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LE X AOUT. SAINT LAURENT, DIACRE ET MARTYR.« Autrefois la mère des faux dieux, du Christ aujourd'hui l'Epouse, à cette heure par Laurent la victoire s'attache, ô Rome, à ton nom. Triomphatrice des rois superbes, ton empire s'imposait aux nations ; mais à ta gloire manquait, ayant réduit la barbarie, d'avoir aussi dompté les impures idoles. Victoire de sang, mais non plus tumultueuse, comme celles d'un Camille, d'un César ; combat de la foi qui s'immole à elle-même, et par la mort détruit la mort. De quelle voix, par quelles louanges célébrer cette mort? Sur quel mode chanterons-nous dignement un pareil martyre (1) ? » Ainsi débute le poème sublime où Prudence a consacré les traditions qui de son temps, si rapproché encore de la grande lutte, entouraient d'une incomparable auréole le front du diacre romain. C'était l'heure où l'éloquence enchanteresse de saint Ambroise redisait elle-même la rencontre de Sixte et du lévite au chemin du martyre (2). Avant l'abeille de Milan, avant le chantre des Couronnes, Damase, Pontife suprême, consignait pour la postérité, dans ses monumentales 1. Prudent. Peristephanon, Hymn. II. — 2. Ambr. De Offic. I, 41. 376 inscriptions dignes de la majesté des temps du triomphe, cette victoire de Laurent par la seule foi que le poète exaltait dans des strophes immortelles (1). Rome multipliait les démonstrations en l'honneur de l'invincible athlète qui, sur le gril ardent, avait prié pour sa délivrance. Non contente d'insérer son nom au Canon sacré, elle entourait l'anniversaire de sa naissance au ciel des mêmes privilèges de solennité, de vigile et d'octave, que celui des glorieux Apôtres ses fondateurs. Sur son sol empourpré du sang de bien d'autres témoins du Christ, chaque pas du lévite autrefois, chaque souvenir de Laurent, voyait surgir une église attestant la gratitude spéciale de la cité reine. Parmi tant de sanctuaires rappelant à divers titres sa mémoire bénie, celui qui gardait le corps du martyr prenait place à la suite des églises du Latran, de Sainte-Marie de l'Esquilin, de Pierre au Vatican, de Paul sur la voie d'Ostie : Saint-Laurent-hors-les-murs complétait le nombre des Basiliques majeures qui sont l'apanage réservé du Pontife romain, comme étant l'expression de sa juridiction universelle et immédiate sur toutes les Eglises, comme représentant les patriarcats de Rome, d'Alexandrie, d'Antioche, de Constantinople, de Jérusalem, entre lesquels se divise l'univers. Ainsi, par Laurent, la Ville éternelle achevait de se montrer pour ce qu'elle est, le centre du monde et la source de toute grâce. De même que Pierre et Paul sont la richesse, non de Rome seule, mais de la terre, Rome vit donc aussi Laurent acclamé comme l'honneur du monde; ennoblie par son héroïsme, l'humanité 1. De Rossi, Inscript. II, 82. 377 régénérée personnifia en lui le courage des autres martyrs. Au commencement de ce mois, Etienne même se levait du lieu où il s'était couché dans la mort, pour venir confondre ses honneurs de Protomartyr avec la gloire du diacre de Sixte II dans la communauté d'une seule tombe. Le triomphe, comme la lutte de tous, parut atteindre en lui au dernier sommet : bien que la persécution dût avoir encore de terribles retours et multiplier pendant un demi-siècle les hécatombes, la victoire de Laurent fut considérée comme le coup qui frappait le paganisme au cœur ; l'enfer s'était heurté, pour sa perte, à un amour plus inflexible que ses feux (1). « Le démon, dit Prudence, avait pressé dans une lutte acharnée le témoin de Dieu; il tombait lui-même percé de coups, et demeurait à jamais terrassé. Cette mort du saint athlète fut la vraie mort des temples ; alors Vesta vit déserter le palladium, sans pouvoir le venger. Tous ces Quintes, coutumiers des superstitions que Numa jadis avait instituées, se pressent, ô Christ, en tes parvis, et chantent des hymnes à ton martyr. Lumières du sénat, Luperques et Flamines baisent le seuil des Apôtres et des Saints. Nous y voyons d'illustres familles, patriciens et nobles matrones, offrir en vœu leur clarissime lignée, gage de chères espérances. Le pontife, au front naguère ceint de bandelettes, s'enrôle sous le signe de la Croix; la vestale Claudia visite, ô Laurent, ton sanctuaire (2). Ne soyons pas étonnés si, du haut des sept collines, la solennité de ce jour remplit aussitôt l'univers des échos de sa triomphante allégresse. « Autant il serait impossible à Rome de rester 1. Cant. VIII, 6. — 2. Prudent, ubi supra. 