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LETTRE 1
CYPRIEN AUX PRETRES, AUX DIACRES, ET AU PEUPLE DE FURNI *, SALUT.
Nous avons, nos très chers frères, été vivement peinés, mes collègues et moi,
ainsi que les prêtres qui siégeaient avec nous, en apprenant que notre frère Geminius
Victor, au moment de sortir de ce monde avait, par disposition testamentaire, désigné
comme tuteur de ses enfants le prêtre Geminius Faustinus. Il y a longtemps qu'un concile
a défendu de prendre un tuteur ou un curateur parmi les clercs, attendu que ceux qui ont
l'honneur du divin sacerdoce, et sont engagés dans tes devoirs de la cléricature, ne
doivent prêter leur ministère qu'au sacrifice et à l'autel et ne vaquer qu'à la
prière. Il est écrit : "Un soldat de Dieu ne s'engage pas dans l'embarras des
choses du siècle, s'il veut plaire à celui qui l'a enrôlé". La recommandation est
faite à tous, mais combien plus doivent-ils rester en dehors des embarras et du réseau
des préoccupations profanes, ceux qui, voués à des occupations religieuses, ne peuvent
s'éloigner de l'église, ni vaquer aux affaires du siècle. Telle est la discipline
qu'ont observée les Lévites dans l'ancienne loi : les onze autres tribus se partagèrent
le sol, chacune en ayant un lot; la tribu de Lévi, qui était consacrée au service du
temple et de l'autel, n'entra point dans ce partage. Les autres vaquaient à la culture du
sol : elle au culte divin uniquement; et pour sa subsistance, les onze tribus lui
servaient la dîme des fruits de la terre. Dieu avait voulu que tout fût ainsi réglé,
afin que ceux qui se consacraient au service divin n'en fussent point détournés, et
forcés de donner leurs pensées et leurs soins à des occupations profanes. C'est la
même règle qui est encore suivie aujourd'hui pour le clergé : on veut que ceux que
l'ordination a élevés au rang de clercs dans I'Église de Dieu ne puissent être
détournés en rien du service divin, ni courir le danger d'être engagés dans les
embarras et les affaires du siècle; mais que plutôt, bénéficiaires des offrandes des
frères, comme d'une sorte de dîme, ils ne quittent pas l'autel et le sacrifice, mais se
consacrent jour et nuit à des occupations religieuses et spirituelles.
C'est à quoi nos prédécesseurs ont eu égard, quand ils ont pris la salutaire mesure de
régler qu'aucun de nos frères ne pourrait, en mourant, nommer un clerc pour tuteur ou
curateur, et que si quelqu'un le faisait, on n'offrirait point le saint sacrifice pour son
repos. En effet, celui-là ne mérite pas d'être nommé à l'autel de Dieu dans la
prière des prêtres qui a voulu éloigner de l'autel des prêtres et des ministres de
Dieu. Voilà pourquoi, Victor ayant osé, contre la règle portée jadis par des évêques
réunis en concile, établir tuteur le prêtre Geminius Faustinus, vous ne devez pas
célébrer le saint sacrifice pour son repos, ni faire aucune prière pour lui dans
l'église : ainsi sera observé par nous le décret saint et nécessaire que les évêques
ont porté, et en même temps l'exemple sera donné à nos frères de ne point détourner
les prêtres et les ministres de Dieu du service de son Église pour les engager dans des
occupations séculières. En punissant la faute présente, on empêchera, en ce qui
concerne les clercs, le retour de faits semblables. Je souhaite, mes très chers frères,
que vous vous portiez toujours bien.
* Furni était une ville de la Tunisie.
LETTRE 2
CYPRIEN A EUGRATIUS SON FRÈRE, SALUT.
Les sentiments d'amitié et d'estime que nous avons l'un pour l'autre vous ont fait
juger, mon très cher frère, que vous deviez me consulter à propos d'un histrion qui se
trouve chez vous, et continue son métier honteux. Se faisant professeur et maître non
pour instruire, mais pour pervertir des enfants, il apprend peu à peu aux autres ce qu'il
a eu tort d'apprendre lui-même. Vous demandez si un homme qui est dans ce cas doit être
admis à notre communion. Eh bien, je pense qu'il ne convient ni au respect de la Majesté
divine, ni à l'observation des enseignements évangéliques, que l'Église soit offensée
dans sa pudeur et dans son honneur par un contact si impur et si infâme. Dans la Loi, il
est interdit aux hommes de prendre des vêtements de femmes, et ceux qui le font sont
maudits : combien n'est-il pas plus criminel d'oser, non seulement se revêtir de costumes
féminins, mais se faire maître d'impudicité en reproduisant les gestes mêmes des
débauchés et des efféminés.
