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LETTRE 71

CYPRIEN A QUINTUS, SON FRERE, SALUT.

Le prêtre Lucianus, notre collègue, a porté à ma connaissance, frère très cher, votre désir d'avoir notre sentiments sur ceux qui ont reçu le prétendu baptême des hérétiques ou des schismatiques. Pour vous faire savoir quel a été sur ce sujet l'avis de la nombreuse assemblée d'évêques et de prêtres que nous formions, je vous envoie un exemplaire de la lettre qui l'expose. (1) Je ne sais en effet quelle présomption conduit certains de nos collègues à penser que ceux qui ont été immergés chez les hérétiques, n'ont pas à être baptisés, quand ils viennent à nous, parce que, disent-ils il n'y a qu'un baptême. Mais ce baptême unique est à coup sûr dans l'Église catholique qui est une, et hors de l'Église il ne peut y avoir de baptême. Car, comme il ne peut y avoir deux baptêmes, si les hérétiques baptisent véritablement, c'est eux qui ont le baptême. Et celui qui leur accorde sur ce point le patronage de son autorité, leur cède et accorde qu'un ennemi, un adversaire du Christ, semble posséder le pouvoir de laver et de purifier l'homme. Nous, au contraire, nous disons que ceux qui viennent de là ne sont pas rebaptisés chez nous mais baptisés. Ils ne reçoivent rien, en effet, là où il n'y a rien, mais ils viennent à nous pour recevoir chez nous, où est toute grâce et toute vérité, car il n'y a qu'une grâce et qu'une vérité. Or, certains de nos collègues aiment mieux faire honneur aux hérétiques plutôt que de penser comme nous, et, en refusant, sous couleur de maintenir l'unité du baptême, de baptiser ceux qui viennent à nous, ou bien ils instituent eux-mêmes deux baptêmes, en prétendant qu'il y a aussi un baptême chez les hérétiques, ou bien, ce qu-i est plus grave, ils prétendent égaler la sordide et profane immersion des hérétiques, au vrai, "Celui qui est baptisé par un mort, à quoi servent ses ablutions ?" (Ec 34,30). Or, il est manifeste que ceux qui ne sont pas dans l'Église du Christ sont au nombre des morts, et qu'on ne peut recevoir la vie de celui qui n'est pas lui-même vivant, attendu qu'il n'y a qu'une Église qui, ayant obtenu la grâce de la vie éternelle, tout ensemble vit éternellement, et vivifie le peuple de Dieu.
Ils disent qu'ils suivent en cela l'antique usage. Mais celui-ci avait cours autrefois, quand c'étaient encore les premiers temps de l'hérésie et du schisme et que leurs adeptes sortant de l'Église, y avaient été déjà baptisés. Ceux-là, quand ils revenaient à l'Église et faisaient pénitence, il n'était pas nécessaire de les baptiser. C'est ce que nous observons aujourd'hui encore : ceux dont on sait pertinemment qu'ils ont été baptisés ici et nous ont quittés pour aller aux hérétiques, reviennent-ils ensuite, reconnaissant leur faute et quittant leur erreur, à la vérité et au giron maternel, il suffit de leur imposer la main pour les recevoir comme pénitents. Ainsi la brebis d'autrefois, un moment détournée et errante est reprise par le pasteur et rentre en son bercail, Si, au contraire, celui qui vient de l'hérésie n'a pas été baptisé dans l'Église, il doit être baptisé pour devenir une brebis du troupeau, parce qu'il n'y a qu'une eau dans l'Église catholique qui introduise au troupeau du Christ. Voilà pourquoi, comme il ne peut rien y avoir de commun entre le mensonge et la vérité, les ténèbres et la lumière, la mort et l'immortalité, l'Antichrist et le Christ, nous devons rester en tout fidèles à l'unité de l'Église catholique, et ne faire aucune concession aux ennemis de la foi et de la vérité.
Il ne faut point se retrancher derrière la coutume, mais vaincre par la raison. Pierre, que le Seigneur a choisi tout d'abord, et sur lequel il a bâti son Église, se trouvant par la suite en désaccord avec Paul au sujet de la circoncision, ne montra point d'arrogance ou de prétention insolente; il ne dit point qu'il avait la primauté, et que les nouveau venus et les moins anciens devaient plutôt lui obéir, et il ne méprisa point Paul, sous le prétexte qu'il avait été persécuteur de l'Église, mais il se rendit de bonne grâce à la vérité et aux justes raisons que Paul faisait valoir. Il nous donnait ainsi une leçon d'union et de patience, et nous apprenait à ne point nous attacher avec obstination à notre propre sentiment, mais à faire plutôt nôtres, quand elles sont conformes à la vérité et à la justice, les idées bonnes et salutaires qui peuvent nous être suggérées par nos frères et nos collègues. C'est ce même intérêt que Paul ménageait, quand, travaillant fidèlement au bien de la concorde et de la paix, il disait dans son Épître : "Pour les prophètes, que deux ou trois parlent, et que les autres délibèrent; si quelque autre qui est assis a une révélation. que le premier se taise" (Cor 14,29). Par quoi il nous montre qu'il y a bien des choses sur lesquelles d'autres personnes peuvent être mieux inspirées que nous, et que chacun doit, non pas défendre opiniâtrement ses premières idées, mais, si quelque idée meilleure et plus utile est exprimée, l'adopter de bon coeur. Nous ne sommes pas vaincus, en effet, mais armés, quand on nous offre un avis meilleur, surtout en ce qui concerne l'unité de l'Église et la vérité de notre espérance et de notre foi. Ainsi nous savons, nous les évêques de Dieu, qu'il a daigné mettre à la tête de son église, que la rémission des péchés peut se faire dans l'Église seulement, et que les adversaires du Christ ne se peuvent rien attribuer de ce qui regarde sa grâce.
