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LETTRE 21

CELERINUS A LUCIANUS

En vous écrivant cette lettre, Monsieur mon frère, je suis joyeux et triste : joyeux d'avoir appris que vous avez été appréhendé pour le Nom de notre Seigneur Jésus Christ, notre Sauveur, et même que vous avez confessé son Nom devant les magistrats de ce monde; triste, parce que, depuis le jour où je vous ai accompagné à votre départ), je n'ai reçu aucune lettre de vous. Même en ce moment, une chose fait peser sur moi une tristesse double, c'est que vous saviez que Montanus, notre frère commun, devait venir de la prison, et d'auprès de vous, et que vous ne m'avez rien mandé de votre santé et ce qui vous regarde. Mais cela arrive aux serviteurs de Dieu, surtout à ceux qui sont en train de le confesser. Je sais que chacun d'eux alors ne fait plus attention aux choses de ce monde, attendant la couronne céleste. C'est pourquoi j'ai dit que vous aviez peut-être oublié de m'écrire. Car pour vous parler aussi de moi chétif, et m'appeler du nom d'ami, on de frère, alors que je mérite seulement celui de Celerinus, moi-même, quand j'avais l'honneur d'une si glorieuse confession, je me souvenais de mes plus anciens frères, et mes lettres leur ont rappelé que mon affection antérieure pour eux durait même alors chez moi et chez les miens. Je demande cependant au Seigneur, ô mon très cher, que vous soyez lavé dans ce sang sacré du martyre, en souffrant pour le nom de notre Seigneur Jésus Christ, avant que ma lettre vous touche; mais, si elle vous touche encore vivant, je souhaite que vous y répondiez : qu'à cette condition, le Maître vous couronne, dont vous avez confessé le Nom ! Je crois en effet que, quand bien même nous ne nous verrions plus en ce monde, nous nous embrasserons dans l'autre, sous les yeux du Christ. Demandez que je sois digne d'être couronné avec vous.
Sachez que je suis dans une grande tribulation. Non moins que si vous étiez auprès de moi, je pense jour et nuit à notre ancienne affection, Dieu seul le sait ! Et c'est pourquoi je vous prie d'acquiescer à mon désir et de pleurer avec moi sur la mort de ma soeur, qui est morte au Christ en le reniant dans cette tourmente. Elle a sacrifié et irrité notre Seigneur, c'est ce qui me paraît manifeste. A cause de cette conduite je pleure jour et nuit au milieu de l'allégresse de Pâques. J'ai passé et passe encore mes journées dans les larmes, le cilice et la cendre, jusqu'à ce que notre Seigneur Jésus Christ, par sa grâce ou votre intercession pieuse ou celle que vous demanderez à mes maîtres qui auront été couronnés, lui porte secours dans un si déplorable naufrage. Je me suis souvenu de votre affection antérieure et que vous pleurez avec tous les autres sur nos soeurs, que vous connaissez bien vous aussi, je veux dire Numeria et Candida. Nous devons veiller et prier pour leur péché, puisqu'elles nous regardent comme frères. Je crois en effet que le Christ, en considération de leur pénitence et des services qu'elles ont rendus à nos collègues qui sont venus ici en exil, et qui vous raconteront eux-mêmes leurs bonnes oeuvres, je crois, dis-je, que le Christ leur remettra leur faute, si vous, qui êtes ses martyrs, intercédez pour elles.
