Sur les Maladies

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SUR LES MALADIES

 

Les maux de tête et de cœur, dit un jour le docteur Luther , sont les plus douloureux. Les maux de dents et d'oreilles sont également bien durs à supporter; j'aimerais mieux avoir la peste et le mal français. Quand j'étais à Cobourg en 1530 , je ressentais dans les oreilles un bourdonnement tel qu'il me semblait

 

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qu'il en sortait un vent impétueux, et parfois qu'il y coulait comme un grand torrent d'eau. 

 

Lorsque les petits enfants crient, beaucoup , ils grandissent et se développent.

 

Ah! le diable est si puissant que toutes les maladies et tous les fléaux proviennent de lui. L'Evangile parle de cette pauvre femme que Satan avait liée et qui allait toute courbée et qui, depuis douze ans qu'elle était atteinte d'un flux de sang, avait dépensé tout son avoir avec les médecins. Saint Pierre dit, dans les histoires des apôtres, que tous les malades sont liés par le diable, et si les bons anges ne nous protégeaient, tout tomberait dans un bouleversement général, et il n'y aurait plus ni religion ni gouvernement.

 

Autant nous avons de membres dans le corps, autant est-il de maladies auxquelles nous sommes exposés.

 

On apprit au docteur Luther la maladie d'un homme puissant, et il dit : «C'est le fruit de la tristesse; lorsque le cœur s'afflige, le corps s'affaiblit. Les maladies du cœur, telles que la tristesse et la tentation, sont les véritables maladies. Je suis un véritable Lazare ; la maladie; m'a bien éprouvé. »

 

Le docteur Luther dit qu'étant tombé malade à Smalcade, quatre médecins furent autour de lui, ce qui le vexa fort, car il n'y avait homme au monde qui eut autant de répugnance pour les remèdes que lui. Il y avait trois jours qu'il était malade, et les médecins avaient enjoint qu'il mangeât fort peu. La maîtresse du logis vint le voir et lui demanda ce qu'il avait envie de

 

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manger, lui promettant de le lui apporter. Il répondit qu'il prendrait avec plaisir des pois crus et des harengs grillés; elle lui en servit, et il dormit fort bien là-dessus.

 

Le docteur Luther raconta le trait d'un gentilhomme qui était malade et qui ne pouvait ni boire, ni manger, ni dormir. Il lui prit envie de demander d’un vin rouge qu’il goûtait fort. On lui remplit un verre qu'il but ; il le fit remplir encore, et il dit ; «Toutes bonnes choses doivent être au nombre de trois », et il but un troisième verre. Il s'endormit ensuite. Le médecin lui avait défendu de boire du vin, et lorsqu'il vint le lendemain et qu'il eut examiné l'urine du malade, il dit « : Si vous continuez de suivre mes ordonnances avec la même exactitude, vous serez bientôt entièrement remis. »

 

Quelqu'un se plaignait un jour au docteur Luther d'avoir la gale et de ne pouvoir, ni le jour ni la nuit, trouver un moment de repos et de contentement. Le docteur lui répondit : « Si je pouvais conclure un échange avec vous, vous céder mes tournements de tête et mes vertiges et prendre votre gale, je vous donnerais dix florins de retour. Vous ne savez pas ce que c'est que d'avoir ces vertiges de cerveau. Je ne puis écrire une lettre suis être forcé de m'interrompre ; je ne peux lire deux ou trois lignes dans le Psautier, penser avec application à quelque chose, fixer ma vue sur un objet, sans ressentir de grands bourdonnements dans les oreilles, et je suis contraint de me laisser tomber sur un siège. Mais la gale est une chose utile, car elle purifie le corps, quoiqu'elle soit fort incommode, et le traitement qu'elle exige nous fait beaucoup suer, beaucoup aller à la selle , ce qui expulse toutes les humeurs corrompues ; aussi ne serais-je pas fâché d'avoir la gale, afin que mon corps se trouvât plus sain. »

 

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Le docteur Luther, souffrant de la pierre et d'un rhumatisme aux genoux, dit : «Satan me poursuit et me tourmente en m'infligeant non une seule maladie, mais plusieurs; il m'en veut beaucoup. Mais gloire soit rendue; à Dieu qui nous a délivres de la puissance du diable et qui nous a appelés parmi ses enfants! Nous étions jadis sous le joug du diable; Jésus-Christ nous en a affranchis. »

 

Le 19 novembre 1538, le soleil et la lune se trouvèrent en grande conjonction, l'air devint très-humide et s'infecta de sorte qu'il s'ensuivit de grandes maladies, au point qu'à Magdebourg 350 personnes périrent dans une semaine. El le docteur Luther dit : « Je reconnais là la main de Dieu qui nous flagelle. C'est ainsi que saint Paul a dit : « Si je viens encore une fois, je n'épargnerai personne. «Les péchés qui se multiplient tellement autour de nous et notre ingratitude ont dû en effet exciter au plus haut degré le courroux du Seigneur. »

