HISTOIRE LITTÉRAIRE
DU
SENTIMENT RELIGIEUX EN FRANCE
DEPUIS LA FIN DES
GUERRES DE RELIGION JUSQU'A NOS JOURS
PAR HENRI BREMOND
de l'Académie française.
IV -
LA CONQUÊTE MYSTIQUE
**
L'ÉCOLE DE PORT-ROYAL
PARIS
LIBRAIRIE BLOUD ET GAY
3, RUE GARANCIÉRE, 3
1923
Nihil obstat :
Ferdinand CAVALLERA,
Professeur à la Faculté de Théologie
de
l'Institut catholique de Toulouse.
Toulouse, 19 mars 1918.
Imprimatur :
H.
ODELIN, V. G.
Parisis, die 21 Maii 1918.
AVANT-PROPOS
CHAPITRE PREMIER DU PRÉTENDU «
STYLE JANSÉNISTE »
I. La première rencontre de Sainte-Beuve avec
Port-Royal; les deux aspects du jansénisme. — M. Hamon préféré au grand Arnauld.
— Une étude plus critique confirme cette première impression. — Déviation
précoce : l'esprit d'Arnauld substitué à celui de Saint-Cyran. Le a prêtre »
vaincu par le « docteur ». — Cinq volumes sur six raconteront la décadence de
Port-Royal. — Enthousiasme bien naturel de Sainte-Beuve . il ne connaissait pas
d'autres chrétiens.
II . Les reliures jansénistes. — Sainte-Beuve et le style janséniste. — Théories
anti-littéraires de Saint-Cyran. — Les stylistes de Port-Royal; d'Andilly. — M.
Le Maître et les rythmes de la prose. — Nicole contre « l'éloquence d'eau
chaude ». — Tous gens de lettres.
III. S'ils ont créé le style janséniste, ce fut malgré eux. — L'ont-ils créé? —
Le témoignage des contemporains. — Les Messieurs de Port-Royal écrivent comme
les autres écrivains religieux de l'époque. — La prose après Balzac. — Le P.
Grasset. — Voluptés perdues; Le Maître et Flaubert. — Qu'il n'y a pas de style
janséniste et que, soit pour le style, soit pour le reste, ils furent peut-être
moins originaux qu'on ne l'a cru.
CHAPITRE II : L'ÉCOLE FRANÇAISE ET
LE RIGORISME DE PORT-ROYAL
Une tête de Méduse l'épitaphe d'Arnauld. — Le vrai
talisman des jansénistes: leur grand air de religion et d'austérité. — Que
récole française présente la même « rigueur a et que par suite l’originalité de
Port-Royal tient du mythe. — L'humanisme dévot et l'école française. — Les
exagérations et le a pessimisme n de celle-ci. — Gibieuf et l'augustinisme de
Bérulle. — Morale de la voie étroite. — Le P. Lejeune. — Saint-Cyran et l'école
française. —Le jansénisme dénoncé dès le début par les maîtres de cette école. —
Olier et Vincent de Paul. — A quel point ces maîtres diffèrent du jansénisme,
malgré quelques ressemblances de surface. — Que leur mysticisme corrige leur
pessimisme.
CHAPITRE III : LA MISÈRE DE M. DE
SAINT-CYRAN
I. Un malheureux. — Exagération de ses admirateurs
et de ses adversaires. — Fascination exercée par lui. — Madame de Chantal. — Ce
qui peut expliquer son prestige. — Illuminisme au moins apparent. — Banalité de
ses oracles. — « Quand un prophète m'aurait parlé... » — Prodigieusement occupé
de soi. — « Nous avons, Dieu merci, des pensées plus hautes ». — Son héroïsme
prétendu. — Le théâtre et la vie réelle.
II. Hérédité psychopathique. — La Question royale. — Récidive « grave de
symptôme ». — « Ou n'est pas fait comme cela ou on est extraordinaire ». — Les
lettres saisies. — L'esprit de Principauté. — Le rival de Richelieu. — Courbe de
sa névrose. — Vers l'hébétude. — Les aphasies soudaines. — Les velléités. — Le
cabinet d'Allemagne. — Inconstance: il n'achève rien. — Saint-Cyran à
Port-Royal. — Les autres malades de la famille : obsession du jeune de Hauranne.
— Mélancolie douce ; rien de sinistre. — Les enfants. — Délire de la
persécution. — Les larmes. — Retour à l'enfance. — Mégalomanie morbide ; ataxie
intellectuelle. — Un génie et un saint manqués.
