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SUR LES SPECTACLES 1° Raisons alléguées par certains chrétiens pour légitimer les spectacles; 2° Réponse de saint Cyprien; 3° Les spectacles défendus par la loi divine; 4° Barbarie des spectacles; 5° Leur obscénité; 6° Spectacles dignes dun chrétien. 1° Quand je nai pas loccasion de vous écrire, je suis dans la tristesse et laffliction, car je regarde comme une disgrâce personnelle. dêtre privé de converser avec vous; mais quand les circonstances deviennent plus favorables, rien négale ma joie: en vous écrivant, il me semble être encore au milieu de vous. Je sais que vous ne doutez pas de ma sincérité; dailleurs il me serait facile den fournir la preuve : puis-je mieux vous montrer mon affection, quen profitant de toutes les occasions de vous entretenir? Vous êtes, je nen doute pas, réguliers dans votre conduite, fidèles à participer aux saints mystères ; mais il en est parmi vous qui se laissent égarer par une molle indulgence, appuyent le vice de leur autorité, et, ce qui est pire encore, cherchent à le légitimer par la sainte Écriture. Ils disent, par exemple, que les spectacles sont une récréation innocente; et, profitant de laffaiblissement de la discipline ecclésiastique et de la dépravation des moeurs qui en est la (153) conséquence, non-seulement ils excusent le vice, mais ils osent lautoriser. Jai donc cru utile de vous adresser, non une instruction, vous nen avez pas besoin, mais des avertissements, de peur que le mal renfermé dans votre e ne se produise au dehors et ne forme une plaie incurable. Rien, en effet, nest plus difficile à guérir quune maladie dont les accès reviennent fréquemment, favorisés comme ils le sont par les excuses et la complicité du peuple. Eh quoi! des fidèles, fiers à juste titre du nom de chrétiens, nont pas honte de légitimer par lÉcriture des spectacles où le paganisme déploie toutes ses superstitions! Ils osent autoriser lidolâtrie! car, ne vous y trompez pas, en assistant à des fêtes organisées par les païens en lhonneur dune idole, vous faites acte didolâtrie et vous foulez aux pieds la religion du Dieu véritable. Jai honte de citer les autorités dont ils se servent pour excuser leur conduite. Quand donc, disent-ils, lÉcriture a-t-elle parlé contre les spectacles? quand les a-t-elle prohibés ? Au lieu de cela, nous voyons Élie emporté sur un char et David danser devant larche; partout dans lÉcriture nous trouvons des harpes, des trompettes, des tambours, des flûtes , des cithares, des choeurs de musiciens. Lapôtre se transforme en lutteur! il nous parle de ceste, de lutte, de combat contre les esprits de malice. Il nous parle aussi de stade et fait briller à nos yeux La couronne destinée au vainqueur. Sil est permis aux auteurs sacrés décrire ces choses, pourquoi serait-il défendu aux chrétiens de les regarder? 2° Je commence par dire quil vaudrait bien mieux ne pas savoir lire que de lire de la sorte. On se sert pour autoriser le vice de paroles et dexemples qui ne sont dans lÉcriture que pour nous porter à la vertu. Ces choses ne sont pas écrites pour devenir le sujet dun spectacle, mais pour donner à nos esprits plus dardeur pour les biens célestes. En voyant les païens poursuivre avec tant de zèle des intérêts périssables, nous sentons notre courage senflammer. Nous comprenons que les (155) enseignements de lÉcriture ont pour but, non de légitimer les spectacles profanes, mais dexciter en nous le désir des célestes récompenses. QuÉlie soit appelé le conducteur dIsraël, peu importe: il na jamais, que je sache, couru dans un cirque. Que David ait dansé en présence du Seigneur, ce nest pas une excuse pour les fidèles qui vont sasseoir au théâtre; car David ne se livrait pas à des mouvements obscènes pour exécuter une danse grecque. Les tambours, les trompettes, les cithares dont parle la Bib1e glorifiaient Dieu et non pas une idole. Ainsi, malgré tes artifices du démon, qui change les choses saintes en choses illicites, vous ne parviendrez jamais à légitimer les spectacles profanes. Si les spectacles ne sont pas proscrits par lÉcriture, ils le sont par ta pudeur. Parfois les Livres saints pourvoient à notre salut par de sages préceptes, dautres fois, par une sorte de pudeur, ils gardent le silence. Ils ne sauraient, sans faire injure aux fidèles, descendre dans certains détails. Mais alors la nature et la raison parlent à leur place. Interrogez donc votre conscience, interrogez vos frères, et vous marcherez dans le chemin de lhonneur, dautant plus fermes dans votre résolution que vous ne la devrez quà vous-même. Mais est-il bien vrai que lÉcriture nait pas interdit les spectacles? Sans doute elle défend de regarder ce quelle défend de faire. Or, elle proscrit lidolâtrie, mère de tous les jeux, principe de toutes ces fêtes où la vanité et la licence se donnent rendez-vous; elle proscrit donc