C'est ce qu'Agrippinus, homme de sainte mémoire, a établi, de concert avec ses collègues dans l'épiscopat, qui en ce temps-là gouvernaient l'Église du Seigneur dans la province d'Afrique et la Numidie; c'est ce qu'il a décidé après en avoir délibéré avec eux. C'est leur décision sainte et légitime, salutaire à la foi, convenable pour l'Église catholique, que nous avons adoptée à notre tour. Et pour vous faire connaître la lettre que nous avons écrite à ce sujet, nous vous envoyons, comme notre affection nous en fait un devoir, un exemplaire destiné à informer et votre personne et nos collègues dans l'épiscopat, qui sont là-bas. Je souhaite, frère très cher, que vous vous portiez toujours bien.

(1) C'est la lettre synodale précédente (70).

LETTRE 72
CYPRIEN ET LES AUTRES A ÉTIENNE, LEUR FRERE, SALUT.

Pour régler certaines affaires, en les soumettant à l'examen d'une assemblée, nous avons été obligés, frère très cher, de nous réunir à plusieurs évêques et de tenir un concile (2). Beaucoup de questions y ont été apportées et mises au point. Mais nous devions vous écrire et conférer avec votre gravité et votre sagesse de celle-là surtout qui intéresse l'autorité épiscopale, l'unité et la dignité de l'Église catholique, qui sont d'institution divine. Nous avons donc décidé que ceux qui ont été immergés hors de l'Église, et souillés d'une eau profane, quand ils viennent à nous et à l'Église, qui est une, devaient être baptisés, parce que c'est trop peu de leur imposer la main pour qu'ils reçoivent le saint Esprit, s'ils ne reçoivent aussi le baptême de l'Église. En effet ils ne peuvent être pleinement sanctifiés et devenir enfants de Dieu, que
s'ils naissent des deux manières : "Si quelqu'un ne naît pas de l'eau et de l'Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu." (Jn 3,5). Nous voyons en effet dans les Actes des Apôtres que les apôtres, gardant fidèlement la vérité salutaire, observaient cette pratique. Lorsque, dans la maison du centurion Corneille, les païens qui étaient là, pleins d'une foi ardente, croyant en Dieu de tout leur coeur, eurent reçu le saint Esprit qui leur faisait bénir Dieu en diverses langues, l'apôtre Pierre, se souvenant du précepte divin et de l'évangile, prescrivit encore de les baptiser. Ils avaient pourtant été remplis du saint Esprit; mais c'était pour que rien ne parût avoir été omis, et que l'enseignement apostolique restât fidèle à la loi divine et à l'Évangile. Quant à ce que font les hérétiques; nous avons récemment établi avec soin que ce n'est pas un baptême, et qu'on ne peut rien obtenir par la grâce du Christ chez ceux qui s'opposent au Christ. C'est l'objet de la lettre qui a été écrite à Quintus notre collègue, qui est en Mauritanie; et aussi de celle que nos collègues ont précédemment envoyée aux évêques de Numidie. Je joins une copie de l'une et de l'autre.
Nous ajoutons, à la vérité, frère très cher, une autre décision prise d'un commun accord. Si des prêtres ou des diacres, ou bien ont été ordonnés dans l'Église catholique, et ensuite devenant rebelles et infidèles se sont mis contre l'Église, ou bien ont reçu, chez les hérétiques, de pseudo-évêques et d'antichrists, une ordination profane contraire à l'institution du Christ, et entre pris d'offrir au dehors, en face de l'autel unique et divin, des sacrifices faux et sacrilèges, ils ne doivent être reçus lorsqu'ils reviennent, qu'à la condition suivante : ils doivent accepter de ne participer qu'en laïcs à notre communion et se contenter d'être admis à la paix, eux que la paix comptait parmi ses ennemis. Ils ne doivent pas, lorsqu'ils reviennent, garder parmi nous les armes que leur donnait l'honneur de l'ordination, et dont ils se sont servis pour se révolter contre nous. Il faut en effet que les prêtres et les ministres de l'autel et des sacrifices soient sans tare et sans tache, car le Seigneur dit dans le Lévitique : "l'homme, qui aura en lui une souillure ou un vice, ne s'approchera pas pour faire des offrandes au Seigneur". (Lev 21,21). Il fait les mêmes recommandations dans l'Exode et dit : "les prêtres qui s'approchent du Seigneur se purifier, de peur que le Seigneur ne les abandonne" (Ex 19,22) et encore : "Quand ils s'approcheront de l'autel du Saint, ils n'auront point de faute en eux, pour ne pas mourir". (Ex 28,23). Mais quelle faute pourrait être plus grave, quelle tache plus affreuse, que de s'être dressé contre le Christ, que d'avoir divisé son Église, faite et fondée au prix de son Sang, que d'avoir mis en oubli la paix et la charité de l'évangile, pour combattre dans des sentiments d'hostilité et de discorde furieuse le peuple de Dieu, qui n'a qu'un coeur et qu'une âme ? Ceux qui sont dans ce cas, tout en revenant eux-mêmes à l'Église, ne peuvent rappeler et ramener avec eux ceux qui, égarés par eux, et surpris par la mort; hors de l'Église, sont morts sans la communion et sans la paix; ils auront au jour du jugement à répondre des âmes dont ils ont causé la perte. Voilà pourquoi il suffit de leur donner le pardon lorsqu'ils reviennent; l'infidélité ne doit pas être promue à des dignités dans la maison de la foi. Car que réservons-nous aux bons, aux innocents, à ceux qui ne s'écartent pas de l'Église, si nous honorons ceux qui se sont écartés de nous, et tournés contre l'Église ?