III. Le réformateur. — « Sieyès spirituel en disponibilité ». —Beaucoup de bruit
pour rien. — Post hoc ergo propter hoc. — Pourquoi pas le grand Arnauld ? —
Témoignage de Vincent de Paul. — Leur intimité. — Il l'a vénéré, il n'a pas pris
au sérieux ses boutades réformatrices. — Saint-Cyran à Vincennes. — Le beau cas
de conscience pour Vincent de Paul. — Loin de charger le prétendu réformateur,
il l'excusera de son mieux. — La déposition de Vincent. — Un cerveau mal fait,
mais un saint homme. — Toute complaisance serait ici criminelle. — Second
jugement de Vincent de Paul sur Saint-Cyran. — Comment peut s'expliquer ce
revirement ? — Auquel des deux jugements faut-il croire — Le premier, résultat
d'une longue série d'observations ; le second, d'un raisonnement.
CHAPITRE IV : SAINT-CYRAN
CONSPIRATEUR
I. NOTE BIBLIOGRAPHIQUE ET
CRITIQUE. — 1. Les lettres de Jansénius à Saint-Cyran. — La publication et
l'éditeur de ses lettres. — Les suppressions. — Le commentaire du P. Pinthereau.
— Impression que donnent ces lettres. — 2. Le Procès de Vincennes. —
Irrégularités du procès. — Principales pièces. — Les témoins à charge. — Dom
Jouaud, abbé de Prières. — Son importance dans cette histoire. — Ses relations
avec Rapin. — Ce que les jansénistes opposent à son témoignage, lequel
d'ailleurs doit faire foi. — La dénonciation de Zamet. — Critique de cette
pièce. — Lettres et mémoires qui ont servi au procès. — Interrogatoire de
Saint-Cyran. — La défense. — Apologie pour Laubardemont.
II. Qu'on peut sans témérité soupçonner Saint-Cyran des pires desseins. — La
consigne du secret. — Les secrets innocents. — Ce qu'il ne pouvait dire à d'Audilly
qu' « à la faveur des ombres des arbres ». — Procédes indécents qu'il emploie
pour s'assurer le secret. — Que nul ne fut moins secret que lui. — Ses folles
imprudences. — La scène devant les murailles de Maubuisson. — Les deux
Saint-Cyran : à l'état normal et pendant les crises. — Le théologien et
l'illuminé. — Lequel des deux est le vrai ?
III. « La grande affaire », l'ultime secret. — Saint-Cyran et Jansénius. --
Activité des conspirateurs de Louvain et importance de leur rôle. — Pilmot. —
Qu'ils ne trament. pour l'instant, rien contre l'Eglise. — Leur désir de rester
en communion avec les Universités catholiques. — Leur soumission au Pontife
romain. — Qu'ils désiraient gagner le Pape à leur conspiration. — Le Pilmot
original, vague projet de contre-réforme — L'évolution de Pilmot.
IV. § 1. La hiérarchie et la guerre aux réguliers.
— « Nous défendons partout l'autorité épiscopale ». — Que c'était là une des
directions de la contre-réforme catholique. — Le P. Bourgoing, l'Oratoire et
l'esprit hiérarchique. — Les conjurés soutiendront la même doctrine, mais en la
prenant sous son aspect négatif et agressif. — L'assaut contre les jésuites. —
Que Saint-Cyran n'avait aucune raison de leur en vouloir. — Ses neveux confiés
aux Pères. — Acharnement de Jansénius et bientôt de tout le parti. —
§ 2. La restauration de l'augustinisme. — Que le
premier projet des doux conjurés n'était certainement pas de répandre la fausse
doctrine sur la grâce que Jansénius proposera dans l'Augustinus. — En 1619, ils
sont déjà d'accord sur Pilmot et cependant ni l'un ni l'autre n'a la moindre
idée des futures cinq propositions. — En 1620, Jansénius « découvre » saint
Augustin et les cinq propositions. — Il fait part à Saint-Cyran de la bonne
nouvelle, mais sans entrer à ce sujet dans le moindre détail. — La grande lettre
du 5 mars 1621 , document capital dans l'histoire du jansénisme. — « Voilà ce
que je ne vous ai pas dit jusqu'à maintenant », et il ne le lui dit pas encore.