Et qu'on ne s'excuse pas en disant qu'on a renoncé personnellement à jouer au théâtre,
alors que l'on en apprend l'art aux autres. On ne peut être considéré comme y ayant
renoncé, si l'on met d'autres acteurs à sa place, et plusieurs au lieu d'un seul,
enseignant, à l'encontre de ce que Dieu a établi, à faire d'un homme une femme, à en
changer le sexe, et à faire la joie du démon qui est heureux de souiller l'oeuvre des
Mains divines, par ces gestes de mollesse vicieuse. Celui qui est dans ce cas
prétexte-t-il un manque de ressources et des besoins : on peut le mettre au nombre de
ceux auxquels l'Église fournit des aliments, et secourir son indigence comme celle des
autres, à la condition toutefois qu'il se contente d'une nourriture frugale et simple, et
ne se mette pas en tête qu'on lui doive payer une pension pour ne plus pécher, attendu
que ce n'est pas nous qu'il sert en ne péchant plus, mais lui-même. D'ailleurs, qu'il
gagne à ce métier tant qu'il voudra : quel gain est-ce, que celui qui enlève des hommes
au festin d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, et ne les engraisse en ce monde par des moyens
misérables, que pour les faire tomber dans le supplice d'une faim et d'une soif
éternelles ? Faites donc votre possible pour le détourner de cette profession infâme et
le ramener à la voie de l'innocence et à l'espérance de la vraie vie, de telle façon
qu'il se contente de la subsistance, modeste mais salutaire, que l'Église lui fournit.
Que si votre église ne suffit pas à procurer des aliments â ceux qui sont dans la
gêne, il pourra venir chez nous recevoir ce qui lui sera nécessaire pour la nourriture
et le vêtement; et, plutôt que d'aller hors de l'Église donner à d'autres un
enseignement de mort, il prendra, s'il le veut, lui-même, un enseignement de vie dans
l'Église. Je souhaite, mon très cher fils, que vous vous portiez toujours bien.
LETTRE 3
CYPRIEN A ROGATIANUS SON FRÈRE, SALUT.
Nous avons été, les collègues qui se trouvaient présents et moi, grandement et
douloureusement émus, très cher frère, en lisant la lettre où vous vous plaignez d'un
de vos diacres qui, oublieux de votre dignité épiscopale et des devoirs de son propre
ministère, vous a peiné, en vous accablant d'outrages et d'injures. Vous en avez agi
avec nous, d'une façon qui nous honore, et qui est bien en accord avec votre modestie
coutumière; vous avez préféré vous plaindre de lui à nous, alors que le pouvoir
épiscopal et l'autorité de votre chaire vous mettaient en mesure de le punir aussitôt,
avec l'assurance que tous vos collègues auraient eu pour agréable tout ce que vous
auriez pu faire, en vertu de la puissance épiscopale, à l'égard de ce diacre insolent.
Vous avez, en effet, pour cette sorte de gens, un commandement divin. Le Seigneur Dieu dit
dans le Deutéronome : "Quiconque sera si orgueilleux que de n'écouter pas le
prêtre ou le juge : quel qu'il soit en ces jours-là, sera mis à mort, et tout le
peuple, en apprenant ce châtiment, sera saisi de crainte et l'on n'agira plus désormais
d'une manière impie. (Dt 17,12-13). Et voici qui nous montre bien que cette parole de
Dieu est véritable et sortie de la bouche de sa souveraine Majesté pour l'honneur des
prêtres et le châtiment de ceux qui les outragent. Trois ministres des autels, Coré,
Dathan et Abiron, ayant osé s'enorgueillir et s'élever contre Aaron, le grand-prêtre,
et s'égaler à leur chef, la terre s'entrouvrit, les engloutit et les dévora, leur
faisant porter sur le champ la peine de leur audace sacrilège. Et ils ne furent pas les
seuls. Deux cent cinquante autres qui les avaient suivis dans leur rébellion, furent
dévorés par un feu que Dieu fit sortir de l'autel, afin qu'il fût bien établi que les
prêtres de Dieu sont vengés par Celui qui fait les prêtres. Au livre des Rois, nous
voyons que le grand-prêtre Samuel étant méprisé par le peuple juif, comme vous
maintenant, à cause de sa vieillesse, Dieu en fut irrité et s'écria : "Ce n'est
pas vous, c'est Moi qu'ils ont méprisé." (1 Sam 8,7). Et, pour en tirer vengeance,
Il leur donna comme roi Saul, afin que ce peuple orgueilleux fût accablé de mauvais
traitements et foulé aux pieds : ainsi un châtiment divin vengerait un prêtre des
mépris d'un peuple orgueilleux,
Salomon rend témoignage à son tour sous l'inspiration de l'Esprit saint, et nous apprend
quelle est la dignité et la puissance des prêtres : "Craignez Dieu, dit-il, de
toute votre âme, et ayez des égards religieux pour ses prêtres" (Sir 7,29). Et
encore : "Honorez Dieu de toute votre âme, et rendez honneur à ses prêtres".