par cela même tous les genres de spectacles. Est-il, en effet, un spectacle sans idole? un jeu sans sacrifices? un combat qui ne soit pas consacré à un mort? Que fait un chrétien au milieu de ces représentations ? sil a renoncé à lidolâtrie, que peut-il dire? sil est saint, peut-il trouver son plaisir dans des cérémonies coupables? Peut-il approuver des superstitions qui offensent Dieu et y trouver du plaisir? (157) Sachez que ce nest pas là loeuvre de Dieu, mais linvention du démon. Et vous viendrez dans léglise exorciser les esprits mauvais, après avoir participé à leurs fêtes! Dans le baptême, vous avez renoncé au démon pour vous mettre à la suite du Christ; et maintenant vous renoncez au Christ pour prendre place aux spectacles du démon! 4° Lidolâtrie, comme je lai déjà dit, est la mère de tous les jeux. Afin de vous attirer à elle, elle flatte vos yeux et vos oreilles. Après le rapt des Sabines, Romulus institua les jeux du cirque, pour rendre grâces à Consus, dieu des bons conseils. Les autres jeux scéniques consacrés à Cérès, à Bacchus et à dautres idoles, furent institués pendant une famine, pour réunir le peuple au théâtre. Les concerts de voix et dinstruments inventés par les Grecs, les jeux athlétiques ont aussi des démons pour présidents. En un mot, prenez tout ce qui charme les yeux ou loreille du spectateur, examinez-en lorigine, et vous trouverez au principe une idole, un démon ou un mort. Reconnaissez ici ladresse du démon : il savait que lidolâtrie par elle-même devait exciter lhorreur; il la entourée de pompe pour lui donner lattrait de la volupté. Pourquoi de plus longs détails? pourquoi décrire ces monstrueux sacrifices qui se pratiquent dans les jeux? souvent la scélératesse du prêtre choisit un homme pour victime; il reçoit dans une coupe son sang écumant; il le jette à la face de lidole qui semble le boire avec délices. Alors le délire du peuple na plus de bornes il demande dautres victimes. Ainsi le spectacle devient pour lhomme une école publique de férocité; on le rend méchant, comme sil ne létait pas assez de lui-même. 5° On élève à grand frais des bêtes féroces pour dévorer des hommes, que dis-je, on leur donne des maîtres pour aiguillonner leur cruauté, et on fait bien, car sans ces leçons, elles se montreraient peut-être moins barbares que lhomme. Parlerai-je ici de toutes les vanités popularisées par lidolâtrie? Quils (159) sont ridicules ces combats où on se, dispute pour des couleurs et pour des chars; où on se réjouit de la vélocité dun cheval; où on gémit sur sa lenteur; où lon compte ses années, les consuls sous lesquels il a brillé; où lon explique sa généalogie en remontant jusquà ses ancêtres les plus éloignés! Comme tout cela est vain! Comme tout cela est honteux! retenir de mémoire toute la généalogie dun cheval et la réciter sans broncher! Mais demandez à cet homme la généalogie du Christ, il lignore; et sil la connaît, il est plus malheureux encore, car si je lui demande par quel chemin il est arrivé au théâtre, il sera forcé davouer quil y a été conduit par la débauche et les passions les plus honteuses. Avant de souiller ses regards par le spectacle de lidolâtrie, il les a souillés par celui de la 1ubricité, il a traîné lEsprit-Saint dans des lieux infâmes, et il a profané le corps du Christ dans les orgies de la prostitution. Quant aux plaisanteries qui se débitent sur la scène, jai honte de les rapporter, même pour les flétrir. Comment parler en effet du chant des acteurs, de lartifice des débauchés, de limpudeur des femmes? comment oser reproduire ces bouffons éhontés, ces parasites sordides, ces pères de familles qui déshonorent la toge par leur stupidité, leurs vices, leurs obscénités? Toutes les classes de la société, toutes les professions sont traînées dans la boue: et pourtant tout le monde accourt au spectacle; on se réjouit de la honte commune; on vient, dans cette école du vice, chercher de funestes leçons afin de renouveler en secret les infamies de la scène; on vient, sous la sauvegarde des lois, apprendre des forfaits que les lois réprouvent et condamnent. Encore une fois, que peut faire le chrétien dans ces assemblées, lui qui ne peut pas même penser au vice? Pourquoi se permettre le spectacle de la débauche? Hélas! en dépouillant toute pudeur, on porte plus loin laudace du crime; car cest apprendre à faire le mal que de shabituer à le voir. Du moins (161)les femmes que le malheur condamne à la prostitution se cachent dans des retraites obscures; après avoir vendu leur pudeur, elles rougissent de paraître en public. Mais, sur le théâtre, la débauche na pas de bornes; elle ne daigne pas même dissimuler ses excès. On voit paraître des mimes, aux manières efféminées et dissolues, dont lart consiste à parler avec les mains en présence de ces êtres dégradés, toute une ville sémeut et applaudit à leurs danses lascives. On puise