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Plan - Théologie

INSTRUCTIONS SUR LA VERSION DU NOUVEAU TESTAMENT IMPRIMÉE A TRÉVOUX, AVEC TROIS LETTRES ET UNE ORDONNANCE DE M. l'ÉVÊQUE DE MEAUX.

 

 TOC \o "1-3" \n \h \z \u INSTRUCTIONS SUR LA VERSION DU NOUVEAU TESTAMENT IMPRIMÉE A TRÉVOUX, AVEC TROIS LETTRES ET UNE ORDONNANCE DE M. l'ÉVÊQUE DE MEAUX.

LETTRES INDIQUANT LE  BUT  ET  LA NÉCESSITÉ  DE  L'OUVRAGE.

PREMIÈRE LETTRE.

A M. le cardinal de Noailles, archevêque de Paris.

SECONDE LETTRE.

TROISIÈME  LETTRE. A M. l'abbé Bertin.

ORDONNANCE DE  Mgr  L'ILLUSTRISSIME  ET  RÉVÉRENDISSIME ÉVÊQUE DE MEAUX,

AVIS AU LECTEUR.

 

LETTRES INDIQUANT LE  BUT  ET  LA NÉCESSITÉ  DE  L'OUVRAGE.

 

PREMIÈRE LETTRE.

 

A M. le cardinal de Noailles, archevêque de Paris.

 

J'envoie enfin mes Remarques (1) à Votre Eminence. Je la supplie de les vouloir bien communiquer à M. Pirot, afin que, quand il lui en aura rendu compte, et que Votre Eminence elle-même en aura pris la connaissance que ses grandes et continuelles occupations lui pourront permettre, elle veuille bien me prescrire l'usage que j'en dois faire. Nous devons tout à la vérité et à l'Evangile ; et dès que l'affaire est devant vous, Monseigneur, je tiens pour certain que non-seulement vous y ferez par vous-même ce qu'il faudra, mais encore que vous ferez voir à moi et aux autres ce qu'il convient à chacun. J'ose seulement vous dire qu'il y faut regarder de près, et qu'un verset échappé peut causer un embrasement universel. Je trouve presque partout des erreurs, des vérités affaiblies, des commentaires, et encore des commentaires mauvais mis à la place du texte, les pensées des hommes au lieu de celles de Dieu, un mépris étonnant des locutions consacrées par l'usage de l'Eglise, et enfin des obscurcissements tels qu'on ne peut les dissimuler sans prévarication. Aucune des fautes de cette nature ne peut passer pour peu importante, puisqu'il s'agit de

 

1 Les remarques sur le Nouveau Testament de R. Simon.

 

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l'Evangile, qui ne doit perdre ni un iota ni aucun de ses traits. Je supplie Votre Eminence de croire qu'en appuyant mes remarques avec un peu plus de loisir, je puis par la grâce de Dieu les tourner en démonstrations. On peut bien remédier au mal à force de cartons ; mais il faudra que le public en ait connaissance puisque sans cela le débit qui se fait du livre porterait l'erreur par tout l'univers, et qu'il ne faut pour cela qu'un seul exemplaire. Je m'expliquerai davantage, Monseigneur, sur les desseins que l'amour de la vérité me met dans le cœur, quand j'aurai appris sur ceci les sentiments de Votre Eminence.

Post-scriptum. Le prier, pendant les occupations de l'assemblée, de faire examiner mes Remarques, non-seulement par M. Pirot, mais encore par MM. de Beaufort et Boileau, et de me donner communication de ses remarques, qui me donneront lieu à de nouvelles réflexions.

 

SECONDE LETTRE.

 

A M. de Malezieu, chancelier de Dombes.

 

Permettez-moi, Monsieur, dans la longueur et dans l'importance du discours que j'ai à vous faire , d'épargner ma main et vos yeux. J'ai achevé mes Remarques sur le Nouveau Testament en question. Leur nombre et leur conséquence se trouvent beaucoup plus grands que je ne l'avais pu imaginer. Erreurs, affaiblissements des vérités chrétiennes, ou dans leur substance, ou dans leurs preuves, ou dans leurs expressions, en substituant ses manières propres de parler à celles qui sont connues et consacrées par l'usage de l'Eglise, ce qui emporte une sorte d'obscurcissement : avec cela singularités affectées, commentaires, ou pensées humaines de l'auteur à la place du texte sacré, et autres fautes de cette nature se trouvent de tous côtés. Il m'arrive ici à peu près ce qui m'arriva avec feu M. le chancelier Le Tellier, au sujet de la Critique de l’Ancien Testament du même auteur. Ce livre allait paraître dans quatre jours avec toutes les marques de l'approbation et de l'autorité publique. J'en fus averti très-à propos par un homme bien instruit, et qui savait pour le moins aussi bien les

