JEAN GUALBERT

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LE XII JUILLET. SAINT JEAN GUALBERT, ABBÉ.

 

Depuis le jour où Simon le Mage se fit baptiser à Samarie, jamais l'enfer ne s'était vu si près d'être maître dans l'Eglise qu'au temps où nous ramène à l'occasion de la fête présente le Cycle sacré. Repoussé par Pierre avec malédiction, Simon, s'adressant aux princes, leur avait dit comme autrefois aux Apôtres : « Donnez-moi pour argent ce pouvoir qu'à quiconque j'imposerai les mains, celui-là ait le Saint-Esprit (1). » Et les princes, heureux à la fois de supplanter Pierre et d'augmenter leurs trésors, s'étaient arrogé le droit d'investir les élus de leur choix du gouvernement des Eglises ; et les évêques à leur tour avaient vendu au plus offrant les divers ordres de la sainte hiérarchie ; et s'introduisant à la suite de la concupiscence des yeux, la concupiscence de la chair avait rempli le sanctuaire d'opprobres sans nom.

Le dixième siècle avait assisté à l'humiliation même du pontificat souverain; le onzième, au tiers de son cours, voyait le débordement du fleuve maudit changer en marais les derniers pâturages encore saufs des brebis du Seigneur. L'œuvre du salut s'élaborait à l'ombre du cloître; mais l'éloquence de Pierre Damien n'avait point

 

1. Act. VIII.

 

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jusque-là franchi le désert, et la rencontre d'Hugues de Cluny, de Léon IX et d'Hildebrand devait se faire attendre plus encore. Or voici que dans le silence de mort qui planait sur la chrétienté, un cri d'alarme a retenti soudain, secouant la léthargie des peuples : cri d'un moine, vaillant homme d'armes jadis, vers qui s'est penchée la tête du Christ en croix pour reconnaître l'héroïsme avec lequel un jour il sut épargner un ennemi. Chassé par le flot montant de la simonie qui vient d'atteindre son monastère de San-Miniato, Jean Gualbert est entré dans Florence, et trouvant là encore le bâton pastoral aux mains d'un mercenaire, il a senti le zèle de la maison de Dieu dévorer son cœur (1) ; en pleine place publique, il a dénoncé l'ignominie de l'évêque et de son propre abbé, voulant ainsi du moins délivrer son âme (2).

A la vue de ce moine qui, dans son isolement, se dressait ainsi contre la honte universelle, il y eut un moment de stupeur au sein de la foule assemblée. Bientôt les multiples complicités qui trouvaient leur compte au présent état de choses regimbèrent sous l'attaque, et se retournèrent furieuses contre le censeur importun qui se permettait de troubler la bonne foi des simples. Jean n'échappa qu'à grand'peine à la mort ; mais, dès ce jour, sa vocation spéciale était fixée : les justes qui n'avaient point cessé d'espérer, saluèrent en lui le vengeur d'Israël ; leur attente ne devait pas être confondue.

Comme toujours cependant pour les œuvres authentiquement marquées du sceau divin, l'Es-prit-Saint devra mettre un long temps à former

 

1. Psalm. LXVIII, 10. — 2. Ezech. III, 19.

 

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l'élu de sa droite. L'athlète a jeté le gant aux puissances de ce monde ; la guerre sainte est ouverte : ne semble-t-il pas que dès lors il faille avant tout donner suite à la déclaration des hostilités, tenir campagne sans trêve ni repos jusqu'à pleine défaite de l'ennemi ? Et néanmoins le soldat des combats du Seigneur, allant au plus pressé, se retirera dans la solitude pour y améliorer sa vie, selon l'expression si fortement chrétienne de la charte même qui fonda Vallombreuse (1). Les tenants du désordre, un instant effrayés de la soudaineté de l'attaque et voyant sitôt disparaître l'agresseur, se riront de ce qui ne sera plus à leurs yeux qu'une fausse entrée dans l'arène ; quoi qu'il en coûte au brillant cavalier d'autrefois, il attendra humble et soumis, pour reprendre l'assaut, ce que le Psalmiste appelle le temps du bon plaisir de Dieu (2).

