ANNE

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LE XXVI JUILLET. SAINTE ANNE , MÈRE DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE.

 

Joignant le sang des rois à celui des pontifes, Anne apparaît glorieuse plus encore de son incomparable descendance au milieu des filles d'Eve. La plus noble de toutes celles qui conçurent jamais en vertu du Croissez et multipliez des premiers jours (1), à elle s'arrête, comme parvenue à son sommet, comme au seuil de Dieu, la loi de génération de toute chair ; car de son fruit Dieu même doit sortir, fils uniquement ici-bas de la Vierge bénie, petit-fils à la fois d'Anne et de Joachim.

Avant d'être favorisés de la bénédiction la plus haute qu'union humaine dût recevoir, les deux saints aïeuls du Verbe fait chair connurent l'angoisse qui purifie l'âme. Des traditions dont l'expression, mélangée de détails de moindre valeur, remonte pourtant aux origines du christianisme, nous montrent les illustres époux soumis à l'épreuve d'une stérilité prolongée, en butte à cause d'elle aux dédains de leur peuple, Joachim repoussé du temple allant cacher sa tristesse au désert, et Anne demeurée seule pleurant son veuvage et son humiliation. Quel exquis sentiment dans ce récit,

 

1. Gen. I, 28.

 

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comparable aux plus beaux que nous  aient gardes les saints Livres !

« C'était le jour d'une grande fête du Seigneur. Maigre sa tristesse extrême, Anne déposa ses vêtements de deuil, et elle orna sa tête, et elle se revêtit de sa robe nuptiale. Et vers la neuvième heure, elle descendit au jardin pour s'y promener ; et voyant un laurier, elle s'assit à son ombre et répandit sa prière en présence du Seigneur Dieu, disant : « Dieu de mes pères, bénissez-moi « et exaucez mes supplications, comme vous avez « béni Sara et lui avez donné un fils ! »

« Et levant les yeux au ciel, elle vit sur le laurier un nid de passereau, et gémissant elle dit : « Hélas ! quel sein m'a portée, pour être ainsi malédiction en Israël ?

« A qui me comparer ? Je ne puis me comparer aux oiseaux du ciel; car les oiseaux sont bénis de vous, Seigneur.

« A qui me comparer ? Je ne puis me comparer aux animaux de la terre ; car eux aussi sont féconds devant vous.

« A qui me comparer ? Je ne puis me comparer aux eaux ; car elles ne sont point stériles en votre présence, et les fleuves et les océans poissonneux vous louent dans leurs soulèvements ou leur cours paisible.

« A qui me comparer ? Je ne puis me comparer  à la terre même; car la terre elle aussi porte ses fruits en son temps, et elle vous bénit, Seigneur. » « Or voici qu'un Ange du Seigneur survint, lui disant : « Anne, Dieu a exaucé ta prière ; tu concevras et enfanteras, et ton fruit sera célébré dans toute terre habitée. »

« Et le temps venu, Anne mit au monde une fille, et  elle  dit : «  Mon âme  est magnifiée à cette heure ». Et elle nomma l'enfant Marie ; et lui donnant le sein, elle entonna ce cantique au Seigneur :

« Je chanterai la louange du Seigneur mon Dieu ; car il m'a visitée, il a éloigné de moi l'opprobre, il m'a donné un fruit de justice. Qui annoncera aux fils de Ruben qu'Anne est devenue féconde ? Ecoutez, écoutez, douze tribus :  voici qu'Anne allaite (1) ! »

La fête de Joachim, que l'Eglise a placée au Dimanche dans l'Octave de l'Assomption de sa bienheureuse fille, nous permettra de compléter bientôt l'exposé si suave d'épreuves et de joies qui furent aussi les siennes. Averti par le ciel de quitter le désert, il avait rencontré son épouse sous la porte Dorée donnant accès au temple du côté de l'Orient. Non loin, près de la piscine Probatique, où les agneaux destinés à l'autel lavaient leur blanche toison avant d'être offerts au Seigneur, s'élève aujourd'hui la basilique restaurée de Sainte-Anne, appelée primitivement Sainte-Marie de la Nativité. C'est là que, dans la sérénité du paradis, germa sur la tige de Jessé le béni rejeton salué du Prophète a et qui devait porter la divine fleur éclose au sein du Père avant tous les temps. Séphoris, patrie d'Anne, Nazareth, où vécut Marie, disputent, il est vrai, à la Ville sainte l'honneur que réclament ici pour Jérusalem d'antiques et constantes traditions. Mais nos hommages à coup sûr ne sauraient s'égarer, quand ils s'adressent en ce jour à la bienheureuse Anne, vraie terre incontestée des prodiges dont le souvenir renouvelle l'allégresse des cieux, la fureur de Satan, le triomphe du monde.