378 cachée, proclame saint Augustin, autant il l'est que la couronne de Laurent se dérobe aux yeux (1) .» En Orient comme en Occident, à Byzance comme à Rome, peuples et princes fondaient des temples à son honneur. En retour, au témoignage de l'évêque d'Hippone, « ses bienfaits ne pouvaient se compter (2), montrant quel était son mérite : qui l’a prié, sans être exaucé (3) ? » Nous donc aussi, conclurons-nous avec Maxime de Turin, « dans cette dévotion concordante du monde célébrant partout le triomphe du bienheureux Laurent (4), comprenons que c'est une chose sainte et qu'il plaît à Dieu que nous honorions, dans la ferveur de nos âmes, la naissance au ciel de celui dont les flammes radieuses répandent aujourd'hui sur l'Eglise universelle du Christ un éclat de victoire. Pour son insigne pureté d'âme qui le fit lévite, pour la plénitude de sa foi qui lui valut la dignité du martyre, c'est justement que nous l'exaltons comme presque l'égal des Apôtres (5). » LES PREMIÈRES VÊPRES.Laurent est entré dans la lice du martyre, il a confessé le nom du Seigneur Jésus-Christ. L'Eglise ouvre par cette Antienne les premières Vêpres de la fête ; et en effet, à l'heure où nous sommes, Laurent a vu s'abaisser devant lui les barrières de l'arène. Il a jeté aux puissants son défi d'une sublime ironie ; le sang de ses veines a déjà coulé. 1. Aug Sermo 3o3, al. de Div. 123. — 2. Ibid. — 3. Sermo 3o2, al. de Div. III. — 4. Maxim. Taurin. Homil. 75. — 5. Homil. 74. 379 Mandé le jour même du martyre de Sixte II à la barre du préfet de Rome, Cornélius Sécularis (1), il avait obtenu de ce magistrat le délai nécessaire à l'héroïque fraude qu'il méditait comme réponse aux prétentions du fisc. Valérien, négligeant dans ses édits de persécution les membres obscurs de la communauté chrétienne, avait décrété la dissolution de celle-ci par l'interdiction des assemblées, la mort des chefs et la confiscation. Delà simultanément, au 6 août, la dispersion des fidèles réunis au cimetière de Prétextât, l'exécution du Pontife, et la comparution du premier diacre sommé de livrer les trésors dont le pouvoir n'ignorait pas qu'il était le gardien. « Reconnais, dit le préfet, ma juste et paisible demande. On assure que, dans vos orgies, c'est la coutume de vos pontifes, la règle et la loi de leur culte, de faire dans des coupes d'or les libations ; on dit que dans des vases d'argent fume le sang des victimes, que des chandeliers d'or soutiennent les flambeaux dans vos mystères nocturnes. Et puis, grand est parmi vous le soin des frères : s'il en faut croire la renommée, on vend pour eux ses terres, on en retire des milliers de sesterces; le fils déshérité par ses saints parents gémit dans la pauvreté, le patrimoine s'enfouit pieusement dans les réduits de vos temples. Remets-nous ces richesses immenses, honteux butin prélevé par vos prestiges sur la crédulité; le bien public le réclame : pour les besoins du fisc, pour la solde de l'armée, rends à César ce qui est à César. » Sans trouble aucun, comme prêt à obéir, Laurent répond avec douceur : « Je ne le nie pas, 1. Elenchus Philocal. 