Apocalypse XVII
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Explication

CHAPITRE XVII.

DIVISÉ    EN  DEUX    PARTIES.

 

CHAPITRE XVII.

PREMIÈRE PARTIE.

EXPLICATION DE  LA  PREMIÈRE  PARTIE  DU  CHAPITRE XVII.

SECONDE PARTIE DU CHAPITRE XVII.

EXPLICATION   DE  LA   SECONDE  PARTIE DU CHAPITRE XVII.

 

PREMIÈRE PARTIE.

 

La bête aux sept têtes et aux dix cornes : la prostituée qu'elle porte : sa parure : son mystère.

 

1.  Alors il vint un des sept anges qui portaient les sept coupes, il me parla et me dit : Viens, je te montrerai la condamnation de la grande prostituée, qui est assise sur les grandes eaux ;

2. Avec laquelle les rois de la terre se sont corrompus, et les habitants de la terre se sont enivrés du vin de sa prostitution.

3.  Il me transporta en esprit dans le désert; et je vis une femme assise sur une bête de couleur d'écarlate, pleine de noms de blasphème, qui avait sept têtes et dix cornes.

4.  La femme était vêtue de pourpre et d'écarlate, parée d'or, de pierres précieuses et de perles, et tenait en sa main un vase d'or plein de l'abomination (a) et de l'impureté de sa fornication.

5.  Et ce nom était écrit sur son front : Mystère : la grande Babylone, la mère des fornications et des abominations de la terre.

6.  Et je vis la femme enivrée du sang des Saints et du sang des martyrs de Jésus; et en la voyant, je fus surpris d'un grand étonnement.

7.  L'ange me dit alors : Quel est le sujet de ta surprise? Je te vais dire le mystère de la femme et de la bête qui la porte, et qui a sept têtes et dix cornes.

8.  La bête que tu as vue était et n'est plus; elle s'élèvera de

 

(a) Grec : Des abominations.

 

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l'abîme et sera précipitée dans la perdition : et les habitants de la terre, dont les noms ne sont pas écrits au livre de vie dès l'établissement du monde, seront dans l'étonnement lorsqu'ils verront la bête qui était et qui n'est plus (a).

9. Et en voici le sens plein de sagesse : Les sept têtes sont sept montagnes sur lesquelles la femme est assise.

10.  Ce sont aussi sept rois, dont cinq sont tombés; l'un est encore , et l'autre n'est pas encore venu ; et quand il sera venu, il faut qu'il demeure peu.

11. Et la bête qui était et qui n'est plus, est la huitième (b) : elle est une des sept, et elle tend à sa perte.

 

EXPLICATION DE  LA  PREMIÈRE  PARTIE  DU  CHAPITRE XVII.

 

Sept empereurs idolâtres sous qui la dernière persécution est exercée. Maximien Herculius est un des sept : pourquoi il est aussi en quelque façon le huitième ?

 

1.  Un des sept anges. Cet ange exécuteur de la justice de Dieu, en va faire entendre les secrets à saint Jean dans un plus grand détail et lui expliquer en même temps la vision du chapitre XIII.

De la grande prostituée. Il faut voir sur la prostituée ce qui est dit Préf., n. 10, et sur le verset suivant, et encore à la fin de cet ouvrage dans l'Avertissement aux protestants, n. 9. Qui est assise sur les grandes eaux : qui domine sur plusieurs peuples, ci-dessous, 15.

2. Avec laquelle les rois de la terre se sont corrompus. Ils ont adoré, non-seulement les dieux romains, mais encore Rome elle-même et ses empereurs : c'est là aussi leur enivrement, ci-dessous, verset 4.

3. Dans le désert. Saint Jean est transporté dans un lieu où il ne voit d'autre objet que celui qu'il va décrire. Une femme assise sur une bête de couleur d'écarlate, pleine de noms de blasphème : c'est la bête qui est pleine de ces noms, comme il paraît par le grec.

 

(a) Grec: Quoiqu'elle soit, kai perestin. Une autre leçon du grec porte kai parestai, et elle doit venir. C'est ainsi qu'a lu saint Hippolyte, Demonst. de Antich., de l'édition de Gudius; à Paris, 1660, p. 50. — (b) C'est le huitième , qui est de ces sept.

 

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Cette bête, par les caractères qui lui sont donnés, est la même qui paraît au chapitre XIII. Elle a comme elle sept têtes, dix cornes avec dix diadèmes et des noms de blasphème, car on l'appelait la ville éternelle : on l'appelait dans les inscriptions Rome la déesse : on lui donnait le titre de déesse de la terre et des nations, Terrarum Dea Gentiumque Roma, Martial., Epigr. XII, 8. Et sur tout cela il faut voir ce qui a été dit au chapitre XIII, verset 1. On ajoute ici l'écarlate comme la couleur de l'Empire et des princes, et aussi pour signifier le sang répandu et la cruauté.

