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La voix de Catherine de Sienne / 2006 / 12 - N ° 138 / Juin /juillet 2006
 

Sommaire ; Edito ; Pierre, Paul et nous...  selon Catherine 4 ; Vrai soleil, quand  tu entres dans l'âme 8 ; N'oubliez pas de boire !  9 ; Crises politiques 12 ; Résister au vent 15 ; Conseils spirituels 
à une mère de famille
13 ; Carte postale de Châtelet 16 ;


Association internationale Catherine de Sienne, reconnue par Décret du Cons. Pont, pour les Laïcs, le 15 août 1992 www.caterinati.org Bulletin du groupe Liège-Bruxelles Ed. resp. Chantal van der Plancke, La voix de Catherine de S. rue de Rome 34, Bte 19, B 1060 Bruxelles. Belgique
Tél. Fax 00 32 2 539 07 45 - c.vd.plancke@skynetbe
Abon. Belgique 8€ CPP 000-1300647-71 Etrang. 10 € IBAN BE49 0001 3006 4771 - BIC BPOTBEB1

Edito


Chers amis,
Juillet 2006
 

Le 30 juillet, la République Démocratique du Congo connaîtra ses premières élections démocratiques depuis l'indépendance du pays en 1960, c'est-à-dire après « 46 ans de marche » dans la douleur : guerres, dominations, pauvreté, corruption, insécurité... mais aussi courage, dévouement, et beaucoup d'héroïsme « connu de Dieu seul ». 46 ans, c'est plus que la 'traversée du désert' et pour la plupart des Congolais, c'est beaucoup plus qu'une vie d'homme. Avec tous nos amis de Mbujimai, d'Isiro, de Kinshasa... et les congolais de la diaspora, nous portons particulièrement dans la prière ce processus de pacification et de relèvement de leur peuple. Que Ste Catherine y suscite des forces nouvelles d'engagement politique, social, éducatif et sanitaire « pour l'honneur de Dieu », honneur que nous ne pouvons lui rendre qu'en passant par le service du prochain (pp.10-11).
 

Le 8 août, les Fraternités laïques dominicaines (La frat. Ste Catherine de Sienne en particulier) et ainsi que les autres membres de la famille dominicaine se retrouveront au Sanctuaire Ste-Catherine de Sienne à Astenet, près d'Eupen (Est de la Belgique), pour y fêter St Dominique. Irmgard Wintgens y donnera un exposé historique sur la fondation et le développement du sanctuaire (1). Cette journée priante et conviviale se poursuivra par l'Eucharistie, suivie d'un pique-nique, et s'achèvera par un chemin de croix prié au calvaire de Moresnet.
 

Du 28 au 31 août, du côté de Strasbourg, vous pouvez « Lire la Bible avec Catherine de Sienne et Pierre Claverie », en vous joignant à la session animée par le Fr. Sonnier, op et Sr Anne-Catherine op., dans le cadre priant d'un monastère de moniales dominicaines (voir p. 2).
 

Le 3 septembre nos amis d'Astenet accueilleront également le groupe des Caterinati de Sienne © © © © ©, qui fait un parcours en car au coeur de l'Europe, à travers l'Allemagne, la Belgique, la France et l'Italie, en passant par la vallée du Rhin, Cologne, Aix-la-Chapelle... A Bruxelles, le 4 septembre, nous aurons la joie de les retrouver ainsi que notre cher P. Alfredo Scarciglia op, l'assistant ecclésiastique de l'Association internationale des Caterinati. Les détails de ce programme doivent encore être précisés.
 

Il me reste à vous remercier chaleureusement pour vos contributions spontanées aux différents Bulletins (Merci Sr Barbara : p. 16). Sans doute, durant cet été, ferez-vous encore des découvertes, ou des expériences à l'école de Catherine, que vous aimeriez peut-être partager. La balle est entre vos mains...
Excellentes vacances (pp. 8-9,12 et ss)
Chantai van der Plancke
 

1 La première chapelle du sanctuaire, fondé par Mr Jean Wintgens, a été inaugurée le 1er octobre 1968. Le groupe des Caterinati de Belgique fut fondé à Eupen en 1973. La maison d'accueil pour les pèlerins fut construite, à côté de la chapelle, à partir de 1979 et fut solennellement inaugurée par Mgr van Zuylen, évêque de Liège, et par Mgr Castellano, archevêque de Sienne, en 1985.
 