 

1. Protevangelium Jacobi. — 2. Isai. XI, 1.

 

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Anne, point de départ du salut, horizon qu'observaient les Prophètes, région du ciel la première empourprée des feux de l'aurore ; sol béni, dont la fertilité  si pure  donna dès lors à croire aux Anges qu'Eden nous était rendu ! Mais dans l'auréole d'incomparable paix qui l'entoure, saluons en elle aussi la terre de victoire éclipsant tous les champs de  bataille fameux : sanctuaire de l'Immaculée Conception, là fut repris par notre race humiliée le grand  combat (1) commencé près du trône de  Dieu par  les célestes phalanges ;  là le dragon chassé des deux vit broyer sa tête, et Michel surpassé en gloire remit joyeux à la  douce souveraine qui, dès son éveil à l'existence, se déclarait  ainsi,  le  commandement des armées du Seigneur.

Quelle bouche humaine, si le charbon  ardent ne l’a touchée (2), pourra dire l'admiratif étonnement des angéliques principautés, lorsque la  sereine complaisance de la  Trinité  sainte, passant des brûlants Séraphins jusqu'aux  derniers  rangs des neuf chœurs, inclina leurs regards de feu à la contemplation de la sainteté subitement éclose au sein d'Anne ? Le Psalmiste avait dit de la Cité glorieuse dont les fondations se cachent en celle qui auparavant fut stérile: Ses fondements sont posés sur les saintes montagnes (3) ; et les célestes hiérarchies  couronnant  les pentes  des collines éternelles découvrent là des hauteurs  inconnues qu'elles n'atteignirent jamais, des sommets avoisinant la divinité de si presque déjà elle s'apprête à y poser son trône.  Comme Moïse  à la  vue du buisson ardent sur Horeb, elles sont saisies d'une frayeur sainte, en reconnaissant  au désert  de

 

1. Apoc. XII, 7-9.— 2. Isai. VI, 6-7. — 3. Psalm. LXXXVI, 1.

 

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notre monde de néant la montagne de Dieu, et comprennent que l'affliction d'Israël va cesser (1). Quoique sous le nuage qui la couvre encore, Marie, au sein d'Anne, est en effet déjà cette montagne bénie dont la base, le point de départ de grâce, dépasse le faîte des monts où les plus hautes saintetés créées trouvent leur consommation dans la gloire et l'amour.

Oh ! combien donc justement Anne, par son nom, signifie grâce, elle qui, neuf mois durant, resta le lieu des complaisances souveraines du Très-Haut, de l'extase des très purs esprits, de l'espoir de toute chair ! Sans doute ce fut Marie, la fille et non la mère, dont l'odeur si suave attira dès lors si puissamment les cieux vers nos humbles régions. Mais c'est le propre du parfum d'imprégner de lui premièrement le vase qui le garde, et, lors même qu'il en est sorti, d'y laisser sa senteur. La coutume n'est-elle pas du reste que ce vase lui aussi soit avec mille soins préparé d'avance, qu'on le choisisse d'autant plus pure, d'autant plus noble matière, qu'on le relève d'autant plus riches ornements que plus exquise et plus rare est l'essence qu'on se propose d'y laisser séjourner? Ainsi Madeleine renfermait-elle son nard précieux dans l'albâtre (2). Ne croyons pas que l'Esprit-Saint, qui préside à la composition des parfums du ciel, ait pu avoir de tout cela moins souci que les hommes. Or le rôle de la bienheureuse Anne fut loin de se borner, comme fait le vase pour le parfum, à contenir passivement le trésor du monde. C'est de sa chair que prit un corps celle en qui Dieu prit chair à son tour ; c'est de son lait qu'elle fut nourrie ; c'est de

 

1. Ex.  III, 1-10. — 2. Marc, XIV, 3.

 

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sa bouche que, tout inondée qu'elle fût directement de la divine lumière, elle reçut les premières et pratiques notions de la vie. Anne eut dans l'éducation de son illustre fille la part de toute mère ; non seulement, quand Marie  dut quitter ses genoux, elle dirigea ses premiers  pas ; elle  fut en toute vérité la coopératrice de l'Esprit-Saint dans la formation de cette âme et la préparation de ses incomparables destinées : jusqu'au jour où, l'œuvre parvenue à tout le développement qui relevait de sa maternité, sans retarder d'une heure, sans retour sur elle-même, elle offrit l'enfant de sa tendresse à celui qui la lui avait donnée.

