LE XVII SEPTEMBRE. LES STIGMATES
DE SAINT FRANÇOIS.
Bientôt la grande figure du
patriarche d'Assise reparaîtra au ciel de la sainte Liturgie ; nous aurons
alors à louer Dieu pour les merveilles que sa grâce opéra en lui. Aujourd'hui,
si personnel que soit à François le glorieux
épisode, objet de la fête, il le dépasse pourtant par ce qu'il exprime.
L'Homme-Dieu
vit toujours dans son Eglise; la reproduction de ses mystères en cette Epouse
qu'il se veut semblable, est l'explication de l'histoire. Or, au XIII° siècle,
on dirait que la charité, rebutée par plusieurs, concentre en quelques-uns les
feux qui suffisaient jadis à embraser des multitudes; autant que jamais la
sainteté resplendit, et cependant l'heure du refroidissement a sonné pour les
peuples. C'est aujourd'hui même l'affirmation de l'Eglise (1), pour laquelle,
en effet, commence la série des défections sociales avec leurs reniements,
leurs trahisons, leurs dérisions, soufflets, crachats du prétoire, aboutissant
à la mise hors la loi dont nous sommes témoins. L'ère de la Passion est
ouverte; l'exaltation de la sainte Croix, jusqu'ici triomphante aux yeux des
nations, prend du ciel, d'où regardent les Anges, un aspect d'adaptation plus
intime de l'Epouse aux souffrances de l'Epoux crucifié. Ne soyons pas étonnés
si, comme fait l'artiste
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en présence d'un marbre précieux,
l'Esprit choisit la chair du séraphin d'Assise pour y rendre pleinement sa
divine pensée. Il manifeste ainsi au monde la direction plus spéciale qu'il entend
maintenant donner aux âmes; il offre au ciel un premier exemplaire, un
exemplaire complet de l'ouvrage nouveau qu'il médite : l'union plénière, sur la
Croix même, du corps mystique au Chef divin. François
est le premier qu'honore l'élection d'en haut ; mais après lui le signe sacré
sera recueilli par d'autres, qui personnifieront également l'Eglise ; les
Stigmates du Seigneur Jésus seront toujours ici ou là, désormais, visibles sur
terre.
Lisons dans ces pensées
l'admirable récit composé par le Docteur séraphique à l'honneur de son Père
saint François.
Le ministre et vraiment
fidèle serviteur du Christ, François, deux ans avant de rendre son esprit au ciel, s'était
retiré foin des hommes sur les hauteurs du mont qu'on nomme Alverne,
pour y jeûner quarante jours en l'honneur de l'Archange Michel. Plongé plus
avant que de coutume dans l'abondance des douceurs de la contemplation, embrasé
d'une Flamme croissante de célestes désirs, il éprouvait
comme un débordement sur lui des divines influences. Dans ces ardeurs
séraphiques qui l'emportaient vers Dieu, tandis que par la tendre compassion de
son cœur il s'identifiait à celui que cloua au bois un excès d'amour : un
matin, vers la fête de l'Exaltation de la sainte Croix, priant sur la pente du
mont, il vit comme une apparence de Séraphin aux six ailes brillantes et
embrasées descendre des cieux. Son vol rapide l'ayant porté dans la région de
l'air voisine de l'homme de Dieu, il apparut non seulement ailé, mais aussi
crucifié, les mains étendues et fixées à la croix ainsi que les pieds, tandis
que de ses ailes admirablement distribuées, deux s'élevaient au-dessus de sa tête,
deux éployées soutenaient son vol, deux enfin se croisant voilaient tout son
corps. A cette vue, interdit, François sentit
ensemble la joie et la douleur envahir son âme : car il concevait une
allégresse extrême à l'aspect plein de grâces de celui qui se manifestait d'une
manière si merveilleuse à la fois et si familière ; mais la compassion que lui
inspirait ce cruel crucifiement transperçait son âme d'un glaive de douleur.
Sans doute il n'ignorait pas
que l'infirmité de la souffrance ne pouvait aucunement s'accorder avec l'immortalité
d'un esprit Séraphique ; mais instruit au dedans
par celui qui apparaissait au dehors,
il comprenait à cela même
pourquoi pareille vision lui était octroyée : l'ami du Christ v apprenait que sa transformation à la
pleine ressemblance de Jésus-Christ
en croix devait s'accomplir par l'incendie de l'âme, non par le martyre de la chair. C'est pourquoi la vision, disparaissant après un
entretien aussi familier que mystérieux, laissa au dedans son âme embrasée de
la flamme des Séraphins, tandis que sa
chair au dehors était marquée à l'image
ressemblante du Crucifié ; comme si
liquéfiée par la vertu de ce feu préparant le prodige, un sceau avait
frappé son empreinte. Car aussitôt se
montrèrent à ses mains et ses pieds
comme des clous, dont la tête était visible aux paumes des mains et à la
partie supérieure des pieds, tandis que les
pointes apparaissaient à l'opposé. Le côté droit également, comme
traversé par la lance, présentait une cicatrice rouge par laquelle fréquemment le sang s'échappait, traversant la tunique et le caleçon du Saint.