Peu à peu, de toutes les âmes que révolte la pourriture de cet ordre social en décomposition qu'il a démasqué, se recrute autour de lui l'armée de la prière et de la pénitence. Des gorges des Apennins elle étend ses positions dans la Toscane entière, en attendant qu'elle couvre l'Italie et passe les monts. Septime à sept milles de Florence, Saint-Sauve aux portes de la ville, forment les postes avancés où, en 1063, reprend l'effort de la guerre sainte. Un autre simoniaque, Pierre de Pavie, vient d'occuper par droit d'achat le siège des pontifes. Jean et ses moines ont résolu de plutôt mourir que de porter en silence l'affront nouveau fait à l'Eglise de Dieu. Mais le temps n'est plus où la violence et les huées d'une foule

 

1. Meliovandœ vitœ gratta : Litterœ donationis Ittae Abbatissae; Ughelli, III, 299 vel 231. —2. Psalm. LXVIII, 14.

 

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séduite accueillaient seules la protestation courageuse du moine fugitif de San-Miniato. Le fondateur de Vallombreuse est devenu, par le crédit que donnent les miracles et la sainteté, l'oracle des peuples. A sa voix retentissant de nouveau dans Florence, une telle émotion s'empare du troupeau, que l'indigne pasteur, sentant qu'il n'a plus à dissimuler, rejette au loin sa peau de brebis (1) et montre en lui le voleur qui n'est venu que pour voler, pour égorger et pour perdre (2). Une troupe armée à ses ordres fond sur Saint-Sauve ; elle met le feu au monastère, et se jette sur les moines qui, surpris au milieu de l'Office de la nuit, tombent sous le glaive, sans interrompre la psalmodie jusqu'au coup qui les frappe. De Vallombreuse, à la nouvelle du martyre ennoblissant ses fils, Jean Gualbert entonne un chant de triomphe. Florence, saisie d'horreur, rejette la communion de l'évêque assassin, Pourtant quatre années encore séparaient ce peuple de la délivrance, et les grandes douleurs pour Jean n'étaient pas commencées.

L'illustre ennemi de tous les désordres de son temps, saint Pierre Damien, venait d'arriver de la Ville éternelle. Investi de l'autorité du Pontife suprême, on était assuré d'avance qu'il ne pactiserait point avec la simonie, et l'on pouvait croire qu'il ramènerait la paix dans cette Eglise désolée. Ce fut le contraire qui eut lieu. Les plus grands saints peuvent se tromper, et, dans leurs erreurs, devenir les uns pour les autres un sujet d'épreuve d'autant plus acerbe que leur volonté, moins sujette aux changements capricieux des autres hommes, reste plus ferme dans la voie qu'ils se

 

1. MATTH. VII, 15,  — 2. JOHAN. X, 10.

 

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sont une fois tracée en vue des intérêts de Dieu et de son Eglise. Peut-être le grand évêque d'Ostie ne se rendit pas assez compte de la situation toute d'exception que faisaient aux victimes de Pierre de Pavie sa simonie notoire, et la violence avec laquelle il massacrait lui-même sans autre forme de procès les contradicteurs. Partant de l'incontestable principe que ce n'est point aux inférieurs à déposer leurs chefs, le légat réprouva la conduite de ceux qui s'étaient séparés de l'évêque; et, arguant de certaines paroles extrêmes échappées à quelques-uns dans une indignation trop peu contenue, il retourna sur ceux qu'il appelait « ses confrères les moines » l'accusation d'hérésie portée par eux contre le prélat simoniaque (1).

L'accès du Siège apostolique restait ouvert aux accusés; ils y portèrent intrépidement leur cause. Cette fois du moins, on ne pouvait soulever d'argument d'exception contre la canonicité de leur procédure. Mais là, dit l'historien (2), beaucoup craignant pour eux-mêmes se mirent à s'élever contre eux; et lorsque presque tous, exhalant leur fureur, jugeaient dignes de mort ces moines dont la témérité osait faire la guerre aux prélats de l'Eglise, alors derechef, en plein concile romain, Pierre Damien prenant la parole alla jusqu'à dire au Pontife suprême : « Seigneur et Père saint, ce sont là les sauterelles qui dévorent la verdure de la sainte Eglise; que le vent du midi se lève et les emporte à la mer Rouge ! » Mais le saint et très glorieux Pape Alexandre II, répondant avec douceur à ces excès de langage, prenait les moines en sa défense et rendait hommage à la droiture de