 

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langues que notre auteur. Il m'envoya un Index et ensuite une Préface, qui me firent connaître que ce livre était un amas d'impiétés et un rempart du libertinage. Je portai le tout à M. le chancelier le propre jour du jeudi saint. Ce ministre en même temps envoya ordre à M. de la Reynie de saisir tous les exemplaires. Les docteurs avaient passé tout ce qu'on avait voulu, et ils disaient pour excuse que l'auteur n'avait pas suivi leurs corrections. Quoi qu'il en soit, tout y était plein de principes et de conclusions pernicieuses à la foi. On examina si l'on pouvait remédier à un si grand mal par des cartons (car il faut toujours tenter les voies les plus douces) ; mais il n'y eut pas moyen de sauver le livre, dont les mauvaises maximes se trouvèrent répandues partout ; et après un très-exact examen que je fis avec les censeurs, M. de la Reynie eut ordre de brûler tous les exemplaires, au nombre de douze ou quinze cents, nonobstant le privilège donné par surprise et sur le témoignage des docteurs. Le fait est à peu près semblable dans cette occasion. Un savant prélat me donna avis de cette nouvelle version , comme s'imprimant dans Paris, et m'en fit connaître les inconvénients. Dans la pensée où j'étais, j'allai droit, comme je le devais, à M. le cardinal de Noailles. J'appris de lui que l'impression se faisait à Trévoux. Il ajouta qu'il me priait de voir le livre et me fit promettre de lui en dire mon avis, ce que je ne devais pas refuser ; mais je crus qu'il fallait aller à la source du privilège. Je vous ai porté une plainte à peu près de même nature que celle que j'avais faite contre la Critique du Vieux Testament. Vous y avez eu le même égard, et tout est à peu près semblable, excepté que je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'en venir ici à la même extrémité; car j'espère qu'à force de cartons, on pourra purger l'ouvrage de toutes erreurs et autres choses mauvaises, pourvu que l'auteur persiste dans la docilité qu'il a témoignée jusqu'ici, et que l'on revoie les cartons avec le même soin qu'on a fait l'ouvrage. Mais voici un autre inconvénient, c'est que le livre cependant s'est débité. On aura beau le corriger par rapport à Paris, le reste du monde n'en saura rien, et l'erreur aura son cours et demeurera autorisée.

Vous voyez bien, Monsieur, que pour parer ce coup, on ne

 

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peut se dispenser de révéler au public les corrections; et si j'avais aie faire, je puis vous assurer, sans présumer de moi-même, qu'en me donnant le loisir d'appuyer un peu mes remarques, je ne laisserais aucune réplique. Mais l'esprit de douceur et de charité m'inspire une autre pensée ; c'est qu'il faudrait que l'auteur s'exécutât lui-même, ce qui lui ferait dans l'Eglise beaucoup d'honneur et rendrait son ouvrage plus recommandable, quand on verrait par quel examen il aurait passé. Il n'y va rien de l'autorité du prince , ni du privilège : on sait assez que tout roule ici sur la foi des docteurs, à qui, s'il paraît un peu rude de découvrir leurs inadvertances, il serait beaucoup plus fâcheux de se voir chargés des reproches de tout le public. Ainsi il vaut mieux qu'on se corrige soi-même volontairement.

C'est l'auteur lui-même qui m'a donné cette vue : il se souviendra sans doute que, lorsqu'on supprima sa Critique du Vieux Testament, il reconnut si bien le danger qu'il y avait à la laisser subsister, qu'il m'offrit, parlant à moi-même , de réfuter son ouvrage. Je trouvai la chose digne d'un honnête homme : j'acceptai l'offre avec joie, autant que la chose pouvait dépendre de moi ; et, sans m'expliquer davantage, l'auteur sait bien qu'il ne tint pas à mes soins que la chose ne fût exécutée. Il faudrait rentrer à peu près dans les mêmes errements, la chose serait facile à l'auteur; et pour n'en pas faire à deux fois , il faudrait en même temps qu'il remarquât volontairement tout ce qu'il pourrait y avoir de suspect dans ses Critiques. Par ce moyen, il demeurerait pur de tout soupçon, et serait digne alors qu'on lui confiât la traduction de l'Ancien comme du Nouveau Testament.

