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DU JUGEMENT DERNIER ET DE L'AUTRE VIE.

 

Le docteur Luther dit : « O mon Dieu! ne diffère pas la venue; j'attends le jour où renaîtra le printemps, lorsque le jour et la nuit sont d'égale longueur et qu'il y aura une très-belle aurore. Mais voici quelles sont mes pensées, et je veux prêcher à ce sujet. Bien peu de temps après l'aurore, viendra un nuage noir et épais, et trois éclairs se feront voir, et un coup de tonnerre se fera entendre, et le ciel et la terre tomberont dans la plus 

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grande confusion. Loué soit Dieu qui nous a appris que nous devions soupirer après ce jour et l'attendre avec impatience! Pendant la papauté, le monde entier n'y pensait qu'avec effroi, comme le témoignait l'hymne que l'on chantait à l'Église : Dies irœ, dies illa. J'espère que ce jour n'est pas éloigne, et que nous le verrons de notre vivant. » 

Quelqu'un demanda au docteur Luther : « Seigneur docteur, est-ce que l'Évangile n'a pas déterminé la venue du dernier jour, car Jésus-Christ a dit qu'il trouverait à peine de la foi sur la terre?» — Oui », répliqua le docteur Martin, «cela veut dire que l'Évangile se sera caché dans quelques coins. L'Evangile est inconnu en Asie et en Afrique; il n'est point annoncé en Grèce, en Italie, ni en Hongrie, en Espagne, en France, en Angleterre, en Pologne. Le pays de Saxe, cette portion si petite du monde, n'empêchera pas l'avènement du dernier jour. » 

Un autre jour, le docteur Martin dit beaucoup de choses concernant le jugement dernier et la lin du monde, car, depuis six mois, il avait été tourmenté de rêves affreux et épouvantables au sujet du dernier jour. « Il est possible, dit-il, qu'il ne soit pas éloigné, et l'Écriture est là pour nous le faire croire. Ce qui reste de temps au monde, si on le compare aux temps qui se sont déjà écoulés, n'est pas plus large que la main; c'est une petite pomme, la seule qui tienne encore faiblement à l'arbre et qui est près de tomber. Les empires entre lesquels Daniel a vu le inonde partagé, les Babyloniens, les Perses, les Grecs, les Romains, n'existent plus. Le pape a conservé quelques restes de l'empire romain, c'est le dernier sceau de l'Apocalypse; il va se briser. Il survient au ciel beaucoup de signes que l'on y voit fort bien et qui annoncent que la lin du inonde n'est pas éloignée. Sur la terre, on s'occupe avec ardeur de planter, de bâtir, d'accumuler des trésors; tous les arts se développent, comme si le monde voulait

 

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se rajeunir et recommencer à fleurir. J'espère que Dieu mettra fin à tout ceci. » Alors maître Léonard dit : « Les mathématiciens et les astrologues prétendent que, pour la quarantième année (c'est-à-dire, pour l'an 1540), les conjonctions des planètes annoncent des grands événements. » — « Oui, répondit maitre Martin, cela peut durer quelques années, mais nos descendants verront l'accomplissement des Écritures, et peut-être sera-ce nous qui en serons témoins. » 

En 1536, le docteur Martin dit : « Les prédictions de l'Apocalypse se sont accomplies jusqu'à celles qu'annonce le cheval blanc (1). Le monde ne durera pas longtemps ; peut-être encore, si Dieu le permet, une centaine d'années.  

Lorsque les Turcs commenceront à déchoir, alors la fin du monde sera proche, car les paroles de l'Écriture doivent se vérifier. Il y a déjà de grandes agitations parmi les hommes. Jamais les hommes de loi n'ont eu autant d'occupation qu'à présent. Il existe de vives dissensions dans nos familles, même parmi nos fils et nos filles, et l'Église est en proie à la discorde. 

C'est au temps de Pâques, au printemps, lorsque l'on a le moins de crainte de la pluie, que Pharaon a été englouti dansa mer Rouge et que le peuple d'Israël a été délivré de l'Egypte. C'est vers la même époque que le monde a été créé; c'est alors que l'année recommence et que Jésus-Christ est ressuscité pour renouveler le monde. Ce sera peut-être vers la même époque qu'arrivent le jugement dernier. J'ai l'idée qu'il viendra vers le temps de Pâques, lors du moment le plus agréable et le plus 

1 «Et je regardai, et voici un cheval blanc ; et celui qui était monté dessus avait un arc, et une couronne lui fut donnée, et il sortit victorieux. » (Apocalypse, ch. VI, v. 2.)

