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L'Année de l'eucharistie se déroule d'octobre 2004 à octobre 2005. Elle est marquée par deux événements : le Congrès eucharistique qui s'est tenu en oct. 2004 à Guadalajara au Mexique et le Synode sur l'eucharistie qui se tiendra en octobre 2005 à Rome. |
Dans sa Lettre apostolique "Reste avec nous, Seigneur", le pape rappelle, en citant l'exemple des saints, que l'eucharistie est l'aliment spirituel de notre chemin de perfection. Il souhaite que "l'Eglise puisse y trouver un nouvel élan pour sa mission et y reconnaître toujours davantage la source et le sommet de toute sa vie !" (n°31).
Jean-Paul II décrit l'eucharistie comme un "mystère lumineux" parce
que Jésus lui-même s'est présenté comme "la lumière du monde" (Jn 8,12). "Cette
caractéristique est (particuièrement) mise en évidence par (...) la
Transfiguration et la Résurrection, où sa gloire divine resplendit clairement.
Dans l'eucharistie, au contraire, la gloire du Christ est voilée. Le sacrement
de l'eucharistie est le 'mysterium fidei' par excellence. C'est donc précisément
à travers le mystère de son enfouissement total que le Christ se fait lumineux
et que le croyant est introduit dans la profondeur de la vie divine. Ce n'est
pas sans une heureuse intuition que la célèbre icône de la Trinité, de Roublev,
place de manière significative l'eucharistie au centre de la vie
Trinitaire"(n°11).
Catherine décrit l'eucharistie comme un Soleil
Les prêtres sont "les dispensateurs du Soleil, c'est- à-dire du corps et du sang" du Seigneur {Dial. n°115 et 120). "Ce corps est un soleil parce qu'il fait une seule chose avec moi, le vrai Soleil (lui dit Dieu)... Le feu de l'Esprit Saint, n'est pas séparé de moi, Père, ni de lui, Fils, parce qu'il est une chose avec nous... et que nous sommes un même soleil... Parle Verbe incarné, vous avez reçu la lumière... parce que j'ai chargé mes ministres de vous l'administrer afin que vous ayez la vie en vous donnant son corps en nourriture et son sang en breuvage" (Dial. n °110).
Ainsi Dieu manifeste-t-il sa sollicitude : "Le corps et le sang de mon Fils, je
les ai mis à votre disposition... pour nourrir et réconforter les voyageurs et
les pèlerins qui passent par la doctrine de ma Vérité, afin qu'ils ne défaillent
pas" eu chemin (Dial. n°66).
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Désirer l'eucharistie
La communion eucharistique, souligne aussi le pape, "nous est donnée pour nous
'rassasier' de Dieu sur cette terre dans l'attente que cette faim soit
totalement comblée au ciel" (n°19). Cette nourriture doit susciter en nous un
grand désir de la recevoir parce qu'elle "est un mystère de présence, par lequel
se réalise de manière éminente la promesse de Jésus de rester avec nous jusqu'à
la fin du monde" (n°16).
Catherine brûlait de ce désir
Dans son Dialogue, elle raconte une histoire. En fait, c'est d'elle qu'il s'agit. "Cette âme, animée d'un grand désir d'assister à la messe et de communier, n'avait pas pu, par suite d'une souffrance physique, arriver à l'heure. Elle arriva cependant au moment de la consécration (...) et se tint au fond de l'église. (,..)Au milieu de ses larmes, elle proclamait son indignité de recevoir l'eucharistie. Pourtant son désir ne s'apaisait pas, mais plus elle s'enfonçait dans la vallée de l'humilité, plus elle s'élevait vers moi (Dieu), pleine de connaissance, de foi et d'espérance dans ma bonté, certaine que l'Esprit Saint apaiserait sa grande faim. Alors je fis ce qu'elle n'aurait jamais osé espérer.
