance, cette exception malheureuse ne fait que confirmer la règle, loin de préjudicier au principe qui réclame impérieusement le retour d'une harmonie nécessaire. C'est en vertu de ce même principe que les cérémonies de la Liturgie l'emportent en beauté, en grandeur, en élévation, sur les cérémonies civiles ; que les chants sacrés émeuvent l'âme au-dessus des mélodies profanes ; que les arts enfin, quand on les a consacrés au service divin, ont produit plus de chefs-d'œuvre que lorsqu'ils ont été employés à décorer la demeure pompeuse des puissants, ou à satisfaire la vanité et les jouissances de l'homme. Les plus nobles édifices de la terre sont des

 

270

 

temples, et si l'on retranchait de nos musées toutes les œuvres dues aux inspirations de la foi, ces dépôts glorieux   des   productions  du génie   humain  n'offriraient plus qu'un aspect lamentable et désolé.

Les livres liturgiques devaient donc participer à cette loi générale ; ils devaient être les plus remarquables de tous les livres, sous le rapport de la forme, et ils l'ont été ; en effet. Nous ferons même voir qu'ils n'ont pas seulement réuni les conditions d'esthétique propres à les rendre dignes de leur objet, mais qu'ils ont encore directement contribué à la conservation et aux développements de l'art en lui-même. Il sera démontré, par ce seul côté purement extérieur, que les influences de la Liturgie qui produisent directement la sanctification de l'homme et le le plus fort lien social, ont pour résultat, quand elles ne sont pas contrariées, de maintenir et d'accroître le sens du beau dans la communauté chrétienne. On en est sans doute déjà convaincu, si l'on considère les merveilles de l'architecture sacrée que nous avons appelée le premier des arts liturgiques ; la musique, la peinture, la statuaire, l'orfèvrerie, appliquées au culte divin n'y remplissent-elles pas un rôle dont l'importance ne saurait être contestée ? Maintenant il s'agit de montrer que les livres liturgiques, considérés sous le rapport de la forme, ont contribué en leur manière aux résultats que nous signalons, et en même temps de faire ressortir l'harmonie qui doit exister entre l'objet et la destination de ces livres, ainsi que les conditions extérieures de leur exécution.

Nous étudierons d'abord leur caractère dans les siècles antérieurs à l'invention de l'imprimerie; nous les suivrons dans les transformations qu'amena pour eux l'emploi de l'art typographique; leurs ornements intérieurs occuperont aussi nos recherches ; la magnificence extérieure dont ils ont été ornés achèvera de les faire connaître comme les monuments les plus imposants de l'art

 

271

 

d'écrire ; enfin, nous aurons à signaler les variations et la décadence que parfois ils ont subies dans la forme, en proportion du dépérissement que le fond lui-même avait éprouvé.

Les livres liturgiques sur lesquels doivent s'exercer nos investigations sont d'abord ceux qui servent au Sacrifice, dans lesquels nous comprenons non seulement le Missel plénier dont l'usage est général depuis environ huit siècles, mais encore les vénérables recueils connus sous le nom de Sacramentaires, contenant le Canon sacré, les Oraisons et les Préfaces ; les Evangéliaires destinés au service de l'autel, tant ceux qui renferment le texte suivi des Évangélistes, avec des indications marginales ou des tables qui déterminent les passages que l'on doit lire dans les fonctions liturgiques, que Ceux où ces passages sont isolés du texte et rangés selon l'ordre des dimanches et des fêtes ; les Épistoliers qui contiennent soit le texte continu des Épîtres apostoliques, soit les fragments détachés pour l'usage liturgique ; les Bénédictionnaux rédigés en dehors des Sacramentaires et faisant livres à part, etc.

Viennent ensuite les livres destinés à l'Office divin, parmi lesquels nous entendons comprendre non seulement les Bréviaires, mais les Psautiers, les Antiphonaires, les Lectionnaires, etc., auxquels il faut joindre les livres notés, soit pour la Messe, soit pour l'Office canonial. Nous n'avons garde d'omettre les Pontificaux, les Ménologes, les Calendriers, etc. ; en un mot, nous avons cherché à rassembler en nombre suffisant les faits de détail qui nous ont semblé de nature à offrir au lecteur, avec le plus de précision, les caractères esthétiques des livres de la Liturgie.

Nous consentons à ne pas compter parmi les livres liturgiques les Bibles proprement dites, si magnifiques qu'elles soient, parce que leur emploi dans les fonctions saintes n'a  jamais été ordinaire.  Nous n'y  admettons

 

272

 

même les Psautiers que quand ils sont de grande dimension. De même les Heures soit manuscrites, soit imprimées, dont on pourrait faire une si intéressante description, n'appartiennent pas à la classe des livres liturgiques. Qu'elles soient écrites à la main, ou qu'elles soient un produit de l'art typographique, elles ont toujours été destinées à l'usage privé, soit des princes ou princesses, soit des simples particuliers. On y rencontre, il est vrai, des formules nombreuses appartenant la liturgie ; mais ces formules y apparaissent mêlées avec des prières de dévotion qui n'ont jamais fait partie de l'usage liturgique. Au reste, on peut dire que les Heures ne sont arrivées à cet état de perfection esthétique qui en rend la connaissance et l'étude si intéressantes pour l'amateur de manuscrits ou de livres illustrés, que par imitation des livres liturgiques eux-mêmes, dont elles sont évidemment dérivées.

Ce que nous disons des Heures, nous l'appliquons aussi aux Bréviaires, manuscrits ou imprimés, pour l'usage des particuliers; si néanmoins, malgré le titre qui les affecte au service d'une personne privée, ils se trouvent conformes dans leur teneur à l'usage ecclésiastique, ils doivent être comptés parmi les livres liturgiques.

Nous concevons aisément que les personnes étrangères à la science liturgique aient quelque peine à nous suivre dans rénumération que nous venons de faire; cependant, il nous est impossible de nous arrêter ici pour donner la définition raisonnée et la description de chacun des livres du service divin. Nous le ferons plus tard, et dans le plus grand détail; mais pour l'heure, nous devons supposer le lecteur suffisamment instruit sur le genre et l'espèce des livres liturgiques, pour apprécier la valeur des faits que nous avons à produire, et à l'aide desquels nous chercherons à assigner leurs caractères extrinsèques aux diverses époques. Mais nous devons d'abord faire connaître les

 

273

 

personnes auxquelles fut confié le soin de les écrire, et de les rendre dignes de leur sublime destination, durant la longue période qui précéda l'invention de l'imprimerie.

Il est aisé de comprendre que les livres liturgiques, dépositaires des formules saintes, exigeaient de la part de leurs transcripteurs  une précision, une fidélité capables de bannir toute crainte d'altération, une moralité en rapport avec la sainteté des  mystères  divins, et  dans l'exécution une dignité, et autant que possible une splendeur qui frappât les regards et inspirât d'avance un respect religieux pour les paroles sacrées, et pour les fonctions saintes dont elles sont l'âme. Ainsi que nous l'avons remarqué, la correction dans les livres liturgiques, quoiqu'il fût peu facile de l'obtenir complète avant l'invention de l'art typographique,  n'en fut pas moins recherchée avec empressement, et par les prélats des églises et des monastères, qui ne confiaient qu'à des mains sûres la rédaction de ces livres, et plus d'une fois s'y livrèrent eux-mêmes, comme à un des soins les plus chers de leur office pastoral; et  par   les  copistes   eux-mêmes qui eussent regardé comme un sacrilège de s'écarter, dans la transcription,  de l'exemplaire   authentique qu'ils  avaient à reproduire.  Ce ne fut  que dans  le  XIV° et  surtout le XV° siècle, que la manie des liturgies particulières commençant à poindre, les copistes purent se croire affranchis de l'antique fidélité, principalement pour les bréviaires; encore est-on fondé à penser que, dans certains changements ou altérations, ils n'agissaient pas sans être mus par une direction supérieure.

Au reste, telle était, dans les siècles qui précédèrent, la vigilance assidue de la société chrétienne sur la conservation des textes qui devaient servir à l'autel et au choeur, que Charlemagne, au milieu des soins de son immense empire, non seulement se plaisait à faire exécuter, pour ainsi dire sous ses yeux et par les plus sûrs calligraphies,

 

274

 

les évangéliaires, les psautiers, les sacramentaires, destinés soit à servir au culte divin dans sa chapelle, soit à être offerts par lui en don aux prélats ou aux églises, mais encore prescrivait dans ses capitulaires de ne confier cette tâche qu'à des hommes d'un âge mûr et offrant des garanties convenables de leur exactitude (1).

Le motif de ne confier une œuvre aussi sainte qu'à des mains dignes de l'accomplir, affecta dès l'origine, d'une manière spéciale, la transcription des livres de la Liturgie aux personnes consacrées à Dieu. L'Orient et l'Occident se montrèrent, durant de longs siècles, fidèles à cette pratique, et de simples religieuses se livrèrent, plus d'une fois, à ce labeur sacré avec un zèle et un succès comparables à ce que le scriptorium du monastère bénédictin présentait de plus merveilleux. Plus d'une fois, comme nous le verrons bientôt, le même manuscrit liturgique offrit en même temps une œuvre parfaite de calligraphie, et une précieuse relique du serviteur de Dieu qui l'avait transcrit tout entier de ses mains bénies.

Quant à la beauté extérieure de ces livres, nous montrerons qu'elle ne fit pas défaut; nous sommes même en droit d'ajouter que, depuis la découverte de l'imprimerie, ils n'ont jamais retrouvé le degré de splendeur auquel les avait élevés la piété du moyen âge, splendeur que l'on est encore à même d'apprécier aujourd'hui, à l'aide des échantillons qui se sont conservés jusqu'à nos temps. Il en devait être ainsi dans ces siècles où l'esprit de foi suffisait à lui seul pour entretenir et développer chez les peuples le sens de l'esthétique, et l'on ne saurait considérer comme un fait isolé le zèle qu'un saint évêque du XI° siècle fit paraître à cet endroit. Les  Actes de saint

 

(1) Pueros vestros non sinatis eos vel legendo, vel scribendo corrumpere ; et si opus est Evangelium, et Psalterium, et Missale scribere, perfectae aetatis homines scribant cum omni diligentia. (Capitulaire de 789, Baluze, pag. 237.)

 

275

 

Meinwerk, évêque de Paderborn, rapportent qu'un jour ce grand prélat, en présence de l'impératrice sainte Cunégonde, ayant demandé à un prêtre de très pieuse vie, , nommé Heimerad, qu'il lui présentât les livres dont il se servait pour célébrer les saints Mystères, celui-ci ne put montrer à l'évêque que des livres négligés, en mauvais état et sans valeur (incomptos, neglectos, et nullius ponderis aut pretii). Saint Meinwerk les fit aussitôt jeter au feu, et l'impératrice, s'associant à la juste indignation de l'évêque, fit administrer une correction au pauvre prêtre (1).

Il est juste de commencer par rendre hommage aux écrivains eux-mêmes dont la plume habile et fidèle exécuta tant de pieux chefs-d'œuvre ; nous recueillerons donc les noms de ceux d'entre eux que nous avons rencontrés dans nos   faibles   recherches;   plus   loin,   nous  signalerons quelques-uns  de ceux  qui,  non  plus  seulement calligraphies, mais peintres souvent inspirés, donnèrent leurs soins à l'ornement de ces augustes dépôts des formules sacrées. Il est aisé de comprendre que notre intention ne saurait être de faire le dénombrement, encore moins de donner le signalement de tous les manuscrits liturgiques ; une pareille tâche, outre qu'elle serait inexécutable, sortirait du plan que nous nous sommes proposé dans ces Institutions, où chaque chose ne doit figurer que dans sa mesure; mais cette partie de notre travail qui traite des livres du service divin appelait nécessairement les questions qui font l'objet du présent chapitre et des suivants. Nous laisserons  donc  à d'autres le soin de traiter les généralités qui concernent les manuscrits et la calligraphie; nous ne traiterons que des seuls manuscrits liturgiques qui, d'ailleurs,  occupent sans contredit une des premières places en importance parmi tous ceux que les

 

(1) Acta SS. Junii, tom. I, pag. 517.

