Semaine de 2001

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Chapelle N-D du Vorbourg / CH-2800 Delémont (JU) / tél/fax + 41 032 422 21 41

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Illustrations

 

«Marie, Mère la plus aimée
et la plus aimante »

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Prédicateur: Père Jean-Luc Leroux, Oblat de St-François-de-Sales

Le Père Jean Luc Leroux a été élève au Collège Saint-Michel d'Annecy, dirigé par les oblats de saint François de Sales et il a accompli son noviciat en Suisse à Fribourg. Diplômé en sciences de l'éducation, il a prononcé ses voeux perpétuels en 1976 et a été ordonné prêtre en 1978 à Annecy. Il a exercé son ministère en communauté à Marseille, au service d'une paroisse et auprès des jeunes. De 1987 à 1999, le Père Leroux a vécu en communauté au Bénin en Afrique de l'Ouest, directeur du Centre diocésain. Aujourd'hui, il est au service des aumôneries universitaires et scolaires du diocèse de Lyon et poursuit son travail de recherche sur saint François de Sales aux Facultés catholiques de Lyon. Le thème de sa maîtrise en théologie est "L'eucharistie dans la théologie de saint François de Sales", sujet travailé durant ses études à Fribourg et Lyon. Si vous avez des questions à lui poser sur la spiritualité et la spiritualité salésienne, vous pouvez lui écrire : Jean Luc Leroux .

Sainte Léonie - Françoise de Sales Aviat

fdesales.jpg (35694 octets)

Cette année, en l'honneur de la canonisation de la Bienheureuse Léonie Françoise de Sales Aviat, la semaine du Vorbourg sera vécue avec saint François de Sales, vous pouvez consulter les pages de la Maison Chappuis à Soyhières.  et celle des Pères Oblats de Saint François de Sales, la Congrégation du Père Jean-Louis Leroux

Oeuvres de Saint François de Sales ; La Bienheureuse Léonie Françoise de Sales Aviat ; La Vénérable Marie de Sales Chappuis

Horaire de la Semaine

SEMAINE DU VORBOURG
9 AU 16 SEPTEMBRE 2001
Marie,Mère la plus aimée et la plus aimante

Dimanche 9 :16 h Célébration d'ouverture
Du Lundi au Samedi, le matin messes à : 5 h 30, 6 h 30, 7 h 30, 8 h 30 et 10 h.
Lundi 10 : 20 h Secteur Saint-Germain: paroisse de Courrendlin
Mardi 11 :20 h Paroisse de Delémont
Mercredi 12 :15h Bénédiction des petits enfants ;
                     20 h Vallée de Delémont: paroisse de Courfaivre
Jeudi 13 :10 h Dekanat Laufental: Kirchenchor Liesberg ;
               20 h Eucharistiefeier Volksgesang
Vendredi 14 :20 h Ajoie, Clos-du-Doubs: paroisse de Boncourt
Samedi 15 : 10 h Franches-Montagnes, Doyenné de Moutier -St-Imier -Bienne: paroisses de Lajoux, Saulcy et Les Genevez
Dimanche 16 : 15 h Célébration de clôture de la semaine

Prédicateurs: Père Jean-Luc Leroux, Oblat de St-François-de-Sales (messes de 8 h 30, 10 h et 20 h)
Pour le jeudi, 10 h et 20 h: Pfarrer Franz Sabo, Roschenz
Confessions: Au Vorbourg: Dès 7 h chaque matin et le soir dès 19 h.
A Mont croix: Le matin de 7 h à 10 h et l'après-midi de 16 h 30 à 18 h 30

 


 

Prédications

Dimanche 9 septembre 16h00 Ouverture des fêtes Homélie paroisse de Delémont

Homélie

Lundi 10 septembre

Messes de 8h30 - 10h - 20h

Homélie
Mardi 11 septembre Messes de 8h30 - 10h - 20h Homélie

Homélie de la messe du soir

Mercredi 12 septembre Messes de 8h30 - 10h - 20h Homélie
Jeudi  13 septembre Messes de 8h30 Homélie
Vendredi 14 septembre Messes de 8h30 - 10h - 20h Homélie
Samedi 15 septembre Messes de 8h30 - 10h - 20h Homélie
Dimanche 16 septembre Messe à 9h30

15h 00 Clôture des Fêtes du Vorbourg

23ème Dimanche To C

Homélie de clôture

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Homélies de la Semaine du Vorbourg 2001

 

Dimanche, paroisse de Delémont.

samedi 8 et dimanche 9 septembre
23ème dimanche du temps ordinaire

" Sur la route de la vie. "

    La parole de Jésus que nous venons d'écouter est difficile, certainement un peu dérangeante. Elle invite à faire des choix, elle pose des exigences, et des exigences radicales. Il n'y a qu'un chemin pour aller vers Dieu, quitter radicalement tout pour suivre Jésus. Renoncer à tout pour le Christ seul.

    Les exemples que Jésus donne nous renvoient aux trois forces qui, dans l'homme, orientent son cœur et ses actes. D'une certaine manière on peut y voir comme en écho une réponse aux trois tentations auxquelles Jésus a été soumis par Satan dans le désert, juste avant le début de sa vie publique, les tentations de la séduction, de l'avoir et de la puissance.

    La séduction ou l'affection tout d'abord. Qui aimer ? Jésus veut-il nous dire qu'il ne faut aimer personne, ne nous attacher ni à son père, ni à sa mère, ni à sa femme, ni à ses enfants, ses frères ou ses sœurs ? Jésus ne nous invite à une absence d'affection envers qui que ce soit mais à aimer différemment sans nous attacher exclusivement à l'amour envers quelque créature que ce soit. Parce que nous sommes créatures de Dieu, c'est au Créateur que nous devons réserver en priorité et d'abord notre amour et notre affection et à celui qui nous le révèle dans le quotidien de nos vies par son Esprit, son Fils, Jésus, le Bien-aimé. Mais il nous faut aussi comprendre cette exigence de Jésus comme un appel sans équivoque à ne faire aucune ségrégation dans nos relations humaines. Tout homme est digne d'amour et capable d'aimer. Tout homme est mon frère parce que tout homme créé à l'image et ressemblance de Dieu me dit Dieu ! Notre existence est marquée d'une certaine façon par la peur de l'autre, de celui qu'on ne connaît pas, qui est différent par la couleur de la peau ou la situation sociale, par la langue ou la culture, par l'exclusion ou la richesse. Dans le cœur de Dieu, il n'y a aucune différence. Un chant nous le rappelle. Que tes œuvres sont belles, Seigneur ! Tout homme est une histoire sacrée : l'homme est à l'image de Dieu. Sachons alors nous attacher radicalement au Christ, qui est le cœur de Dieu pour ne voir en chacun de nos frères que son image et sa présence.

    Le deuxième exemple nous renvoie à l'avoir, à la possession, à l'avidité, qui peuvent conduite à l'ambition et à la cupidité. Il semble qu'en ce changement de millénaire, les hommes soient profondément habiles à ce jeu. Il faut acquérir la sagesse du partage et savoir évaluer les biens nécessaires à notre vie.

    Le premier bien est le Christ lui-même. Il est notre seul bien. Il n'y a que lui dont nous sommes sûrs et qui nous est donné, au-delà de la mort, pour la vie éternelle. Rappelons-nous cette autre parabole de Jésus, celle de ce riche qui entasse dans ses greniers et à qui Dieu dit : à quoi cela sert-il, demain tu seras mort. Personne d'entre nous n'emportera ses biens avec lui. Alors que faut-il faire ? D'abord s'assurer que nous avons fait le bon choix, celui de l'Amour, du Christ, de Dieu. C'est celui de notre foi chrétienne. Si ce bien vient grandir dans notre cœur et remplir les greniers de notre amour, il sera pour nous un bien d'éternité. A une condition cependant, que notre cœur, comme celui de Dieu, nous fasse partager cet amour reçu avec tous nos frères les hommes. A nouveau il n'y a pas de différences, pauvres ou riches, noirs, blancs ou jaunes, l'amour n'a pas de frontière. Il transcende toutes les barrières humaines quand nous ne voyons en chaque être humain que le cœur de Dieu.

    Le troisième exemple est celui du pouvoir, de la puissance. Dans notre monde, que de tyrannies, de dictatures, de pouvoirs non seulement politiques mais aussi idéologiques, économiques, sociaux, raciaux, se sont établis entre les hommes et engendrent des situations d'oppression, d'inégalité, de guerre et d'injustice. Jésus nous invite à parier sur un seul et unique pouvoir, celui de l'amour qui abolit toutes les injustices et les inégalités et seul peut établir un monde de justice et de paix. Que faut-il faire pour l'acquérir ? A nouveau le choisir, lui, Jésus, radicalement ; par sa mort et sa résurrection il nous a délivrés de tout péché, de tout mal, de toute oppression et nous a réconciliés avec Dieu et entre nous. L'aimer, c'est refuser tout ce qui empêche à l'homme d'être reconnu dans sa dignité et sa liberté de fils de Dieu. L'aimer, c'est aussi nous engager pour que déjà le Royaume de paix, de justice et d'amour se construise chaque jour sur notre terre.

    L'invitation que Jésus nous lance aujourd'hui pour être son disciple en renonçant à tous les biens qui nous enchaînent est tout simplement de nous convertir à l'amour. Les deux premières lectures en sont l'illustration.

    Paul confie Onésime à son vieil ami Philémon. Il invite ce dernier à l'aimer comme un frère parce que l'esclave qu'il est réellement dans la société de son temps ne peut plus en réalité le rester au milieu de ses frères chrétiens. Tous sont fils du même Père, donc égaux en amour et dignité. Dans notre monde si marqué par les différences, Paul nous invite ici à notre tour à accueillir aujourd'hui tous les Onésime que nous côtoyons dans le quotidien de nos vies avec le seul regard d'amour de Dieu. Un chemin de conversion pas toujours facile à parcourir parce que nous sommes trop imprégnés de préjugés et de jugements. Les dernières lignes de cette lettre à Philémon doivent résonner en nos cœurs comme un message non seulement à entendre mais surtout à réaliser dans nos relations humaines.

    " Retrouve Onésime, dit Paul, bien mieux qu'un esclave, comme un frère bien-aimé : il l'est vraiment pour moi, il le sera encore plus pour toi, aussi bien humainement que dans le Seigneur Dieu. Donc, si tu penses être en communion avec moi, accueille-le comme si c'était moi. "
    Regarder et accueillir tout homme comme un autre soi-même, tel est ce chemin de disciple que Jésus nous invite à parcourir radicalement. Paul insiste aussi sur la qualité de cet accueil que non seulement nous devons vivre dans le Seigneur mais qui fait absolument partie de notre réalité humaine.

    Ceci nous devons ou pouvons le vivre car Dieu a inscrit au cœur de l'homme la vraie Sagesse. Nos pensées et nos visées humaines sont petites et mesquines. Que sont-elles devant la grandeur de l'Amour et de la Sagesse de Dieu ? Cette Sagesse et cet Amour, c'est Dieu qui nous les donne. Si nous les accueillons, si nous convertissons nos cœurs, si nous nous ouvrons à la vraie Sagesse de Dieu qui est Jésus, alors nos chemins, les chemins des habitants de la terre seront droits. Ils le sont depuis que le Christ nous a sauvés. A nouveau seulement d'ouvrir la porte de notre vie au Seigneur.

    En octobre 1978, les premières paroles de Jean-Paul II sur la loggia de la basilique Saint Pierre, juste après son élection comme pape, ont été des paroles de Sagesse et d'espérance : " N'ayez pas peur, a-t-il dit, ouvrez votre porte au Christ ! " C'est ce message qu'inlassablement nous pouvons découvrir dans le témoignage des apôtres et de l'Eglise depuis sa naissance. Le Christ est la route de notre vie, lui seul nous ouvre les portes du Royaume, lui seul, chemin, vérité et vie, nous mène vers le Père.

    Cela demande alors de notre part de l'aimer, de le connaître, de dialoguer avec lui dans la prière et de le reconnaître en chacun de nos frères. Parce que Jésus a pris notre humanité, le chemin de Dieu est maintenant l'homme. Par l'Esprit, Jésus habite l'homme de sa présence et de son amour. Par l'Esprit, Jésus devient dans chaque eucharistie nourriture de vie. Par l'Esprit, Jésus habite les évènements humains. Par l'Esprit, il transforme tout par amour. Les dernières paroles de la prière eucharistique nous le rappelle : " Par Jésus, avec Lui et en Lui, à toi, Dieu le Père Tout puissant, dans l'unité du Saint Esprit tout honneur et toute gloire pour les siècles des siècles. "

    Le baptême a fait de nous des enfants de Dieu, des frères de Jésus-Christ. Sacrement de vie, le baptême inscrit en tout notre être la marque indélébile de l'amour de Dieu. Pour le chrétien, le chemin du Christ n'est plus alors une option facultative, il devient une exigence de vie parce que le Christ l'habite. Exigence de vie qui n'aliène aucune liberté car il n'y a pas d'amour sans liberté. L'homme conscient de la présence en Lui du Ressuscité exerce alors sa liberté à vivre lui-même en ressuscité.
Avoir un visage de ressuscité c'est simplement se faire façonner à l'image de Jésus pour témoigner joyeusement de l'espérance qui habite l'homme. Ceci se vit dans la vie ordinaire, sans manifestation particulière de quelque ordre que ce soit. C'est le simple témoignage quotidien d'un amour reçu qui alors se partage dans ce qui fait l'existence de l'homme, sa famille, son travail, ses relations, ses joies et ses souffrances, ses espoirs et ses déceptions.