3

Pierre, Paul et nous... selon Catherine


Le 29 juin, nous avons fêté Saint Pierre et Saint Paul, ces deux « colonnes de l'Eglise », en communion avec l'Eglise réunie autour de son Pasteur, près des tombes des deux martyrs (1). La célébration des saints nous incite toujours à aimer le Christ davantage.
En équipe, nous nous sommes arrêtés sur les portraits que Catherine nous donne de Pierre (de Pâques à Pentecôte) et de Paul (du chemin de Damas à celui de la mission). Sur la voie de la perfection, Pierre illustre le passage de l'amour imparfait à l'amour parfait et
Paul, celui de l'amour parfait au désir de l'union parfaite, au-delà de ce monde.
Selon les images classiques des étapes de progression spirituelle, Catherine emploie l'image des marches à gravir. Pas sur une échelle des vertus que nous aurions inventée et que nous gravirions par nos forces (ô Babel! Et parfum de jansénisme). Mais sur le Pont qui est le Christ son corps mort et ressuscité, « pour nous et pour notre salut », son corps porteur de grâce, qui est aussi l'Eglise.
Pour ceux que l'image des marches à gravir décourage, nous emploierons un langage actuel qui ne déplairait pas à Catherine. Comme c'est toujours la grâce qui opère les ébranlements fondamentaux, Pierre illustre le passage du 2eme au 3ème degré (de perfection), sur « l'échelle de Richter », tandis que Paul illustre celui du 3ème au 4ème, c'est-à-dire au-delà de ce monde.
Pierre a connu le Christ et s'y est attaché d'abord très humainement. Il a eu besoin de la tornade de l'Esprit pour sortir de lui. Mais pour cela, il fallut qu'il entrât d'abord en lui, 'dans la maison', dans la cellule de la connaissance de soi et de l'amour infini de Dieu.
Paul n'a pas connu le Christ. Il l'a même méconnu. Mais par pure grâce, il fut ravi hors de lui, 'dans le cœur de la Trinité'. Il aurait bien voulu y rester, mais il lui fallut rentrer « dans son corps », demeurer dans notre histoire. Catherine reconnaît en Paul, ébloui par Dieu, sa propre expérience et son tiraillement entre le désir d'être déjà en Dieu et celui de demeurer au service de l'Eglise.
Durant la vie terrestre de Jésus, Pierre trembla à l'idée de voir le Christ crucifié. Depuis que Paul fut 'ravi au ciel', curieusement il ne veut plus annoncer que 'le Christ crucifié'.
Pierre, qui aime Jésus, apprend de lui à aimer son Eglise : à aimer son Seigneur en son Eglise. Paul, qui voudrait déjà être au ciel, préfère endurer les tribulations et la persécution pour l'amour de l'Eglise, plutôt que de renoncer à nous annoncer le message de la Croix.
 

1 Chaque année, le patriarcat de Constantinople, symboliquement très attaché à André, le frère de Pierre, envoie un délégué à Rome, ie 29 juin, et Rome envoie un délégué à Constantinople pour fêter saint André, ie 30 novembre. Cette année, Benoît XVI lui-même ira à Constantinople.
 

4
 

Pierre, m'aimes-tu ?
 

« C'est par le moyen du prochain que nous devons aimer Dieu, et montrer que nous l'aimons. Vous savez bien ce que le Christ disait à saint Pierre : 'Pierre, m'aimes-tu ?' et Pierre répondait qu'il savait bien qu'il l'aimait. Et après trois fois, le Sauveur ajouta : ' Si tu m'aimes, pais mes brebis. »
Il semblait lui dire : « C'est à cela que je verrai si tu m'aimes ; tu ne peux m'être utile, mais tu peux secourir ton prochain, le nourrir, lui donner à la sueur de ton front, la sainte et vraie doctrine. ' Nous devons donc nous aussi le secourir selon nos aptitudes, les uns par l'enseignement, les autres par la prière, d'autres par leur fortune ; et celui qui n'en a pas peut le faire par ses amis, afin que nous exercions tous la charité, et que nous nous servions des moyens que Dieu nous a donnés.
 

C'est ce que je vous demande par grâce et par miséricorde. Je vous redis la parole du Christ : 'Pierre, aimes-tu ton Créateur, et m'aimes-tu ? Il faut alors me servir dans ton prochain, qui a besoin et qui souffre. ' »
 

Cette longue et magnifique lettre sur le service de Dieu - servir, c'est régner (2) - se termine par une demande de Catherine en faveur du frère de Raymond de Capoue, son bien-aimé confesseur, Louis des Vignes, pris en otage par les adversaires de Grégoire XI, alors qu'il combattait pour l'Eglise. Elle demande à Pierre Tolomei qu'il intercède auprès du préfet de Rome, afin que celui-ci sauve son âme, en servant l'Eglise et en faisant grâce à son prisonnier insolvable.)
Lettre CCXCII à Pierre Tolomei (de Sienne) (3), sur la dignité de ceux qui servent Dieu.
 

Traditionnellement ce récit de l'évangile de Jean (21,15-19) est lu comme la confirmation de la charge pastorale de Pierre : Pierre est appelé à devenir pasteur (vv 15-17) et à témoigner par le martyre (vv 18-19). Mais avant cela, Jésus lui demande la preuve de son affection.
Catherine ne s'adresse pas ici à un successeur des apôtres, un évêque, mais à laïc, un gouverneur de Sienne, dénommé... Pierre. Dans la triple question de Jésus : « M'aimes-tu ? », elle lit l'insistance de Jésus pour que son disciple l'aime en vérité : en servant son prochain. La charge de Pierre est de faire 'paître les brebis', c'est-à-dire gouverner. Ce que Jésus dit à l'apôtre Pierre en tant que pasteur spirituel, Catherine l'applique à Pierre Tolomei en tant que pasteur temporel (4).
Les deux commandements - aimer Dieu et son prochain - se comprennent chez elle comme :
'se laisser aimer par Dieu, pour pouvoir L'aimer dans son prochain', puisque - elle nous le dit par ailleurs - tout amour du prochain puise sa source en Dieu et peut s'épancher tant que l'on tient son vase sous la fontaine inépuisable de la miséricorde de Dieu.
 

2 Servir Dieu, c'est régner sur ses passions. C'est être uni au Serviteur qui a tout mis sous ses pieds
3 Téqui, vol. II, p. 1446.
4 Thomas d'Aquin, dans son commentaire sur Jean 10, compare le pasteur temporel et le pasteur spirituel.