 

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attrayant de l'année, et qu'il surviendra de bonne heure, au lever du soleil, comme lors de la destruction de Sodome et de Gomorrhe. 

Le 28 septembre 1532, maître Stifel Locha vint à Wittemberg afin d'avoir, au sujet de ses opinions sur le jugement dernier, une conférence avec le docteur Luther; mais l'électeur avait enjoint de garder le silence à ce sujet, et Stifel en fut extrêmement contrarié, et il dit au docteur Luther : « Je m'étonne que vous ne vouliez pas me laisser parler devant le peuple ; il est certain que ce que j'ai à dire, je suis forcé de le dire, même contre ma propre volonté. » Le docteur répondit : « Maître, vous avez eu la force de souffrir sous les papistes; souffrez donc encore jusqu'à ce que quatre semaines se passent »; et il ajouta qu'un meunier de village lui avait déjà prédit que le jugement dernier devait arriver le 27 septembre, c'est-à-dire la veille du jour actuel. — Stifel répliqua : « Lorsque j'étais en route , j'ai vu de grand malin, du côté de l'Orient, un superbe arc-en-ciel, et j'ai pensé que ce pouvait être un signe de l'avènement de Jésus-Christ. » — Le docteur Luther répondit : « Ce n'est pas seulement l'arc-en-ciel qui se montrera alors ; toutes les créatures » seront consumées par la foudre et le feu. Le son terrible de la trompette appellera tous les morts à la résurrection ; plût à Dieu que nous entendissions bientôt cet appel ! » — Le docteur Luther dit un autre jour : «Stifel a prétendu fixer l'époque de la fin du monde; il calculait qu'elle tombait quarante-deux semaines à partir du mois de décembre 1532, et il avait trouvé qu'elle arriverait le jour de la fête de saint Michel. La veille il me dit : « Nous avons bien peu de temps à vivre ; le moment approche ; je distribuerais volontiers mes biens, mais je crains qu'il ne se rencontrât personne qui en voulût ; demain soir nous serons assis dans le ciel. » Stifel prétendait que le monde n'avait que 1500 ans à durer depuis l'ascension de Jésus-Christ (1). Il est à

 

1 On composerait une bibliothèque nombreuse en réunissant les écrits dont les auteurs, émules de Stifel, ont tenté de déterminer l'époque de la fin du monde. Les Anglais ont pris une part active à ces recherches hasardeuses. En 1740, Hengel établissait que la destruction de la bée de l'Apocalypse tombait au 18 juin i836 ; en 1766, Barton prétendait démontrer, à grand renfort de calculs très-abstraits que les gentils se convertiraient en l'an 2436. Clayton, évêque de Clogher, en Irlande, fixait à l'an 2000 ou à peu près, l'extinction de la papauté; et, plus récemment, un ministre écossais, Culberston, dans ses Lectures upon the Propheties of John (Edinburg, 1812, 2 vol. 8°), voulait établir que la bataille d'Armageddon, commencée en 1815,se ici minerait en 1821 par l'anéantissement complet de l'Eglise romaine. Pour d'autres opinions tout aussi fondées, mais plus anciennes, voir un curieux article de M. Louandre dans la Revue de Paris (nouvelle série, t. XII, 1812). Un mot en passant au sujet du mathématicien écossais 8raig, qui s'avisa, à la lin du dix-septième siècle, d’appliquer les calculs de l'algèbre à la théologie, en recherchant quel devait être l'affaiblissement des preuves historiques suivant l'intervalle des temps et la distance des lieux. Ses formules l'amenèrent à découvrir que la force des témoignages sur lesquels s'appuie le christianisme ne peut subsister que quatorze cent cinquante-quatre ans, à partir de 1699. Il en conclut qu'il y aura, vers l'an 3155, un second avènement de Jésus-Christ ou une seconde révélation pour rétablir la vérité dans toute sa force. Ces assertions étranges donnèrent lieu à une vive controverse; Dilton, Houleville et autres docteurs réfutèrent en forme les écrits de Craig.