    Le chemin de Jésus ne fait jamais l'économie de la Croix. Mais ce sont à travers les petites croix quotidiennes assumées avec amour que notre cœur se purifie comme l'or dans le creuset et que notre amour de Dieu devient chaque jour un peu plus greffé sur l'amour même de Jésus. Ce chemin d'amour s'appelle la sainteté. Dès aujourd'hui nous pouvons en imprégner notre vie. Il suffit simplement d'ouvrir grandes les portes de notre amour, de notre cœur et de notre maison au Christ. Tous nos autres amours, tous nos autres biens s'y grefferont peu à peu et trouveront leur vraie place dans notre cœur et le cœur de Dieu.

    En mettant au centre de notre vie le Christ, toutes nos affections, alors, se purifieront par le fait même et nous aideront à construire une tour d'amour sur des fondations solides. Chacun de nos pas, chacun de nos gestes, chacune de nos paroles, quand ils sont expression de la vie du Christ en notre cœur sont les témoignages que Dieu attend de notre foi.

    Viendra le jour alors où on pourra dire comme saint Paul : " Ce n'est plus moi qui vit, c'est le Christ qui vit en moi. " Beaucoup de saints y sont parvenus à la fin de leur vie. Personne parmi nous n'est exclu de ce chemin de sainteté. Il suffit d'aimer à la suite de Jésus.

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OUVERTURE - dimanche 9 septembre -16h

Vêpres solennelles 

En juillet 1894, dans cette chapelle de Notre-Dame du Vorbourg, une femme prie. Elle renouvelle ce qui est au coeur de ses engagements et de sa vie, un élan total d'abandon dans le Seigneur .

«Me mettre entre les mains de Dieu, dit-elle, et de notre Père, comme un petit enfant qui ne sait rien, qui ne peut rien, mais qui veut, avec confiance, faire tout ce qu'on lui dira. » (1) 

Cette femme s'appelle Léonie Aviat, elle est religieuse et porte le nom religieux de Françoise de Sales. Elle est la fondatrice et supérieure générale des Soeurs Oblates de saint François de Sales, dont une communauté vit à Soyhières depuis le 26 mai 1893, dans la maison familiale de la famille Chappuis. C'est là que naquit cent ans auparavant la Mère Marie de Sales Chappuis, inspiratrice de la fondation des Oblates de saint François de Sales.

Notre pèlerinage cette année se place sous le patronage de Sain François de Sales, prophète de l'amour, prince-évêque de Genève, qui a vécu à la fin du XVIème et au début du XVIIème siècle. Il était habité par un profond amour de Dieu et des hommes.

« L 'homme est le paradis du paradis même, puisque le Paradis terrestre n'était fait que pour être le séjour de l'homme, comme l'homme a été fait pour être le séjour de Dieu. » (2) 

L'homme a été fait pour être le séjour de Dieu. Au coeur de la pensée salésienne, il y a une vision cosmique et totale de l'homme, cet homme inséré au coeur de la création qui lui a été confiée par Dieu. Parcourant les montagnes de Savoie, François de Sales ne cessait de s'émerveiller des beautés de cette création.

« J'ai rencontré Dieu, tout plein de douceur et de suavité parmi nos hautes et âpres montagnes où beaucoup de simples âmes le chérissaient et l'adoraient en toute vérité et sincérité, et les chevreuils et chamois couraient ça et là parmi les effroyables glaces pour annoncer ses louanges. »

Et il ajoute avec beaucoup d'humour: « Il est vrai que, faute de dévotion, je n'entendais que quelques mots de leur langage, mais il me semblait qu’ils disaient de belles choses. »(3 ) 

Et là, devant l'infinie beauté de la création, François découvrait la présence intime de Dieu, présent en toute création, une intimité qui devenait dialogue amoureux, louange intérieure de son coeur .

« J'ai eu un plaisir non pareil à penser au grand honneur qu'un coeur a à parler seul à seul avec Dieu à cet être souverain, immense, infini » (4) « En cette montagne si élevée, on n’y entend pas le bruit des créatures. » (5) 

    Et devant cette beauté, reflétant la beauté incommensurable de Dieu, il s'écrie :

    « Tout crie aux oreilles de notre coeur Amour, Amour! » (6) 

A travers cette contemplation salésienne de la Création, il nous faut saisir le regard que François de Sales porte sur l'homme. Rien en l'homme n'est indissociable, ni par l'extérieur, la création qui est sa demeure, ni dans l'intérieur même de son être. Il s'inscrit ici dans la conception biblique de l'homme, le corps n'existe pas sans l'âme, l'âme n'existe pas sans le corps; l'être humain est un tout, biologique, charnel, sexué, raisonnable, psychique, spirituel, etc. A travers tous ces aspects de notre humanité, nous découvrons un peu plus ce qu'est notre réalité humaine. Jésus, ayant pris notre condition humaine, a valorisé cette humanité. Par sa résurrection, par sa victoire sur le péché, il nous a recréés dans la cohésion de tout notre être. La vie-même de l'homme est d'agir pour se réaliser comme le Christ selon le plan de Dieu pour sa Création. Nous rejoignons ici ce que les Pères de l'Eglise n'ont jamais cessé d'affirmer, comme saint Irénée de Lyon :

« La gloire de Dieu, c'est l'homme vivant et la vie de l'homme, c'est la vision de Dieu.» (7) 

ou encore saint Athanase d'Alexandrie :

« Dieu s'est fait homme pour que l'homme soit fait Dieu. » (8) 

Cet accent sur l'Incarnation est profondément souligné dans la pensée salésienne. Parce que Dieu est harmonie, beauté absolue, l'homme, tout homme et tout l'homme, comme la création qui reflète la gloire de Dieu, est et doit être beau et harmonieux. En l'homme, en la communauté humaine, doit se continuer l'Incarnation, si l'homme applique à cela sa liberté et sa volonté. Car Dieu ne peut agir que si l'homme, en toute liberté, oriente toute sa volonté vers son amour pour l'inscrire dans son cœur, le vivre, en imprégner le quotidien de son existence et en être témoin au milieu de ses frères les hommes et au coeur du monde. Aimer Dieu ne demande pas que l'homme s'abandonne passivement à son amour, Aimer Dieu, c'est au contraire, se mettre debout, agir, orienter son être, sa volonté, tendre vers Dieu.

Mais pour cela, rien n'aurait pu être réalisé s'il n'y avait pas eu l'acte pur et simple d'abandon et d'amour de la Vierge Marie. A la suite de Ronsard qui écrivait :

    « Marie, qui voudrait votre beau nom tourner, il trouverait aimer » (9)

François de Sales joue avec les mots « Marie » et « aimer»

« Aussi n'est-elle (Marie) plus qu'amour, et en notre langage, l'anagramme de Marie n'est autre chose que aimer: aimer c'est Marie, Marie c'est aimer. » (10)

Il fallait que Jésus naisse d'une femme, comme nous l'a rappelé la lettre de saint Paul aux Galates, pour que nous aussi nous devenions des fils, libres d'aimer et capables d'amour, pouvant appeler Dieu « Abba » , Père !

L'évangile de saint Matthieu souligne encore cette proximité de Dieu qui a voulu... par une femme, devenir en son Fils Jésus l'un de nous. Jésus, le Seigneur qui nous sauve de nos péchés, l’Emmanuel, ce Dieu-avec-nous.

François de Sales, dans son Traité de l'Amour de Dieu, écrit :

« Entre toutes les femmes qu'il pouvait choisir... Dieu élut la très sainte Notre Dame, par l'entremise de laquelle le Sauveur de nos âmes serait non seulement homme mais enfant du genre humain. » (11) « Marie a été de toute éternité, prévue, regardée et prédestinée pour être Mère de Jésus, et comme telle, elle a été plus almée que tous les hommes et tous les anges ensemble.» (12) 

Marie a été prévue de toute éternité. Aimée dans le coeur de Dieu, elle a été choisie pour cette mission parce que Dieu dans son amour infini pour l'homme avait choisi de devenir l'un de nous pour que nous découvrions la profondeur de cet amour qu'il veut nous faire partager. 

Marie a été regardée de toute éternité. Regardée de ce regard d'amour dont Dieu ne cesse de nous envelopper. Il souhaite tant que son regard saisisse notre propre regard pour que son amour transforme notre vie et notre coeur . 

Marie a été prédestinée de toute éternité. Mais une prédestination qui s'inscrit dans la totale liberté de la réponse de Marie. Dieu n'agit jamais sans la volonté de l'homme. A Marie s'applique tout particulièrement ce que François de Sales écrit sur la grâce de Dieu et la liberté de l'homme :

« La grâce est si gracieuse et saisit si gracieusement nos coeurs pour les attirer qu'elle ne gâte en rien la liberté de notre volonté. » (13) 

Par Marie, nous entrons dans ce qu'on peut appeler la spiritualité de Nazareth, celle de la vie cachée, de l'instant présent pleinement vécu. Car par elle, Jésus a partagé trente-trois ans de notre vie humaine, vivant comme l'un de nous, ensemençant de l'amour divin toute existence humaine, donnant à chaque instant et à chaque évènement de la vie de l'homme, un sens et une saveur déjà éternelle. L'amour s'est incarnée concrètement dans l'existence humaine et rien de ce qui est humain n'est depuis étranger à Dieu.

Ce Christ agissant est Dieu, un Dieu amour, communiquant cet amour avec l'homme, la créature qui est son image, cet amour qui est vécu dans un échange incessant entre le Père, le Fils et l'Esprit. Marie a permis que nous soyons par le Christ invité à la table de l'amour trinitaire. 

C'est ce chemin de l'amour au quotidien qui est au coeur de la spiritualité salésienne et que Léonie Aviat, Mère Françoise de Sales, a progressivement fait grandir en elle.

« Cherchons à établir un printemps perpétuel dans notre cellule intérieure, (notre coeur) par les « oui » continuellement répétés aux permissions et volontés de Dieu. » « Comme il est bon de suivre pas à pas et jour par jour les indications de la Providence! » « Nous ne pouvons donner aux autres qu'après avoir reçu, et le Sauveur n'est pas avare de ses dons. Il nous les prodiguera même, si nous allons à Lui en toute confiance et abandon. » (14) 

Que pouvons-nous en tirer pour notre vie d'aujourd'hui, car notre monde nous interpelle. Comme le dit encore François de Sales,

« Le monde est tellement entré dans le coeur de l'homme que l'homme est devenu monde et le monde homme. » (15) 

Notre première attention doit se porter sur la création. Dieu l'a voulu au service de l'homme et l'homme s'est mis à l'exploiter à outrance jusqu'à la mettre d'une certaine façon en péril pour sa propre survie. Aujourd'hui on parle d'environnement, d'écologie. Ils sont au. coeur de notre destinée humaine. Le chrétien dans cette recherche d'harmonie entre l'homme et la création doit toujours se souvenir que la création est faite pour l'homme et non l'homme pour la création. Elle est l'oeuvre d'amour de Dieu pour l'homme. A chacun de nous d'être attentif à ce que les hommes d'aujourd'hui en font et à agir pour qu'elle soit toujours signe de la présence du Dieu d'amour.

L'homme est au coeur de la création. Il en est le sommet. Dans la transformation de notre monde, l'homme a fait de la création un objet dont il tire les besoins de son existence, depuis les fruits de la terre, ces produits agricoles jusqu’aux dernières inventions technologiques. Le vertige serait que l'homme pense qu'il puisse tout dominer, tout concevoir et maîtriser tout parfaitement. Or tout est en devenir. Rien n'est jamais acquis une fois pour toutes et l'homme est toujours rejoint par les questions existentielles de la vie, de la souffrance et de la mort. Nous sommes encore plus invités aujourd'hui à la modestie et à l'humilité.

Modestie, humilité, confiance, abandon, qui ne les a plus inscrits dans sa vie que la Vierge Marie. Aimée et choisie par Dieu, elle reste pour nous celle qui nous permet, en nous invitant à toujours poser notre regard sur son Fils, à avoir les yeux et le coeur fixés sur l'essentiel: Dieu, ce Père plein de tendresse et de miséricorde qui nous aime infiniment. En venant prier ici, laissons-nous façonner par Dieu à l'image de Marie.