380 notre Eglise est opulente ; Auguste même, ni personne au monde, ne l'égale en richesse. Je révélerai tout, je te montrerai les trésors du Christ. Je demande seulement quelque trêve, qui me permette de tenir mieux ma promesse ; car il me faut inventorier toutes choses, compter chaque pièce, en noter la valeur. » Gonflé de joie, dévorant l'or en espérance, le juge convient d'un délai de trois jours. Laurent cependant parcourt la ville, convoquant, rassemblant boiteux, aveugles, infirmes de toutes sortes, mendiants des places publiques, légions que nourrit l'Eglise leur mère Mieux que personne, le diacre les connaît. Il les compte, écrit leurs noms, les dispose en longue file. Puis, le jour dit, retournant au juge: « Viens avec moi, dit-il; admire les richesses sans pareilles du sanctuaire de notre Dieu ! » Ils arrivent : de l'essaim à l'aspect repoussant s'élève le bruit des prières. « Pourquoi frémir ? dit Laurent au préfet; est-ce donc là vil spectacle, ou qu'on doive mépriser ? La vraie richesse, c'est la lumière et le genre humain : ils sont les fils de la lumière, ceux-ci que la débilité de leurs membres garde de l'orgueil et des passions; bientôt, dépouillant leurs ulcères au palais de l'éternelle vie, ils brilleront d'admirables splendeurs sous leurs robes de pourpre et leurs couronnes d'or. Voilà donc l'or que je t'avais promis, que le feu n'atteint pas, que le voleur ne saurait ravir. Maintenant, de peur que tu ne croies que le Christ est pauvre, j'y veux ajouter les perles de choix, les pierres aux mille feux, ornement du temple ; vois ces vierges sacrées, ces veuves qui ne connurent point de second hymen : c'est le collier sans prix de l'Eglise, l'ornement de son noble front, sa parure 381 d'épousée, les joyaux qui ravissent le Christ. Voilà nos richesses; reçois-les : elles embelliront la ville de Romulus, augmenteront les trésors du prince ; toi-même en seras plus riche (1). » Une lettre du Pape saint Corneille, écrite quelques années avant ces événements, nous fait connaître que le nombre des veuves et des pauvres assistés par l'Eglise de Rome s'élevait à plus de quinze cents (2). En les produisant devant le magistrat, Laurent savait qu'il n'exposait que lui-même, la persécution de Valérien, comme nous l'avons observé, se détournant des petits et frappant à la tête. Mais, dans cette admirable scène, la Sagesse s'était complue à mettre en présence du brutal césarisme la faiblesse méprisée qui devait l'emporter sur sa toute-puissance. On était au On ne saurait donc rejeter sur ce point l'autorité de la notice qu'Adon de Vienne inséra, au IX° siècle, dans son Martyrologe, en l'empruntant d'une source plus ancienne. Comme le prouve la conformité des expressions, c'est en partie à cette même source que l'Antiphonaire grégorien avait 1. Prudent. ubi supra. — 2. Cornelius ad Fabium Antioch. 3. Verbera, carnifices, flammas, tormenta, catenas Vincere Laurenti sola fides
potuit. Haec Damasus cumulat supplex altaria donis, Martyris egregium suspiciens meritum. 382 dès auparavant puisé les Antiennes et les Répons de la fête. Indépendamment des détails qui nous sont connus par le témoignage de Prudence et des Pères, il est fait allusion dans cet Office aux conversions opérées par Laurent prisonnier et à la guérison des aveugles, qui parut être le don spécial du saint diacre dans les jours précédant son martyre. 1. Ant. LAURENT est
entré dans la lice du martyre, et il a
confessé le nom du Seigneur Jésus-Christ. Psaume CIX. Dixit Dominus, page 43. 2. Ant. Laurent a fait une bonne
œuvre, lui qui par le signe de la croix a rendu aux aveugles la lumière. Psaume CX. Confitebor tibi, Domine, page 44. 3. Ant. Mon âme s'est
attachée à votre suite, car ma chair a été brûlée par le feu pour vous, ô mon
Dieu. Psaume CXI. Beatus vir, page 45. 4. Ant. Le Seigneur a envoyé
son Ange, et il m'a délivré du milieu du feu, et je n'ai point été consumé. Psaume CXII. Laudate pueri, page 46. 5. Ant. Le bienheureux
Laurent priait, disant : Je vous rends grâces, Seigneur, de ce que j'ai mérité d'entrer
dans votre demeure. PSAUME CXVI.Toutes les nations, louez le
Seigneur ; tous les peuples,proclamez sa gloire. Car sa miséricorde s'est
affermie sur nous, et la vérité du Seigneur demeure éternellement. CAPITULE. ( II Cor. IX.)Mes Frères, celui qui sème
peu moissonnera peu aussi ; et celui qui sème avec abondance moissonnera aussi
avec abondance.