 

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regretter qu'un homme pieux et savant comme lui soit tombe dans la persuasion qu'il était le septième ange et qu'il devait faire résonner la trompette annonçant le dernier jour ; il distribua tous ses livres et tout son mobilier, comme ne pouvant plus lui être utiles.— Alors je dis (1) : « Un des signes du dernier jour, c'est le grand mépris dans lequel sera précédemment tombée la parole de Dieu. » Le docteur Luther répondit : « Les papistes ont avancé là-dessus des erreurs que nous méprisons. Dieu n'a pas voulu révéler sa volonté, afin que nous persistions dans la prière et dans la crainte. » 

On demanda au docteur Luther si dans l'autre vie et dans le royaume des cieux il y aurait des chiens et d'autres animaux. Il répondit : « Sans doute ; la terre ne sera pas nue , aride et désolée après le jugement dernier, car saint Pierre a dit que nous attendons une nouvelle terre où la justice habile. Dieu, qui créera une nouvelle terre et de nouveaux cieux, y mettra 

1 C’est Lauterbach qui parle. 

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de petits chiens dont la peau sera d'or et dont les poils seront de pierres précieuses. Il n'y aura plus d'animaux carnassiers , ni de bêtes venimeuses comme les serpents, les crapauds, qui sont devenus malfaisants et nuisibles à cause des péchés de la terre. Ces bêtes non-seulement cesseront de nous être nuisibles , mais elles deviendront aimables, jolies et caressantes, afin que nous puissions jouer avec elles. » 

Lorsque je me suspendis au sein de ma mère et que je commençais à téter, je ne me doutais certes pas de ce que je pourrais faire ou manger plus tard , ni de ce que serait ma vie. De même nous n'avons nulle idée de ce qui nous attend dans la vie future. dieu pourrait nous dire : « Ce que vous serez diffère bien de ce que vous êtes ; vous êtes encore in utero; vous êtes des fœtus ; vous n'êtes pas encore nés. » 

Nous aurons, sous l'empire de Jésus-Christ, un nouveau ciel et une nouvelle terre ; le feuillage des arbres et l'herbe des champs offriront alors tout l'éclat et la beauté d'une émeraude ; toutes les créatures seront d'une beauté admirable. Maintenant le corps est assujetti à la volonté dont il accomplit les ordres , qu'ils soient bons ou mauvais ; alors l'esprit et le corps agiront de concert, et le corps exécutera à l'instant les désirs de l'esprit. Nous aurons les mêmes membres que nous possédons aujourd'hui, mais sous une nouvelle forme bien plus parfaite. les yeux auront l'éclat de l'argent le plus pur, et nous serons délivrés de toute maladie et de toute tribulation. 

Ce sera une grande joie et un grand bonheur lorsque, dans l'autre vie, nous serons délivrés de tout ce qui nous assujettit ici-bas à la servitude du corps, au boire, au manger, au 

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sommeil, etc. Si nous avons ici tant de plaisir à contempler les œuvres de Dieu, le soleil, les étoiles, etc. , que sera-ce lorsque nous verrons le Seigneur face à face ! Quelle ineffable satisfaction sera-ce aussi de revoir, au nombre des justes, ses parents et ses amis (1) ! » 

Maître Vitus questionna le docteur Luther au sujet du grincement de dents des damnés. Le docteur répondit que c'était quelque peine extérieure qui devait suivre la mauvaise conscience, c'est-à-dire, le désespoir, lorsque les hommes se voient abandon nés de Dieu. Des consciences bourrelées de remords s'effrayent de tout; la chute d'une feuille n'a jamais tué personne, cependant elle suffirait pour faire fuir un cœur dont le désespoir aurait pris possession.— Le docteur Luther ajouta: «Je voudrais que Zwingle fût sauvé, mais je crains qu'il n'en ait été autrement ; car Jésus-Christ nous a dit que ceux qui le renient seront condamnés. Les impies seront donc réprouves. »

1 La question que soulève ici Luther a été l'objet de deux dissertations spéciales, l'une de G. Less, Num beati parentes suos liberos, conjuges, etc.,quibuscum in terris vixerunt, in ista vita denuo sint agnituri? ( Gotting., 1772, 4°); l'autre de C. G. Hoffmann, An in vita œterna anima: beatorum corpore separatœ, sint se invicem visurœ atque nosciturœ?  (Vitteb., 1772, 4°). Un autre Allemand a publié sous le titre de « Nous nous reverrons» un livre qui fit sensation, et, tout récemment, un savant ministre anglican a mis au jour une dissertation curieuse, On the sex in the world to come ; les sexes seront-ils distingués dans la vie future ?

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