 

(1) Marie-Aimée d'ESMAUGES, Léonie Aviat, Mère Françoise de Sales, Oblates SFS, Troyes, 1991 p.118

(2) SFS, Oeuvres Complètes, Edition d'Annecy -Tome V, page 483- OEA -V,483

(3) OEA -XIX,199

(4) OEA -XIII,311

(5) OEA -XXII,127

(6) OEA -XV,73

(7) AG HAMMAN, La Prédication des apôtres et ses preuves ou a foi chrétienne, DDB, Paris, 1977, p.98

(8) A THANASE D'ALEXANDRIE, Sur l'incarnation du Verbe, Paris, Le Cerf, 1973

(9) RONSARD, Le Second Livre des Amours, 1555

(10) OEA -VII,451

(11) OEA -IV ,100

(12) OEA -XXVI,90

(13) OEA -IV,89

(14) Léonie Aviat, Mère Françoise de Sales, La tradition Vivante, CIF, Epinay sur Seine, 1982, p. 29

(15) OEA -IX,343

 

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Lundi 10 septembre  

« Un oui d’amour jailli du coeur de Marie » 


« Pousse des cris de joie, fille de Sion ! une clameur d’allégresse, Israël, Réjouis-toi, triomphe de tout ton cœur, fille de Jérusalem ! » (1)   

Cette louange du prophète Sophonie est celle de notre cœur de chrétien devant le "oui" d’amour jailli du cœur de Marie que l’évangile de Luc vient de nous rappeler. 
    Ce "oui" d’amour s’inscrit dans l’histoire de notre humanité aimée par Dieu. Dieu nous a créés à son image. Le magnifique récit de la Création au début du livre de la Genèse nous le rappelle :
« Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa. » (2)
L’homme-image de Dieu est affirmé dans son unité, l’humanité, et dans sa diversité, l’homme et la femme. L’unité de Dieu qui est reflété dans tout l’univers est, comme l’écrit François de Sales « unique avec diversité et divers avec unité. » (3)
    L’homme unidivers est l’image d’un Dieu qui est dans son essence-même échange et mouvement parce qu’il est amour. L’homme alors ne se réalisera comme image de Dieu, comme icône de Dieu, qu’en agissant à son tour, avec continuité, pour achever la création. Il lui faut agir autant pour Dieu que pour ses frères, qui sont, chacun d’entre eux, image eux aussi de Dieu.
C’est cette action que Marie a réalisé par cette simple parole : (4)
« Voici la servante du Seigneur, que tout se passe pour moi selon ta parole. »  

Vivante image parfaite de Dieu, Marie, parfaite créature, parfaite humanité, par son Oui, son Fiat, répété chaque jour du jour de l’Annonciation jusqu’au Calvaire, a permis que Dieu réalise son plein d’amour pour l’homme en nous donnant son Fils. Sans ce Fiat, rien de Dieu n’eût pu passer en l’homme !
Comme nous le constatons, tout, même Dieu, dépendait de la liberté de l’homme, de la liberté de Marie. Il n’y a jamais d’amour sans liberté. 
    La réponse de Marie est le fruit d’une profonde union à Dieu qu’elle vivait déjà dans son cœur. Comme toutes les jeunes filles de son époque elle était pétrie de la culture hébraïque, de la connaissance de la Bible. Elle fréquentait la synagogue et Dieu faisait partie de son horizon quotidien. Elle le rencontrait dans la prière et à travers toute une vie rituelle spécifique qui rythmait le quotidien des jours.
Elle connaissait l’histoire de son peuple, depuis Abraham, le patriarche jusqu’à Isaïe et les Prophètes en passant par la libération d’Egypte du peuple hébreu qui fut conduit par Moïse jusqu’à cette terre promise, la terre d’Israël, où elle habite maintenant à Nazareth.
    Elle savait aussi comment tout au long de cette histoire, Dieu s’était à plusieurs reprises manifester aux hommes en particulier par un messager. Elle était donc prête intérieurement et culturellement à l’irruption de Dieu dans sa vie, à son intervention décisive dans l’histoire humaine. La révolution de l’amour venait s’enraciner au cœur de notre humanité. 
    Quand Gabriel se présente devant elle, reprenant les paroles des prophètes Sophonie et Zacharie, elle reconnaît la manifestation de Dieu et l’accueille alors dans la foi le message de l’ange. Elle ne cherche rien de merveilleux mais de faire simplement la volonté de Dieu. Elle accepte alors humblement en elle le don de Dieu et acquiesce en toute liberté à son désir. 
Femme libre, icône parfaite du Dieu d’amour, sa réponse est alors totale, elle s’abandonne par amour à la volonté du Père. Ce « oui d’amour » a ouvert par Jésus un océan de grâce et d’amour nous entraînant vers le rivage de la réconciliation et du pardon et vers le port du Royaume éternel. Dieu peut alors réaliser son dessein, libérer l’homme de son péché et le réconcilier avec Lui par la vie, la mort et la résurrection de son Fils, devenu l’un de nous par son Incarnation. 
    C’est là que nous mesurons à quel point Marie est unique dans le plan de Dieu. Pour François de Sales, Marie est la mère de Dieu, la Theotokos, comme le dit la liturgie orthodoxe. Marie est celle qui a eu un lien charnel avec Dieu puisqu’elle est la mère selon la chair dans l’Incarnation du Fils de Dieu. Sa personne et Dieu sont désormais inséparables, l’humain c’est Jésus en elle. Marie est donc unique dans le cœur de Dieu et le rapport avec Lui peut être exprimé ainsi : fille du Père éternel, mère du Fils de Dieu, épouse du Saint Esprit. En ce sens, François de Sales dit dans un sermon : 
 « Pour moi, j’ai accoutumé de dire qu’en une certaine façon la Vierge est plus créature de Dieu et de son Fils que le reste du monde. » (5)  
   

    Marie a été conçue dans les mêmes conditions qu’Eve, sans péché et libre. Mais elle va appliquer sa liberté non au refus mais à l’adhésion à la Parole de Dieu. Marie est ainsi l’achèvement du plan de Dieu qui, par sa création, voulait que tous les hommes soient semblables à Jésus-Christ. La Création, gâchée par le refus d’Eve et d’Adam, retrouve sa place première et redevient l’aboutissement véritable de l’alliance entre Dieu et l’homme, cette histoire d’amour qui donne à l’homme qui vit dans le temps la possibilité d’atteindre la perfection de la divinisation, la sainteté. 
    Cette perfection de l’amour, par son oui libre et total, a jeté Marie dans le cœur de Dieu par un abandon total à sa volonté qui va alors se manifester comme nous le rapportent les évangiles tout au long de sa vie avec son Fils. François de Sales va jusqu’à dire que ce seul acte libre de Marie, à travers son oui, a suffit pour n’avoir plus ensuite à exercer sa liberté désormais entièrement abandonnée à Dieu.
« La très sainte Vierge fit en sa nativité ce dernier renoncement en telle sorte qu’elle ne se servit (plus) jamais de sa liberté. Regardez bien tout le cours de sa vie, et vous ne verrez autre chose qu’une continuelle sujétion. Elle va au Temple, mais ce sont ses parents qui l’y mènent, l’ayant ainsi promis à Dieu. Bientôt après on la marie. Voyez sa sortie de Nazareth pour aller à Bethléem, sa fuite en Egypte, son retour à Nazareth ; en somme vous bne trouverez en toutes ses allées et venues qu’une sujétion et souplesse admirable. Elle en vient jusqu’à voir mourir son Fils et son Dieu sur le bois de la croix, demeurant ferme et debout à ses pieds, s’assujettissant à ce qui était du divin vouloir en adhérant à la volonté du Père éternel. Non par force, mais de son plein gré, elle approuve et consent à la mort de notre Seigneur ; elle baise cent mille fois la croix sur laquelle il est attaché, elle l’embrasse et l’adore. O Dieu, quelle abnégation est celle-ci ! Il est vrai que le cœur tendrement amoureux de cette douce Vierge était transpercé de véhémentes douleurs ; et qui pourrait exprimer les peines et convulsions qui passaient alors dans ce cœur sacré ! Néanmoins nous voyons qu’il suffit à cette sainte Dame de savoir que c’était la volonté du Père éternel que son Fils mourût et qu’elle le vit mourir, pour la faire tenir debout au pied de la croix comme agréant et acceptant cette mort. » (6) 

    La liberté et l’abandon, la pensée salésienne insiste sur ces deux dimensions pour répondre à l’amour de Dieu.
    Les deux confidents et conseillers de Léonie Aviat, le Père Louis Brisson et la Mère Marie de Sales Chappuis vivaient profondément cette liberté intérieure et cet abandon à l’amour divin. A leur école Léonie est entrée dans cette dynamique active de la liberté de l’amour et de l’abandon à la volonté de Dieu à chaque instant.  
    Nous rejoignons ici la spiritualité du moment présent si chère à tout disciple de François de Sales. Le Père Louis Brisson l’exprimera à Léonie Aviat de cette manière :
« dans l’âme la plus petite, la plus pauvre, saint François de Sales découvre le don de Dieu si minime qu’il soit et s’en empare. Il commence à mettre en elle l’amour de Dieu et cet amour, secondé par la bonne volonté, devenant le mobile de toutes ses actions, il lui fait peu à peu et insensiblement déraciner ses défauts et acquérir les vertus nécessaires. » (7) 

    Il s’agit donc de s’effacer, comme Marie, pour laisser Dieu agir, « il faut tout faire par amour et rien par force » (8), comme François de Sales l’écrit à Jeanne de Chantal, fondatrice avec lui de la Visitation. C’est par le "oui" intérieur du cœur de l’homme, réponse libre à l’appel de Dieu que se forge alors le creuset de l’amour. Il faut une union et une contemplation intérieure du Seigneur pour, par l’action, être alors témoins dans le monde de cet amour. Il est normal que le regard de l’amour nous attire vers le ciel, c’est ce qui nous permet sur cette terre de cheminer chaque jour vers le Royaume :
    « Vous êtes sorti du monde et vous montez pas à pas, nous dit François de Sales, ne regardez pas en arrière, voyez devant vos yeux le ciel. » (9)
    Marie nous invite à cette contemplation dans l’action, celle à laquelle aspire profondément François de Sales. Il écrit à Jeanne de Chantal :
    «  O ma fille, que j’ai de désir que notre vie soit cachée, avec Jésus-Christ en Dieu. Quand vivrons-nous nous-mêmes, mais non pas nous-mêmes, et quand sera-ce que Jésus vivra tout en nous ? » (10) 
    Quand Jésus vivra vraiment tout en nous ? C’est cette question que nous pouvons nous poser aujourd’hui. Quelle est la place et l’accueil que nous réservons au Seigneur pour qu’il soit tout en nous et nous entraîne vers nos frères pour vivre et témoigner de son amour ? Il nous faut simplement marcher avec confiance, remplis d’espérance. Déjà sur notre terre, le Royaume d’amour en est germe.
    « Ne voyez-vous pas les fleurs qui sortent et commencent à bourgeonner ? » (11) nous murmure François de Sales « Ne nous empressons-point ; ceux qui sont dans une barque où il y a bon vent, sans remuer, tire au port. » (12)
    Il me semble que par son oui libre et confiant, Marie nous trace un chemin.
 
    Dans notre monde marqué par la fragilité et l’incertitude tant au niveau des relations humaines que face à l’avenir, quels sont nos points de repère ? Pour nous, chrétiens, il y a déjà la certitude de se savoir aimé et accueilli par Dieu, à chaque instant, quelle que soit notre situation, aussi misérable soit-elle tant dans notre cœur que dans notre vie. Comme Marie, laissons-le nous cueillir tels que nous sommes, et lui donner notre confiance. Il suffit d’un peu d’amour. Le message de Jésus est celui du bonheur et de la paix, même si notre humanité reste encore déchirée par la haine, la guerre et la force des puissants. Mais Dieu veut le bonheur de l’homme et a confiance en lui. S’abandonner à son amour c’est croire que cet amour est à l’œuvre dans le monde et dans le cœur de chaque homme. Sachons changer notre regard sur l’homme, sur tout homme, sur tous les hommes et être attentifs à l’action de Dieu à travers les évènements de notre vie. Sachons aussi nous associer à l’action de tous ceux que l’injustice dérange et pour qui la justice et la paix au service des petits et des pauvres est une exigence vitale. Il suffit simplement de se lever et de se mettre en marche … 
    C’est ainsi que l’amour de Dieu s’inscrira dans le monde car l’amour seul peut transfigurer la vie.