Au moment où le prêtre divisait l'hostie pour communier, il en fit tomber une
parcelle. Et par ma volonté, cette parcelle la rejoignit. Elle croyait que le
prodige était invisible et sentant qu'elle avait communié, elle pensa, remplie
d'un grand et enflammé désir, que je venais de la satisfaire invisiblement,
ainsi que je l'avais déjà fait plusieurs fois. Le prêtre qui n'avait pas
retrouvé la parcelle... était affligé d'une incroyable douleur jusqu'à ce qu'il
pût éclaircir le fait avec elle" (n°142),
Le célébrant était son confesseur, Raymond de Capoue. Il raconte l'épisode dans
sa Legenda Maior (n°3l8), en soulignant que "quand Catherine sentait le désir de
communier sans pouvoir le satisfaire, son corps souffrait le martyre ou d'une
forte fièvre " («/. 315).
Redécouvrir la profondeur du mystère
Le pape nous invite à nous inspirer des saints pour redécouvrir le don de
l'eucharistie auquel nous nous sommes sans doute trop habitués. "Les exemples
des saints sont devant nos yeux. Dans l'eucharistie ils ont trouvé leur chemin
de perfection. Combien de fois n'ont-ils pas versé des larmes d'émotion en
faisant l'expérience d'un si grand mystère et combien de fois n'ont-ils pas vécu
un mystère indicible de joie 'sponsale' devant le sacrement de l'Autel ?"
(n°31). Le pape inclut certainement l'exemple de Sainte Catherine "qui goûtait
l'eucharistie avec un désir enflammé". Elle voyait la bonté du Seigneur "avec la
pupille de la foi". Elle la touchait "avec la main de l'amour". Elle goûtait la
saveur du pain avec le goût corporel et la miséricorde du Sauveur "tout Dieu et
tout homme... avec le goût de l'âme" (Dial n°111).
D'après Lorenzo Fatichi, op.,
dans La Patrona d'halia e d'Europa, 2004/4.
Les citations ont été développées.
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une image surgit instantanément dans mon esprit: celle d'un brasier ardent.
Oui, Catherine est pour moi ce reflet de l'amour brûlant, vrai, entier et humble pour le Seigneur. Un amour sans détour, un amour transparent, un amour simple et fécond. Elle répète d'ailleurs régulièrement dans ses oraisons : "le coeur me sortait de la bouche!" C'est dire si elle l'aime, ce Dieu dont elle se sent tellement aimée.
Ce qui me touche chez elle, c'est à la fois sa fougue et sa douceur, sa profonde recherche de vérité, ses paroles d'une franchise parfois étonnante! Disons que ses mots ont le pouvoir de nous tirer d'une certaine torpeur... "Ne dors plus, ô mon âme, toi qui as dormi tout le temps de ta vie!" Ça réveille! Mais j'avoue que mon coeur somnole encore souvent! Qu'importe, le plus important, c'est de se relever ou au moins d'y mettre sa bonne volonté, Dieu fera le reste!
Sainte Catherine m'a permis de découvrir un chemin original de connaissance de soi: celui qui se vit avec et en Dieu. C'est magnifique et remet tout à sa place, à commencer par nous-même! Dieu est le Créateur, je suis sa créature, totalement dépendante de Lui. Il me faut tout recevoir de sa main et avancer dans l'humilité jusqu'à Lui. Sans cela, l'âme déprime, puisqu'elle cherche à se suffire à elle-même. Non, Seigneur! Je choisis d'avoir besoin de toi, d'emprunter le bon "pont", celui qui est ton Fils, pour être menée au bon port du Royaume. Seigneur, apprends-moi à ne pas couper les ponts systématiquement devant les contradictions, les difficultés et les épreuves.
