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DES TOMBÉS 1° Joie de lÉglise; 2° Gloire des martyrs et des confesseurs ; 3° Ravages de la persécution; 4° Apostats; 5° Gravité de leur crime; 6° Causes de lapostasie; 7° Tortures; 8° Lâcheté de certains chrétiens; 9° Audace des apostats; 10° La paix trop facilement accordée; 11° Nécessité de la pénitence ; 12° Billets des martyrs; 13° Exigences des apostats; 14° Châtiments; 15° Exhortation à la pénitence et aux bonnes oeuvres; 16° Exemples; 17° Persévérance. 1° La paix est rendue à lÉglise, mes frères bien-aimés, et cette tranquillité, dont les incrédules nattendaient plus le retour, est née pour nous de la vengeance divine. Nos âmes reviennent à la joie; après la tempête et lorage, nous voyons reparaître le calme et la sérénité. Louons Dieu, remercions-le de ses bienfaits. Dailleurs nos actions de grâces nont pas été interrompues par la persécution; et, malgré les attaques de lennemi, nous qui aimons Dieu de tout notre coeur, de tonte notre âme, de toutes nos forces, nous avons été fidèles à publier toujours et partout ses bénédictions et ses louanges. Le jour si ardemment désiré est venu enfin, et, après les ténèbres profondes dune horrible nuit, le monde éclairé par la lumière divine a brillé dun nouvel éclat. Ces confesseurs qui ont rendu au Christ un glorieux témoignage et qui, par leur (55) courage et leur foi, se sont acquis une gloire immortelle, nous les revoyons avec joie; nous. admirons leur sainteté, et, après une si longue absence, nous les pressons sur notre coeur. La voici cette cohorte brillante des soldats du Christ, qui par leur fermeté ont brisé les efforts de la persécution. Prêts à tout supporter, et les prisons et la mort, vous avez donné à vos frères un glorieux exemple et à Dieu un spectacle digne de lui. Votre voix a proclamé bien haut vos croyances et a confessé généreusement le Christ. Vos mains, consacrées aux oeuvres divines, ont repoussé les offrandes sacrilèges. Vos bouches, sanctifiées par la nourriture céleste, par le corps et le sang de Jésus-Christ, ont rejeté les mets offerts aux idoles. Ce voile criminel, dont se couvrent honteusement ceux qui vont sacrifier, na jamais souillé votre tête. Votre front, marqué du sceau de la régénération, est resté pur; il na pu se résoudre à porter la couronne du démon; il nambitionne que celle du Christ. 2° Avec quelle joie lÉglise vous reçoit dans son sein, vous qui revenez du combat! Avec quel bonheur elle vous ouvre ses portes! Entrez-y donc, serrez vos rangs, et montrez les trophées de votre victoire. Je vois, avec les triomphateurs, des femmes qui ont combattu contre le siècle et vaincu la faiblesse de leur sexe. Je vois des vierges portant sur leur front une double couronne; je vois des enfants qui ont montré des vertus bien supérieures à leur âge. Mais vos frères, qui vous saluent de leurs acclamations, ne sont pas indignes de vous; eux aussi ont leur part de gloire. Je trouve dans leur coeur la même sincérité, dans leur foi la même intégrité et la même vigueur. Appuyés sur les préceptes divins, comme sur un fondement inébranlable, forts des traditions évangéliques, rien na pu les effrayer, ni lexil, ni les tortures, ni la perte de leurs biens, ni les supplices dont ils étaient menacés. Les jours de leur épreuve étaient fixés; mais quest-ce quun jour pour celui (57) qui a renoncé au siècle? comment calculer la marche du temps, quand on attend de Dieu léternité? Que personne, mes frères bien-aimés, ne cherche à diminuer la gloire de ceux qui sont restés fidèles. Un jour avait été fixé pour renier Jésus-Christ; ce jour passé, quiconque ne sest pas rangé parmi les apostats, doit être compté parmi les confesseurs. Le premier degré de la victoire consiste à confesser le Seigneur, quand on tombe entre les mains des Gentils; le second consiste à se retirer prudemment et à se conserver pour Dieu. La première confession est publique, la seconde secrète. La première remporte la victoire sur un juge de la terre; la seconde, contente davoir Dieu seul pour juge, conserve scrupuleusement la pureté de lâme. Dun côté, je vois plus de courage, de lautre plus de prudence, mais aussi plus de sécurité. Lun, quand sonne lheure suprême, est déjà mûr pour le Ciel; lautre diffère son sacrifice; mais, ne vous y trompez pas, sil quitte son patrimoine pour ne pas trahir son Dieu, il le confessera, lui aussi, sil tombe entre les mains des bourreaux. 3° Cependant, en face des couronnes des martyrs, des gloires des confesseurs, des vertus de zios frères qui sont restés fidèles, nos âmes rie peuvent se défendre dune certaine tristesse. Lennemi, en exerçant ses fureurs contre lÉglise, a fait tomber plusieurs de ses enfants et déchiré ses entrailles maternelles. Que dois-je faire, mes bien-aimés? le trouble sempare de mon esprit. Que dire? que faire? Hélas! ce sont des larmes quil faut et non des paroles pour exprimer notre douleur, pour déplorer linfortune dun corps qui a vu périr tant de ses membres! Il faudrait un coeur de fer; il faudrait avoir abdiqué. tout sentiment de charité fraternelle, pour retenir ses larmes et tie pas éclater eu sanglots, en présence des ruines du peuple chrétien et des tristes victimes de la persécution. Je partage votre douleur, mes frères, et ne croyez (59) pas que je trouve une consolation suffisante dans la conservation de mes membres ou de ma santé. Le pasteur souffre surtout des blessures faites au troupeau. Junis mon coeur à vos coeurs; je prends ma part de votre deuil et de vos peines. Je gémis avec ceux qui gémissent; je pleure avec ceux qui pleurent; il me semble que jai suivi dans leur chute ceux qui sont tombés. Les traits de lennemi ont percé mes membres; son glaive a traversé mes entrailles. Jai ressenti plus que tout autre les atteintes de ht persécution et si mes frères sont tombés, lamour que jai pour eux ma terrassé à mon tour. Cependant, mes frères bien-aimés, nous devons exposer la vérité dans tout son jour. La nuit que nous avons traversée était bien profonde sans doute; mais elle na pas