 

276

 

siècles nous ont laissés. Ce qui importe à notre sujet, c'est uniquement de constater par des faits précis la souveraine dignité dont les livres de la Liturgie n'ont cessé d'être environnés, à l'époque où l'art typographique n'existait pas encore, comme ensuite nous aurons à montrer leur caractère spécial dans les temps où la presse a été investie de l'honneur de les reproduire.

En tête des calligraphies qui ont donné leurs soins à l'exécution des livres destinés au service de l'autel, et dès le IV° siècle, nous placerons saint Eusèbe, évêque de Verceil, que la plus respectable tradition représente comme ayant écrit lui-même le vénérable Évangéliaire conservé jusqu'aujourd'hui dans le trésor de son église (1). Joseph Bianchini en a donné le spécimen dans son Evangeliarium quadruplex ; nous parlerons ailleurs de la couverture de ce précieux manuscrit.

Le V° siècle, auquel on peut rapporter, avec une certaine probabilité, le célèbre Évangéliaire gothique dit d'Ulphilas conservé à Upsal, où il fut apporté de l'abbaye de Werden (2), et le fameux Sacramentaire appelé Léonien, publié par Joseph Bianchini sur un manuscrit du chapitre de Vérone (3), ne nous a pas conservé les noms des calligraphies auxquels on est redevable de ces deux monuments liturgiques ; mais, au vie siècle, nous pouvons déjà recueillir le nom de Rabula, moine de Saint-Jean, à Zagba, en Mésopotamie, copiste de l'Évangéliaire syriaque que l'on montre dans la bibliothèque Laurentienne à Florence, et qui est un des plus précieux monuments de ce riche dépôt littéraire (4). En retour, il faut se résigner à ignorer toujours les mains qui exécutèrent le magnifique  Évangéliaire   latin, dit de Saint-

 

(1)  D. Mabillon, Iter Italicum. — D. Montfaucon. Diarium italicum.

(2)  De Gabelentz et Loebe, Bibliorum Ulphilana versio.

(3)  Anast.  Biblioth., tom. IV.

(4)  D'Agincourt, Hist. de l’art par les monuments. Peinture,  pl. XXVII.

 

277

 

Germain-des-Prés ; le Psautier conservé autrefois dans la même abbaye, maintenant à la Bibliothèque nationale, et que la tradition constante atteste avoir été à l'usage du saint évêque de Paris, fondateur et patron de cet illustre monastère ; le fameux manuscrit de Cambridge, qui contient les Évangiles, les Actes des Apôtres, quelques fragments des Épîtres, et qui a servi aux usages liturgiques, comme l'indiquent les notes marginales relatives aux fêtes de l'Église (1); le Psautier de la Bibliothèque de Zurich, etc. (2)

Le VII° siècle, si abondant en monuments liturgiques, ne nous a lui-même laissé presque aucun nom auquel nous puissions rapporter l'honneur de les avoir transcrits. Ainsi nous restons sans renseignements sur les copistes auxquels on doit l’Évangéliaire de Monza (3) ; celui de Notre-Dame de Paris, à la Bibliothèque nationale (4); l’Évangéliaire connu sous le nom de Colbert, à la même Bibliothèque (5) ; l'Évangéliaire anglo-saxon de la bibliothèque Cottonienne, au British Museum (6); celui de saint Kilien, dans le trésor de la cathédrale de Wurtzbourg (7); le Psautier, dit de saint Augustin, conservé à la bibliothèque Cottonienne (8) ; celui de sainte Salaberge gardé autrefois à Corbie (9) ; le Missale Francorum, le Missale Gothicum, et le Sacramentarium Gallicanum, publiés par le B. cardinal Tommasi sur trois manuscrits du Vatican (10); enfin le Lectionnaire gallican

 

(1)  D. Montfaucon. Du Pin. D. Sabathier.

(2)  Dom Tassin, Nouveau Traité de diplomatique, tom. I.

(3)  D. Mabillon, Musœum Italicum.

(4)  Dom Tassin, ibid.

(5)  De Bastard, Peintures des manuscrits,

(6)  Silvestre, Paléographie universelle, tom. IV.

(7)  D. Bessel, Chronicon Gotwicense, tom. I.

(8)  Silvestre, ibid.

(9)  D. Mabillon, De re diplomatica.

(10)  Opera, tom. VI. Muratori, Liturgia Romana vetus.

 

378

 

de Luxeuil et le Sacramentaire gallican de Bobbio, donnés l'un et l'autre par Dom Mabillon (1). Seul, le bel Homéliaire de la bibliothèque Vaticane porte le nom de son auteur, le prêtre Agimond, attaché à la basilique des saints apôtres Philippe et Jacques, à Rome (2).

Mais en revanche, le VIII° siècle nous a transmis, avec les monuments eux-mêmes, les noms de plusieurs des habiles calligraphes qui les ont exécutés. Si nous sommes sans  renseignements   sur   les   auteurs   du   magnifique Évangéliaire grec venu de Naples dans la Bibliothèque impériale de Vienne (3), du Sacramentaire de Gellone, à la Bibliothèque nationale (4), nous savons que le moine Dagulfe écrivit pour Charlemagne le splendide Psautier offert par cet empereur au pape saint Adrien Ier, et conservé dans la Bibliothèque de Vienne   (5) ; que l'Évangéliaire dit de Charlemagne, gardé dans la Bibliothèque du Louvre, est de la main du moine Godescalc (6); que le   célèbre Homéliaire  qui  faisait partie du  trésor  de l'abbaye de Benedict-Beuern, avait été transcrit par deux prêtres nommés Engelhard et Chadold (7). Dans l'Orient, nous voyons à cette époque l'empereur   Théodose III, descendu du trône en   717 et retiré dans un monastère d'Éphèse, occuper ses loisirs à transcrire, avec toute l'habileté d'un calligraphie de premier ordre, des Évangéliaires

 

(1)  Liturgia Gallicana, Musaeum Italicum.

(2)  Sylvestre a donné dans sa Paléographie, au t. II, un fac-similé de ce manuscrit que les auteurs du Nouveau Traité de diplomatique seraient tentés de faire remonter au VI° siècle. A la Vaticane il est coté 3835. Nous le ferons connaître plus amplement et nous donnerons le détail de ce qu'il contient, lorsque nous traiterons des origines du Bréviaire romain.

(3)  Silvestre, ibid.

(4)  D. Tassin, Nouveau Traité de diplomatique, tom. III.

(5)  Histoire Litt. de la France, tom. IV, p. 281.

(6)  Silvestre, ibid.

(7)  Gercken, Reise, l. Cité par le  P. Cahier,  Annales de Philosophie chrétienne, tom, XVIII, De la Calligraphie au moyen âge.

 

279

 

et d'autres livres pour le service liturgique (1). Dans l'Occident, les religieuses de l'abbaye d'Eike en Belgique, exécutaient avec le plus grand luxe un Évangéliaire et un Psautier. Mabillon cite en particulier, comme s'étant distinguées dans cette œuvre, les deux abbesses d'Eike Harlinde et Renilde (2). Dans l'abbaye de Fontenelle ou Saint-Wandrille, vécut à la fin du vine siècle un calligraphie infatigable nommé Harduin. La chronique de son monastère nous apprend qu'il avait écrit un évangéliaire, trois sacramentaires, un lectionnaire, un psautier avec les cantiques et les hymnes, et enfin un antiphonaire. Ce moine laborieux mourut en 811 (3).

Au IX° siècle, nous recueillons les noms suivants : en Orient, le moine Lazare, auteur du riche Évangéliaire que l'empereur Michel envoya au Pape Benoît III (4); en Occident, un calligraphie latin, Sedulius Scottus, qui écrivit le bel Évangéliaire grec, gardé à Saint-Mihiel, monastère du diocèse de Verdun, et que Dom Calmet envoya en communication à Dom Montfaucon (5); le grand Alcuin, qui rédigea l'Évangéliaire donné par Charlemagne à l'abbaye d'Aniane(6); Liuthard et Bérenger, auxquels on doit le magnifique Évangéliaire que Charles le Chauve donna à saint Emmeran de Ratisbonne, et qui a été déposé à la Bibliothèque royale de Munich, dont il est un des principaux ornements (7); l'abbé Pierre, qui a attaché son nom à l'Évangéliaire splendide que Ebbon, archevêque de Reims, donna à l'abbaye de Hautvillers, et qui est présentement à la Bibliothèque

 

(1) D'Agincourt, Hist. de l'art par les monuments. Peinture.

(2) Praefat. in sœculum III, § 4.

(3)  D. Luc d'Achery Spicilegium, t. III, p. 23o.

(4)  Anast. Bibl. in Benedictum III.

(5)  D. Montfaucon, Palœographia Grœca.

(6)  Baluze, Capitular. Reg. franc., tom, II.

(7)  Le livre de Prières de Charles le Chauve conservé à la Bibliothèque nationale, est aussi de la main de Liuthard.

 

280

 

d'Épernay (1); Hartmot, Abbé de Saint-Gall, qui écrivit aussi de sa propre main un évangéliaire (2); Gontbert, moine de Saint-Bertin, qui écrivit avec élégance trois antiphonaires, dont le premier était destiné à Saint-Omer, le second à Saint-Winoc, et le troisième, qui était le plus riche, au monastère où résidait le calligraphe (3) ; Grimald, abbé de Saint-Gall, qui rédigea l'exemplaire du Sacramentaire grégorien, publié sur son manuscrit par Pamélius (4); Rodrade, prêtre du diocèse d'Amiens, qui transcrivit le même livre liturgique, et dont le travail a servi à Dom Hugues Ménard, pour son édition du Sacramentaire de saint Grégoire (5).

Ces indications de calligraphies liturgiques qui ont été conservées par les manuscrits eux-mêmes, ou par les chroniques, ne nous consolent pas d'ignorer les noms de ceux auxquels on doit, dans le même siècle, le superbe Évangéliaire de Saint-Médard de Soissons, aujourd'hui à la Bibliothèque nationale; le Sacramentaire de Metz, dit de Drogon ; les deux Sacramentaires du Vatican qui ont servi de base au travail de Muratori, pour l'édition de ce livre liturgique; l'Antiphonaire ou Responsorial de saint Grégoire, gardé autrefois à Saint-Corneille de Compiègne, et publié par D. Denys de Sainte-Marthe; enfin tant d'autres monuments liturgiques du IX° siècle, qui nous en a laissé un si grand nombre de remarquables pour la beauté et la richesse de l'écriture, comme pour l'intérêt et l'importance des dessins et des miniatures.

 

(1)  D. Mabillon, De re diplomatica suppl., cap. XI. D. Ruinart, Iter in Alsatia. D. Tassin, Nouv. Tr. de diplom., tome II.

(2)  De origine et casibus monasterii S. Galli. Goldast, Rerum Alamann. Script., tom. I.

(3)  Joan. Iperii chronicon S. Bertini, Thesaurus Anecd., tom. III, pag. 5o8.

(4)  Liturgica Latinorum, tom. I.

(5)  Le Sacramentaire de Rodrade existe encore à la Bibliothèque nationale.

 

281

 

Le X° siècle fournit à son tour quelques noms qui continuent avec honneur la liste des calligraphes sacrés, à ' travers le moyen âge. En Orient, nous trouvons le moine Théophile, auteur d'un très bel évangéliaire grec, décrit par d'Agincourt (1); en Occident, saint Udalric, évêque d'Augsbourg, écrit de sa main vénérable le précieux Évangéliaire gardé dans la Bibliothèque royale de Munich, et sur lequel on lit encore ces mots : DS propitius esto Udalrico peccatori (2) ; à Saint-Gall le moine Sintramn exécute ce fameux Évangéliaire dont l'élégance et la correction sont louées avec tant d'enthousiasme par Ekkehard le jeune, dans sa chronique de l'abbaye (3); à Corbie-la-Neuve ou Corvey, le moine Witikind, au milieu de ses labeurs d'historiographe, trouve le temps de transcrire, avec le plus grand luxe, un évangéliaire qui ajouta encore à la célébrité de son nom (4) ; à Tegernsée, le moine Pabon exécute un lectionnaire et un homéliaire, conservés dans la Bibliothèque de cette abbaye, jusqu'au XVIII° siècle (5) ; en Angleterre, Godemann, abbé de Thornley, écrit et orne splendidement le célèbre Bénédictionnal d'Ethelwold, évêque de Winchester, qui fait un des ornements de la collection du duc de Devonshire (6). Mais nous ne sommes pas en mesure d'assigner les noms des calligraphes auxquels doivent être attribués les autres monuments liturgiques du Xe siècle, tels que  le  Psautier grec de Saint-Marc, à

 

(1)  Ce manuscrit est une propriété particulière. Histoire de l'Art par les Monuments. Peinture. Planche XLVII.