En découvrant quelques-unes de ses oraisons, je demandais au Seigneur de me faire une grande capacité pour que tout son amour puisse y entrer, Lui qui ne cherche qu'à donner. "Il faut que l'âme ait la volonté de connaître et avec cette volonté ouvre l'oeil de l'intelligence et alors Toi, vrai soleil, tu entres dans l'âme et l'illumine de toi. " Quel temps béni de pouvoir l'y retrouver à chaque moment de la journée. J'apprends peu à peu à être disciple de Catherine et à me faire une cellule intérieure habitable. Elle ressemble souvent à une étable où odeurs, chaleur et fumier cohabitent, mais c'est bien là que Jésus a choisi de naître. Il vaut mieux fixer les yeux sur Lui. C'est ce que je souhaite à chacun!
Soeur Catherine, déc. 04
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En cette fête de la bienheureuse Elisabeth (de la Trinité), nous avons lu
quelques extraits de ses lettres où l'on retrouvait Catherine de Sienne à
presque chaque ligne : cellule intérieure, océan d'amour, etc..
Je dois dire que je vis encore beaucoup de tout ce que vous nous avez dit.
L'image de la cellule intérieure me parle beaucoup, spécialement lors de la
mission urbaine de Paris, il y a deux semaines. Je ne cessais de penser à cela
dans le métro.
Et puis, cette adoption dont nous avons fait l'objet: être par grâce ce que le
Christ est par nature, c'est magnifique! J'ai moi-même une soeur adoptée (...).
J'ai pu lui écrire ma petite lettre pour lui dire qu'elle n'était pas
complètement seule. J'avais aussi à l'esprit le ch. 16 d'Ezéchiel qui parle de
cette adoption. Je ne sais si vous l'avez déjà lu.
Enfin voilà, autre chose aussi, maintenant Fr. Marc parle 'des mouches et de la
marmite' dans tous ses enseignements (Paris notamment).
La mission des frères au Congo se passe bien, quoiqu'exigeante. Fr. Benoît a
déjà ramassé la malaria, mais on sent à travers les nouvelles reçues qu'ils
aiment le lieu et ce peuple qui les accueille. Et puis, nos deux nouveaux frères
sont arrivés, ils sont magnifiques (...)
Fr. Yvan, 9 nov. 04
Ce qui m'a le plus frappé dans cette figure de Catherine de Sienne,
découverte lors d'une retraite communautaire, c'est le désir ardent qu'elle a de
porter le Christ, Sauveur des âmes, au monde : "Ouvrez vos coeurs à sa grâce,
comme une vasque à la fontaine", nous crie-t-elle.
Pour moi, c'est comme un appel à me laisser rafraîchir, dans la cellule
intérieure, par l'Esprit de Vie, pour me connaître & connaître Dieu en vérité.
"Je marcherai en présence du Seigneur sur la terre des vivants. " La mission
devient acte de charité, car on mène le monde vers notre Sauveur, notre bonheur
qui nous
brûle. C'est préparer le monde à rencontrer celui que j'attends depuis
toujours...
Fr. Julien, déc. 04
7
Une introduction à la prière un soir de réunion
du groupe Catherine de Sienne
La conversion d'un jeune homme riche. Un itinéraire de feu.
2005 verra la béatification de ce soldat devenu ermite et "frère universel".
Charles de Foucauld insiste sur la nécessité de l'imitation du Christ, de
l'identification du croyant au Dieu fait homme. Aimer ce n'est pas seulement
contempler, mais encore vouloir se conformer à l'être aimé, se fondre en l'être
aimé, ressembler à l'être aimé. Il faut donc vivre en intimité perpétuelle avec
Jésus. Aimer ce sera : Vivre comme Jésus, Vivre avec Jésus, Vivre pour Lui.
Catherine de Sienne brûle comme un feu, celui de la passion du Christ. Son expérience mystique lui donne envers le Père "les mêmes sentiments que ceux qui furent dans le Christ Jésus" (Ph 2,5). Nous entrons davantage dans l'intimité avec le Christ afin de nous laisser transformer par Lui. "Ma nature, c'est le feu", dit-elle. Epousée parle Christ dans la foi, elle devient " un autre lui-même par union d'amour".
