Apocalypse XVI
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Explication

CHAPITRE XVI.

 

Les sept coupes versées : et les sept plaies.

 

1.  Et j'entendis une voix forte qui sortit du temple et qui dit aux sept anges : Allez, et répandez sur la terre les sept coupes de la colère de Dieu.

2.  Le premier ange partit et répandit sa coupe sur la terre ; et les hommes qui avaient le caractère de la bête, et ceux qui adoraient son image , furent frappés d'une plaie (a) maligne et dangereuse.

3.  Le second ange répandit sa coupe sur la mer, et elle devint comme le sang d'un mort ; et tout ce qui avait vie dans la mer mourut.

A. Le troisième ange répandit sa coupe sur les fleuves et sur les fontaines, et ce fut partout du sang.

5.  Et j'entendis l'ange qui a pouvoir sur les eaux, qui dit : Vous êtes juste, Seigneur, qui êtes, et qui avez été; vous êtes saint, lorsque vous rendez de tels jugements.

6.  Parce qu'ils ont répandu le sang des Saints et des prophètes, vous leur avez aussi donné du sang à boire : car ils en sont dignes.

7.  En même temps j'en entendis un autre qui disait de l'autel : Oui, Seigneur Dieu tout-puissant, vos jugements sont justes et véritables.

8.  Le quatrième ange répandit sa coupe sur le soleil, et il lui fut donné de tourmenter les hommes par l'ardeur du feu.

9.  Et les hommes furent brûlés d'une chaleur dévorante ; et ils blasphémèrent le nom de Dieu, qui tient ces plaies en son pouvoir; et ils ne firent point pénitence pour lui donner gloire.

10. Le cinquième ange répandit sa coupe sur le trône de la bête, et son royaume devint ténébreux, et les hommes se mordirent la langue dans leur douleur.

11. Ils blasphémèrent le Dieu du ciel, à cause de leurs douleurs et de leurs plaies, et ils ne firent point pénitence de leurs œuvres.

 

(a) Grec : Ulcère.

 

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12.   Le sixième ange répandit sa coupe sur ce grand fleuve d'Euphrate; et ses eaux furent séchées pour ouvrir un chemin aux rois d'Orient.

13.  Et je vis sortir de la bouche du dragon, de la bouche de la bête et de la bouche du faux prophète , trois esprits impurs semblables à des grenouilles.

14.  Ce sont les esprits des démons qui font des prodiges, et qui vont vers les rois de toute la terre pour les assembler au combat au grand jour (a) du Dieu tout-puissant.

15. Je viens comme un larron. Heureux celui qui veille et qui garde ses vêtements, de peur qu'il ne marche nu et qu'il ne découvre sa honte.

16. Et il les assemblera (b) au lieu qui, en hébreu, s'appelle Armagedon.

17. Le septième ange répandit sa coupe dans l'air, et une voix forte se fit entendre du temple, venant du trône, qui dit : C'en est fait.

18.  Aussitôt il se fit des éclairs, des bruits et des tonnerres , et un grand tremblement de terre ; et ce tremblement fut si grand , que jamais les hommes n'en ont ressenti de pareil depuis qu'ils sont sur la terre.

19. Et la grande cité fut divisée en trois parties, et les villes des nations tombèrent ; et Dieu se ressouvint de la grande Babylone, pour lui donner à boire le vin de l'indignation de sa colère.

20. Toutes les îles s'enfuirent, et les montagnes disparurent.

21.  Et une grande grêle , comme du poids d'un talent, tomba du ciel sur les hommes; et les hommes blasphémèrent Dieu à cause de la plaie de la grêle, parce que cette plaie était très-grande.

 

EXPLICATION DU  CHAPITRE   XVI.

 

Les calamités de l'empire de Valérien. Les rois d'Orient vainqueurs, et les batailles funestes aux empereurs romains. La chute de Rome proposée en gros. Economie de ce chapitre ; son rapport avec le chapitre IX depuis le verset 14.

