DENYS

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LE IX OCTOBRE. SAINT  DENYS,  ÉVÊQUE ET MARTYR, ET LES SS. RUSTIQUE ET ELEUTHÈRE, MARTYRS.

 

Annoncé par Brigitte, la voyante du Nord, Denys paraît comme le flambeau le plus brillant de cette constellation des mystiques sacrés qui illumine le Cycle à son déclin des premières lueurs de l'union éternelle. Bientôt, près de lui, nous saluerons Thérèse de Jésus, précédant Pierre d'Alcantara son guide ; tandis que des ombres de sa nuit mystérieuse, Jean de la Croix s'élèvera le mois prochain dans la gloire, au voisinage de Gertrude la Grande.

L'Homme-Dieu commença par agir, avant de formuler sa doctrine (1) ; ainsi l'Eglise a-t-elle, dans son Année liturgique, multiplié les exemples donnés par les Saints, en attendant de codifier par la plume des Saints mêmes les lois de la sainteté. On dirait que, forte à ses propres yeux des résultats acquis, elle se repose maintenant dans la sécurité que donne l'expérience. Comme au Propre du Temps, dont celui des Saints est l'écho fidèle, elle laisse donc carrière à son désir de voir ses fils comprendre avec les Saints la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur du mystère

 

1. Act. I, 1.

 

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supérieur à toute science, pour être eux-mêmes enfin remplis de toute la plénitude de Dieu (1). N'est-ce pas là l'œuvre bonne dont l'Apôtre implore en chacun de nous la consommation, pour ce dernier des jours (2) auquel l'évolution des semaines après la Pentecôte nous prépare désormais ? Justice parfaite, fruit de l'amour en son plein développement. Mais le développement de l'amour ne va pas sans celui de l'âme en toute sagesse et intelligence spirituelle (3) ; et ce discernement du meilleur (4), dont parle saint Paul, ne s'acquiert que dans le commerce des Saints ou l'étude de leurs œuvres (5).

Or donc, initiateur incomparable, Denys préside aujourd'hui l'assemblée fidèle. Avec l'Orient et l'Occident, faisons silence : parler convient au maître, écouter au disciple (6).

« Toute grâce excellente, tout don parfait est d'en haut, et descend du Père des lumières (7). Toute émanation de splendeur que la céleste bienfaisance laisse déborder sur l'homme, réagit en lui comme principe de simplification spirituelle et de céleste union, et par sa force propre, le ramène vers l'unité souveraine et la déifique simplicité du Père. Car toutes choses viennent de Dieu et retournent à Dieu (8).

« Par cela même qu'elles sont, les choses inanimées participent de Dieu, qui par la sublimité de son essence est l'être de tout; les choses vivantes  participent de  son énergie vitale,  supérieure

 

1. Eph. III, 18-19; Epître du XVI° Dimanche ap. la Pentecôte. — 2. Philipp. I, 6-11 ; Epître du XXII° Dim. ap. la Pentec. — 3. Col. I, 9-14; Epître du dernier Dim ap. la Pentec. — 4. Philipp. I, 10. — 5. Ibid. III, 17; Epître du XXII° Dim. ap. la Pentec — 6. S. P. Benedicti Reg. VI. — 7. Jac. I, 17.— 8. Rom. XI, 36; Dionys. De cœlesti hierarchia, I, 1, traduction Darboy.

 

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à toute vie ; les êtres raisonnables et intelligents participent de cette sagesse qui surpasse toute raison et intelligence. Les essences diverses sont d'autant plus proches de la divinité qu'elles participent d'elle en plus de manières (1).

« C'est une loi générale que les grâces divines ne sont communiquées aux inférieurs que par le ministère des supérieurs (2). L'indivisible Trinité, qui possède la divinité par nature, a établi la hiérarchie pour la déification de tous les êtres , soit raisonnables, soit purement spirituels. Car le salut n'est possible que pour les esprits déifiés (3).

« La déification n'étant que l'union et la ressemblance qu'on s'efforce d'avoir avec Dieu (4), le but de la hiérarchie est d'assimiler et d'unir à Dieu (5) : avant tout par l'éloignement absolu de ce qui est contraire à son amour; parla science des vérités sacrées ; parla participation à la simplicité de celui qui est un et le banquet mystique de l'intuition (6).

