Instr. I - Grotius
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Plan - Théologie

REMARQUES SUR LES  EXPLICATIONS TIRÉES  DE GROTIUS.

 

Ce n'est pas d'aujourd'hui, ni à l'occasion de la nouvelle version , que j'ai senti une sorte d'autorité que gagnent insensiblement parmi plusieurs interprètes et théologiens, même catholiques, les commentaires de Grotius sur l'Ecriture, et ses autres ouvrages théologiques, et il y a dix ans que je me suis cru obligé

 

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d'avertir tous nos savants de prendre des précautions contre les pernicieuses nouveautés qui s'introduisaient par ce moyen dans l'Eglise. Les raisons en sont expliquées d'une manière démonstrative dans quelques notes latines, imprimées à la fin des Commentaires sur les ouvrages de Salomon sous ce titre : Supplenda in Psalmos. Encore que mes remarques qui consistent en des faits constants, ne souffrent point de réplique, je les fortifierai par d'autres observations encore plus convaincantes : en sorte que s'il plaît à Dieu, il demeurera pour démontré que si l'on peut tirer quelque utilité de cet auteur en le regardant comme un homme qui sortait peu à peu des ténèbres du calvinisme et des égarements des sociniens, on établirait les erreurs les plus énormes en le considérant comme orthodoxe.

Comme cette démonstration sera la matière d'un plus long discours qui serait ici hors de sa place, je découvrirai seulement par rapport à la nouvelle version, le mal que produisent les Commentaires de Grotius, dont l'auteur a rempli ses notes.

Je dirai avant toutes choses que son erreur est inexcusable, puisqu'il a parfaitement connu l'auteur qu'il a voulu suivre, et qu'il paraît avoir pris pour son modèle.

Il n'a pu taire deux fameuses Lettres de cet auteur à Crellius (1), où il loue les sociniens comme « des gens qui sont nés, » par leur doctrine et leur bonne vie, « pour le bonheur de leur siècle : » bono sœculi natos. A l'égard de Crellius en particulier, il proteste de s'attacher à la lecture assidue de ses écrits « pour les grands fruits qu'il reconnaît en avoir tirés, » et c'est là que notre traducteur rapporte lui-même « qu'il remercie cet unitaire de ce qu'il lui a montré le chemin pour examiner à fond le sens des Livres sacrés. »

On ne doit donc pas s'étonner qu'il ait rempli ses écrits de remarques sociniennes : je les relèverai ailleurs ; et je ferai voir en même temps qu'à mesure qu'il approfondissait les matières, il revenait de beaucoup de choses; mais enfin qu'il ne pouvait s'empêcher dans le temps de ses préventions pour Crellius, de nourrir ses notes de l'esprit dont il était plein : ce qui le fait tomber dans

 

1 Hist. crit. des comm., chap. LIV, p. 803.

 

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des sentiments si hardis, si nouveaux et si grossiers pour un savant homme, qu'on ne le peut imaginer si on ne le voit. A vrai dire, il ne fait presque qu'orner Crellius et le charger d'humanités et d'éruditions, en sorte que le fond de ses écrits se trouve rempli d'un socinianisme caché, ou pour mieux dire trop découvert : ce que notre traducteur n'a pu nier, puisqu'il « avoue que Grotius a favorisé l'ancien arianisme, ayant trop élevé le Père au-dessus du Fils : » et encore, q qu'il a détourné et affaibli quelques passages qui établissent la divinité de Jésus-Christ (1). »

Il voit par là que sans la nier, on peut tomber dans l'inconvénient de l'affaiblir : c'est de quoi nous l'avons convaincu lui-même : ce qui ne doit pas nous surprendre ; puisqu'avec des fautes si essentielles il est si fort prévenu en faveur de Grotius, qu'il ne craint point, comme on a vu, de reconnaître que pour « ce qui est de l'érudition et du box sens, il surpasse tous les commentateurs qui ont écrit avant lui sur le Nouveau Testament (2). » On voit assez jusqu'où peut porter la force de ces paroles, et ce qu'on peut renfermer dans le bon sens dont on fait comme l'attribut particulier de Grotius.