Voilà, frère très cher, ce que, en raison du respect et des égards que nous avons réciproquement et de notre sincère amitié, nous avons cru devoir porter à votre connaissance, pensant bien que votre zèle pour la religion et la sincérité de votre foi vous feront agréer des déclarations sincères et qui tendent au bien de la religion. Au surplus, nous n'ignorons pas que certains n'abandonnent jamais l'idée dont ils se sont une fois pénétrés, et ne changent pas facilement d'avis, mais, tout en gardant avec leurs collègues le lien de la paix et de la concorde, retiennent certains usages particuliers, qui ont eu une fois cours chez eux. En cela, nous non plus nous ne prétendons faire violence ni donner de loi à personne, chaque évêque ayant toute liberté dans l'administration de son Église, sauf à rendre compte à Dieu de sa conduite. Nous souhaitons, frère très cher, que vous vous portiez toujours bien.
(2) C'est sans doute le concile du printemps de 256.

 

 


LETTRE 73

CYPRIEN À JUBIANUS, SON FRERE, SALUT.

Vous m'écrivez, frère très cher, que vous désirez connaître notre sentiment sur le baptême des hérétiques, qui, étant hors de l'Église, s'attribuent une chose qui n'est ni de leur droit, ni de leur pouvoir. Cette prétention, nous ne pouvons ni la ratifier, ni la tenir pour légitime, attendu qu'elle constitue chez eux un abus. Comme nous avons marqué dans une lettre (3) notre sentiment à ce sujet, pour abréger, je vous en envoie une copie : vous connaîtrez ainsi ce que, dans une assemblée où nous étions en nombre, nous avons décidé, ce qu'ensuite j'ai écrit à Quintus (4), un de nos collègues, qui me consultait à ce sujet. Maintenant encore, nous venons de nous réunir au nombre de soixante et onze évêques tant d'Afrique que de Numidie, et nous avons confirmé notre manière de voir, décidant qu'il n'y a qu'un baptême, qui est dans l'Église catholique, et que, par conséquent, nous ne rebaptisons pas, mais baptisons ceux qui, venant d'une eau adultère et profane, doivent être lavés de nouveau et sanctifiés par la véritable eau de salut.
Nous ne sommes point touchés, frère très cher, de ce que vous dites dans votre lettre (5), que les Novatianistes rebaptisent ceux qu'ils nous débauchent, car nous pouvons nous désintéresser absolument de ce que font les ennemis de l'Église, pourvu que nous gardions l'honneur de notre pouvoir, et que nous nous attachions fermement à la raison et à la vérité. Novatien en effet, à la manière des singes, qui, sans être des hommes, imitent cependant les actions des hommes, prétend s'attribuer l'autorité de l'Église catholique alors qu'il n'est pas lui-même dans l'Église, que dis-je, alors qu'il s'est levé en rebelle et en ennemi contre l'Église. Sachant en effet qu'il n'y a qu'un baptême, il se l'attribue, disant que l'Église est chez lui, et faisant de nous des hérétiques. Mais nous possédons la source et le fondement de l'Église, laquelle est une; nous savons de science certaine qu'il n'a aucun droit hors de l'Église, et que l'unique baptême est chez nous où il a été baptisé lui-même quand il possédait encore le principe et la vérité de l'unité qui vient de Dieu. Si Novatien estime que ceux qui ont été baptisés dans l'Église doivent être rebaptisés hors de l'Église, il aurait dû commencer par lui-même. Il aurait dû se faire rebaptiser d'un baptême extérieur et hérétique, lui qui pense que, après l'Église, ou pour mieux dire, contre l'Église, on doit être baptisé au dehors ! Mais quelle étrange raison est-ce là, qu'à cause que Novatien ose rebaptiser, nous, nous ne devions pas le faire. Eh quoi ! parce que Novatien usurpe l'honneur du siège épiscopal, devons-nous pour cela renoncer à notre siège ? Et parce que Novatien entreprend de dresser un autel et d'offrir des sacrifices illégitimes, devons-nous abandonner autel et sacrifices, de peur de paraître l'imiter et lui ressembler ? Ce serait une folie assurément et une extravagance que l'Église, parce que Novatien s'attribue hors de l'Église un faux-semblant de vérité, allât abandonner la vérité elle-même.