 


(1)    Sophonie. So 3,14
(2)   Genèse. Gn 1,27
(3)   SFS, Traité de l’Amour de Dieu. Livre II, chapitre 2. La Pléiade, NRF, Paris, 1969, p. 415.
(4)   Luc. Lc 1,38
(5)   OEA – VII,458
(6)   OEA – IX,352-353
(7)   François de Sales, Prophète de l’Amour, La tradition Vivante, CIF, Epinay sur Seine, 1982, p. 33
(8)   SFS, Lettres d’amitié spirituelle, Bibliothèque Européenne, DDB, Paris, p. 169
(9)   OEA – XIII,97
(10) François de Sales, Prophète de l’Amour, La tradition Vivante, CIF, Epinay sur Seine, 1982, p. 19
(11)  OEA – IX,212
(12) OEA – XXVI,270

 

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mardi 11 septembre

" Une unique présence au cœur du cœur de Marie "

    Aujourd'hui notre regard se porte sur Jésus, chemin, vérité et vie. L'icône du Christ qui a été préparée devant le chœur nous rappelle qu'il est au centre de notre foi chrétienne. Etre chrétien, c'est être disciple du Christ qui nous révèle l'amour infini du Père. Le prophète Michée, comme bien d'autres prophètes, a annoncé sa venue, nous venons de l'entendre.
    " Et toi, Bethléem, le moindre des clans de Juda, c'est de toi que me naîtra celui qui doit régner sur Israël. " (1)
    Parole et Sagesse de Dieu, Dieu a établi son Fils de toute éternité, avant la création de la terre. Et c'est par Marie, par son oui d'amour et d'abandon, que l'enfant-Dieu surgit dans l'histoire humaine, au cœur même de la nuit des hommes, pour être lumière de Dieu au cœur du monde. Le merveilleux récit de la nativité de l'évangile de Luc nous rappelle cette naissance dans une mangeoire dans le silence de la nuit de Bethléem et dans une totale pauvreté. Les seuls témoins en seront les bergers et les anges qui rendront gloire à Dieu venu apporter aux hommes la paix pour les hommes qu'il aime.

    Cette naissance s'inscrit dans l'histoire d'amour que Dieu a désiré tisser avec les hommes depuis la création.
    " Tout ce que Dieu a fait, écrit François de Sales, est destiné au salut des hommes et des Anges. " Et il l'a fait selon " l'ordre de sa providence. " (2)
    " Entre toutes les créatures que Dieu, cette souveraine toute-puissance, pouvait produire, il trouva bon de choisir la même humanité qui fut jointe à la Personne de Dieu le Fils, auquel il destina cet honneur incomparable de l'union personnelle à sa divine Majesté, afin qu'éternellement, ce Fils jouît par excellence de sa gloire infinie. " (3)

    Cet amour infini, Dieu le partage éternellement avec son Fils, dans l'Esprit. Entre eux tout est amour, un amour tel qu'il doit être toujours partagé. C'est à cet honneur indicible de partager l'amour de Dieu que les hommes et les anges sont invités. Le propre de celui qui aime est en effet de se donner, et le propre de celui qui aime infiniment, c'est à dire Dieu, est de se communiquer sans mesure.
" Dieu, continue François de Sales, cette suprême Providence, disposa de ne pas retenir sa bonté en la seule Personne de ce Fils bien-aimé, mais de la répandre en sa faveur sur d'autres créatures ; et parmi cette innumérable quantité de choses qu'il pourrait produire, Dieu fit choix de créer les hommes et les Anges, comme pour tenir compagnie à son Fils, participer à ses grâces et à sa gloire et l'adorer et louer éternellement. " (3)

    Nous sommes ici au cœur du mystère de l'amour gratuit de Dieu pour l'homme, qui donne à notre humanité d'être si précieuse dans le cœur de Dieu. La pensée de François de Sales s'origine dans cet amour. Il invite toujours à voir en Dieu un Dieu d'Amour, loin de toute considération dogmatique et morale. Aimer Dieu est avant tout l'élan du cœur, celui de Dieu et celui de l'homme qui se rencontrent à l'invitation de Dieu. Notre foi est une foi en un Dieu Amour. Le cœur qui veut aimer Dieu ne doit être attaché qu'à l'amour de Dieu.

    Le point de jonction, la rencontre entre Dieu et l'homme, se fait en Jésus, par son Incarnation. François de Sales insiste sur ce " christocentrisme. " (4) Le Pape Paul VI pour la quatrième centenaire de la naissance de François de Sales, en 1967, qu'il qualifie de " Perle de la Savoie " (5) souligne que François nous propose à juste titre un " superhumanisme christocentrique " (5) Rien de ce qui existe n'aurait pu exister si Jésus Christ ne devait pas " naître " un jour parmi les hommes. Ce qui veut dire que tout ce qui existe porte la marque originelle et originale de Jésus, le Verbe fait chair. Jésus est vraiment Seigneur de l'Univers, le " Premier-né de toute créature " (6) comme le dit saint Paul. Il a été le premier conçu dans l'amour de Dieu quand il a voulu créer le monde et tout ce qui a été fait avant qu'il ne vienne assumer sa présence historique parmi nous, présence qui a toujours été voulu par Dieu pour que nous l'accueillions. C'est en ce sens qu'il nous faut toujours lire et comprendre l'Ancien Testament, la Première Alliance.
Nous savons cependant quel accueil par les siens a reçu Jésus, mais cela ne change rien à la volonté du Créateur. Bien plus la tragédie de la mort de Jésus est devenue l'Eucharistie de la Résurrection, la haine des hommes, loin de décourager Dieu, n'a fait qu'exciter sa tendresse et sa miséricorde envers l'homme : Jésus aime ses ennemis ! Il aime l'homme jusque dans son geste de haine ! Jusqu'à dire à son Père :
" Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font. " (7)

    Et c'est parce que le Père éternel ne peut pas regarder un homme sans y reconnaître son propre Fils qu'il aime de tout son amour de Dieu ; comment pourrait-il lui vouloir du mal ? Son amour sera plus fort que tout, il saura bien un jour vaincre la résistance de la liberté humaine qui a été faussée, il attendra. Cette attente soutenue et toujours la même, inlassable et vive, devient en Jésus ressuscité son action actuelle, constante et pleine de tendresse. Quand l'homme s'en aperçoit, il n'en croit pas son cœur. Oui, Jésus est vraiment venu au cœur de notre humanité pour nous révéler le cœur de Dieu, cet amour infini et inlassable dont il ne cesse de nous combler toujours chaque jour par son Esprit.
    Le monde est devenu christique ! Le théologien-poète Teilhard de Chardin en a tracé les grandes lignes. Rien de notre monde n'est ignoré par le Fils fait chair dans notre chair. Son Incarnation transfigure dès aujourd'hui la création et l'homme dont cette création est la demeure.
    La terre, le travail de l'homme, ses joies, ses souffrances, ses espoirs et ses peines, sont ce pain et ce vin que nous offrons dans chaque eucharistie, dons de Dieu même, devenus par Jésus création nouvelle et nourriture et boisson pour notre vie.
    Chaque eucharistie renouvelle l'Incarnation de Jésus au cœur du monde et de l'homme, et devient action de grâce au Dieu d'Amour. Et c'est là que nous rencontrons Dieu. Car rien de notre condition humaine n'a échappé à la vie humaine du Christ. Il l'a habitée personnellement. Jésus a parcouru tous nos chemins humains, semant l'amour de Dieu autour de lui auprès des petits, des pauvres, des paumés, des marginaux, des exclus de l'humanité, tous ceux qui n'ont souvent rien sauf un cœur gros d'amour, de tendresse et de passion pour tous les hommes.
    Jésus nous fait alors quitter l'esclavage de tous nos sabbats, ces principes et valeurs qui nous enchaînent trop souvent à tout ce qui est en " isme ", dogmatisme, idéologisme, moralisme, matérialisme, formalisme, etc. Il nous invite à enraciner dans notre expérience humaine l'amour infini de ce Père qui nous aime. Cet amour est inscrit au cœur de nos cœurs et fait de chacun de nous un homme ou une femme libre, digne d'amour et capable d'aimer. Cet amour regarde et accueille en l'autre sa dignité et sa liberté, sa soif d'être, de vivre et d'aimer, sa capacité à devenir à son tour amour, car il est image et ressemblance de Dieu.

    Toute la vie de Marie a été marquée par l'Incarnation dans sa propre chair du Fils de Dieu. Mère, elle est devenue disciple, façonnée par l'amour de Dieu, pouvant alors porter dans tout ce qu'elle vivait le message d'amour de son Fils.
    " L'on est accoutumé de dire que telle est la vie, elle est la mort, écrit François de Sales : de quelle mort pensez-vous donc que mourut la Sainte Vierge, sinon de la mort d'amour ? O c'est une chose indubitable qu'elle mourut d'amour. Elle a toujours été la Mère de la belle dilection (charité) ; l'on ne remarque point de ravissements ni d'extases en sa vie, parce que ses ravissements ont été continuels : elle a aimé d'un amour toujours fort, toujours ardent, mais tranquille, mais accompagné d'une grande paix. Si bien que cet amour allait sans cesse croissant, cet accroissement ne se faisait point par secousses ni élans, mais, comme un doux fleuve, elle allait toujours coulant, et presque imperceptiblement, du coté de cette union tant désirée de son âme avec la divine bonté. " (8)
    Et François de Sales alors de relire la vie de Marie en insistant sur la simplicité de cette vie donnée à Dieu et aux hommes :
" Voyez votre Abbesse, comme il l'appelle quelquefois, partout où elle va. En sa chambre de Nazareth : elle exerce … sa candeur, désirant d'être enseignée en interrogeant, sa démission, son humilité, se disant servante. Voyez-la en Bethléem : elle exerce une vie simple de pauvreté ; elle écoute les bergers comme si ç'eussent été de grands docteurs. Voyez-la avec les Rois ; elle ne s'empresse point à leur faire des harangues. Voyez-la en la purification : elle va pour obéir à la coutume ecclésiastique. En allant et revenant d'Egypte, elle obéit simplement à saint Joseph. Elle ne croit pas de perdre le temps d'aller visiter sa cousine sainte Elisabeth, par office d'une charitable civilité. Elle cherche Notre Seigneur, non pas en se réjouissant, mais en pleurant. Elle a compassion de la pauvreté et confusion de ceux qui l'ont invitée aux noces, leur procurant leurs nécessités. Elle est au pied de la Croix, humblement humble, basse, vertueuse, et vertueusement basse. " (9)
    C'est surtout la mort de Marie qui enflamme le cœur de François de Sales :
" Je considérais au soir, selon la faiblesse de mes yeux, cette Reine mourante d'un dernier accès d'une fièvre plus suave que toute santé, qui est la fièvre d'amour, laquelle, desséchant son cœur, enfin l'enflamme, l'embrase et le consomme, de sorte qu'il exhale son saint esprit, lequel s'en va droit entre les mains de son Fils. " (10)

    Marie vivait intérieurement l'Incarnation de Jésus. Elle avait compris que toute vie était désormais imprégnée par le Christ qui ouvre à chacun le chemin vers le Royaume.
    C'est ce regard d'Incarnation que nous devons porter sur notre vie et sur le monde. Nous sommes trop imprégnés aujourd'hui par les dérèglements de notre monde dont les mass-médias donnent trop souvent une image négative. Nos informations regorgent trop de guerres, de haines, de comportements humains déviants, de l'étalement de la folie des puissants et de la possession des riches.

    Il nous faut comme Marie apprendre à porter un autre regard sur l'homme et sur le monde et à rechercher les signes aujourd'hui de l'Incarnation qui se continue. Elle se poursuit à travers la vie discrète et cachée de beaucoup d'hommes et de femmes dont on ne parle pas mais qui, par leur vie et leur action témoignent inlassablement du Christ, icône de l'amour vivant du Père. Des milliers de jeunes sont partis cet été dans des pays en voie de développement pour des actions humanitaires, des milliers d'hommes et de femmes sont partie prenante d'actions humanitaires dans de nombreux domaines, des milliers d'hommes et de femmes ont les portes de leurs cœurs et de leurs maisons ouvertes aux autres, aux pauvres, aux exclus, des milliers d'hommes et de femmes, chaque jour, prennent le temps de faire une halte pour Dieu dans la prière et la contemplation.

    Oui, l'Incarnation aujourd'hui continue à travers chacun de nous, car nous savons que, par sa Résurrection, Jésus nous a ouvert les portes de la vie. Vivons alors dès aujourd'hui en ressuscités, incarnant à notre tour, par notre témoignage de vie et d'amour, la vie même de celui qui chair dans notre chair vient combler l'attente de nos cœurs et ne cesse de nous dire : n'ayez pas peur, ouvrez votre cœur, je suis le chemin, la vérité et la vie.

(1) Michée - Mi 5,1
(2) SFS, Traité de l'Amour de Dieu. Livre II, chapitre 4. La Pléiade, NRF, Paris, 1969, p. 420.
(3) Id. p. 421
(4) François de Sales, Prophète de l'Amour, La tradition Vivante, CIF, Epinay sur Seine, 1982, p. 17
(5) PAUL VI, " Lettre apostolique Sabaudiae Gemma, Perle de la Savoie, à l'occasion du 4ème centenaire 1567-1967 de la naissance de saint François de Sales ", DC n° 1489, 3 mars 1967, col. 395-398.
(6) Colossiens - Col 1,15
(7) Luc - Lc 23,34
(8) OEA - IX,186
(9) OEA - XIV,109-110
(10) OEA - XVII,270

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Mardi soir

Chaque fois que nous nous trouvons en face d’événements comme ceux qui ont été vécus en cette fin de journée, nous nous sentons interpellés dans notre cœur et au fond même de notre humanité. Et nous nous posons beaucoup de questions. Est-ce que notre monde serait-il devenu fou ? Qu’est-ce que réellement notre humanité ? Et nous nous tournons alors vers Dieu avec ces questions, ces interrogations. Nous attendons simplement d’abord d’essayer de comprendre et surtout d’essayer de trouver dans notre vie, cet espace d’espérance. Qui nous permet chaque jour d’avancer et de dépasser les événements aussi tragiques soient-ils qui viennent percuter notre vie.