Je puis vous dire avec assurance que ses Critiques sont farcies d'erreurs palpables. La démonstration en est faite dans un ouvrage qui aurait paru il y a longtemps (a), si les erreurs du quiétisme n'avaient détourné ailleurs mon attention. Je suis assuré de convenir de tout en substance avec l'auteur. L'amour et l'intérêt de la vérité , auxquels toute autre raison doit céder, ne permet pas qu'on le laisse s'autoriser par des ouvrages approuvés, et encore par des ouvrages de cette importance. Il faut noter en

 

(a) Cet ouvrage est la Défense de la Tradition et des saints Père.

 

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même temps les autres qu'il a composés, qui sont dignes de répréhension ; autrement le silence passerait pour approbation. Un homme de la main de qui l'on reçoit le Nouveau Testament, doit être net de tout reproche. Cependant on ne travaille qu'à donner de l'autorité à un homme qui n'en peut avoir qu'au préjudice de la saine théologie : on le déclare déjà le plus capable de travailler sur le Nouveau Testament, jusqu'à le donner pour un homme inspiré par les évangélistes eux-mêmes dans la traduction de leurs ouvrages. C'est l'éloge que reçoit l'auteur dans l’Epître dédicatoire, ce qu'on prouve par le jugement des docteurs nommés par Son Altesse Sérénissime.

Un tel éloge donné sous le nom et presque sous l'aveu d'un si grand et si savant prince, si pieux d'ailleurs et si religieux , donnerait à l'écrivain une autorité qui sans doute ne lui convient pas, jusqu'à ce qu'il se soit purgé de toute erreur. Les journaux le louent comme un homme connu dans le monde par ses savantes critiques. Ces petits mots jetés comme en passant, serviront à faire avaler doucement toutes ses erreurs, à quoi il est nécessaire de remédier, ou à présent ou jamais.

Pour lui insinuer sur-cela ses obligations, conformes au premier projet dont vous venez de voir, Monsieur, qu'il m'avait fait l'ouverture, on peut se servir du ministère de M. Bertin, qui espère d'insinuer ces sentiments à M. Bourret, et par là à M. Simon lui-même. Quoi qu'il en soit, on ne se peut taire en cette occasion, sans laisser dans l'oppression la saine doctrine. Vous savez bien que, Dieu merci, je n'ai pas par moi-même aucune envie d'écrire. Mes écrits n'ont d'autre but que la manifestation de la vérité : je crois la devoir au monde plus que jamais, à l'âge où je suis, et du caractère dont je me trouve revêtu. Du reste les voies les plus douces et les moins éclatantes seront toujours les miennes, pourvu qu'elles ne perdent rien de leur efficace. J'attends, Monsieur, vos sentiments sur cette affaire, la plus importante qui soit à présent dans l'Eglise, et sur laquelle je ne puis aussi avoir de meilleurs conseils que les vôtres. Tenez du moins pour certain que je ne me trompe pas sur la doctrine des livres, ni sur la nécessité et la facilité d'en découvrir les erreurs.

 

 

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TROISIÈME  LETTRE. A M. l'abbé Bertin.

 

Je vous envoie mes Remarques, Monsieur. Vous voyez bien qu'il y fallait donner du temps. Il n'en faudra guère moins pour recevoir les corrections de l'auteur, quand il en sera convenu. Je n'ai pas peur, Monsieur, que vous les trouviez peu importantes; au contraire je suis assuré que plus vous les regarderez de près, plus elles vous paraîtront nécessaires ; et que vous ne serez pas plus d'humeur que moi à laisser passer tant de singularités affectées, tant de commentaires et de pensées particulières de l'auteur mises à la place du texte sacré, et qui pis est, des erreurs, un si grand nombre d'affaiblissements des vérités chrétiennes ou dans leur substance, ou dans leurs preuves, ou dans leurs expressions, en substituant celles de l'auteur à celles qui sont connues et consacrées par l'usage de l'Eglise, et autres semblables obscurcissements. Il faut avoir pour l'auteur et pour les censeurs toute la complaisance possible, mais sans que rien puisse entrer en comparaison avec la vérité. Ce n'est pas assez de la sauver par des corrections : le livre s'est débité : il ne sert de rien de remédier aux fautes par rapport à Paris, pendant qu'elles courront par toute la terre, sans qu'on sache rien de ces corrections. Il n'en faut qu'un exemplaire en Hollande, où l'auteur a de si grandes correspondances, pour en remplir tout l'univers et donner lieu aux libertins de se prévaloir du nom glorieux de monseigneur le duc du Maine, et de celui des docteurs choisis par un si savant et si pieux prince pour examiner les ouvrages de sa célèbre imprimerie. Ce serait se déclarer ennemi de la vérité que d'en exposer la cause à un si grand hasard.