Chez nous, au contraire, ce n'est pas une opinion récente ou nouvelle, qu'il faille baptiser ceux qui viennent de l'hérésie à l'Église. Il y a de longues années (c'était sous l'épiscopat d'Agrippinus (6), des évêques réunis en grand nombre en ont ainsi décidé; et depuis lors jusqu'à ce jour des milliers d'hérétiques dans nos provinces, revenant à l'Église, n'ont pas dédaigné ni fait difficulté de se conformer à cette discipline, mais plutôt ont compris qu'il était bien, et ont accepté de grand coeur, de recevoir la grâce du bain de vie et du baptême de salut. Il n'est pas en effet difficile à un catéchiste de faire agréer ce qui est vrai et légitime à celui qui, condamnant la perversité de l'hérésie, et embrassant la vérité de l'Église, vient à nous afin de s'instruire, et s'instruit afin de vivre. Ne donnons pas aux hérétiques l'étonnement de notre patronage et de notre accord avec eux : nous les verrons se rendre de bon coeur et allègrement à la vérité.
Aussi bien, comme je trouve dans la lettre dont vous m'avez envoyé une copie qu'il ne faut pas s'inquiéter de savoir qui a baptisé, puisque celui qui a été baptisé a pu recevoir la rémission de ses péchés selon sa foi, je ne crois pas devoir laisser passer cette affirmation, d'autant plus que dans la même lettre, je l'ai remarqué, il est fait mention aussi de Marcion, et qu'on y dit de ses disciples qu'ils ne doivent pas être baptisés lorsqu'ils reviennent à nous, attendu qu'ils paraissent avoir été baptisés au nom de Jésus Christ. Nous devons donc examiner la foi de ceux qui croient au dehors, et nous demander si, avec cette foi, ils peuvent en quelque mesure, acquérir la grâce. Car, s'il n'y a qu'une foi pour nous et pour les hérétiques, il peut n'y avoir aussi qu'une grâce. Si c'est le même Père, le même Fils, le même Esprit saint, la même Église, que reconnaissent avec nous les Patripassiens, les Anthropiens, les Valentiniens, les Appelletiens, les Ophites, les Marcionites, et autres pestes d'hérétiques, qui ruinent la vérité par leurs doctrines meurtrières et empoisonnées, ils peuvent avoir aussi un même baptême avec nous, puisqu'ils ont une même foi.
Pour éviter d'être long, en passant en revue toutes les hérésies, et les absurdités ou les folies de chaque d'elles, (car on n'aime pas à dire ce qu'on a horreur ou ce qu'on rougit de connaître), occupons-nous pour le moment de Marcion seul, dont il est question dans la lettre que vous nous avez envoyée et examinons si son baptême peut se défendre. Le Seigneur, après sa Résurrection, envoyant ses disciples, les instruit de la manière dont ils doivent baptiser, et leur dit : &"Tout; pouvoir M'a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du saint Esprit". (Mt 28,18-19). Il marque la Trinité, au nom de laquelle les nations devaient être baptisées. Est-ce que Marcion admet cette Trinité ? Est-ce qu'il confesse le même Dieu le Père Créateur que nous confessons ? Reconnaît-il le même Fils, le Christ, né de la Vierge Marie, le Verbe qui S'est fait chair, qui a porté sur Lui nos fautes, qui a vaincu la mort en mourant, qui a inauguré en Lui-même la résurrection de la chair, et a montré à ses disciples qu'Il était ressuscité dans la même chair où il avait vécu ? Tout autre est la croyance chez Marcion et les autres hérétiques; ou plutôt il n'y a chez eux qu'incroyance, blasphèmes et contentions, choses ennemies de la saine doctrine et de la vérité. Comment pourrait-on donc considérer celui qui est baptisé chez eux comme ayant obtenu la rémission de ses fautes, par le moyen de sa foi, lui qui n'a pas la foi véritable ? Si, en effet, comme certains le pensent, quelqu'un a pu recevoir quelque chose hors de l'Église, d'après sa foi, à coup s&ucircr; il a reçu ce qu'il a cru. Mais celui qui croyait le faux n'a pu recevoir le vrai; mais plutôt il a reçu, d'après sa foi, des choses comme sa foi adultères et profanes.
C'est ce baptême profane et adultère que Jérémie touche en passant, quand il dit : &"Pourquoi; ceux qui m'affligent sont-ils puissants ? Ma plaie est résistante. Comment guérirai-je. En se creusant, elle est devenue pour moi comme une eau trompeuse, et qui déçoit". (Jer 15,18). L'Esprit saint parle par la bouche du prophète d'une eau trompeuse et perfide. Quelle est cette eau trompeuse et perfide ? À coup s&ucircr;, c'est celle qui prend la figure mensongère du baptême, et prive de la grâce de la foi en en donnant une fausse apparence. Que si avec une foi fausse, quelqu'un a pu être baptisé au dehors, et obtenir la rémission de ses fautes, avec la même foi, il a pu recevoir l'Esprit saint, et il n'est pas nécessaire, quand il vient à nous qu'on lui impose la main, pour qu'il reçoive l'Esprit et soit confirmé. Ou bien en effet sa foi lui a permis d'acquérir au dehors l'un et l'autre, ou bien ni l'un ni l'autre n'a pu être acquis par lui au dehors.