 

5

Quand Pierre apprit-il à passer de l'amour imparfait à l'amour parfait ?
 

A la Pentecôte. Et comment cela se fit-il ? D'étapes en étapes. Tout d'abord Pierre pleura amèrement sur son reniement. Après Pâques, il demeura douloureusement marqué par sa faute durant 40 jours. Après l'Ascension, il se retira au Cénacle avec les autres disciples mû par une crainte intérieure. Il cherchait la miséricorde pour sa propre consolation. N'est ce pas le point de départ de toute âme en peine qui cherche la guérison de ses blessures et la consolation ?


Comment progresser ? Dans son Dialogue (5), Catherine explique les trois degrés de l'amour, les trois gradins du « Pont de la grâce » (plutôt que « des soupirs »). Comment l'âme passe de la première à la seconde marche : comment elle passe de l'amour du serviteur (qui se repent) à l'amour de l'ami (qui découvre le secret du cœur) ; comment elle atteint ensuite le troisième degré, l'amour filial (qui est parfait car il recueille tout l'héritage du Père).
 

Mais comment d'ami devient-on fils ? En se retirant dans la cellule de la connaissance de soi, où, dans l'humilité, on se repent et on découvre la miséricorde du Père. On recherche l'amour divin, « en se cachant dans sa maison. C'est ce que firent les disciples et saint Pierre qui, après avoir commis ta faute de renier mon Fils, se mit à pleurer. Mais ses pleurs étaient imparfaits et furent imparfaits pendant quarante jours encore, c'est-à-dire jusqu'à l'Ascension (...). Pierre et les autres se cachèrent dans la maison pour attendre l'avènement du Saint-Esprit (...). Ils s'y tenaient à cause de la peur, puisque l'âme, tant qu'elle n'est pas arrivée au véritable amour, est toujours remplie de crainte. Cependant, en persévérant dans les veilles, dans l'humble et continuelle prière, ils obtinrent l'abondance du Saint-Esprit. Délivrés de la crainte, ils imitèrent et ils prêchèrent le Christ crucifié. »
 

Celui qui, par crainte du jugement (de soi, des autres et de Dieu), revient du péché et se tourne vers la miséricorde trouve sa jouissance dans cet amour miséricordieux. Son âme, assoiffée d'amour sensible, est encore imparfaite ; mais, poursuit le Père, «pour la rendre parfaite, après quarante jours, c'est-à-dire après ces deux premiers états, je retire d'elle, insensiblement, non point la grâce, mais le sentiment de ma présence ». Entre les quarante jours (encore centrés sur soi) jusqu'à l'Ascension, et la Pentecôte, il y a dix jours de veille, c'est-à-dire des nuits de persévérance dans la prière. Dix, comme la pratique des dix commandements, ajoute Catherine ailleurs (Lettre XCIX).
 

Catherine veut nous apprendre comment nous attacher à Dieu pour lui-même, de manière désintéressée, c'est-à-dire parfaite. C'est pour que l'âme aille au-delà de sa recherche de consolations, lui explique le Père, qu'il retire parfois, non sa grâce, mais le sentiment de sa grâce : <r Voilà ce que voulait vous enseigner ma vérité quand elle vous disait : 'Je m'en vais et je reviendrai parmi vous. ' » (Jn 16,18). Et précise-t-il, il en fut ainsi puisque par l'Esprit Saint ne revint pas seul sur les disciples, mais accompagné » du Père et du Fils.
Pour celui qui s'est retiré « dans la maison » et y a « persévéré dans la prière », la Pentecôte, l'accession à l'amour parfait est donc le fruit du débordement d'amour de la Trinité. C'est de cette surabondance que découle l'élan missionnaire de Pierre., alors affranchi de toute crainte.


5 Ch. 63. éd du Seuil, Points/Sagesses (1953. 2002), pp.200 ss. ; éd Téqui, pp. 208 ss.
 

6

Ô excellent Paul
 

En janvier 1377, en la fête de la conversion de saint Paul, alors que Catherine était en extase après la communion, elle loua la Trinité qui nous a faits à son image : par la mémoire, l'intelligence et la volonté, nous ressemblons aux trois Personnes et grâce à ces facultés, nous pouvons nous unir au Père, au Fils et à l'Esprit. Dans son enthousiasme, elle se tourne vers l'apôtre :«Tuo Paulo optimo... »,  en qui elle voit un modèle de cette adhésion à la Trinité, et au Fils en particulier.


« Toi, ô excellent Paul, tu as bien médité cela, tu as vraiment su d'où tu venais et où tu allais, et non
seulement où tu allais, mais par quelle voie tu allais à ta fin. (...)
Tu as uni la mémoire au Père en te souvenant parfaitement que c'est lui le principe d'où procède toute
chose. (...). Tu as uni l'intelligence au Fils le Verbe (...).
Tu as uni la volonté à l'Esprit Saint en aimant parfaitement cet amour, cette clémence (...) cause de ta
création et de toutes les grâces qui t'ont été données sans mérite précédent, et tu savais que la divine clémence a fait cela uniquement pour te rendre heureux et te béatifier.
C'est pourquoi en ce jour-là, après que par le Verbe tu fus converti (...), et après avoir reçu le don d'être ravi là où tu as vu la divine Essence en trois Personnes, toi, dépouillé de cette vision et revenu (...) à tes sens, tu es resté vêtu seulement de la vision du Verbe incarné.