Ps62
Dieu, toi mon Dieu, je te cherche dès l'aurore,
mon âme a soif de toi; après toi languit ma chair,
terre sèche, altérée, sans eau;
je veux te contempler au sanctuaire...
Meilleur que la vie, ton amour...
Quand je songe à toi sur ma couche,
au long des veilles, je médite sur toi.
Charles de Foucauld : Il faut aimer le Christ, mais comment? C'est au
Golgotha que le Christ a pris la
dernière place. Que Dieu, devenu homme par amour des hommes, ait pu être rejeté
par les hommes, il y a
de quoi scandaliser. Mais qu'il ait été conspué, roué de coups, tourné en
dérision par les soldats, cloué et
crucifié entre deux brigands, voilà qui plonge le frère Charles dans un abîme de
tristesse et le porte à
vouloir prendre sur lui, par amour une part de cette souffrance.
C'est non seulement par ascèse qu'il veut l'humiliation, la pauvreté, la croix
en un mot, mais aussi et
surtout par désir d'amour.
Dormant rarement plus de six heures, souvent deux ou trois seulement, il avait
pris pour règle de se lever
dès qu'il se réveillait la nuit, à quelque heure que ce fût. Car un chrétien ne
peut dormir ou festoyer tandis
que son Seigneur est en agonie.
Catherine de Sienne : le chemin le plus court, c'est de contempler
avec quelle liberté le Christ s'est offert sur la croix pour nous accueillir
dans son côté ouvert.
La croix, axe central: c'est là que la connaissance intérieure du Christ
s'approfondit jusqu'à la communion suprême. C'est sur la croix aussi que Jésus
endure notre manque de fidélité à l'heure de la crise et l'endurcissement de
beaucoup à l'heure du don suprême. Le fruit ultime de cette contemplation est
l'offrande de soi.
Ps 115
J'ai foi ! Lors même que je dis :
je suis trop malheureux!
J'en étais à dire dans mon trouble :
l'homme n'est que mensonge!
Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu'il m'a tait?...
Je t'offrirai un sacrifice d'action de grâce....
J'accomplirai mes voeux, envers mon Dieu...
Charles de Foucauld : " Il faut passer par le désert et y séjourner pour
recevoir la grâce de Dieu: c'est là qu'on se vide, qu'on chasse de soi tout ce
qui n'est pas Dieu et qu'on vide complètement cette petite maison de notre âme
pour laisser toute la place à Dieu seul. En cela ne craignez pas d'être fidèle à
vos devoirs envers les créatures; c'est au contraire le seul moyen pour vous de
les servir efficacement. " (Lettre au Père Jérôme, trappiste de Staouëli, 19 mai
1898).
Catherine de Sienne avait d'abord aménagé une cellule dans la maison paternelle. Ensuite, elle se forgea une cellule intérieure. Lorsqu'elle fut entrée dans la phase la plus intense de sa vie apostolique, elle devint de plus en plus itinérante, sans jamais quitter sa cellule intérieure. "Je t'écris ... avec le désir de te voir habiter la cellule de la connaissance de toi-même et de la connaissance de Dieu à ton égard. Dans cette cellule s'acquièrent l'humilité et l'ardente charité...".
Ps50
Pitié pour moi, Seigneur, en ta bonté,
en ta grande tendresse efface mon péché;
lave-moi de toute malice et de ma faute, Seigneur, purifie-moi.
...Tu aimes la vérité au fond de mon coeur,
instruis-moi des profondeurs de ta sagesse.
0 Dieu, crée en moi un coeur pur...
Ne me retire pas ton esprit saint.
