LAURENT JUSTINIEN

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LE V SEPTEMBRE. SAINT LAURENT JUSTINIEN, ÉVÊQUE ET CONFESSEUR.

 

VENEZ, vous tous que sollicite l'attrait du bien immuable, et qui vainement le demandez à ce siècle qui passe; je vous dirai ce que le ciel a fait pour moi. Comme vous jadis je cherchais fiévreusement ; et ce monde extérieur ne donnait point satisfaction à mon désir brûlant. Mais, par la divine grâce qui nourrissait mon angoisse, enfin m'est apparue, plus belle que le soleil, plus suave que le baume, Celle dont alors le nom m'était ignoré. Venant à moi, combien son visage, était doux ! combien pacifiante était sa voix, me disant : « O toi dont la jeunesse est toute pleine de l'amour que je t'inspire, pourquoi répandre ainsi ton cœur ? La paix que tu cherches par tant de sentiers divers est avec moi; ton désir sera comblé, je t'en donne ma foi : si, cependant, tu veux de moi pour épouse. » J'avoue qu'à ces mots défaillit mon cœur ; mon âme fut transpercée du trait de son amour. Comme toutefois je désirais savoir son nom, sa dignité, son origine, die me dit qu'elle se nommait la Sagesse de Dieu, laquelle, invisible d'abord au sein du Père, avait pris d'une Mère une nature visible pour être plus facilement aimée. Alors, en grande allégresse, je lui donnai consentement; et elle, me donnant le baiser, se retira joyeuse.

 

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« Depuis, la flamme de son amour a été croissant, absorbant mes pensées. Ses délices durent toujours; c'est mon épouse bien-aimée, mon inséparable compagne. Par elle, la paix que je cherchais fait maintenant ma joie. Aussi, écoutez-moi, vous tous : allez à elle de même; car elle met son bonheur à ne rebuter personne (1). »

 

1. Laurent. Justinian. Fasciculus amoris, cap. XVI.

 

Lisons l'histoire de celui qui vient de nous livrer dans ces lignes le secret du ressort de sa vie.

 

Laurent naquit à Venise de l'illustre famille des Justiniani. Il montra dès l'enfance une gravité rare. Son adolescence se passait dans les exercices de la piété, lorsque, invité par In Sagesse divine aux noces très pures du Verbe et de l'âme, il conçut la pensée d'embrasser l'état religieux. C'est pourquoi, préludant secrètement à cette milice nouvelle, il affligeait son corps en différentes manières et couchait sur la planche nue. Puis, comme un arbitre appelé à prononcer, il prenait séance entre, d'une part, les austérités du cloître, de l'autre, les douceurs du siècle et le mariage que lui préparait sa mère ; alors, tournant les yeux vers la croix du Christ souffrant : «C'est vous,disait-il, Seigneur, qui êtes mon espérance ; c'est là que vous avez placé pour moi votre asile très sûr. »  Ce fut vers la  congrégation  des chanoines  de  Saint-Georges in Alga que le porta sa ferveur. On l'y vit inventer de nouveaux tourments pour sévir plus durement contre lui-même, se déclarant une guerre d'ennemi  acharné, ne  se permettant aucun plaisir. Plus jamais il n'entra dans le  jardin de sa famille, ni  dans la maison paternelle, si ce n'est pour rendre les derniers devoirs à sa  mère  mourante, ce qu'il fit sans une larme. Non moindre était son zèle pour l'obéissance,  la  douceur, l'humilité  surtout : il allait au-devant des offices les plus abjects du monastère; il se plaisait à  mendier par les lieux les plus fréquentés de la ville, cherchant moins la nourriture que l'opprobre ; les injures, les calomnies  ne  pouvaient l'émouvoir ni lui l'aire rompre le silence. Son  grand secours était dans  la  prière  continuelle; souvent l'extase le ravissait en Dieu; telle était l'ardeur dont brûlait son âme, qu'elle embrasait ses compagnons, les prémunissant contre la défaillance, les affermissant dans la persévérance et  l'amour  de Jésus-Christ.

 