 

1. Et j'entendis une grande voix. Saint Jean après avoir proposé

 

(a) Grec : De ce grand jour. — (b) Et ils les assemblèrent (au pluriel) en le rapportant aux esprits, vers. 14 : ta pneumata ecporeutai kai sunegagen

 

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comme en gros la chute de Rome, la va expliquer plus en détail et sous des images plus claires : c'est ce qui paraîtra bientôt dans les chapitres XVII et XVIII. Pour commencer ici à en expliquer les causes, il reprend les choses de plus haut, et revient au commencement du second , dont il a parlé chapitre IX, verset 14. Mais ici il nous en apprend des particularités remarquables, et nous montre mieux le rapport qu'il a avec la chute de Rome. Une grande voix qui sortit du temple ; la voix qui sort ici du temple sans qu'il y paroisse aucun ministère des anges, est de celles qui marquent un ordre venu plus immédiatement de. Dieu même, selon la remarque du chapitre I, verset 10. On en entendra une semblable, verset 17, et il faudra bien prendre garde à ce qu'elle dira. Une grande voix qui sortit du temple et qui dit aux sept anges. Remarquez ici soigneusement que l'ordre vient en même temps à tous les sept anges; de sorte qu'il faut entendre qu'ils versèrent leurs coupes ensemble, à peu près dans le même temps et comme coup sur coup. Lorsque l'Agneau ouvre les sceaux, on les lui voit ouvrir successivement, et à chacune des quatre premières ouvertures, un des animaux avertit saint Jean de regarder , VI, 1, 3, 5, 7. On ne voit pas moins clairement dans les trompettes que les sept anges en sonnent l'un après l'autre : les trois , qui sont réservés pour les trois dernières trompettes, viennent avec une manifeste succession, VIII, 13; IX, 12; XI, 14; et un ange jure expressément qu'au temps de la septième trompette, le mystère de Dieu s'accomplirait, X, 6, 7. La succession nous est donc très-distinctement marquée dans tous ces endroits. On ne voit rien de semblable dans ce chapitre XVI, ni à l'effusion des sept coupes : au contraire on n'entend qu'une seule voix pour les sept anges : l'ordre part en même temps pour tous ; et le Saint-Esprit , qui veut qu'on apporte une attention extrême dans la contemplation de ces mystères, nous avertit par là que ces sept plaies regardent un certain temps fort court, où Dieu devait faire sentir tous ces fléaux à la fois. Cet état effroyable où tous les maux se rassemblent est l'empire de Gallien, incontinent après que l'empereur Valérien eut été pris par le fier Sapor, roi de Perse ; car c'est alors que Dieu irrité des violences qu'on faisait souffrir à son

 

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Eglise depuis plus de deux cents ans, marqua sa juste colère par deux effets merveilleux : l'un, en faisant fondre ensemble sur l'Empire romain tout ce qu'on peut endurer de calamités sans périr tout à fait; l'autre, en les envoyant incontinent après la persécution et en changeant tout à coup l'état le plus heureux du monde au plus triste et au plus insupportable , comme la suite le fera paraître.

2. Le premier ange partit. L'ordre venu de Dieu ne regardait pas plus ce premier ange que les autres, comme on a vu, verset 1. Comme donc il partit en même temps que l'ordre vint, il faut entendre que les six autres en firent autant et allèrent tous verser leurs fioles ou leurs coupes, l'un d'un côté , l'autre d'un autre, suivant que la justice divine les avait distribués : de sorte que si saint Jean nous les peint l'un après l'autre, ce n'est qu'à cause qu'on ne peut pas tout dire à la fois.

D'une plaie maligne et dangereuse. Les interprètes entendent ici le charbon et la tumeur de la peste ; et c'est aussi ce qui arriva du temps de Valérien, comme on va voir.

Et les hommes qui avaient le caractère de la bête, et ceux qui adoraient son image. Nous avons déjà parlé de ce caractère de l'idolâtrie romaine, qui consistait à adorer les empereurs et leurs images ; et nous en avons vu la pratique dès les premiers empereurs romains, et en particulier sous le règne de Valérien, XIII, 12.