J'ai appris que vous avez assumé le ministère de la direction des glorieux confesseurs. Ô homme heureux. Jouissez de la réalisation du rêve que vous n'aviez cessé de former, même en dormant sur la terre. Vous avez souhaité d'être envoyé en prison à cause de son Nom. C'est ce qui vous arrive, selon ce qui est écrit : Que Dieu vous donne ce que votre coeur désire. Maintenant vous voilà devenu, pour eux, le représentant de l'autorité de Dieu à leur tête..., c'est-à-dire leur serviteur. Je vous prie donc, Monsieur, et je vous demande par notre Seigneur Jésus Christ, de faire un rapport à mes maîtres, vos collègues et frères, et de leur demander que ceux qui seront couronnés les premiers remettent à nos soeurs Numeria et Candida un péché de cette gravité. Pour ce qui est de Numeria, je n'ai jamais prononcé son non qu'en l'excusant, Dieu m'en est témoin, parce qu'elle a seulement donné du numéraire pour acheter un certificat afin de ne point sacrifier. Elle semble être montée seulement jusqu'aux Trois Parques (1) et être descendue de là. Elle n'a donc pas sacrifié, j'en suis sûr. Les chefs des frères, après avoir entendu la cause de ces personnes, ont décidé qu'elles resteraient ainsi quelque temps, jusqu'a ce qu'il y ait un évêque (2). Mais nous espérons de vos saintes prières et oraisons, auxquelles nous avons confiance, que vous leur ferez tout pardonner.
Je vous demande donc, très cher Monsieur Lucianus, de vous souvenir de moi et d'acquiescer à ma demande; qu'à cette condition, le Christ vous garde la couronne qu'Il vous a donnée non seulement dans votre confession, mais encore dans la sainteté de votre vie et pour laquelle vous avez toujours bien couru dans la carrière, exemple et champion des saints, à cette condition, dis-je, que vous parliez du fait en question à tous les confesseurs, mes maîtres et vos frères, afin qu'elles reçoivent du secours de votre intercession. Vous devez encore savoir ceci, Monsieur mon frère, que je ne suis pas seul à demander pour elles, mais qu'il y a encore avec moi Statius, Severianus, et tous les confesseurs qui sont venus ici de là où vous êtes. Elles sont en effet descendues au port à leur rencontre, elles les ont conduits dans la ville, elles en ont nourri et assisté soixante-cinq, et elles leur donnent encore toutes sortes de soins. Ils sont tous chez elles. Je ne dois pas importuner plus longtemps votre coeur si saint, sachant bien que vous êtes assez porté de vous-même à faire du bien. Macarius vous salue avec ses soeurs Cornelia et Emerita; il est heureux de votre confession glorieuse, et de celles de tous les frères, et aussi Saturninus, qui a, aussi lui, lutté avec le diable, confessé courageusement le Nom du Christ; il a, là-bas, généreusement supporté les ongles de fer, et ici il vous prie et vous supplie avec instance. Vos frères Calpurnius et Maria vous saluent ainsi que tous les saints frères. Je dois encore vous dire que j'écris également ceci pour Messieurs vos frères, et je vous prie de daigner le leur lire.
(1) Cet endroit, qui doit sans doute son nom à un groupe représentant les trois Parques, était près de la Voie sacrée, là où se trouve l'église des Saints Cosme et Damien.
(2) Le siège était vacant depuis le 20 janvier.