Une femme assise sur une bête. Saint Jean explique clairement que la bête et la femme ne sont au fond que la même chose, et que l'une et l'autre c'est Rome avec son empire. C'est pourquoi la bête est représentée comme celle qui a sept montagnes, verset 9, et la femme «est la grande ville qui domine sur les rois de la terre, » verset 18. L'une et l'autre est donc Rome; mais la femme est plus propre à marquer la prostitution, qui est dans les Ecritures le caractère de l'idolâtrie. Il est dit de Tyr « qu'après son rétablissement elle se prostituera de nouveau aux rois de la terre,» Isa., XXIII, 17. Ninive aussi est nommée « une prostituée, belle et agréable, pleine de maléfices, qui a vendu les nations dans ses prostitutions,» Nah., III, A. Isaïe parle aussi à Babylone comme à une prostituée : « On découvrira ta honte, on verra ton ignominie, ô toi qui t'es plongée dans tes délices ? » Isa., XLVII, 3, 8.

En ce sens il n'y eut jamais une prostituée qui ait égalé la vieille Rome : car outre ses dieux particuliers, elle adora tous les dieux des autres nations, qui tous avaient leurs temples dans Rome; et tel était son aveuglement, qu'elle mettait une partie de sa religion dans le culte qu'elle rendait à tous les faux dieux. Non-seulement elle était abandonnée à ces faux dieux, mais encore elle provoquât tous les peuples par son autorité et par son exemple à de semblables corruptions.

4. La femme était vêtue de pourpre. La couleur de son habit désigne Rome, ses magistrats et son empire, dont la pourpre était la marque : les pierres précieuses et ses richesses immenses paraissent sur elle comme les marques de sa vanité, et comme l'attrait

 

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de l'amour impur qu'elle voulait inspirer. Les anges et les saints sont habillés avec dignité, mais plus simplement. L'Eglise est représentée par une femme revêtue du soleil, environnée de lumière et de gloire : elle a des ailes quand elle veut fuir; tout y est céleste : ici on voit proprement la parure d'une prostituée : En sa main un vase d'or, selon ce qui est écrit : « Babylone est une coupe d'or qui enivre toute la terre ; toutes les nations ont bu de son vin, c'est pourquoi elles sont enivrées, » Jerem., LI 7. Par ce vin de Babylone , il faut entendre les erreurs et les vices dont elle empoisonnait toute la terre.

5. Sur son front : Mystère : comme s'il disait : C'est ici un personnage mystique : sous le nom de la prostituée, c'est Babylone ; et sous le nom de Babylone, c'est Rome. C'est le sens le plus naturel : mais on peut encore entendre, si l'on veut, que Rome avait ses mystères dans sa religion, sur lesquels sa domination était fondée. Elle était consacrée à Mars par sa naissance, ce qui la rendait, disait-on, victorieuse : dédiée par des auspices favorables, ce que les anciens appelaient Urbem auspicatò conditam. Elle avait ses divinations, et surtout elle avait les livres sibyllins, livres secrets et mystérieux où elle croyait trouver les destinées de son empire. La grande Babylone : Babylone dans l'Ecriture, c'est « la terre des idoles ; c'est la montagne empestée qui corrompt la terre, » Jerem., LI, 25, 47, 52. Ses idoles, ses enchantements, ses maléfices, ses divinations sont marqués dans tous les prophètes, et en particulier Isa., XLVII, 9, 12. On voit donc bien pourquoi saint Jean représente Rome sous le nom de Babylone, dont elle avait tous les caractères ; dominante comme elle, comme elle pleine d'idoles et de divinations, et persécutrice des Saints

qu'elle tenait captifs.

6. Je fus surpris d'un grand étonnement. Il ne savait ce que voulait dire un si nouveau et si étrange spectacle. Peut-être aussi fut-il étonné de voir que celle qu'on lui montrait si riche et si dominante, allait être en un moment précipitée.

8. La bête que tu us vue était et n'est plus. Ce n'est pas du temps de saint Jean que cela s'entend : on ne pouvait pas dire alors que la bête n'était plus, puisqu'on dit au contraire «qu'elle devait

 

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s'élever de l'abîme, et ensuite aller à sa perte. » On voit donc bien que l'ange parlait à saint Jean, non par rapport au temps où il vivait, mais par rapport à un certain temps où il le situe et auquel convient ce qu'il lui dit. Or le temps qui convient le mieux à toute l'analogie de la prophétie de cet apôtre, est celui que nous verrons verset 10, où le règne de l'idolâtrie commence à cesser. La bête qui était et qui n'est plus : cette bête, c'est, comme on a dit souvent et comme on va voir encore, Rome païenne avec son idolâtrie. Le grec ajoute : Et toutefois elle est, ou quoiqu'elle soit: ce qui sera examiné ci-dessous après le verset 10, lorsqu'on reprendra le verset 8.

9.  Les sept têtes sont sept montagnes... 10. Et sept rois. Il faut voir sur tout ceci ce qui est dit chapitre XIII, 1.

10. Cinq sont tombés. Ainsi le nombre de sept est dans les sept têtes un nombre précis, puisque saint Jean les compte et les voit passer les unes après les autres.