Les hommes qui avaient le caractère de la bête, et ceux qui adoraient son image, furent frappés. Pourquoi ceux-ci en particulier ? Est-ce que les chrétiens furent exempts de cette plaie ? Une admirable lettre, où saint Denys d'Alexandrie, auteur du temps, nous représente cette peste, nous va expliquer ce mystère d'une manière à ne nous laisser aucun doute. « Après la persécution, nous eûmes, dit-il, la guerre et la famine, et ces maux nous furent communs avec les païens : mais lorsque tous ensemble nous eûmes goûté un peu de repos, cette grande peste vint tout à coup et fut pour eux le plus extrême et le plus terrible de tous les maux : mais pour nous, nous la regardâmes plutôt comme un remède ou comme une épreuve que comme une plaie ; car encore qu'elle

 

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attaquât davantage les gentils, nous n'en fûmes pas exempts (1). » Saint Denys raconte ensuite comme, pendant que les gentils chas-soient jusqu'à leurs amis et à leurs parents, les chrétiens au contraire secouraient jusqu'aux plus indifférents et gagnaient le mal en assistant les malades. Par où nous apprenons trois choses,, qui semblent faites pour expliquer ce passage de l’Apocalypse : la première, que par une bonté particulière de Dieu, la peste épargna les chrétiens plus que les autres ; la seconde, que s'ils en souffrirent, ce fut plutôt en assistant ceux qui étaient frappés de ce mal qu'en étant directement frappés eux-mêmes ; la troisième, qu'ils le regardaient, non pas comme un fléau de Dieu, mais comme une matière d'exercer leur charité et leur patience. Saint Cyprien, qui écrivait dans le même temps, remarque soigneusement ce dernier point, Cypr., de Mortal. Et on voit clairement par ces passages toutes les raisons que saint Jean avait de regarder cette peste comme envoyée principalement aux infidèles.

Cette peste est sans doute celle qui avait commencé à ravager tout l'univers quelques années auparavant et dès le temps de la persécution de Gallus et de Yolusien : mais elle reprenait de temps en temps de nouvelles forces, et Zozime a remarqué qu'elle fut après la prise de Valérien, et sous son fils Gallien, la plus grande, comme la plus universelle qu'on eût jamais vue, Zoz., lib. I; Treb. Poll., in Gallian.

3.  Le second ange... sur la mer. C'est les guerres dans tout le corps de l'Empire ; et l'on voit toute la mer changée en sang, parce que tout nage dans le sang par tout l'Empire. Comme le sang d'un corps mort : cette parole explique encore plus vivement le déplorable état de l'Empire, lorsque] destitué de l'autorité qui en est l’âme, il semble n'être plus qu'un grand cadavre.

4.  Le troisième ange... sur les fleuves. Les fleuves changés en sang sont les provinces ensanglantées de guerres civiles. Saint Denys d'Alexandrie nous représente dans sa ville des fleuves de sang : c'est que le préfet Emylien s'y fit tyran. Il s'en éleva trente autres en divers endroits, et trente batailles ne suffirent pas pour

 

1 Euseb., VII, XXII

 

 

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les détruire, Dion. Alex., ap. Euseb.,VIII XXI; Treb. Poll., in Triginta tyrannos.

5.  Et j'entendis l'ange... Vous êtes juste, Seigneur... On voit ici que les jugements que Dieu exerce sur la terre, font le sujet des louanges que lui donnent les citoyens du ciel.

6.  Parce qu'ils ont répandu le sang des Saints. On se rassasie du sang dont on est avide, principalement dans les guerres civiles , où chacun semble boire le sang de ses concitoyens.

7.  J'en entendis un autre qui disait .... Oui, Seigneur.... Remarquez ici le consentement des anges à louer Dieu, et une manière admirable d'inculquer la vérité.

8.  Le quatrième ange.... sur le soleil....par l'ardeur du feu :... pour signifier les chaleurs excessives, la sécheresse et ensuite la famine. On voit dans saint Denys d'Alexandrie le Nil comme desséché par des chaleurs brûlantes. Saint Cyprien dans le même temps nous représente la famine dont le monde fut souvent affligé, ad Demetr.

9.  Et ils blasphémèrent le nom de Dieu. Au lieu de se convertir, les idolâtres rejetaient tous ces maux sur les chrétiens, Cypr., ibid. C'était là le plus grand mal de la plaie, que les hommes, loin d'en profiter selon le dessein de Dieu, s'en endurcissaient davantage ; ce qui paraît encore mieux, versets 10, 11.