 


 

LETTRE 22

LUCIANUS A MONSIEUR CELERINUS SON COLLEGUE, SI TOUTEFOIS JE SUIS DIGNE D'ÊTRE APPELÉ : SON COLLEGUE DANS LE CHRIST, SALUT.
J'ai reçu votre lettre, Monsieur et très cher frère. Si grande a été ma peine à vous voir peiné, que cela a failli me faire perdre la grande joie de lire une lettre si longtemps souhaitée, et où vous avez daigné vous souvenir de moi, et dans votre humilité, me donner le plaisir de lire ces mots : " Si je suis digne d'être appelé votre frère", moi qui n'ai confessé le Nom de Jésus-Christ que devant de modestes fonctionnaires, et encore avec crainte; tandis que vous, avec la grâce de Dieu, vous ne l'avez pas confessé seulement, mais c'est le grand serpent (3) lui-même, le précurseur de l'antichrist que vous avez fait trembler par ces paroles et ces discours divins que je sais. Par là, comme ceux qui aiment la foi et sont zélés pour la discipline du Christ (sentiments dont la manifestation, chez vous, avec une ferveur de néophyte, m'a fait rire de plaisir), vous l'avez vaincu. Mais seulement, maintenant, très cher ami, digne d'être mis déjà au nombre des martyrs, vous avez voulu m'affliger par votre lettre, en me parlant de nos soeurs. Plût a Dieu qu'il nous fût possible de parler d'elles sans parler d'un si grand crime commis ! Assurément nous n'aurions pas à pleurer comme nous faisons maintenant.
Vous devez savoir ce qui s'est passé pour nous. Le bienheureux martyr Paul, étant encore de ce monde, m'appela et me dit : "Lucianus, je te le dis devant le Christ, si quelqu'un, après mon rappel à Dieu, te demande la paix, donne-la lui en mon nom". Mais, de plus, nous tous, que le Seigneur a daigné rappeler dans une si terrible persécution, nous avons, d'un commun accord, donné la paix à tous les lapsi en bloc. Voilà donc, frère, tant ce que Paul m'a recommandé, que ce que tous, d'un commun accord, nous avons décidé, dès avant l'épreuve présente, quand nous avons été condamnés, par ordre de l'empereur, à mourir de faim et de soif. Et nous avons été enfermés en deux cachots, sans qu'on arrivât à rien par la faim et la soif. Mais, de plus, la chaleur qui nous faisait souffrir, était telle que personne n'eût pu l'endurer. Maintenant, nous sommes en pleine lumière. Et par conséquent, frère très cher, salue Numeria et Candida, pour lesquelles selon la recommandation de Paul et des autres martyrs, dont je joins les noms : Bassus, au bureau des gages (4), Mappalicus, dans la torture, Fortunion, dans la prison, Paul, après la torture, Fortunata, Victorinus, Victor, Herennius, Credula, Hereda, Donatus, Firmus, Venustus, Fructus, Julia, Martialis, et Ariston, qui, Dieu le permettant, sont morts de faim dans la prison, et dont vous entendrez dire bientôt que nous avons partagé le sort. Car, il y a huit jours, au jour où je vous écris, que nous avons été incarcérés de nouveau. Et dans cet intervalle, en cinq jours, nous n'avons reçu qu'un peu de pain et de l'eau à la ration. Aussi, frère, je demande que quand notre Seigneur aura rendu la paix à l'Église elle-même, elles aient la paix, selon la recommandation de Paul, et notre ordonnance, après que leur cause aura été examinée devant l'évêque et qu'elles auront confessé leur faute; et non seulement elles, mais toutes celles que vous savez qui nous sont chères.
Tous mes collègues vous saluent. Pour vous, saluez de ma part les collègues qui sont avec vous, dont vous nous avez donné les noms, en particulier Saturninus avec ses compagnons, et aussi mon collègue Macarius, Cornelia et Emerita, Calpurnius et Maria, Sabina, Spesina et nos soeurs Januaria, Dativa, Donata. Nous saluons avec leur famille Saturus, Bassianus et tout le clergé, Vrnius, Alexius, Quintianus, Colonica et tous s'il vous plût; je n'écris pas les noms, tant je suis fatigué. Aussi doivent-ils me pardonner. Je souhaite que vous soyez en bonne santé, vous, Alexius, Getulicus, et les orfèvres, et nos soeurs. Recevez aussi le salut de mes soeurs Januaria et Sophia, que je vous recommande.
(3) C'est l'empereur Dèce qui est ici visé.
(4) Il faut sans doute entendre par "pignerarium", un local où on déposait des gages, pignera, pour emprunter de l'argent.

 


 

LETTRE 23

TOUS LES CONFESSEURS AU PAPE CYPRIEN, SALUT.

Sachez que tous ensemble nous avons donné la paix à ceux qui vous auront rendu un compte en règle de leur conduite depuis leur faute. Nous voulons que cette décision soit portée, par vous, à la connaissance des autres évêques. Nous souhaitons que vous soyez en bonne intelligence avec les saints martyrs. En présence de deux membres du clergé, un exorciste et un lecteur, Lucianus a écrit ceci.