Elevé par Eugène IV à l'épiscopat de sa patrie, l'effort qu'il fit pour décliner  l'honneur ne fut  dépassé que par le mérite avec lequel il s'acquitta de la charge. Il ne changea en rien sa manière de vivre, gardant jusqu'à la fin pour la table, le lit, l'ameublement, la pauvreté qu'il avait toujours pratiquée. Il ne retenait à ses gages qu'un personnel réduit de familiers, disant qu'il avait une autre grande famille, par laquelle il entendait les pauvres du Christ. Quelle que fût l'heure, on le trouvait toujours abordable ; sa paternelle charité se donnait a tous, n'hésitant pas à s'endetter pour soulager la misère. Comme on lui demandait sur quelles ressources il comptait, ce faisant, il répondait : « Sur celles de mon Seigneur, qui pourra facilement payer pour moi. » Et toujours, par les secours les plus inattendus, la Providence divine justifiait sa confiance. Il bâtit plusieurs monastères de vierges, et forma diligemment leurs habitantes à marcher dans les voies de la vie parfaite. Son zèle s'employa à détourner les matrones vénitiennes des pompes du siècle et des vaines parures, comme à réformer la discipline ecclésiastique et les mœurs. Aussi fût-ce à bon droit que le même Eugène IV l'appela, en présence des cardinaux, la gloire et l'honneurde la pré-lature.  Ce  fut également pour reconnaître son mérite, que le successeur d'Eugène, Nicolas V, ayant transféré le titre patriarcal de Grado à Venise, l'institua premier patriarche de cette ville.

 

Honoré du don des larmes, il offrait tous les jours au Dieu tout-puissant l'hostie d'expiation. C'est en s'en acquittant une fois dans la nuit  de la Nativité du Seigneur, qu'il mérita  de voir sous l'aspect d'un très bel enfant le Christ Jésus. Efficace était sa garde autour du bercail à lui confié; un jour, on sut du ciel que l'intercession et les mérites du Pontife avaient sauvé la république. Eclairé de l'esprit de prophétie, il annonça d'avance plusieurs événements que  nul homme ne pouvait  prévoir. Maintes fois ses  prières mirent en fuite maladies  et démons. Bien qu'il n'eût presque point étudié la grammaire, il a laissé des livres remplis d'une céleste doctrine  et respirant l'amour.  Cependant la maladie qui devait l'enlever de  ce  monde venait de l'atteindre; ses gens lui préparaient un lit plus commode pour sa vieillesse et son infirmité ; mais lui, manifestant  sa  répulsion pour des délices trop peu en rapport avec  la dure croix de son  Seigneur mourant, voulut qu'on le déposât sur sa couche ordinaire. Sentant venue la fin de sa vie : « Je viens à vous, ô bon Jésus ! » dit-il, les yeux levés au ciel. Ce fut le huit janvier qu'il s'endormit dans le Seigneur. Combien sa mort avait été précieuse, c'est ce qu'attestèrent les concerts angéliques entendus par plu sieurs Chartreux, et la conservation de son saint corps qui , pendant plus de deux mois que la sépulture en fut dilférée, demeura sans corruption, avec les couleurs de la vie et exhalant un suave parfum. D'autres miracles suivirent aussi cette mort, lesquels amenèrent le Souverain Pontife Alexandre VIII à l'inscrire au nombre des Saints. Innocent XII désigna pour sa fête le cinquième jour de septembre, où il avait été d'abord élevé sur la chaire des pontifes.

 

O Sagesse qui résidez sur votre trône sublime, Verbe par qui tout fut fait, soyez-moi propice dans la manifestation des secrets de votre saint amour (1). » C'était, Laurent, votre prière, lorsque craignant d'avoir à répondre du talent caché si vous gardiez pour vous seul ce qui pouvait profitera plusieurs (2), vous résolûtes de divulguer d'augustes mystères. Soyez béni d'avoir voulu nous faire partager le secret des cieux. Par la lecture de vos dévots ouvrages, par votre intercession

 

1. De casto connubio Verbi  et  animée. Proœmium. 2. Ibid.

 

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près de Dieu, attirez-nous vers les hauteurs comme la flamme purifiée qui ne sait plus que monter toujours. Pour l'homme, c'est déchoir de sa noblesse native que de chercher son repos ailleurs qu'en Celui dont il est l'image (1). Tout ici-bas n'est que pour nous traduire l'éternelle beauté, nous apprendre à l'aimer, chanter avec nous notre amour (2).

Quelles délices ne furent pas les vôtres, à ces sommets de la charité, voisins du ciel, où conduisent les sentiers de la vérité qui sont les vertus (3) ! C'est bien de vous-même en cette vie mortelle que vous faites le portrait, quand vous dites de l'âme admise à l'ineffable intimité de la Sagesse du Père : Tout lui profite; où qu'elle se tourne, elle n'aperçoit qu'étincelles d'amour; au-dessous d'elle, le monde qu'elle a méprisé se dépense à servir sa flamme; sons, spectacles, suavités, parfums, aliments délectables, concerts de la terre et rayonnement des cieux, elle n'entend plus, elle ne voit plus dans la nature entière qu'une harmonie d'épithalame et le décor de la fête où le Verbe l'a épousée (4). Oh! puissions-nous marcher comme vous à la divine lumière, vivre d'union et de désir, aimer plus toujours, pour toujours être aimé davantage.

 

1. De castoconnubio Verbi et animae, cap. I. — 2. Ibid. cap. XXV. — 3. Ibid. — 4. Ibid.

 

 

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