entièrement obscurci nos esprits, et il nous reste assez de lumière pour lire dans les décrets de Dieu. Quand on connaît la cause dun désastre, on en trouve plus facilement le remède. Le Seigneur a voulu éprouver sa famille. La loi évangélique sétait corrompue dans les douceurs dune longue paix; un châtiment était donc nécessaire pour réveiller la foi endormie. Sans doute nos péchés méritaient un traitement plus rigoureux; mais la clémence divine a ménagé notre faiblesse et les derniers événements sont une épreuve plutôt quune persécution. Chacun. soccupait à augmenter son patrimoine; peu soucieux de ce quon faisait au temps des apôtres et de ce quon devrait faire toujours, les chrétiens couraient avec une ardeur infatigable après les biens de la terre. Plus de zèle dans le sacerdoce, plus de fidélité dans les ministres des autels, plus de charité dans les oeuvres, plus de règle dans les moeurs. Les hommes teignaient leur barbe; les femmes fardaient leur visage. On couvrait de couleurs étrangères ses yeux et sa chevelure, et par là on dénaturait loeuvre de Dieu. Que de fraudes pour tromper les âmes simples! que dinventions pour entraîner ses frères dans le piège ! On salliait, par le mariage, avec des infidèles: on prostituait à des idolâtres les membres du Christ. (61) Non-seulement on faisait. des serments téméraires, mais encore on les trahissait. Mépriser ses supérieurs, prononcer des malédictions contre soi-même, nourrir contre ses frères des haines opiniâtres, était chose commune. Que dis-je? beaucoup dévêques qui devaient à leur peuple la double leçon de la parole et de lexemple, négligeaient ladministration de leurs églises pour administrer les biens de la terre ; ils quittaient leurs chaires et leurs troupeaux, parcouraient des provinces étrangères et couraient de marché en marché pour se livrer à un trafic illicite; insensibles aux besoins des pauvres, ils voulaient de largent en abondance; ils augmentaient leurs fonds par ladresse et la fraude; ils multipliaient leur capital par lusure. 4° Quel châtiment navions-nous pas mérité par de telles fautes? Écoutez lÉcriture : Sils abandonnent ma loi, sils cessent de marcher selon mes préceptes, sils nobservent pas mes commandements et foulent aux pieds les moyens de justification que je leur présente, je châtierai leurs crimes avec la verge et je leur enverrai des fléaux pour punir leurs forfaits (Ps. LXXXVIII). Il y a longtemps que ces prédictions ont été faites; mais nous, peu soucieux dobserver la loi divine, nous avons multiplié nos prévarications et nous avons forcé le Seigneur à déployer toute sa sévérité pour punir nos fautes et éprouver notre foi. Si, du moins, par une conversion tardive, nous nous étions mis à même de supporter lépreuve avec force et patience! Mais non; à la, première menace de lennemi, la plus grande partie de nos frères e. trahi sa foi; ceux-là nont pas été renversés par le choc de la persécution; ils sont tombés deux-mêmes. Était-il donc arrivé quelque chose de nouveau ou dinouï pour leur faire trahir avec tant de précipitation le serment fait au Christ? Est-ce que ces événements étaient imprévus? Est-ce que les prophètes et les apôtres ne les avaient pas annoncés? Éclairés par lEsprit-Saint, navaient-ils pas (63) prédit les épreuves des justes et les violences des pécheurs? LEcriture qui donne des armes à notre foi et fortifie de sa voix céleste les serviteurs de Dieu, nous dit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu ne serviras que lui seul. Pour nous rendre plus forts encore par la crainte du châtiment , elle ajoute : Ils ont adoré des idoles faites par leurs mains; ils se sont inclinés, prosternés devant elles; aussi je ne leur pardonnerai pas (Ps., II). Le Seigneur dit encore : Celui qui sacrifie à des dieux étrangers et non au seul Dieu véritable, périra (Exod., XXII), Enfin, dans lÉvangile, Jésus, qui mettait toujours en pratique ses propres leçons, natil pas annoncé tous les événements que nous voyons saccomplir? Na-t-il pas décrété des supplices éternels contre ceux qui renieraient son nom? Na-t-il pas promis une récompense éternelle à ceux qui lui rendraient témoignage? Hélas! beaucoup de chrétiens ont perdu de vue ces enseignements. Pour nier Jésus-Christ, ils nont pas attendu la sommation du juge; pour offrir lencens aux idoles, ils nont pas attendu dêtre entre les mains des bourreaux. Vaincus sans combat, terrassés avant la mêlée, il ne leur reste pas même lexcuse davoir cédé à la violence. Deux-mêmes, ils ont couru au forum et se sont précipités vers la mort, comme sils la désiraient, comme sils profitaient dune occasion attendue depuis longtemps. Mais que dire de ceux que les magistrats. renvoyèrent au lendemain et qui insistèrent pour que leur perte ne fût pas différée? Peut on, pour excuser sa faute, alléguer la violence quand on a fait violence soi-même pour périr sur-le-champ? Quand vous êtes monté librement au Capitole, quand vous avez été sur le point de commettre votre forfait, navez-vous pas senti vos pieds chanceler, vos yeux sobscurcir, vos entrailles (65) sémouvoir, vos bras tomber de défaillance? Navez-vous pas senti votre intelligence frappée de stupeur, votre parole interrompue, votre langue paralysée? Un serviteur de Dieu a pu se tenir debout devant lautel, parler et renoncer au Christ, lui qui déjà avait renoncé au monde et au démon. Cet autel, où il a osé sacrifier, nest-il pas le bûcher qui a consumé son innocence? Cet autel du démon, doù sélevaient de noires vapeurs, ne devait-il pas le fuir, comme sil avait dû y laisser et son corps et sa vie? Pourquoi, malheureux, conduire une vidime avec vous? pourquoi la placer sur lautel? Cest vous qui êtes la victime de votre honteux sacrifice. Vous immolez, vous brûlez, sur ce bûcher fatal, votre salut, votre espérance, votre foi. Plusieurs ne se sont pas contentés de périr seuls : par leurs exhortations ils ont entraîné dans leur ruine beaucoup de leurs semblables et leur ont présenté, pour ainsi dire, la coupe de la mort Pour que le crime atteignit son apogée, des parents ont porté ou traîné leurs enfants devant les juges et leur ont ravi cette pureté angélique que le baptême leur avait conférée, à leur entrée dans la vie. Ne diront-ils pas au jour du jugement: « Nous sommes innocents; ce nest pas nous qui avons quitté le banquet du Seigneur pour assister aux sacrifices profanes. La lâcheté des autres nous a perdu; nos pères nous ont donné la mort. Ils nous ont arraché du sein de lÉglise et de Dieu; jeunes et sans expérience, nous ignorions leur forfait; sans le savoir, nous avons partagé leurs crimes et nous sommes devenus les victimes de leur perfidie.» 