Frédéric Harou
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« Ma nature, c'est le feu »
Ste Catherine de Sienne, une mystique en politique
Parmi les armes de destruction massive, - les moins médiatisées -,
auxquelles notre société ne sait s'attaquer efficacement figurent avant tout la
famine dans plusieurs coins du monde, la pauvreté avec toutes ses conséquences,
les guerres injustes, le lourd endettement des pays du Tiers-Monde, le Sida en
dépit de la mobilisation connue jusqu'ici, l'impérialisme sous toutes ses
formes, la corruption qui fragilise la conscience des populations dans bien des
pays, le chômage, le phénomène d'immigration, etc. Où sont-elles cachées ? Ne
les voit-on pas ? N'y lit-on pas l'insécurité qu'elles génèrent ? Pourquoi notre
monde ne se mobiliserait-il pas contre elles afin de rétablir vraiment la paix
là où elle est menacée par ces maux ? Y a-t-il pire que toutes les autres
menaces que plus d'un semblent redouter de nos jours, à tort ou à raison, pour
la paix et la sécurité du monde, de l'humanité ? Comment les détruire ?
Poser de telles questions, c'est déjà formuler une interrogation sur le sens
de la vie et du monde, mais cela peut paraître marxiste aux yeux de certains
esprits. Y répondre, c'est déjà se mettre en face des enjeux qui engendrent les
crises actuelles. Les comprendre à la lumière de la doctrine spirituelle de
Catherine de Sienne, c'est découvrir en elles les faiblesses de la politique des
gouvernants de ce monde. Dans ce sens, la réponse amène à reconnaître
inévitablement avec Catherine que « l'œil de l'intelligence » du monde s'est
fermé (cf. D 63), que « le feu d'amour » s'est dénaturé et que notre
amour-propre, au sens catherinien du terme, l'a couvert de cendres.
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Si Catherine vivait encore en notre époque de contrastes, de la technique et de la domination rationnelle de la réalité, elle serait épouvantée devant ces menaces et s'adressant à certains leaders détenteurs du pouvoir, - car elle savait vraiment le faire, sans broncher -, elle leur dirait sans doute : « Rien n'est capable d'opérer le retournement favorable des situations qui minent la paix de l'humanité; les armes à feu même embraseraient tout et réduiraient tout en cendres. Le monde a plutôt besoin des hommes et des femmes à la "nature de feu", au cœur de feu. Feu non qui recouvre le monde de cendres, mais qui, comme un coup de foudre, active toujours la flamme de l'Amour afin que sa lumière et sa chaleur consument dans vos vies "la servitude de l'amour-propre", ce "scorpion à visage d'or", qui fait écran à "Jésus Amour". Laissez-vous brûler par le feu de la charité afin de parvenir à la pleine connaissance de l'Amour de Jésus dont je me suis enivrée. C'est cette connaissance qui fera de vous des guides éclairés. Je suis une mystique en politique. » Puis, elle les inviterait, et chacun de nous avec eux, à dire cette prière comme elle autrefois :
« C'est en toi que j'ai trouvé la charité
Concède à ma mémoire de retenir tes bienfaits
A ma volonté de brûler dans le feu de ta charité
Que ce feu permette à tout le sang de mon corps
De fleurir et de se répandre. »
Il faut vivre de charité. Rien que de charité, d'amour. Par elle, l'homme
découvre que Dieu agit envers lui selon ses propres normes, c'est-à-dire par pur
amour, et non selon les règles du droit strict. Lorsque Catherine commence ses
lettres par « au nom de Jésus-Christ crucifié et de la douce Marie », les écrit
« dans le sang de Jésus » et les termine par « Doux Jésus, Jésus Amour », elle
souligne la centralité de l'Amour dans le Mystère de Jésus Crucifié, clef de
lecture de la volonté de Dieu son Père. Aussi, dit-elle:
"Je vous invite à entrer dans une mer pacifique par cette très ardente charité, et dans une mer profonde. Cela, je l'ai trouvé maintenant de façon nouvelle (non que la mer soit nouvelle, mais nouveau en est le sentiment de mon âme), dans cette parole : "Dieu est amour". Et de même que le miroir représente la face de l'homme, et que le soleil répand sa lumière sur la terre, de même il se représente dans mon âme que toutes les opérations sont seulement l'amour, car elles ne sont faites de rien d'autre que d'amour. C'est pour cela qu'il dit : "Je suis Dieu-Amour". La lumière de cela naît dans le Mystère inestimable du Verbe Incarné » (L 146).