10. Le cinquième ange... sur le trône de la bête. La bête , c'est, comme on a vu, Rome idolâtre : le fléau de Dieu sur le trône de la bête, c'est la grandeur et la majesté des empereurs ravilie; ce qui arriva lorsque Valérien, vaincu et devenu esclave des Perses, servit à leur roi de marche pied pour monter à cheval, lorsqu'après sa mort, sa peau arrachée de dessus son corps fut pendue dans leur temple, comme un monument éternel d'une si belle victoire ; lorsque malgré toutes ces indignités qu'on fit souffrir à un si grand prince, la majesté de l'Empire était encore plus déshonorée par la mollesse et l'insensibilité de son fils Gallien, Lact., de Mort, persecut., V, etc.

Et son royaume devint ténébreux : la dignité de l’empereur fut avilie par le grand nombre de ceux qui se l'attribuèrent. On en compta jusqu'à trente, et parmi eux beaucoup de gens de néant.

 

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A la honte du nom romain, des femmes mêmes usurpèrent la domination ; le sénat honteux s'écriait : « Délivrez-nous de Victoire et de Zénobie ; » et quelque excessifs que fussent les autres maux, l'opprobre les passait tous, Trebell. Poll., in Val. Gall., triginta. Tyr., etc. C'est ce qu'on appelle un royaume ou un règne ténébreux , et la majesté obscurcie. Tel est le coup que reçut Rome sous Valérien incontinent après la persécution. Le contre-coup fut encore plus funeste : car nous avons vu que c'est alors proprement que commença l'inondation des barbares. Pour résister à tant d'ennemis, il fallut sous Dioclétien multiplier les empereurs et les césars. Ainsi le nom de César est avili, la faiblesse de l'Empire montrée en ce qu'un seul prince ne suffisait pas pour le défendre ; les charges publiques augmentées pour fournir aux dépenses immenses de tant d'empereurs, Lact., de Mort, persecut., VII. Dioclétien accoutumé aux flatteries des Orientaux, fuit Rome et craint la liberté de ses citoyens, là même, XVII. Galère Maximien se met dans l'esprit de transporter l'empire en Dacie, d'où ce barbare était sorti, là même, XXVII. Voilà les maux qui vinrent à l'Empire, et dont la première cause commença dans le règne de Valérien. Voilà les degrés par où il devait tomber dans sa dernière ruine. Remarquez que dans ce règne ténébreux, saint Jean regarde les ténèbres de l'Egypte, Exod., X, 21.

11.  Ils blasphémèrent le Dieu du ciel. Les blasphèmes augmentèrent avec les maux qu'on imputait aux chrétiens, comme on a vu.

12.  Le sixième ange... sur ce grand fleuve d'Euphrate, et ses eaux furent séchées : dessécher les rivières dans le style prophétique , c'est en ouvrir le passage, Isa., XI, 15 , 16 ; Zach., X, 11. Pour ouvrir un chemin aux rois d'Orient : au roi de Perse et aux autres rois qui le suivaient à la guerre, Trebell. Poll. C'est de là que nous avons vu que devait venir la ruine de l'Empire et cette sixième plaie se rapporte à la sixième trompette, ci-dessus, IX, 13, et suiv.

13.  Et je vis sortir de la bouche du dragon... Remarquez que le dragon était toujours demeuré au lieu où saint Jean l'avait vu, comme il a déjà été dit, XII, 18; XIII, 1, et non-seulement le dragon,

 

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mais encore la bête et le faux prophète qui avaient paru au même chapitre XIII, 1,11,

De la bouche du faux prophète : c'est la seconde bête du chapitre XIII, 11, où le mot de bête nous fait voir que c'est une espèce d'empire et non pas un homme particulier. La remarque en a déjà été faite, là même.

Trois esprits impurs semblables à des grenouilles. C'est-à-dire qu'il en sortit un de la bouche du dragon , un de la bouche de la bête et un de la bouche du faux prophète : ce qui nous marque trois temps, dont le premier est celui de Valérien, que ce chapitre regarde principalement. Semblables à des grenouilles : on remarque dans ces grenouilles quelque idée d'une des plaies de l'Egypte.