 

LETTRE 24

A CYPRIEN ET A SES CONFRERES DANS LE SACERDOCE, QUI SONT A CARTHAGE, CALDONIUS SALUT.

La gravité des circonstances nous fait un devoir de ne pas donner à la légère la paix aux lapsi. Mais il me semble utile de vous écrire à propos de ceux qui, après avoir sacrifié, ont été soumis à une seconde épreuve et se sont vu exiler. Ils me semblent avoir effacé leur première faute, en abandonnant leurs biens et leurs demeures pour suivre le Christ en pénitents. Ainsi Félix, qui faisait le service de la communauté des prêtres sous Decimus, et qui était mon voisin de captivité (je connais donc particulièrement le dit Félix) et Victoria, sa femme, et Lucius, pour être restés fidèles, ont été exilés et ont dû abandonner leurs biens qui ont été confisqués. De plus, au cours de la persécution, agissant de même, une femme, du nom de Bona, avait été entraînée par son mari à l'endroit où l'on sacrifiait. Ayant conscience de n'avoir pas commis de faute (on l'avait tenue par la main, et on avait sacrifié pour elle), elle protestait en criant : "Ce n'est pas moi qui l'ai fait, c'est vous qui l'avez fait." Elle a donc, elle aussi, été exilée. Ils me demandent tous ensemble la paix : "Nous avons, disent-ils, recouvré la foi que nous avions perdue, nous avons fait pénitence et publiquement confesse le Christ." Il me semble bien qu'ils doivent recevoir la paix : mais j'ai voulu vous consulter, et je les ai remis jusque-là, de peur de paraître agir avec une présomption inconsidérée. Si vous prenez donc ensemble quelque résolution là-dessus, écrivez-le moi. Saluez les frères qui sont avec vous : ceux d'ici vous saluent. Je vous souhaite bonheur et santé.

 


 

LETTRE 25

CYPRIEN A CALDONIUS SON FRERE, SALUT.

Nous avons reçu, très cher frère, votre lettre, qui est sage et pleine d'honnêteté et de bonne foi. Et nous ne sommes pas surpris qu'étant exercé et rompu comme vous l'êtes aux Saintes Écritures, vous agissiez en tout avec prudence et circonspection. Vous pensez juste au sujet de la paix à accorder à nos frères, puisqu'une vraie pénitence et la gloire de confesser le Seigneur la leur a fait recouvrer, en les justifiant par leurs paroles mêmes qui les avaient d'abord perdus. Puisque donc ils se sont lavés de toute souillure et qu'avec la grâce de Dieu, ils ont effacé leur première faute par le courage qu'ils ont montré ensuite, ils ne doivent pas rester plus longtemps sous le pouvoir du diable, comme s'ils étaient par terre, eux qu'ont relevés l'exil et la confiscation de leurs biens, et qui sont debout avec le Christ. Dieu veuille que les autres aussi, se repentant après leur chute, soient remis dans l'état où ils étaient antérieurement. Pour le moment, ils nous pressent et s'efforcent avec témérité et importunité d'arracher la paix. Nous avons réglé leur cas, et pour que vous sachiez comment, nous vous envoyons un écrit, avec des lettres au nombre de cinq (5), que j'ai adressées au clergé, et aux martyrs et confesseurs. Ces lettres, envoyées à beaucoup de nos collègues, leur ont plu, et ils nous ont répondu qu'ils jugeaient comme nous, conformément à la foi catholique. Vous voudrez bien le faire savoir à nos collègues, autant que vous le pourrez, afin que nous ayons unité de conduite et unanimité de sentiments, selon le précepte de notre Seigneur. Je souhaite, frère très cher, que vous vous portiez toujours bien.

(5)Il s'agit des lettres 15,16,18,19

 


 

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