 

1. Petr. Dam. Opuscul. XXX, De Sacramentis per improbos administratis. — 2. Vita S. J. Gualb. ap. Baron, ad an. 1063.

 

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leurs intentions. Cependant il n'osa donner suite à leur demande dépasser outre, parce que la plus grande partie des évêques favorisait Pierre de Pavie, et que seul l'archidiacre Hildebrand soutenait en tout l'abbé de Vallombreuse (1).

L'heure néanmoins allait venir où Dieu même prononcerait ce jugement qu'on ne pouvait obtenir de la terre. Assaillis de menaces, traités comme des agneaux au milieu des loups (2), Jean Gualbert et  ses  fils criaient  au ciel avec le Psalmiste : « Levez-vous, Seigneur, aidez-nous ; levez-vous, pourquoi dormez-vous,  Seigneur ? levez-vous, ô Dieu : jugez votre cause (3). » A Florence, les sévices continuaient. Saint-Sauveur de Septime était devenu le refuge des clercs que la persécution bannissait  de  la ville; le fondateur de Vallombreuse,  qui résidait alors en ce lieu, multipliait pour eux les ressources de sa charité. Mais la situation devint telle enfin, qu'un jour du Carême de l'année 1067, le reste du clergé et la ville entière, laissant le simoniaque à la solitude de son palais désert, accourut à Septime. Ni la longueur du chemin détrempé par les pluies, ni la rigueur du jeûne observé par tous, dit la relation adressée dans les jours mêmes au Pontife souverain par le peuple et le clergé de Florence, ne purent arrêter les matrones les plus délicates, les femmes prêtes d'être mères ou les enfants (4). L'Esprit-Saint planait visiblement sur cette foule; elle demandait le jugement de Dieu. Jean Gualbert, sous l'impulsion du même Esprit divin, permit l'épreuve ; et en témoignage de la vérité de l'accusation portée par lui contre l'évêque de Florence, Pierre, un de

 

1. Vita S. J. Gualb. ap. Baron, ad an. 1063. — 2. lbid. — 3. Psalm. XLIII, LXXIII. — 4. Epist. cleri et populi Florentini ad Alexandrum Pontificem.

 

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ses moines, nommé depuis Pierre Ignée, traversa lentement sous les yeux de la multitude un brasier immense qui ne lui fit aucun mal. Le ciel avait parlé; l'évêque fut déposé par Rome, et termina ses jours, heureux pénitent, dans ce même monastère de Septime.

En 1073, année de l'élévation d'Hildebrand son ami au Siège apostolique, Jean s'en allait à Dieu. Son action contre la simonie s'était étendue bien au delà de la Toscane. La république Florentine ordonna de chômer le jour de sa fête; et l'on grava sur la pierre qui protégeait ses reliques sacrées : A JEAN GUALBERT, CITOYEN DE FLORENCE, LIBÉRATEUR DE L'ITALIE.

Lisons la notice consacrée avec quelques différences de détail à sa mémoire sainte.

 

Jean  Gualbert  naquit à Florence de noble race. Pour répondre aux  désirs de son père, il s'adonna aux armes.  Or  il arriva  que Hugues, son unique frère, fut tué par un parent. Jean, armé  et  accompagné  de soldats, rencontra le meurtrier seul et sans armes dans un endroit où  ils ne pouvaient s'éviter : c'était le Vendredi saint, et par respect  pour  la sainte  Croix que celui-ci près de mourir représentait par ses bras étendus, Jean lui  accorda la vie. S'étant ainsi fait bénignement de  son  ennemi un  frère,  il entra  pour y prier dans l'Eglise de San-Miniato qui  était  voisine ; là, adorant l'image du Christ en croix,  il  le vit pencher vers lui la tête.  Emu du miracle, Jean décide qu'il ne militera plus désormais que pour Dieu ; et, au lieu même, malgré son père, il se coupe les cheveux de ses propres mains et se revêt de l'habit monastique. Bientôt sa  piété, ses vertus religieuses jettent un tel éclat, qu'il devient pour beaucoup un modèle et une règle de perfection. L'Abbé du monastère étant  mort,  il  est désigné d'un vote unanime comme  supérieur.  Mais  le serviteur de Dieu  désirait plus obéir que commander, et la divine volonté le réservait pour de plus grandes choses :il s'en alla au désert de Camaldoli, où Romuald qui l'habitait lui transmit du ciel l'annonce de ce qu'il devait faire ; en suite de quoi il fonda son Ordre sous la règle de saint Benoît à Vallombreuse.