— Caractère de sa découverte et qu'elle n'a rien de religieux. — Que les deux
fondateurs du jansénisme, Jansénius et Arnauld ne sont que des intellectuels.
—Saint-Cyran, confident de tragédie, continue à ne rien savoir de la découverte.
— Qu'avaient-ils donc fait pendant leur retraite de Bayonne ? — Saint-Cyran de
moins en moins spéculatif, et plus érudit que théologien. — Excitateur plus que
maître. — Qu'il n'a rien appris à Jansénius. — Enfantillages qui les occupaient.
— Rendu à lui-même, Jansénius a pris son essor et fait la fameuse découverte. —
Comment Saint-Cyran adopte l'Augustinus. — Renversement des rôles : Saint-Cyran
à la remorque de Jansénius. — Qu'à partir de cette époque, Pilmot et l'Augustinus
ne font qu'un.
CHAPITRE V : LA
RELIGION DE SAINT-CYRAN
I. Saint-Cyran et le
rigorisme janséniste. — Vague de ses prétentions réformatrices. — Peu de sérieux
que présente son rigorisme. — Il approuve des confesseurs molinistes. —
Saint-Cyran, humaniste dévot. — Ne se mettre « en peine de rien ». — Les
expériences mystiques de Saint-Cyran. — Le renouvellement de Lancelot. —
Saint-Cyran au confessionnal. — La direction de Port-Royal. — « La communion
tous les dimanches ou même une fois de plus dans la semaine ». — Le a
renouvellement » à Port-Royal. — Déformation progressive de la doctrine de
Saint-Cyran.
II. Semences d'hérésie dans
la pensée confuse de Saint-Cyran. — La clairvoyance de Condren. — Vers un
christianisme purement intérieur. — Individualisme mystique substitué au
catholicisme. — Asacramentaire. — Indépendance absolue du chrétien intérieur. —
Mais peut-être est-il imprudent de lui attribuer, même en puissance, une
doctrine quelconque ?
III. Le vrai et le meilleur
Saint-Cyran. — Le solitaire, le contemplatif. — Les deux aspects de sa vie
intérieure. — Méditation lyrique. — Tumulte et magnificence. — Le flux et le
reflux de la grâce. — Intensité religieuse et humanité. — De la « coutume
ancienne de suspendre le Saint-Sacrement ». — Saint-Cyran précurseur du
romantisme catholique. — La prière du pauvre. — Vers la contemplation. — Nul
quiétisme. — Silence et flexibilité. — Le jansénisme trouvera Saint-Cyran trop
mystique. — Ce qui l'empêche de parvenir au vrai mysticisme. — Les « témoignages
de Dieu ». — Grandeur et misère de Saint-Cyran.
CHAPITRE VI : LA
MÈRE AGNÈS
I. Les deux soeurs. — Agnès
nous représente mieux qu'Angélique la vie intérieure de Port-Royal. — Le tableau
de Champaigne. — Il n'est pas janséniste. — Les pêches de Robert d'Andilly. —
Sainte-Beuve et les deux soeurs. — Le Port-Royal franciscain et salésien des
débuts. — Le P. Archange. — Rigorisme précoce d'Angélique. — Le P. Archange et
la mère Agnès. — François de Sales A Port-Royal.
II. Agnès fidèle à ses
premiers maîtres. — Contre les scrupules. — « Souffrez comme si vous étiez
juste ». — L'esprit des enfants. — L'humanisme dévot à Port-Royal. — La
direction des novices. — Sainte et saine allégresse. — « Vous m'entendez bien,
ma soeur ». — Le « baptême du sang ». — « Il faut avoir de bous sentiments de
Dieu ».
III. Le Port-Royal
oratorien. — Zamet et Condren. — Prompte initiation à la spiritualité de
l'école française. — Angélique et l'extase qui dépend de nous. — Agnès et
Condren. — La « désistance de l'âme ». — L'empreinte oratorienne. — Le Chapelet
secret. — La légende et l'histoire. — La protestation de la Mère Agnès. —
Doctrine foncièrement oratorienne du Chapelet secret. — « Cessez d'être. afin
qu'il soit ». — « Inapplication ». — Que le Chapelet n'est pas un pamphlet
coutre la communion fréquente et qu'il ne traite pas de la communion. — La
rancune d'O. de Bellegarde et sa vengeance. — Un autre lutrin.