5° Non, il nest. pas dexcuse pour un tel attentat. Il fallait plutôt quitter votre patrie et sacrifier votre fortune. La. mort ne viendra-t-elle pas vous ravir lune et lautre? Pour rester fidèles au Christ, craignez seulement de perdre votre place dans la demeure éternelle. LEsprit-Saint nous crie par la bouche du prophète: Éloignez-vous, éloignez-vous, sortez; ne touchez pas ce qui est impur; sortez du milieu du peuple ; restez à part, vous (67) qui portez les vases du Seigneur (Is., XXXII). Voilà ce que dit lEsprit Saint : et ceux qui sont les vases du Seigneur et les temples de Dieu, forcés de se souiller par un contact impur et par des viandes immondes, ne sortent pas de la foule; ils ne se retirent pas ! Dans lApocalypse, nous entendons une voix venue du ciel qui dicte leurs devoirs aux serviteurs de Dieu : Sortez de Babylone, ô mon peuple, afin de ne pas partager ses crimes et de ne pas contracter ses souillures (Apoc. XVIII). Celui qui sexile demeure innocent; mais celui qui sassocie aux crimes de la cité, par cela même, partage ses souillures. Aussi le Seigneur vous ordonne de vous retirer et de fuir pendant la persécution, et ce quil vous recommande, il la fait lui-même. Cest Dieu qui, dans sa miséricorde, nous donne la couronne; le temps où nous devons la recevoir est déjà fixé, donc celui qui se retire, en restant toujours uni au Christ, ne renie pas sa foi, mais il attend lheure de la récompense. Celui qui tombe, pour navoir pas voulu se retirer, est responsable de son apostasie. 6° Ne dissimulons pas la vérité, mes frères, ne cachons ni lorigine ni la cause de nos blessures. Plusieurs se sont laissé séduire par un amour aveugle de leur fortune. Comment auraient-ils été prêts à se retirer, quand ils étaient attachés à la terre par tant de liens? Telles sont les entraves, telles sont les chaînes qui les ont retenus dans leur patrie. Cest ainsi que leur vertu a été arrêtée dans son essor, leur foi abaissée, leur intelligence enchaînée, leur âme réduite en captivité. Dominés par les passions terrestres, ils sont devenus la proie du serpent, qui, selon la sentence divine, dévore la terre. Aussi le Seigneur vous dit: Si vous voulez être parfait, allez, vendez tous vos biens, donnez-les aux pauvres, et vous aurez un trésor dans le Ciel; puis, venez et suivez-moi (Matt., XIX). Si les riches (69) suivaient ce précepte, leurs richesses ne seraient pas pour eux une cause de ruine. En plaçant leur trésor dans le Ciel, ils nauraient pas en lui un ennemi domestique: leur coeur, leur esprit, leur pensée seraient dans le Ciel, si leur trésor y était. De plus, ils ne pourraient être vaincus par le siècle, puisque le siècle naurait sur eux aucune prise. Dégagés de toute entrave, ils suivraient Jésus-Christ, comme les apôtres et les premiers fidèles, comme tant dautres, qui, après avoir quitté leurs parents et leurs possessions, sattachèrent au Christ par des liens indissolubles. Mais comment suivre le Christ, quand on est retenu ici-bas par les liens de la fortune? Comment sélever vers les hauteurs du ciel, quand on est appesanti par les passions terrestres? On croit posséder et on est possédé soi-même; on cesse dêtre le maître de sa fortune, pour en devenir lesclave. Cest lenseignement de lapôtre : Ceux qui veulent être riches tombent dans la tentation et dans le piége, dans beaucoup de désirs inutiles et nuisibles qui précipitent lhomme à sa ruine. Car la racine de tous les maux est la cupidité; ceux qui ont voulu suivre ses attraits ont fait naufrage dans la foi et se sont créé bien des douleurs (I, Tim., VI.). Le Seigneur nous exhorte à mépriser les biens de ce monde; il fait les plus magnifiques promesses à ceux qui ont le courage de les sacrifier. Quiconque, dit-il, laissera sa maison ou ses champs ou ses parents ou ses frères ou son épouse ou ses fils, pour le royaume de Dieu, recevra le centuple en ce monde et dans le siècle futur la vie éternelle (Marc, X). Puisque ces choses nous sont connues, ainsi que la vérité des promesses divines, non seulement nous ne devons pas craindre les pertes de ce genre, mais nous devons les désirer. Vous serez bienheureux, dit encore Jésus-Christ, lorsque vous serez persécutés , emprisonnés, chassés par les hommes; lorsquils maudiront votre nom, comme (71) mauvais, à cause de moi. Réjouissez-vous alors, tressaillez dallégresse, car votre récompense est grande dans le Ciel (Luc, VI). 7° Mais à tout cela sajoutent les supplices, et la résistance attire de cruelles tortures. Ils peuvent se plaindre des tourments ceux qui ont été vaincus par eux; il peut donner la douleur pour excuse, celui qui a succombé sous la douleur. Cet homme peut dire : Jai voulu combattre avec courage; fidèle à mon serment, je me suis revêtu de larmure du dévouement et de la foi; mais, dans le combat, jai cédé devant la rigueur des tortures et des supplices. Ferme dans ma résolution et dans ma croyance, jai résisté et mon âme, immobile, a lutté longtemps contre là souffrance; mais le juge, irrité par ma résistance, a doublé ses rigueurs : mon corps déjà exténué a été déchiré par le fouet, meurtri par le bâton, étendu sur le chevalet, sillonné par les ongles de fer, brûlé par la flamme; alors la chair ma trahi au milieu de la lutte, mes entrailles ont faibli; ce nest pas mon âme, mais mon corps qui a succombé dans la douleur. 