 

En considérant combien il  a souffert de continuelles peines, pour l'honneur du Père et pour notre salut, tu es devenu assoiffé de souffrir (6) (...) et en oubliant tout le reste, tu as déclaré que tu ne connaissais que « Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié » (Cfr 1 Co 2,2).
Parce que dans le Père et dans l'Esprit, il ne peut se trouver de peine, il semble que tu aies comme oublié les Personnes, mais tu dis que tu connais seulement le Fils qui supporte des peines atroces, en ajoutant « et le Christ crucifié. » (7)
 

Dans le Dialogue (ch. 83), Catherine avait expliqué comment Paul, « élevé » en Dieu (Cfr 2 Co 12,1-4), avait désiré être ravi hors de son corps, et comment ce désir est éprouvé par ceux qui ont atteint le 3ème et le 4ème état de l'amour : le désir de la pleine communion avec la Trinité, au-delà de ce monde. Quelle profondeur de notre champ a de notre regard ?
 

Ch. v. d. Plancke
 

6 « Je considère que tout est perte au regard de ce bien suprême qu'est la connaissance de Jésus Christ mon Seigneur. A cause de lui, j'ai tout perdu... li s'agit de le connaître lui, avec la puissance de sa résurrection et ia communion à ses souffrances... Je m'élance, ayant été moi-même saisi par le Christ » (Paul aux Ph 3,8... 10).
7 Oraison XXIII. En la conversion de saint Paul. D'après la trad. de L Portier Cerf, 1992, p. 124ss.

 

7


Vrai soleil, quand tu entres dans l'âme ...


La lumière se tient à la porte de l'âme et, dès qu'on lui ouvre, elle afflue comme le soleil qui frappe à la fenêtre fermée et entre dans la maison ouverte.
0 vrai soleil, tu entres dans l'âme et répands tes splendeurs. Tu dissipes les ténèbres et tu verses la clarté ; tu chasses l'humidité de l'amour propre et ne laisse que le feu de ta charité ; tu rends le cœur libre, car dans ta lumière il reconnaît combien grande est la liberté que tu nous a donnée en nous arrachant à l'esclavage du démon...
0 comme elle est nécessaire ta lumière ! De tout mon coeur je te supplie de la donner à toutes les créatures raisonnables. » (Oraison 18)
 

8


N'oubliez pas de boire !

 

Dans une lettre à ses disciples de Sienne, qui suivaient une sorte de règle que leur avait donnée celle qu'ils appelaient leur mère, Catherine dit que nous sommes appelés à deux festins. C'est la lumière de la foi qui nous fait discerner celui qui conduit à la vie et celui qui conduit à la mort.


Le premier qui nous invite, c'est le Christ : "C'est ce qu'il faisait lorsqu'il criait dans le Temple : 'que celui qui a soif qu'il vienne à moi et qu'il boive, car je suis la fontaine d'eau vive." (1)...
De même qu'une fontaine contient l'eau et la laisse passer par le mur qui l'entoure, de même le doux et tendre Verbe, qui contient son éternelle Divinité unie à notre humanité, répand le feu de la divine charité par te mur ouvert de Jésus crucifié. »
« Notre Seigneur... nous invite à boire avec une grande douceur d'amour. Il dit : 'Qui a soif, qu'il vienne à moi. Mais il n'invite pas celui qui n'a pas soif.
« Ceux qui suivent son enseignement emplissent le vase de leur âme de l'eau de la grâce... Ceux-là sont invités et non pas les négligents... Ils sont appelés, puisque Dieu les a créés à son image et les a fait renaître à la grâce dans le sang du Verbe, mais ils ne sont pas invités parce qu'ils ne veulent pas l'être. Nous sommes tous appelés, mais quels seront les invités ? »

L'autre invitation nous vient du démon. Il nous offre à boire une eau polluée : «il a en lui la mort et nous invite à boire une eau de mort ». Il est privé de Dieu et voudrait nous voir comme lui...
« Voyez donc, très chers fils, combien est nécessaire cette lumière qui nous fait éviter un si grand mal et nous conduit vers un si grand bien. »
A Sano di Maco et à tous ses fils dans le Christ, à Sienne (2)
 

1 Jean. 7.37.
2 Lettre CCLV, éd. Téqui, 1977, pp. 1332-133S.

 

9
 

Crises politiques et pagailles gouvernementales


!! ne manque malheureusement pas de pays où la population souffre de l'incurie de ceux et celles qui les gouvernent. Sur fond de menaces de guerre, de campagnes électorales, de gestions de crises, de lobbying pour le pouvoir ou de dénigrement de la politique, écoutons le souci que Catherine se fait
à propos de la politique et de ceux qui la font.
Loin du « tous pourris, c'est pas mon truc ! », elle se soucie intensément de son peuple et de l'âme de ceux qui ont mission de le conduire. Et elle n'épargne pas sa peine... et s'engage.
 