IV. Saint-Cyran à
Port-Royal. — Une expérience méthodiste. — La crise. — Le retour au bon sens et
à la tradition. — La communion fréquente à Port-Royal. — Agnès et la communion
fréquente. — « Les imparfaits ont droit de communier souvent ». — Quiétisme
apparent de la Mère Agnès. — Contre l'oraison qui « dépend du raisonnement ». —
Vers l'union mystique. — Quamodo obscuratum est aurum ?
V. Le Port-Royal angevin.
—Henry Arnauld. — Bourrigaut et Marie-Constance. — Le théâtre au couvent ; une
farce anti-moliniste. — Le grand Arnauld à Angers. — La fin de Vert-Vert. — Le
Port-Royal pour rire et les excuses du vrai Port-Royal. — Agnès essayant de
lutter contre l'esprit de secte. — Avantages de l'humiliation. — Le pardon et le
silence. — Agnès, sa nièce et la signature du formulaire. — « A Dieu ne plaise
que je domine sur la foi d'autrui. » — Port-Royal pendant l'exil de la Mère
Agnès. — La guerre au couvent. — L'agonie de Madeleine Mechtilde. — Les
nouvelles Provinciales. — Les derniers jours de la Mère Agnès et la décadence de
Port-Royal.
CHAPITRE VII : LES
SOLITAIRES ET SÉBASTIEN LE NAIN DE TILLEMONT
I. —
Les « Messieurs de Port-Royal ». — Nous reprenons notre bien. — Le Maître et
Saci, absous par le P. Rapin. — La pénitence à Port-Royal. — Cella interrupta. —
La dévotion. — La joie. — Retraités et gens de lettres. — L'encre à Port-Royal.
— Les distractions. — Préludes sectaires. — Le manque d'humour. — Fatuité
dévote. — Leur désert n'est pas catholique. — Ils ignorent la vraie communion
des saints. — Cisternas dissipatas.
Il.
Archéologues, revenants et jacobites. — Pas encore jansénistes. — Leur Walter
Scott. — Sainte-Beuve et M. Hamon. — Les concessions de M. de Tillemont. — Le
rythme de sa vie intérieure : de l'angoisse à la paix. — Une prière critique. —
La religion en fonction de la morale. — Tillemont peint par lui-même. — Les
tentations des paoifiques. — « Tout homme est soldat ». — Tentations des hommes
d'étude. — Le savant chrétien.
III.
Devoirs envers le prochain : l'indépendance du chrétien et du savant. — Les
parents. —Manifesta teipsum mundo. — M. Le Nain. — Quid tibi et mihi mulier ? —
Le commerce avec les méchants : libertins ou molinistes. — Trajan et
Marc-Aurèle. — Le scandale de l'histoire. — Commerce avec les justes. — Les
médisants à Port-Royal. — Les domestiques. — Vers le mysticisme. — La piété
intérieure et le silence du ciel. — L'élève de Port-Royal « en droiture et qui
n'a pas dévié ». — Sancte educatus, sancte rixit. — Le Port-Royal préjanséniste.
CHAPITRE VIII : LE
GRAND ARNAULD. LE JANSÉNISME ET LE SENTIMENT RELIGIEUX EN FRANCE PENDANT LE
SIÈCLE DE LOUIS XIV
I. Que la poésie de
Port-Royal n'est pas janséniste. — Ce que serait mie poésie, un lyrisme
janséniste. — Erreurs théologiques; bizarreries; esprit de secte. — Tout ce que
nous admirons chez eux reste catholique.
II. Le grand Arnauld. — Un
docteur qui n'est que docteur. — Ses jarretières. — Son innocence. — Ses
martyrs. — Les « ballots ». — Le « testament spirituel». — Tartufe et le
pharisaïsme doctoral. — La messe de tous les jours et Vincent de Paul. — « Cela
n'appartient qu'à M. Arnauld». — Qu'il nous aide à comprendre ce que n'est pas
la religion. — « Ce qui s'appelle vraie spiritualité leur est entièrement
inconnu». — Arnauld et Bossuet. — Du lyrisme au mysticisme.
III. Influence d'Arnauld. —
Directement il fait des sectaires. — La fureur doctorale « dévorant le coeur de
la charité qui fait vivre l'Eglise». — Bourdaloue, Jurieu, Malebranche, Quesnel.
— Les bureaux de diffamation. — Jansénisme négatif. — Piété catholique des
premières générations jansénistes. — Peu à peu l'organe créera la fonction et la
secte, l'hérésie. — Le jansénisme du XVIIIe siècle.