Avec des préjugés si favorables, on peut bien croire que nous trouverons très-fréquemment Grotius dans les notes de la nouvelle version; et comme l'esprit socinien ne consiste pas seulement dans l'opposition à la divinité de Jésus-Christ, l'auteur qui, comme on a vu, l'a si souvent copié sur ce point, sans doute n'aura pas été plus retenu sur les autres.

Le premier passage de cette nature qui se présente à ma mémoire, est celui-ci de saint Luc, XIII, 27 : « Retirez-vous de moi, ouvriers d'iniquité, » et nous avons vu que l'erreur des sociniens est d'éloigner de Jésus-Christ les seuls pécheurs d'habitude. Mais Grotius les favorise sur ces mots: ergatai, operarii, « parce que, dit-il, les Hébreux emploient les participes pour les noms verbaux. Saint Luc explique très-bien ce qui se trouve dans le psaume et dans saint Matthieu, VII, 23, ergadzomenoi, opérantes, par le mot ergatai operarii: Car, poursuit-il, ce qu'on veut marquer par ce mot n'est pas toute sorte d'acte, mais l'habitude et

 

1 Hist. crit. des comm., chap. LIV, p. 805. — 2 Ibid.

 

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l'inclination de toute la vie : » Non quivis actus, sed vitœ studium indicatur. Ainsi les sociniens auront raison de mettre à couvert de ce discedite de Jésus-Christ ceux qui auront commis les plus grands crimes, sans en former l'habitude de toute la vie, vitœ studium ; et Grotius leur fournit des armes contre la vérité.

Mais n'est-il pas vrai, dira-t-on, que le terme operarius, « ouvrier, » marque « une habitude? » C'est ce que voudrait Grotius : mais visiblement il se trompe. L'ouvrier « est digne de sa récompense, » dans le même saint Luc, X, 7, ergates ne veut pas dire celui qui a l'habitude de travailler, mais celui qui travaille actuellement et qui a fait sa journée. « La moisson est grande, mais il y a peu d'ouvriers, » encore en saint Luc, X, 2; et tout de suite : « Priez donc le maître de la moisson d'y envoyer des ouvriers : » partout ergatai, et partout pour le travail actuel. C'est pourquoi le grand « Père de famille dit à celui qui avait soin de ses affaires : Appelez les ouvriers, et payez-les de leur journée (Matth., XX, 8 ), selon la convention qu'il avait faite avec eux dès le matin ibid., I), » sans que l'habitude y fasse rien. Cependant si nous en croyons Grotius et les sociniens, ouvrier marque l'habitude : non actum, sed studium vitœ. Il n'y a qu'à le décider affirmativement et alléguer un hébraïsme, on fait passer par ce moyen tout ce qu'on veut: on élude même saint Matthieu, qui dans un endroit qui revient manifestement à celui dont il s'agit, se sert du mot ergadzomenoi, operantes, ce qui marque l'acte : et Grotius est bien assuré sans en marquer aucune raison, qu'il faut expliquer saint Matthieu par saint Luc, plutôt que saint Luc par saint Matthieu, au lieu de les unir tous deux ensemble. Après cette autorité de Grotius, notre auteur n'hésite pas à déterminer souverainement, que le mot operarii signifie « une habitude dans le vice : » voilà comme raisonnent nos gens de bon sens. C'est ainsi que sans égard à la tradition et aux endroits de l'Evangile les plus exprès, ils donnent gain de cause aux sociniens.

Le Fils de l'homme « est maître même du sabbat (Matth., XII, 8). » On a vu où fait pencher l'esprit socinien ; mais voici une décision de Grotius : « Ceux-là se trompent, dit-il, qui entendent Jésus-Christ en particulier. » Nous verrons ailleurs que ces

 

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manières de prononcer comme si c'était un jugement souverain, lui sont ordinaires : notre auteur le suit : et sur les plus faibles de toutes les conjectures qu'il ne s'agit pas d'examiner en ce lieu, ils dérogent à cent passages de l'Evangile, où le « Fils de l'homme » est déterminé à Jésus-Christ, sans qu'il y ait un seul exemple du contraire.