Sic fingit tabernaculum Deo, ainsi elle crée un tabernacle à Dieu : c'était la devise que portaient, autour de l'image  d'Anne instruisant  Marie, les jetons de l'ancienne  corporation des ébénistes et des menuisiers, qui,  regardant la confection des tabernacles de nos églises où Dieu daigne habiter comme son œuvre la plus haute, avait pris sainte Anne pour patronne et modèle auguste. Heureux âge que celui où ce que l'on aime à nommer la naïve simplicité de nos pères, atteignait si avant dans l'intelligence  pratique des mystères que  la stupide infatuation de leurs fils se fait gloire d'ignorer ! Les  travaux  du  fuseau, de tissage, de couture, de broderie, les soins  d'administration domestique, apanage de la femme forte exaltée au livre  des  Proverbes (1),  rangèrent naturellement aussi dans ces temps les mères de famille, les maîtresses de maison, les ouvrières du vêtement, sous la protection directe de la sainte épouse de Joachim. Plus d'une fois, celles  que le  ciel  faisait passer par l'épreuve douloureuse qui, sous le nid

 

1. Prov. XXXI,  10-31.

 

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du passereau, avait dicté sa prière touchante, expérimentèrent la puissance d'intercession de l'heureuse mère de Marie pour attirer sur d'autres qu'elle-même la bénédiction du Seigneur Dieu.

L'Orient précéda l'Occident dans le culte public de l'aïeule du Messie. Vers le milieu du VI° siècle, Constantinople lui dédiait une église. Le Typicon de saint Sabbas ramène sa mémoire liturgique trois fois dans l'année : le 9 septembre, en la compagnie de Joachim son époux, au lendemain de la Nativité  de leur illustre fille ; le 9 décembre, où les Grecs, qui retardent d'un jour sur les Latins la solennité de la Conception immaculée de Notre-Dame, célèbrent cette fête sous un titre qui rappelle plus directement la part d'Anne au mystère ; enfin le 25 juillet, qui, n'étant point occupé chez eux par la mémoire de saint Jacques le Majeur anticipée au 3o avril, est appelé Dormition ou mort précieuse de sainte Anne, mère de la très sainte Mère de Dieu : ce sont les expressions mêmes que le Martyrologe romain devait adopter par la suite.

Si Rome, toujours plus réservée, n'autorisa que beaucoup plus tard l'introduction dans les Eglises latines d'une fête liturgique de sainte Anne, elle n'avait point attendu cependant pour diriger de ce côté, en l'encourageant, la piété des fidèles. Dès le temps de saint Léon III (1) ,et parle commandement exprès de l'illustre Pontife, on représentait l'histoire d'Anne et de Joachim sur les ornements sacrés destinés aux plus nobles basiliques de la Ville éternelle (2). L'Ordre des Carmes, si dévot à sainte  Anne, contribua  puissamment, par  son

 

1. 795-816. — 2. Lib. pontif. in Leon.  III.

 

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heureuse transmigration dans nos contrées, ai développement croissant d'un culte appelé d'ailleurs comme naturellement par les progrès de la dévotion des peuples à la Mère de Dieu. Cette étroite relation des deux cultes est en effet rappelée dans les termes de la concession par laquelle, en 1381, Urbain VI donnait satisfaction aux vœux des fidèles d'Angleterre et autorisait pour ce royaume la fête de la bienheureuse Anne (1). Déjà au siècle précédent, l'Eglise d'Apt en Provence était en possession de cette solennité : priorité s'expliquant chez elle par l'honneur insigne qui lui échut pour ainsi dire avec la foi, lorsque au premier âge du christianisme elle reçut en dépôt le très saint corps de l'aïeule du Messie.