Cinq sont tombés : l'un est encore et l'autre n'est pas encore venu. Voici un dénouement manifeste de la prophétie. Le Saint-Esprit situe saint Jean à l'endroit de la persécution où de sept empereurs idolâtres sous lesquels elle avait été exercée, et que nous avons vus, XIII, 1, cinq étaient passés ou tombés, comme on voudra le traduire, c'est à savoir, Dioclétien, Maximien, Constantius Chlorus, Galère Maximien et Maxence. Un était encore, c'était Maximin. Le septième n'était pas encore venu; c'était Licinius, qui était bien déjà empereur, mais qui n'avait pas pris encore ce caractère qui lui est propre, d'avoir exercé en particulier, après tous les autres, une persécution dont il fut le seul auteur. Alors donc, et dans le temps où saint Jean s'arrête ici, c'est-à-dire au temps de Constantin, de Licinius et de Maximin, Licinius était si éloigné de ce caractère particulier de persécuteur, qu'au contraire il était d'accord avec Constantin; et les édits qu'on publiait en faveur des  chrétiens, se faisaient en commun par ces deux princes, Lact., de Mort, persecut., XLVIII; Euseb., X, v, etc. Loin d'être persécuteur, Licinius fut honoré  durant ce temps de la vision d'un ange. La prière que lui dicta ce bienheureux esprit pour invoquer le vrai Dieu, fut mise entre les mains de tous les

 

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soldats, et ce fut à ce même Dieu que Licinius rendit grâces à Nicomédie de la victoire qu'il remporta sur Maximin, Lact., de Mort., persecut., XLVII, XLVIII. Licinius demeura en cet état tant que Maximin fut au monde ; de sorte qu'il n'y a rien de plus précis que de dire, comme fait saint Jean, qu'alors les cinq premières têtes, c'est-à-dire les cinq premiers empereurs sous qui la persécution s'était exercée, étant passés, et Licinius le septième n'étant pas encore venu, il n'y avait que le sixième, c'est-à-dire Maximin, en état de persécuter l'Eglise.

Ce temps était précisément l'an 312 de Notre-Seigneur, où Maxence fut défait par Constantin et la croix érigée au milieu de Home par ce prince victorieux. Dieu, qui introduit ses prophètes dans les temps futurs, les y place en tel endroit qu'il lui plaît. Quand il est question de prédire la ruine de Babylone, les prophètes paraissent  assister, tantôt à la marche de Cyrus son vainqueur, tantôt au siège, tantôt au pillage. En un endroit de sa prophétie, Isaïe voit marcher Sennachérib, et lui marque tous ses logements; en l'autre, il le voit défait dans la terre sainte, et la Judée délivrée de son joug (1). Les prophètes voient Jésus-Christ tantôt naissant, tantôt dans sa passion et dans les souffrances, et tantôt aussi dans sa gloire (2). Le Saint-Esprit qui les pousse, les situe comme il veut, et il nous faut mettre avec eux dans cette même situation pour les entendre. Mettre l'apôtre saint Jean au temps que nous venons de marquer, c'était justement le mettre dans le plus beau temps de la victoire de Jésus-Christ : dans le temps où Galère Maximien venait de publier sa rétractation et son édit favorable aux chrétiens : dans le temps où Constantin et Licinius s'étaient déclarés en leur faveur : c'est le temps que saint Jean avait si bien vu et si clairement marqué dans les chapitres précédents, dans le chapitre XI, lorsque les témoins qu'on croyait morts pour jamais, avaient entendu cette voix d'en haut, qui leur disait : « Montez ici, » montez au comble de la gloire ; dans le chapitre XII, lorsque Satan perdit la bataille contre les anges et que précipité du ciel en terre, une voix fut entendue, qui disait :

 

1 Isa., x, 28; XIV, 25; XIII, XIV ; Ser. L, 51, etc. — 2 Isa., IX, 6; LIII; Ps, XXI, CIX, etc.

 

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« C'est maintenant qu'est établi le règne de notre Dieu et la puissance de son Christ, » XII, 9,10.

Il sera maintenant aisé d'entendre la partie du verset 8 de ce chapitre, que nous avons remis à expliquer jusqu'à ce que nous eussions vu celui-ci, c'est-à-dire le 10.

8. La bête que tu as vue, était et n'est plus : car saint Jean, qui avait vu d'abord la bête entière avec ses sept têtes, les vit ensuite passer les unes après les autres, selon que les persécuteurs devaient paraître plus tôt ou plus tard. Il en vint donc au point où il n'y avait qu'une tête, cinq autres étant tombées et la septième ne paraissant pas encore. La bête alors lui dut paraître comme n'étant plus; car à voir combien promptement étaient tombées les cinq autres têtes, il était aisé déjuger que la sixième ne durerait guère et que la bête tirait à sa fin : c'est pourquoi aussi l'ange lui dit dans ce même verset, selon une leçon du grec : Et elle va à sa perte; ce qui convient aussi parfaitement à la fin de ce verset, selon le grec : car, au lieu que la Vulgate porte simplement que la bête était et n'est plus, le grec ajoute : Quoiqu'elle soit, ou, elle est pourtant, pour faire entendre à saint Jean que dans la langueur où elle lui paraissait, si elle était en quelque façon par un reste de vie, il la pouvait regarder comme n'étant plus, puisque même on lui déclarait que la septième tête, c'est-à-dire le septième persécuteur qui devait venir, durerait peu, comme nous allons voir.