 

La renommée de sa sainteté faisait qu'on accourait à lui de toutes  parts. En  la compagnie de ses nombreux disciples, il  déclara une guerre d'extermination à l'hérésie et à  la lèpre  simoniaque,  mettant tout son zèle à propager la foi apostolique. Sans nombre furent les épreuves qu'il attira ainsi  sur lui  et  les siens. Pour le perdre lui et ses compagnons, ses adversaires envahissent de nuit à l'improviste le monastère de Saint-Sauve, brûlent l'église, renversent les édifices, et blessent à mort tous les moines,que l'homme de Dieu guérit aussitôt d'un seul signe de croix. Pierre, un de ses moines, traversa miraculeusement sans aucun mal un brasier immense, et ainsi fut acquise pour Jean et les siens la tranquillité : la pourriture simoniaque fut extirpée de Toscane, et toute l'Italie rendue à l'intégrité de la foi primitive.

 

Il bâtit depuis les fondements de nombreux monastères, répara en d'autres les édifices et l'observance régulière, et leur donna à tous le rempart de saintes lois. Il aliéna pour nourrir les indigents les trésors des églises. Il vit les éléments à son service pour la répression des méchants ; la croix lui était comme une épée pour repousser les démons. Epuisé enfin d'abstinences, de veilles, de jeûnes, de macérations autant que de vieillesse, il répétait sans cesse sous le poids de la maladie ces paroles de David : « Mon âme a soif du Dieu fort et vivant : quand viendrai-je et apparaîtrai-je devant la face de Dieu ? » Déjà proche de la mort, ayant rassemblé ses disciples, il les exhorta  à la concorde fraternelle ; puis, sur un billet avec lequel il voulut être enseveli  il fit écrire ces mots : « Moi Jean, je crois et confesse la foi que les saints Apôtres  ont prêchée, et les saints Pères confirmée  en quatre conciles. » Il fut honoré trois jours durant de l'assistance des Anges, et passa au Seigneur dans sa soixante-dix-huitième année, à Passignano, où il est entouré de la vénération la plus grande. C'était l'an du  salut mil soixante-treize,le quatre des ides de juillet. Il éclata par d'innombrables miracles, et Célestin III le mit au nombre des Saints.

 

Vous avez été un vrai disciple de la loi nouvelle, ô vous qui sûtes épargner un ennemi en considération de la Croix sainte. Apprenez-nous à conformer comme vous nos actes aux leçons que nous donne l'instrument du salut; et il deviendra pour nous, comme il le fut pour vous, une arme toujours  victorieuse  contre l'enfer. Pourrions-nous, à sa vue, refuser d'oublier une injure venant de nos frères, quand c'est un Dieu qui, non content d'oublier nos offenses autrement criminelles à sa souveraine  Majesté, se dévoue sur ce bois pour les expier lui-même? Si  généreux  qu'il puisse être jamais, le pardon de la créature n'est qu'une ombre lointaine de celui que nous octroie chaque jour  le  Père qui est aux deux.  A bon droit pourtant l'Evangile que l'Eglise chante à votre  honneur nous  montre,  dans l'amour des

 

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ennemis, le caractère de ressemblance qui nous rapproche le plus de la perfection de ce Père céleste, et le signe même de la filiation divine en nos âmes (1).