(2)  On peut voir un spécimen de cet intéressant manuscrit dans la Paléographie universelle de Silvestre.

(3)  Hoc hodie est Evangelium et scriptura cui nulla par erit ultra. (De origine et casibus monasterii S. Galli. Goldast, Alamann. rerum script., tom. I.)

(4)  D. Mabillon, Annales, tom. III, ad ann. 973.

(5)  D.  Pez, Thesaurus  Anecdot. Noviss.,  tom. I. Dissertat. Isagogica.

(6)  Rio, De l'Art chrétien, pag. 33.

 

282

 

Venise, l'Évangéliaire anglo-saxon, le Sacramentaire dit de Ratolde, le Pontifical d'Egbert, celui de saint Dunstan, conservés tous quatre à la Bibliothèque nationale ; le Pontifical de l'évêque Landolfe, que l'on garde dans la Bibliothèque de la Minerve, à Rome; le Ménologe de l'empereur Basile, à la Vaticane (1), etc.

Les manuscrits liturgiques du XI° siècle sont aussi nombreux qu'importants ; c'est ce qui fait davantage regretter d'être sans renseignements sur les calligraphies auxquels on les doit. Ainsi, il faut encore se résigner à accepter de mains inconnues l'Évangéliaire de Nieder-Altaah, à la Bibliothèque royale de Munich; celui de la bibliothèque Laurentienne, à Florence, qui fut donné à Jules II, par un éveque d'Amalfi ; celui du Vatican, offert à Saint-Benoît de Mantoue par la comtesse Mathilde; le Sacramentaire dont l'empereur saint Henri fit don à la cathédrale de Bamberg, et qui se trouve aujourd'hui dans la Bibliothèque royale de Munich; les deux Missels pléniers de Saint-Denys en France et de Saint-Maur-des-Fossés, à la Bibliothèque nationale; le Bénédictionnal dit d'Aethelgar (2), et le Missel que Robert, archevêque de Cantorbéry, donna à l'abbaye de Jumièges, l'un et l'autre manuscrits conservés dans la Bibliothèque de Rouen ; le Bréviaire d'Oderise,abbé du Mont-Cassin, à la Mazarine; l’Homéliaire (3)

 

(1)  Nous ne parlons ici de ce manuscrit que sous le rapport de l'œuvre de calligraphe ; plus loin, nous donnerons les noms des miniaturistes qui l'ont illustré. Cette observation se rapporte d'elle-même à plusieurs des monuments liturgiques que nous avons rappelés.

(2)  On a attribué ce bénédictionnal à Godemann, auteur de celui d'Ethelwold, évêque de Winchester, dont nous avons parlé sur le siècle précédent La seule difficulté, c'est qu'il y est fait mention de saints du XI° siècle ; mais d'un autre côté, Godemann ayant exécuté l'oeuvre d'Ethelwold, de 963 à 984, il a pu vivre assez pour entreprendre, dans les dernières années du X° siècle et les premières du XI°, ce second bénédictionnal, si important comme monument liturgique de l'Église anglo-saxonne.

(3)  Nous  qualifions ce manuscrit  d'homéliaire et non l’évangéliaire, comme l'a fait M. de Bastard (Peintures des manuscrits), parce qu'il est bien réellement un recueil liturgique d'homélies destinées à être lues à l'office de la nuit. Le fac-similé donné par M. de Bastard n'est même autre chose que le commencement d'une homélie pour la fête de la Pentecôte.

 

283

 

de l'Abbaye de Montmajour, à  la Bibliothèque nationale, etc.

Voici néanmoins quelques noms propres : chez les Grecs, un psautier conservé à la Bibliothèque nationale, qui est de la main du prêtre Démétrius (1); chez les Latins, un célèbre homéliaire gardé au Mont-Cassin a eu pour copiste un calligraphe nommé Léon (2); l’Exultet qui faisait partie de la collection particulière de d'Agincourt, et qu'il a décrit (3), est l'ouvrage d'un prêtre nommé Joannes Eposius ; le B. Théodoric, abbé de Saint-Evroul, transcrivit un collectaire, un graduel et un antiphonaire pour son monastère, et plus tard, son neveu Rodulfe, un missel (4); Othlon, moine de Saint-Emmeran de Ratisbonne, se distingua dans la calligraphie liturgique, au XI° siècle, et n'écrivit pas moins de dix-neuf missels, trois évangéliaires, deux lectionnaires pour les épîtres et les évangiles, et quatre matutinaux, ou recueils des passions des saints, sermons et homélies des Pères pour l'office de la nuit ; encore, l'énumération n'est-elle pas complète (5). Cette merveilleuse fécondité fut presque égalée par l'infatigable et savante Diemude, religieuse de Weissbrunn, qui, d'après un catalogue qu'elle en a laissé elle-même, rédigea deux missels avec graduel et séquences, dont l'un fut donné « à l'évêque de Trêves ; un troisième missel, avec épîtres, évangiles, graduel et séquences; un quatrième avec épîtres   et   évangiles   pour   toute   l'année,   graduel,

 

 (1)  D. Montfaucon, Paloeographia Grœca.

(2)  D. Montfaucon, Diarium Italicum.

(3)  Peinture, planches LUI et LIV.

(4)  Orderic Vital, lib. VI.

(5)  Ziegelbauer, Historia rei litter. Ordinis S. Benedicti, tom. II.

 

284

 

séquences, et Baptisterium complet; un cinquième avec épîtres et évangiles simplement. De plus, un liber officialis; un autre semblable avec le Baptisterium, et qui fut donné à l'évêque d'Augsbourg ; un lectionnaire contenant les épîtres et les évangiles; un évangéliaire simple et un épistolaire simple (1). »

Les monuments de la calligraphie liturgique au XII° siècle ne nous révèlent aussi que par exception les noms de leurs auteurs. Ainsi, nous connaissons, pour les Grecs, Salomon, copiste d'un évangéliaire de la Bibliothèque nationale (2) ; Léon, auquel on est redevable du Triodion de la bibliothèque Barberini, à Rome (3); pour les Latins, le moine Lieutold, qui a transcrit le bel Évangéliaire conservé dans la Bibliothèque impériale de Vienne (4), un missel plénier et un passionnai (5); Dudon, cellérier de Fulde, auteur d'un missel et d'un collectaire (6); Gontier, abbé de Liessies, qui écrivit un livre des Homélies pour la période d'hiver, et son successeur, Renier, qui compléta ce grand travail en transcrivant les Homélies pour la période d'été (7) ; l'abbesse de Quedlimbourg, Agnès de Misnie, qui avait exécuté avec somptuosité un missel plénier (8) ; la religieuse Guda, auteur d'un homéliaire gardé à Francfort-sur-le-Mein (9) ; mais nous sommes sans renseignements sur les calligraphies auxquels on doit rapporter le magnifique Homéliaire grec pour les fêtes de la sainte Vierge que l'on admire à la Vaticane; l'Evangéliaire grec des princes Jean et Alexis Comnène qui se

 

(1)  D. Pez, Thesaur. Anecdot. noviss., tom. I. Dissert, isagog. pag. XX.

(2)  D. Montfaucon, Palœographia Grœca.

(3)  Querini, Officium quadragesimale, ad fidem Cod. Barberini.

(4)  Silvestre, Paléographie universelle, tom. IV.

(5)  D. Pez, ibid., pag. III.

(6) Schannat, Historia Fuldensis.

(7) Chroniques belges inédites, tom. VII. Chronicon Laetiense.

(8)  Kettner, apud Jansen, Origine de la Gravure, cité par le P. Cahier.

(9) Gercken, Reise, I, Jansen, ib., cités pareillement par le P. Cahier.

 

285

 

conserve dans le même dépôt, l'Antiphonaire de la basilique de Saint-Pierre, édité par le B. Joseph-Marie Tommasi, etc.

Arrivés au XIII° siècle, nous recueillons les noms suivants : pour les Grecs, les moines Georges, Athanase et Christonyme Chastinos, auteurs d'un évangéliaire de la Bibliothèque nationale (1); pour les Latins, le chanoine Oderico, auquel on doit le célèbre Ordo officiorum Ecclesiae Senensis (2), et Conrad, moine de Scheyrn, dont les travaux de calligraphie liturgique furent immenses : d'abord, un livre des épîtres et des évangiles per anni circulum; ensuite, un volume énorme intitulé : Liber Matutinalis ; de plus, un collectaire, un évangéliaire pour l'office de la nuit; un livre spécial pour les principales solennités, contenant aussi l’Ordo sacerdotalis; un petit livre pour les Défunts, avec l'Office de l'Anniversaire; un livre des Bénédictions; un psautier avec glose suivi du graduel, dans le même volume; enfin, un évangéliaire pour les grandes fêtes, dans lequel Conrad avait surpassé en richesse et en élégance toutes ses autres œuvres. Nous devons ces détails à ce calligraphe lui-même, qui a donné le catalogue de ses transcriptions, sous la date de 1241. Dom Bernard Pez put voir encore quelques-uns de ces manuscrits, qui s'étaient conservés à Scheyrn, dans le voyage qu'il fit à cette abbaye, en 1717 (3). Conrad fait connaître en outre, sur la même note placée en tête de son Mater Verborum, les calligraphes liturgiques de son monastère dont les noms suivent : Guillaume, prieur ; Henri, custode ; Arnold, scolastique ; Henri, cellérier, et Conrad, prêtre. Il donne ensuite leurs œuvres collectivement, savoir : un lectionnaire, un collectaire,  un officiale,   un bréviaire, un  psautier,  deux

 

(1)  D. Montfaucon, Palœographia Grœca.

(2)  Rio, De l'Art chrétien.

(3)  Dom Pez, ibid., pag. XXVIII et XXIX.

 

286

 

graduels, deux passionnaux, un missel,  un autre missel de Sanctis, un troisième de defunctis, les Sermons pour l'office de la vigile  de Noël, enfin un  livre  matutinal, seconde partie (1).

Le XIII° siècle et les deux suivants nous ont laissé un j nombre considérable de manuscrits liturgiques, sur lesquels Fart de l'enlumineur est porté à une perfection et à un luxe toujours croissants ; mais le rôle du calligraphe n'y apparaît plus que d'une manière secondaire. Jusqu'alors, ce dernier se confondait le plus souvent avec le peintre des lettres ornées, des vignettes et des miniatures. Désormais, l'écriture et l'ornementation se divisent de plus en plus, et appellent deux mains différentes. L'écriture dite gothique règne seule sur les manuscrits jusqu'après l'invention de l'imprimerie; or toute plume est, pour ainsi dire, propre à la tracer, et le manuscrit sort des mains de l'écrivain qui a laissé en blanc la place où seront exécutées les miniatures, pour passer en celles de l'enlumineur qui doit lui donner son principal ornement. Les simples calligraphes devaient donc s'effacer peu à peu, et, par là même, s'abstenir d'inscrire leur nom sur des œuvres dont leur travail ne formait plus le principal intérêt. Il est vrai que plusieurs enlumineurs des siècles dont nous parlons ont tenu à honneur d'écrire encore les pages qu'ils devaient ensuite illustrer ; mais on n'en demeure pas moins dans une complète incertitude sur le calligraphe auquel doit être attribué tel ou tel manuscrit historié qui nous est arrivé sous la recommandation d'un nom propre.

Nous ne citerons donc du XIV° siècle que le riche Evangéliaire écrit de la main de Jean d'Oppaw, chanoine de Bruner, et gardé à la Bibliothèque impériale de Vienne (2), parce que le calligraphe, qui est en même temps un des

 

(1) Dom Pez, ibid., pag. XXVIII et XXXIX.

(2) Silvestre, Paléographie universelle, tom. IV.