HYMNE.O Dieu, de vos soldats
partage, couronne et récompense, délivrez des liens du péché ceux qui chantent
les louanges de votre Martyr. Les joies du monde, les
caressants appâts du mal trompeur furent à ses yeux poison et fiel ; ainsi
parvint-il aux cieux. Il a fourni la course avec
courage, il a porté virilement la souffrance; son sang pour vous répandu lui
assure les biens éternels. Humblement prosternés, nous vous
en supplions donc,ô très miséricordieux
: pardonnez leurs fautes à vos débiles serviteurs. Louange et gloire éternelle
soit au Père et au Fils avec le saint Paraclet, dans les siècles sans fin. Amen. V/. Vous l'avez couronné d'honneur
et de gloire, ô Seigneur. R/. Et vous l'avez établi sur
les œuvres de vos mains. ANTIENNE de Magnificat.Laurent le lévite a bien agi : il a rendu la lumière aux aveugles par le signe de la croix et distribué aux pauvres les trésors de l'Eglise. Le Cantique Magnificat, page 51. ORAISON.Dieu tout-puissant, nous vous
en prions, donnez-nous d'éteindre les flammes de nos vices, vous qui avez
accordé au bienheureux Laurent de triompher du feu qui tortura son corps. Par
Jésus-Christ. Le disque embrasé de l'astre du jour a disparu derrière les monts Vaticans. La brise du soir 385 ramène le mouvement sur les sept collines, où les ardeurs du soleil d'août semblaient avoir arrêté toute vie. Détaché du chevalet vers le milieu du jour, Laurent seul s'est interdit le repos. Meurtri et sanglant, il a baptisé dans sa prison les recrues gagnées au Christ par le spectacle de sa vaillance au milieu des tourments ; il les confirme dans la foi, les élève elles-mêmes à l'intrépidité du martyre, quand soudain l'heure décisive vient à sonner pour lui. Tandis que Rome court aux plaisirs, le préfet ramène au combat les bourreaux dont l'épuisement n'a pu, quelques heures plus tôt, servir à point sa vengeance. Entouré de leur sinistre escouade : « Sacrifie aux dieux, dit-il au valeureux diacre; ou cette nuit entière verra ton supplice. — Ma nuit, répond Laurent, n'a point d'ombres, et tout y resplendit pour moi de lumière. » Et comme on le frappait sur la bouche avec des pierres, il souriait et disait : « Je vous rends grâces, ô Christ! » On apporta alors un lit de fer à trois barreaux, et le bienheureux, dépouillé de ses vêtements, fut étendu sur ce gril; et l'on plaça dessous des charbons ardents. Tandis qu'on l'y retenait avec des fourches de fer, il dit : « Je m'offre à Dieu en sacrifice de suave odeur. » Or, les bourreaux ne cessaient d'activer le feu et de renouveler les charbons, en le maintenant avec leurs fourches. Le saint dit alors : « Apprends, malheureux, quelle est la puissance de mon Dieu ; car tes charbons me sont un rafraîchissement; mais ils seront pour toi l'éternel supplice. J'en atteste le Seigneur : accusé, je n'ai point nié ; interrogé, j'ai confessé le Christ; sur les charbons, je lui rends grâces. » Et, son visage rayonnant d'une beauté céleste : « Oui ; je vous rends grâces, 386 Seigneur Jésus-Christ, qui avez daigné me fortifier. » Levant les yeux sur le juge : « Voilà un côté cuit à point; retourne-moi sur l'autre, et mange ! » Puis, revenant à la glorification du Seigneur Dieu : « Je vous rends grâces de ce que j'ai mérité d'entrer dans votre demeure (1). » Et comme il allait rendre l'âme, se souvenant de l'Eglise, reprenant vie à la pensée de Rome immortelle, sa prière s'exhala ainsi dans l'extase : « O Christ, Dieu unique, ô splendeur, ô vertu du Père, ô ouvrier de la terre et des cieux dont la providence éleva ces remparts, toi qui plaças le sceptre de Rome au sommet des choses : tu voulus que le monde se soumît à la toge, pour rassembler sous d'uniques lois les nations divisées de mœurs, de coutumes, de langage, de génie, de sacrifices. Voici que tout entier le genre humain s'est rangé sous l'empire de Rémus ; dissentiments et dissonances se fondent en son unité : souviens-toi de ton but, qui fut d'enlacer d'un même lien sous l'empire de ton nom l'immensité de l'univers. Christ, pour tes Romains, fais chrétienne la ville appelée par toi à ramener les autres à l'unité sacrée. Tous les membres en tous lieux s'unissent en ton symbole; l'univers dompté s'assouplit : puisse s'assouplir sa royale tête ! Envoie ton Gabriel guérir l'aveuglement des fils d'Iule, et qu'ils connaissent quel est le Dieu véritable. Je vois venir un prince, un empereur serviteur de Dieu ! il ne souffrira plus que Rome soit esclave ; il fermera les temples, il les scellera d'éternels verrous. » Ainsi finit sa prière, et avec le dernier souffle de sa voix s'envola son âme. De nobles personnages, conquêtes de l'admirable liberté du 1. Adon. Martyrol. 387 martyr, enlevèrent son corps ; l'amour du Dieu très haut, envahissant soudain leur âme, en avait chassé les anciennes folies. Dès ce jour se refroidit le culte des dieux infâmes ; la foule fut plus rare dans les temples ; on courut aux autels du Christ. Ainsi Laurent, dans le combat, n'avait point ceint son flanc d'un glaive ; mais, arrachant le fer à l'ennemi, il en avait retourné contre lui la pointe (1). L'Eglise, dont la reconnaissance
est à la hauteur des services rendus, ne pouvait mettre en oubli cette nuit
glorieuse. Aux temps où la religion de ses fils répondait à la sienne, elle les
convoquait au coucher du soleil, dans la soirée du 9 août, pour un premier
Office nocturne. Sur l'heure de Plus tard on conserva longtemps aux Matines de cette fête, en quelques églises, un usage qui signalait également les Matines de la Commémoration 1. Prudent,
ubi supra. — 2. De nocte, in primo mane : Sacramentar. Greg. apud
H. Menard. — 3. Introït, ex Psalm XVI : Antiphonar, apud Tommasi. 388 de saint Paul. Il consistait à faire précéder d'un Verset particulier la reprise de chaque Antienne des Nocturnes. Le labeur tout spécial du Docteur des nations et de Laurent dans le champ de l'apostolat et celui du martyre, leur avait, disent les docteurs de la sainte Liturgie, mérité cette distinction entre tous autres (1). La comparaison de la dureté du supplice du saint diacre sur ses charbons et de la tendresse de cœur qui, trois jours auparavant, lui faisait verser des larmes en quittant Sixte II, avait vivement frappé nos pères. Aussi donnèrent-ils le gracieux nom de larmes de saint Laurent à la pluie périodique d'étoiles filantes qui caractérise, pour le peuple comme pour les savants, la nuit du 10 août. La piété populaire, qui aime à trouver dans les phénomènes de la nature l'occasion d'élever plus haut sa pensée, eut rarement d'inspiration plus touchante. 1. Beleth. CXLV ; Sicard. IX, XXXIX ; Durand.