dans la fable les sujets les plus lubriques, et ainsi ce qui commençait à se perdre dans la nuit des siècles, repasse sous les yeux du spectateur. Ce n est pas assez pour la passion de profiter des maux présents, il faut que, dans un spectacle éhonté, elle sapproprie encore les turpitudes anciennes. Non, le répète, il nest pas permis aux chrétiens de se mêler à de semblables réunions. Il ne leur est pas permis non plus de prêter loreille à ces artistes trop bien instruits dans les arts de la Grèce qui promènent partout leur funeste science. Lun avec la trompette imite les rauques clameurs de la guerre; lautre avec la flûte reproduit les sombres mélodies des tombeaux. Dautres, mêlant leurs voix à celle des choeurs, poussent des cris aigus, arrêtent ou précipitent leur respiration, frappent sur leur bouche pour produire des sons brisés: travail à la fois ridicule et offensant pour celui qui leur a donné une langue. Que dire de la vanité de la comédie? Que dire des folies des acteurs tragiques? Quand ces spectacles ne seraient pas consacrés aux idoles, un chrétien ne devrait pas se les permettre. A défaut de crime, la vanité en fait tout le fond; or la vanité est indigne dun chrétien. Nest-ce pas une grande folie, en effet, de recevoir des coups pour amuser une assemblée oisive, do se condamner à toute sorte de privations pour mériter une couronne frivole, de présenter son visage aux soufflets pour obtenir tin morceau de pain? (163) Parlerai-je de la lutte? deux hommes senlacent dans des noeuds impudiques; ils tombent lun sur lautre, et dans cette chute honteuse la pudeur reçoit une mortelle atteinte. Un autre sélance tout nu au milieu de larène; un autre déploie toutes ses forces pour jeter en lair un globe dairain. Tous se disputent la couronne de la folie en effet, éloignez les spectateurs, que signifient tous ces jeux ? Fuyez, fuyez, ces spectacles vains, pernicieux, sacrilèges tenez en garde vos yeux et vos oreilles contre les dangers quils renferment. Lhabitude du mal ne se contracte que trop vite. Lesprit de lhomme est naturellement porté au vice : que sera-ce donc sil a sous les yeux des exemples funestes? Il tombe par sa propre faiblesse: que sera-ce si on le pousse dans labîme? Oui, je vous le répète pour la millième fois, loin de vous ces spectacles corrupteurs! 6° Ne croyez pas que les spectacles manquent au chrétien sil sait se recueillir en lui-même, il trouvera des plaisirs vrais et utiles. Je ne parlerai pas de ces beautés quil ne nous est pas encore permis de contempler; mais combien dautres se présentent à nos regards! La magnificence du monde, le lever et le coucher du soleil amenant lalternative des jours et des nuits; le globe de la lune, marquant par ses diverses phases la fuite rapide du temps; les constellations qui brillent sur nos têtes, le cercle des saisons, la terre se balançant dans lespace avec ses montagnes et ses fleuves; les mers avec leurs flots et leurs rivages; lair répandu partout et nous donnant tour-à-tour la pluie et la sérénité; tous ces éléments divers alimentant chacun les habitants qui lui sont propres, lair les oiseaux, leau les poissons. la terre les hommes, voilà les spectacles dignes dun chrétien. Quel théâtre, bâti par les hommes, pourra être mis en parallèle avec les oeuvres du Créateur? supposez les pierres aussi grandes que vous le voudrez, ce nest quun fragment de montagne, et les lambris dorés ne feront jamais pâlir léclat des (165)astres. On admire bien peu les oeuvres humaines quand on se reconnaît fils de Dieu; et dailleurs se serait manquer à sa noblesse que de ne pas réserver au Créateur toute son admiration. Que le chrétien étudie les saintes Écritures : là encore il trouvera des spectacles dignes de sa foi. II verra Dieu créer le monde ainsi que les animaux et les soumettre au pouvoir de lhomme. Il verra les méchants engloutis dans un naufrage commun et les justes miraculeusement sauvés. Il verra la mer se dessécher pour offrir un chemin au peuple de Dieu et les rochers souvrir pour le désaltérer. Il verra la nourriture descendre du ciel pour le nourrir, les fleuves enchaîner leurs eaux, les justes sauvés dune fournaise ardente, les bêtes féroces domptées par la foi, les morts sortir de leurs tombeaux, et pour couronner .le spectacle, le démon, qui avait soumis le monde à son empire, abattu sous les pieds du Christ. Quel spectacle mes frères! quil est magnifique! quil est agréable! quil est utile! Il renferme tout ce qui anime notre espérance et assure notre salut. On peut en jouir, même quand on a perdu lusage de ses yeux. ge spectacle, ce nest pas un consul, un prêteur qui le donne, mais cest le Créateur de toutes choses, le seul Dieu unique, le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ glorifié et béni dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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