Nous venons d’entendre l’évangile de la nativité, de la naissance de Jésus, avec les anges. Jésus qui naît au cœur de la vie des hommes, qui naît dans une mangeoire, comme un exclu, et dont les seuls qui viennent le voir, l’adorer, sont les bergers et les anges dans la nuit. Jésus est venu dans la nuit de notre humanité, cette nuit que nous semblons retrouver aujourd’hui. Mais en même temps, il est venu apporter quelque chose, installer une espérance, apporter un amour qui nous dépasse. Il est venu simplement au cœur de notre onde, nous délivrer un message sur cette humanité dans laquelle nous sommes plongés. Ce message est celui de ces amour de Dieu pour l’humanité, malgré tout ce que cette humanité au fil des ans, vit dans toutes ces dimensions depuis que son histoire d’amour avec Dieu a rencontré des obstacles et des difficultés. Et Jésus vient justement, par son incarnation nous poser à nouveau un pari sur l’amour et sur l’homme et redonner une dimension d’espérance à tout ce que nous vivons. François de Sales nous invite toujours à regarde dans l’humanité ce qui fait son origine et sa beauté.

Il y a un regard sur l’homme que nous apporte Jésus parce qu’il est venu partager notre existence  et notre vie de tout les jours. Il s’est incarné à la fois dans nos joies et nos peines, dans nos difficultés, il s’est incarné dans notre monde et sème dans ce monde, à sa manière, discrète, cachée, comme un levain, cet amour que Dieu veut que nous partagions. Il faut alors à l’homme faire ce chemin pour découvrir Au cœur de lui-même et au cœur du  monde, cet amour   infini, mais il ne peut le découvrir que s’il autant reçoit, accueille, ce message de Jésus-Christ. Et nous savons combien même parmi les siens,  Jésus n’a pas été écouté et entendu, et que ce message s’est longtemps perdu sur la croix. Ce message d’amour est dépassé par l’amour même que Dieu a pour l’homme, un amour infini. Jésus aime tous les hommes, jusqu’au bout, il ne s’est pas arrêté à la fatalité de la haine, où des difficultés,  il a simplement dit, juste avant de mourir : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Ce cri d’amour est celui que Dieu adresse à notre humanité, encore aujourd’hui. Quand l’homme s’aperçoit alors de cet amour, il n’en croit pas son cœur.

Jésus est venu dans la nuit de notre humanité pour nous révéler le coeur de Dieu, de cet amour infini, inlassable, dont il ne cesse de nous combler chaque jour. Le monde, comme le dira Teilhard de Chardin est devenu alors christique, c’est à dire, habité entièrement par le Christ. Rien de notre monde, malgré ses déchirures et tous les événements, n’est ignoré par le Christ parce qu’il est devenu chair en notre chair et que son incarnation, même si aujourd’hui nous n’en mesurons pas encore totalement la finitude, son incarnation transfigure cette création où l’homme a sa demeure.

La terre, le travail de l’homme, ses joies, ses souffrances, ses espoirs, ses peines, deviennent alors ce pain et ce vin que nous offrons dans chaque eucharistie, don de Dieu-même qui deviennent, par Jésus, création nouvelle, nourriture et boisson pour notre vie. Chaque eucharistie renouvelle l’incarnation de Jésus au cœur du monde et de l’homme et devient alors une action de grâce pour l’amour qu’il nous donne. C’est là que nous rencontrons Dieu, parce que Jésus a parcouru tous nos chemins humains, semant l’amour autour de lui, auprès des petits, des pauvres, des exclus de l’humanité, tous ceux qui n’ont souvent rien sauf un cœur gros d’amour, de tendresse et de passion pour les hommes. Jésus nous fait alors quitter tout l’esclavage de ce qu’on pourrait appeler nos sabbats, tout ce qui nous enchaîne trop souvent et nous en avons l’exemple aujourd’hui, à ce qui est en « isme », le dogmatisme, l’idéologisme, le fondamentalisme, le formalisme, etc… Il nous invite à enraciner dans notre expérience humaine, l’amour infini de ce Père qui nous aime. Cet amour est inscrit au cœur de notre de notre cœur et fait de chacun de nous, une homme et une femme libre, digne d’amour et capable d’aimer. Cet amour alors, et c’est celui que nous sommes invités à vivre à la suite du Christ, comme chrétiens, cet amour regarde et accueille en l’autre, sa dignité et sa liberté, sa soif d’être, de vivre et d’aimer, sa capacité à devenir à son tour, amour, car il est image et ressemblance de Dieu. Et c’est cet amour que nous sommes invités à vivre, chaque jour là ou nous sommes, qui est la seule réponse à tout ce que l’humanité vit de négatif dans son existence.

Marie vivait intérieurement cette incarnation de Jésus. Elle avait compris que toute vie est désormais imprégnée par le Christ qui ouvre à chacun le chemin vers le Royaume. C’est ce regard d’incarnation que nous devons  porter sur notre vie et sur le monde. Il nous faut comme Marie, apprendre à porter un autre regard sur l’homme et sur le monde, et à rechercher  les signes aujourd’hui de l’Incarnation qui se continue   malgré tout ce que nous pouvons vivre. Et cette incarnation se continue et c’est là que nous devons la découvrir, à travers la vie discrète et cachée de beaucoup d’hommes et de femmes, dont on ne parle pas   mais qui par leur vie et leur action témoignent inlassablement du  Christ, image de l’amour vivant du Père. Des milliers de jeunes par exemple partent chaque année dans   les pays en voie de développement pour des actions humanitaires, des milliers d’hommes et de femmes font partie d’associations qui sont là pour  défendre, pour promouvoir, la dignité de l’homme. Des milliers d’hommes et de femmes ouvrent les portes de leur cœur, de leur maison, aux autres, aux pauvres, aux exclus, des milliers d’hommes  et de femmes chaque jour prennent le temps de faire une halte pour Dieu  dans la prière et la contemplation. C’est là l’espérance de l’amour que nous devons vivre, dans cette incarnation qui se continue tous les jours et qui construit à sa manière le Royaume de Dieu, loin de tout ce qui est déchéance de l’humanité.

L’incarnation continue aujourd’hui au travers de chacun de nous car nous savons qu’à travers sa mort et sa résurrection, Jésus nous a ouvert les portes de la vie. Nous devons alors vivre en ressuscité, incarnant à notre tour, par notre témoignage de vie et d’amour, la vie même de celui qui chair dans notre chair, vient combler l’attente de nos cœurs. Il ne cesse pas de nous dire : « N’ayez pas peur ! Ouvrez votre cœur à l’amour ! Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ! » Amen

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Mercredi 12 septembre

" Marie la plus aimée et la plus aimante " La prière de Marie.

    Dans cette chapelle, nous sommes comme les Apôtres, réunis autour de Marie pour prier et louer le Seigneur. Les Actes des Apôtres que nous avons lus relatent sobrement le fait.
    " D'un seul cœur, ils (les apôtres) participaient fidèlement à la prière, avec quelques femmes, dont Marie, mère de Jésus, et avec ses frères. " (1)

    Thérèse Chappuis, de Soyhières, avant d'entrer à la Visitation de Fribourg et à plusieurs reprises au début de sa vie religieuse, est venue prier et se recueillir ici. Léonie Aviat, Mère Françoise de Sales, fondatrice des Oblates de saint François de Sales, qui sera canonisée à Rome, le 25 novembre prochain, est aussi venue ici confier au Seigneur sa jeune congrégation et la communauté des Oblates venue s'installer à Soyhières dans la maison natale de Thérèse Chappuis, la Bonne Mère, qui, à Troyes, avait guidé ses pas vers la vie religieuse à l'école de François de Sales. C'est le rappel de la prière de Léonie, ici même, qui a été symbolisée par le cierge posé près de l'ambon. Ce cierge nous rappelle que toute prière est adressée au Seigneur. Mais c'est très souvent vers et par Marie que les chrétiens se tournent pour prier le Dieu d'amour, sachant qu'elle saura porter vers son Fils et vers Dieu leurs louanges et leurs demandes.

    Marie est le prototype même de la créature réussie dans et par le plan de Dieu, nous devons donc nous attacher à elle comme à une médiatrice auprès du seul médiateur entre Dieu et l'homme, Jésus-Christ. La prière à Marie est depuis le début de l'Eglise une des réalités de la prière du peuple chrétien puisque Marie est l'avocate de l'homme, créature de Dieu, dans son plan d'amour pour les hommes. Ayant donné l'humanité à Dieu, elle lui porte notre condition humaine.

    Mais la prière que nous faisons par Marie, Marie elle-même nous l'enseigne à travers le Magnificat. Et certainement c'est à partir de cette prière que Marie vivait tous les événements de la vie de son Fils qu'elle portait dans son cœur, comme nous venons de l'écouter dans l'évangile de Luc.
    " Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur. " (2)
    C'est sur cette prière de Marie que je vous invite à méditer aujourd'hui. Nous pourrons y puiser pour alimenter notre propre prière et inscrire encore plus en nos cœurs la présence du Christ qui, par son Esprit, nous conduit à chaque instant sur le chemin de l'amour du Père.

    La prière de Marie est d'abord une louange confiante :
    " Mon âme exalte le Seigneur, mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur. " (3)
    Comment ne pas reconnaître avec Marie dans nos vies ce Dieu d'amour qui vient dilater nos cœurs de sa présence et de sa vie, lui qui nous a aimés le premier et qui veut partager avec nous sa propre divinité. Toute prière, celle de Jésus comme celle de Marie, commence par une louange, c'est à dire l'accueil et la reconnaissance de ce Dieu d'amour nous proposant gratuitement et librement de l'aimer. Nous ne pouvons que le louer et lui rendre grâces pour tant d'amour !
    La vraie prière est celle qui laisse d'abord et avant tout la place au Seigneur. La louange invite au silence du cœur. Le cœur ainsi joyeux et apaisé peut entendre la parole même du Seigneur. Il ouvre alors la porte de notre cœur, le dilate de son amour et comble tous nos désirs.
    Mais faut-il encore que nous y soyons-prêts ? Il faut d'abord se tenir comme un serviteur inutile, comme une servante, dans l'humilité et l'accueil du don de Dieu. Marie nous y invite :
" Il s'est penché sur son humble servante. " (3)
    Savoir reconnaître qui nous sommes ! se tenir humblement devant Lui. Toute prière demande que nous commencions par avoir un cœur d'enfant, libre et disponible, confiant et humble. Nous, chrétiens, avons alors besoin de reconnaître notre misère et notre péché.
    " L'homme est la fleur de la misère " (4) dit François de Sales, et il ajoute : " Nous sommes des roseaux qui nous laissons emporter à toutes nos humeurs exposées aux orages et aux tempêtes " (5) " chétifs roseaux, mais roseaux d'or. " (6)
    Se reconnaissant humble servante, Marie peut alors reconnaître l'action de Dieu en elle, et lui rendre grâces pour tant de bienfaits.
    " désormais tous les âges me diront bienheureuses. Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! " (3)
    Il est vrai qu'il nous est souvent difficile de reconnaître l'action de Dieu en nous, d'abord, comme le dit l'adage populaire, parce que nous sommes toujours aveugles en nos propres affaires, mais aussi parce que nous avons toujours peur d'être gagnés par l'orgueil ou l'autosuffisance. C'est toujours une question de mesure. Etre humble c'est aussi savoir reconnaître les dons reçus par Dieu, les bienfaits de sa grâce dans notre vie.
    " Il faut avoir patience " dit encore François de Sales " et prier Dieu qu'Il nous fasse tous humbles, afin que, comme vaisseaux très profonds, nous soyons capables de recevoir ses grâces en abondance. " (7)
La prière de Marie continue sur un autre registre, celui de l'action de Dieu en faveur des hommes. Elle rend grâces à Dieu pour tout ce que son amour réalise à travers l'humanité et sur les hommes qui répondent à son amour. On rejoint ici les demandes du " Notre Père " qui nous renvoient au cœur même de notre foi.