 

287

 

derniers chrysographes, a laissé son nom. Au XV° siècle, nous aimons à produire le pieux Thomas A Kempis, qui, dans sa paisible retraite, occupait ses loisirs à écrire des livres liturgiques, avec élégance et habileté. En 1414, il acheva un missel commencé par lui depuis plusieurs années, et il en terminait un autre en 1417 (1). Enfin, de 1458 à 1470, une religieuse allemande, Marguerite Carthaeuserin, exécutait en huit volumes un antiphonaire avec plain-chant, conservé dans la Bibliothèque de Nuremberg (2).

Nous arrêtons ici cette nomenclature très imparfaite des principaux calligraphes liturgiques dont les noms se sont conservés; nous aurons à parler ailleurs de ceux qui se sont distingués depuis la découverte de l'art typographique, jusque dans le XVIII° siècle. On a pu voir que presque tous ces laborieux et habiles transcripteurs sont revendiqués par le Scriptorium monastique. Quant au sentiment pieux qui les animait, outre qu'il nous est déjà garanti par la sainteté de leur état, et par le zèle qui les portait à consacrer leurs loisirs à reproduire ainsi les formules sacrées de la Liturgie, ils l'ont quelquefois exprimé eux-mêmes sur leurs manuscrits dans des formules touchantes. Nous en réunirons ici quelques-unes qui, mieux que tout le reste, pourront initier le lecteur à leurs préoccupations dans cet utile et vénérable labeur.

Sur un évangéliaire grec du XI° siècle, à la Bibliothèque nationale, on lit : « Ce livre a été écrit de la main d'un pécheur. Que la très sainte Mère de Dieu et saint Eutychius daignent en agréer l'hommage, et que le Seigneur Dieu,  par l'intercession de la très sainte

 

(1)  Voir un spécimen de ce dernier dans la dissertation d'Amort, Certitudo moralist sur l'auteur du livre de l'Imitation.

(2)  Jansens, Mirabilia Biblioth. publ. Norimberg. Cité par le P. Cahier, ibid.

 

288

 

Mère de Dieu et de saint Eutychius, nous accorde la vie éternelle dans les cieux. Amen (1). »

Un psautier grec de la même bibliothèque offre ces lignes du calligraphe : « Ce Psautier a été écrit de la main de Demetrius, prêtre : terminé le trente mai, lundi, à la troisième heure, l'an 6567, de Jésus-Christ 1057, indiction douzième. Vous qui lirez, priez pour lui, à cause du Seigneur (2). »

Le Triodioil de la bibliothèque Barberini est remarquable par cette légende : « Ce livre a été transcrit de la main de Léon, pécheur et écrivain. Il a été terminé le 26 janvier, indiction treizième, le lundi, à la sixième heure, l'an 6628. Vous qui le lisez, priez pour moi, et soyez indulgent (3). »

Sur le tome de Novembre d'un manuscrit des Menées, à la Bibliothèque nationale, on lit : « Ce mois de Novembre a été terminé, le neuf de juin, à la quinzième heure, sous l'empire de Jean Comnène Porphyrogenète, l'an 6635, de Jésus-Christ 1127, indiction cinquième (4).»

Cette attention à marquer non seulement le jour, mais jusqu'à l'heure à laquelle a  été terminé le manuscrit, indique naïvement la préoccupation du calligraphe qui a mené son labeur avec constance, quelquefois durant de longues années, et qui, touchant enfin au terme, accueille avec tant de joie l'heureux instant  où il y va mettre la dernière main, qu'il veut que le souvenir en arrive jusqu'à la postérité qui doit jouir du fruit de ses travaux. Avant de passer aux monuments de la Liturgie latine, donnons

 

(1)  Voir le texte de cette formule, dans Montfaucon, Paloeographia Grœca, lib. I, cap. v. Nous nous abstenons de donner le grec de cette inscription et des suivantes, afin de ne pas trop charger ces notes : la traduction latine serait superflue.

(2)  Montfaucon, ibid.

(3)  Quirini, Officium quadragesimale. Praeatio, pag. LX.

(4)  Montfaucon, ibid.

 

289

 

encore un exemple emprunté aux manuscrits liturgiques de l'Eglise grecque.

Sur un évangéliaire du XII° siècle, de la Bibliothèque nationale, on lit : « Ici se termine ce très saint livre des quatre Évangiles écrit de ma main, à moi Salomon, très misérable et méprisable écrivain. Je prie dans le Seigneur tous les frères et pères qui l'auront en main, le liront, ou le transcriront, de ne pas m'envoyer leur malédiction, à cause de ma rusticité et de mon incapacité. Vous avez souvent entendu dire : « Tel est le sort de l'écrivain : la main qui a écrit est en proie à la pourriture du tombeau, mais ce qu'elle a écrit demeure encore visible après beaucoup d'années, dans tous les siècles des siècles. Amen. » Terminé l'an de la création du monde 6676, de Jésus-Christ 1168, indiction première, cycle solaire X, VII° lune de décembre, un mercredi; gouvernant à Constantinople Manuel Porphyrogénète et très glorieux empereur ; étant roi à Jérusalem le très puissant Amarri (1); régnant sur l'île de Sicile Guillaume II, et sur nous Jésus-Christ, à qui gloire et empire dans les siècles des siècles. Amen (2). »

Les manuscrits de la Liturgie latine ne sont pas moins remarquables que ceux de la Liturgie grecque dans les inscriptions dont ils ont été apostilles par leurs pieux copistes. Nous citerons d'abord l'Homéliaire de la Vaticane du VII° siècle, dont nous avons parlé ci-dessus. Le calligraphe Agimond a inscrit sur sa dernière page la formule suivante : « Toi qui lis ceci, prie, je te le demande, pour celui qui l'a écrit, afin que par le Prince des Apôtres soient déliés les liens d'Agimond, prêtre, pécheur et mutile écrivain. Grâces soient rendues au Dieu du ciel. En la basilique des Apôtres Philippe et Jacques » (3).

 

(1)  Amauri Ier, qui régna de 1162 à 1173.

(2)  Montfaucon, ibid.

(3)  Qui   legis, obsecro ut  ores  pro   scriptore ut  per Apostolorum principem, solvantur vincula Agimundi Presbyteri peccatoris, sicut, inutilis scriptoris. Deo cœli grates, Basilica Apostolorum Philippi et Jacobi.

 

290

 

Sur le Sacramentaire de Rodrade, à la Bibliothèque nationale (1), on lit :

« Moi Rodrade, indigent de la miséricorde de Dieu, vaincu par les ordres du pontife Hilmerade, contraint par la menace d'une sentence épiscopale d'excommunication, le IV des Nones de Mars, j'ai reçu avec terreur l'office du ministère sacerdotal, l'an de l'Incarnation du Seigneur DCCCLIII, indiction première, Epacte VII°, au VII° terme paschal, le IV des kalendes d'Avril. Qui que tu sois qui liras cette note de mon ordination, et qui célébreras la consécration du Corps du Seigneur avec ce livre, aide-moi, je t'en supplie, par tes prières, à exercer le sacerdoce d'une manière digne du Christ, et à mériter la récompense de la vision céleste (2). »

Viennent ensuite ces vers qui reproduisent avec onction les mêmes sentiments :

 

Hunc ego Rodradus sanctorum indignus alumnus

Composui librum Christi sub honore dicandum,

Officiis sacris Agni dum victima digni

Religione pia sacram mactatur ad aram.

Qui licet indignus meritorum dote bonorum

Destituar, noxae nimio sub pondere vilis,

Saltem hujus studii donet pietate placere

Alti throno Regi, ferimus quo judice cuncti

Pro merito nostro mercedis praemia dignae.

Te quoque suppliciter, Christi benedicte sacerdos,

Codicis istius frueris qui forsitan usu,

Inter sacrorum solemnia sis memor ipse

Posco mei, precibusque Deum mihi conciliato,

Obsequio cujus coelestia munera libas.

 

(1)  N° 286. Fonds Saint-Germain.

(2)  Ego Rodradus misericordia Dei indigens, victus Hilmeradi antistitis jussionibus, vinctusque episcopalis auctoritatis excommunicationibus, IIII. Nonas Martii sacerdotalis ministerii trepidus suscepi officium, anno Incarnations Dominicœ DCCCLIII, Indictione I, Epacta VII, termino VII, Paschali IIII, Kal. Apr. Quicumque hanc ordinationis meae adnotatiunculam   legeris, et per hune codicem Dominici corporis consecrationem recitaveris, tuis quaeso precibus adjutus, dicatum Christo exhibere sacerdotium, et supernas visionis consequi bravium merear.

 

291

 

Les deux illustres calligraphes auxquels on doit l'Évangéliaire de Saint-Emmeran de Ratisbonne, s'expriment ainsi à la dernière page de ce beau manuscrit :

« Huit cent soixante-dix ans s'étaient écoulés depuis le jour où Dieu daigna naître homme du sein de la Vierge ; Charles régnait depuis trente-un ans, lorsque ce livre entrepris par son ordre est arrivé à sa fin. Avec notre plume nous avons traversé une mer profonde; notre barque touche maintenant au rivage. Issus du même sang, fils du même père et de la même mère, établis l'un et l'autre dans le degré du sacerdoce, on nous appelle Beringarius et Liuthardus, nous à qui fut imposée cette œuvre laborieuse et difficile. A toi maintenant, lecteur, s'adresse notre prière. Dis pour nous : Seigneur, accordez-leur le fortuné royaume des deux (1). »

Quelquefois le calligraphe ne parle pas lui-même dans l'inscription ; l'éloge de sa personne, de son travail et de ses intentions est placé dans la bouche d'un autre. Ainsi, sur l'insigne Évangéliaire de Hautvillers, on lit ces vers :

 

Ebo Remense decus, praesul pastorque coruscus,

Doctor evangelicus, praecelsi Regis amicus,

 

(1)          Bis quadringenti volitant et septuaginta

Anni, quo Deus est virgine natus homo.

Ter denis annis Karolus regnabat et uno,

Cum codex actus illius imperio.

Hactenus undosum calamo descripsimus aequor,

Littoris ad fidem nostra carina manet.

Sanguine nos uno patris matrisque creati,

Atque sacerdotis sevat uterque gradum.

En Beringarius, Liuthardus nomine dicti,

Queis fuerat sudor difficilisque nimis.

Hic tibimet, lector, succedant verba precantis,

Ut dicas, capiant regna beata poli.

Mabillon, Iterer Germanicum, pag. 53.

 

292

 

Hunc in honore Dei, Petrique in amore beati

Librum jussit agi plenum Spiraminis almi ;

Cujus ad imperium accelerans velociter illum,

Abba humilis noster Petrus placidusque magister

Cœpit anhelanter, perfecitet ipse flagranter.

Hunc auro interius Christi decoravit amicus,

Atque ebore exterius pulchro decompsit opimus.

Sic et ut ornavit Domino Petroque dicavit.

Hic enim Evangelici retinentur bis duo libri

Matthaei ac Marci, Lucaeque Johannis et almi (1).

 

Le célèbre Homéliaire du Mont-Cassin est remarquable par une inscription relative à la fois au donateur du manuscrit et au calligraphe. Une vignette curieuse complète cette dédicace; on y voit figurer saint Benoît, Didier, abbé du Mont-Cassin, Jean, donateur du manuscrit, et Léon qui l'exécuta. Voici en quels termes les deux derniers s'expriment :

« L'an de l'Incarnation du Seigneur mil soixante douze, indiction dixième. Après le trépas du très saint et excellent père Benoît, dans ce vénérable monastère de Cassin où le très sacré corps de notre père et législateur avec celui de son admirable sœur Scholastique, repose dans un sépulcre d'honneur, le seigneur Didier, vénérable Abbé, gouvernant, lui trente-septième, entre les monuments qu'il a laissés de ses grandes pensées, a donné ordre que l'on écrivît ce très beau livre qui con tient les Leçons que l'on doit lire aux Vigiles des principales Fêtes, savoir de la Nativité du Seigneur, saint Etienne, saint Jean l'Évangéliste, l'Epiphanie, la Résurrection, l'Ascension et la Pentecôte. Moi, frère

 

(1) On a plusieurs fois attribué cet Evangéliaire  à un moine Placide, faute d'avoir, ce nous semble, compris suffisamment ce vers :

Abba humilis noster Petrus placidusque magister.