IV. Progrès et ravages de
l'intellectualisme sectaire. — Un héros national. — Boileau et le grand Arnauld.
— La guerre civile. — Prudence et modération des grands spirituels. — La bonne
cause a eu ses Arnauld. — Influence fâcheuse de ces polémiques sur la vie intime
du catholicisme français. — Les agités. — Le P. Rapin et les modérés. — Le P.
Rapin et, l'Evangile. — La retraite de M. Le Maître. — Les honnêtes gens et les
mystiques. — « Polémiques déprimantes et stérilisantes ». — Le jansénisme et la
retraite des mystiques.
CHAPITRE IX : LA
PRIÈRE DE PASCAL
La doctrine janséniste
a-t-elle pénétré la vie intérieure de Pascal? Complexité particulière du
problème. — Jansénius a été le premier maître de Pascal. — Les deux opinions
reçues : la prière de Pascal toute janséniste ; — toute catholique. —Qu'il y a
lieu de chercher une solution moyenne.
§
1. — La joie de Pascal.
La vie intérieure de Pascal
n'a pas été assombrie par le jansénisme. Maine de Biran. — « Joie, joie, pleurs
de joie ». — La doctrine « douce et savoureuse » de Calvin. — La piété
janséniste et la certitude, au moins implicite, du salut. — Formules dévotes à
l'usage de Port-Royal. — Joie de « ceux qui, par un heureux sort, se trouvent du
petit nombre » des élus. — Je t'aime, comme j'aime « mes élus... Ne t'inquiète
donc pas». — Le sens catholique et le sens janséniste du « Je te veux guérir». —
« Espérer extraordinairement». — « non timeo quia amo ».
§
2. — Le « signe » donné à Pascal et la « consolation » sensible.
Comment sait-il qu'il est
aimé ? — « Ce que je te le dis est un signe », et un signe qui n'est pas donné à
tous. — Ce n'est pas une révélation proprement dite, mais une grâce de dévotion
sensible. — « Consolation » et « Désolation », d'après les spirituels
catholiques. — La « Consolation » et l'ascèse ignatienne». — Développement
tardif de la sensibilité religieuse chez Pascal. — La conversion de 1646. —
Qu'il y a loin de « sentir Dieu » à l'aimer. — La rechute. — « Horribles
attaches » et « moments » de ferveur. — L'automne de 1654 et la crise de
« désolation ». — « S'il avait les mêmes sentiments de Dieu qu'autrefois... »
§
3. — Le « signe » de « feu».
I. Caractère unique du
« ravissement ». — Hallucination ? expérience mystique? simple ferveur? Pourquoi
pas les trois ensemble? — La conversion de saute Gertrude. — Une conversion
méthodiste : Henry Alline – Celle de Pascal est entre les deux. — Le « Feu » du
Mémorial; Dominus Deus tuus ignis consumens. — Les deux moments de l'expérience.
— Au ravissement succède une méditation ordinaire. — II. Encore la certitude du
salut. — Pour les jansénistes, l espérance chrétienne a consiste à se regarder
comme étant du nombre des élus». — La joie du remords. — Certitude et crainte. —
Sens catholique et sens janséniste du « Tu ne me chercherais pas...». — La
tristesse de Pascal. — Les mystiques, les humanistes dévots et l'École française
contre Pascal.
§
4. — La religion de Pascal.
A. Le « Dieu » de Pascal. — Joie tragique. — Un monde maudit. L'
« opposition invincible entre Dieu et nous ». — Doctrine contraire de François
de Sales. — La peur de Dieu. — Pascal et l'idée de Dieu. « Impossible, inutile,
dangereux... de le connaître ». — Nous ne devons nous représenter Dieu qu'en
fonction de la faute originelle. — Pas d'autre Dieu que « le réparateur de notre
misère ». — La faute de Pascal « n'est pas de suivre une fausseté, mais de ne
pas suivre une autre vérité ». — Le Dieu des Pensées et le Dieu de la liturgie
catholique.
B. Le devoir religieux. — « Marque d'orgueil que de vouloir aller à Dieu
directement». — Que c'est là au contraire le devoir religieux par excellence. —
« Pourquoi Dieu a établi la prière ? » ; Réponse de Pascal ; réponse des grands
spirituels catholiques. — La prière est avant tout « adoration, louange ».—
« Premièrement regarder Dieu ». — L'adorer « par ce qu'il est en soi plutôt que
par ce qu'il est au regard de nous ». — Dévotion de l'Ecole française à la
sainte Trinité. — Théocentrisme lyrique de Bossuet. — Que l'Eglise, dans sa
liturgie, entend nous élever à cette religion parfaite.