" Son amour s'étend d'âge en âge sur ceux qui le craignent.
Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.
Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.
Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. "
(3)

    Notre prière n'est jamais fermée sur elle-même. Elle se vérifie toujours par la qualité de notre charité et de l'accueil de nos frères les hommes. Comme il n'y a pas d'amour sans liberté, il n'y a pas de prière sans vraie charité.
Ceci nous invite à lier étroitement prière et charité. Nous devons essayer de vivre la prière et la charité comme deux moments d'une unique prière qui doit unifier toute notre vie. François de Sales parle ici de prière vitale :
" Toutes les actions de ceux qui vivent en attitude d'amour filial vis à vis de Dieu sont de continuelles prières et cela se nomme oraison vitale. " (8)
Notre prière devient alors action comme toute action devient prière. Tout ceci s'inscrit dans la longue histoire de l'alliance de Dieu avec l'humanité, depuis Abraham jusqu'à ce jour où Dieu a donné son Fils à l'humanité. En terminant sa prière, Marie nous rappelle cette merveilleuse aventure qui a préparé la venue de son Fils et qui a réconcilié à jamais la race humaine avec son Créateur :
    " Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères, en faveur d'Abraham et de sa race à jamais. " (3)

    Si nous prions Marie, c'est que nous percevons que nous pouvons joindre nos prières à la sienne. Qui donc, mieux qu'aucune autre créature, peut comprendre la réalité de l'homme, elle qui a porté dans sa chair l'homme-Dieu ! Qui donc, mieux qu'aucune autre créature, peut saisir la beauté et la bonté de Dieu, elle qui par son oui d'amour a porté dans son cœur le Dieu-homme !
" Notre Dame porte en son nom la signification d'étoile de mer ou d'étoile matinière " dit François de Sales dans un sermon de Noël. " L'étoile de mer c'est l'étoile du pôle vers laquelle tend toujours l'étoile marine … La très sacrée Vierge est aussi cette étoile matinière qui nous apporte les gracieuses nouvelles du vrai Soleil " (9)

    Dans la spiritualité salésienne, Marie est un chemin privilégié pour nous conduire vers l'union à Dieu, parce qu'elle tout en son Fils. Toute notre vie est pour nous unir à Dieu et au prochain, Et l'oraison vitale en est la voie. Léonie Aviat, en août 1894, écrivait cette prière :
    " O mon bon Sauveur, je vous demande la grâce de répondre bien fidèlement au mouvement intérieur que vous voulez bien me donner, et augmenter en moi celui de vivre bien abandonnée et bien confiance en votre amour, acceptant sans retour tout ce que vous voudrez et tout ce que vous permettrez pour moi en particulier, et pour tout ce qui regarde la communauté, les œuvres, les personnes dont vous voulez que nous nous occupions. " (10)

    François de Sales nous a laissé une prière très émouvante adressée à Marie. Les historiens n'ont pas pu exactement la situer historiquement. Mais elle est authentique et a été certainement écrite au cours d'un événement décisif de sa vie. Les maitres-mots de cette prière sont l'abandon dans l'amour et la confiance. N'est-ce pas ainsi, qu'aujourd'hui comme hier, dans les événements heureux comme douloureux de nos vies, nous sommes toujours invités à prier et à rencontrer Dieu ?
" Ayez mémoire et souvenance, très douce Vierge, que vous êtes ma Mère et que je suis votre fils, que vous êtes puissante et que je suis un pauvre homme vil et faible. Je vous supplie, très douce Mère, que vous me gouverniez et me défendiez dans toutes mes voies et actions.
    Ne dites-pas, gracieuse Vierge, que vous ne pouvez ! car votre bien-aimé Fils vous a donné tout pouvoir, tant au ciel comme en terre. Ne me dites pas que vous ne devez : car vous êtes la commune Mère de tous les pauvres humains et particulièrement la mienne.
    Si vous ne pouvez, je vous excuserais, disant : il est vrai qu'elle est ma mère et qu'elle me chérit comme son fils, mais la pauvrette manque d'avoir et de pouvoir. Si vous n'êtes pas mère, avec raison je patienterais, disant : elle est bien assez riche pour m'assister, mais hélas, n'étant pas sa mère, elle ne m'aime pas.
Puis donc, très douce Vierge, que vous êtes ma mère et que vous êtes puissante, comment vous excuserais-je, si vous ne me soulagez et ne me prêtez votre secours et assistance ? Vous voyez, ma mère, que vous êtes contrainte d'acquiescer à toutes mes demandes.
    Pour l'honneur et la gloire de votre Fils, acceptez-moi comme votre enfant - sans avoir égard à mes misères et à mes péchés - Délivrez mon âme et mon corps de tout mal et me donnez toutes vos vertus, surtout l'humilité.
Enfin, faites-moi présent de tous les dons, biens et grâces qui plaisent à la Sainte Trinité, Père, Fils et Saint Esprit. Amen. "
(11)

(1) Actes - Ac 1,14
(2) Luc - Lc 2,19
(3) Luc - Le Magnificat - Lc 1,46-55
(4) OEA - XII,386
(5) OEA - IX,413
(6) OEA - V,254
(7) OEA - XVII,148-149
(8) OEA - IX,61
(9) OEA - IX,5
(10) Bienheureuse Françoise de Sales Aviat, Coll. Dieu est Amour n° 152, Pierre Téqui, Paris, 1993, p. 19
(11) OEA - XXVI,427-428

 

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Vendredi 14 septembre
" Le langage de l'amour : Cana. "
Fête de la Croix glorieuse

    L'Eglise nous invite aujourd'hui à célébrer la Croix glorieuse du Christ. Nous sommes ici résolument dans une perspective salésienne. Par sa mort et sa résurrection, Jésus réconcilie par amour le monde avec son Père. Jésus redonne sa vie à son Père dans un acte d'amour. Cette vie est accueillie par Dieu pour être glorifiée et nous entraîner dans une même glorification. L'évangéliste Jean, nous l'avons entendu au début de cette célébration, nous le dit explicitement :
    " Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. " (1)
    Voici réaffirmée, sans ambiguïté, la mission de Jésus, le Fils bien-aimé. A travers la Croix nous célébrons une victoire, celle de l'Amour sur le mal, les ténèbres. Et nous sommes invités à nous convertir à cet amour. Le chrétien ne peut pas faire l'économie de cette Croix qui est le lieu suprême de l'amour incarné. Il doit passer par la Croix pour découvrir la vraie Vie.

        Le début de cette aventure commence à Cana où déjà se manifeste l'Amour infini de Dieu. A travers le dialogue à Cana entre Jésus et Marie nous découvrons le langage de cet Amour. Laissons François de Sales commenter ce dialogue :
   " Lorsque la Sainte Vierge, aux noces de Cana en Galilée, dit à Notre Seigneur avec tant d'humilité et charité que le vin était failli, il la rejeta, lui répondant : Femme, qu'y a-t-il entre toi et moi ? Pourquoi te mêles-tu de cela, qu'en ai-je à faire ? (…) Cette réponse semble bien rude et rigoureuse à ceux qui n'entendent pas le langage de l'amour. " (2)
    Il peut y avoir deux interprétions de la réponse de Jésus.
    Aujourd'hui, ceux qui étudient les textes bibliques, l'Ecriture, les exégètes, interprètent la réponse de Jésus comme une affirmation de sa divinité, sa réponse manifestant qu'il prend alors ses distances avec la démarche humaine de Marie.
    François de Sales, lui, en fait une interprétation spirituelle. Mais exégètes et maîtres spirituels se retrouvent sur un point essentiel. La réponse de Jésus à Marie, qui se concrétisera par le miracle de l'eau changée en vin, veut nous inviter à regarder ici Jésus dans sa divinité. Dans la réponse donnée par Jésus, Marie est maintenant regardée non plus comme mère mais comme disciple. Jésus manifeste ainsi qu'il va agir comme Fils de Dieu, comme son envoyé, comme le dit le prophète Malachie :
    " Voici que je vais envoyer mon messager pour qu'il fraye un chemin devant moi. Et soudain il entrera dans son sanctuaire. " (3)

    François de Sales continue son interprétation spirituelle :
    " La Sacrée Vierge, qui savait ce que c'est d'aimer, entendit bien ce que son Fils voulait dire, car elle était toute faite à son langage. (…) Elle ne s'étonna donc point de ces paroles par lesquelles il paraissait l'éconduire de sa demande, mais elle crût qu'il ferait tout ce qu'elle désirait, et pleine de confiance, elle donna cet ordre aux serviteurs : Faites tout ce qu'il vous dira. Comme si elle eut voulu signifier : Si vous avez pris garde à la réponse de mon Fils, vous penserez peut-être qu'elle est bien sévère et qu'il veut m'éconduire ; mais il n'en est pas ainsi, je sais qu'il veut faire tout ce que je voudrai, ne craignez rien, je suis assurée qu'il m'exaucera. Ces paroles qui en apparence semblent dures, sont les plus douces et obligeantes qu'un cœur amoureux puisse dire à une âme amoureuse. " (4)
    Et François de conclure :
    " Voilà donc comme l'amour a un certain langage que nul ne peut entendre que ceux qui savent que c'est qu'aimer. " (4)

    Ce langage de l'amour passe par la Croix. Quand Marie dit aux serviteurs " Faites tout ce qu'il vous dira ", elle nous invite maintenant à tourner résolument notre vie vers son Fils, à nous mettre à l'écoute de sa parole et de sa vie et à conformer notre propre existence à la sienne. C'est ce que Marie elle-même fera. Pour Jésus elle est devenue disciple. Quand un jour ses disciples lui diront :
    " Ta mère et tes frères se tiennent dehors et veulent te voir ", Jésus leur répondra : " Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique. " (5)
    Ecouter et mettre en pratique la parole de Dieu. Cette parole de Dieu incarnée en Jésus est une parole en acte et l'acte suprême de la vie de Jésus est sa mort en Croix qui ouvre les portes de la Résurrection. Ce chemin de Jésus est le chemin de tout chrétien.
    " Si quelqu'un veut venir à ma suite, dit Jésus, qu'il se renie lui-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive. Qui veut en effet sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi la trouvera. " (6)

    Se renier soi-même est la première condition pour partir à la suite de Jésus. Il s'agit ici de la première démarche fondamentale de tout homme en quête de Dieu. Se convertir, tourner son cœur vers le Seigneur, se libérant de tous les esclavages qui ne font que nous tourner vers nous-mêmes et non vers Dieu et nos frères. Cette démarche de conversion, Jésus ne cesse de nous y inviter. Combien de fois dans l'évangile, quand un homme ou une femme se convertit en reconnaissant en Jésus le vrai chemin de vie, celui-ci constate alors cette conversion et l'invite alors résolument à avancer. C'est à travers un acte de foi confiant en Jésus et à travers lui en l'amour infini de son Père que s'opère toute conversion. Alors                  Jésus peut dire : à l'aveugle de Jéricho : " Va, ta foi t'a sauvé. " (7)
                        ou à la pécheresse pardonnée et aimante : " Ta foi t'a sauvée ; va en paix. " (8)
ou encore simplement ouvrir ses bras pour accueillir le retour du fils perdu. (9)
    François de Sales ne cesse d'inviter à cette dynamique de la conversion. Il a une telle image de la grandeur de l'homme aimé et créé par Dieu à sa ressemblance qu'il sait que l'homme, tout homme et tous les hommes sont destinés à la sainteté. C'est un point fort de sa spiritualité, l'appel universel à la sainteté. Avec lui, nous découvrons, en le vivant qu'être disciple de Jésus-Christ n'est pas se charger d'un carcan ou prendre une route exceptionnelle praticable seulement à des êtres d'élite, en marge des autres. Etre disciple de Jésus-Christ est réaliser en nous, dans une conversion sans cesse renouvelée, un " être plus " (10) Qu'est-ce que cet " être plus ", sinon nous laisser modeler intérieurement par le Christ en le laissant nous habiter pour mieux témoigner de son amour ? Et ceci chacun d'entre nous peut le réaliser, personne n'en est exclu. Dans le cadre de notre vie ordinaire de chaque jour, à travers la douceur de l'amitié divine et humaine que nous pouvons expérimenter, comme à travers la diversité de nos engagements et des évènements, si nous vivons en nous à chaque instant la prière du cœur, qui est toujours un dialogue confiant et amoureux avec Dieu, cet " être plus " se réalise au cœur de notre cœur. C'est tout simplement le chemin de l'intériorité, de la vie spirituelle intérieure qui permet à l'Esprit d'amour de façonner en nous l'image même du Christ. Pour cela il faut toujours nous déposséder de nous-mêmes, nous convertir, pour nous laisser habiter par le Christ. Petit à petit les fruits s'en font sentir concrètement et évangéliquement. A l'école et à la suite de Jésus, comme il s'est défini lui-même, nous pouvons devenir doux et humble de cœur.
   " Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai. Chargez-vous de mon joug, de ma croix, et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez soulagement pour vos âmes. Oui, mon joug est aisé et mon fardeau léger. " (11)