Il nous paraît évident que les mots placidus magister se rapportent à l'abbé Pierre, aussi bien que l'épithète humilis,et qu'il n'y a pas raison suffisante de transformer l'adjectif placidus en un personnage réel. Dom Ruinart, dans son Iter litterarium in Alsatia et Lotharingia, a lu comme il nous semble qu'on doit lire.

 

293

 

Jean, autrefois Archiprêtre de l'Église de Marsi, et maintenant le dernier des serviteurs de ce sanctuaire, pour mon salut et celui des miens, à mes dépens j'ai pourvu à l'exécution de ce livre. Je l'ai offert dévote. ment au très saint père Benoît, sur son autel sacré, le jour auquel j'ai pris son habit. Que si quel qu'un, pour quelque motif que ce soit, avait la hardiesse de l'enlever de ce saint lieu, je veux qu'il ait éternellement la demeure de ceux auxquels le Christ dira au dernier jugement : « Allez, maudits, au feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges. »

« Toi qui liras ceci n'omets pas de lire pareillement ces deux vers :

« Daignez, je vous en supplie, ô Christ plein de miséricorde, écrire au livre de vie Léon qui a transcrit celui-ci (1).  »

 

(1) Anno Dominicae Incarnationis millesimo septuagesimo secundo, Indictione decima. Cum post transitum sanctissimi, et eximii Patris Benedicti in hoc ejus venerabili cœnobio Casinensi ubi sacratissimum ejusdem Patris et Legislatoris nostri, qui (sic) ipsius egregiae sororis Scholasticae corpora honorifice humata quiescunt, septimo et tricesimo loco Domnus Desiderius venerabilis abba praeesset ; inter caetera suorum monimenta magnalium, quibus prae omnibus suis antecessoribus mirifice floruit, hune quoque pulcherrimum librum describi praecepit, contineritem scilicet eas Lectiones quae in Vigiliis praecipuarum festivitatum, id est, Nativitatis Domini, sancti Stephani, sanctis Johannis Evangelistas, Epiphaniae, Resurrectionis, Ascensionis, ac Pentecostes debeant legi. Quem videlicet, librum ego frater Johannes, Marsicanae dudum Ecclesiae Archipresbyter nunc autem ultimus ejusdem sancti loci famulus ; ob meam meorumque salutem, ex propriis sumptibus componere feci. Ipsique sanctissimo Patri Benedicto, eo die quo ejus habitum suscepi, super illius sacrum altare devote obtuli. Contestans de caetero ut si quis hune quolibet obtentu ex hoc sancto loco auferre praesumpserit, cum illis mansionem sortiatur aeternam, quibus in extremo judicio dicturus est Christus : Ite maledicti in ignem aeternum, qui praeparatus est diabolo et angelis ejus.

Quisquis autem haec legeris, subjectum quoque disticon legere ne pigriteris.

Hujus scriptorem libri, pie Christe, Leonem

In libro vitae dignanter supplico, scribe.

D. Montfaucon, Diarium Italicum, pag. 322.

 

294

 

Quelquefois ces inscriptions sont moins étendues. L'Homéliaire de Francfort-sur-le-Mein, dont nous avons parlé, porte simplement : « Guda peccatrix mulier, scripsit et pinxit hunc librum (1). » Sur celui de Pabon, il n'y a que ces trois vers :

 

Christo divinam Pabo scripserat hanc Omeliam,

Dentur ut in regno sibi praemia digna superna

Sint hoc poscentes in eo quicumque legentes (2).

 

D'autres fois, elles renferment des généralités morales qui s'étendent plus ou moins longuement, jusqu'à ce que le calligraphe vienne enfin se mettre lui-même en scène. Telle est l'inscription de Liuthold sur son  Plenarium.

« La durée des choses présentes est courte et doit finir promptement ; rien ne demeure, tel est le sort de ce qui est mortel. Rien sous le soleil n'offre une résistance durable. Chacun est à même de le voir, tout ce qui vit cessera d'être ; rien ne reprendra vie, si ce n'est l'homme, parce qu'il a été doué de cette prérogative, entre tous les êtres qui ont l'existence. Vie future pour les bons, sous les portiques de Salomon; vie future pour les méchants, dans les réduits souillés de Babylone. C'est pourquoi, altéré du désir de posséder les biens futurs, Liutold, moine, après avoir accompli déjà beaucoup de travaux, a écrit encore ce livre, et l'a décoré, selon son talent, l'offrant d'un cœur fidèle au porte-étendard du ciel (l'Archange saint Michel) (3). »

 

(1) Gercken. Reise, I. Cité par le P. Cahier, ibid.

(2) D. Pez, ibid., pag. XV.

(3)                          Rerum jactura brevis est, breviter peritura.

Non permansura : sic sunt mortalia jura,

Est nil sub sole stabili durabile mole.

Ut patet expresse, quod vivit, desinet esse :

Nec repetet vitam nisi solus homo, quia dignus

Inter res vivas tenet hoc memorabile pignus.

Vita futura bonis in porticibus Salomonis :

Vita futura malis in prostibulis Babylonis.

Ergo futurorum sitiens augmenta bonorum

Liutoldus monachus, qui multa labore patravit,

Scripsit et istud opus, pro posse suo decoravit,

Signifero cœli delegans mente fideli.

D. Pez, ibid., pag. V.

 

295

 

On a dû remarquer sur l'Homéliaire du Mont-Cassin les malédictions qui y sont portées contre ceux qui déroberaient ce manuscrit. Des imprécations de ce genre se rencontrent de temps en temps sur les livres liturgiques du moyen âge. Tantôt elles sont lancées par le copiste lui-même; d'autres fois par les possesseurs du manuscrit. Les uns et les autres estimaient à leur véritable prix ces chefs-d'œuvre de patience et souvent aussi d'art et d'élégance; ils les avaient voués au culte divin; ils les destinaient à la postérité, et voyaient en eux un moyen de s'attirer la reconnaissance et les pieuses prières des générations futures. D'ailleurs, dérober ces manuscrits, c'était se rendre coupable de sacrilège, et en même temps frustrer ceux qui les avaient transcrits, au prix de tant de veilles, du seul fruit qu'ils s'étaient promis de leurs labeurs, ou ceux qui les avaient achetés, souvent à un très grand prix, quand ils ne les avaient pas reçus de la main de quelque puissant prince, de la légitime consolation de les transmettre à leurs successeurs.

Les églises regardaient les livres liturgiques comme une des plus nobles portions de leur mobilier sacré ; il, leur était possible de remplacer un calice d'argent ou d'or qui leur eût été enlevé ; mais qui eût pu leur rendre un évangéliaire, un sacramentaire, auxquels déjà plusieurs générations avaient attaché leurs affections et leur respect, et qui souvent rappelaient les éclatantes vertus du transcripteur autant que l'habileté du calligraphe, rehaussée tant de fois par l'emploi de l'or, des plus riches couleurs et des miniatures les plus splendides ? Avec nos missels et nos bréviaires reproduits par centaines dans une seule

 

296

 

édition au moyen de la presse, il nous est difficile d'apprécier tout le prix que l'on devait attacher à ces exemplaires essentiellement uniques d'un même livre, et consacrés chacun par un souvenir particulier (1).

Il est à propos de donner encore quelques exemples de ces formules de malédiction contre les   ravisseurs des livres liturgiques, et nous commencerons, comme nous avons déjà fait, par un monument emprunté à l'Église grecque :

Un évangéliaire du XIII° siècle, à la Bibliothèque nationale, ancien fonds Colbert, est  remarquable par  cette légende : « Cet Évangile sacré a été transcrit par la main

 

(1) On se fera mieux encore idée de l'importance que les calligraphies monastiques attachaient à leur œuvre, en lisant ces vers où le pieux Rodulfe, moine de Saint-Vaast d'Arras, exprime si naïvement sa confiance dans la récompense spéciale qui l'attend pour chacun des caractères qu'il a formés. Il a écrit ces vers en tête des Enarrations de saint Augustin sur les Psaumes ; on doit comprendre d'après cela quel enthousiasme le copiste devait concevoir quand sa plume traçait un évangéliaire ou un sacramentaire.

Hunc ego Rodulfus, monachus tantummodo dictus

Nomine non merito, sed fretus praesule Christo,

Conscripsi librum, coelesti dogmate plenum.

Ne grave sit cuiquam, libri si lucra capescam,

Magnum pro libro certe quia pignus habebo

Quod pignus sodes ? quod pignus ? jam modo nosces.

Cum librum scribo, Vedastus ab asthere summo,

Respicit e coelis quot aretur pagina sulcis,

Quot folium punctis hinc hinc laceretur acutis ;

Tuncque favens operi nostro, nostroque labori,

Grammata quot sulci, quot sunt quot denique puncti,

Inquit, in hoc libro, tot crimina jam tibi dono.

Hancque potestatem dat Christus habere perennem.

Nec labor iste tibi, frater, jam proderit uni,

Sed queiscumque velis detur pars magna laboris.

Haec merces operis, quam dat scriptoribus ipsis

Sanctus Vedastus, pater optimus, atque benignus,

Hac mercede librum perscripsi sedulus istum,

Quem si quis tollat, tellus huic ima dehiscat,

Vivus et infernum petat amplis ignibus antrum ! Fiat. Fiat.

Dom Martène,  Voyage littéraire, tom. II, pag. 64.

 

297

 

de Georges, prêtre de Rhodes, par les efforts et les soins d'Athanase, moine Encliste (reclus), et par le labeur de Christonyme Chastinos, pour le salut de leurs âmes. Si quelqu'un ose l'enlever, soit secrète ment, soit publiquement, qu'il encoure la malédiction des douze Apôtres, et qu'il reçoive aussi la pire malédiction de tous les moines. Amen. Le 1er jour du mois de septembre, l'an 6713, de Jésus-Christ 1215 (1). »

Le Missel de Saint-Maur-des-Fossés, à la Bibliothèque nationale (2), porte en tête la note suivante : « Ce livre appartient à Sainte-Marie et Saint-Pierre du monastère des Fossés. Celui qui l'aura dérobé, ou vendu, ou a distrait en quelque manière de ce lieu, ou enfin acheté, qu'il soit à jamais en la société de Judas, de Pilate et de Caïphe. Amen. Amen. Fiat. Fiat. Frère Robert Gualensis, étant encore jeune et Lévite, l'écrivit dévotement pour le salut de son âme, au temps de Louis (3), roi des Français, et d'Ascelin, abbé dudit lieu. C'est Richard, prieur et moine, qui a fait transcrire ce livre, afin de mériter la patrie céleste et bienheureuse. Toi, prêtre, qui assistes devant le Seigneur, souviens-toi de lui. Pater noster (4). » Un sacramentaire du IX° siècle, conservé autrefois à Fleury et envoyé d'Angleterre à cette abbaye, portait un anathème semblable (5).

 

(1) D. Montfaucon, ibid.

(2) Fonds Saint-Germain, N° 1772.

(3)  Louis le Gros.

(4)  Hic est liber Sanctœ Mariae, Sanctique Petri coenobii Fossatensis. Quem si quis furatus fuerit, aut vendiderit, aut aliquo modo a loco distraxerit, sive qui emerit, socius Judae, Piiati et Cayphse efficiatur sino fine. Amen. Amen. Fiat. Fiat. Frater Robertus Gualensis, dum esset juvenis et Levita, devote scripsit pro salute anima; suœ, tempore Ludovici Francorum Regis et Ascelini Abbatis jam dicti loci.

Richardus prior et monachus fecit conscribi hoc opus, pro merito patriae cœlestis, atque beatas. Tu qui ades sacerdos coram Domino sis ei memor. Pater noster.

(5)  Dom Martène,  Voyage littéraire, tom. I.

 

298

 

Après  avoir essayé de faire connaître, du moins en quelque degré, les pieux et patients écrivains qui consacraient leurs loisirs à la transcription des livres liturgiques, il  est juste d'insister maintenant sur le genre de leur travail, quand à la partie calligraphique ; nous réservons pour un chapitre spécial les détails relatifs aux ornements dont les écrivains empruntaient souvent le concours, afin de rendre leur œuvre plus digne de son auguste destination.