Depuis que le  Seigneur remonté aux cieux a voulu  que, comme lui, Notre-Dame y fût  couronnée sans plus tarder dans la totalité de son être virginal, n'est-il  pas vrai  de  dire que  les  reliques  de la Mère  de Marie doivent être  doublement chères  au monde : et  comme toutes autres, en raison de la sainteté  de celle dont ils sont les restes augustes; et plus qu'aucunes autres, par ce côté qui nous les montre en voisinage plus immédiat qu'aucune avec le mystère de la divine Incarnation ? Dans son abondance, l'Eglise d'Apt crut pouvoir se montrer prodigue ; si bien qu'il nous serait impossible d'énumérer les sanctuaires qui, soit de cette source incomparable, soit d'ailleurs pour de plus ou moins notables portions, se trouvent aujourd'hui  enrichis  d'une part de ces restes précieux. Nous ne pouvons  omettre  de nommer cependant, parmi ces lieux privilégiés, l'insigne Basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs ;

 

1. Labb. Concil. XI, p. II, col. 2o5o.

 

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dans une apparition à sainte Brigitte de Suède (1), Anne voulut confirmer elle-même l'authenticité du bras que l'église où repose le Docteur des nations, conserve d'elle comme un des plus nobles joyaux de son opulent trésor.

Ce fut seulement en 1584, que Grégoire XIII ordonna la célébration de la fête du 26 juillet dans le monde entier, sous le rit double. C'était Léon XIII qui devait, de nos jours (1879), l'élever en même temps que celle de saint Joachim à la dignité des solennités de seconde Classe. Mais auparavant, en 1622, Grégoire XV, guéri d'une grave maladie par sainte Anne, avait déjà mis sa fête au nombre des fêtes de précepte entraînant l'abstention des œuvres serviles.

Anne recevait enfin ici-bas les hommages dus au rang qu'elle occupe au ciel ; elle ne tardait pas à reconnaître par des bienfaits nouveaux la louange plus solennelle qui lui venait delà terre. Dans les années 1623, 1624, 1625, au village de Keranna près Auray en Bretagne, elle se manifestait à Yves Nicolazic, et lui faisait trouver au champ du Bocenno, qu'il tenait à ferme, l'antique statue dont la découverte allait, après mille ans d'interruption et de ruines, amener les peuples au lieu où l'avaient jadis honorée les habitants de la vieille Armorique. Les grâces sans nombre obtenues en ce lieu, devaient en effet porter leur renommée bien au delà des frontières d'une province à laquelle sa foi, digne des anciens âges, venait de mériter la faveur de l'aïeule du Messie ; Sainte-Anne d'Auray allait compter bientôt parmi les principaux pèlerinages du monde chrétien.

 

1. Revelationes S. Birgittae, Lib. VI, cap. 104.

 

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Plus heureuse que l'épouse d'Elcana, qui vous avait  figurée par ses épreuves et son  nom même (1), ô  Anne, vous  chantez maintenant les magnificences du Seigneur (2). Où est la synagogue altière qui vous imposait ses mépris ? Les descendants de la stérile sont aujourd'hui sans nombre; et nous tous, les frères de Jésus, les enfants comme lui de Marie votre fille, c'est dans la joie qu'amenés par notre Mère, nous vous présentons avec elle nos vœux en ce jour. Quelle fête plus touchante au foyer que celle de l'aïeule,  quand autour d'elle,  comme  aujourd'hui,  viennent se ranger ses petits-fils dans la déférence et l'amour ! Pour tant d'infortunés qui n'eussent jamais connu ces  solennités suaves, ces fêtes  de  famille, de jour en jour, hélas ! plus rares, où la bénédiction du paradis terrestre semble revivre en  sa fraîcheur, quelle douce compensation réservait la miséricordieuse prévoyance de notre Dieu ! lia voulu, ce Dieu  très haut, tenir à nous de si près qu'il fût un de nous dans la chair ; il a connu ainsi que nous les relations, les dépendances mutuelles résultant comme une loi de notre nature, ces liens d'Adam dans  lesquels il avait  projeté  de nous prendre (3) et où il se prit le premier. Car, en  élevant la nature au-dessus d'elle-même, il ne l'avait pas supprimée ; il faisait seulement  que la grâce, s'emparant d'elle, l'introduisît jusqu'aux cieux : en sorte qu'alliées  dans le temps par leur  commun auteur,nature et grâce demeurassent pour sa gloire unies dans l'éternité.  Frères donc par la grâce de celui qui reste à jamais votre petit-fils par nature, nous devons à cette disposition pleine d'amour de

 

1. I Reg. I. — 2. Ibid. II. — 3. Ose. XI, 4.

 

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la divine Sagesse de n'être point, sous votre toit, des étrangers en ce jour ; vraie fête du cœur pour Jésus et Marie, cette solennité de famille est aussi la nôtre.