14. Ce sont les esprits des démons qui font des prodiges ; c'est-à-dire, manifestement les devins et les magiciens qui animaient les princes contre les chrétiens par des prestiges et de faux oracles, et les engageaient à entreprendre des guerres, en leur promettant la victoire, pourvu qu'ils persécutassent l'Eglise. Saint Jean nous apprend ici une mémorable particularité du second , auquel il remonte en ce lieu : c'est que les démons y agissent d'une manière terrible ; ce que saint Jean n'en avait point dit, lorsqu'il en a parlé la première fois, IX, 12, 13 et suiv. Mais c'est qu'il importait de faire voir l'opération du démon dans ce ., comme dans les autres, ainsi qu'il sera remarqué après qu'on aura tout vu, et dans un lieu plus propre à le faire entendre.

Et qui vont vers les rois de toute la terre. Remarquez que ces esprits impurs agissaient également sur tous les rois de la terre et pour ainsi parler dans toutes les cours. Je trouve trois temps remarquables où s'accomplit cette prophétie. Premièrement, sous Valérien , dont il s'agit principalement dans ce chapitre. Saint Denys d'Alexandrie fait mention d'un chef des magiciens, qui incita ce prince à persécuter les fidèles, comme si tout devait bien réussir, pourvu qu'on les persécutât, Euseb., lib. VII, IX. Cet esprit impur qui trompa Valérien, sortit de la bouche du dragon , qui agissait également dans toutes les persécutions. Secondement, dans le temps de la persécution de Dioclétien, un Tagès, ou quel que soit

 

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celui que Lactance nous a voulu signifier par ce nom : quoi qu'il en soit, un chef de devins de Dioclétien se servait des divinations pour l'irriter contre les fidèles, Lact., de Mort, persecut., X; Divin, instit., IV, XXVII. Le même prince envoya un devin qui lui rapporta un oracle d'Apollon pour persécuter les chrétiens, de Mort, persecut., XI. Et dans la même persécution, sous Maximin, un Théotecnus « érigea une idole de Jupiter qui préside aux amitiés, et fit par ses faux miracles et les faux oracles qui s'y rendaient, que Maximin fut animé contre les chrétiens, l'assurant que le dieu commandait qu'il les exterminât, » Euseb., IX, II, III. Cet esprit sortit de la bouche de la bête qui, comme nous avons vu, représente bien en général l'Empire romain , mais plus particulièrement sous Dioclétien. Enfin en troisième lieu , Julien avait à sa suite dans les guerres contre les Perses et toujours, un nombre infini de devins, et entre autres son magicien Maxime , dont Eunapius lui-même nous fait voir les tromperies, in Max. et Chrys. C'était lui qui promettait à Julien une victoire assurée sur les Perses, en sorte que les chrétiens s'écrioient après sa perte : « Où sont maintenant tes prophéties, ô Maxime ! » Théod., III, cap. ult. Cet esprit sortit de la bouche du faux prophète, c'est-à-dire de la seconde bête, ou de la philosophie magicienne, dont le crédit éclata plus particulièrement sous Julien, comme il a été dit, XIII, 11 et suiv. Au reste il n'y a nul inconvénient qu'à l'occasion de ce que saint Jean voit arriver sous Valérien , le Saint-Esprit lui fasse voir encore des choses semblables qui devaient suivre dans les autres règnes.

Si les empereurs romains avaient leurs séducteurs, les Perses, dont les mages ont donné le nom aux magiciens, ne manquaient pas de leur côté de devins qui les excitaient en même temps à la guerre contre les Romains et à la persécution des fidèles. Sozomène raconte que les mages ne cessaient d'aigrir le roi de Perse contre les chrétiens, et que ce fut ce qui excita la persécution en Perse du temps de Constantin, Soz., II, IX-XII. Nous voyons quelque temps après, et du règne de Théodose le Jeune, que les mages trompaient Isdigerde, roi de Perse, par de faux prodiges, pour l'animer contre les chrétiens, et que son fils

 

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Varane, qui rompit avec les Romains, fut induit en même temps par les mêmes mages à une cruelle persécution. C'est ce que nous apprenons de Socrate, lib. VII, VIII et XVIII.