Crise d'autorité
 

« Il faut que l'homme qui doit gouverner et conduire les autres, se gouverne et se conduise d'abord lui-même. Comment un aveugle pourrait-il diriger un aveugle, comment un mort pourrait-il enterrer un mort, un malade soigner un malade, un pauvre secourir un pauvre ?
Celui dont l'intelligence est obscurcie parle péché mortel, ne peut se connaître et connaître Dieu. Il ne pourra pas non plus voir et corriger les défauts de ceux qui lui sont soumis, et s'il les corrige, ce sera avec les ténèbres et l'imperfection qu'il a en lui. Souvent, à cause de ce défaut de connaissance, j'ai vu et je vois encore punir ceux qui sont innocents, et ne pas punir ceux qui sont coupables et qui mériteraient mille morts.
Le peu de lumière empêche de discerner la vérité, et l'injustice de la calomnie fait soupçonner ceux en qui on devrait avoir toute confiance1 ; tandis qu'on accorde sa confiance à ceux qui sont enracinés dans l'amour d'eux-mêmes, et qui se laissent agiter par tous les vents. Cela vient du défaut de lumière et des ténèbres du péché. Il faut donc avoir la lumière.
Je dis qu'un mort ne peut enterrer un mort, c'est-à-dire celui qui est mort à la grâce n'a pas de zèle ni la force d'enterrer les défauts de son prochain, parce qu'il a le même défaut, et qu'il ne veut pas et ne sait pas s'en corriger. Il se voit atteint du même mal et il ne s'en guérit pas. Il ne soigne pas celui qui lui est confié lorsqu'il le voit infirme... Ne mettez pas les vrais serviteurs de Dieu contre vous...
Quant à mon retour avec ma famille spirituelle, on m'a dit qu'il faisait naître des réclamations et des soupçons... Si vous vous intéressiez à vous-même autant que nous nous y intéressons, vous et tous les habitants de Sienne, vous vous éviteriez les pensées et les passions sans fondement... Nous cherchons tous, et je poursuis sans cesse votre salut spirituel et temporel, n'épargnant aucune fatigue, offrant à Dieu nos pieux désirs dans les larmes et les gémissements, pour empêcher que la justice divine n'exerce sur vous les châtiments que nos iniquités méritent.
Je vous aime plus que vous ne vous aimez, et je désire comme vous votre paix et votre conservation... (Moi et ma famille), nous sommes choisis pour répandre la parole de Dieu, et recueillir te fruit des âmes. Que chacun fasse son travail, celui-là que Dieu nous a confié ; il faut donc nous y livrer et ne pas enterrer le talent... »

 

Aux défenseurs et au capitaine du Peule de la ville de Sienne (2)
 

1 « Les serviteurs de Dieu, qui nous enfantent dans les larmes, les sueurs, les saintes et continuelles prières, qui s'exposent à tous les dangers., à toutes les peines et les tourments pour l'honneur de Dieu, pour le salut des âmes et du monde. »
2 Lettre LIX (201), éd. Téqui, pp. 457ss.

 

10
 

L'amour-propre
 

« Je vous écris... avec le désir de vous voir des hommes forts et non pas des gouverneurs timides de votre cité spirituelle (votre âme) et de la cité qui vous est confiée. Car je vois que la crainte servile enchaîne et avilit le cœur, et l'empêche de vivre et d'agir dignement, rendant l'homme semblable à un animal sans raison. C'est que la crainte servile sort et procède de l'amour-propre ; et ce danger de l'amour propre, nous le voyons... dans tout ceux qui ne recherchent qu'eux-mêmes....
Celui qui est commandé n'écoute pas le bon droit pour rendre la justice, mais il commet l'injustice en suivant ses impressions, ses désirs, son intérêt ; il cherche à plaire aux hommes et juge selon la volonté des autres, et non selon la vérité. Il craindra de déplaire et de perdre ainsi sa puissance, et alors tout lui fait peur ; et dans son aveuglement il craint quand il ne le faudrait pas et ne craint pas quand il le faudrait.
0 amour-propre, ô crainte servile, que tu aveugles l'intelligence, que tu l'empêches de connaître la vérité ! Tu détruis la vie de la grâce et l'autorité dans la cité spirituelle et dans la cité terrestre.... Comment croire que l'amour-propre et la crainte servile redoutent et condamnent ceux qui sont prêts à mourir pour votre salut, pour conserver et augmenter la paix pour le bien de votre Etat ! »

 

Contre l'abus de pouvoir
 

« La cité qui nous est confiée, c'est le commandement de la ville et les autres pouvoirs temporels que reçoivent les hommes du monde ; nous les avons pour un temps, comme il plaît à la volonté divine, et selon les lois et les usages de notre pays. Cette autorité nous est enlevée par la mort ou par les circonstances, et on peut bien dire qu'elle nous est seulement prêtée.
Celui qui est maître possédera cette autorité... avec un amour réglé et non déréglé, comme une chose qui ne lui appartient pas ; il gardera le pouvoir qui lui a été donné avec la crainte et le respect de Celui qui le lui a donné...
Pardonnez à ma présomption ; l'amour que j'ai pour vous et pour mes concitoyens, et la douleur que me causent votre conduite et vos actes, si peu selon Dieu, doivent me servir d'excuses devant vous. »
Catherine répond ensuite à ses « Frères et Seigneurs » qu'elle ne peut pas revenir à Sienne, à leur demande, car elle doit encore achever d'apaiser un conflit entre des familles qui désolent la région, conflit auquel les Seigneurs de Sienne n'avaient pu apporter de remède.