VII, XXIII. A TIERCE.L'Hymne et les trois Psaumes dont se compose - l'Office de Tierce , se trouvent ci-dessus, page 26. Ant. LAURENT a fait une bonne
œuvre, lui qui par le signe de la croix a rendu aux aveugles la lumière. Le Capitule comme aux premières Vêpres, page 383. R/. br. De gloire et d’honneur * Vous l'avez, ô Seigneur, couronné. De gloire. V/. Et vous l'avez établi sur
les œuvres de vos mains. * Vous l'avez. Gloire au Père. De gloire V/. Vous avez placé sur sa tête,
Seigneur, R/. Une couronne de pierres précieuses. L'Oraison est la Collecte de la Messe, page 390. A LA MESSE.Le diacre suivant son pontife a pénétré au delà du voile; lévite fidèle, il s'est rangé dans sa force près de l'arche de l'alliance éternelle. Il admire les splendeurs de ce tabernacle non fait de main d'homme (1), dont celui de Moïse était une si faible image, dont l'Eglise même ici-bas, entourée d'ombres, laisse à peine soupçonner la magnificence. Et cependant, aujourd'hui, l'Eglise tressaille d'une sainte fierté dans son exil; car le ciel lui doit en ce jour un éclat nouveau, une sainteté plus grande. Elle s'avance, triomphante elle aussi, vers l'autel de la terre qui n'est qu'un même autel avec celui des deux ; ayant suivi toute cette nuit du regard et du cœur son noble fils, elle ose chanter comme siennes cette beauté, cette sainteté, ces magnificences de la patrie, 1. Heb. IX. 390 dont il semble qu'un rayon soit descendu jusqu'à elle au moment où le voile se soulevait pour lui donner entrée au Saint des Saints. L'Introït, comme son Verset, est tiré du Psaume XCV. INTROÏT.La louange et la beauté
forment sa cour ; la sainteté et la magnificence éclatent dans le sanctuaire de
Dieu. Ps. Chantez au Seigneur un cantique nouveau ; toute la
terre, chantez au Seigneur. Gloire au Père. La louange. L'épreuve du gril embrasé n'est sans doute pas celle qui attend notre faiblesse. Mais d'autres feux nous assaillent, qui seraient l'aliment de la flamme éternelle, si nous ne savions les éteindre en ce monde même. L'Eglise demande pour nous à cette fin, dans la fête du bienheureux Laurent, force et prévoyance. COLLECTE.Dieu tout-puissant, nous vous
en prions, donnez-nous d'éteindre les flammes de nos vices, vous qui avez
accordé au bienheureux Laurent de triompher du feu qui tortura son corps. Par
Jésus-Christ. 391 EPÎTRE.Lecture de l'Epître du bienheureux Paul , Apôtre , aux Corinthiens. II, Chap. IX. Mes Frères, celui qui sème
peu moissonnera peu aussi ; et celui qui sème avec abondance moissonnera aussi
avec abondance. Que chacun donne selon ce qu'il a résolu dans son cœur, et non
avec tristesse ou comme par force ; car Dieu aime celui qui donne avec joie.