8° On peut pardonner à une semblable faiblesse; une telle excuse doit exciter la pitié. Ainsi le Seigneur pardonna naguère à Castus et à Émilius. Vaincus dans un premier combat, un second leur donna la victoire; après avoir cédé au feu, ils se montrèrent plus forts que lui, et le supplice qui les avait vaincus devint linstrument de leur triomphe. Quand ils imploraient leur pardon, ils ne se bornaient pas à répandre des larmes : ils montraient leurs blessures; ils ne poussaient pas des cris lamentables : ils laissaient parler leurs corps déchirés. Au lieu des pleurs, cétait le sang qui coulait de leurs entrailles à demi-consumées. Mais, aujourdhui, quelles plaies les vaincus peuvent-ils nous montrer? où sont leurs entrailles torturées, leurs membres meurtris? Hélas! leur foi na pas succombé dans une lutte que ! leur lâcheté avait eu soin (73) déviter. Quand le crime est dans la volonté, comment lexcuser par la violence? Mon intention nest pas dexagérer la culpabilité de nos frères; mais plutôt de les porter à la pénitence. Il est écrit : Ceux qui vous disent heureux vous trompent et mettent des obstacles sur votre chemin (Isaïe, III). Flatter le pécheur cest fournir un nouvel aliment à ses crimes loin den arrêter le développement, on le favorise ; mais celui qui a le courage davertir son frère et de le réprimander assure son salut. Ceux que jaime, dit le Seigneur, je les reprends et je les châtie (Apoc., III). Le ministre de Dieu doit donc avoir recours, non à une obséquiosité trompeuse, mais à des remèdes salutaires. Un médecin qui nose toucher et sonder une plaie en augmente la corruption. Il faut louvrir, faire des incisions, couper les chairs putréfiées et appliquer le remède. Le ma1ade, dans sa souffrance, pourra crier et se plaindre, mais une fois guéri, il remerciera le médecin. 9° Un mal nouveau a paru parmi nous; et, comme si la tempête de la persécution navait pas causé assez de désordres, une peste agréable et trompeuse sest glissée parmi les fidèles, sous le nom spécieux de pardon, et de miséricorde. Malgré lÉvangile et la loi de Dieu, il se trouve des téméraires qui accordent la. paix, et la communion à des pécheurs non préparés : inutile et fausse paix, pernicieuse à ceux qui la donnent, inutile à ceux qui la reçoivent. Ils nexigent pas des malades la patience et la satisfaction, qui sont pourtant les seuls remèdes efficaces. Aussi la pénitence est bannie du coeur des chrétiens, et on leur fait perdre le souvenir des crimes les plus énormes. On se contente de couvrir les plaies des mourants et on dissimule des blessures profondes et mortelles. Au retour des autels du démon, ils approchent du saint du Seigneur, les (75) mains encore souillées par les sacrifices des idoles. La bouche infectée par les viandes immolées, ils viennent semparer du corps du Sauveur, malgré lÉcriture qui leur crie : Tout homme pur mange la chair du sacrifice; si un homme flétri par quelque souillure ose y prendre part, il périra du milieu du peuple (Lev., XXII). Lapôtre tient le même langage : Vous ne pouvez, dit-il, boire le calice du Seigneur et celui du démon; vous ne pouvez participer à la table du Seigneur et à celle du démon (2). Il emploie la menace contre ceux qui sobstinent dans leurs téméraires desseins. Quiconque, dit-il, mangera le pain eucharistique ou boira le calice du Seigneur indignement sera coupable dun crime contre le corps et le sang de Jésus-Christ (I, Corint., XI.. Au mépris de tous ces avertissements, on fait violence au, corps et au sang de Jésus-Christ; on porte sur lui une main téméraire; on le reçoit dans une bouche souillée et par là on loffense plus gravement que lorsquon le renie. 10° Avant davoir expié leur crime, de lavoir confessé, den avoir obtenu le pardon par limposition des mains du prêtre et la vertu du sacrifice, avant davoir apaisé un Dieu irrité qui les menace, ils croient que la paix que certains se vantent faussement de leur donner est une paix véritable. Ce nest pas la paix, cest la guerre : celui qui se sépare de lÉvangile ne peut être uni à lÉglise. Pourquoi parer des couleurs de la piété une cruauté grossière? Pourquoi ravir les gémissements de la pénitence à des hommes qui devraient passer leur vie dans la prière et dans les larmes et faire semblant de communiquer avec eux? Ces lâches condescendances sont aux pécheurs ce quest la grêle aux fruits , une constellation maligne aux arbres, la peste aux troupeaux. et la tempête aux navires. Elles leur ôtent leur consolation dernière, lespérance. Ainsi (77) larbre est arraché jusquà ses racines; des paroles mortelles répandent partout leur contagion; le navire se brise sur les écueils et narrive pas au port. Une pareille facilité enlève la paix au lieu de la donner. Non-seulement elle ne remet pas le pécheur en communion avec lÉglise, mais elle lui ferme la porte du salut. Cest là une nouvelle persécution; cest une tentation dont lennemi se sert pour achever de perdre ceux qui sont tombés, pour faire cesser leurs regrets, pour charmer leur douleur, pour leur faire perdre le souvenir de leur crime, pour arrêter leurs soupirs, pour sécher leurs larmes et pour empêcher quaprès avoir gravement offensé Dieu, ils ne le fléchissent par une longue et pleine satisfaction. Cependant il est écrit : Souviens-toi doù tu es tombé et fais pénitence (Apoc., II).