« L'ordre de toute hiérarchie est donc que les uns soient purifiés et que les autres purifient, que les uns soient illuminés et que les autres illuminent, que les uns soient perfectionnés et que les autres perfectionnent (7). Toute fonction qu'elle impose tend à la double fin de recevoir et de donner pureté, lumière, sainteté parfaite (8).

« La première hiérarchie des esprits bienheureux participe au premier écoulement qui se fait des vertus de Jésus, suprême initiateur, et l'imite d'une façon plus relevée (9). A cette première hiérarchie obéit la deuxième; celle-ci commande

 

1. Dionys. De cœlesti hierarchia, IV, I—2. Ibid. VIII, II — 3 De ecclesiastica hierarchia, I. III. IV — 4. Ibid. — 5. De cœlest. hier. III, II. — 6. De eccl hier I, III — 7. De cœlest.  hier. III, II. —  S  Ibid. VII,  11. —  9. Ibid.

 

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à la troisième ; et la troisième est préposée à la hiérarchie des hommes. Et ainsi, par divine harmonie, elles s'élèvent l'une par l'autre vers celui qui est le principe et la fin de toute belle ordonnance (1).

« Comme chaque hiérarchie comprend des puissances de trois degrés divers, chaque degré offre aussi ce merveilleux accord ; et l'on doit distinguer en toute intelligence humaine ou angélique des facultés correspondant aux trois ordres qui sont propres à chaque hiérarchie. C'est en traversant ces degrés successifs que les esprits participent, en la manière où ils le peuvent, à la pureté, à la lumière et à la perfection sans bornes. Car rien n'est parfait de soi ; rien n'exclut la possibilité d'un progrès ultérieur, sinon celui qui est la perfection primitive et infinie (2).

« Mais pour les bienheureuses essences qui habitent les cieux, qui n'ont rien de sensible et de corporel, ce n'est point par l'extérieur que Dieu les attire, et les élève aux choses divines; il fait étinceler au dedans d'elles-mêmes les purs rayons et les splendeurs intelligibles de son adorable volonté. Par contre, ce qui leur est ainsi départi directement et dans l'unité, nous est transmis, à nous, comme en fragments et sous la multiplicité de symboles variés (3) : dans les divins oracles ; dans les figures dont notre hiérarchie, se conformant à la nature humaine, enveloppe pour nous le mystère de la régénération divine et tous les autres saints mystères (4) ; dans l'ordonnance de l'univers, où reluisent les images et vestiges des idées divines (5).

 

1. De cœlest. hier. X, I. — 2. Ibid. II, III. — 3. De ceci, hier. I, IV. — 4. Ibid. I-VII.— 5. De divinis Nominibus, VII, III.

 

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« Or, si toutes choses parlent de Dieu aux hommes, aucune pourtant n'en parle bien ; il est accessible à l'entendement, à la raison, à la science ; on le discerne par la sensibilité, par l'opinion, par l'imagination ; on le nomme enfin : et d'autre part, il est incompréhensible, ineffable, sans nom. Tout le révèle à tous, et rien ne le manifeste à personne (1). Tout s'affirme de lui, comme cause universelle (2); comme dépassant toute expression, tout s'en nie mieux encore (3).

« Et c'est pourquoi plusieurs, dans leur marche vers Dieu, non contents de ne s'attarder pas à ce point de départ des sens extérieurs qui s'impose à notre nature, s'élèvent plus haut que les opérations multiples du raisonnement et du discours. Comme les sens sont de trop lorsque l'âme s'applique aux choses intelligibles par l'entendement pur, la puissance intellectuelle devient elle-même inutile, lorsque l'âme divinisée se précipite, ignorante sublime, oubliant tout, dans les abîmes de la sagesse insondable. L'adhésion simple des natures angéliques à celui qui dépasse toute connaissance, est devenue le propre de ces âmes ; émules des anges, elles ont atteint le but de toute hiérarchie, en s'unissant aussi pleinement qu'il est possible à Dieu (4).