Or, on sait ou et par qui peut être donnée la rémission des péchés que donne le baptême. C'est à Pierre d'abord, sur qui il a bâti son Église et en qui il a établi et montré l'origine de l'unité, que le Seigneur a conféré le privilège de voir délier ce qu'il aurait délié sur la terre. Après sa Résurrection aussi, c'est aux apôtres qu'Il s'adresse : &"Recevez; le saint Esprit. Si vous remettez les péchés à quelqu'un, ils lui seront remis; et, si vous les retenez, ils seront retenus". (Jn 21,22-23). Par là nous comprenons que c'est seulement à ceux qui sont les chefs dans l'Église, et dont l'autorité repose sur la loi évangélique et l'institution du Seigneur, qu'il est permis de baptiser et de donner la rémission des péchés, tandis qu'au dehors rien ne peut être ni lié ni délié, puisqu'il n'y a personne qui ait le pouvoir de lier ou de délier.
Nous avons pour nous l'autorité de l'Écriture divine, frère très cher, quand nous avançons que Dieu a réglé les choses de cette manière par une loi précise et des dispositions particulières, et que personne ne peut exercer en face des évêques et des prêtres des fonctions qui ne soient point dans ses attributions. Core, Dathan et Abiron essayèrent d'usurper, contre Moïse et le grand prêtre Aaron, le pouvoir de sacrifier, et leur usurpation ne demeura pas impunie. Les fils d'Aaron, qui avaient mis sur l'autel un feu étranger, périrent sur le champ. Le même châtiment attend ceux qui introduisent une eau étrangère dans un faux baptême : la divine Justice punit les hérétiques de faire contre l'Église une chose qui n'appartient qu'à l'Église.
D'aucuns objectent que ceux qui avaient été baptisés en Samarie (cf. Ac 8,14-17) ne reçurent à l'arrivée de Pierre et de Jean que l'imposition des mains, et par elle le saint Esprit, mais ne furent pas rebaptisés. Ce passage, frère très cher, ne s'applique visiblement pas au cas présent. Ces croyants de Samarie avaient cru de la vraie foi, et c'est à l'intérieur, dans l'Église une, et seule en possession de donner la grâce du baptême et de remettre les péchés, qu'ils avaient été baptisés par le diacre Philippe, envoyé par ces mêmes apôtres. Voilà comment, ayant reçu le baptême légitime de l'Église, ils n'avaient pas a être baptisés autrement. Pierre et Jean suppléèrent seulement ce qui leur manquait, en priant pour eux et en leur imposant la main, afin que l'Esprit saint invoqué se répandît sur eux. C'est ce qui se passe maintenant encore chez nous, où ceux qui sont baptisés dans l'Église sont présentés aux chefs de l'Église, et par notre prière, et l'imposition de notre main, reçoivent le saint Esprit et le sceau du Seigneur qui consomme leur initiation.
Il n'y a donc pas lieu, frère très cher, de penser qu'il faille céder aux hérétiques, et leur livrer le baptême qui n'a été donné qu'à la seule et unique Église. C'est le devoir d'un bon soldat de défendre contre les rebelles et les ennemis le camp de son général. C'est la gloire d'un chef de garder les enseignes qu'on lui a confiées. Il est écrit : &"Le; Seigneur votre Dieu est un Dieu jaloux". (Dt 4,24). Nous qui avons reçu l'Esprit de Dieu, nous devons avoir le soin jaloux de la foi divine. C'est par ce zèle que Phinées (cf Nom 25) plut à Dieu et L'apaisa, lorsque, dans sa Colère, il faisait périr son peuple. Pourquoi tiendrions-nous compte de ce qui est adultère, étranger, ennemi de la divine Unité, nous qui ne connaissons qu'un Christ, et qu'une Église, la sienne ? L'Église, à l'instar du paradis, renferme à l'intérieur de ses murs des arbres fruitiers. Parmi eux, celui qui ne donne pas de fruits est arraché et jeté au feu. Ces arbres, elle les arrose de quatre fleuves, c'est-à-dire des quatre évangiles par lesquels elle répand les flots célestes de la grâce du baptême. Mais celui qui n'est pas à l'intérieur, dans l'Église, peut-il arroser avec les eaux de l'Église ? Et comment pourrait-il donner à boire les eaux salutaires du paradis, celui qui, dévoyé, condamné par lui-même, rejeté loin de ces sources, s'est desséché et languit d'une soif éternelle ?