11° Que personne ne se fasse illusion : Dieu seul peut faire grâce au pécheur. Celui-qui a porté le fardeau de nos iniquités, qui a souffert pour nous, qui sest livré à la mort pour expier nos crimes est le seul qui puisse pardonner les fautes commises contre lui. Lhomme ne peut pas être supérieur à Dieu; lesclave ne peut pas accorder la rémission dune faute qui sadresse à son maître. Que le pécheur, en se berçant dune telle espérance, prenne donc garde de devenir plus coupable; car il est écrit : Maudit soit lhomme qui place son espérance dans lhomme (Jér., XVII.). Cest Dieu quil faut prier; cest Dieu quil faut désarmer par nos oeuvres satisfactoires : Dieu qui est le juge suprême et, qui reniera ceux qui le renient. Nous croyons, à la vérité, que les mérites des martyrs et les oeuvres des justes peuvent beaucoup auprès du souverain juge; mais ce ne sera que pour le jour du jugement, lorsque, à la fin du monde, les chrétiens comparaîtront devant le (79) tribunal du Christ. Si quelquun est assez téméraire pour prévenir le temps; si, contre le commandement du Sauveur, il croit pouvoir accorder le pardon aux coupables, quil sache, quau lieu de leur être utile, il leur est au contraire très-nuisible. Cest irriter Dieu que de ne pas lui obéir; de croire quon peut se passer dimplorer sa miséricorde et pardonner à sa place. Sous lautel du Seigneur, les âmes des martyrs crient à haute voix : Quand donc, ô Dieu saint et véritable, vengerez-vous notre sang sur les habitants de la terre (Apoc., VI.)? Une voix leur répond dattendre avec patience. Et on suppose quun homme, contre lautorité du Souverain juge, peut remettre les péchés; on croit quil peut défendre les autres, avant dêtre vengé lui-même ! 12° Les Martyrs donnent un ordre; cest bien: sil est juste, licite, conforme à la volonté de Dieu, le prêtre lexécutera volontiers , pourvu quil soit conçu en termes modérés. Mais si de quils ordonnent nest pas écrit dans la loi divine, avant de lexécuter, nous, devons savoir si Dieu les autorise à agir de la sorte. Or, comment savoir si Dieu se charge daccomplir les promesses faites par les hommes? Moïse prie pour les péchés du peuple et pourtant il ne peut obtenir la grâce des pécheurs. Je vous en prie, Seigneur, ce peuple a commis une grande faute en se faisant des idoles dor; faites-lui grâce, sinon, effacez-moi du livre écrit par voire main. Et le Seigneur répond à Moïse : Si quelquun pèche en ma présence, je leffacerai de mon livre (Ex., XXXI). Ainsi, lami de Dieu, celui qui lui parlait face à face ne pût obtenir leffet de sa prière ni apaiser la colère divine. Le Seigneur loue Jérémie en ces termes : Avant de te former dans le sein de ta mère, je te connaissais; avant ton entrée dans ce. monde, je tai sanctifié et je tai (81) établi prophète au milieu des nations (Jér., II). A peine Jérémie veut-il prier pour les péchés du peuple, que le Seigneur lui répond : Ne prie pas pour ce peuple, ne madresse pas de supplications en sa faveur, car je ne lexaucerai pas quand il criera vers moi, au jour de laffliction (Jér., VII). Qui fut jamais plus saint que Noé ? Il fut seul trouvé juste sur la terre, alors que le péché en couvrait toute la face. Qui fut plus glorieux que Daniel? qui combattit avec plus de force et de générosité? il sortit vainqueur de toutes les épreuves et survécut à sa victoire. Qui, plus que Job, fut zélé pour les bonnes oeuvres, fort dans la tentation, patient dans la douleur, pénétré de la crainte de Dieu, sincère dans sa foi? Et pourtant Dieu na pas promis dexaucer ces augustes personnages. Le prophète Ezéchiel priait pour les péchés du peuple; Dieu lui répondit en ces termes : Si une contrée moffense, jétendrai ma main sur elle, je détruirai ses ressources, jy enverrai la famine et janéantirai les hommes et les animaux. Quand bien même Noé, Daniel et Job seraient au milieu de ce peuple, ils ne pourraient délivrer de là mort leurs fils et leurs filles; eux seuls seraient sauvés (Ezéc., XIV). Ce quon demande dépend non de celui qui prie, mais de celui qui donne. Lhomme ne peut obtenir que ce que Dieu daigne lui accorder. Le Seigneur dit dans lÉvangile: Celui qui me reconnaîtra devant les hommes, je le reconnaîtrai moi aussi devant mon Père qui est dans le Ciel. Celui qui me reniera, je le renierai (Luc, XII.) Supposer que Dieu ne renie pas celui, qui la renié, cest admettre quil ne reconnaît pas celui qui la reconnu. Une partie de lÉvangile ne peut pas être vraie et lautre fausse : il faut quil soit ou vrai ou faux dans son entier. Si vous innocentez les apostats, les confesseurs nont aucun droit à la (83) récompense. Mais lÉvangile promet une couronne à la foi victorieuse donc la lâcheté vaincue mérite un châtiment. Ainsi, de deux choses lune, ou lÉvangile na aucune autorité et, dans ce cas, les martyrs ne peuvent rien, ou lÉvangile reste dans son entier et alors les martyrs ne peuvent pas aller contre la loi à qui ils rendent témoignage. 13° Que personne, mes frères bien aimés ne flétrisse la dignité des martyrs, que personne ne leur ravisse leur gloire et leur couronne. Ils conservent dans son intégrité le dépôt de la foi; ils ne peuvent ni agir ni parler contre le Christ, alors que leur espérance, leur foi, leur vertu et leur gloire se trouve dans le Christ. Ils ne peuvent engager les évêques à transgresser les ordres de Dieu, alors quils les ont eux-mêmes si généreusement accomplis. Nest-ce pas se croire supérieur à Dieu en puissance et en bonté, que de vouloir anéantir des faits dont il a permis la réalisation ou de permettre aux fidèles un vain secours; comme si Dieu ne pouvait protéger son Église? Ces événements, croyez-le bien, ne sont pas arrivés à linsu de Dieu ou sans sa permission. LEcriture nous dit: Qui a livré Jacob au pillage et Israël entre les mains des ravisseurs? Nest-ce pas le Dieu quils ont offensé? Ils nont voulu ni marcher à sa suite ni entendre sa loi, et il les a frappés dans sa colère (Is., XLII.). Nous lisons encore : Est-ce que la main de Dieu ne peut nous sauver? Est-ce que son oreille ne peut nous entendre? Mais vos péchés mettent une séparation entre Dieu et vous, et il détourne sa face pour ne pas être touché par la pitié (Is., LIX). Rappelons-nous nos fautes, examinons nos actes, sondons les secrets de notre âme et reconnaissons que le châtiment nétait que trop mérité. Nous navons jamais voulu marcher dans les voies du Seigneur, nous avons repoussé sa loi, ses préceptes, ses avertissements. Que penser dun homme (85) qui na pu être corrigé ni par la terreur ni par la persécution? A-t-il la foi? a-t-il la crainte de Dieu?. Non : malgré sa chute, il conserve sa fierté et continue à lever la tête. Lépreuve qui la terrassé na pu vaincre cet orgueil indomptable. Il tombe, et il insulte ceux qui sont debout; il est blessé, et il menace ceux qui ont conservé lintégrité de leurs forces. Parce quon ne place pas le corps et le sang de