Or, Dieu est assez puissant pour vous faire abonder en toute grâce ; en sorte
que, ne manquant jamais en rien du nécessaire, vous ayez par delà de quoi vous
répandre en toutes bonnes œuvres, selon ce qui est écrit : « Il a répandu
l'aumône avec profusion sur le pauvre ; sa justice demeurera à jamais. » Celui
donc qui procure la semence à celui qui sème, saura bien à la fois vous donner
le pain dont vous avez besoin pour vivre, et multiplier la semence de vos
œuvres et faire croître toujours plus les fruits de votre justice. Il a répandu l'aumône avec profusion sur le pauvre; sa justice demeurera à jamais. L'Eglise Romaine aime à revenir sur l'application de cette parole du Psaume CXI à son grand archidiacre. Hier déjà, l'Introït et le Graduel de 392 Vigile y puisaient l'inspiration de leurs mélodies; l'harmonieux écho s'en répercutait à travers les Répons delà nuit glorieuse, et jusque dans le Verset des Laudes triomphantes. Le même texte, cité par le Docteur des nations dans sa seconde lettre aux fidèles de Corinthe, est aujourd'hui la raison du choix de l'Epître qu'on vient de lire, et d'où sont également empruntés les Capitules des différentes Heures Cette insistance nous montre assez que, pour l'Eglise, le point de départ des grâces de choix qui valurent à Laurent la gloire de son incomparable martyre est dans la fidélité vaillante et allègre avec laquelle il distribua aux membres souffrants de Jésus-Christ l'or dont il avait la garde. Telle est l'unité des glorieuses scènes auxquelles il nous a été donné d'assister durant ces trois jours, telle la loi d'économie surnaturelle qui préside aux largesses de l'Esprit-Saint : Celui qui sème avec parcimonie moissonnera comme il sème, et celui qui sème en bénédictions moissonnera des bénédictions. Observons-le du reste avec l'Apôtre : le mérite qui touche Dieu, et l'amène à multiplier ses faveurs, réside moins dans l'œuvre elle-même que dans l'esprit qui l'anime ; Dieu aime celui qui donne avec joie. Noblesse de cœur, tendresse exquise, dévouement qui s'oublie, héroïsme fait de simplicité autant que de courage, bonne grâce souriante jusque sur les charbons : c'est là tout ce que fut Laurent dans sa vie avec Dieu, avec son père Sixte II, avec les petits, comme en face de la mort et des puissants. Le dénouement de cette vie ne fit que le montrer dans les plus grandes choses ce qu'il avait été dans les moindres (1). Rarement, au reste, 1. Luc. XVI, 10. 393 l'accord entre la nature et la grâce se rencontra plus parfait que dans le jeune diacre ; et si le don du martyre est si grand que nul en ce monde ne le saurait mériter, on peut dire pourtant que le sien, dans la grandeur toute spéciale dont le Seigneur voulut l'entourer, manifesta l'évolution normale et comme spontanée des germes de choix déposés par l'Esprit-Saint dans sa riche nature. Les paroles du Psaume XVI, qui fournissaient autrefois à la Messe de la nuit son admirable Introït, se retrouvent au Graduel et au Verset delà Messe du jour. Le Verset alléluiatique rappelle les miracles opérés par Laurent sur des aveugles, et qui doivent nous porter à implorer de lui la gué-rison de l'aveuglement spirituel plus terrible que l'autre. GRADUEL.O Dieu, vous avez éprouvé mon
cœur et l'avez visité dans la nuit. V/. Vous m'avez scruté par le
feu, et l'iniquité ne s'est point trouvée en moi. Alléluia, alléluia. V/. Laurent le lévite a bien
agi : il a rendu la lumière aux aveugles par le signe de la croix. Alléluia. EVANGILE.La suite du saint Evangile selon saint Jean. Chap. XII. En ce temps-là, Jésus dit à
ses disciples : En vérité, en vérité je vous le dis, si le grain de froment ne
tombe en terre et ne meurt, il reste seul ; mais s'il meurt, il porte beaucoup
de fruit. Celui qui aime sa vie la perdra ; et celui qui hait sa vie en ce
monde, la garde pour la vie éternelle. Si quelqu'un nie sert, qu'il me suive ;
et où je suis, là sera aussi mon serviteur. Lorsque quelqu'un m'aura servi, mon