(Sir 7,31). Le bienheureux Apôtre se souvenait de ces recommandations, comme on le voit
par ce que nous lisons dans les Actes des Apôtres. Comme on lui disait : "Osez-vous
ainsi outrager un prêtre de Dieu ?", il répondit : "Je ne savais pas, mes
frères, qu'il fût grand-prêtre. Car il est écrit : Vous n'injurierez pas le prince de
votre peuple". (Ac 23,4-5). Notre Seigneur Jésus Christ Lui-même, notre Roi, notre
Juge, et notre Dieu, observa jusqu'au jour de sa passion les égards dus aux pontifes et
aux prêtres, bien qu'ils ne les eussent pas observés envers lui, ne montrant ni crainte
de Dieu, ni loyauté à le reconnaître comme le Christ. Ayant guéri le lépreux, il lui
dit : "Va, montre-toi au prêtre, et fais ton offrande". (Mt 8,4). Avec cette
humilité qu'Il a voulu nous enseigner, Il appelait prêtre celui qu'il savait être un
usurpateur sacrilège. De même, au moment de sa passion, on Le soufflette en lui disant :
"Est-ce ainsi que vous répondez au Pontife ?" Il n'a pas une parole
irrévérencieuse pour la personne du Grand-Prêtre; il ne fait que défendre son
innocence en disant : "si J'ai mal parlé, blâmez-moi de ce qui est mal; mais si
J'ai bien parlé, pourquoi me frappez-vous ?" (Jn 18,23). Il s'est montré en tout
cela humble et patient, pour nous donner un exemple d'humilité et de patience. Il a fait
voir tous les égards dus aux prêtres qui sont véritablement des prêtres, en se
comportant ainsi envers des prêtres qui n'en étaient pas.
Les diacres ne doivent pas oublier que le Seigneur Lui-même a choisi les apôtres,
c'est-à-dire les évêques et les chefs de l'Église, tandis que les diacres, ce sont les
apôtres qui après l'Ascension du Seigneur les ont institués pour être les ministres de
leur épiscopat et de l'Église. Dès lors, ni plus ni moins que nous ne pouvons, nous,
entreprendre contre Dieu qui fait les évêques, ils ne peuvent, eux, entreprendre contre
nous, qui les faisons diacres. Voilà pourquoi il faut que le diacre, au sujet duquel vous
nous écrivez, fasse amende honorable, montrant qu'il connaît l'honneur dû au sacerdoce,
et qu'il donne, avec une humilité entière, satisfaction à l'évêque son chef. C'est
par là, en effet, que commencent les hérétiques, par là que les schismatiques
s'essayent aux pensées funestes : ils se complaisent en eus-mêmes, s'enflent d'orgueil
et méprisent leur chef. C'est ainsi que l'on s'éloigne de l'Église, que l'on élève au
dehors un autel profane, que l'on se met en révolte contre la paix du Christ, contre
l'ordre et l'unité voulus de Dieu. S'il continue de vous irriter par ses outrages et de
vous provoquer, vous userez contre lui des pouvoirs de votre charge, en le déposant ou en
l'excommuniant. Car, si l'apôtre Paul écrivant à Timothée lui dit : "Que personne
ne méprise ta jeunesse", (1 Tim 4,12) combien plus vos collègues doivent-ils vous
dire : "Que personne ne méprise votre vieillesse". Et, puisque vous nous
écrivez qu'il y a quelqu'un qui s'est associé avec votre diacre, et qui participe à
l'audace de son orgueil, vous pouvez aussi le châtier, ou l'excommunier, lui ou tout
autre qui agirait contre l'évêque de Dieu. Nous les exhortons cependant et les invitons
à reconnaître leur faute, à donner satisfaction, et à nous permettre de suivre la
ligne de conduite que nous nous sommes proposée. Nous préférons et nous désirons
vaincre par une patience indulgente les injures et les outrages plutôt que de les punir
par l'usage des pouvoirs que donne la qualité d'évêque. Je souhaite, mon très cher
frère, que vous vous portiez toujours bien.