Jésus-Christ entre ses mains impures et sur ses lèvres profanes, il sirrite contre les prêtres. Étrange folie! Vous vous irritez contre celui qui tâche de détourner de votre tête la colère de Dieu. Vous menacez celui qui implore pour vous la miséricorde du Seigneur; qui sent ,votre plaie que vous ne sentez pas vous-même; qui répand des larmes pour vous, lorsque peut-être vous nen répandez pas. Nest-ce pas augmenter votre crime et le porter à son comble? Et vous pensez pouvoir apaiser Dieu, tandis que ses ministres ne sauraient vous apaiser vous-même? 14° Ah! plutôt, écoutez nos conseils! Pourquoi vos oreilles se ferment-elles à notre parole? Pourquoi vos yeux aveuglés ne voient-ils pas le chemin de la pénitence que nous vous montrons? Pourquoi votre esprit, en proie à la démence, ne comprend-il pas les remèdes salutaires que nous fournissent les saintes Écritures? Si vous croyez peu à lavenir, du moins regardez le présent. Navons-nous pas vu des apostats sévèrement punis? ne déplorons-nous pas encore leur trépas funeste? Dieu ne pouvait sempêcher de les frapper, quoique le jour du châtiment suprême soit encore à venir; car le châtiment de quelques coupables sert à corriger les autres et devient un exemple pour tout le peuple chrétien. Un homme monta au Capitole pour apostasier; il renia Jésus-Christ, et de suite après, il devint muet. La langue qui proféra lapostasie fut paralysée et incapable dimplorer par des paroles la miséricorde divine. Une femme coupable du même crime se rendit aux bains. Linsensée, après avoir perdu la grâce du bain salutaire, elle (87) allait laver son corps. Là, elle fut saisie par lesprit impur, se roula par terre et, avec ses dents, coupa cette langue qui, venait de proférer des blasphèmes et de se souiller par le contact des viandes immolées. Ce nest pas assez: sa rage se tourna contre elle-même; elle devint son propre bourreau, couvrit son corps de plaies hideuses; enfin ses entrailles se décomposèrent et elle mourut dans datroces douleurs. Jai été moi-même témoin du fait suivant. Des parents, fuyant les rigueurs de la persécution, laissèrent leur fille encore enfant entre les mains dune nourrice. Celle-ci porta lenfant aux magistrats. Comme, à cause de son âge, elle ne pouvait pas encore manger de viande, on lui donna un peu de pain trempé de vin, reste dun sacrifice précédent. Plus tard, la mère reprit sa fille. Mais lenfant ne pouvait déclarer un crime dont elle navait aucune connaissance. Elle fut donc portée à léglise, alors que joffrais moi-même le saint sacrifice. Mais à peine fut-elle au milieu de lassemblée des fidèles, quelle ne put supporter nos prières. Elle se mit à pleurer; dans sa fureur étrange, elle se frappait, se jetait par terre, se tordait comme sous la main du bourreau, enfin elle indiquait à sa manière quelle nétait pas digne dassister à nos mystères. A la fin du sacrifice, quand le diacre présenta le calice aux fidèles, il sapprocha aussi de lenfant; mais elle, comme frappée par la majesté divine, détournait la tête, serrait les lèvres, repoussait le calice. Le diacre persista cependant et, malgré sa résistance, il glissa dans la bouche de lenfant quelques gouttes de vin consacré. Alors vinrent les convulsions et les vomissements. LEucharistie ne pouvait rester dans un corps et dans une bouche souillée le sang divin en sortait violemment. Cest ainsi que le Seigneur manifesta sa puissance et sa majesté ; il éclaira lui-même les ténèbres et le ministre de Dieu découvrit le crime dans toute son horreur. Je viens de parler dune enfant, incapable de redire lattentat dont elle avait été la victime; mais une autre fille plus avancée (89) en âge fut traitée avec bien plus de sévérité. Après avoir sacrifié aux idoles, elle se glissa en secret dans nos rangs; lEucharistie devint pour elle comme un glaive, comme un poison mortel. A peine le sang divin fut-il dans sa poitrine, que sa gorge se ferma, en lui causant daffreuses suffocations. Ce nétait plus le bourreau cétait son crime qui la torturait; enfin elle tomba sur le sol en proie à daffreuses palpitations. Son sacrilège ne resta pas longtemps impuni, et après avoir trompé les hommes, elle succomba sous la vengeance divine. Une autre voulut ouvrir avec des mains impures la cassette où elle conservait la sainte Eucharistie; mais il en sortit une flamme qui la repoussa et lempêcha de toucher le pain consacré. Un chrétien, sortant des sacrifices idolâtriques, se présente à lautel du Seigneur; il ose, avec les autres, recevoir lEucharistie; mais il ne peut la porter à sa bouche; en ouvrant ses mains il ny trouve que de la cendre. Cet exemple nous montre que le Seigneur se retire lorsquon le renie. Ainsi la communion ne sert de rien aux indignes, puisque la sainteté de Dieu disparaît et que la grâce divine se change en cendre. Combien dautres, qui sobstinent à ne pas faire pénitence et à ne pas confesser leurs crimes, sont possédés chaque jour par les esprits impurs ! Combien dautres perdent la raison et tombent dans les fureurs de la démence! Il nest pas nécessaire dentrer dans de plus longs détails: les fléaux qui sabattent sur le monde nous montrent que la diversité des châtiments est aussi grande que le nombre des coupables. Or, mes frères, ne nous bornons pas à considérer les châtiments des autres, mais voyons ce que nous avons mérité nous-mêmes. Peut-être navons-nous pas encore été frappés, cest possible; mais ne nous croyons pas à labri de la justice divine; car nous navons jamais plus lieu de trembler que lorsque Dieu diffère notre punition. (91) Il en est qui, sans prendre part aux sacrifices, ont reçu des billets : ceux-là ne doivent pas se croire dispensés de la pénitence; car si leurs mains sont pures, leur conscience est souillée. Cest véritablement un acte dapostasie, puisquils ont répudié leur caractère de chrétien et quils ont déclaré sassocier aux crimes des infidèles. II est écrit : Vous ne pouvez servir deux maîtres; or, vous avez obéi aux maîtres de la terre; vous vous êtes soumis à leurs édits; vous avez mieux aimé obéir aux