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Il faut, en effet, que l'abbé fasse preuve d'une sollicitude
extrême, qu'il mette en uvre tout son savoir-faire, toute sa diligence, pour
éviter qu'aucune des ouailles à lui confiées ne se perde. Il ne peut oublier que son
rôle est de guérir les infirmes, non d'exercer sa domination sur un troupeau robuste. Et
c'est pour lui inspirer une juste crainte, que Dieu lui adresse par le Prophète ces
paroles lourdes de menaces : "Ce qui était gras et de belle apparence, vous
l'accapariez, et vous rejetiez ce qui était chétif". Qu'il suive plutôt l'exemple
émouvant du Bon Pasteur : abandonnant dans les hauts pâturages les quatre-vingt-dix-neuf
brebis, il s'en fut à la recherche de l'unique égarée, et eut si grande compassion de
sa faiblesse qu'il daigna la charger sur ses épaules sacrées et la reporter ainsi au
bercail.
CHAPITRE XXVIII
DE CEUX QUI, EN DEPIT
DE CORRECTIONS MULTIPLIEES,
REFUSENT DE S'AMENDER
Si un frère, souvent repris pour quelque
faute et même frappé d'excommunication refuse de s'amender, on lui infligera une
correction plus sévère, et on en veillera à lui appliquer le châtiment du fouet. Il se
peut qu'il ne se rende pas encore, ou même, hélas ! qu'emporté par l'orgueil, il tente
de justifier sa conduite. Alors, l'abbé agira une fois de plus en sage médecin : après
les fomentations calmantes, le baume des exhortations, les médicaments des divines
Ecritures, après un suprême recours au cautère de l'excommunication, et la
scarification des verges. Si pour finir il constate que toute son industrie ne prévaut
nullement sur le mal, qu'il emploie un dernier remède, plus efficace que tout autre, son
intercession personnelle et celle de tous les frères, afin que le Seigneur, à qui tout
est possible, rende la santé à ce frère malade. Si cependant cette dernière tentative
n'amène pas la guérison, alors, mais alors seulement, l'abbé se servira du fer
tranchant et l'expulsera, comme dit l'Apôtre : "Chassez ce pervers du milieu
de vous ; " ou encore :
" Si l'infidèle veut s'en aller, qu'il parte, " de peur qu'une brebis infectée
ne contamine, à elle seule, le troupeau tout entier. |
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