Nous avons trouvé étrange cette traduction de notre auteur : Sine me nihil potestis facere (Jean, XV, 5). «Vous ne pouvez rien étant séparés de moi. » Cette traduction plaît aux sociniens, parce qu'elle éloigne l'idée de la nécessité d'une grâce intérieure pour chaque acte de piété. Nous verrons ailleurs que Grotius ne l'aime pas davantage, et il s'en explique ici trop expressément ; Sine me, dit-il, c'est-à-dire, seorsim, separatim, « parce que, poursuit-il, on ne peut rien attendre de bon de celui qui se retire des préceptes et des exemples de Jésus-Christ. » C'est donc à quoi il réduit la grâce, après Pelage, aux préceptes, aux exemples, à ce qui raisonne ou paraît au dehors ; et les branches de la vigne de Jésus-Christ n'ont à recevoir aucune influence intérieure du cep auquel elles sont si unies : c'est ce qu'on apprend de Grotius.

C'est de lui que notre auteur a pris son Xoris emou, extra me, séparément d'avec moi, en alléguant la force du terme grec : mais quand Grotius saurait cent fois davantage de grec et qu'il produirait deux ou trois exemples où cette particule grecque veut dire séparément il ne fera pas que la Vulgate n'ait pour elle la multitude et le commun des exemples ; ni que les branches n'aient point d'autre besoin du cep dont elles reçoivent la vie au dedans, que de n'en être point séparées; ni enfin que son sentiment particulier prévale à la tradition de toute l'Eglise d'Occident, qui constamment a toujours traduit et expliqué comme nous faisons sine me, sans être jamais contredite.

« Aujourd'hui cette maison est sauvée » (Luc, XIX). « C'est, dit Grotius, la figure synecdoche ; et la maison est prise pour le père de famille. » Quel besoin de cette figure? Pourquoi ne vouloir pas croire avec le torrent des interprètes que la famille se soit ressentie de la présence de Jésus-Christ et du bon exemple du maître? On n'en voit point de raison: ce n'est rien contre le

 

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dogme de la foi, je l'avoue ; et il suffit qu'on remarque ici Grotius et notre auteur aussi bien que les interprètes sociniens entraînés par l'affectation de la singularité.

Si je voulais chercher d'autres exemples, mon discours n'aurait point de bornes. A l'ouverture du livre et en repassant pour une autre fin le chapitre XII de saint Matthieu, verset 36, je trouve « le compte qu'il faudra rendre au jour du jugement de toutes les paroles oiseuses : » avec la note, « que Jésus-Christ appelle paroles oiseuses, non-seulement les paroles inutiles, mais celles qui sont fausses et calomnieuses, et que la suite du discours fait voir que c'est de celles-là dont il s'agit en cet endroit. » Ainsi les saints Pères, et notamment saint Hilaire, saint Jérôme, saint Bernard parmi les Latins, et saint Grégoire de Nazianze (1), avec d'autres parmi les Grecs ; tous les spirituels latins et grecs, anciens et modernes, depuis Cassien, redoutent en vain la sévérité des jugements de Dieu, qui met à un si terrible examen jusqu'aux paroles qui ne sont mauvaises que parce qu'elles sont inutiles et hors de propos. Notre auteur les rassure, et a pour garant Volzogue et Grotius (2), qui veulent que ces paroles oiseuses, rema argon soient des mensonges ou des calomnies.

La note de notre traducteur s'appuie de saint Chrysostome, et de quelques autres commentateurs qui ont accoutumé de le suivre. Mais il ne sait point peser les paroles qu'il allègue : « La parole oiseuse, dit saint Chrysostome, est celle qui est proférée hors de propos, le mensonge et la calomnie. » Il commence par définir la parole oiseuse, selon sa propre notion, et la soumet au jugement à ce seul titre : et parce que les vains discoureurs tombent naturellement dans le mensonge, dans la médisance, dans la calomnie, il marque ces mauvaises suites de cette inutile parlerie (qu'on me permette ce mot). Est-ce là réduire la parole oiseuse au mensonge et à la calomnie ? Me veut-on obliger à rapporter toutes les paroles du Sage, qui montrent l'affinité de ce babil inutile avec l'humeur querelleuse? En sommes-nous encore réduits à examiner les raisons qui ont obligé le Sage à nous

 

1 Reg. brev. int., 23. — 2 Volzog., Comm. in Matth., hic; Grot., in eumd. loc.

 

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prescrire de parler peu (1) ? Mais faudra-t-il ramener ces femmelettes de saint Paul, « oiseuses, fainéantes, causeuses, curieuses, qui courent de maison en maison, pour ne rien dire de ce qu'elles doivent (2)? » Pourquoi ne veut-on pas que Jésus-Christ ait repris cette intempérance de langue en elle-même si mauvaise, et dont les suites sont si dangereuses ?