Il ne faut pas douter qu'il n'en soit arrivé autant dans les autres temps , mais nous n'avons pas l'histoire de cette nation. Il ne faut nullement douter qu'il n'y eût des chrétiens en Perse , où l'Evangile fut porté par les apôtres dès le commencement du christianisme, ni qu'ils ne s'y soient, comme ailleurs, multipliés par le martyre, ni qu'ils ne se soient attiré là, comme partout ailleurs, la haine des devins et des prêtres des faux dieux, dont ils venaient détruire l'empire. Quelques-uns veulent que, par les trois esprits impurs, on entende trois espèces de divinations, par les oiseaux, par les entrailles, par la magie; ou trois manières de tromper les hommes, par les faux oracles, par les faux miracles, par les faux raisonnements, à quoi je ne m'oppose pas : mais je préfère à tout cela trois démons, qui en trois temps différents font sentir aux chrétiens leur malignité par des divinations impies.

Au grand jour de Dieu : au jour du grand combat dont il va être parlé, verset 10.

15. Je viens comme un larron : c'est Jésus-Christ qui parle, conformément à la parabole où il se compare à un voleur qui surprend le père de famille, Matth., XXIV, 43. Cette parole se doit entendre, non-seulement de l'heure de la mort, mais encore de tous les malheurs publics, qui presque tous surprennent les hommes, et du dernier jugement dont tous les malheurs publics sont des avant- coureurs et des images.

16. Et il les assemblera. Le grec : Et il les assembla. Il n'importe, puisque les prophètes voient souvent le futur comme passé, pour marquer la certitude de leur prédiction.

Il les assemblera : ce sont les rois que le dragon assemblera par ses esprits impurs qui sortiront de sa gueule, 13,14.

Au lieu qui en hébreu s'appelle Armagedon: Armageddon, par deux dd dans le grec selon les Septante dont les apôtres suivent ordinairement la leçon, et selon l'étymologie de ce nom, qui est hébreu, c'est-à-dire la montagne de Mageddon. Au lieu qui s'appelle Armagedon, c'est-à-dire au lieu où les grandes armées sont

 

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défaites, au lieu où les rois périssent. Sisara et les rois de Canaan sont taillés en pièces en Mageddon, Jud., IV, 7, 16; v, 19. Ochozias, roi de Juda, y périt, IV Reg., IX, 27. Et Josias est tué dans le même lieu par Nécao, roi d'Egypte, IV Reg., XXIII, 29. Il veut donc dire que les empereurs seront menés par leurs devins dans des guerres où ils périront, et que leur perte sera suivie d'une désolation publique, semblable à celle qui arriva à Mageddon, lorsque Josias y périt, Zach., XII, 11. Ce passage de Zacharie fait voir que ce lieu, dans le style prophétique, est l'image des grandes douleurs.

Cette prophétie s'accomplit, lorsque Valérien fut taillé en pièces par les Perses, pris dans la bataille et écorché, comme on a vu, après avoir souffert toute sorte d'indignités. Les Perses enflés de cette victoire, s'acharnèrent de plus en plus contre les Romains, sur lesquels ils gagnèrent plusieurs batailles, et entre autres celle contre Julien, où cet empereur fut encore taillé en pièces, et tué, et l'Empire éternellement flétri par ces deux pertes. Nous avons parlé des maux qui suivirent la défaite de Valérien : celle de Julien fut encore plus funeste, puisque par une paix honteuse, il fallut abandonner aux Barbares beaucoup de terres de l'Empire comme tous les historiens le témoignent d'un commun accord.

Voilà donc deux empereurs tués par les Perses, comme il y avait eu deux rois de Juda tués en Mageddon. Il n'est pas ici question de comparer les personnes avec les personnes, mais les événements avec les événements, et les suites avec les suites. Au reste il ne faut pas ici s'imaginer, comme font quelques protestants, des combats des fidèles contre les infidèles, puisque les rois dont parle saint Jean sont également menés au combat par les esprits impurs, 14, 16.