 

Les enfants étant malades de la variole et la fille d'Antoine Lauterbach étant au lit et en danger, le docteur Luther dit : « Qu'il y a de sanie et d'immondice dans le corps humain! Ah ! que ce sera beau dans la vie éternelle, lorsque nos corps seront délivrés de toute infirmité! Le landgrave était jadis d'une grande beauté ; les traces de la variole l'ont tout à fait défiguré. Il faut faire grande attention à cette maladie ; elle arrive par la faille des parents, lorsqu'ils n'ont pas égard à l'époque et à l'état de leur saute lorsqu'ils se rapprochent; car le père et la mère doivent jouir d'une complète santé corporelle. »

 

Le docteur Luther souffrant de la pierre, dit : « La pierre est une maladie propre aux Allemands, comme la goutte aux Anglais. Oh ! que de maux divers sévissent contre notre pauvre corps! Le spasme parait un mal fort léger; je le regarde comme

 

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une sorte d'épilepsie, surtout lorsque son siège est dans le cerveau. Lorsqu'il est dans les pieds , la course et le mouvement l'expulsent. La lièvre en Allemagne est un remède ; car les Allemands se tueraient parleur intempérance, si la lièvre ne survenait; elle les purge et les rend plus tempérants. L'éternuement est un très-bon effet résultant d'une cause fâcheuse , de l'obstruction de la tête. »

 

Le docteur Luther souffrant de la dyssenterie et ressentant aussi les douleurs de la pierre, dit : « Ah ! bon Dieu ! quel bonheur que d'avoir un corps sain et robuste, qui puisse manger, boire, dormir et rendre l'urine ! Que nous sommes ingrats quand nous sommes en possession de ces biens! aussi Dieu a-t-il frappe de diverses maladies notre chair pécheresse. » Et il dit une autre fois :« Dans une durée de mille ans, Dieu n'a donné à aucun évêque autant de biens qu'à moi ; il est permis de se glorifier des dons de Dieu. J'ai de la colère contre moi-même, parce que je ne puis me réjouir de toute mon âme et rendre grâce à Dieu. Soit que nous vivions, soit que nous mourions, nous sommes à Dieu, au génitif singulier et au nominatif pluriel. »

 

Il n'y a pas de meilleur remède contre le vertige qu'une petite rôtie prise le matin. Le beurre est une chose très-saine, et je crois vraiment que si les Saxons sont une race d'hommes si robustes, c'est qu'ils font grand usage de beurre, Mais nous dédaignons des remèdes aussi à notre portée que le beurre, que l'eau de cerfeuil, et nous ne voulons recourir qu'à des substances mystérieuses .— Le docteur Jonas dit alors : « Du cumin noir macéré durant deux nuits dans du vin est un excellent remède, contre le vertige , et la corne de cerf mêlée dans du vin chaud apaise les plus grands maux de tête. » — Le docteur Gaspard Lend répondit : « La corne de cerf le cède à celle de la licorne, qui est un excellent préservatif contre les poisons; il y a cependant des personnes qui nient l'existence de ce dernier animal. »

 

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Le crapaud est doué de propriétés que l'expérience a démontrées. Si l'on perce trois crapauds et qu'on les laisse sécher au soleil, qu'on les applique ensuite sur une tumeur pestilentielle, ils attirent à eux tout le venin, et le malade sera guéri (1) ; car ils ont la vertu de faire sortir le venin. Lorsque j'étais malade à Sinalcade, les médecins me faisaient prendre autant de remèdes que si j'eusse été un gros taureau. Malheureux l'homme qui dépend de l'assistance des médecins! Je ne nie pas que la médecine ne soit un don de Dieu, et je ne rejette pas la science des médecins; mais où sont ceux qui sont parfaits? Un bon régime produit d'excellents effets. Lorsque je me sens incommodé, si j'observe la diète et si je vais me couchera l'heure de none, je puis reposer paisiblement et je me sens bien portant; mais si je perds la tranquillité, alors ma vie est menacée d'être abrégée.

 

Le 25 juillet 1510, le docteur Luther étant malade, les médecins lui conseillaient de ne pas prendre un bain, et il dit : « Je trouve juste et convenable que les médecins agissent selon leurs théories, mais ils ne doivent pas rendre les hommes captifs de leurs ordonnances. Avicenne et Galion, vivant à d'autres époques

 

