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Sinon que chacun garde sa place, car tous,
le serf autant que l'homme
libre, nous ne sommes qu'un dans le Christ, nous portons également notre fardeau sous les
enseignes d'un chef unique, et, auprès de Dieu, il n'y a pas acception de personnes. Les
seules préférences qu'il nous marque, sont en effet à la mesure des bonnes uvres
et de l'humilité qu'il trouve en nous. L'abbé aura donc pour tous une égale affection,
une même ligne de conduite à l'égard de tous, en tenant compte du mérite de chacun.
Dans le gouvernement des âmes, l'abbé doit toujours se conformer à
la norme établie par l'Apôtre : "Adresse tour à tour les remontrances. les
exhortations, les reproches." En d'autres termes, variant les procédés selon la
diversité des circonstances, qu'il mêle les caresses aux menaces, qu'il sache allier la
sévérité du maître à la tendre indulgence d'un père : il réprimandera sans
ménagements les esprits impatients du joug et mal affermis dans la régularité ;
l'exhortation au progrès dans la vertu, il la réserve à ceux qui sont toute
obéissance, modestie et patience quant à ceux qui versent dans le laisser-aller et
le mépris du devoir, ils méritent reproches et châtiments. Telle est notre
recommandation. Et qu'il ne ferme pas les yeux sur les fautes qu'ils commettront
dès qu'elles commencent à poindre, il usera d'autorité pour les retrancher jusqu'à la
racine, se souvenant du danger dans lequel tomba Héli, le prêtre de Silo. Alors qu'une
ou deux admonitions verbales suffisent pour redresser les natures délicates et
capables d'intelligence, ceux qui sont au contraire mauvais, durs de cur,
orgueilleux ou désobéissants, il faut leur infliger le châtiment des verges ou d'autres
peines corporelles, et dès le principe du mal exercer la répression. On sait qu'il est
écrit : "L'insensé ne se corrige pas avec des paroles ", et ailleurs:
"Frappe de verges ton fils et tu l'empêcheras d'aller à sa perte."
L'abbé doit avoir toujours conscience de sa mission,
se rappeler sans cesse le nom qu'on lui donne, ne jamais oublier qu'à celui auquel on a
confié davantage, on redemande davantage. Qu'il sache combien difficile et ardue est la
tâche qu'il a entreprise de conduire des âmes et de se plier des tempéraments fort
divers. Pour gagner l'un par des caresses, l'autre par des réprimandes, un troisième par
la persuasion, il lui faut proportionner et adapter son action au caractère et au
degré d'intelligence de chacun. Tel est le moyen pour lui de ne subir aucun détriment
dans le bercail placé sous sa garde, et même de se réjouir de l'accroissement et du
parfait état de son troupeau.
Avant tout, qu'il ne se
dissimule pas le prix des âmes à lui commises, et qu'il n'accorde pas moins de
sollicitude à leur salut qu'à l'administration des biens transitoires, terrestres et
caducs : ce sont des âmes qu'il s'est chargé de conduire, - qu'il y songe sans
cesse, des âmes dont il aura à rendre compte. Et qu'il n'allègue pas la modicité
des ressources : qu'il se répète plutôt la parole de l'Ecriture : "Cherchez
d'abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par
surcroît", et encore : "Rien ne manque â ceux qui Le craignent."
Qu'il soit donc persuadé qu'en assumant la
conduite des âmes, il s'engage à répondre d'elles. Une chose certaine, c'est que le
nombre même des frères rangés sous sa tutelle, est celui des âmes dont il sera
justiciable sans exception au jour du jugement, en plus, cela va de soi, de ce qui regarde
sa vie personnelle. Ainsi, la crainte constante de l'examen qu'un pasteur doit subir au
sujet des brebis à lui confiées, le rendra non moins attentif à ses propres comptes que
soucieux de répondre pour ceux d'autrui ; et dans la mesure où ses instructions procurent l'amendement du prochain,
elles le disposent, lui aussi, à la correction de ses défauts. |
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