Notre-Seigneur crie que celui qui a soif vienne à Lui et boive aux fleuves d'eaux vives qui ont coulé de son Sein. Où ira celui qui a soif ? Sera-ce vers les hérétiques où il n'y a ni source ni courant d'eau vivifiante ? ou vers l'Église, qui est une et qui a été établie par la parole du Seigneur, à qui il a remis ses clefs ? Voilà celle qui seule a reçu et possède tout le pouvoir de son époux et de son maître. C'est dans cette Église que nous sommes évêques; c'est pour son honneur et son unité que nous combattons; c'est sa grâce tout ensemble et sa gloire que nous défendons. C'est nous qui, par la permission divine, abreuvons le peuple de Dieu qui est altéré, nous qui gardons les fontaines de vie. Si donc, nous maintenons nos droits de possession, si nous reconnaissons le sacrement de l'unité, pourquoi nous faire prévaricateurs vis à vis de la vérité ? traîtres à l'égard de l'unité ? L'eau de l'Église, fidèle, bienfaisante, sainte, ne peut subir de corruption, ni de souillure adultère, comme l'Église elle-même elle est incorruptible, chaste, pudique. Si les hérétiques sont dévoués à l'Église, sont dans l'Église, ils peuvent user de son baptême et de ses autres avantages spirituels. Mais s'ils ne sont pas dans l'Église, que dis-je ? s'ils sont les adversaires de l'Église, comment pourraient ils baptiser du baptême de l'Église ?
Ce n'est pas en effet une chose sans importance que l'on accorde aux hérétiques, quand on tient compte de leur baptême, car c'est de là que la foi prend son origine, que l'espérance de la vie éternelle entre en nous, que la divine Bonté purifie et vivifie ses serviteurs. Si l'on a pu recevoir le baptême chez les hérétiques, on a pu, à coup sûr, y obtenir la rémission de ses péchés Si quelqu'un a obtenu la rémission de ses péchés, il a été sanctifié. S'il a été sanctifie, il est devenu le temple de Dieu. Mais de quel Dieu ? Du Dieu créateur ? Mais ce lui fut impossible, puisqu'il ne croyait pas en lui. De Dieu le Christ ? Mais il n'a pu, non plus, devenir son temple, puisqu'il ne reconnaît pas Dieu le Christ. De l'Esprit saint ? Mais ils sont trois qui ne font qu'un : comment alors l'Esprit saint pourrait-il avoir pour agréable celui qui est l'ennemi ou du Père ou du Fils ?
Par conséquent, c'est bien en vain que certains qui sont battus par les armes de la raison nous opposent la coutume, comme si la coutume pouvait prévaloir sur la vérité, ou comme si l'on ne devait pas dans les choses spirituelles s'attacher à ce que le Saint Esprit a recommandé. On peut, en effet, pardonner à celui qui erre de bonne foi, comme le dit de lui-même le bienheureux apôtre Paul : &"J;'ai d'abord, dit-il, été un blasphémateur, un persécuteur, un insulteur. Mais j'ai obtenu miséricorde, parce que j'avais agi ainsi par ignorance". (Tim 1,13). Mais quand quelqu'un a reçu la révélation et l'inspiration divine, s'il persévère dans son erreur sciemment et volontairement, il pèche sans avoir de titre à être pardonné pour ignorance. Il n'est pas en effet exempt d'une certaine présomption et opiniâtreté, puisqu'il ne se rend pas à la raison qui le condamne. Et qu'on ne dise pas : La tradition, que nous avons reçue des apôtres, voilà ce que nous suivons, puisque les apôtres ne nous ont transmis qu'une Église et qu'un baptême, qui n'est que dans l'Église, puisque nous ne voyons pas que personne, après avoir été baptisé chez les hérétiques, ait été avec ce même baptême admis par les apôtres à la communion des chrétiens, ni par suite que les apôtres paraissent avoir approuvé le baptême des hérétiques.
Quelques-uns citent, comme de nature à favoriser les hérétiques, le mot de l'apôtre Paul : &"Cependant;, de quelque manière que l'on procède, soit avec des arrière-pensées, soit sincèrement, le Christ est annoncé". (Phil 1,18). Mais nous trouvons que ce mot non plus ne saurait être invoqué par ceux qui favorisent les hérétiques, et leur applaudissent. Ce n'est pas des hérétiques et de leur baptême que Paul parlait dans son épître, et ainsi on ne voit pas qu'il y ait rien dit concernant le sujet qui nous occupe. Il parlait des frères qui, ou bien marchaient de travers et contre la discipline ecclésiastique, ou bien au contraire gardaient dans la crainte de Dieu la vérité de l'évangile. Il disait que certains annonçaient avec constance et intrépidité la parole de Dieu, que certains donnaient dans l'envie et la contradiction, que certains lui gardaient une affection sincère, que d'autres avaient pour lui des sentiments malveillants, que lui cependant supportait tout avec patience, pourvu que, &"soit; avec des arrière-pensées, soit sincèrement" (cf Phil 1,1) le Nom du Christ fût porté à la connaissance d'un grand nombre de personnes, et que la prédication de la divine parole, nouvelle encore et à ses débuts, répandît de plus en plus sa semence. Or, c'est une chose que des gens qui sont à l'intérieur, dans l'Église, parlent au Nom du Christ, et une autre chose que ceux qui sont au dehors, contre l'Église, baptisent au nom du Christ. Par conséquent, si quelqu'un entend patronner les hérétiques, qu'il ne vienne pas citer un passage de Paul écrit au sujet de fidèles, qu'il montre, s'il le peut, que l'Apôtre a pensé qu'on d&ucirct; jamais concéder quoi que ce soit à un hérétique, qu'il a approuvé leur foi et leur baptême, ou qu'il a réglé que des mécréants et des blasphémateurs pouvaient recevoir la rémission de leurs péchés hors de l'Église.