On ne doit pas s'étonner si le Saint-Esprit fait passer saint Jean du temps de Valérien à ceux de Julien , qui en sont si loin : il est ordinaire aux prophètes d'être transportés d'un objet à un autre, pour montrer de secrets rapports dans les événements qu'ils racontent. Il y en a un assez grand entre la défaite de Valérien et celle de Julien, puisqu'elles arrivent toutes deux contre les mêmes ennemis : toutes deux pour punir et arrêter les persécutions de l'Eglise, et toutes deux pour amener Rome à sa chute irréparable.

 

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Mais il faut toujours remarquer la coupe versée, c'est-à-dire la plaie commencée sous Valérien, qui est le temps dont saint Jean est occupé dans tout ce chapitre.

17. Le septième ange répandit sa coupe dans l'air, où il se fit une commotion universelle. Ce doit être la plus grande plaie, celle dont le bruit aussi bien que l'effet s'étend le plus loin. C'est de l'air que partent les foudres ; c'est là que se forment les tourbillons et les tempêtes : ici tout l'air est agité, et toute la terre est émue. C'est ce qui fut accompli, lorsqu'à la prise de Valérien toutes les nations barbares répandues dans l'Empire en ébranlèrent les fondements, et portèrent le coup dont à la fin il fut renversé : c'est pourquoi

Une voix forte se fit entendre du temple, venant du trône, qui dit : C'en est fait : les Goths destinés de Dieu pour détruire l'Empire romain, y sont entrés à la tête de tous les barbares : c'est ce qui arriva sous Valérien, comme on a vu, Histoire abrégée, n. 9. Le Saint-Esprit qui voit les effets dans les causes et tout le progrès du mal dès son commencement, prononce : C'en est fait ; Rome est perdue.

18. Il se fit des éclairs, des bruits et des tonnerres, et un grand tremblement de terre. Tout cela est l'effet d'une commotion universelle de l'air, et marque aussi une grande et universelle commotion dans les esprits, et un grand changement dans l'univers.

19. La grande cité fut divisée en trois parties. Nous voilà par la suite des choses transportés du temps de Valérien à celui de la chute de Rome. C'est au pied de la lettre que l'empire d'Occident fut alors divisé en trois, Honorius à Ravenne, Attalus à Rome, Constantin dans les Gaules, Oros.,VII, XL, XLII; Zoz., V, VI. Quoiqu'il ne faille pas toujours s'attacher scrupuleusement aux nombres précis, il ne les faut pas refuser quand ils se présentent, et surtout quand ils font comme ici un caractère du temps.

Et les villes des nations tombèrent. Les Goths prirent plusieurs places; les provinces de l'Empire furent en proie, les Gaules, les Espagnes, la Grande-Bretagne et les autres.

Dieu se ressouvint de la grande Babylone. En ce même temps Rome fut prise par Alaric.

 

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20.  Toutes les îles s'enfuirent, et les montagnes disparurent : tout le monde semblait aller en ruine. C'est ainsi que les prophètes nous représentent la chute des grands empires, Ezech., XXVI, 15, 18 : « Les îles seront ébranlées, on les verra s'émouvoir dans le milieu de la mer. » Ailleurs : « Les montagnes se sont ébranlées comme de la cire, » Psal. XCVI, 5. Nous avons vu un passage de saint Jérôme, où il dit « qu'avec Rome on crut voir périr tout l'univers, » Hieron., Proœm in I lib. Comm. Ezech. Voyez Préf., n. 8.

21.  Et une grande grêle, comme du poids d'un talent... C'est le poids terrible de la vengeance de Dieu et les coups de sa main toute-puissante.

Et les hommes blasphémèrent. Les païens imputèrent encore ce dernier malheur aux chrétiens, et c'est ce qui donna lieu au livre de saint Augustin de la Cité de Dieu; Retract, de Civ., lib. I. C'est ce qui devait commencer du temps de Valérien , et s'achever entièrement à la chute de Rome : mais cette chute devait encore être précédée et accompagnée des événements que le Saint-Esprit va découvrir au saint apôtre dans le chapitre suivant.