Ces pieux copistes étaient trop pénétrés de la sainteté des textes liturgiques, pour employer, dans la transcription a qu'ils en faisaient, les caractères vulgaires et consacrés à exprimer les relations purement humaines. Constamment, l'écriture des livres liturgiques fut la plus noble et la plus imposante, en sorte que dans le jugement sur l'âge des manuscrits, dès   qu'ils  appartiennent à  la  liturgie,   il devient impossible   d'en  préciser l'époque  d'après  les règles accoutumées. Telle écriture a fait place à une autre sur les manuscrits  ordinaires; mais elle règne  encore longtemps dans les livres du service divin, parce qu'elle a des  allures plus antiques  et plus vénérables, parce qu'elle retrace le souvenir du passé qui sied si bien aux textes mystérieux qu'elle est appelée à reproduire.

Nous avons éprouvé trop de pertes dans les manuscrits liturgiques, pour  que l'on puisse  être en mesure d'en signaler un grand nombre qui soient totalement écrits en capitales.  Toutefois, il en reste  encore  quelques-uns, tels que l'Evangéliaire autrefois de Saint-Germain-des-Prés, que les auteurs du Nouveau Traité de diplomatique reportent au temps de Clovis (1).  Dans toute sa teneur, ce précieux codex qui est traité dans le goût du Virgile   de Florence, ne présente que   deux   onciales, échappées, sans doute, à la distraction du calligraphe (2).

 

(1)  Tom. III, pag. 44.

(2)  Ce manuscrit est mutilé. Il contient l'Evangile de  saint Matthieu presque entier, et une partie seulement de celui de saint Marc.

 

299

 

On sait que le VIII° siècle, au moins chez les Latins, est la limite extrême qui peut être assignée à l'emploi continu des capitales sur un même manuscrit. Mais elles ne cessent pas pour cela d'être  en usage comme ornements sur les  évangéliaires, sacramentaires, etc.   Quelquefois elles y règnent sur des pages entières, par exemple à l'ouverture du texte de chacun des Évangélistes, aux premières  oraisons   du  canon   de la messe,   à toutes les rubriques de plusieurs   sacramentaires, aux  titres qui annoncent soit les fêtes  elles-mêmes, soit les  diverses oraisons et préfaces, enfin aux inscriptions ou dédicaces dont ces livres sont ornés.

Les capitales sur les manuscrits liturgiques sont ordinairement de la forme  appelée rustique,  surtout lorsqu'elles courent une ou plusieurs lignes de suite; mais on en  rencontre  quelquefois en  tête des évangéliaires   et sacramentaires des VIII° et IX° siècles, qui réunissent la noblesse et la correction des plus beaux temps classiques de l'épigraphie romaine ; par exemple sur l'Evangéliaire de Saint-Médard de Soissons, sur celui de Lothaire, sur celui de Hautvilliers, et sur le Sacramentaire de Drogon. On en observe même encore de très parfaites, jusque dans le XI° siècle, comme sur le Bénédictionnaire d'Aethelgar. Mais la plupart du temps, elles sont interrompues sur la ligne même par de fortes onciales, ou quelquefois, selon le pays du  manuscrit,  par  des capitales saxonnes, de même hauteur et de même richesse.

L'onciale, cette petite capitale, arrondie pour devenir plus expéditive, et qui présente un aspect si grave et si élégant, employée dans toute la teneur d'un même volume, ne dépasse pas le VIII° siècle dans les manuscrits ordinaires, et s'étend jusque dans le X°, s'il s'agit des livres liturgiques. Cette règle est applicable à la fois aux manuscrits de l'Église latine et à ceux de l'Église grecque; et  parmi  les  livres   de cette   dernière   il faut compter

 

300

 

comme offrant matière à la même observation ceux des Eglises slaves, comme il conste par plusieurs évangéliaires conservés à la Bibliothèque nationale et ailleurs.

L'onciale continue se montre dans toute sa beauté, avec les variétés qui lui sont propres selon les lieux et les siècles où elle régna, sur l'Évangéliaire de Verceil, sur le fameux manuscrit de Cambridge où elle se présente à la fois latine et grecque, sur le Psautier de saint Germain, celui de la Bibliothèque de Zurich, le Sacramentaire Léonien du Chapitre de Vérone, le Psautier de sainte Salaberge, l’Antipbonaire de Monza, le Missale Francorum, le Missale Gothicum, le Sacramentarium Gallicanum, l'Homiliaire Vatican du VII° siècle, l'Evangéliaire de la Bibliothèque nationale dit de Notre-Dame de Paris, le Psautier et l'Evangéliaire anglo-saxons de la bibliothèque Cottonienne. Nous citerons encore le Lectionnaire gallican de Luxeuil, le Sacramentaire gallican de Bobbio, le Sacramentaire gélasien du VIII° siècle, le Lectionnaire grec de la Bibliothèque de Munich, dans lequel la lettre est penchée, l'Evangéliaire grec de la Bibliothèque de Vienne; l'un et l'autre pareillement du vm° siècle; dans le IX°, pour les manuscrits grecs, l'Evangéliaire des fêtes de l'année, à la Laurentienne, et celui qui fut donné à Louis XIV par l'abbé de Camps, à la Bibliothèque nationale ; pour les manuscrits latins, les Évangéliaires de Saint-Médard de Soissons, à la même Bibliothèque, et de saint Emmeran de Ratisbonne, à celle de Munich.

L'emploi de l'onciale ne cesse pas sur les manuscrits liturgiques, à l'époque où cette forme de lettre n'y règne déjà plus d'une manière continue; c'est elle qui, avec la capitale romaine, demeure en possession de fournir l'ornementation des titres et souvent de pages entières sur les évangéliaires, sacramentaires, etc. Les rubriques mêmes lui sont conservées jusque dans le XII° siècle et au delà ; elle ne disparaît totalement que par l'invasion du

 

301

 

gothique qui lui emprunte même un grand nombre de traits, particulièrement pour les capitales.

Privés de la majesté que leur imprimait l'onciale, les livres liturgiques descendent à la minuscule. Ce caractère était originairement le romain qui, sous l'époque mérovingienne, avait décliné et perdu beaucoup de sa beauté et de son harmonie première. Il était réservé à l'époque de Charlemagne de le relever et de le rendre digne des livres de l'autel. On l'admire sur le Psautier donné par Charlemagne au pape saint Adrien, et qui se conserve dans la Bibliothèque impériale de Vienne, sur l'Evangéliaire dit de Saint-Martin-des-Champs, auquel se rattache aussi le nom de Charlemagne, à la Bibliothèque de l'Arsenal.

Le IX° siècle, fidèle à l'impulsion qu'avait donnée le grand Empereur, ne laissa pas dégénérer, en France, la minuscule Caroline. Elle se montre dans sa régularité sur le Sacramentaire de Metz dit de Drogon, sur l'Evangéliaire donné par le cardinal de la Rochefoucault à la Bibliothèque de Sainte-Geneviève, sur celui de l'église du Mans qui a appartenu à l'évêque Gervais de Château-du-Loir, sur celui de Lothaire, venu de Saint-Martin de Tours, sur le Sacramentaire de Rodrade, moins riche que les quatre manuscrits précédents, et qui se conserve comme eux à  la Bibliothèque nationale.

Dans les deux siècles suivants, la minuscule commence à se déformer; mais elle offre encore un coup d'œil respectable sur les manuscrits liturgiques, tels que l'Evangéliaire de saint Uldaric, le Sacramentaire donné par l'empereur saint Henri à la cathédrale de Bamberg, maintenant à la Bibliothèque de Munich. On sait que l'influence de Charlemagne pour la régénération des lettres s'était étendue à la partie germanique de son empire; ces deux monuments démontrent que l'impulsion durait encore au X° siècle.

 

302

 

La minuscule Caroline passa même en Angleterre, sous le règne si glorieux d'Alfred le Grand; aussi la rencontre-t-on, quoique mêlée encore de traits saxons, sur l'Evangéliaire donné aux moines de Cantorbéry par le roi Aethelstan et dont on trouve plusieurs spécimens dans Casley; sur le Bénédictionnaire d'Aethelgar, et sur le Missel de Robert de Cantorbéry, l'un et l'autre à la Bibliothèque de Rouen. Cette élégante forme d'écriture ne fut pas non plus sans influence sur l'Italie; mais elle y eut à lutter contre l'élément lombard dont elle ne triompha pas toujours, témoin le Pontifical de Landolfe, à la Bibliothèque de la Minerve, le Bréviaire de l'abbé Oderise du Mont-Cassin, à la Mazarine, les Exultet dont nous parlerons ailleurs. Du moins, la minuscule lombarde employée sur les monuments liturgiques que nous venons de rappeler s'y présente-t-elle avec une dignité que l'on retrouve rarement sur les manuscrits ordinaires du caractère lombard.

Mais l'écriture des nations européennes avait encore à subir une variation, pour arriver à cette sorte d'uniformité qu'elle conserva jusqu'au jour où Part typographique ramena sans retour l'antique et noble caractère romain. La minuscule Caroline exigeait une main trop légère pour garder longtemps sa prérogative, dans des siècles aussi peu préoccupés de l'élégance que le X° et le XI°. La plume des calligraphies se mit à la recherche d'un mode d'écriture dont la régularité facile, la liaison compacte, l'harmonie un peu monotone, présentassent un rapport permanent avec cette fixité que le génie de la scolastique imprimait à tous les travaux de l'intelligence. La gothique se forma peu à peu, et, au fond, elle n'était qu'une dégénération de la minuscule romaine, mais devenue massive, serrée, pleine de traits anguleux, et relevée par des majuscules empruntées de l'onciale, ainsi que nous venons de le dire, de la capitale, et même de

 

3o3

 

la minuscule romaine ; mais avec une  bizarrerie et un caprice qui ne rentrent dans aucune règle.

La Liturgie paraît avoir adopté de bonne heure ce genre d'écriture dont le règne commence au XII° siècle, et devient décisif au XIII°. Dès le XI°,  on en observe le principe très marqué sur l'Evangéliaire de l'abbaye de Nieder-Altach, maintenant à la Bibliothèque de Munich. La gravité incontestable de l'écriture gothique lui assurait pour de longs siècles la possession des livres de la Liturgie, et l'on peut affirmer que les manuscrits les plus remarquables de ce caractère, du XIII° au XV° siècle, sont ceux que la piété de nos pères consacra au culte divin. Il est inutile d'en alléguer ici des exemples ; les bibliothèques de l'Europe entière en sont remplies. Nous signalerons seulement deux particularités de l'écriture gothique dans ses rapports avec les livres de la Liturgie. Nous avons dit que généralement elle y apparaît avec une certaine majesté ; mais tantôt il arrive que le calligraphie procède par traits massifs, formant ses lettres presque rondes, comme l'onciale; ce qui donne une gravité imposante à son œuvre (1) ; tantôt la plume du copiste, gênée par le défaut d'espace, serre l'écriture qui devient alors svelte et pressée, et par là même d'une lecture moins expéditive pour l'œil qui n'est pas exercé. Cette particularité se rencontre principalement sur la plupart des bréviaires des XIV° et XV° siècles, qui sont du format in-8°, ou au-dessous. On connaît d'ailleurs les variations qu'a subies l'écriture gothique, sans perdre son caractère général; elles se reproduisent dans les livres liturgiques, mais sans leur enlever jamais ce cachet spécial de dignité que nous tenons par-dessus tout à constater, dans toute la durée de la période qui fait l'objet de ce chapitre.

 

(1) On peut voir, entre beaucoup d'autres du même genre, le beau Missel de Clément VII, à la Bibliothèque d'Avignon, et certains livres de chœur du plus grand format.

 

304

 

Après avoir parlé de l'écriture employée dans les livres  de la Liturgie, et réservant pour le moment tout ce qui a rapport à leur ornementation, il est à propos de dire quelque chose du grand nombre de ces livres, à l'époque qui précéda l'invention de l'imprimerie. Ce serait se faire une idée très fausse que de juger du nombre des manuscrits liturgiques répandus dans l'Eglise, depuis l'origine du christianisme, par les quelques exemplaires qui nous sont restés de ceux qui furent écrits avant le XIII° siècle ; car, depuis cette époque, on en a conservé une assez grande quantité, pour être en mesure d'affirmer qu'ils furent dès lors très multipliés. Mais pour peu que l'on considère les nécessités du service divin dans chaque église ou monastère, il est aisé de se faire une idée de la multitude des livres liturgiques qui ont dû exister, à chaque période, sur toute l'étendue de la société chrétienne. Nous avons démontré que les textes liturgiques avaient été confiés à l'écriture bien avant la paix de Constantin; les mêmes arguments que nous avons employés servent à prouver que, surtout depuis cette époque où le culte put s'exercer avec une liberté et une splendeur toujours croissantes, les livres du service divin durent exister en nombre de plus en plus considérable.