Puisqu'il faudra se déclarer sincèrement et se faire honneur de l'aveu des fautes de cette traduction, il n'en faut pas faire à deux fois, et il est temps de proposer à M. Bourret et à l'auteur le dessein que je vous ai confié. Je vous répète qu'il m'a offert à moi-même de réfuter sa Critique du Vieux Testament; et il ne tint pas à moi que la chose ne fût acceptée et exécutée, au grand

 

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avantage de la vérité et au grand honneur de la bonne foi de l'auteur, il faudrait pousser ce dessein plus loin, et qu'il relevât pareillement les autres fautes des critiques suivantes. Il me sera aisé de les indiquer; car je les ai toutes recueillies ; et si je n'avais été empêché de les publier par d'autres besoins de l'Eglise, qui paraissaient plus pressants, je puis assurer avec confiance, sans présumer de moi-même, qu'il y aurait longtemps que l'auteur serait sans réplique. Je n'en veux pas dire ici davantage. Tout ce qui le fait paraître si savant ne paraîtrait que nouveauté, hardiesse, ignorance de la tradition et des Pères ; et s'il n'était pas nécessaire de parler à fond à un homme comme vous , je supprimerais volontiers tout ceci : mais enfin le temps est venu qu'il faut contenter la vérité et l'Eglise. Je vous laisse à ménager l'esprit de l'auteur avec toute votre discrétion : je ferai même valoir sa bonne foi tout autant qu'il le pourra souhaiter. Quant au fond, je suis assuré d'en convenir avec lui ; et quant aux manières, les plus claires et les plus douces seront les meilleures. Je ne veux que du bien à cet auteur et rendre utile à l'Eglise ses beaux talents, qu'il a lui-même rendus suspects par la hardiesse et les nouveautés de ses critiques. Toute l'Eglise sera ravie de lui voir tourner son esprit à quelque chose de meilleur et se montrer vraiment savant, non par des singularités , mais par des recherches utiles. Pour ne rien oublier, il faut dire encore que la chose se peut exécuter en deux manières très-douces : l'une, que j'écrive à l'auteur une lettre honnête, où je l'avertisse de ce que l'édification de l'Eglise demande que l'on corrige ou que l'on explique dans ses livres critiques, à commencer par la Critique du Vieux Testament, et consécutivement dans les autres, y compris sa version et ses scholies, et qu'il y réponde par une lettre d'acquiescement. L'autre, que s'excitant de lui-même à une révision de ses ouvrages de critique, etc., comme ci-dessus, et examinant les propositions qu'on lui indiquera secrètement, il y fasse les change-mens, corrections et applications que demande l'édification de l'Eglise. Il n'y aura rien de plus doux, ni de plus honnête, ni qui soit de meilleur exemple.

Ce sera alors qu'on pourra le regarder comme le digne interprète

 

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de l'Ecriture, et non-seulement du Nouveau Testament, mais encore de l'Ancien , dont la traduction a beaucoup plus de difficultés. Pour m'expliquer encore davantage, il ne s'agit pas de rejeter toute la Critique du Vieux Testament, mais seulement les endroits qui tendent à affaiblir l'authenticité des saints Livres; ce qui ne sera pas fort difficile à l'auteur, puisqu'il a déjà passé condamnation pour Moïse dans sa préface sur saint Matthieu. Au reste on relèvera ce qui sera bon et utile dans la Critique du Vieux Testament, comme par exemple, si je m'en souviens bien, sur l'étendue qu'il donne à la langue sainte au-dessus des dictionnaires rabbiniques par les anciens interprètes et commentateurs. S'il y a quelque autre beau principe qu'il ait développé dans ses Critiques, je ne le veux pas priver de la louange qu'il mérite ; et vous voyez au contraire que personne n'est mieux disposé que moi à lui faire justice, dès qu'il la fera à l'Eglise.

 

 

ORDONNANCE DE  Mgr  L'ILLUSTRISSIME  ET  RÉVÉRENDISSIME ÉVÊQUE DE MEAUX,

 

Portant défense de lire et retenir le livre qui a pour titre : Le Nouveau Testament de N.-S. J.-C, traduit, etc., avec des remarques, etc.

 

Jacques-Bénigne, par la permission divine, évêque de Meaux, etc. Au clergé et au peuple de notre diocèse, salut et bénédiction en Notre-Seigneur.