LETTRE 4
CYPRIANUS, CAECILIUS, VICTOR, SEDATUS, TERTULLUS AVEC LES PRÊTRES PRÉSENTS, A
POMPONIUS LEUR FRÈRE, SALUT.
Nous avons lu, frère très cher, la lettre que vous nous avez envoyée par notre
frère Paconius, pour nous demander de vous donner notre avis sur le cas de vierges qui,
après avoir résolu de garder généreusement la continence imposée par leur état, ont
été trouvées ensuite avoir dormi avec des hommes, dont un diacre, celles-là même qui
avouent l'avoir fait assurant qu'elles sont encore vierges. Puisque vous avez souhaité
d'avoir notre sentiment à ce sujet, sachez que nous ne nous écartons pas des
enseignements évangéliques et apostoliques, qui nous prescrivent de pourvoir avec force
et vigueur au bien de nos frères et de nos soeurs, et de maintenir la discipline par tous
les moyens utiles. Le Seigneur dit, en effet : "Je vous donnerai des pasteurs selon
mon Coeur, et il vous conduiront avec une sage discipline". (Hier 3,15). Et ailleurs
il est écrit : "Celui qui rejette la discipline est malheureux". (Sa 3,11).
Dans les psaumes aussi, le saint Esprit nous instruit à son tour : "Gardez la
discipline, dit-il, de peur que le Seigneur ne s'irrite, et que vous ne vous égaliez hors
de la voie droite, quand bientôt sa Colère s'allumera sur vous". (Ps 2,12).
En premier lieu donc, frère très cher, nous n'avons, chefs et peuple, qu'une chose à
faire : c'est de nous efforcer, nous qui craignons Dieu, de garder les préceptes divins
dans l'observation intégrale de la discipline et de ne point souffrir que nos frères
aillent à l'aventure, et vivent à leur guise et à leur goût, mais d'aviser fidèlement
au salut de chacun, sans souffrir que les vierges habitent avec des hommes, je ne dis pas
dorment, mais vivent même avec eux. En effet, tout à la fois, et la faiblesse de ce
sexe, et la fragilité de cet âge, nous imposent le devoir de les tenir avec des guides,
pour que le diable, qui est en embuscade, et qui ne demande qu'à exercer ses ravages, ne
trouve pas l'occasion de nuire. L'apôtre dit : "Ne donnez pas d'occasion au
diable". (Eph 4,27). Il faut travailler vigilamment à tirer le navire des endroits
dangereux, de peur que, parmi les rochers et les écueils il ne fasse naufrage; il faut
s'efforcer promptement de sauver les meubles de l'incendie, de peur que les flammes les
enveloppent de toutes parts et ne les dévorent. On n'est pas longtemps à couvert, quand
on reste a proximité du péril : échapper au diable n'est pas moins impossible à un
serviteur de Dieu qui s'est engagé dans les filets du diable. Il faut donc intervenir
promptement auprès des personnes qui sont dans ce cas pour qu'elles se séparent des
hommes pendant qu'elles le peuvent encore sans avoir péché; car pour ce qui est d'en
être séparées plus tard par notre intervention, elles ne le pourront plus quand les
pires complicités les auront unies à eux. Combien ne voyons-nous pas de chutes graves
qui ont cette cause, et que de vierges ces rapprochements illicites et dangereux ne
corrompent-ils pas, à notre immense douleur. Si elles se sont loyalement consacrées au
Seigneur, qu'elles restent chastes et pures, sans faire parler d'elles, et qu'ainsi,
courageusement constantes, elles attendent la récompense de leur virginité. Si, au
contraire, elles ne veulent pas ou ne peuvent pas persévérer, qu'elles se marient (elles
feront mieux) plutôt que de tomber dans le feu pour leurs fautes. Du moins, qu'elles ne
donnent point de scandale à leurs frères ou à leurs soeurs, car il est écrit :
"Si mon frère est scandalisé par cette nourriture, je ne mangerai pas de viande de
ma vie, de peur de scandaliser mon frère".