On sent aisément qu'il était impossible de célébrer le sacrifice, sans avoir à sa disposition le sacramentaire qui contenait le canon, les oraisons et les préfaces ; ' l'évangéliaire et l'épistolaire où le diacre et le sous-diacre faisaient, du haut de l'ambon, les lectures marquées ; l'antiphonaire où le choeur trouvait les chants dont il devait accompagner l'action du pontife ou du prêtre. Les missels pléniers, qui ne vinrent que plusieurs siècles après saint Grégoire, réunissaient tous ces différents textes ; mais, alors, la célébration privée de la messe tendait à devenir journalière, et le besoin de multiplier ces missels complets en résultait naturellement.

 

305

 

Pour la célébration de l'office divin, il fallait réunir au Psautier indispensable, l’Hymnaire, l'Antiphonaire ou Responsorial, le Lectionnaire, l'Homéliaire et le Passionnai. Il est vrai que, vers le XI° siècle, on commença à rédiger le plenarium de l'office, comme on avait déjà compilé celui delà messe, afin d'aider ceux qui, n'ayant pas assisté au chœur, devaient réciter les Heures en leur particulier ; mais cette nouvelle forme donnée aux livres liturgiques nécessitait à son tour un nombre d'autant plus grand de ces livres auxquels on donna de bonne heure le nom de Bréviaire, parce qu'ils contenaient comme en abrégé, dans leur format réduit, l'ensemble des offices qui ne pouvaient s'accomplir à l'Église qu'à la condition de réunir tous les livres spéciaux que nous avons énumérés.

En dehors de l'office et de la messe, la Liturgie réclamait encore dans chaque église d'autres livres : le recueil des rites et des formules pour l'administration des sacrements et pour les bénédictions ; le Martyrologe, quelquefois le Nécrologe, sans parler des diverses subdivisions des livres ordinaires, lesquelles produisirent les Bénédictionnaux, les Collectaires, les Exultet, etc. On voit que nulle classe de manuscrits ne pouvait lutter en nombre avec les livres liturgiques qui tendaient à devenir plus répandus encore, à mesure que la foi chrétienne s'étendait dans le Nord, et que l'on fondait de nouvelles églises et de nouveaux monastères. Mais ce qui contribua le plus à les multiplier au delà de toute proportion, fut la diminution de ce zèle envers le service divin qui s'était perpétué jusqu'au XI° siècle, et qui fit place, chez les clercs, à l'usage de réciter les Heures en particulier. Déjà la vie nomade des missionnaires avait pu amener la nécessité de livres portatifs et complets pour le service divin ; au XIII° siècle, la fondation des ordres mendiants dont les membres étaient sans cesse en mouvement pour la prédication

 

3o6

 

et les œuvres  du  ministère apostolique,  rendit indispensables ces livres d'un transport facile.  L'usage s'en étendit bientôt aux bénéficiers chargés de célébrer au  chœur l'office divin et aux moines eux-mêmes, sans que pour cela  les grands et  magnifiques  volumes dont  la réunion  était nécessaire pour  l'accomplissement   de   la Liturgie disparussent du sanctuaire. On vit les bréviaires se produire de toutes parts, non seulement pour l'usage romain, non seulement pour chaque diocèse, mais souvent même pour chaque  église séculière ou régulière où l'on célébrait l'office entier au chœur.

L'ingénieuse habileté des calligraphies réussit à satisfaire tous les besoins, et les bibliothèques conservent encore quelques manuscrits dans lesquels de véritables tours de force ont été réalisés pour réduire à l'usage des voyageurs toute la Liturgie de l'office divin sous une forme aussi exiguë et aussi commode que possible (1).

 

(1) Nous devons mentionner ici l'intéressante dissertation publiée par M. Ph. Guignard, archiviste du département de l'Aube, sur un manuscrit de la Bibliothèque publique de Dijon, désigné vulgairement sous le nom de Bréviaire de Saint-Bernard. Ce curieux manuscrit, qui n'a jamais eu aucun rapport avec le saint abbé de Clairvaux, puisqu'il n'a pas été écrit avant 1498, comme nous l'apprend une note du copiste, donne une idée des procédés qu'employait l'industrie des moines pour rendre portative, dans de longs voyages, la liturgie de l'office divin. Trente-six feuillets de parchemin, qui ont à peine trois pouces en hauteur et en largeur, contiennent presque tout le Propre du Temps, et sont réunis au moyen d'un mécanisme ingénieux. Nous renvoyons pour la description de ce singulier manuscrit à la brochure de notre honorable ami M. Ph. Guignard, qui a traité la matière avec le sérieux et la sagacité qu'il sait mettre dans ses travaux d'archéologie. Deux planches avec indications aident le lecteur à comprendre le système très compliqué employé par le copiste pour rendre son œuvre aussi commode dans l'usage que pouvait le comporter le format si exigu qu'il a choisi. Le P. Meglinger, moine de Maristelle, au diocèse de Constance, dans son Iter Cisterciense, publié vers 1667, parle de ces sortes de bréviaires d'un format exigu qu'il avait vus à Cîteaux. Dom Mabillon fait aussi mention, dans sa Liturgia Gallicana, de deux qu'il trouva dans le trésor de la même abbaye, et qui étaient probablement ceux dont parle le P. Meglinger. Enfin, Dom Martène, au siècle suivant, les retrouva encore, et il en parle dans son Voyage littéraire. Aucun de ces auteurs, selon la remarque qu'en fait M. Ph. Guignard, ne dit qu'on eût alors la prétention de posséder à Cîteaux un Bréviaire à l'usage de saint Bernard, et cette tradition ne pouvait pas être plus mal appliquée qu'elle ne l'a été, puisqu'on a voulu la faire reposer sur un manuscrit de la fin du XV° siècle.

 

307

 

Il n'y avait que les clercs tout à fait pauvres qui, n'étant pas en mesure de faire les frais d'un bréviaire, étaient réduits à recourir à la charité publique pour réciter leurs Heures ; encore cette nécessité qu'il fallait bien satisfaire, amenait-elle la création de nouveaux exemplaires de ce livre, indispensable à ceux qui ne fréquentaient pas le chœur. On établissait ce bréviaire public, qui était toujours d'un grand format, dans un lieu accessible de l'église; il était garanti par un grillage en fer, les clercs qui voulaient réciter leur office se rangeaient autour, et cédaient ensuite la place à d'autres. Des fondations pieuses garantissaient quelquefois la permanence de ce secours offert aux besoins de la prière ecclésiastique. Un monument précieux s'en est conservé dans la cathédrale du Mans. Sur le mur extérieur du chœur, près du transept méridional, on voit encore une niche inclinée en forme de pupitre, taillée dans la pierre, et autour de laquelle sont restés visibles les trous destinés à recevoir les barres de fer qui protégeaient le livre. L'inscription suivante indique la destination de la niche :

 

Magister guills tebardi huius ecce canonicus

dedit istud breviarium p usu indigentium

Orate Deum pro eo.

 

Les livres liturgiques se trouvaient  donc en nombre ] très considérable, tant dans les  églises que dans les demeures des particuliers, avant  que l'imprimerie eût été chargée du soin de les répandre. On doit même   ajouter

qu'ils comptaient  toujours   au  rang  des objets les plus

 

308

 

précieux. D'abord, leur destination, les paroles et les rites sacrés dont ils étaient dépositaires, leur assuraient d'avance un respect universel ; la beauté, la richesse de leur exécution, achevaient de les recommander à la vénération générale. Les églises et les monastères considéraient ces livres comme un de leurs plus précieux trésors ; les empereurs, les rois, les princes n'avaient pas, pour ainsi dire, de plus riche offrande à présenter à l'autel dans les basiliques dont ils honoraient le plus la sainteté, que ces évangéliaires, ces sacrementaires, auxquels leur nom demeurait attaché pour jamais. Charlemagne envoyait à saint Adrien Ier un psautier que sa magnificence rendait digne de l'un et de l'autre, et quant aux chapelles impériales et royales, on ne saurait décrire le nombre et la splendeur des livres liturgiques que la piété des princes y avait accumulés (1). On peut s'en faire une idée en parcourant le testament par lequel, au IX° siècle, Evrard, comte de Frioul, énumère les livres liturgiques de sa chapelle, en les partageant entre ses enfants.

Ainsi, après avoir dit qu'il lègue à Unroch, son fils aîné, épée, baudrier, vêtements précieux, il arrive au mobilier de la chapelle, et il donne entre autres choses à son fils un évangéliaire orné d'or, un missel orné d'or et d'argent, et un actionnaire de même parure ; » à son second fils, Bérenger, après le détail des armures et autres objets qu'il lui lègue, Evrard mentionne un

 

(1) C'est cet amour du beau dans les livres de la prière qui produisit ces nombreuses et splendides Heures pour l'usage des princes, dont nous avons parlé au commencement de ce chapitre. Nous avons dit pourquoi nous ne les faisions pas entrer dans la classe des livres liturgiques proprement dits. Mais ce serait la matière d'un ouvrage du plus haut intérêt que d'entreprendre la description des livres d'Heures à l'usage des empereurs, des rois, des princes et princesses, qui subsistent encore aujourd'hui dans les diverses bibliothèques de l'Europe et dans les collections particulières. La série commencerait à Charlemagne et se poursuivrait aisément jusqu'au XVI° et au XVII° siècle.

 

309

 

évangéliaire couvert en ivoire, un lectionnaire, un missel, un antiphonaire relié de même. » Adalard, troisième fils du comte, reçoit à son tour un évangéliaire orné en argent. »

Le comte fait ensuite le partage de sa bibliothèque, et parmi les livres qu'il énumère et dont il dispose, il lègue à Unroch « un psautier double, Psalterium nostrum duplum ; » à Bérenger, un autre psautier écrit en lettres d'or ; » à Adalard, un troisième Psautier » que le comte dit avoir été à son usage particulier; à Rodulfe, un missel quotidien ; » à Heilvinch un missel, un passionnai, un livre des Oraisons avec les Psaumes, et un autre livre des Oraisons (1). »

Quand on se rappelle l'extrême abondance des livres liturgiques aux diverses époques, on est centriste lorsque, faisant ensuite la revue des bibliothèques les j plus riches en manuscrits, on les trouve toutes si pauvres en ce genre de livres, surtout pour les dix premiers siècles. Ainsi, pour la Liturgie romaine, c'est en vain que l'on chercherait à Rome même un Sacramentaire grégorien du VIII° siècle ; c'est au IXe seulement, que remontent ceux à l'aide desquels on peut refaire l'ancien texte de saint Grégoire. Le Sacramentaire de saint Gélase repose jusqu'ici sur un manuscrit unique du VII° siècle. Celui qu'on appelle le Léonien est unique aussi; encore le codex est-il mutilé. Le plus ancien antiphonaire pour l'office est du IX° siècle ; celui de la messe est un peu plus ancien, il est vrai, sur les manuscrits de Monza et de Saint-Gall. On sait que les ordres romains donnés par D. Mabillon avec tant de soin l'ont été sur des manuscrits d'une extrême rareté, et dont la série a bien de la peine à remonter au VII° siècle.

 

(1) Voir, à la fin du chapitre, le codicille tout entier, dont le détail est très important pour la science liturgique, non seulement parce qu'on y trouve les livres que nous venons d'énumérer, mais parce qu'il fait connaître le mobilier de la chapelle particulière d'un prince au IX° siècle.