Il se répand dans la ville métropolitaine et aux environs un livre qui a pour titre : Le Nouveau Testament de Notre-Seigneur Jésus-Christ, traduit sur l'ancienne édition latine, avec des remarques littérales et critiques, etc., à Trévoux, etc., M. DCCII. Ce livre était déjà imprimé depuis quelques mois; mais on en avait suspendu la publication jusqu'à ce qu'il fût corrigé. Quoique l'auteur ne se nomme pas, il est bien connu ; et ce n'est pas sans raison qu'il était suspect depuis longtemps. Ses Critiques de l'Ancien

 

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et du Nouveau Testament nous venaient des lieux où l'hérésie domine, sans avoir pu mériter l'approbation d'aucun docteur catholique ; et la Critique du Vieux Testament était à peine imprimée en France, qu'elle y fut condamnée et supprimée, après un examen bien connu de nous, par arrêt du Conseil d'en haut : tant elle parut dangereuse et pleine d'erreurs. Une traduction du Nouveau Testament donnée par un tel auteur, fit craindre aux gens de bien ce qu'on voit en effet dans cet ouvrage ; et par la disposition de la divine Providence, le livre nous fut mis en main du consentement de l'auteur, pour être revu dans un examen charitable. Sans en attendre l'effet, l'ouvrage a paru ; et nous nous trouvons obligé, tant par le devoir de notre charge et pour le salut du troupeau qui nous est commis que par des raisons particulières, d'en expliquer notre sentiment.

C'était une mauvaise disposition pour traduire le Nouveau Testament , que d'en faire précéder la traduction par tant de livres qui ont paru sous le nom de Critique, où l'auteur s'est introduit malgré les pasteurs dans le bercail de Jésus-Christ. Celui qui a affecté cette indépendance, sans doute n'a pas voulu entrer par la porte de la mission apostolique : le portier qui est établi par le grand Pasteur des brebis ne lui a pas ouvert l’entrée : c'est un étranger qui est venu de lui-même; et il ne faut pas s'étonner si les ministres de ce grand Pasteur ont été émus et scandalisés par sa venue, ni si sa traduction s'est attiré leur censure. Il n'était pas convenable que le troupeau de Jésus-Christ reçut l'Evangile d'une telle main, puisque même on a trouvé dans son nouvel ouvrage le même esprit et la suite des mêmes erreurs qu'il a toujours enseignées.

A ces causes, en nous conformant à la docte et juste censure donnée à Paris le quinzième de septembre 1702, le saint nom de Dieu invoqué et n'ayant que sa crainte et sa vérité devant les yeux : Nous défendons très-expressément à tous les fidèles de notre diocèse, ecclésiastiques et autres, de lire ou retenir le livre nommé ci-dessus, sa préface, sa traduction et ses remarques, comme étant respectivement la traduction infidèle, téméraire, scandaleuse ; les remarques, tant celles de la préface que celles des marges, pleines

 

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d'explications pareillement téméraires, scandaleuses, contraires à la tradition et consentement unanime des Pères, périlleuses dans la foi et induisantes à erreur et à hérésie, sous peine d'excommunication : laquelle nous déclarons être encourue ipso facto par les curés, vicaires, prêtres, confesseurs et directeurs qui en permettront ou conseilleront la lecture.

Pour joindre l'instruction à une ordonnance épiscopale , nous remonterons à la source, et nous donnerons de salutaires avertissements contre une fausse critique, que l'on s'efforce d'introduire dans nos jours; ce qui paraît principalement dans les Critiques précédentes de l'auteur, puisqu'il y attaque l'authenticité des saints Livres, leur inspiration et la providence particulière qui les conserve aux fidèles, la tradition, l'autorité des Pères qu'il combat les uns par les autres dans des matières capitales et la sainte uniformité de la doctrine de l'Eglise, qui fait la gloire et le fondement du christianisme.

Par là nous n'entendons pas entrer en dispute avec ceux qui sont toujours prêts à douter de tout, et à semer parmi les fidèles des questions infinies contre le précepte de l'Apôtre : il nous suffira de proposer la vérité dont le précieux dépôt est confié aux évoques ; heureux si notre voix, quoique faible, en secondant les intentions de ceux qui veillent sur la cité sainte, peut même ranimer ceux qui dorment peut-être trop tranquillement parmi les périls de l'Eglise.

Mandons à tous chapitres, curés et supérieurs de communautés religieuses et autres, qui sont conduites par nos ordres, de tenir la main à l'exécution de la présente ordonnance, laquelle sera lue et publiée tant par les prédicateurs de notre Eglise cathédrale que par les curés et vicaires dans leurs prônes, et affichée partout où il appartiendra, afin que personne n'en prétende cause d'ignorance. Donné à Meaux dans notre palais épiscopal, le vingt-neuvième de septembre, l'an mil sept cent deux. Ainsi signé:

 

+ J. BÉNIGNE, évêque de Meaux.

 

Et plus bas

 

Par le commandement de Monseigneur :

FARON.

 

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