Si, au contraire, nous considérons quel a été le sentiment des apôtres sur les hérétiques, nous trouverons que dans toutes leurs lettres, ils maudissent et déclarent détestable leur perversité sacrilège. Quand ils disent que leur parole a se répand de proche en proche comme la gangrène, comment la parole pourrait-elle remettre les péchés, qui se répand comme la gangrène aux oreilles des auditeurs ? Et quand ils disent qu'il n'y a rien de commun entre la justice et l'iniquité, aucun rapport entre la lumière et les ténèbres, comment les ténèbres pourraient-elles illuminer, et l’iniquité justifier ? Quand ils disent qu'ils ne sont pas de Dieu, mais de l'esprit de l'antéchrist, comment ceux-là pourraient-ils administrer les choses divines et spirituelles, qui sont les ennemis de Dieu et ont le coeur occupé par l'esprit de l'Antichrist ? Donc, si, laissant là les erreurs des disputes humaines, nous en revenons d'un coeur sincère et pieux à l'autorité de l'Évangile et à la tradition des apôtres, nous nous rendons bien compte que ceux-là n'ont aucun droit de donner la grâce salutaire réservée à l'Église, qui divisant et combattant l'Église du Christ, reçoivent du Christ Lui-même, le nom d'adversaires de ses apôtres, le nom d'antichrists.
Il ne faut point d'ailleurs qu'on essaie de détruire par ruse la vérité chrétienne, en mettant en avant le nom du Christ, et en disant : En quelque lieu et de quelque manière qu'on ait été baptisé au nom de Jésus Christ, on a reçu la grâce du baptême, car le Christ lui-même dit :
&"Tous;ceux qui disent Seigneur, Seigneur, n'entreront pas pour cela dans le royaume des cieux" (Mt 7,21) et Il nous avertit encore, Il nous apprend à ne point nous laisser tromper en son Nom par les pseudo-prophètes et les pseudochrists. &"Beaucoup;, dit-Il, viendront en mon Nom, disant : Je suis le Christ et ils tromperont beaucoup de monde" et ensuite il ajoute : &"Pour; vous, soyez sur vos gardes. Je vous ai tout dit d'avance". (Mc 13,6,23). Par où l'on voit qu'il ne faut pas sur le champ admettre et recevoir ce que d'aucuns prétendent faire au nom du Christ, mais seulement ce qui se fait dans la vérité chrétienne.
Que si, dans les Évangiles et les Épîtres des Apôtres, le nom de Jésus Christ entre dans la formule pour la rémission des péchés, ce n'est pas que le Fils puisse quelque chose pour quelqu'un sans le Père ou contre le Père. C'était pour que les Juifs, qui se vantaient d'avoir le Père, vissent bien que le Père ne leur servirait de rien, s'ils ne croyaient au Fils qu'il avait envoyé "car connaissant Dieu le Père et le créateur, ils devaient aussi connaître son Fils le Christ " et c'était aussi pour qu'ils ne pussent s'applaudir de connaître le Père sans connaître le Fils, lequel disait : &"Personne; ne vient au Père que par moi". (Jn 14,6). Il montre encore que c'est la connaissance des deux qui sauve, quand Il dit : &"La; vie éternelle consiste à Te reconnaître comme le seul et vrai Dieu, avec celui que Tu as envoyé, Jésus Christ". (Jn 17,3). Ainsi donc, d'après la déclaration et le témoignage du Christ Lui-même, on doit d'abord connaître le Père, qui a envoyé, puis le Christ qui a été envoyé. Comment alors, ne connaissant pas ou plutôt blasphémant Dieu le Père, ceux qu'on dit avoir été baptisés au Nom du Christ chez les hérétiques peuvent-ils être considérés comme ayant obtenu la rémission de leurs péchés ? Autre était le cas des Juifs au temps des apôtres, autre celui des Gentils. Les premiers, ayant déjà reçu le très ancien baptême de la loi et de Moïse, devaient être baptisés aussi au nom de Jésus Christ, selon l'invitation que leur fait Pierre dans les Actes des Apôtres : "Repentez-vou; et que chacun de vous soit baptisé au nom de notre Seigneur Jésus Christ pour la rémission de ses péchés, et vous recevrez le don du saint Esprit. La promesse en effet est pour vous et pour vos enfants, et pour tous ceux que successivement appellera le Seigneur notre Dieu." (Ac 2,38-39). Pierre fait mention de Jésus Christ, non qu'il oublie le Père, mais pour qu'au Père le Fils f&ût adjoint.