« Guide des chrétiens dans la sagesse sacrée, Trinité souverainement bonne, conduisez-nous à cette hauteur où toute lumière est surpassée : obscurité qui rayonne en splendides éclairs et, ne pouvant être vue ni saisie,  inonde  cependant

 

1. De divinis Nominibus, VII, III. — 2. Ibid I-XIII. — 3. De mystica Theologia, I-V, — 4. De div. Nom. I, V ; IV, IX, XI ; VII, III ; XIII, III.

 

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de la beauté de ses feux les esprits saintement aveuglés (1). »

Siérait-il de rien ajouter? Remarque déjà faite (2) : en cette saison qui prépare le monde au suprême avènement de l'Epoux, l'Eglise elle-même modère sa voix. Combien mieux devons-nous l'imiter, aujourd'hui que le divin Aréopagite s'écrie sous le poids de son impuissance : « Nos locutions sont d'autant plus abondantes qu'elles conviennent moins à Dieu. A mesure que l'homme s'élève vers les cieux, le coup d'œil qu'il jette sur le monde spirituel se simplifie, et ses discours s'abrègent; au voisinage du sommet, non seulement les paroles se font plus concises, mais le langage, mais la pensée même arrivent à faire défaut. Précédemment, notre discours allait s'étendant en proportion de la hauteur d'où il descendait ; s'élevant de bas en haut, il doit se raccourcir d'autant et, parvenu au dernier terme, il cessera tout à fait pour s'aller confondre avec l'ineffable (3). »

Rome cependant va nous dire comment, venu d'Athènes en nos régions, le révélateur des célestes hiérarchies féconda de son sang généreux la semence répandue par lui dans la future capitale du pays des Francs. Riche de son très saint corps, l'humble bourgade devenue Saint-Denys en France l'emporta longtemps sur Lutèce, sa voisine, en renommée. Notre patrie rendait en gloire à son apôtre le dévouement qu'il lui avait montré ; il sembla que, dans une inspiration chevaleresque, elle eût pris à tâche de compenser l'adieu qu'il avait dit pour elle  aux grands

 

1. De myst. Theol. I, I — 2. Fête de la Décollation de S. Jean-Bapt , p. 124. — 3. Dionys. De myst. Theol. III.

 

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souvenirs du sol natal. On sait l'immense concours du peuple au saint tombeau, et surtout la piété des rois. L'oriflamme, bannière du Martyr, fut leur étendard ; Mont-Joye Saint-Denys, leur cri de guerre sous tous les cieux où les conduisait la victoire. Comme, durant cette vie, ils ne quittaient point le royaume sans remettre sa garde au protecteur des lis de France en son abbaye, c'était encore à lui qu'au sortir de ce monde, on les voyait confier leurs restes mortels. Malgré de sacrilèges profanations, la nécropole auguste réserve à la terre, pour le dernier jour, un spectacle sublime: alors que sous les yeux d'Adrien césar et de ses préfets, le supplicié de Montmartre, le condamné qu'ils vouèrent à l'infamie, se lèvera de sa tombe escorté des trois dynasties fières de former sa cour en la résurrection, comme elles s'honorèrent de l'entourer dans la mort. Vos serviteurs sont honorés jusqu'à l'excès, à Dieu (1) !

 

1. Psalm. CXXXVIII, 17.

 

Le récit de l'Eglise romaine touchant saint Denys et ses Compagnons est conforme à celui de l'Eglise grecque en ses Menées, bien que le m octobre soit pour celle-ci le jour de leur fête.

 

Denys était d'Athènes, et l'un des juges de l'Aréopage. Son instruction était complète en tout genre de science. Encore païen, on raconte que témoin de la miraculeuse éclipse de soleil arrivée le jour où fut crucifié le Seigneur, il s'écria: Ou le Dieu de la nature souffre, ou le système du monde se détruit. Paul étant donc venu à Athènes, et ayant rendu compte de la doctrine qu'il prêchait dans l'Aréopage où on l'avait conduit, Denys et beaucoup d'autres crurent au Christ dont l'Apôtre annonçait la résurrection comme prémices de celle de tous les morts.