 

310

 

La pénurie des anciens exemplaires, si sensible pour les manuscrits  de   la   Liturgie   romaine,   Test   davantage encore pour les  livres des autres  Eglises. La Liturgie ambrosienne   et  la   gothique    n'en   possèdent pas  un corps complet qui soit antérieur au X° siècle, et pour la  gallicane, s'il a été possible de recueillir quelques missels , plus ou moins incomplets du VII° siècle, et un lectionnaire, les  livres de l'office manquent  absolument.  La même disette se fait sentir pour nos plus illustres Églises. Celle de Lyon, par exemple, si fidèle à ses anciens usages, n'est en mesure de produire aucun exemplaire de ses livres liturgiques  qui   remonte  seulement  au XI°   siècle.   Les Églises d'Orient ne paraissent pas avoir beaucoup mieux conservé que celles de l'Occident les anciens exemplaires des livres de leur Liturgie. En un mot, on peut dire que, sauf certains manuscrits qui se recommandaient par la beauté ou la richesse  de l'exécution, et quelques autres plus communs qui ont dû leur conservation à un hasard providentiel, de ce grand nombre de livres liturgiques qui ont existé dans les églises jusqu'à l'an mille, presque tout a péri. Cette destruction si étrange de tant de monuments est un des faits qui étonnent le plus celui qui se livre aux études  des   origines   liturgiques.  On   en appréciera mieux encore les résultats, lorsque nous  en serons arrivé à faire l'histoire individuelle de chacun des livres de la Liturgie, et à rechercher les sources d'où sont sortis ceux que nous avons aujourd'hui ; mais ce qui a droit de surprendre  encore  davantage, c'est   de voir la même fatalité de destruction atteindre les livres liturgiques publiés depuis l'invention de l'imprimerie.

Les presses européennes, comme nous le verrons tout à l'heure, ont produit une quantité considérable de livres liturgiques dans la dernière moitié du XV° siècle ; ces diverses éditions étaient tirées à des exemplaires proportionnellement  nombreux   :   aujourd'hui,   cependant,  la

 

311

 

plupart de ces livres existent à peine par unité dans les bibliothèques. Il en est même beaucoup sur lesquels on est réduit à la simple notion, et plus encore peut-être dont l'existence sera à jamais ignorée. Le XVI° siècle est venu ensuite, durant lequel les Églises qui n'avaient pas encore imprimé leur bréviaire, leur missel, leur rituel, au siècle précédent, se sont procuré cet avantage ; celles qui avaient déjà eu recours à la presse, ont fait faire de nouvelles éditions, et cependant, pour ne parler que de la France, toutes les bibliothèques de Paris réunies sont loin de présenter, nous ne dirons pas une collection complète des livres liturgiques de tous nos diocèses au XVI° siècle, mais même d'offrir un exemplaire d'un seul de ces livres par chaque église. Il est même plus d'un diocèse dans toute l'étendue duquel, en mettant à contribution les collections publiques et particulières, on ne trouverait pas la trace de tel bréviaire ou missel de cette époque, dont l'existence est cependant certaine d'ailleurs.

Au XVII° siècle, la majorité de nos Églises, comme nous l'avons raconté dans une autre partie de ces Institutions, , adopta les textes de la Liturgie romaine publiés par saint Pie V ; mais les autres, qui étaient encore assez nombreuses, conservèrent et réimprimèrent leurs livres. Néanmoins rien n'est plus rare aujourd'hui que ces missels et ces bréviaires du XVII° siècle. Les bibliothèques de la capitale en possèdent un certain nombre, mais elles sont loin de les réunir tous. Enfin, il n'est pas jusqu'à ces livres liturgiques composés et imprimés, au XVIII° siècle, en si grande quantité, pour nos Églises, qui ne fournissent matière à une observation du même genre. Les premières éditions sont aujourd'hui presque anéanties partout; nulle part on n'a songé à en faire la collection, et c'est inutilement encore qu'on la demanderait aux divers dépôts littéraires de la capitale.

 

312

 

Sans doute, la postérité aura peu sujet de regretter que l'on n'ait pas pris des mesures pour conserver ces innombrables monuments du génie antiliturgique; assez d'exemplaires de ces missels et bréviaires d'un siècle malheureux, resteront pour conserver le souvenir de la vaste conspiration qui fut formée alors contre tout le passé de la Liturgie. Mais il n'en est pas moins douloureux de sentir que l'incurie des générations qui nous ont précédés, ait privé les enfants de l'Église de la joie de pouvoir la suivre, de siècle en siècle, dans ses formules et ses rites sacrés, à l'aide de monuments complets qui nous feraient remonter jusqu'à son berceau. La multitude même de ces livres n'a pu les préserver de la destruction ; et de même qu'aujourd'hui, la nouvelle édition d'un livre liturgique amène tôt ou tard l'abandon et l'anéantissement de l'édition précédente, désormais abandonnée aux vers et à la poussière, ainsi dans des âges plus reculés, le renouvellement des manuscrits, remplacés par d'autres plus complets ou plus commodes, fit tomber en oubli ces vénérables copies dont la science liturgique recherche maintenant avec tant d'amour les débris précieux. Le grand nombre de ces monuments en fit méconnaître l'importance ; le temps qui détruit tout, les accidents auxquels les livres ont été exposés dans tous les âges, l'ignorance aussi qui n'en appréciait pas la portée dans l'avenir, toutes ces causes réunies ont amené cette privation lamentable que nous éprouvons aujourd'hui. Ailleurs, nous aurons à faire connaître les généreux travaux qui ont été entrepris depuis le XVI° siècle jusqu'à nos jours, pour préserver d'une perte plus entière encore, en les confiant à l'impression, les restes vénérables de ces rares manuscrits à l'aide desquels là Liturgie actuelle de l'Église peut encore aujourd'hui rattacher ses traditions à la première antiquité.

 

NOTES DU CHAPITRE VI

 

De paramento autem nostro volumus ut habeat primogenitus noster Unroch spatam unam cum aureis hilcis, et cuspide aurea, et facilum (1) unum de auro et gemmis; balteum unum de auro et gemmis, sporones duos de auro et gemmis, vestitum unum de auro paratum, mantellum unum de auro paratum cum fibula aurea, et alteram spatam volumus ut habeat; urceum cum aquamanile argenteum unum, sciphum aureum unum, sciphos eburneos duos, bruniam unam, hermum unum, et manicam unam adipsum opus, beinbergas duas,mortariolum argenteum unum cum pistillo. De paramento vero capellas nostras ciboreum cum cruce aurea, et capsa aurea, et calicem aureum cum patena, coronam auream cum ligno Domini, crucem auream cum crystallo supra ciboreum; planetas duas unam auro paratam, alteram de cendalo, dalmaticam auro paratam, très pannos super altare auro paratos, duo phylacteria in cruce pendentia, Evangelium de auro paratum, sia aurea, armilias duas auro parafas, missale cum argento et auro paratum, Lectionarium similiter, urceum cum aquamanile argenteum unum, thuribulum argenteum unum, pipam auream unam, tabulas eburneas auro parafas, pecten vero auro paratum unum, flavellum argenteum unum, capsellam eburneam unam, candelabra argentea duo. Haec volumus ut supradictus filius noster primogenitus habeat.

Secundus Berengarius volumus ut habeat spatas duas, unam cum hilcis argenteis et aureis simul, facilum de argento et auro unum, balteos aureos cum gemmis duos, sporones aureos duos, vestitum de auro paratum unum, alterum facilum cum gemmis aureum, sciphos de (2) cornu et argento cum auro duos, scutellas argenteas duas, cochlearia argentea duo, bruniam unam, helmum unum, manicam unam. De paramento capellae nostra; altare argento paratum unum, calicem eburneum cum patena auro paratum unum, capsam eburneam auro paratam unam, phylacterium de crystallo cum auro paratum unum, Evangelium eburneum unum, Lectionarium simile, Missale simile, Commentarium simile, Antiphonarium simile, smaragdum similiter paratum, thuribulum argenteum unum, planetas duas unam variatam, alteram de cendalo dalmaticam variatam unam siricam similem, pallium super altare unum, tabulas ad canendum auro et argento paratas. Haec volumus ut secundus Berengarius habeat.

Tertius Adalardus, volumus ut habeat spatas duas, unam cum hilcis eburneis et aureis, facilum  similiter et   balteum eburneum  et aureum

 

(1)  Alias, Faculum.

(2) Al. cum.

 

314

 

alterum vero facilum aureum et balteos aureos duos cum gemmis, vas ad bibendum marmoreum unum cum argento et auro paratum, garalem argenteum unum, sciphum argenteum unum, pallia duo, garales argenteos cum binis cochleariis duos, bruniam unam et helmum cum hasberga et manicam unam, brimbergas duas. De paramento capellas nostrae altare de crystallo et argento paratum unum, capsam crystallo et auro paratam unam, calicem vitreum auro paratum unum, calicem argenteum cum patena, Evangelium argento paratum unum, planetam diploidam unam de cendalo, dalmaticam unam, siricam unam, pannum super altare unum, phylacterium unum in quo sunt reliquias sancti Remigii. Hase volumus ut tertius habeat Adalardus.

Quartus Rodulfus, volumus ut habeat spatas très mancofos (1) centum, balteum unum, garales duos argenteos, cochlearia tria, bruniam unam, manicas duas. De paramento vero capellas nostra bustcam crystallinam cum reliquiis, phylacterium de almandinis et crystallo paratum unum, phylacterium argenteum unum, calicem de nuce cum argento et auro paratum unum, calicem argenteum cum patena, planetas duas, pannum unum super altare. Hase volumus ut Rodulfus habeat.

Engildrud filia nostra volumus ut habeat scutellam argenteam unam et pallium unum. Judith volumus ut habeat scutellam argenteam unam, et pallium unum. Heilvinch (2) volumus ut habeat argenteum vas unum et pallium unum. Quibus singulis ne de capellas nostrae exsortes esse viderentur benedictione, dedimus singula phylacteria de crystallo auro parafa; de libris etiam ejusdem capellas nostras divisionem inter eos facere voluimus. Imprimis volumus ut Unroch habeat Psalterium nostrum duplum, et bibliothecam nostram, et librum S. Augustini de Verbis Domini, et librum de lege Francorum et Ribuariorum et Langobardorum, et Alamannorum et Bavariorum; et librum rei militaris, et librum de diversis sermonibus qui incipit,De Elia et Achab; et librum de utilitate poenitentias, et librum de constitutionibus Principum et edictis Imperatorum; et synonyma Isidori, et librum de quatuor virtutibus, et Evangelium, et librum bestiarum, et Cosmographiam Ethici philosophiçi. Berengarius aliud Psalterium volumus ut habeat cum auro scriptum, et librum de Civitate Dei S. Augustini, de verbis Domini, et gesta Pontificum Romanorum, et gesta Francorum, et libros Isidori, Fulgentii, Martini Episcoporuro, et librum Ephrem, et synonyma Isidori, et librum glossarum et explanationis et dierum, Adalardus tertium Psalterium volumus ut habeat, quod ad nostrum opus habuimus, et Expositionem super Epistolas Pauli, et librum sancti Augustini de verbis Domini,et super Ezechielem Prophetam, et Lectionarium de Epistolis et Evangeliis cum auro scriptum, et vitam S. Martini, et librum Aniani, et volumen septem librorum Magni Orosii Pauli, et Libros S.   Augustini,  Hyeronymi   presbyteri,   et   hoc   quod

 

(1)  Alias, mancosos.

(2)  Al. Helwik.

 

315

 

Jacobus ait qui totam legem servaverit, et in uno offenderit, factus est omnium reus. Rodulfus volumus ut Psalterium cum sua expositione habeat quem Gisla ad opus suum habuit, et Smaragdum et Collectaneum, et Fulgentium, et Missale quotidianum, quod semper in nostra Capella habuimus, et vitam S. Martini et fisionomia Loxi medici, et ordinem priorum principum.

Primogenita etiam filia nostro Engeldrud volumus ut habeat librum, qui appellatur vitas Patrum,et librum de doctrina S. Basilidis (1) et Apollonium, et synonyma Isidori. Judith, volumus ut habeat Missale unum, et librum unum qui incipit a sermone S. Augustini de ebrietate, et Legem Langobardorum, et librum Alguini ad Eridonem (2) Comitem. Heilvinch, volumus ut habeat Missale unum et Passionalem, et librum orationum cum psalmis, et libellum de orationibus. Gisla, volumus ut habeat librum de quatuor virtutibus, et Enchiridion S. Augustini. Haec omnia,ut supra diximus, post quandoque obitum nostrum ut inter eos ita divisa permaneant absque impedimento volumus. (D. Luc d'Aciiery Svicilegium, tom. XII.)

 

(1)  Alias, Basilii.

(2) Al. Alcuini ad Widonem.

 

 

 

Précédente Accueil Suivante