Et que nulle d'entre elles ne s'imagine qu'elle puisse se défendre en disant qu'on peut
l'examiner et voir si elle est vierge. La main et l'oeil des sages-femmes s'y trompent
souvent, et si une jeune fille est reconnue intacte et vierge à l'examen, elle pourra
avoir par ailleurs, péché contre la chasteté sans qu'aucun contrôle soit possible.
Mais déjà le fait seul de partager la même couche, de s'embrasser, de tenir des
conversations, de se baiser, et de dormir à deux dans le même lit, quelle honte, et
quelle faute ! Un mari qui survient à l'improviste et trouve sa femme en train de le
trahir, ne frémit-il pas d'indignation et ne va-t-il pas quelquefois, dans sa jalousie,
jusqu'à saisir une arme. Et le Christ, notre Seigneur et notre juge, quand Il voit la
vierge qui est consacrée à sa Sainteté, dormir avec un autre, combien n'est-Il pas
indigné, et de quels châtiments ne menace-t-il pas ces rapprochements incestueux ? Nous
devons de toutes nos forces travailler à ce que chacun de nos frères puisse échapper à
son glaive spirituel, et à son jugement qui doit venir. Et si tout le monde sans
exception doit observer la discipline, c'est bien plus à ceux qui sont à la tête des
autres et aux diacres que ce devoir incombe, puisqu'ils doivent, par leur vie et leurs
moeurs, servir d'exemple aux autres. Comment pourraient-ils présider aux bonnes moeurs,
s'ils se mettaient a autoriser la corruption et le vice par leur propre conduite ?
Aussi avez-vous agi avec sagesse comme avec vigueur, frère très cher, en retranchant de
la communion, le diacre qui a souvent habité avec une vierge, et d'autres encore qui
avaient coutume de dormir avec des vierges. S'ils se repentent de cette conduite
irrégulière, et qu'ils se séparent, que l'on commence par faire examiner avec soin les
vierges par des sages femmes, et si elles sont trouvées vierges, qu'on les admette à la
communion et à l'assemblée des fidèles, en leur déclarant cependant que si elles
retournent avec des hommes, ou si elles demeurent avec eux sous le même toit, elles
seront l'objet d'une exclusion plus sévère, et ne-seront pas facilement dans la suite
reçues dans l'Église. Que si l'une ou l'autre est trouvée n'être plus vierge, qu'elle
fasse la pénitence plénière, car, en commettant un tel crime, elle est devenue
adultère, non à l'égard de son mari, mais à l'égard du Christ. Qu'on lui fixe un
juste temps de pénitence au bout duquel elle fera sa confession et reviendra à
l'Église. Que si les coupables s'obstinent dans leur désordre, et ne se séparent pas,
qu'ils sachent qu'avec cet entêtement impudique, ils ne peuvent jamais être admis par
nous dans l'Église, où l'exemple de leurs fautes serait pour les fidèles une occasion
de chute. Qu'ils ne se mettent pas, d'ailleurs, en tête, qu'il y a encore pour eux
possibilité de vivre et de se sauver, quand le Seigneur Dieu dit dans le Deutéronome :
"Quiconque sera si orgueilleux que de n'écouter pas le prêtre ou le juge quel qu'il
soit en ces jours-là, sera mis à mort, et tout le peuple, en apprenant ce châtiment
sera saisi de crainte, et l'on n'agira plus désormais d'une manière impie". (Dt
17,12-13). Dieu faisait mettre à mort ceux qui ne se soumettaient pas à ses prêtres; Il
fixait le moment du jugement pour ceux qui n'obéissaient pas. En ce temps-la, à la
vérité, on tuait avec le glaive, alors que la circoncision charnelle était encore en
vigueur : maintenant que la circoncision spirituelle existe pour les serviteurs de Dieu,
c'est avec le glaive spirituel que l'on tue les orgueilleux et les révoltés, en les
rejetant hors de l'Église. Ils ne peuvent, en effet, vivre dehors, puisqu'il n'y a qu'une
maison de Dieu, et que, hors de l'Église, il n'y a de salut pour personne. La perte des
indisciplinés qui n'obéissent pas, et ne se soumettent pas aux préceptes salutaires,
l'Écriture l'affirme quand elle dit : "L'indiscipliné n'aime pas celui qui le
corrige; mais ceux qui haïssent ceux qui leur font des reproches périront
honteusement". (Pro 15,12,10).
