LE XXIII SEPTEMBRE. SAINT LIN, PAPE ET MARTYR.
Une obscurité mystérieuse entoure
la vie des premiers Vicaires de l'Homme-Dieu; ainsi
se dérobent aux yeux les premières assises d'un monument fait pour défier la
durée. Porter l'Eglise éternelle, est assez pour leur gloire ; assez pour
justifier notre confiance, animer notre gratitude. Laissons disserter les
doctes sur tel ou tel point de la courte Légende qui va suivre; cette fête
était réclamée par le cœur de l'Epouse: elle est le témoignage de sa vénération
émue pour l'humble et doux Pontife qui, le premier, rejoignit Pierre aux
cryptes Vaticanes.
Lin, Pape, né en Toscane à
Volterra, gouverna le premier l'Eglise à la suite de Pierre. Si grandes étaient
sa foi et sa sainteté que non seulement il chassait les démons, mais
ressuscitait aussi les morts. Il écrivit les actes du bienheureux Pierre, et
spécialement ce qu'il avait fait contre Simon le magicien II décréta qu'aucune
femme n'entrerait dans l'église sans voile sur sa tête. La constance de sa foi
chrétienne valut au Pontife une sentence de décapitation de la part de Saturninus, consulaire impie et ingrat, dont il avait
délivré la fille que tourmentaient les démons. On l'ensevelit au Vatican près
du tombeau du prince des Apôtres, le neuf des calendes d'octobre. Il siégea
onze ans, deux mois, vingt-trois jours ; en deux fois, au mois de décembre, il
créa quinze évêques et dix-huit prêtres.
Ce fut personnellement et à la
vue de tous, que le Seigneur investit Simon fils de Jean du pontificat suprême
; non moins directement, bienheureux Pontife, mais invisiblement, vous reçûtes
de Jésus les clefs du royaume des cieux. A vous commence ce règne complet de la
foi pure où l'Eglise, sans ouïr derechef l'Homme-Dieu
dire à Pierre : Pais mes brebis, s'incline pourtant devant la permanence
de son autorité en l'homme dûment désigné comme représentant de l'Epoux.
Obtenez que les ombres d'ici-bas ne rendent jamais incertaine notre obéissance;
faites qu'au jour de l'éternité, nous méritions de contempler avec vous le Chef
divin dans la lumière.
Rome associe aux honneurs du
premier successeur de Pierre la mémoire sainte de Thècle la proto-martyre.
Faisons comme elle écho en ce jour au concert unanime des Pères de l'Orient et
de l'Occident. Lorsque, sur la fin du III° siècle de notre ère, Méthodius, le Pontife Martyr, donnait à l'Eglise son
Banquet des vierges, il plaçait au front
de la vierge d'Icône la plus belle des couronnes distribuées aux
convives de l'Epoux (1). C'était justice pour celle que Paul avait formée, la
rendant plus supérieure encore dans l'Evangile qu'elle ne l'était dans la
philosophie et toute science (2). L'héroïsme avait en elle suivi la lumière ;
la force de l'âme y soutint la magnanimité des résolutions ; la gloire d'un
multiple martyre fut acquise à celle dont le corps, aussi ferme que l'âme en sa
blancheur virginale (3), triompha du feu, des fauves, des monstres marins.
C'est elle qui triomphe encore au
Banquet mystérieux. La Sagesse est en elle, cithare divine harmonisant son âme,
résonnant sur ses lèvres en accents d'admirable éloquence *, en sublime poésie.
Quand, le festin achevé, les vierges debout rendent grâces au Seigneur, c'est
elle qui préside le choeur, et elle chante :
« Pour vous, Epoux, je me garde
pure ; je viens à vous, ma lampe allumée.
« J'ai fui les délices de la vie,
l'amère félicité des humains; j'aspire à voir toujours votre beauté. — Pour
vous, Epoux, je me garde pure; je viens à vous, ma lampe allumée.
« J'ai dédaigné l'union d'un
mortel, j'ai quitté la maison remplie d'or; recevez-moi au bienheureux secret
de votre amour.—Pour vous, Epoux, je me garde pure ;
je viens à vous, ma lampe allumée.
« Du dragon j'ai déjoué les
ruses, du feu j'ai bravé la flamme, des animaux féroces j'ai subi les assauts;
je vous attends des cieux. — Pour vous, Epoux, je me garde pure ; je viens à
vous, ma lampe allumée.
« O Verbe, éprise de vous, j'ai
oublié la terre de
ma naissance, j'ai oublié les jeux
des compagnes de mon âge, et ma mère, et mes nobles aïeux ; car vous m'êtes
tout, ô Christ. — Pour vous, Epoux, je me garde pure ; je viens à vous, ma lampe allumée (1). »
ORAISON.
Dieu tout-puissant, nous
célébrons le jour natal de la bienheureuse Thècle, votre Vierge et Martyre ;
que cette solennité annuelle soit notre joie ; que l'exemple d'une si grande
foi nous soitprofiteble : c'est laprière
que nous vous adressons. Par Jésus-Christ.