 

Saint Paul le baptisa et lui remit le gouvernement de l'église d'Athènes. Venu plus tard à Rome, il reçut du Pontife Clément la mission d'aller prêcher l'Evangile en Gaule et pénétra jusqu'à Lutèce, ville des Parisiens, en la compagnie du prêtre Rustique et du diacre Eleuthère. Il y convertit beaucoup de monde à la religion chrétienne, en suite de quoi le préfet Fescennius le fit battre de verges avec ses compagnons. Sa constance a prêcher la foi n'en étant nullement ébranlée, ils passèrent ensemble par le supplice du gril ardent et beaucoup d'autres.

Mais comme ils affrontaient avec courage et joie tous ces tourments, Denys, âgé de cent un ans, fut avec les autres frappé de la hache le sept des ides d'octobre. On rapporte de lui que prenant dans ses mains sa tête tranchée, il la porta l'espace de deux milles. Il a écrit des livres admirables et tout célestes, sur les Noms divins, la Hiérarchie céleste, la Hiérarchie ecclésiastique, la Théologie mystique, et quelques autres.

 

Honneur à vous en ce jour de victoire ! honneur au Docteur des nations qui vous reçoit comme sa très noble conquête au seuil de l'éternité ! Quel ne fut pas, dès la première heure, l'élan de votre âme vers ce Dieu inconnu (1) que l'Apôtre découvrait enfin aux longues aspirations de votre riche et droite nature ! Aux ténèbres du polythéisme, aux doutes de la philosophie, aux trop vagues lueurs de confuses traditions succédait subitement la lumière, et son triomphe était complet. Platon, devenu en vous chrétien, voyait s'élargir ses horizons, se rectifier ses formules, et leur magnificence devenir le digne vêtement de la vérité. Lui aussi se faisait apôtre : la distinction du grec et du barbare, loi du vieux monde, s'effaçait pour lui dans l'origine commune assignée par Paul à tous les peuples (2); tandis qu'esclaves et libres s'embrassaient, aux regards de sa foi, dans cette noblesse qui fait du genre humain la race de Dieu (3),  la charité, qui débordait en son

 

1. Act  XVII, 23. — 2. Ibid. 26. — 3. Ibid. 29.

 

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cœur, n'y laissait plus que l'immense pitié de Dieu lui-même pour les longs siècles de l'ignorance où l'humanité s'était vue plongée (1).

Ainsi dans votre zèle, vous prêtant au souffle de l'Esprit comme la nuée chargée des bénédictions du Seigneur (2), apportiez-vous la fertilité jusqu'aux terres de l'extrême Occident ; ainsi, père de notre patrie, nos pères apprenaient ils de vous à chercher Dieu le trouver, à vivre en lui (3) ; ainsi notre lointaine Eglise n'avait-elle point à jalouser les premières, bâties sur le fondement des Prophètes et des Apôtres (4). O pierre de choix, bonne aux fondations (5), si intimement unie à la pierre d'angle que toute construction qu'elle porte s'élève en un temple saint du Seigneur : nous aussi, bâtis sur vous, nous sommes par vous la maison de Dieu (6).

O Denys, réveillez en nous les germes divins. Rendez Paris et la France à leurs traditions, oubliées dans la fièvre du lucre et des plaisirs. Ramenez Athènes à la communion du vicaire du Christ, indispensable condition de l'union au Seigneur. A toute église sous le ciel obtenez les pasteurs dont vous traciez le portrait dans ces lignes, en révélant ce que vous étiez vous-même : « Par la sainte dilection qui nous entraîne vers lui, Jésus calme la tempête des soucis dissipants, et rappelant nos âmes à l'unité de la vie divine, nous confirme dans la fécondité permanente de ce noble ministère. Bientôt, par l'exercice des fonctions sacrées, nous approchons des anges, essayant de nous placer comme eux dans un état fixe d'immuable sainteté. De là, jetant le

 

1. Act. XVII, 3o. — 2. Isai. LX, 8. — 3. Act. XVII, 27-28. — 4. Eph. II, 20. — 5. Isai. XXVIII, 16. — 6. Eph. II, 20-22.

 

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regard sur la divine splendeur de Jésus béni, et enrichis de la science profonde des contemplations mystiques, nous pouvons être consacrés et consacrer à notre tour, recevoir la lumière et la communiquer, devenir parfaits et mener les autres à la perfection (1). »

 

1. Dionys. De eccl  hier. I, I.

 

 

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