Vous l'avez eu, ô Jean, ce caractère de ressemblance auguste ; Celui qui en vertu de sa génération éternelle est le propre Fils de Dieu par nature, a reconnu en vous ce cachet d'une incomparable noblesse qui vous faisait son frère. En inclinant vers vous sa tête sacrée, il saluait la race divine (2) qui venait de se déclarer dans ce fils de la terre et allait éclipser mille fois l'illustration que vous teniez des aïeux d'ici-bas. Quel germe puissant l'Esprit-Saint alors déposait en vous; et combien Dieu parfois récompense la générosité d'un seul acte ! Votre sainteté, la part glorieuse qui fut la vôtre dans la victoire de l'Eglise, et cette fécondité qui vous donne de revivre jusqu'à nos jours dans l'Ordre illustre qui plonge en vous ses racines: toutes ces grâces de choix pour votre âme et tant d'autres âmes, ont dépendu de l'accueil que vous alliez faire au malheureux que sa fatalité ou la justice du ciel, auraient dit vos contemporains, jetait sur vos pas. Il était digne de mort; et dans ces temps où chacun plus ou moins se taisait justice lui-même, votre bonne renommée n'aurait point souffert, elle n'eût fait que grandir, en lui infligeant le châtiment qu'il avait mérité. Mais si l'estime de vos contemporains vous restait acquise, la seule gloire qui compte devant Dieu, la seule qui dure devant les hommes eux-mêmes, n'eût point été votre partage. Qui maintenant vous connaîtrait? qui surtout prononcerait votre nom avec l'admiration et la reconnaissance qu'il

 

1. Matth. V. 45, 48. — 2. Act. XVII, 29.

 

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excite aujourd'hui parmi les enfants de l'Eglise ?

Le Fils de Dieu, voyant vos dispositions conformes aux sentiments de son cœur sacré, a versé dans le vôtre son amour jaloux pour la cité sainte au rachat de laquelle il a voué tout son sang. O zélateur de la beauté de l'Epouse, veillez sur elle toujours ; éloignez d'elle les mercenaires qui prétendraient tenir de l'homme le droit de représenter l'Epoux à la tête des Eglises.  Que l'odieuse vénalité de vos temps ne se transforme point dans les nôtres en  compromissions d'aucune sorte à l'égard des pouvoirs de la terre. La simonie la plus dangereuse n'est point celle qui s'escompte à prix d'or; il est des obséquiosités, des hommages, des avances, des engagements implicites, qui ne tombent pas moins  sous l'anathème des saints canons que les transactions pécuniaires : et qu'importerait, de fait, l'objet ou la forme adoucie du contrat simoniaque,  si la complicité achetée du pastorat laissait les princes charger l'Eglise à nouveau des chaînes que vous avez tant contribué à briser? Ne permettez pas, ô Jean Gualbert, un tel malheur qui serait l'annonce de désastres terribles. Que la Mère commune continue de sentir l'appui de votre bras puissant. Sauvez une seconde fois en dépit d'elle-même votre patrie de la terre. Protégez, dans nos temps malheureux, le saint Ordre dont vous êtes la gloire et le père ; que sa vitalité  résiste aux confiscations, aux violences de cette même Italie qui vous proclama autrefois son libérateur.  Obtenez aux chrétiens de toute condition Je courage nécessaire pour soutenir la lutte qui s'offre à tout homme ici-bas.

Toute  l'Eglise fait écho en ce jour au solennel hommage que Milan continue de rendre, après

 

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seize siècles, à deux vaillants témoins du Christ. « Nos martyrs Félix et Nabor, dit saint Ambroise (1), sont le grain de sénevé de l'Evangile. Ils possédaient la bonne odeur de la foi, mais sans qu'elle fût manifestée ; vint la persécution, ils déposèrent leurs armes, inclinèrent la tête, et frappés du glaive, ils répandirent jusqu'aux confins du monde entier la grâce qui se cachait en eux, en sorte que maintenant on peut dire à bon droit que leur voix a éclaté par toute la terre (2). »

 

Honorons-les, et méritons leurs suffrages par la prière que l'Eglise adresse aujourd'hui à Dieu en mémoire de leurs glorieux combats.

 

COLLECTE.

 

Faîtes, nous vous en supplions, Seigneur, que de même que la naissance de vos saints Martyrs Nabor et Félix ne nous prive point de son glorieux anniversaire, elle nous accompagne toujours de son puissant suffrage. Par Jésus-Christ.

 

1. In Luc. XIII, 19.

2. Psalm. XVIII, 5.

 

 

 

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