10. Et quand il sera venu, ce septième persécuteur, Licinius : Il faut qu'il demeure peu : il avait été fait empereur en l'an CCCVI1. Il avait régné glorieusement dix ou douze ans. Quatre ou cinq ans après qu'il se fut élevé contre Constantin et contre l'Eglise, il fut battu et périt, et ce fut environ l'an CCCXXIII, Euseb., X, VIII, IX, de Vit. Const., XLIX et seq. ; II, I et seq.; Chron., an. 320, 324. Cette persécution dura seulement trois ou quatre ans, et on la peut compter pour courte à comparaison de la grande qui avait duré dix ans. Au reste il ne sert de rien de demander si Licinius avait persécuté auparavant, car déjà on n'en voit rien : tout ce qui paraît de lui avant le temps dont nous parlons est favorable aux chrétiens; et le Saint-Esprit, pour ainsi parler, s'attache à

 

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découvrir les grands caractères, c'est-à-dire les caractères marqués et particuliers.

II. Et la bête qui était et qui n'est plus, est elle-même la huitième. Le grec porte : Le huitième roi, et il est des sept, et il va à sa perte. Voici encore un admirable dénouement. Maximien Herculius, un des sept persécuteurs, quitta l'empire avec Dioclétien ; puis le reprit et fut appelé Maximianus bis Augustus : « Maximien deux fois empereur, » Lact., de Mort, persecut., XXVI. Le voilà donc double et en état d'être compté comme le huitième, quoiqu'il eût été un des sept.

Reste la difficulté, pourquoi ce Maximien est ici appelé la bête ; mais elle demeure résolue par ce qui a été dit, XIII, 2, puisqu'on y voit que le léopard qui représente, comme on y peut voir, Maximien surnommé Herculius, fait en effet le corps de la bête, comme le lion et l'ours, c'est-à-dire Dioclétien et Galère Maximien en font la gueule et les pieds. Il est donc en un certain sens appelé la bête, parce qu'il est représenté comme en faisant le corps ; quoiqu'en un autre la bête entière soit la bête considérée toute ensemble, non-seulement avec son corps, mais encore avec ses têtes, sa gueule et ses pieds. Voilà donc pour ce qui regarde les sept têtes, et je ne crois pas qu'il y reste la moindre difficulté. Mais le dénouement des dix rois sera encore plus remarquable par les grands et singuliers événements que l'ange nous y va découvrir.

 

SECONDE PARTIE DU CHAPITRE XVII.

 

12.  Les dix cornes que tu as vues sont dix rois, qui n'ont pas encore reçu leur royaume ; mais ils recevront comme rois la puissance à la même heure après la bête (a).

13.  Ceux-ci ont un même dessein, et ils donneront leur force et leur puissance à la bête.

14. Ceux-ci combattront contre l'Agneau; mais l'Agneau les vaincra, parce qu'il est le Seigneur des seigneurs et le Roi des rois, et ceux qui sont avec lui sont les appelés, les élus et les fidèles.

 

(a) Grec : Avec la bête

 

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15. Il me dit encore : Les eaux que tu as vues, où la prostituée est assise, sont les peuples, les nations et les langues.

16.  Les dix cornes que tu as vues dans la bête, ce sont ceux qui haïront la prostituée, et ils la réduiront dans la dernière désolation : ils la dépouilleront, ils dévoreront ses chairs et ils la feront brûler au feu.

17.  Car Dieu leur a mis dans le cœur d'exécuter ce qu'il lui plaît ; de donner (a) leur royaume à la bête jusqu'à ce que les paroles de Dieu soient accomplies.

18. Et la femme que tu as vue, est la grande ville qui règne sur les rois de la terre.

 

EXPLICATION   DE  LA   SECONDE  PARTIE DU CHAPITRE XVII.

 

Les dix rois qui détruisent  Rome; quatre caractères de ces rois.

 

Les dix cornes que tu as vues, sont dix rois. L'auteur du Commentaire sur l'Apocalypse attribué à saint Ambroise, et que nous avons vu être Bérengaude, écrivain du septième siècle, Préf., n. 7, dit clairement que par ces dix rois sont désignés dix royaumes, « par qui l'Empire romain » a été détruit, et il compte ces destructeurs au nombre de dix, qui sont « les Perses et les Sarrasins, devenus maîtres de l'Asie, les Vandales de l'Afrique, les Goths de l'Espagne, les Lombards de l'Italie, les Bourguignons de la Gaule, les François de la Germanie, les Huns de la Pannonie, les Alains et les Suèves de beaucoup d'autres pays qu'ils ont ravagés. » Il faut donc entendre par ces dix rois ceux qui ruinèrent Rome et en démembrèrent l'empire, principalement en Occident. Le nombre de dix est grand pour des rois, et il est vrai que l'Occident est déchiré presque en même temps par un grand nombre de rois qui composent de grands royaumes de ce débris de l'Empire. On voit paraître à peu près dans le même temps les Vandales, les Huns, les Francs, les Bourguignons, les Suèves, les Alains, les Hérules, à qui succèdent les Lombards, les Allemands, les Saxons; plus que tous ceux-là, les Goths, qui sont les vrais destructeurs de l'Empire. Bien ne force à se tourmenter pour les

 

(a) Grec : Et de conspirer à un même dessein, et de donner.