Veillez donc, frère très cher, à ce qu'il n'y ait pas d'indisciplinés qui soient
dévorés et périssent, en traçant autant que possible de salutaires lignes de conduite
à nos frères, et en avisant au salut de chacun. La voie est étroite et resserrée, par
ou nous allons à la vie, mais la récompense est superbe et magnifique, quand on arrive
à la gloire. Ceux qui se sont une fois faits eunuques pour le royaume des cieux, qu'ils
cherchent à plaire à Dieu en tout, ne refusant pas d'écouter les prêtres de Dieu, et
n'étant pas dans l'Église de Dieu un scandale pour les frères. Nous semblerons
peut-être leur faire de la peine pour le moment : donnons-leur cependant des
avertissements salutaires, sachant bien que l'Apôtre a dit : "Est-ce donc que je
suis devenu votre ennemi en vous disant la vérité ?" (Gal 4,16). Que s'ils suivent
nos avis, nous en serons fort heureux : ils sont debout et dans la voie du salut, et nous
avons, par nos paroles, encouragé leur effort. Si quelques-uns de ceux qui se sont
égarés ne veulent pas suivre nos avis, le même apôtre dit encore : "Si je
plaisais aux hommes, je ne serais pas le serviteur du Christ", (Gal 1,10) et ainsi,
si nous n'arrivons pas à persuader à quelques-uns de chercher a plaire au Christ, nous
du moins, en ce qui nous concerne, efforçons-nous en gardant les préceptes du Christ,
notre Seigneur et notre Dieu, de Lui plaire. Je souhaite, frère très cher et très aime,
que vous vous portiez toujours bien en notre Seigneur.
LETTRE 5
CYPRIEN AUX PRÊTRES ET AUX DIACRES SES FRÈRES TRÈS CHERS, SALUT.
Je vous salue, frères très chers; je vais bien et suis heureux de savoir
qu'en ce qui vous concerne tout va bien également. Puisque les circonstances ne me
permettent pas d'être avec vous en un même lieu, je demande à votre foi et à votre
piété de remplir et mes fonctions et les vôtres, de manière que rien ne souffre ni au
point de vue de la discipline ni au point de vue du zèle. Quant aux secours à fournir,
tant à ceux qui sont en prison, pour avoir glorieusement confessé le Seigneur, qu'à
ceux qui lui restent fidèles dans la pauvreté et le besoin, je vous prie de veiller à
ce que rien ne manque. Tout l'argent qu'on a ramassé a été réparti entre les membres
du clergé, pour des cas de ce genre, afin qu'il y eût un plus grand nombre de personnes
en mesure de subvenir aux nécessités particulières.
Je vous prie aussi de mettre tous vos soins et votre adresse à ce que
rien ne trouble la tranquillité. Les frères sont sans doute désireux, à cause de
l'affection qu'ils leur portent, d'aller visiter les saints confesseurs que la divine
Bonté a rendus illustres par de glorieux commencements; il faut pourtant qu'ils le
fassent avec prudence et n'y aillent pas en groupes considérables, de peur que cela même
ne provoque du mécontentement, et ne fasse refuser l'entrée : nous risquerions de tout
perdre en demandant trop. Prenez donc soin d'agir avec discrétion et par suite avec plus
de sûreté; même, que les prêtres qui se rendent pour célébrer là où vous êtes,
devant les confesseurs, le fassent à tour de rôle avec un diacre différent chaque fois
: le changement de personnes, et la variété des visiteurs, se fait supporter plus
aisément. En tout, doux et humbles comme il convient à des serviteurs de Dieu, nous
devons nous accommoder aux circonstances, veiller à ne pas compromettre la tranquillité,
ni les intérêts du peuple fidèle. Je souhaite, frères très chers et très regrettés,
que vous vous vous portiez toujours bien, et vous souveniez de nous. Saluez tous les
frères. Mon diacre vous salue, ainsi que ceux qui sont avec moi. Adieu.
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