hommes quà Dieu. Peut-être, devant les hommes, paraîtrez-vous moins lâche et moins criminel; mais vous ne pourrez éviter le juge suprême. Vos yeux, dit le psalmiste, ont vu mes imperfections et tous sont écrits dans votre livre. Lhomme ne voit que le visage, mais Dieu regarde le coeur.... toutes les églises sauront, dit le Seigneur, que cest moi qui scrute les coeurs et les reins. Dieu voit les choses cachées, il pénètre tous les secrets, personne ne peut se soustraire à. ses regards: Je ne suis pas éloigné de vous, dit-il, je suis à votre côté. Si vous vous cachez dans des retraites obscures, est-ce que je ne vous verrai pas? Je remplis le ciel et la terre (Jér. XXIII). Dieu voit nos coeurs. Il nous jugera, non-seulement sur nos actes, mais sur nos paroles et sur nos pensées, car il pénètre les profondeurs de lâme et connaît toutes ses volontés. Ah ! quils sont pins avancés dans la foi et dans la crainte de Dieu ces chrétiens qui nont pris part à aucun sacrifice, qui nont accepté aucun billet, mais qui pourtant en ont eu la pensée. Vous les voyez, la douleur dans lâme, avouer aux prêtres cette pensée coupable. lis confessent leurs fautes, ils déposent le poids qui chargeait leur conscience, et quoique leurs blessures soient légères, ils ont recours au remède institué par Jésus-Christ. Ils savent quil est écrit : On ne se moque pas de Dieu. En effet, on ne trompe pas Dieu comme lhomme, et ce serait se rendre plus coupable encore que de vouloir éviter le (93) châtiment parce que le crime est secret. Si quelquun rougit de moi, dit Jésus-Christ, moi aussi je rougirai de lui. Et on croit être chrétien quand on a honte de paraître chrétien! et on croit pouvoir être avec le Christ, quand on a craint ou quon a rougi de lui appartenir! Vous navez pas paru devant les idoles; vous navez pas profané la sainteté de votre foi, en présence dun peuple qui vous poursuivait de ses insultes; vous navez pas souillé vos mains par des sacrifices criminels, votre bouche par une nourriture immonde : cest bien; votre faute est moins grave; mais vous nêtes pas innocent. Vous pouvez plus facilement obtenir votre pardon; mais vous avez besoin de pardon. Continuez à. faire pénitence, implorez la miséricorde divine, et prenez garde daggraver votre faute en négligeant de la réparer. 15° Je vous en supplie, mes frères bien-aimés, confessez tous vos péchés, pendant que vous êtes encore sur cette terre, pendant que votre confession peut être entendue, pendant que la rémission de vos fautes, opérée par le prêtre, peut être agréée de Dieu. Convertissons-nous au Seigneur de toute notre âme; ayons un regret véritable de nos crimes, et implorons la divine miséricorde. Que notre âme se prosterne devant lui; pénétrée dune douleur profonde , quelle expie ses fautes et quelle ranime son espérance. Revenez à moi, dit le Seigneur, de tout votre coeur, livrez-vous aux jeûnes, aux gémissements, aux larmes, et déchirez vos coeurs et non vos vêtements. Cest ainsi quon apaise la justice divine. Mais il est des pécheurs qui, depuis leur chute, vont chaque jour aux bains, qui prennent place à. des tables somptueuses, qui chargent leur estomac dune multitude de viandes et ne partagent jamais leur nourriture avec le pauvre: est-ce là ce quon appelle déplorer sa faute, sabandonner aux jeûnes, aux larmes, aux gémissements? Pleurent-ils sur leur mort spirituelle quand ils savancent dun air joyeux et satisfait? Malgré la défense de lÉcriture, ils arrachent leur barbe et fardent leur visage; ils cherchent à plaire aux hommes, alors quils déplaisent à. Dieu. Cette femme (95) gémit-elle sur sa chute, lorsquoubliant le vêtement du Christ quelle a perdu, elle ne songe quà se parer avec magnificence? Elle a perdu la grâce et elfe pense à ses bijoux et à ses colliers! Ah! vous avez beau vous couvrir détoffes étrangères et de robes de soie, vous êtes nue. Vous avez beau entasser sur vos épaules lor, les perles et les diamants, si le Christ ne vous sert de parure, il ny a en vous que difformité. Cessez du moins de parfumer vos cheveux, puisque cest le temps des grandes douleurs. Vous qui souillez vos yeux dornements empruntés essuyez-les du moins avec vos larmes. Si vous perdiez un des êtres qui vous sont chers, on vous verrait gémir et pleurer; votre visage inculte, vos habits de deuil, votre chevelure négligée, votre front soucieux, vos regards abattus trahiraient la douleur de votre âme. Malheureux, cest votre âme que vous avez perdue! morte spirituellement, vous vous survivez à vous-même, vous portez vos propres funérailles; et vous ne pleurez pas, vous ne gémissez pas amèrement! Honteux de votre crime, vous nallez pas cacher vos larmes dans une retraite obscure! Ah! il est une chose plus grave que le crime lui-même, cest de sobstiner à ne pas le reconnaître et à ne pas le déplorer. 16° Les trois enfants captifs à Babylone, Ananias, Azarias, Misael confessaient leurs fautes à. Dieu au milieu des flammes dune fournaise ardente. Malgré le témoignage de leur conscience, malgré la grâce divine quils avaient méritée par leur obéissance et leur fidélité, ils étaient toujours humbles et, au sein de leur glorieux martyre, ils ne cessaient de satisfaire à Dieu. Écoutez lÉcriture : Azarias debout au milieu des flammes, commença sa prière et fit avec ses compagnons la confession de ses fautes (Dan., III). Telle fut aussi la conduite de Daniel. Après avoir, dans plusieurs circonstances, donné des preuves de son innocence et de sa fidélité, après avoir vu ses vertus honorées des éloges de (97) Dieu lui-même, il sefforce encore dattirer sur lui la miséricorde divine; il se couvre dun sac, il se roule sur la cendre, il confesse ses fautes avec douleur. Seigneur, sécrie-t-il, Dieu grand, Dieu fort et redoutable, qui conserves ton alliance et tes miséricordes avec ceux qui taiment et qui obéissent à ta loi, nous avons péché, nous avons commis limpiété et le crime; nous avons transgressé et abandonné tes préceptes et tes commandements; nous navons pas prêté loreille aux paroles de tes prophètes qui ont prophétisé