 

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réduire précisément au nombre de dix, encore qu'on les y put à peu près réduire par rapport aux royaumes fixes qu'ils ont établis. Mais un des secrets de l'interprétation des prophètes, est de ne pas chercher de finesse où il n'y en a point, et de ne se pas perdre dans les minuties, quand on trouve de grands caractères qui frappent la vue d'abord. Nous avons déjà vu souvent que rien n'oblige aux nombres précis, que lorsqu'ils sont marqués dans la prophétie comme un caractère particulier ou de la chose ou du temps. Ici sans qu'il soit besoin d'un plus grand détail, c'est un caractère assez remarquable que d'un seul empire il se forme tant de grands royaumes en diverses provinces d'Espagne, en Afrique, dans la Gaule Celtique, dans l'Aquitanique, dans la Séquanoise, dans la Grande-Bretagne, dans la Pannonie, dans l'Italie et ailleurs ; et que l'Empire romain soit abattu dans sa source, c'est-à-dire en Occident où il est né, non point par un seul prince qui commande en chef, comme il arrive ordinairement, mais par l'inondation de tant d'ennemis qui agissent tous indépendamment les uns des autres.

Ces rois qui démembrent l'Empire romain, ont quatre caractères marqués dans toutes les histoires ; et si nous les entendons, il n'y aura plus de difficulté dans la prophétie de saint Jean.

Dix rois qui n'ont pas encore reçu leur royaume : soit qu'on entende cet encore du temps où saint Jean écrivait, ou de celui dans lequel nous l'avons vu situé, c'est-à-dire en l'an 312, et du temps que Constantin donna la paix, ces rois destructeurs n'avaient encore rien dans l'Empire : ainsi le royaume qu'ils y devaient avoir ne leur était pas encore donné; même à vrai dire ils n'avaient aucun royaume fixe, mais ils sortaient tous de leur pays, ou en tout cas des lieux où ils étaient, pour chercher avec tout leur peuple à s'établir ailleurs et dans un empire étranger. C'est le premier caractère de ces rois : et il va être expliqué encore plus clairement.

Mais ils recevront comme rois la puissance à la même heure après la bête, comme s'il y avait meta to therion, mais le grec porte : meta tou theriou, cum bestià, « avec la bête. » Saint Irénée, André de

 

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Césarée avec Aréthas et Primase lisent comme le grec (1), et c'est une grande autorité pour l'antiquité de cette leçon. J'en trouve une autre dans saint Hippolyte (2) : car en lisant comme le grec, meta tou theriou « avec la bête, « il le détache du verset 12, pour le mettre à la tête du verset 13 ; en sorte que les rois ne reçoivent pas la puissance avec la bête, mais ils ont avec elle un même dessein.

Outre cette diversité du texte, il y en a encore pour la version de ces paroles du grec : mian oran ; la Vulgate traduit unâ horâ, « à la même heure; en même temps; » d'autres traduisent : « Pour une heure, pour un peu de temps, » comme s'il y avait pros mian oran. Chacune de ces versions a ses défenseurs, et parmi les catholiques et parmi les protestants. Toutes deux sont rapportées comme indifférentes dans la Bible des Elzevirs. Mais l'ancien traducteur de saint Irénée, qui est peut-être lui-même et qui en tout cas est devenu original, tourne uncl horâ, V, XXVI : et l'autorité d'un si grave et si ancien auteur confirme beaucoup la Vulgate. Primase tourne aussi de même, lib. in Apocal.

Je m'en tiendrais volontiers à la leçon, aussi bien qu'à la version de saint Irénée et de Primase, à cause de l'antiquité et de l'autorité de ces deux auteurs, et particulièrement du traducteur de saint Irénée.

Pour le sens, il importe peu de quelle manière on lise et on traduise. Ces dix rois viendront comme en même temps dans l'empire de l'Occident, pour y régner avec la bête, c'est-à-dire avec Rome, qui ne perdra pas tout à coup toute sa puissance ; et ce sens, qui est le plus autorisé, est en même temps le plus naturel : mais si l'on veut suivre la leçon : Après la bête, on dira qu'après que la bête, c'est-à-dire Rome, aura reçu le grand coup dans sa prise par Alaric, les rois se jetteront sur elle comme en même temps et par un commun effort, pour envahir ses provinces ; ce qui est très-véritable.

Il est vrai aussi que ces rois s'entendront avec Rome, comme la suite le fera paraître, et régneront avec elle; mais ce sera pour

 

1 Iren., V, XXVI ; Prim., X in Apoc; hic And. Cœs., et Areth., hic. — 2  Hipp. Gud., cap. XXXVIII, p. 51.

 

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un peu de temps, parce qu'ils se tourneront bientôt contre elle. Tout cela va être éclairci.