Privilège tout à part, non
concédé aux siècles qui précédèrent ;
miracle nouveau qui jette dans la
stupeur François donc, homme nouveau lui-même, décoré de l'insigne des
Stigmates sacrés, descendit de la montagne portant avec lui l'image du
Crucifié, non figurée sur des tables de pierre
ou de bois par la main d'un artiste mortel, mais inscrite
dans ses membres de chair par le doigt
du Dieu vivant. Sachant qu'il est bon de cacher le secret du prince, l'homme
séraphique, confident de ce royal
secret, dérobait autant qu'il le pouvait à la vue les saintes
marques. Mais Dieu se réserve de
révéler pour sa gloire les grandes choses
dont lui-même est l'auteur ; lui donc qui avait imprimé ces marques dans le secret, faisait par elles publiquement des miracles , qui manifestaient par l'éclat du
prodige la vertu admirable et cachée des Stigmates. C'est cette merveille si pleinement attestée, relevée dans les
diplômes pontificaux par toutes sortes de louanges et de faveurs, que le
Pape Benoît XI voulut voir honorée par
une solennité anniversaire : fête que le Souverain Pontife Paul V, désirant
exciter les cœurs des fidèles à
l'amour du Christ en croix,
étendit par la suite à toute l'Eglise.
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Porte-étendard du Christ et de
son Eglise, nous ne voulons, comme l'Apôtre et comme vous, placer notre gloire
que dans la Croix du Seigneur Jésus (1). Nous voulons porter dans nos âmes les
Stigmates sacrés qui honorèrent votre chair sanctifiée. Toute souffrance est un
gain pour qui n'a d'autre ambition que de rendre amour pour amour ; nulle
persécution ne le déconcerte ; en effet, persécutions et souffrances ont pour
résultat de l'assimiler, avec l'Eglise sa mère, au Christ persécuté, flagellé,
crucifié.
Avec l'Eglise donc, c'est de tout
cœur que nous disons en ce jour : « Seigneur Jésus-Christ, au temps du
refroidissement du monde, vous avez, pour enflammer nos cœurs du feu de votre
amour, renouvelé dans la chair du bienheureux François
les Stigmates sacrés de votre Passion ; dans votre bonté, nous vous en
supplions, faites que par ses mérites et prières nous portions avec
persévérance la Croix, et produisions de dignes fruits de pénitence : Vous qui
vivez et régnez avec Dieu le Père en l'unité du Saint-Esprit, Dieu vous-même,
dans les siècles des siècles. Amen (2). »
A Bingen,
au diocèse de Mayence, sainte Hildegarde, Vierge (3). Saluons « la
grande prophétesse du Nouveau Testament (4). » L'influence d'Hildegarde sur ses
contemporains ne peut être comparée qu'à celle de saint Bernard dans la
première moitié de ce XIIe siècle, dont la seconde partie se renvoie les échos
des oracles transmis par
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l'humble vierge aux papes, aux
empereurs, aux princes et prélats de tout ordre. Des plus lointaines régions,
les foules accourent à Mont-Saint-Rupert, où se
résolvent les doutes de la vie comme les difficultés des maîtres de la
doctrine. Elle-même bientôt, sous l'impulsion divine, Hildegarde doit aller
au-devant des peuples et porter à tous, aux moines, aux séculiers clercs ou
laïques, la parole d'amendement et de salut.
L'Esprit souffle donc bien
véritablement où il veut (1) ! « Aux colonnes puissantes soutenant son
royal palais, Dieu préférait la pauvre plume que soulève le vent et qu'il mène
et ramène à son gré dans la lumière (2). » La vie de la sainte Abbesse, à
laquelle ne manquèrent ni travaux, comme on le voit,
ni maladies, ni épreuves, se prolongea quatre-vingt-deux ans dans l'ombre de
la lumière vivante (3). Eibingen possède
aujourd'hui ses reliques précieuses. Les livres qui nous restent de cette
illettrée (4) conduisent l'homme de la création du monde à la consommation de
toutes choses; ils embrassent, dans l'encadrement de sublimes visions, tout
l'ensemble de la science théologique OU physique de son temps. Daigne
Hildegarde nous donner de ses œuvres et de sa vie l'interprète et l'historien
qu'elles méritent.
ORAISON.
Dieu qui avez orné de célestes
dons votre Vierge la bienheureuse Hildegarde, donnez à nous qui vous en prions
de marcher sur ses traces et de vivre conformément à ses instructions, pour
mériter de passer de la nuit de ce présent monde à votre délectable lumière. Par
Jésus-Christ.