Bien plus :
« De même que l'amour vous a tirés du sein de mon Père, en vous créant selon sa Sagesse ; de même cet amour vous conserve, car vous n'êtes pas faits d'autres choses que d'amour. S'il vous retirait l'amour en le ramenant à lui avec cette même puissance et sagesse avec lesquelles il vous a créés, vous ne seriez plus. Moi, le Fils unique de Dieu, je me suis fait l'aqueduc qui vous amène l'eau de la grâce. Moi, je vous manifeste l'amour de mon Père, car cet amour qu'il a fait, je l'ai aussi, et celui que j'ai, il l'a aussi, puisque je ne fais qu'un avec le Père et qu'il ne fait qu'un avec moi. C'est pourquoi j'ai dit : "Ce que j'ai reçu de mon Père, je l'ai manifesté à vous". L'amour est la cause de toute chose » (L 16).
On le voit, ceci se comprend d'autant mieux dans le lien que Catherine établit
entre l'amour et le sacrifice de la croix. Ce rapport nous rapproche de la
conception de saint Paul (cf. Eph 5, 1ss). Percé pour nous sur
11
la croix, dit-elle, l'Agneau qui a versé le sang de son corps nous enseigne
la doctrine de son amour (cf. L 255) ; et « il a été attaché sur la Croix par
l'amour et par des clous qui n'auraient pas suffi à retenir l'Homme-Dieu » (L
27). « Il a été élevé de terre pour que le feu de son amour fût aperçu de toute
créature, et qu'il attire par sa force tous les cœurs » (L 218). Le Crucifié
nous invite à entrer dans le secret de son « Cœur enflammé, consumé, ouvert » (L
151). La croix et le rameau d'olivier qu'elle reçoit du Christ dans sa vision
sont très significatifs.
Pour ce faire, Catherine présente l'amour comme moyen d'imitation de Dieu qui
sauve par amour et comme moyen de participation à l'offrande du Christ sur la
croix, de telle sorte que tout homme est invité à se comprendre à la fois comme
instrument de cet amour et comme instrument de salut du monde. Elle du moins s'y
reconnaît et veut que l'homme se définisse par rapport au « feu d'amour » :
« Dans ta nature, Déité éternelle, je connaîtrai ma nature. Et quelle est ma nature, ô amour inestimable ? C'est le feu, car tu n'es rien d'autre que feu d'amour, et c'est de cette nature que tu as donné à l'homme puisque par feu d'amour tu l'as créé. Et ainsi, toutes les autres créatures et toutes les choses créées, tu les as faites par amour. Oh homme ingrat, quelle nature t'a donné ton Dieu ? Sa natures (O 22) (1).
Tout pouvoir est aussi au service de cet amour. On remarque à partir de là que
ce qui pousse Catherine à être en activité, c'est le fait que « l'hameçon de
l'amour » est l'arme efficace dont elle veut se servir pour changer sa société.
Elle connaît les situations catastrophiques, elle en est constamment informée.
Son abondante correspondance, qui la rend également ouverte aux problèmes de son
temps, prouve combien elle se sent mue par une force invincible lui permettant
de dépasser tout sentiment d'impuissance, au nom de ce même amour. Ainsi,
(1) Voici entre autres ce que dit François Mauriac :
"Si vous êtes un ami du Christ, plusieurs se réchaufferont à ce feu, prendront
leur part à cette lumière. Et le jour où vous ne brûlerez plus d'amour, beaucoup
d'autres mourront de froid. "
12
"sa seule passion est de crier à tous les Béatitudes, charte du bonheur pour les personnes et pour les sociétés. Et comme elle sait que le dessein de Dieu s'incarne dans l'histoire humaine, cette mystique va résolument se mêler aux affaires du monde" (2).