Enfin si nous lisons avec saint Hippolyte : Avec la bête, à la tête du verset suivant, en sorte que les dix rois aient un même dessein, non-seulement entre eux, mais encore avec la bête et avec l'Empire romain, il faudra rapporter cela au temps où ils étaient unis, comme on va voir.

13. Ceux-ci ont un même dessein. C'est le dessein de s'établir dans les terres de l'Empire romain, et c'est une suite du caractère que nous venons de remarquer. Les rois dont il s'agit ne sont pas des rois comme les autres, qui cherchent à faire des conquêtes sur l'Empire pour en agrandir leur royaume ; ce sont tous rois sans royaume, du moins sans aucun siège déterminé de leur domination, qui cherchent à s'établir et à se faire un royaume dans un pays plus commode que celui qu'ils ont quitté. On ne vit jamais à la fois tant de rois de ce caractère qu'il en parut dans le temps de la décadence de l'Empire romain, et voilà déjà un caractère bien particulier de ce temps-là : mais les autres sont beaucoup plus surprenants.

Et ils donneront leur force et leur puissance à la bête : leurs armées seront à la solde de Rome et dans l'alliance de ses empereurs. C'est le second caractère de ces rois destructeurs de Rome, et la marque de la décadence prochaine de cette ville autrefois si triomphante, de se trouver enfin réduite à un tel point de foi-blesse, qu'elle ne puisse plus composer d'armées que de ces troupes de barbares, ni soutenir son empire qu'en ménageant ceux qui le venaient envahir.

Ce temps de faiblesse est très-bien marqué dans ces paroles de Procope : « Alors la majesté des princes romains était si affaiblie, qu'après avoir beaucoup souffert des barbares, elle ne trouvait point de meilleur moyen de couvrir sa honte qu'en se faisant des alliés de ses ennemis et en leur abandonnant jusqu'à l'Italie, sous le titre spécieux de confédération et d'alliance. Procop., de Bell. Goth., lib. I, init. Le même auteur a remarqué qu'il y avait déjà longtemps qu'on était tombé dans cette faiblesse, « puisque dès le temps du roi des Goths Alaric, on avait reçu dans l'alliance les

 

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Syriens, les Alains et les Goths; ce qui fit, dit-il, qu'on eut beaucoup à souffrir d'Alaric, » ibid. En effet on fit avec lui divers traités, tous malheureux, pour l'empêcher de prendre Rome, Zoz., V, VI. On l'entretenait encore d'espérances, pendant que la puissance romaine tombait en morceaux. Saint Jérôme nous représentant les ennemis innombrables qui la déchiraient un peu avant la prise de Rome , n'osait nommer les Goths, que l'on comptait encore parmi les amis, Epist. IX ad Ageruch. Honorius avait consenti qu'ils se missent en possession de la Gaule et de l'Espagne ; et enfin faute d'avoir tenu ce traité, Rome périt, Jorn., de Reb. Goth.

Il était bien visible que par ces honteux, mais nécessaires ménagements, Rome ne se sauvait pas; elle ne faisait qu'un peu différer sa perte, et mettait cependant ses ennemis dans son sein. Valens ressentit le mauvais effet d'un si faible et si dangereux conseil. Les Goths qu'il avait reçus dans une province romaine, le firent périr ; cependant il est certain qu'on les y avait mis pour le garder; et c'est pourquoi saint Ambroise écrivait à l'empereur Gratien : « Comment a-t-on pu croire que l'Empire romain pût être en sûreté sous une telle garde? » Ambr., de Fid. ad Grat., lib. II, sub fin. Outre les Alains et les Goths, on trouve encore dans Procope, parmi les alliés des Romains, « les Hérules et les Lombards, » ibid., II, III, c'est-à-dire les maîtres futurs de Rome et de l'Italie. Sous Théodose le Grand et sous ses enfants, nous voyons les Francs, nos ancêtres, tenir un rang considérable dans l'armée romaine sous la conduite d'Arbogaste, leur chef, qui pouvait tout dans l'Empire, Zoz., IV, etc. Les Alains et les Huns servaient contre Radagaise dans l'armée d'Honorius, sous la conduite de Stilicon, id., lib. V; Oros., VII, c. XXXIX. Uldis, roi des Huns, est allié des Romains, Sozom. VIII, 5. (a) Les mêmes agirent encore contre Alaric, Zoz., VI. Les Vandales furent reçus par Constantin dans la Pannonie et y demeurèrent très-obéissants aux empereurs, Jorn., de Reb. Goth. Les Francs, les Bourguignons, les Saxons,

 

(a) La phrase qu'on vient de lire ne se trouve pas dans l'édition princeps ; mais elle a été consignée, comme devant y être insérée , à la fin des Avertissements aux protestants, dans la revue que Bossuet fit alors de plusieurs de ses ouvrages.