Mais, dit la note de l'auteur, « la suite du discours détermine à la calomnie, » Matth., XII, 36. C'est sans doute ce que voulait dire Volzogue (3), que les pharisiens dont Jésus-Christ reprend en ce lieu la malignité, ne proféraient pas « seulement des paroles inutiles contre Jésus-Christ, mais encore des mensonges et des blasphèmes : » ignorants qui n'entendent pas comment le discours passe naturellement d'un sujet à l'autre. S'ils aimaient mieux consulter la tradition que de montrer leur esprit par des conjectures, Bède leur aurait appris après saint Jérôme, à concilier tout et à entendre Jésus-Christ (4); « comme s'il disait : Si les discours inutiles sont portés au jugement de Dieu, combien plus vos blasphèmes calomnieux : » Ac si dixisset : Si saperfluœ locutionis est ratio reddenda, quanta magis criminosœ blasphemiœ vestrœ œternam damnationem generabunt ?

Je ne parle point de Théophylacte, ni d'Euthymius, qu'il faut réduire au sens de leur maître saint Chrysostome. Il est vrai que Théophylacte fait aller les paroles oiseuses avec le mensonge et la calomnie : mais il ne fallait pas omettre qu'il y ajoute « les discours sans ordre et sans raison, ataktous, » avec ceux qui sont « ridicules, dits pour faire rire : » ce qui suppose la vraie idée de ce qu'on appelle parole oiseuse ou inutile, laquelle n'a point d'autre but que de discourir sans nécessité, sans raison, et pour divertir seulement.

Au surplus, quand le ridicule est poussé jusqu'à « la bouffonnerie, scurrilia; ou jusqu'à un éclat de rire emporté et immodeste, » cachinnis ora dissolvit; ou ce qui est encore pis, « à quelque chose de sale et de malhonnête, » aliquid turpitudinis, saint Jérôme nous apprend que ce n'est pas là « une parole oiseuse,

 

1 Eccl., V, 1. – 2 I Timoth.,  V, 13. — 3 Volzog., Comm. in Matth. — 4. Ibid.

 

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mais criminelle : » hic non otiosi verbi, sed criminosi tenebitur reus (1).

Le même Père nous donne à sa manière nette et précise une exacte définition de la parole oiseuse, en disant que « c'est celle qui se profère sans l'utilité de celui qui parle et de celui qui écoute : » Otiosum verbum est quod sine utilitate et loquentis dicitur et audientis; comme par exemple, « si en laissant les choses sérieuses, » omissis sertis, « nous nous entretenons de choses frivoles et racontons de vieux contes : » Si de rebus frivolis loquamur, aut et fabulas narremus antiquas. Telle est l'idée de saint Jérôme, qu'il est aisé comme l'on voit de concilier avec celles de saint Chrysostome et de ses disciples.

Il y a longtemps qu'on a remarqué que les faux critiques, qui sont ordinairement des grammairiens outrés, mettent toute la délicatesse de leur esprit à examiner les paroles, peu sensibles à l'exactitude des mœurs. Ils ne songent qu'à raffiner : le texte grec de saint Matthieu ne leur suffit pas, quoiqu'il tienne lieu de l'original du Saint-Esprit : pour en éluder la force, ils vont deviner le mot hébreu dont ils veulent que Jésus-Christ se soit servi : c'est ce qu'a fait Grotius sur ce passage de saint Matthieu, et il préfère une conjecture à la pureté du texte.

Il y a d'autres endroits plus essentiels où ils méprisent l'austérité de la justice chrétienne. On sait que Grotius a employé toute son étude et tout son esprit à justifier l'usure : il n'a rien omis pour éluder le texte exprès de saint Luc, VI, 35, que toute la tradition a consacré à la condamnation de ce vice, et notre auteur l'a suivi dans le même endroit.