 

Aux Seigneurs défenseurs de la cité de Sienne (3)
 

Pour l'honneur de Dieu

« Dieu nous a donné l'amour car il nos a aimés avant notre naissance et il nous a donné l'honneur en nous étant la honte où nous étions tombés par le péché d'Adam. Il nous en a délivrés par le sang de son Fils...
Nous devons lui rendre l'honneur et l'amour ; mais nous ne pouvons pas lui être utiles. Ce que nous ne pouvons pas faire pour lui, nous devons le faire pour notre prochain, en l'assistant de tout notre pouvoir, en lui rendant l'amour qui lui est dû. »

 

Aux Seigneurs défenseurs du Peuple et de la commune de Sienne (4)


3 Lettre LX (202), éd. Téqui, pp. 463ss.
4 Lettre LXI (203), écrite en extase ; éd. Téqui, pp. 470ss.

 

11
 

Pour que nos résolutions résistent au vent...

Météo 'spi'

Je vous écris avec le désir de vous voir
constant et persévérant dans la vertu,
et non pas comme la feuille qui cède au vent.


Vous devez être comme un arbre profondément
enraciné dans la vallée de la véritable humilité,
afin que le vent de l'orgueil ne puisse renverser
votre âme qui est un arbre d'amour,
car Dieu l'a créée par amour ;
elle vient de l'amour
et ne peut vivre que d'amour ;
du saint amour de Dieu
et non de l'amour-propre...


L'arbre est renversé, si on ne le soutient pas par l'amour de Dieu et du prochain :
il souffre de la violence du vent, parce qu'il est placé sur la hauteur ; s'il était placé dans la vallée entre deux montagnes cela n'arriverait pas ; les vents frapperaient les hautes montagnes et il n'en entendrait que le bruit.

Oh ! qu'il est beau l'arbre de notre âme ! Lorsqu'il est bien planté, il se pare de l'humilité de l'Agneau sans tache qui nous a donné la vie, et il s'éclaire d'un soleil de grâce et de miséricorde.

Pour celui qui est humble, toutes ses œuvres lui profitent pour le ciel, parce qu'il les fait avec la grâce. Ses œuvres temporelles lui donnent la vie, parce qu'il les fait le regard fixé sur Dieu ; ses œuvres spirituelles répandent le parfum de la vertu devant Dieu et devant les hommes. -
 

A Maître Andréa Vanni, peintre
Lettre LXIX (213)
 

12
 

Conseils spirituels à une épouse et mère de famille


Sur une table de braderie, voici un petit ouvrage, tout jauni, intitulé Lettres de direction du Père M.-V. Bernadot, o.p. (1) « Mme N...» fréquentait un petit cercle habité par un grand idéal. C'est chez les Dominicaines de Béthanie, au Plan d'Aups, qu'elle rencontra celui qui devint son nouveau directeur spirituel. La jeune femme aspirait à entrer dans le Tiers-Ordre dominicain. Les lettres, qui accompagnent ce cheminement sont datées de 1917 à 1925. Elles parlent bien sûr de l'éducation des enfants, des joies et des peines de la vie, mais, à travers tout cela, elles témoignent surtout d'une commune aspiration à la sainteté. Cette correspondance est interrompue parla mort du P. Bernadot. En ouvrant l'opuscule, truffé de citations de saint Paul, j'y repère aussi beaucoup de références à Ste Catherine. En voici les extraits, reproduits avec l'aimable autorisation des Editions du Cerf. (2) Entre temps celles-ci viennent de publier un recueil des écrits du P. Bernadot, De l'Eucharistie à la Trinité. (3)
 

Ce qu'est une âme dominicaine

Le bon Maître ne laisse pas au hasard le soin de diriger ceux qu'il a élus de toute éternité pour être saints et immaculés devant Lui, dans l'amour. Le plus humble des événements est parfois comme un sacrement qui contient Jésus sous des apparences vulgaires... (Pour vous rendre compte de ce qu'est le Tiers-Ordre), inutile d'aller chercher au loin : le type parfait de la dominicaine est sainte Catherine de Sienne... Je prie saint Dominique et sainte Catherine de Sienne, qui vous attirent déjà, de vous éclairer et de bien vous montrer ce qu'est une âme dominicaine : dans l'esprit, beaucoup de lumière ; dans le cœur, beaucoup d'amour ; au dehors, des œuvres fortes, loyales, hardies, toutes saturées de surnaturel (p. 18).

Un désir infini

Préparez-vous surtout par le désir à votre retraite, le désir de Le connaître davantage, d'être plus à Lui. Essayez d'inciter et d'agrandir toujours « ces désirs infinis de l'âme » dont sainte Catherine parle si fréquemment dans son Dialogue. N'emporteriez-vous de Béthanie qu'un désir plus vaste, un cœur plus assoiffé : ce serait beaucoup. Ce serait une plus large capacité pour le recevoir. Ne vous encombrez pas de livres. Vous devez cependant apporter votre Bible et, si vous le pouviez facilement, l'Imitation et le Dialogue. L'œuvre essentielle ne sera pas de lire, mais de L'écouter et de Le regarder, d'être à son entière disposition, de le laisser s'écouler dans votre être... (p.19).


Le Maître veut que tous ayons de Lui ce désir infini dont parle notre grande sœur Catherine de Sienne. Désirons qu'il accomplisse en nous de grandes choses - grandes, non pas extérieurement, aux yeux du monde, mais dans le secret - qu'il tire de nous beaucoup de gloire. L'Epouse du Cantique dit : « Mon bien aimé est tout entier désirable.» Pourquoi ne le désirerions-nous pas tout entier, c'est-à-dire selon la plus vaste capacité de notre âme ? Le monde n'aime pas cela, parce qu'il déteste l'absolu ; il fait le partage, le mélange ; un de ses caractères distincts est la médiocrité, la tiédeur. Aussi lorsque le Saint-Esprit veut mener une âme jusqu'au bout, Il commence par lui donner le sens de l'Absolu : Dieu seul ! Et il allume en elle de grands désirs (pp. 46-47).
 