 

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les Goths sont dans l'armée d'Aétius, général romain, au rang des troupes auxiliaires contre Attila, id., ibid. Et pour nous attacher aux Goths, à qui appartient principalement ou la gloire ou le déshonneur d'avoir vaincu Rome et désolé son Empire, on les voit dans les armées de Constantin, de Julien l'Apostat, de Théodose le Grand, de son fils Arcadius, Jorn., de Reb. Goth.; Oros., VII, XXXV ; Zoz., III ; Procop., de Bell. Vand., lib. I, init. On les voit dans celles d'Honorius, dont ils détruisirent l'empire; et il n'y a rien de plus exprès que ce que dit Paul Orose, que Rome fut prise par « Alaric, qui était l'un de ses comtes, » c'est-à-dire l'un des principaux officiers de son Empire, Paul. Oros., II, III. Ce même Alaric, le vainqueur de Rome, qui commanda sous Honorius, dont il abattit l'empire, avait déjà commandé sous Théodose dans la guerre contre Eugène. Ayant même été honoré en cette occasion des dignités romaines, Soz., VIII, XXV, il fut créé capitaine et général par Honorius, strategos, Sozom. IX, IV. Ce qui montre que les armées de ce roi goth, aussi bien que celles des autres, étaient devenues romaines, (a) Synèse, dans son discours à Arcade, lui représente les inconvénients d'avoir tant de barbares à la solde des Romains. Il était donc très-véritable que Rome, dans un certain temps marqué de Dieu, devait être soutenue par ceux qui la devaient détruire à la fin, comme il sera dit versets 16,17.

Prédire cet état de Rome de si loin, comme fait saint Jean, c'était après avoir vu les premières causes de sa chute dans la prise de Valérien, en pénétrer tous les progrès et voir enfin la disposition la plus prochaine de sa perte.

14. Ceux-ci combattront contre l'Agneau; mais l'Agneau les vaincra. L'auteur du septième siècle, dont nous avons déjà parlé, dit sur ce verset : « Ils ont combattu contre l'Agneau, parce qu'ils ont fait mourir le peuple de Dieu : mais l'Agneau les vaincra, parce que ces peuples se sont soumis pour la plupart au joug de Jésus-Christ. » Voici un troisième caractère de ces rois : d'abord

 

(a) Le passage commençant par ces mots : Ayant même été honoré, et finissant par ceux-ci : Etaient devenues romaines, a été ajouté à l'édition princeps, comme on l'a dit à la page précédente.

 

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ils seront tous idolâtres, et à la fin ils deviendront chrétiens ; et les Goths, qu'il faut principalement regarder pour les raisons qu'on a vues, n'avaient pas seulement été idolâtres, mais encore de cruels persécuteurs : témoin cet Athanaric, roi des Goths, païen, sous qui un nombre infini de chrétiens reçut la couronne du martyre, comme le rapporte saint Augustin, de Civit. Dei, XVIII, lu, Paul Orose, VII, XXXIII.

Les voilà donc qui combattent l'Agneau. Apprenons des mêmes auteurs comme l'Agneau les a vaincus : c'est, dit Orose . « qu'en s'établissant dans l'Empire, ils ont appris le christianisme dans son sein, et qu'on a vu les églises de Jésus-Christ remplies de Huns, de Suèves, de Vandales, de Bourguignons et de tant de sortes de peuples, à la confusion de ceux des Romains qui demeuraient obstinés dans leur erreur au milieu des chrétiens, » Oros., ibid., LXI. Saint Augustin dit souvent la même chose.

Il est vrai qu'une partie de ces barbares furent ariens : mais il y eut parmi eux une infinité de catholiques. Les Bourguignons l'étaient d'abord, quoiqu'après ils se soient pervertis. Pour les François, on sait combien véritable a été leur conversion. Celle des Saxons n'a pas été moins sincère en Angleterre. Tous les Goths se convertirent à la fin (2) ; et avant même qu'ils fussent catholiques , c'était déjà un commencement de la victoire de l'Agneau, de les avoir mis au nombre des chrétiens.

16. Les dix cornes... haïront la prostituée : c'est Rome, dit notre auteur du septième siècle, « qui était encore la prostituée dans les réprouvés qu'elle contenait en son sein. » Ajoutons à cette raison qu'elle était encore la prostituée après même que Constantin y eut érigé l'étendard de la croix, puisqu'on y voyait encore les idoles de tous côtés. Ce fut une des raisons de bâtir Constantinople, parce qu'après avoir détesté les idoles, Constantin voulut avoir une ville où il n'y en eût plus, Oros., VII, XXVIII ; Zoz., lib. II. C'était mériter plus que jamais le nom de prostituée, que d'aimer toujours ses idoles, malgré l'exemple et les défenses de ses empereurs; que de s'y livrer de nouveau à la première occasion, comme il arriva sous Julien; que de soupirer toujours

 

1 Paul. Oros., VII, XIV; ibid., XXXII; Soz., VII, XXX.

 

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après ces amants impurs et d'en oser demander la jouissance à ses princes; que de s'y abandonner à la dérobée, autant qu'elle pou-voit, et de persévérer dans ce dessein criminel jusque dans le temps de sa prise, comme on a vu.