Père l'honorera. Ecoutons saint Augustin commenter en cette fête même l'Evangile que nous venons d'entendre : « Votre toi reconnaît le grain tombé en terre, et qui s'est multiplié dans la mort. Votre foi le connaît, dis-je, ce grain mystérieux, parce que lui-même habite en vos âmes. Que ce soit de lui-même en effet que le Christ ait ainsi parlé, nul chrétien ne doute. Mais voici donc que, lui mort et multiplié, nombre de grains ont été répandus en terre : parmi lesquels le bienheureux Laurent, dont c'est aujourd'hui le jour de semence. Et de ces grains jetés par le monde tout entier, quelle abondante moisson est sortie : nous le voyons, c'est notre joie, c'est nous-mêmes ; si toutefois sa grâce nous marque pour le grenier. Car n'appartient pas au grenier tout ce qui se trouve dans la moisson. La même pluie en effet, utile et nourrissante, fait croître et le froment et la paille. A Dieu ne plaise qu'on serre l'un et l'autre ensemble au grenier, quoique l'un et l'autre ensemble ait crû au champ, quoique l'un et l'autre ensemble ait été 395 foulé dans l'aire. C'est maintenant le temps de choisir. Avant le vannage, épurons les mœurs : nous sommes sur l'aire, où le grain est encore dans la période de séparation, où le van n'est pas définitivement intervenu. Ecoutez-moi, grains sacrés, que je ne doute pas être ici ; car en douter, ce serait n'en pas être moi-même ; écoutez-moi, dis-je : bien plutôt, écoutez par moi le premier grain. N'aimez pas vos âmes dans ce siècle; gardez-vous de les aimer, si vous les aimez, afin de les garder en ne les aimant pas; car en ne les aimant pas, vous les aimez plus. Celui qui aime sa vie en ce monde la perdra (1). » Ainsi Laurent, pour s'être en ce monde traité en ennemi et perdu, s'est retrouvé dans l'autre. Serviteur du Christ par le titre même de son diaconat, qui signifie service, il a suivi l'Homme-Dieu, selon la recommandation de notre Evangile, suivi à l'autel, à l'autel de la Croix. Mais, tombé avec lui en terre, il s'est aussi multiplié en lui ; selon la doctrine de l'évêque d'Hippone, nous-mêmes, qu'éloignent de lui les espaces et les temps, sommes pourtant la moisson qui, pour une part, germe de lui toujours. Puisons dans cette pensée le sentiment d'une reconnaissance profonde envers le saint diacre; et mettons d'autant plus de zèle à nous associer d'ici-bas aux honneurs dont l'entoure le Père céleste aujourd'hui, pour avoir servi son Fils. L'Offertoire reprend sous une nouvelle mélodie les paroles d'Introït ; c'est l'écho de la terre à l'harmonie des cieux. Cette beauté, cette sainteté qui relèvent si magnifiquement le ministère 1. Aug. Sermo
CCCV, al XXVI, in Nat. S.
Laurent. 396 de la louange à l'autel éternel, doivent déjà, sous la foi, resplendir en l'âme des ministres de l'Eglise, comme elles faisaient en Laurent, mortel encore, aux regards ravis des Anges. OFFERTOIRE.La louange et la beauté
forment sa cour ; la sainteté et la magnificence éclatent dans le sanctuaire de
Dieu. A ce moment des Mystères, Laurent offrait autrefois les dons ; ses mérites sont maintenant le suffrage dont l'Eglise se réclame en les présentant. SECRÈTE.Recevez avec bonté ces dons,
nous vous en prions, Seigneur; que par le suffrage des mérites du bienheureux
Laurent, vous daigniez en faire provenir le secours de notre salut. Par
Jésus-Christ. Laurent a dignement rempli son service auguste à la table du Seigneur ; celui pour lequel il s'est dépensé tient l'engagement qu'il prenait dans l'Evangile, en l'appelant à résider pour jamais où il est lui-même. COMMUNION.Que celui qui me sert me
suive ; et où je suis, là sera aussi mon serviteur. Rassasiés au banquet sacré dont Laurent fut le dispensateur, nous demandons que l'hommage de notre propre service attire sur nous, par son intercession, l'augmentation de la grâce. POSTCOMMUNION.Rassasiés au banquet sacré,
nous vous en supplions, Seigneur : que, par l'intercession du bienheureux
Laurent, votre Martyr, l'hommage du service qui vous est dû nous attire en
cette fête un accroissement des grâces qui conduisent au salut. Par
Jésus-Christ. A SEXTE.L'Hymne et les trois Psaumes dont se compose l'Office de Sexte, se trouvent ci-dessus, page 32. Ant. Mon âme s'est attachée à
votre suite, car ma chair a été brûlée par le feu pour vous, ô mon Dieu. CAPITULE. (II Cor. IX.)Que chacun donne selon ce
qu'il a résolu dans son cœur, et non avec tristesse ou comme par force ; car
Dieu aime celui qui donne avec joie. R/. Vous avez placé,
Seigneur, * Sur sa tête. Vous avez placé. V/. Une couronne de pierres
précieuses. * Sur sa tête. Gloire au Père. Vous avez
placé. V/. Grande est la gloire dont
vous l'avez entouré en le sauvant. R/. Vous le couronnerez de