1 Paris, Cerf, 1946, Coll. Eau vive, n° 12,180 p. Le P. Bernadot a fondé la revue dominicaine « Vie Spirituelle », dont le premier numéro parut en 1919, et les Editions du Cerf en 1929. Il est décédé en 1941.
2 Les intertitres sont de la rédaction.
3 Coll. Trésors du Christianisme, Cerf, avril 2005,144 pp. 15 Eur. Voir couverture, en p.13. L'ouvrage fait mieux connaître l'auteur (qui a formé des générations de chrétiens) et l'enracinement doctrinal de sa spiritualité.

 

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La passion de se donner

(Le Père, le Fils et le Saint-Esprit) sont l'un pour l'autre l'éternelle antithèse de l'égoïsme... La vie de l'éternelle Trinité, c'est qu'elle se donne... Et notre vie, c'est de nous donner, de nous rendre à Dieu, comme le Fils se donne à son Père et réciproquement... Nous sommes loin de cet idéal, mais il faut y viser - le poursuivre d'une volonté décidée. Nous y arriverons plus tôt, si nous nous enfonçons plus profond dans l'humilité, dans la connaissance de notre misère. Inutile d'insister. Vous vous souvenez de la leçon fondamentale de sainte Catherine de Sienne. Et tout cela, pour monter jusqu'à l'amour, l'amour « fou » ( pp. 52-53).

Hier au soir, c'était sainte Catherine, protectrice de notre Ordre, que la liturgie saluait ainsi : «Ave viva Christi hostia... vivante hostie du Christ!» Comme tous ces mots vont profond ! Ils éveillent des désirs fous (p. 62).

Il faut aimer les âmes, les aimer beaucoup. Vous savez que cet amour est un fruit immédiat de l'union divine. Dieu a besoin, a comme la passion de se donner... Aussitôt que cette Vie est dans l'âme, elle lui communique ce même besoin d'expansion ; en elle, Dieu veut encore se donner. C'est pourquoi les plus saints ont été les plus apôtres. Notre sœur Catherine de Sienne aimait à dire : « 0 puissante et éternelle Trinité, faites donc éclater mon âme... Je vous conjure d'ébranler et d'enflammer mon âme pour le salut du monde. » N'avez-vous pas lu dans ses lettres qu'elle excitait sans cesse ses amis « à se noumr d'âmes » ? Ne craignez donc pas. Mais effacez-vous. Que seul le Christ vive et rayonne en vous. Qu'on ne voie plus en vous que l'âme, que le Christ. « Que le Christ soit en vous pour se réconcilier le monde » (p. 69).

Remplir la mission du Verbe

Dieu le Père disait à sainte Catherine de Sienne que saint Dominique avait été prédestiné à remplir la mission du Verbe. Mais les fils doivent continuer les pères et c'est donc notre mission de reproduire le Verbe Incarné et Rédempteur... Le grâce spéciale de notre Ordre est de manifester le Verbe, grâce qui entraîne le devoir de n'être appliqué qu'à Dieu comme le Verbe n'est appliqué qu'à son Père (p. 98).

Elle est infinie, la miséricorde de notre Dieu, c'est un océan sans rivage. C'est sa gloire d'être miséricordieux et, comme le dit notre sainte Catherine de Sienne, d'être « fou d'amour» (p. 112).
Etre uni à la volonté de Dieu, c'est être uni à Dieu. Soyez donc joyeuse. Mettez-vous en fête : Dieu vous aime. Dieu est en vous, la source de la joie est ouverte en votre âme, Dieu est « Celui qui agit », dit sainte Catherine de Sienne. Il agit au-dedans de Lui, toujours en engendrant son Verbe, en produisant son Esprit. Il est l'amour et en cela le modèle de, notre vie intérieure (p. 121).

C'est dans la cellule intérieure de votre âme qu'il ne faut cesser d'habiter selon le mot de sainte Catherine de Sienne. Vous n'avez pas encore, loin de là, la vie agitée qu'elle mena durant les douze dernières années de sa vie où elle s'occupait des affaires publiques de l'Eglise. Et elle était alors aussi unie à son Epoux divin qu'au temps de sa volontaire réclusion. Cette union, en effet, est dans le centre de l'âme où ne peuvent atteindre les créatures et elle se fait par un mouvement intérieur tout simple qui nous ramène et nous fait entrer en Dieu, en la sainte Trinité habitant en nous, mouvement qui nous dégage des futilités, des liens des choses passagères et nous fait secouer la poussière ramassée dans ces affaires (p. 124).

La part de l'épreuve

Je vois que déjà il fait large dans votre vie la part de l'épreuve et que vous aurez à souffrir. Levons les yeux sur le Crucifié pour nous unir à Lui. « J'ai un corps que je vous offre, Seigneur, disait sainte
 

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Catherine. Voici mon corps, voici mon cœur, frappez, immolez, mais accordez-moi le salut de ceux que j'aime et pour lesquels je vous prie » (p. 126).