1 L'antiquité et le moyen âge ont emprunté aux crapauds toutes sortes de remèdes; tel chapitre de Pline seul en indique une trentaine, et quelques-uns sont tellement singuliers, qu'il faillirait avoir recours à la langue latine pour les énoncer. Bornons-nous à dire que le crapaud servait à la fois à celui qui voulait rendre sa femme fidèle et à celui qui voulait se faire aimer de la femme de son voisin. Le duc Frédéric de Saxe avait mis en crédit, pour arrêter le saignement de nez, le procédé de serrer avec force un crapaud entre ses doigts. Il y a soixante-dix ans, l'application d'un crapaud guérissait beaucoup de cancers au sein ; les journaux de 1775 l'attestent: aujourd'hui l'on n oserait parler d'un pareil remède. Avaler un crapaud tout vif est un moyen héroïque préconisé, en certains cas, parmi le peuple, et de nos jours l'on a vu plus d'un malade mourir des suites d'un semblable remède. Tout le monde sait d'ailleurs quel rôle important joue le crapaud en sorcellerie ; il a souvent prêté sa laide figure au diable lorsque celui-ci, pour raisons à lui connues, voulut cacher son pied fourchu, ses cornes et sa queue. Voir d'ailleurs sur l'histoire légendaire du crapaud un curieux article du docteur Roulin dans la Revue des Deux-Mondes. octobre 1835.

 

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et dans d'autres pays, ont imposé à d'autres hommes des règles différentes ; je ne jurerai point par elles. D'autre part, il n'est rien de funeste comme ces médecins ignares qui laissent faire aux malades tout ce qu'il leur plaît; ce sont ceux-là qui peuplent les cimetières. C'est un grand don de Dieu que de rencontrer un médecin instruit et prudent. Ils sont les ministres de la nature, et la vie humaine leur est confiée ; mais elle est exposée à une foule de périls divers, et un moment de négligence peut tout perdre. Je crois que le meilleur médecin est celui qu'animent l'humilité et la crainte de Dieu; ceux qui agissent sans la crainte de Dieu sont des homicides. »

 

Le sommeil est une opération de la nature très-utile et très-nécessaire à la santé. Je regarde comme une contrariété des plus vives d'être réveillé lorsque l'on est plongé dans le sommeil. Hippolyte écrivit d'Italie que, lorsque l'on veut donner la question a des malfaiteurs, on les prive de tout sommeil; c'est une torture qu'ils ne peuvent endurer longtemps.

 

C'est une grande audace de la part des médecins et un grand privilège qu'ils ont de tuer les hommes par des remèdes mal entendus, et en se faisant payer. Lorsqu'une maladie nous menace, je crois que le mouvement et le changement d'air font plus de bien que toutes les saignées et purgations. Personne ne doit user de remèdes sans demander cependant le conseil d'un médecin. Voyez ce qui est arrivé à Pierre Lupinus, qui mourut pour avoir bu de l'huile destinée à un usage extérieur. Il y eut une fois un grand procès par suite d'une dose d’appium donnée par mégarde au lieu d'opium.

 

Le docteur Luther souffrant extrêmement d'un rhumatisme, au point qu'il avait grande peine à marcher, même en s'appuyant sur un bâton, dit : « O mon Dieu ! est-ce que je n'ai pas assez

 

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vécu ? puisque tu en agis ainsi avec moi, permets-moi de l'adresser la mémo prière que le prophète Jonas: «Maintenant, ô Eternel, ôte-moi, je te prie, mon âme, car la mort m'est meilleure que la vie. »

 

A Cobourg, j'allai et je cherchai une place pour ma sépulture; j'avais l'intention d'être enseveli dans le choeur, sous la croix; mais j'ai maintenant une autre résolution. Je sais que je n'ai pas longtemps à vivre, car ma tête est comme un couteau dont l'acier est entièrement usé et se trouve réduit à n'être que du fer ; ce fer est émoussé et ne coupe plus; il en est de même de ma tête. J'espère que mon heure n'est pas éloignée. Dieu m'assiste et me console en ce dernier moment ! je désire ne pas vivre davantage.

 

Le docteur Luther admirait la fragilité du corps humain et Comment Dieu a formé cette chair d'où il sort tant de fiente, de sueur et de puanteur; si l'âme n'avait pas été douée de bien plus d'excellence et de beauté, c'aurait été une bien misérable créature que l'homme. Aussi les Grecs appelaient le corps soma, Ce qui revient à sema, c'est-à-dire sépulcre.

 

Le 20 juillet 1530, le docteur Luther souffrant d'un ténesme, , dit : « Je ne peux refuser à mon derrière l'autorité qu'il possède (1), car Dieu exercé ses punitions sur nous, même dans cette partie du corps. On voit au chap. V du livre de Samuel, que les Philistins, s'étant emparés de l'arche du Seigneur, furent rudement châtiés par une maladie à leurs parties honteuses. Ils furent

 

1 Ce paragraphe, dans l’édition latine de Francfort, 1571, est intitulé en marge: Culi regimen. De sa retraite de la Wartbourg, Luther écrivait un jour à Mélanchton : Dominus percussit me in posteriore gravi dolore; tam dura sunt excrementa ut multa vi atque ad sudorem extrudere cogar ; et quo diutius differo, magis durescunt ; heri, quarto die, excrevi semel.

 

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donc forcés de faire offrande à Dieu de cinq ligures de fondements en or et de cinq souris en or pour expier leurs péchés. Dieu est puissant en toutes les créatures, il mortifie et il vivifie. »

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