gloire et le revêtirez d'une admirable beauté. L'Oraison est la Collecte de la Messe, page 390. A NONEL'Hymne et les Psaumes, ci-dessus, page 37. Ant. Le bienheureux Laurent
priait, disant : Je vous rends grâces, Seigneur, de ce que j'ai mérité d'entrer
dans votre demeure. CAPITULE. (II Cor. IX.)Or, Dieu est assez puissant
pour vous faire abonder en toute grâce ; en sorte que, ne manquant jamais en
rien du nécessaire, vous ayez par delà de quoi vous répandre en toutes bonnes
œuvres, selon ce qui est écrit : « Il a répandu l'aumône avec profusion sur le
pauvre ; sa justice demeurera à jamais. » R/. Grande est la
gloire dont vous l'avez entouré * En le
sauvant. Grande. V/. Vous le couronnerez de gloire et le revêtirez d'une admirable
beauté. * En le sauvant. Gloire au Père. Grande. V/. Le juste fleurira comme
le palmier. R/. Il se multipliera comme
le cèdre du Liban. L'Oraison, page 390. LES SECONDES VÊPRES.A peine Laurent avait-il eu, le matin, remis son âme vaillante au Créateur, qu'on entoura de linceuls et d'aromates ses restes plus précieux que l'or sortant du creuset. Comme Etienne le premier des Martyrs, comme Jésus leur Roi, il vit d'illustres personnages ambitionner l'honneur de prodiguer leurs soins à sa dépouille sacrée. Dans la soirée du 10 août (1), les nobles convertis dont parle Prudence courbèrent leur tête sous l'auguste fardeau, et l'emportant sur la voie Tiburtine, ils l'ensevelirent avec un grand deuil au cimetière de Cyriaque. L'Eglise de la terre pleurait son illustre fils; mais celle du ciel laissait déjà déborder le triomphe, et chaque retour du glorieux anniversaire allait donner l'allégresse au monde. L'Office des secondes Vêpres ne diffère de celui des premières que par le dernier Psaume, le Verset et l'Antienne de Magnificat. Ce Psaume, que l'Eglise chante pour tous les Martyrs, est le CXV°. Il exprime merveilleusement l'effusion reconnaissante de Laurent à cette heure : sa foi, qu'il a 1. Adon. Martyrolog. 400 confessée, l'a fait triompher de la souffrance et des embûches ; il a rempli de son propre sang le calice dont il avait la garde, vrai diacre en cela, serviteur de l'autel de Dieu, fils de l'Eglise, servante elle aussi du Seigneur ; et maintenant que ses liens sont brisés, il inaugure son service éternel dans l'assemblée des Saints, au milieu de toi, à Jérusalem. PSAUME CXV.J'ai cru : c'est pourquoi
j'ai parlé, malgré l'excès d'humiliation où j'étais réduit. J'ai dit dans mon trouble :
Il n'est point d'homme qui ne soit trompeur. Que rendrai-je au Seigneur
pour tous les biens qu'il a répandus sur moi ? Je prendrai le calice du
salut, et j'invoquerai le Nom du Seigneur. En présence de son peuple,
j'acquitterai mes vœux au Seigneur : aux yeux du Seigneur, la mort de ses
saints est précieuse. O Seigneur! je suis votre
serviteur ; oui, je le suis, et le fils de votre servante. Vous avez brisé mes liens; je
vous offrirai un sacrifice de louange, et j'invoquerai le Nom du Seigneur. J'acquitterai mes vœux au
Seigneur, en présence de tout son peuple, dans les parvis de la maison du
Seigneur, au milieu de toi, ô Jérusalem! 401 Après l'Hymne suit le Verset, puis l'Antienne de Magnificat. V/. Laurent le lévite bien a agi. R/. Il a rendu la lumière aux
aveugles par le signe de la croix. ANTIENNE de Magnificat.Pendant que le bienheureux Laurent étendu sur le gril était brûlé, ildit au tyran très impie : « C'est cuit maintenant, tourne, et mange, car, pour les biens de l'Eglise, que tu demandes, les mains des pauvres les ont transportés dans le trésor du ciel. » On fait, après l'Oraison de la fête, mémoire de deux saints Martyrs dont le passage est annoncé au Cycle pour demain. MEMOIRE DES SS. TIBURCE ET SUSANNE.Ant. Le royaume des cieux est
à eux ; car ils ont méprisé la vie de ce monde; ils ont atteint la récompense
du royaume, et ils ont lavé leurs robes dans le sang de l'Agneau. V/. Justes, réjouissez-vous
dans le Seigneur, et tressaillez d'allégresse. R/. Et glorifiez-vous, vous
tous qui avez le cœur droit. ORAISON.Puissent vos saints Martyrs
Tiburce et Susanne nous favoriser de leur continuel appui, Seigneur, parce que
vous ne cessez point de regarder d'un œil favorable ceux auxquels vous accordez
l'aide de tels secours. Par Jésus-Christ. Les Grecs font écho, dans leurs Menées, aux hommages qui s'élèvent de l'Occident vers le triomphateur de ce jour. MENSIS AUGUSTI DIE X
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