C. « Jésus-Christ ! Jésus-Christ ! ». — Joubert et Sainte-Beuve : les
Jansénistes « ôtent au Père pour donner au Fils». — Et cependant la
christologie de Pascal diminue le Christ. α) Le Christ de Pascal n'a pas su
racheter le monde. — Combien plus grand le Christ de l'humanisme dévot! — O
felix culpa! — Le Christ vaincu de Pascal et notre Christ-Roi. — Le cantique de
Fortunat. β) Le Christ de Pascal uniquement pour l'homme, celui de l'Eglise
d'abord pour Dieu. — L'adorateur parfait. γ) L'Ecole française et sa dévotion
théocentrique au Verbe incarné.
D. Le meilleur Pascal. — Que le fond véritable de Pascal n'est pas
janséniste. — Contradictions inconscientes que tôt ou tard il eût aperçues. —
« Le Pape est premier » . — La dernière conversion. — « Le coeur » de Pascal et
la « cime de l'âme». — Mysticisme des Pensées — Pascal et la dévotion à la
personne du Christ.
CHAPITRE X : PIERRE
NICOLE OU LE JANSÉNISTE MALGRÉ LUI
I. Pourquoi l'étudier dès
maintenant ? — Récapitulation de ce qui a été dit plus haut sur le mouvement
janséniste. — Importance capitale de l'intervention d'Arnauld. — Premières
ambiguïtés et premières maladresses. — Nicole réparera les maladresses d'Arnauld
; grâce à lui, Arnauld n'aura pas à choisir entre la pleine révolte et la pleine
soumission.
II. Nicole et la distinction
entre le fait et le droit. — Habileté et loyauté. — Cette distinction apaise les
angoisses intérieures de Port-Royal. — On avait peur que le jansénisme ne fût la
vérité. — Tendances molinistes de Nicole. — La cour de Rome et le thomisme. —
Les « cinq articles » thomistes de Nicole approuvés par le Pape. — Thomisme
atténué. — Du prétendu « pouvoir » accepté par les jansénistes et qui n'est qu'
a un pouvoir garrotté par des liens invincibles. » — Une véritable grâce, et
« surnaturelle » donnée à tous les hommes. — « Les ruines d'un édifice
surnaturel sont surnaturelles ». — Quam me delectat Theramenes; Nicole et Pascal
sur les vertus des « Lacédémoniens ». — Curieuse sévérité de Sainte-Beuve à
l'endroit du « psychologiste » Nicole. — La politesse en enfer. — Nicole et
l'humanisme dévôt.
III. Qu'il y a d'autres
Pères que saint Augustin, et que saint Augustin à lui seul n'est pas l'Eglise. —
« Comparant autorité à autorité, il semble juste de préférer celle du Pape D. —
Nicole suspect aux intransigeants du parti. — A-t-il joué double jeu, comme on
l'en accuse des deux côtés. — Que Nicole a toujours cru à l'orthodoxie foncière
d'Arnauld. — A quelles enseignes ? — Psychologie de l'entêtement doctoral : « On
combat un sentiment parce qu'on l'a combattu ». — Arnauld thomiste, mais
honteux. — Malentendu persistant entre les deux théologiens du parti. — Timidité
et optimisme de Nicole. — Sa responsabilité dans la renaissance du jansénisme,
après « la paix de l'Eglise ».
IV. Nicole essayant
d'arrêter le développement de la secte. — Des a vues de conscience » qui d'abord
lui avaient permis d'intervenir dans la lutte. — Polémiste malgré lui; ses
regrets. — Il ne se reconnaît pas le droit d'écrire contre les « ministres de l'Eglise
». — Le droit de ne pas médire. — Les lois de la polémique chrétienne. —
L'assurance de M. Arnauld. — « Je ne me puis appuyer... sur la vocation de M.
Arnauld, puisque j'en doute ». — L'utilité de cette lutte, « la chose du monde
dont je doute le plus ». — Dans quel esprit est-il permis de s'indigner contre
l'injustice. — Nicole et Gerbet. — Nicole n'est pas janséniste.