Crier les béatitudes au cœur des « grandes affaires de son temps », celles de son pays et de l'Eglise, porteuses de violence et de turbulence : « Querelle entre le pape et les Florentins, retour du Saint-Siège à Rome, projet de croisade, grand schisme. Et toujours ses prises de position ont été vigoureuses, ses démarches insistantes, ses interventions énergiques » (3). Elle a pu intervenir politiquement dans ces conflits. Face à cela, la question fondamentale qu'elle pose aux détenteurs de pouvoir de son époque semble être : quelle politique pour notre temps ?
Tout se présentait à elle comme des grilles de lecture qui étalent au grand jour ce dont l'homme est capable. Son cœur en est profondément marqué. Catherine devient une passionnée de paix et d'unité pour crier à son époque combien l'amour invite toujours à regarder l'avenir en face et donne jour à l'espérance. Mue par l'Esprit d'amour qui l'embrase (E 28), sans formation politique, sans chancellerie diplomatique si ce n'est son appartement, sans escorte fortifiée sinon sa « bella brigata » politiquement inexpérimentée, elle s'élance en conquérante dans ces affaires pour communiquer au monde ce qu'elle a trouvé dans « la fournaise de la charité » (L 286).
Sa voix et ses entretiens pour la paix sont empreints d'un langage que même le pape, les cardinaux, les rois et les princes redoutent. Si bien que ses paroles de feu jointes à son courage et à son ardeur juvéniles laissent apparaître son zèle extraordinaire. Le pape Urbain VI, partagé entre l'embarras et l'émerveillement, le reconnaît: « Cette petite nous fait honte. Nous tremblons et la voilà ferme et tranquille » (4).
Catherine a lutté contre l'amour-propre qui « engendre en l'homme l'égoïsme, le trouble, les ténèbres, les passions, une impatience et une inquiétude perpétuelles » en vue de la réalisation du monde de l'amour divin, source de paix, d'unité, de lumière et de joie (5). De son action sur les événements de son temps, notre monde peut retenir avec intérêt un témoignage capital :
« Catherine, en effet, a prouvé que la vie mystique la plus haute n'est pas contradictoire avec l'action politique. Elle a montré que la foi chrétienne et une vie intérieure fervente peuvent être, pour cette action, la source d'une énergie intarissable et que l'on peut participer aux luttes humaines avec un autre esprit que celui qui, souvent y règne » (5).
Les visions, les extases, les stigmates ou les flagellations de Catherine de
Sienne paraissent insuffisantes pour parler de sa doctrine spirituelle, si elles
ne sont pas mises en liaison avec son activité politique qui lui est
indissociable. C'est une politique de la paix, de l'unité et de la
réconciliation; une politique en faveur d'une humanité capable de témoigner,
mieux encore de recevoir la divinité; une politique conduisant à une distance
critique par rapport aux préoccupations égoïstes pour que prévalent les valeurs
les plus humanisantes. Une politique qui pousse à une vraie conquête, - pas
comme les autres, bien entendu -, dont "Jésus Amour" demeure le critère
d'interprétation du sens de la vie et du monde. La question fondamentale que
Catherine pose plus haut pourra trouver ici sa réponse et restera toujours
actuelle.
Jean-Claude KHONDE MUTU
BP. 40, Bertoua, CAMEROUN
E-mail : khondemutu@yahoo.fr
(2) Catherine de Sienne. Une femme dans l'Eglise, dans Fêtes et
Saisons 349 (1980) 18. - (3) Ibid. 2 - (4) Ibid. 24 - (5) Ibid. 32.
Abréviations D : Diai. Seuil, 1953; Cerf,1999. - L: Lettres, Téqui, 1977. - 0 :
Oraisons, Cerf,1992. - E : Oraisons et Elévations, Cerf,1980. L
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par le cardinal Danneels illustrées par Kim En Joong
Dieu éternel,
pouvais-tu me donner
davantage
que de te donner
toi-même?
Tu es le feu
qui fond toute glace
et qui m'éclaire.