en ton nom sur nos rois, nos peuples et notre patrie. A toi, Seigneur, la gloire et la sainteté; à nous la confusion. Voilà ce quont fait ces âmes simples et innocentes pour se rendre Dieu favorable: et maintenant ceux qui lont renié refusent de le prier et de satisfaire à sa justice! Je vous en prie, mes frères, suivez nos conseils, profitez du remède salutaire. Unissez vos larmes à. nos larmes, vos gémissements à nos gémissements. Nous vous prions dabord, afin que nos prières soient efficaces auprès de Dieu et quelles fléchissent sa justice en votre faveur. Faites pénitence; quon voie en vous la tristesse et les gémissements du repentir. Ne vous laissez pas arrêter par lerreur ou la stupidité de certains hommes qui poussent laveuglement jusquà. méconnaître leurs crimes et à. ne pas les pleurer. Cest le châtiment le plus sévère que Dieu puisse infliger à. un pécheur; cest lesprit de vertige dont parle le prophète. Saint Paul nous dit à son tour (Thess., II) : Ils nont pas reçu lamour de la vérité, qui aurait pu les sauver; cest pourquoi le Seigneur leur enverra lesprit derreur, et ils croiront au mensonge. Ainsi la justice de Dieu frappe ceux qui repoussent la vérité et se complaisent dans le crime. En effet, ces hommes superbes paraissent en proie à la folie, ils méprisent les préceptes du Seigneur; ils négligent le remède; ils sobstinent dans limpénitence. Imprudents avant le crime, ils (99) deviennent ensuite rebelles. Ils cèdent à la menace et ils rougissent de paraître en suppliants. Quand ils devaient se tenir debout, ils sont tombés; et maintenant quon leur dit de se prosterner devant Dieu, ils veulent rester debout; ils usurpent une paix que personne na mission de leur donner. Séduits par des promesses trompeuses, ils sunissent aux apostats et aux traîtres; ils reçoivent lerreur au lieu de la vérité; ils se mettent en communion avec des excommuniés. Naguère la crainte des hommes les empêchait de croire en Dieu maintenant la crainte de Dieu ne les empêche pas de croire aux hommes. Fuyez-les, évitez-les avec soin. Leur parole se glisse comme un serpent; elle pénètre les âmes comme une contagion mortelle; cest un venin qui tue plus cruellement encore que la persécution. Je le répète, il ny a quun moyen dexpiation, la pénitence: ceux qui vous enlèvent la pénitence vous enlèvent lexpiation; ainsi, en acceptant témérairement une fausse sécurité promise par des téméraires, on se ferme à. soi-même le chemin du véritable salut. 17° Pour vous, mes frères biens-aimés, qui conservez la crainte de Dieu, vous dont la conscience coupable ne perd pas le souvenir de son état, reconnaissez vos péchés avec douleur, repassez-les dans lamertume de votre âme, ouvrez les yeux du coeur pour en comprendre toute la gravité et, pleins despoir dans la miséricorde du Seigneur, gardez-vous bien de vous attribuer un pardon trop facile. Si Dieu a tout lamour, toute la bonté, toute lindulgence dun père, il a aussi la sévère majesté dun juge. Que nos larmes soient en rapport avec la grandeur de nos fautes. Si la plaie est profonde, appliquons un remède, énergique; que la pénitence ne soit pas inférieure au péché. Vous avez renié votre Dieu, vous lui avez préféré votre patrimoine, vous avez violé son temple par un sacrilège, et vous croyez pouvoir lapaiser facilement? Vous avez dit quil nétait pas votre Dieu, et vous croyez avoir sur-le-champ des droits à sa (101) miséricorde? Priez, prolongez vos supplications; passez les jours dans les larmes, les nuits dans les veilles, étendus sur le cilice; ninterrompez pas vos gémissements; roulez-vous dans la cendre et dans la poussière. Le Christ vous couvrait comme un manteau; vous lavez perdu: quel autre vêtement pourriez-vous désirer? Vous avez mangé la nourriture du démon, choisissez le jeûne ; vous avez commis des fautes, effacez-les par des, oeuvres de miséricorde; vos âmes sont menacées de la mort éternelle, délivrez-les par dabondantes aumônes. Donnez au Christ ce que lennemi cherchait à vous ravir. Pourriez-vous vous attacher à des biens qui, en vous trompant, ont causé votre rune? On doit les sacrifier pour échapper à lennemi; on doit les fuir pour échapper aux voleurs, les vendre pour échapper au glaive. Sil vous en reste, le seul avantage que vous puissiez en retirer cest le rachat et lexpiation de vos fautes. Multipliez donc vos bonnes oeuvres; employez tous vos revenus à la guérison de vos blessures; remettez toute votre fortune entre les mains de ce Dieu qui doit vous juger. Cest ainsi quagissaient les premiers chrétiens. Leur foi était active et généreuse. Ils confiaient tout leur bien aux apôtres pour les distribuer en aumônes; et pourtant ils navaient pas à racheter les fautes sur lesquelles vous gémissez. Si vous priez, si vous avez recours aux larmes et aux gémissements de la pénitence, si vous fléchissez, par vos oeuvres, la justice divine, le Seigneur vous fera miséricorde. Il vous a dit lui-même : Je ne veux pas la mort du pécheur, mais quil se convertisse et quil vive. Revenez au Seigneur votre Dieu, dit-il encore, car il est bon, miséricordieux, patient, prêt à pardonner toutes nos iniquités. Il peut faire grâce au coupable et révoquer ses arrêts; il peut pardonner au pénitent qui multiplie ses bonnes oeuvres et ses prières; il peut avoir égard à ce que demandent les martyrs et à ce que font les prêtres. Si quelquun le touche davantage par ses oeuvres satisfactoires, sil apaise son indignation par lardeur de ses prières, il lui (103) donnera des armes nouvelles;jusque dans sa défaite, il lui enverra de nouveaux secoure pour renouveler et fortifier sa foi. Alors le soldat retournera au combat, il rentrera dans la mêlée, il provoquera lennemi et le regret davoir été vaincu doublera ses forces. Celui qui satisfera ainsi au Seigneur et qui, animé par la honte et le repentir, tirera de sa chute, avec laide de Dieu, une augmentation de courage et de foi, celui-là réjouira lÉglise quil avait attristée, et obtiendra, avec son pardon, la couronne de vie. 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