Donc, ô Mère, souriez à nos chants, bénissez nos vœux. Aujourd'hui et toujours, soyez propice aux supplications qui montent vers vous de ce séjour d'épreuves. Dans leurs désirs selon Dieu, dans leurs douloureuses confidences, exaucez les épouses et les mères. Maintenez, où il en est temps encore, les traditions du foyer chrétien. Mais déjà, que de familles où le souffle de ce siècle a passé, réduisant à néant le sérieux de la vie, débilitant la foi, ne semant qu'impuissance, lassitude, frivolité, sinon pis, à la place des fécondes et vraies joies de nos pères ! Oh ! comme le Sage, s'il revenait parmi nous, dirait haut toujours: « Qui trouvera la femme forte (1) ? » Elle seule, en effet, par son ascendant, peut encore conjurer ces maux, mais à la condition de ne point oublier où réside sa puissance ; à savoir dans les plus humbles soins du ménage exercés par elle-même, le dévouement qui se dépense obscurément, veilles de nuit, prévoyance de chaque heure, travaux de la laine et du lin, jeu du fuseau : toutes ces fortes choses (2) qui lui assurent confiance et louange de la part de l'époux (3), autorité sur tous (4), abondance au foyer (5), bénédiction du pauvre assisté par ses mains (6), estime de l'étranger (7), respect de ses fils (8), et pour elle-même, dans la crainte du Seigneur (9), noblesse et dignité (10), beauté autant que force (11),

 

1. Prov. XXXI, 10. — 2. Ibid. 13-18.— 3. Ibid. 11-28.— 4. Ibid. 15. — 5. Ibid. 11. — 6. Ibid. 20. — 7. Ibid. 24, 31. — 8. Ibid.  28. — 9. Ibid.  3o. — 10. Ibid.  22-23. — 11. Ibid. 25.

 

244

 

sagesse,  douceur et contentement (1), sérénité du dernier jour (2).

Bienheureuse Anne, secourez la société qui  se meurt parle défaut de ces vertus qui furent vôtres. Vos maternelles bontés, dont  les effusions  sont devenues plus fréquentes, ont accru la confiance de l'Eglise ; daignez  répondre  aux espérances qu'elle met en vous. Bénissez spécialement votre Bretagne fidèle ; ayez pitié de la France malheureuse, que vous avez aimée si tôt en lui confiant votre saint corps, que vous avez choisie plus tard de préférence comme le lieu toujours cher d'où vous vouliez vous manifester au monde, que naguère encore vous avez comblée en lui remettant le sanctuaire  qui  rappelle dans Jérusalem votre gloire et vos ineffables joies : ô vous donc qui, comme le Christ, aimez les Francs,  qui dans la Gaule déchue daignez toujours voir le  royaume de Marie, continuez-nous cet amour, tradition de famille pour nous si précieuse. Que votre initiative bénie  vous  fasse  connaître par le monde à ceux de nos frères qui vous ignoreraient encore. Pour nous qui dès longtemps avons connu votre puissance, éprouvé vos bontés, laissez-nous toujours chercher en vous, ô Mère, repos, sécurité, force en toute épreuve ; à qui  s'appuie sur vous, rien n'est à craindre  ici-bas : ce  que votre bras porte est bien porté.

Présentons notre couronne liturgique à la bienheureuse Anne; et, comme premiers en date, offrons-lui  d'abord  ces  accents  empruntés  aux Menées des Grecs.

 

1. Prov. XXXI, 26, 27. — 2. Ibid. 25.

 

245

 

MENSIS JULII DIE XXV.

 

Ex Officio vespertino.

 

Fête solennelle, toute de lumière, allégresse du monde ! aujourd'hui, dans une sainteté digne de toute louange, s'est endormie la glorieuse Anne qui donna naissance à la Mère de la Vie.

 

Sur la stérile et l'inféconde ont germé les prémices du salut. Elle prie le Christ d'accorder le pardon de leurs fautes à ceux qui le louent dans la foi.

 

Salut, messagère du printemps de la grâce ! Salut, brebis dont reçut vie l'agnelle en qui l'Agneau qui ote les péchés du monde, le Verbe, d'un mot fut conçu !