Tu es la lumière
au-dessus de toute lumière,
Si abondante
et si parfaite
que la lumière de la foi
devient toute claire.
Cette lumière de la foi
me donne de posséder la sagesse
par la Sagesse du Verbe, ton Fils.
Elle me donne d'espérer :
sans elle je me laisserais défaillir en route.
Elle m'indique le chemin :
sans elle je marcherais dans les ténèbres.
Elle plonge l'âme en toi,
Océan de paix,
ô Trinité éternelle,
Mer transparente
qui laisse voir ce qu'elle recèle
en ses profondeurs,
Miroir où je me contemple
moi-même en toi,
moi, ta créature,
et toi en moi,
puisque tu t'es uni
à notre humanité.
Dans cette lumière, je te connais,
et tu es présent à mon esprit,
toi le Bien suprême et infini.
Bien au-dessus de tout bien !
Beauté qui surpasses toute beauté !
Sagesse au-dessus de toute sagesse !
Vérité éternelle,
revêts-moi de toi-même,
pour que je passe cette vie mortelle
dans l'obéissance et dans la lumière
de la foi.
Catherine de Sienne
Editions fidélité • 61, rue de Bruxelles • 5000 Namur • tél. + fax 0812215 51
• fidelite@catho.be •
La collection "Prières glanées" offre une occasion de relire de grands
classiques et de découvrir des textes inédits ou inconnus. La personnalité du
"glaneur" se dévoile au fil de ses choix et de ses coups de coeur.
Voici, avec l'aimable autorisation de l'éditeur, la reproduction de deux textes
de Ste Catherine, choisis par le Cardinal Danneels et illustrés par l'artiste
dominicain, d'origine coréenne, Kim En Joong.
Les couleurs et la beauté de la mise en page favorisent une méditation de ces
prière au rythme silencieux de chaque alinéa. Essayez....
Ô Trinité éternelle,
Océan sans fond,
pouviez-vous me donner davantage
que de vous donner vous-même.
Vous êtes le feu qui ne s'éteint jamais.
Vous êtes le feu qui consume
tout amour-propre de l'âme.
Par la lumière de la foi,
je possède la sagesse dans la sagesse de votre Fils.
Par la lumière de la foi,
j'ai la force, la constance et la persévérance.
Par la lumière de la foi,
j'espère sans défaillir en route.
Cette lumière m'indique le chemin,
sans elle je marcherais dans les ténèbres.
C'est pourquoi je vous demande,
Père éternel, de m'éclairer de la lumière de la foi.
Océan de paix,
Ô Trinité éternelle.
Dans cette lumière, je vous connais
et vous êtes présent à mon esprit,
vous, le Bien suprême et infini.
Bien au-dessus de tout bien.
Bien qui donne la félicité.
Incompréhensible Bien, inestimable Bien !
Beauté qui surpasse toute beauté,
Sagesse au-dessus de toute sagesse,
bien plus : la Sagesse même.
Vous êtes le vêtement qui couvre toute nudité,
la nourriture qui par sa douceur
réjouit tous ceux qui ont faim.
Revêtez-moi, Vérité éternelle,
revêtez-moi de vous-même,
Pour que je passe cette vie dans l'obéissance
et dans la lumière de la foi.
Catherine de Sienne
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Dernière minute
Voici les photos du séminaire de Bertoua et des étudiants de 4e année en
théologie envoyées par l'abbé J.-Claude (voir article).
Gd Séminaire N.-D. de l'Espérance B.P. 40 Bertoua CAMEROUN
Suite à un envoi de livres sur Ste Catherine pour ce séminaire, le
bibliothécaire adjoint nous a vivement remerciés, signalant que la bibliothèque
commençait à se former et qu'elle recevait des livres, mais... pas toujours
aussi récents que ces derniers!
Vous avez sûrement chez vous un, deux... bons livres récents de spiritualité ou
de théologie utile(s) pour des séminaristes. Pour l'amour des prêtres, comme
Catherine l'aurait fait, joignez un geste à votre prière pour eux.