V. Dangers que peuvent
présenter les Essais de morale. — Exagérations et déclamations pessimistes. —
Indulgence foncière de Nicole. — Qu'il y a plus de « fautes d'obscurcissement »
que de « fautes de passion ». — La méthode morale de Nicole et l'inoculation du
scrupule. — Plus moraliste que religieux. — Sainte-Beuve, Joubert et la
véritable infériorité de Nicole. — « Quand le christianisme est raisonnable, il
n'a plus de force ». — Nicole n'est pas mystique.
CHAPITRE XI :
PIERRE NICOLE OU L'ANTI-MYSTIQUE
§1
. — Trente ans de campagne contre les mystiques.
I.
Stupeur croissante causée à Nicole par l'enseignement des mystiques, — Un
courant mystique, même à Port-Royal. — Desmarets de Saint-Sorlin, les Délices de
l'esprit et les Visionnaires. — Le succès de Desmarets révèle à Nicole les
étranges progrès de la propagande mystique au XVII° siècle. — Mystiques plus
importants : J. de Bernières et Guilloré. — Indignation de Nicole. — Le Traité
de l'Oraison ; rare mérite de cet ouvrage. — Période d'apaisement : Nicole
entrevoit la difficulté et le sérieux du problème mystique. — Qu'on ne peut a
raisonnablement » condamner l'oraison de quiétude. — Louables efforts, mais
inutiles : il ne comprend pas. — Débuts de l'agitation anti-quiétiste ; Mme
Guyon chez Nicole. — L'esprit de l'escalier. — Bossuet, Nicole et la Réfutation
des principales erreurs du quiétisme. — Mort de Nicole.
II. La trilogie
anti-mystique de Nicole et son importance. — Ne serait-ce pas uniquement une
trilogie anti-quiétiste ? — Attitude de Nicole à l'endroit des mystiques
modernes ; défiance respectueuse; craignant d'avoir à les condamner, il ne veut
pas les étudier. — « Gardons-nous de prendre ABSOLUMENT pour illusion »
l'oraison a extraordinaire » dont ils parlent. — Saint Bernard et saint Jean de
la Croix. — Est-il vrai que les Pères n'aient:pas connu l'oraison mystique ? —
Le vice fondamental de la méthode de Nicole; il ne s'agissait pas de comparer
les faux mystiques du siècle aux Pères des premiers temps, mais aux vrais
mystiques de l'époque moderne. — Balzac et le serment de Strasbourg. — Les
spirituels qu'il a combattus sont-ils vraiment de faux mystiques ? — Bernières,
Malaval, d'Estival, Guilloré, Mme Guyon. — Erreurs et imprudences, mais
orthodoxie foncière des quatre premiers. — On lui abandonne Mme Guyon. — Lui
abandonnerait-on les autres, qu'il resterait à savoir si les arguments que
Nicole fait valoir contre eux, ne vont pas à exterminer tout aussi bien les
vrais mystiques.
§ 2. — L'anti-mysticisme de Nicole.
I. ANALYSE DE LA PRIÈRE CHRÉTIENNE.
§ 1. Dans toute prière, deux activités
collaborent, celle de Dieu et celle de l'homme.
§ 2. D'où il faut conclure que l'on est exposé
dans la prière commune à des illusions sans nombre.
§ 3. Palinodie.
§ 4. Nécessité de l'effort humain (intelligence,
volonté) dans la prière. — Apologie de la méditation et de saint Ignace.
§ 5. Critique de l'effort humain dans la prière. —
L'illuminisme quiétiste de plusieurs jansénistes et le quiétisme prétendu des
mystiques orthodoxes.
II. LE PRÉJUGÉ ANTI-MYSTIQUE.
§ 1. Obsession de la faute originelle.
§ 2 . Obsession morale.
§ 3. Obsession rationaliste.
§ 4. Obsession jansénisante ou rousseauiste. — La
grâce conçue comme un divin plaisir, comme une délectation victorieuse.
III. LE ROMAN MYSTIQUE D'APRÈS NICOLE.
§ 1. Tout le mal est venu des livres.
§ 2. La fascination de l'inertie.
§ 3. Le sommeil réparateur.
§ 4. Les pensées imperceptibles.
§ 5. — Les « pensées imperceptibles ».
APPENDICE :
L'INVESTISSEMENT D'UNE ABBAYE BÉNÉDICTINE PAR LE JANSÉNISME; NOTRE-DAME DU
VAL-DE-GIF
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