 

Salut, terre bénie d'où sortit la branche qui fleurit divinement ! Ton enfantement met en fuite la stérilité, Anne en Dieu bienheureuse , aïeule du Christ Dieu, qui as mis au monde la Mère de Dieu comme un flambeau brillant : daigne avec elle intercéder pour qu'à nos âmes soit faite miséricorde grande.

 

Toutes créatures, venez ; sur les cymbales et le psaltérion acclamons la pieuse Anne : de ses entrailles elle engendra  la Montagne de Dieu,  et fut enlevée  jusqu'aux célestes monts dans les tabernacles du Paradis. Disons-lui : Bienheureuses les entrailles qui portèrent en toute vérité celle qui porta en elle la lumière du monde ! Gloire au sein dont fut allaitée celle qui nourrit le Christ notre nourriture!   Prie-le  qu'il nous garde de toute attaque de l'ennemi et que nos âmes soient sauvées.

 

Passant dans nos contrées occidentales, unissons-nous aux chants des diverses Eglises. Les Mozarabes interpréteront les sentiments de la stérile, enfin si splendidement exaucée :

 

ANTIPHONA.

 

Je vous louerai, Seigneur, de tout mon cœur, parce que vous avez exaucé  les | paroles de ma bouche.

R/. En présence des Anges, je vous chanterai des psaumes.

V/. Vous êtes mon Dieu, et je célébrerai vos louanges ; vous êtes mon Dieu, et je dirai vos grandeurs.

R/. En présence.

V/. Gloire et honneur au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit dans les siècles des siècles. Amen.

R/. En présence.

 

Apt dira la gloire dont la Provence est en elle honorée :

 

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ANTIENNE.

 

O gloire de la Provence, noble Mère de la Vierge Marie, fille de David, aïeule du Rédempteur, soyez-nous secourable pour obtenir grâce et vie bienheureuse.

 

La  Bretagne  proclamera la confiance qu'elle met dans son illustre protectrice :

 

REPONS.

 

Voici la Mère qu'a choisie pour nous le Seigneur, Anne la très sainte, des Bretons l'espérance et la garde : * Dans la prospérité notre aide, notre secours dans l'adversité.

V/. Que de son peuple toujours elle ait souvenir ; qu'elle sourie à ses fils sur la terre et sur l'onde. * Dans la prospérité.

Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit. * Dans la prospérité.

 

Tous, avec elle, nous ferons nôtre l'Hymne suivante :

 

HYMNE.

 

Lumière bienheureuse, dont les joies font tressaillir la Mère Eglise! en ce jour elle chante Anne, l'honneur de la Judée, la Mère de Marie.

 

Joignant  au  sang  des saints  Rois celui de ses aïeux les Pontifes, Anne surpasse par l'éclat des vertus l'illustration d'une telle race.

 

Sous le regard du ciel, elle contracte une alliance bénie ; dans sa chair sainte prend vie l'astre immortel des vierges.

 

Merveille de la céleste grâce! au  sein la céleste d'Anne sa mère; la vierge écrase en sa conception la tête du dragon cruel.

 

Nantie d'un tel gage de salut, la race humaine espère enfin : au monde racheté la colombe annonce la paix qui la suit.

 

Soit louange au Père, ainsi qu'au Fils, et à vous, Esprit-Saint ! Aux pieux clients d'Anne donnez la grâce éternelle.

Amen.

 

Milan, dans son Missel ambrosien, conclura par ces belles formules de louange et de prière au Seigneur :

 

PREFACE.

 

Il est digne de vous rendre grâces, Dieu éternel qui avez par un privilège singulier de votre grâce exalté la bienheureuseAnne. A son désir de fécondité vous répondîtes par un don magnifique  et  dépassant tout, faisant que d'elle naquît Marie, Vierge des vierges, souveraine des Anges, Reine du monde, Etoile de la mer, Mère de votre Fils Dieu et homme. C'est pourquoi donc, avec les Anges.

 

ORATIO SUPER SINDONEM.

 

Dieu tout-puissant, éternel, qui par votre grâce avez, après l'épreuve d'une longue stérilité, rendu féconde d'un fruit glorieux la bienheureuse Anne; faites, nous vous en supplions, que, par l'appui de ses mérites auprès de vous, nous obtenions la fécondité d'une foi pure et produisions les fruits du salut dans nos œuvres. Par Jésus-Christ.

 

 

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