On voit maintenant toute l'économie de celui-ci, et on peut entendre comment ces sept plaies sont appelées les plaies dernières , XV, 1, par le rapport qu'elles ont avec la chute prochaine de Rome. Il faut toujours se souvenir que le premier coup qui en ébranla l'Empire, vint des Perses et du côté d'Orient, et que la plus grande plaie que Rome eût reçue de ce côté-là lui arriva sous Valérien (1), puisque ce fut proprement à cette occasion que l'Occident commença à être inondé par les barbares, et qu'il fallut en quelque sorte leur abandonner cette partie de l'Empire où Rome était, en tournant vers l'Orient le fort des armes. Ce fut donc alors que fut frappé ce grand coup, dont le contre-coup porta si loin, et à la fin fit tomber Rome. C'est pourquoi nous avons vu que le Saint-Esprit, qui va toujours à la source, dès qu'il commence à parler des plaies arrivées à l'Empire idolâtre, met en tête les armées immenses qui passent l'Euphrate, sup., IX, 44, 15. Or, que ce fût la première plaie qui dût frapper directement l'Empire

 

1 Voyez Hist. abr., n. 9.

 

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idolâtre, le Saint-Esprit a voulu le déclarer, en ce que c'est aussi la première fois où il est parlé d'idoles dans toute la prédiction de saint Jean : « Et ils ne se repentirent pas , dit-il, d'avoir adoré les démons et les idoles d'or et d'argent, de pierre et de bois, qui ne peuvent ni voir ni entendre, » ibid., 20, 21. Nous avons encore observé (1) que ceux dont les châtiments sont décrits dans les chapitres précédents étaient les Juifs, et qu'aussi il n'est point du tout parlé d'idoles, ni d'idolâtrie. Tout cela fait voir clairement que le dessein de saint Jean était de montrer la source des malheurs de l'Empire comme venue d'Orient ; et c'est pourquoi prêt à expliquer plus expressément la chute de Rome dans les chapitres XVII et XVIII, il en revient encore là ; il fait encore paraître les rois d'Orient et l'Euphrate traversé, XVI, 12, et il donne tout un chapitre à faire voir les effets de ce funeste passage et tous les autres fléaux de Dieu qui l'accompagnèrent : où le lecteur doit prendre garde qu'à mesure qu'on avance dans ce chapitre, on trouve toujours l'Empire enfoncé dans de plus grands malheurs et la cause de ces malheurs mieux expliquée : c'est pourquoi après avoir vu jusqu'au verset 10 et à la cinquième fiole, les trois fléaux ordinaires, la peste, la guerre et la famine, à la cinquième fiole on voit l'Empire attaqué dans sa tête, c'est-à-dire dans l'empereur même, et de là un horrible obscurcissement de tout le corps, verset 10. Ensuite on en voit la cause dans les succès prodigieux des rois d'Orient et dans les batailles funestes à l'Empire qui devait périr, versets 12, 13, 14, 15, 16. C'est ce que montre la sixième fiole; d'où suit enfin dans la septième cette commotion universelle de l'air par où saint Jean finit son chapitre, et où il voit la ruine de Rome enveloppée, en sorte qu'il ne lui reste plus qu'à l'exprimer clairement, comme il fait dans les deux chapitres suivants. Pour mieux marquer la liaison de ce chapitre avec le IXe depuis le verset 10 et la sixième trompette, il a voulu que cette sixième trompette concourût avec la sixième fiole : d'où il ne faut point conclure que les fioles concourent toutes avec les trompettes, puisque, comme nous avons vu, les premières trompettes regardent les Juifs , dont il n'est plus nulle mention dans

 

1 Voyez Explic. des ch. VII, VIII.

 

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toute la suite, et qu'il y a succession dans les trompettes, ce qui n'est point dans les fioles : de sorte que c'est assez d'avoir marqué le concours de la sixième trompette avec une des fioles pour le marquer avec toutes les autres ; et c'est peut-être aussi pour cette raison que comme l'endurcissement et l'impénitence des idolâtres est marquée dans la sixième trompette, IX, 20, 21, elle est aussi marquée dans tout ce chapitre, XVI, 9, 11, 21.

 

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