    La conversion nous conduit tout naturellement à nous charger de la croix. Nos vies sont quotidiennement parsemées de croix dressées sur nos pas, cette pesanteur de notre corps, de notre âme et de notre corps qui empêchent l'amour de jaillir de nos vies. Cette pesanteur s'appelle repli sur soi-même, orgueil, égoïsme, amour-propre, jouissance, avidité, jalousie, possession, haine, etc. Parce que nous sommes marqués par le péché, parce que le mal est présent dans le monde, cette pesanteur est toujours là présente, active, nous entraînant trop souvent là où nous ne voulons pas. Prendre sa croix est alors avoir la volonté de nous libérer de cette pesanteur par un travail continuel sur nous-mêmes, que la tradition chrétienne appelle le combat spirituel. Le combat spirituel fait partie de la vie chrétienne. Il ne s'agit pas de se battre farouchement et de ferrailler contre le mal, il s 'agit beaucoup plus de nous laisser pénétrer par l'amour et la charité du Christ qui, dominant alors en nous, repoussent le mal hors de notre cœur. L'option salésienne est de parier résolument sur l'amour, de faire confiance en Dieu qui nous aime infiniment et qui ne veut que notre véritable bien. Risquer le pari de l'amour, c'est ce qui peut le plus nous changer intérieurement et en même temps changer le monde entier. C'est le fondement de ce qu'on appelle l'optimisme salésien. Rien ne fait aller plus loin que l'Amour authentique, tel qu'il sort en Jésus du cœur de Dieu.
    Cet optimisme centré sur l'amour nous fait alors épouser la Croix. La Croix est le pari fou, total, gratuit de Dieu sur l'amour. La Croix ne se comprend que par et dans ce don d'amour de Jésus de sa vie pour Celui qui est tout Amour, le Père éternel. Par la Croix, par Jésus abandonné sur la Croix, se réalise la merveilleuse réconciliation de Dieu avec toute l'humanité, avec chacun d'entre nous. Nous sommes redevenus des Vivants et notre vie maintenant est marquée par la Résurrection. Il nous faut alors vivre en ressuscités, en vivants d'amour, pour démentir ce que Nietzsche reprochait aux chrétiens. " Comment voulez-vous, disait-il, que je crois en Dieu, en son Amour, alors que les chrétiens n'ont pas des visages de ressuscités ! " (12)

    Avoir un visage de ressuscité, c'est se savoir définitivement sauvé par l'Amour. Le chemin nous l'avons vu commence par la conversion de notre cœur et de notre vie en devenant doux et humble de cœur comme Jésus. Ce chemin se poursuit dans le quotidien de nos vies dont nous portons chaque croix par amour. C'est un chemin de dépassement qui demande que concrètement le témoignage de nos actes. L'amour de Dieu est toujours pure illusion s'il ne se traduit pas dans des gestes concrets en amour du prochain. La charité est fausse si elle n'est pas justice et vérité. C'est quand le chrétien se dépasse lui-même en se dévouant pour ses frères que l'œuvre d'amour et de salut se continue. Il s'agit tout simplement de délivrer l'homme de tout ce qui l'opprime et de l'éveiller à sa dignité de fils de Dieu. Seul l'amour cloué en croix le réalise encore aujourd'hui à travers nos vies. Nos vies deviennent alors charité envers nos frères et humilité devant Dieu.
    " La charité est le couvert et le toit de tout l'édifice de la perfection chrétienne, dit François de Sales, et l'humilité en est le fondement, de sorte qu'elle vient en l'âme avant la charité pour lui préparer le logis. " (13)

    C'est parce qu'à Cana, comme depuis toujours, Marie était toute en humilité devant Dieu qu'elle pouvait inviter son fils à étancher la soif des invités au repas de noces. C'est encore aujourd'hui la soif de nos cœurs que Jésus vient étancher quand l'Esprit nous comble de son amour et que son pain partagé dans l'eucharistie apaise la faim de nos cœurs. Nous pouvons alors tirer chemin avec Lui.

(1) Jean - Jn 3,16-17
(2) OEA - X,321-322
(3) Malachie - Ml 3,1
(4) OEA - X ,322
(5) Luc - Lc 8,20-21
(6) Matthieu - Mt 16,24-25
(7) Marc - Mc 10,52
(8) Luc - Lc 7,48-50
(9) Luc - Lc 15,11-24
(10) François de Sales, Prophète de l'Amour, La tradition Vivante, CIF, Epinay sur Seine, 1982, p. 5
(11) Matthieu - Mt 11,28-30
(12) NIETZSCHE, Ainsi parlait Zarathoustra
(13) OEA - IX,226

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samedi 15 septembre

" Un amour sans frontière, en et pour l'Eglise et le monde. "

    L'Eglise, en ce jour, nous invite à regarder Marie dans la douleur de ses souffrances devant la mort de son fils Jésus. Notre-Dame des douleurs, Marie est toujours associée à la mission de Jésus et au pied de la Croix elle nous aide à porter nos propres souffrances et celles de l'humanité pour mieux les assumer dans l'espérance de la résurrection. Cette mission de Marie est affirmée au pied de la Croix quand Jésus la confie à travers Jean à l'Eglise naissante, c'est à dire à toute l'humanité. L'évangéliste Jean nous le rapporte en quelques mots dont toute la simplicité souligne le sens. Il est bon de le réentendre :
" Jésus, voyant sa mère (au pied de la croix) et près d'elle le disciple qu'il aimait, dit à sa mère : Femme, voici ton fils. Puis il dit au disciple : Voici ta mère. Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui. " (1)

    Cette mission d'amour de Marie, maintenant au service de l'Eglise, a commencé dans cette si belle rencontre avec Elisabeth que nous venons d'écouter. Cette Visitation se fait à deux niveaux. Tout d'abord entre Marie et Elisabeth, deux cris de joie, de louange, pour la merveille qui se réalise en chacune d'elle. Toutes deux habitées par l'Esprit leur joie jaillit de leur cœur :
Elisabeth accueille Marie par ce cri de reconnaissance :
    " Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu'à moi ? " (2)
    Et Marie, à son tour, chante :
    " Magnifique est le Seigneur, mon Sauveur. Il a fait pour moi de grandes choses en souvenir de sa miséricorde et selon sa promesse. " (3)
    Jeune femme, éblouie par le don gratuit de Dieu, bouleversée, certainement dépassée, Marie enceinte de Dieu " voulut, comme poursuit François de Sales, aller voir Elisabeth comme étant sa parente et à dessein de la servir et soulager ; car, la charité n'est point oisive ; elle bouillonne dans les cœurs où elle habite et la Très Sainte Vierge en était toute remplie d'autant qu'elle avait l'amour même en ses entrailles ! " (4)
    Rencontre de deux cœurs totalement donnés à Dieu, dont l'amour est si fort et si intense qu'aucun ne peut le garder pour lui-même, mais absolument le porter et l'échanger l'un l'autre. Dans la Visitation se trouve en germe un amour sans frontière que Marie ne cessera de vivre et de partager.
    Mais il y a une autre rencontre, celle des deux enfants, Jean et Jésus, tous deux dans le sein de leur mère. Elisabeth dit à Marie :
    " Lorsque j'ai entendu tes paroles de salutation, l'enfant a tressailli d'allégresse au-dedans de moi. " (5)
    Rencontre entre l'ancienne et la nouvelle alliance, voulant marquer que Jésus s'inscrit dans la longue histoire de la rencontre entre Dieu et les hommes, depuis Abraham jusqu'à Jean-Baptiste. Jésus s'inscrit en continuité de cette histoire et le tressaillement de Jean dans le sein d'Elisabeth symbolise cette attente de tout le peuple d'Israël de ce Messie qui, maintenant par Marie, vient s'inscrire dans l'histoire de notre humanité.
    Jésus vient nous visiter. La démarche de Marie vers Elisabeth est le signe concret de cette visite. Comme Dieu nous a aimés le premier, Jésus nous visite le premier. Il va au devant de nous, il va vers nous. Et vient au cœur de notre cœur. Quand l'homme librement l'accueille, l'homme sait alors, comme Jean l'a ressenti, que Dieu est ce Dieu qui l'aime comme aucun être ne peut aimer. Désormais avec le Seigneur tout est possible. Tout est devenu Visitation. Pour François de Sales, Dieu a prédisposé cette attente dans le cœur de l'homme.
    " Sitôt que l'homme pense un peu attentivement à la Divinité, il sent une certaine douce émotion du cœur qui témoigne que Dieu est Dieu du cœur humain. " (6)
    A travers le tressaillement de Jean nous percevons que le Dieu de Jésus-Christ est joie et consolation pour tout homme : penser à lui ne peut que déclencher dans le cœur de l'homme le plaisir d'un bonheur pressenti et donc réel.
    La visitation des hommes est alors d'annoncer cette bonne nouvelle que tout devient possible avec Jésus-Christ ; mais ce n'est pas seulement l'annoncer en paroles, c'est le dire par toute sa vie. Dans cet engagement total de l'être, c'est aussi prouver que l'Evangile, s'il est capable de combler une vie, devient de plus en plus indispensable si l'on veut que la vie humaine soit encore possible sur cette terre.

    François de Sales a fondé un ordre religieux, la Visitation Sainte-Marie. La seule exigence est d'y vivre tout par amour. Le seul but est de donner à Dieu des âmes d'oraison et si intérieures qu'elles puissent le servir en esprit et en vérité. On ne peut visiter l'homme que si intérieurement on accueille l'amour qui nous visite. Les disciples de François de Sales essaient de vivre à sa suite cette réalité de la Visitation où il n'y a pas d'autre lien que l'amour de Dieu.
    La Visitation est le lieu où l'homme rencontre Dieu à travers ses frères. C'est là que se réalise l'amour en actes. C'est là qu'aujourd'hui comme hier des hommes et des femmes rassemblent leurs forces pour répondre aux attentes humaines, la soif de justice et de vérité, la dignité et le respect de chaque être humain, la présence auprès des pauvres, des petits, des exclus de toute société humaine.

    Pour François de Sales nous devons chercher les sentiers de Dieu en toute les créatures :
    " Plus un chemin est connu et plus nous le hantons, nous dit-il ; plus nous y connaissons les gens et plus volontiers aussi nous y cheminons et aussi plus facilement. Mais par tels chemins, nous arrivons plus tard au gîte parce qu'ayant beaucoup de connaissances, ici, nous parlons à l'un, ici, nous parlons à l'autre, ici, nous enterons dans la boutique de l'un, là, nous nous arrêtons avec un ami. … Ce sont autant de voies et de chemins pour trouver Dieu. " (7)

    A travers la canonisation prochaine de Léonie Aviat, Mère Françoise de Sales, c'est cette dimension de la Visitation, centrée sur la contemplation dans l'action que l'Eglise veut nous faire partager et nous inviter à vivre à notre tour. Le Directoire spirituel des Oblates et des Oblats de saint François de Sales, adapté de celui de la Visitation que François de Sales avait donné à Jeanne de Chantal et aux premières visitandines, commence par ces mots :
   " Que toute leur vie et exercices soient pour s'unir à Dieu et au prochain. " " Le Directoire, écrit une Oblate, n'est autre que la loi de charité du Christ, l'Evangile en acte. Par les dispositions qu'il suggère à chaque circonstance, il aide l'âme à prendre en toutes choses le point de vue de Dieu, il surnaturalise tous les instants de la vie. La fidélité au moment présent et l'attention à la présence de Dieu deviennent ainsi les plus efficaces moyens d'apostolat. " (8)
    Léonie Aviat avait vu comment, à la Visitation de Troyes où elle était jeune pensionnaire, la Mère Marie de Sales Chappuis et sa communauté vivaient intensément dans l'esprit de ce Directoire spirituel, tel que le définissait l'aumônier de ce monastère, le Père Louis Brisson :
" dans l'âme la plus petite, la plus pauvre, saint François de Sales découvre le don de Dieu si minime qu'il soit et il s'en empare. Il commence par mettre en cette âme l'amour de Dieu et cet amour, secondé par la bonne volonté, devenant le mobile de toutes ses actions, il lui fait peu à peu et insensiblement déraciner ses défauts et acquérir les vertus contraires. " (9)
    La Visitation salésienne est cette attention à chaque personnalité dans le respect des dons qu'elle a reçus de Dieu et en s'effaçant pour laisser Dieu agir en elle par amour.

    C'est de cette façon discrète que Marie a été présente tout au long de sa vie, d'abord avec son Fils jusqu'au pied de la Croix puis ensuite avec la jeune Eglise naissante. La Visitation de Marie est de porter et d'être attentive aux appels, aux aspirations et aux souffrances des hommes. En cette chapelle Notre-Dame du Vorbourg, comme dans tous les lieux mariaux de pèlerinage, ne venons-nous pas pour que Marie nous aide par sa maternelle présence à vivre une visitation intérieure pour accueillir encore plus profondément l'amour de son Fils avant de mieux en témoigner dans notre vie de tous les jours, là où Dieu nous a plantés, nos familles, nos lieux de travail et de vies, nos relations et nos engagements.

    L'attente de l'Eglise d'aujourd'hui est que nous soyons des foyers de charité et d'amour au cœur de notre monde pour faire entendre la parole de Dieu et par notre témoignage personnel inviter à la vivre. C'est notre mission de chrétiens. Contribuer à ce que le Royaume de Dieu soit aimé, espéré et déjà en œuvre dans le cœur, les actes et la vie des hommes avec qui nous cheminons chaque jour. Ce qui veut dire que nous soyons attentifs à tout ce qui grandit l'homme, le fait exister dans sa liberté et sa dignité pour qu'en se dépassant son humanité tende chaque jour un peu plus vers la sainteté que lui propose Jésus-Christ. Marie nous invite à cet amour sans frontière qui l'avait jeté sur le chemin pour visiter Elisabeth, sa cousine.