Mon état de santé reste le même... Je vais faire imprimer les Lettres de sainte Catherine de Sienne au Bienheureux Raymond et son Petit Traité de la perfection. Plus tard, si le bon Dieu le veut, suivront ses admirables prières (p. 130-131).

En vous tenant très étroitement unie à Jésus, vos souffrances prennent une ampleur en mérite que nous soupçonnons difficilement. Leur fécondité se mesure à l'amour dont vous les aimez et dont les anime le Christ Jésus qui leur est présent selon la force de votre désir. N'oubliez pas la parole de saint Paul : 'J'achève dans mon corps ce qui manque à la Passion du Christ'. Plus que jamais, il vous faut demeurer en Lui, enraciné en Lui. 'Si vous demeurez en moi', vous dit-Il, 'vous portez beaucoup de fruits.' C'est le moment de sauver les âmes et comme disait sainte Catherine de Sienne, « de vous nourrir des âmes ». Plus tard viendra le moment du repos, de la vision face à face, mais c'est encore l'heure de se donner pour que la vision éternelle soit plus puissante et plonge plus profondément dans le mystère des Trois (p. 152).

Donner Dieu

Priez tant que vous le pourrez. Et cependant ne vous refusez pas aux âmes. Il faut donner Dieu. Il faut le faire aimer. Avant de vous écrire, j'ai voulu aller prier devant le corps de sainte Catherine de Sienne, à notre église de la Minerve. Ah ! Que vous étiez présente ! j'aurais voulu obtenir que son âme passe dans la vôtre... Un feu intérieur la dévorait l'amour du Christ en lui-même et dans les âmes.
Puisqu'elle est notre sœur, qu'elle nous fasse part de ses richesses et de sa flamme ! Qu'il fait bon près d'elle se laisser emporter au désir de Dieu, aux aspirations d'un amour sans mesure et de la sainteté. J'y reviendrai pour lui parler de notre âme et de nos désirs (p. 134).

Si Dieu ... vous met à même de voir beaucoup de misères, croyez-vous que c'est pour vous décourager ? C'est pour que vous élargissiez vos désirs et que vous rendiez plus puissante votre prière, que vous deveniez le sauveur de ces âmes dont la misère vous est dévoilée. Vous connaissez la prière de sainte Catherine de Sienne : « Mon Dieu, élargissez mon âme ! Faites qu'elle éclate sous la poussée de l'amour de mes frères » (p, 139).


Devenir d'autres Christ

Comme cette perpétuelle attention à Dieu dépasse nos forces naturelles, il faut supplier le Seigneur de nous l'accorder, la lui demander souvent... N'ayons dans notre cœur que les sentiments du Christ Jésus, comme nous le demande saint Paul. Vous avez dû remarquer la parole de Notre Seigneur à sainte Catherine dans le Dialogue : «< En prenant votre nature, je me suis fait semblable à vous. En conséquence, je ne cesse plus de travailler à vous rendre semblables à moi, autant que vous en êtes capables, et je m'efforce de renouveler en vos âmes, alors qu'elles marchent vers le ciel, tout ce qui s'est passé dans mon corps ». Quel immense amour dans ces paroles qui nous promettent le renouvellement en nous-mêmes du mystère du Christ ! Et quel jour elles jettent sur les voies de la Providence! Nous sommes prédestinés à devenir d'autres Christ... Le voile qui nous sépare de la Trinité sainte tombera bientôt. Apprêtons notre âme à supporter les splendeurs de cette vision (p. 163).


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'Carte postale' de Châtelet
près de Charleroi
 

Une Catherine de Sienne belge, peu connue


    Il y avait autrefois à Châtelet un monastère de Dominicaines ; le magistrat de la ville avait demandé des sœurs pour s'occuper de l'éducation des jeunes filles de la bourgeoisie. Des parties du monastère, fondé en 1632, existent toujours, incorporées à l'actuelle Ecole Sainte-Marie (26 rue Neuve). Mais c'est la Chapelle Saint-Roch, juste à côté qui retient notre attention ici : elle est ornée d'un superbe plafond à caissons, garni autrefois de vingt-huit panneaux peints. Neuf ont survécu aux ravages du temps, dont un portrait de sainte Catherine de Sienne (48cm x 41cm). Exécutée en 1633, c'est l'œuvre du peintre anversois Guillaume Haecht.
    Soigneusement restauré, ce tableau nous montre Catherine comme « ensevelie » dans son voile et sa chape noirs ; en conséquence, ses mains et son visage se trouvent en contraste lumineux.
Les mains longues et fines portent des stigmates parfaitement ronds - comme des tâches de beauté spirituelle. Comme dans une icône, les yeux sont agrandis (pour mieux contempler Dieu) et la bouche est toute petite (pour ne pas trop parler). Une partie du visage de la sainte est à l'ombre, à l'ombre du crucifié, que Catherine tient dans ses mains ; mais chose originale : le Christ est crucifié sur une tige de lys en fleur, et non sur une croix. La main droite de Jésus touche l'œil gauche de la sainte. Mais de toute évidence, le dialogue se passe dans la « cellule intérieure », car le visage de Catherine reste imperturbable. Comme toutes les Dominicaines le faisaient autrefois, le jour de leur profession, sainte Catherine porte ici la couronne d'épines. En haut à gauche, un blason fleuri porte la devise « Espoir en Dieu ».
    Les Dominicaines sont restées à Châtelet jusqu'en 1803, quand elles furent chassées par les suites de la Révolution française.
 

Sœur Barbara op
 

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