Ils haïront la prostituée : ils la haïront d'abord, puisqu'ils viendront pour la piller et pour ravager son empire. Ils auront toujours cette haine dans leur cœur, puisqu'ils ne perdront jamais le dessein de profiter de ses pertes : néanmoins ils la soutiendront quelque temps pour les raisons qu'on a vues ; mais à la fin « ils la réduiront dans la dernière désolation, » lorsque Rome fut saccagée et tout l'Empire mis en proie. Ils dévoreront ses chairs, ses trésors et ses provinces. Et ils la feront brûler dans le feu : c'est le quatrième caractère de ces rois, d'avoir enfin mis sous le joug la ville la plus triomphante qui fut jamais , et d'en avoir désolé l'empire qui n'avait jamais vu son pareil depuis l'origine du monde. Au reste on n'a pas besoin d'attendre Totila pour trouver l'embrasement de Rome, comme font quelques interprètes, Grot., hic, etc. Sans descendre plus bas qu'Alaric, il avait menacé Rome du feu, Zoz., V. A la fin il tint parole. Saint Augustin, aussi bien qu'Orose, tous deux auteurs du temps, nous marquent trop clairement l'embrasement parmi les maux que souffrit Rome, pour nous en laisser aucun doute. S. Aug., serm. de Excid. Urb., VII; Oros., VII. C'est aussi ce qui fait dire à saint Jérôme : « La plus illustre des villes et la capitale de l'Empire romain a été consumée par un seul embrasement : ces Eglises , autrefois si saintes, sont tombées en cendres, » Epist. XII ad Gaudent. Il dit ailleurs que « les plus illustres de la noblesse de Rome virent alors leurs maisons pillées et brûlées; que du milieu de la mer, sainte Probe, qui s'enfuyait, contemplait sa patrie fumante, et que ses citoyens en virent les cendres, » De Virgin., ad Demetr. Notre auteur du septième siècle en expliquant ce verset, remarque « que ces rois haïrent Rome, parce qu'ils prirent les armes pour renverser son empire, qu'ils en pillèrent les trésors, et qu'ils en brûlèrent les villes. » Socrate écrit aussi qu'Alaric ayant pris Rome, les barbares brûlèrent une grande partie des admirables ouvrages de cette ville, en partagèrent les

 

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richesses et firent mourir un grand nombre de sénateurs par divers genres de supplice. Ce qui sert à expliquer tout ce verset 16 (a).

17.  Car Dieu leur a mis dans le cœur... Voici le grand mot: c'est que Dieu gouverne les cœurs des hommes, en sorte qu'ils n'avancent qu'autant qu'il lui plaît. C'est lui qui retenait les Goths durant tout le temps qu'il voulait laisser aux Romains pour faire pénitence; et quand ce temps fut écoulé , il lâcha la bride aux vainqueurs et marqua son doigt tout-puissant à la manière que nous avons vue. Hist. abrég., n. 14.

18.  Et la femme que tu as vue... Encore que l'ange ait fait voir assez clairement qu'il parlait de Rome , versets 9, 15, néanmoins après avoir montré clairement le supplice de cette ville superbe, il s'explique encore à la fin en paroles claires : « La femme, dit-il, est la grande ville qui règne sur les rois de la terre, » qui était du temps de saint Jean le caractère le plus manifeste et le plus certain de Rome.

La destinée en est donc marquée très-distinctement dans ce chapitre. On voit la cause de sa chute dans la persécution dont on nous marque les circonstances les plus particulières dans la première partie du chapitre. Voilà le crime pour lequel, elle est condamnée au dernier supplice ; et on voit les moyens prochains de l'exécution dans les rois dont les caractères sont si bien marqués : rois qui viennent envahir l'Empire; rois qui le soutiennent, lorsque Dieu ne veut pas encore qu'il tombe; rois qui le font périr sans ressource, lorsque l'heure de Dieu est venue; rois premièrement ennemis de Jésus-Christ, et enfin ses disciples. Qu'on dise maintenant qu'il n'y a point de Providence ni de prophétie.

Pour moi, en lisant celle de saint Jean, j'y vois le caractère de toutes les autres prédictions prophétiques ; je m'y sens conduire insensiblement du plus obscur au plus clair; des idées les plus générales et les plus confuses aux plus nettes et aux plus distinctes. C'est ainsi qu'on trouve les vérités découvertes peu à peu,

 

(a) Le passage, depuis Socrate écrit aussi qu'Alaric, jusqu'à la fin de l'alinéa, a été ajouté par l'auteur à l'édition princeps, comme on l'a dit p. 530.

 

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et de plus en plus dans Isaïe, dans Jérémie, dans Daniel. Saint Jean par la même voie, mais d'une manière, je l'oserai dire, encore plus nette, plus précise et plus ordonnée, est conduit au grand événement qu'il devait annoncer; surtout depuis le chapitre XI, où il commence à y entrer, on va de lumière en lumière. Là paraissent les persécutions, les victoires, les châtiments et toutes ces choses avec les grands traits qui les rendent reconnaissables. Ces grands traits sont des faits importants, des faits uniques, tels que ceux que nous avons remarqués dans toute la suite de ces prédictions ; et ces caractères marqués se découvrent à mesure qu'on avance. Quand on vient par tous ces progrès au chapitre XVII, on croit voir les cieux ouverts et tout le secret de la destinée de Rome révélé; et en ramassant ensemble tous les traits et toute la suite, ce n'est plus une prophétie, mais une histoire.

 

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