    Nous pouvons peut être penser que ce chemin de l'amour n'est pas possible et qu'il relève d'une douce utopie. L'optimisme évangélique reste profondément réaliste en face du monde tel qu'il est. C'est ce qui est merveilleux, car la misère de l'homme, loin de le décourager, devient comme un tremplin qui le jette encore plus fort dans l'amour divin. Cette misère n'est autre que le péché, mais le péché que Dieu, par son Fils, transforme en une grâce inouïe. Dans ce climat de la tendresse infinie de Dieu, vivre les Béatitudes est possible. La pauvreté devient richesse parce que l'homme pauvre en s'identifiant au Christ découvre que la vraie pauvreté est d'être privé de l'amour ; l'homme devient alors mendiant d'amour et peut vivre comme un autre François d'Assise une liberté qu'il n'aurait jamais espéré. François de Sales sait qu'il y a pauvreté et pauvreté. La pauvreté indigente causée par l'égoïsme des riches, il n'a cessé de la combattre. Dans son sillage et à son exemple se sont levés de grands apôtres de la charité comme Vincent de Paul, Dom Bosco et Léonie Aviat.

    Un des premiers collaborateurs de l'abbé Pierre, le Père Duvallet, disait à de jeunes prêtres, salésiens de Don Bosco :
    " Dans un monde où l'homme et l'enfant sont broyés, disséqués, triturés, classés, psychanalysés, où les enfants et les hommes servent de matières premières et de cobaye, le Seigneur vous a confié une pédagogie où triomphe le respect de l'enfant, de sa grandeur et de sa faiblesse, de sa dignité de fils de Dieu. Gardez-la renouvelée, rajeunie, enrichie des découvertes modernes, adaptée à ces gosses matraquées par le vingtième siècle. " (10)
    Cette pédagogie, Don Bosco l'a reçue de François de Sales et a façonné sa façon d'aimer et d'éduquer la jeunesse.

    Notre mission évangélique est bien de faire vivre dans notre monde, dur, orgueilleux et égoïste, l'Amour humble et doux qui est présence de Jésus-Christ à la rencontre de tous les hommes et surtout permettre aux petits, aux simples, aux pauvres d'être riches d'amour, des riches de Dieu.
Ne laissons pas mourir ce feu, ne laissons pas tarir le fleuve d'amour qui coule encore ! Car l'Amour ne dit jamais assez. Avec cet amour vivant dans nos cœurs partons, nous aussi, chaque jour, sur le chemin de la visitation de Dieu et des hommes.

(1) Jean - Jn 19,26-27
(2) Luc - Lc 1,42-43
(3) Luc - Lc 1,46-56
(4) OEA - IX,15
(5) Luc - Lc 1,44
(6) SFS, Traité de l'Amour de Dieu. Livre I, chapitre 15. La Pléiade, NRF, Paris, 1969, p. 395.
(7) OEA - XXVI, 18,20
(8) François de Sales, Prophète de l'Amour, La tradition Vivante, CIF, Epinay sur Seine, 1982, p. 32
(9) Idem. P. 33
(10) Idem. P. 30

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CLOTURE - dimanche 16 septembre - 16h
Vêpres solennelles

" Confiants dans l'amour chaque jour avec Marie "

    Ce récit de la présentation au temple de Jésus, résonne d'une manière particulière à nos oreilles, aujourd'hui. Il y a d'abord la figure de ce vieillard, Siméon, toute en attente, comme l'humanité de l'action de Dieu au cœur du monde, et qui, de ses yeux voit ce qu'il attend et ce que toute l'humanité attend depuis longtemps : Jésus, venu au cœur même de notre humanité, nous dire et nous apporter cet amour infini de ce Père qui nous aime.
    Et puis, il y a l'autre parole de Siméon, celle qu'il adresse à Marie en lui disant que ce Fils qui vient dans le monde, il va provoquer la chute et le relèvement de beaucoup, et qu'il sera un signe de division. Et Siméon ajoute envers Marie : " Et toi-même, ton cœur sera transpercé par une épée. " L'humanité est toujours en attente de Dieu, en attente du Seigneur. Et Siméon symbolise pour nous toute cette attente qui est déjà bien sûr réalisée par la venue du Christ en notre monde, mais qui, parce que nous sommes encore une humanité dans le temps, qui continue aujourd'hui dans l'attente de la vie des hommes, jusqu'à cette rencontre définitive, avec le Seigneur, au jour de cette Résurrection totale de l'humanité, quand nous partagerons la vie même du règne de Dieu.
    Aujourd'hui, notre monde est habité par cette attente, mais cet amour n'est pas toujours entendu, compris. La parole de Dieu, aujourd'hui, comme hier, une parole qui est un don, le don de Dieu même, à notre humanité, est une parole qui souvent divise, oppose. C'est que les hommes entre eux, n'ont pas toujours encore entendu dans leur cœur et dans leur vie l'amour infini que Dieu a pour chacun d'entre eux. Et Marie a vécu comme un glaive transperçant son cœur, cette humanité déchirée aujourd'hui comme hier. Or, la folie, or, l'inconscience, or tout ce qui fait que les hommes ne prennent pas en compte ce qu'est réellement leur humanité... Nous avons un peu vécu ces deux moments cette semaine. Dans notre foi chrétienne, avec l'espérance de cette attente, nous avons ici prié Marie dans la joie de cette espérance qui habite déjà notre monde et que les hommes d'aujourd'hui portent en eux. Et en même temps, comme Marie, un glaive a transpercé notre cœur, quand vous avez vu, quand nous avons vu, des victimes innocentes, être la proie des divisions et des idéologies qui font partie de notre humanité. Espérance, c'est celle de nos vies, de nos cœurs… Division, c'est celle qui accompagne les pas de notre humanité, chaque jour, aujourd'hui comme hier.
    Je voudrais terminer cette semaine en méditant plus particulièrement sur l'espérance chrétienne, cette espérance qui n'est jamais quelque chose d'acquis. C'est quelque chose que dans notre foi, nous sentons grandir en nous, et qui nous fait dire que l'amour est toujours plus fort que toute division, l'amour est plus fort que la mort. L'amour est plus fort que tout ce qui fait que notre humanité, de temps en temps, n'est pas digne de vivre, véritablement. Et je voudrais vous y inviter en vous montrant comment même un saint, lui-même, a du découvrir et vivre cette espérance, dans sa vie.
    Saint François de Sales, au début de sa vie, quand il était étudiant à Paris et à Padoue, a eu une crise très importante, à la fois psychologique, religieuse, spirituelle, il s'est posé une question qui était celle de l'époque. On parlait à cette époque de la question de la prédestination . Qu'est-ce que ça veut dire, sinon de se poser la question : " Est-ce que vraiment, je serai sauvé ? " . " Est-ce que vraiment, je découvrirai Dieu ? " . " Est-ce que peut-être Dieu m'a destiné depuis toujours à ne pas le rencontrer, et à vivre privé de son amour ? " Cette question pour saint François de Sales, qui dès son enfance avait découvert Dieu, avait essayé d'être fidèle à sa parole, cette question l'a taraudé, elle a envahi son esprit. Elle a touché son corps jusqu'à ce qu'il en devienne malade, presque à mourir. Il se disait vraiment : " Est-ce que Dieu m'aime ? " Et il a vu une réponse, celle de la foi, qui est la réponse de notre espérance. Un jour, il s'est trouvé devant une église à Paris, Saint Etienne des Bons. Il est rentré dans cette église, et il s'est mis aux pieds de la Vierge Marie, et là il lui a simplement fait une prière et il a dit : " Quoi que vous ayez décidé, Seigneur, dans l'éternel décret de votre prédestination, je vous aimerai Seigneur, au moins en cette vie, s'il ne m'est donné de vous aimer en la vie éternelle. " Immédiatement, son cœur a été apaisé. Il a senti en lui que dans cet abandon, cet acte total de foi, Dieu était présent, il percevait son amour, et il pouvait alors vivre de cet amour. C'est de là que vient son très étonnant optimisme sur l'homme, sur l'humanité, parce qu'il sait que cette humanité malgré tout ce qu'elle peut traverser, malgré toutes les difficultés qu'elle peut rencontrer, est maintenant habitée par un amour qui la dépasse, mais à laquelle elle est destinée, l'amour même du Seigneur.
    " Vous aimer en la vie éternelle… " a dit saint François de Sales. C'est notre désir à nous. C'est le désir de tout homme, passer par cet amour infini de Dieu pour l'humanité. Ce désir, c'est tout simplement l'espérance chrétienne. Mais cette espérance chrétienne alors, se construit chaque jour dans ce que nous vivons au quotidien, et elle demande que nous soyons toujours attentifs à parcourir ce chemin qui mène au Royaume. C'est celui des enfants de Dieu.
    Nous somme toujours habités par cette liberté que le Seigneur a mis en nous, de vivre, de choisir son amour et d'y répondre librement, comme Marie l'a fait par son oui d'amour. " La liberté de laquelle je parle, dit François de Sales à ceux à qui il s'adressait, c'est toujours la liberté des enfants bien-aimés." Et cette liberté est toujours un désengagement du cœur chrétien de toute chose, pour suivre la volonté de Dieu. Ce désengagement, nous pourrions dire, n'est pas de nous séparer de tout ce qui nous entoure. Nous partageons, nous des hommes, beaucoup d'espoirs, des espoirs humains : la santé de nos proches, l'avenir de nos enfants, la paix entre les peuples, même si elle n'est pas toujours évidente, la sauvegarde de notre environnement, la cohésion sociale, comme nous l'avons entendu dans cet appel œcuménique qui a été lu dans toutes les églises aujourd'hui, le partage des richesses, tout ceci est au cœur de notre vie de chaque jour et lui donne goût et saveur.
    Notre vie est toujours portée par ces préoccupations toutes légitimes que nous vivons et qui sont le poids de nous tous. Mais l'espérance chrétienne ne se réduit pas à ces espoirs humains. Au cœur de l'espérance chrétienne, à travers ces espoirs humains que nous vivons, nous savons qu'il y a un amour infini qui nous accompagne et qui est avec nous chaque jour. Parce que ce que nous vivons sur cette terre est un passage, le bateau de notre humanité, c'est celui dans lequel nous vivons, et il va vers un rivage, il traverse les eaux de ce monde pour atteindre un autre rivage, celui du Royaume, la paix de Dieu… Mettre notre espérance en lui, devient en sa seule présence vie éternelle et amour infini. Nous pourrions alors penser qu'il suffit de garder nos coeurs ouverts vers le ciel, surfant sur les événements de en notre vie humaine sans nous préoccuper des vagues, du gros temps et des tempêtes, comme cette semaine, certainement pas.
    Quand nous savons mettre en premier ce qui est essentiel, quand nous sommes habités par cette espérance qui aspire tout notre être comme un aimant vers le Père qui nous aime, nous sommes prêts alors, chaque jour, à prendre les rames de notre petite embarcation pour nous guider vers le port, à travers l'océan de ce monde. Ce guide que nos avons, celui en qui en qui nous mettons notre foi, notre espérance, celui qui par sa mort et sa résurrection a ouvert les portes de la vie, celui à qui Sœur Léonie Françoise de Sales Aviat a consacré sa vie, ce guide, c'est Jésus, chemin, vérité, vie. Ce Dieu qui a pris visage d'homme en son Jésus, son Fils bien-aimé et qui nous fait découvrir le vrai chemin du Royaume. Si nous sommes sauvés une fois pour toutes par le Christ, nous avons alors chaque jour à prendre son chemin, à conformer notre vie à la vie même du Christ, dans la prière, dans la charité et l'amour pour nos frères et dans ce profond optimisme qui nous fait croire toujours que l'humanité peu se dépasser, peut avancer et peut nous conduire vers l'amour. Si nous le croyons personnellement, si nous le vivons dans notre vie quotidienne, là où nous sommes, nous porterons alors du fruit, un fruit qui demeure et qui va donner sens à notre existence.
    Regardez cette attente de Siméon qui a toujours été tout en attente et quand Jésus est venu dans sa vie, elle a comblé son espérance. Nos mains, notre regard, nos paroles, notre cœur, peuvent alors s'ouvrir aux dimensions de notre humanité, même souffrante. Elle peut nous accueillir nous-mêmes et accueillir chacun de nos frères dans la réalité de sa vie. Nous savons que notre vie d'hommes et de femmes, aujourd'hui, comme hier est toujours une vie d'ombres et de lumière, de passion et de souffrance, d'abandon et d'attachement, de richesse et de pauvreté, d'amour et de haine, mais aussi de fureur de vivre, comme de peur de mourir.
    Mais si nous nous mettons chaque jour en route, à la suite du Christ, vers Dieu et vers nos frères, alors nous réalisons déjà en Marie, par toute notre vie, l'espérance de notre foi. Marie nous accompagne chaque jour sur ce chemin. Elle a porté au cœur de sa chair et au fond de son cœur, l'espérance de Dieu faite chair en son Fils. Aujourd'hui encore, elle porte l'espérance de Dieu en chacun de nous, dans l'Église et dans le monde. Sachons la prier pour découvrir aujourd'hui intimement dans nos vies cette présence du Christ qui nous fait aimer Dieu et notre monde. Amen.


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