Qu'il me soit permis d'ajouter ici une note sur le verset 10 du chapitre VIII aux Hébreux : « Je leur donnerai des lois qu'ils retiendront et qu'ils observeront, les comprenant facilement. »

C'est tout ce qu'on dit sur ces paroles de Jérémie, citées par saint Paul : « J'imprimerai mes lois dans leur esprit et je les graverai dans leur cœur. » Ces vives expressions du Saint-Esprit ne voudront dire autre chose, sinon que ces lois seront « aisées à retenir et à observer, » parce qu'elles sont « aisées à comprendre. »

 

1 Hier., in Matth., hic.

 

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On ne parle point de l'esprit intérieur de la grâce qui agit dans les cœurs ; il n'y a qu'à bien retenir et à bien comprendre : il ne faut rien au dedans qui incline le cœur à aimer : ni l'Apôtre, ni le Prophète n'ont songé à la grâce dans un passage qui a été fait pour l'exprimer, et que toute l'Eglise catholique y a entendu ; l'on ne pouvait imaginer dans notre auteur un pélagianisme plus parfait.

C'est en effet que Crellius ne lui en avait pas appris davantage : « J'écrirai et je graverai mes lois dans leurs esprits et dans leurs cœurs, en leur donnant une raison très-suffisante ; causam sufficientissimam, pour en conserver un souvenir perpétuel et pour les mettre en pratique (1). » C'est ainsi que ce socinien paraphrase l'Apôtre et le Prophète, et après lui Grotius : « Le sens est, dit-il (2), je ferai qu'ils sauront tous ma loi par cœur : » memoriter, c'est-à-dire au premier sens, « par la multitude des synagogues qu'on a bâties en ce temps où l'on enseignoit la loi trois fois la semaine. » C'est à quoi s'arrête notre traducteur, et laisse là ce que son auteur lui aurait fourni sur un autre sens plus spirituel et plus sublime.

C'est ainsi que son livre s'est débité : depuis quelques jours on y ajoute un carton où sont ces paroles : « Je leur donnerai des lois et la grâce nécessaire, afin qu'ils les retiennent et les observent : » le traducteur n'avait oublié que la grâce dans un lieu qui est mis exprès pour l'établir. Cependant il a montré sa pente vers Pelage et les hérétiques qui le suivent : et il croit en être quitte pour un carton qu'on distribue après coup lorsqu'un ouvrage est répandu. Il se trompe : il fallait déclarer qu'il se repentait de cette prodigieuse inclination vers l'erreur.

Ceux qui joindront ces passages aux autres que nous avons traités, verront assez clairement que les sociniens et Grotius sont de même esprit, et que notre auteur qui les suit est inexcusable.

Au reste je veux présumer quelque chose de meilleur, encore que je parle ainsi. Je suis bien aise que l'auteur se soit aperçu de quelques-unes de ses fautes, et je souhaite seulement qu'il en avertisse expressément le public. On attend sa déclaration sur la

 

1 Crell., hic. — 2 Grot., hic.

 

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censure prononcée avec tant d'autorité et de discussion, dans la ville où se devait faire le grand débit de son livre : il tarde trop à témoigner sa soumission, tant sur les condamnations particulières qui toutes sont très-exactes, que sur celles qu'il a fallu prononcer en termes généraux qui ne sont pas moins véritables et n'étaient pas moins nécessaires, parce qu'il n'est pas possible de tout exprimer en particulier dans une censure. Il est donc temps que l'auteur acquiesce à un jugement si juste, et d'un si grand poids. Qu'il soit dans l'Eglise gallicane un second Léporius, qui réjouisse et édifie tout l'univers par la rétractation de ses erreurs ! Bien éloigné de lui vouloir nuire en lui donnant cet avis avec toute la charité qu'il doit attendre d'un évêque de sa communion, je tâche au contraire de lui inspirer des sentiments dignes d'un prêtre, et de rendre son érudition plus profitable à l'Eglise : et puisqu'il est évident qu'il s'est attiré ces répréhensions pour s'être secrètement attaché à des auteurs qu'il n'a osé nommer, j'espère que renonçant publiquement à ces conducteurs aveugles après lesquels il est tombé dans le précipice, il nous aidera dorénavant à désabuser ceux qui pourraient être encore trop prévenus en leur faveur.

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