Enfin, quand, après la résurrection, le Seigneur envoie les apôtres vers les nations, c'est au Nom du Père, du Fils et du saint Esprit qu'il leur ordonne de baptiser les gentils. Comment dès lors certains viennent-ils dire que, hors de l'Église, que dis-je, contre l'Église, le gentil, baptisé n'importe où et de n'importe quelle manière, pourvu que ce soit au nom de Jésus Christ peut recevoir la rémission de ses péchés, quand le Christ Lui-même ordonne de baptiser au nom de toute la Trinité ? À moins que par hasard celui qui renie le Christ soit renié par Lui, et qu'en même temps celui qui renie son Père que le Christ Lui-même a confessé, ne soit point renié, et que le blasphémateur de celui que le Christ a proclamé son Seigneur et son Dieu, récompensé par le Christ, reçoive la rémission de ses péchés et la sanctification que donne le baptême ! Mais par quel pouvoir peut-il recevoir au baptême la rémission de ses fautes, celui qui nie que Dieu soit le Père du Christ, quand le pouvoir même par lequel nous sommes baptisés et sanctifiés, le Christ l'a reçu de ce même Père qu'Il a déclaré plus grand que Lui, à qui Il a demandé d'être glorifié, dont Il a accompli la volonté jusqu'à boire le calice et subir la mort? Que fait-on d'autre, que de blasphémer avec les hérétiques, quand on veut soutenir que celui-là peut recevoir la rémission de ses fautes au Nom du Christ, qui blasphème, et péché gravement contre le Père, le Seigneur, et le Dieu du Christ ? Mais de plus, comment se pourrait-il que celui qui renie le Fils n'ait pas le Père, et que celui qui renie le Père paraisse avoir le Fils, quand le Fils lui-même déclare : "Personne ne peut venir à Moi si le Père ne lui permet ?" (Jn 6,65). Ainsi il est manifeste que l'on ne peut dans le baptême recevoir du Fils aucune rémission des péchés, qui ne soit accordée par le Père, surtout que le même Fils dit encore : &"Toute; plante qui n'aura pas été plantée par mon Père qui est aux cieux sera arrachée". (Mt 15,13).
Que si des disciples du Christ, ne veulent pas que le Christ leur apprenne tout ce qu'on doit de respect et de vénération au nom paternel, qu'ils l'apprennent du moins par les exemples de la terre et du siècle, et qu'ils sachent que ce n'est pas sans leur adresser le plus grave des reproches que le Christ a dit : "Les enfants du siècle sont plus sages que les enfants de la lumière." (Lc 16,8). Dans le siècle, si un père est insulté, si son honneur et sa réputation ont été déchirés par des langues médisantes et injurieuses, son fils s'indigne, s'irrite, et s'applique de toutes ses forces à venger l'injure qui lui a été faite. Et vous croirez que le Christ accordera l'impunité à des impies et à des sacrilèges, à des blasphémateurs de son Père, et qu'Il remettra les péchés dans le baptême, a des gens dont Il sait qu'une fois baptisés ils continueront de répandre l'outrage sur la Personne de son Père, et que leur langue perverse ne se lassera pas de blasphémer. Cela, un chrétien, un serviteur de D;eu peut-il le concevoir, le croire, le dire ? Que deviennent alors les préceptes divins de la loi : 'Honore ton père et ta mère" ? (Ex 20,12). À moins que le Nom de père, que l'on recommande d'honorer en l'homme, puisse être outragé impunément en Dieu ! Que devient l'arrêt que le Christ Lui-même proclame dans l'Évangile : 'Celui qui parlera mal de son père ou de sa mère, qu'il soit puni de mort" ? (Mt 15,4). À moins que celui qui commande de punir et de mettre à mort ceux qui parlent mal de leurs parents selon la chair, ne donne la vie lui-même à ceux qui parlent mal du Père spirituel, et céleste, et se font les ennemis de l'Église, leur mère. C'est une thèse exécrable et détestable que l'on soutient, en prétendant que celui qui menace d'une faute éternelle le blasphémateur du saint Esprit est le même qui sanctifie par le baptême du salut les blasphémateurs de Dieu le Père. Ceux qui estiment, quand de tels pécheurs viennent à l'Église, qu'on les doit admettre à la communion sans les baptiser, ne réfléchissent ils pas qu'ils se font complices"; fautes d'autrui que dis-je, de fautes éternelles, admettant sans le baptême des gens qui ne peuvent se purifier que dans le baptême des fautes contractées par leurs blasphèmes ?
Aussi bien quelle absurdité de notre part et quel désordre, alors que les hérétiques, répudiant et abandonnant leur erreur ou leurs crimes, reconnaissent eux-mêmes la vérité de l'Église, que de mutiler nous-mêmes les droits et les sacrements de la vérité; que de dire à ceux qui viennent à nous pleins de repentir, qu'ils ont déjà obtenu la rémission de leurs péchés, quand ils confessent qu'ils ont péché, et qu'à cause de cela ils viennent demander le pardon de l'Église. Voilà pourquoi, frère très cher, nous devons fermement, et garder et enseigner la foi et la vérité de l'Église catholique, et montrer par tous les préceptes de l'Évangile et des apôtres le caractère de l'unité et l'ordre de la dispensation divine.
Est-ce que l'efficacité du baptême peut être plus grande que celle de la confession du Christ devant les hommes, que celle des souffrances où l'on est baptisé dans son propre sang ? Et pourtant ce baptême-là lui-même ne sert pas à l'hérétique qui, ayant confessé le Christ, a été mis à mort hors de l'Église : à moins que, les patrons et les défenseurs des hérétiques ne les proclament martyrs, quand une fausse confession du Christ les a fait mettre à mort, et que, contre l'affirmation de l'Apôtre déclarant qu'il ne leur sert de rien d'être brûlés ou tués, ils ne leur accordent la gloire et la couronne du martyre. Que si le baptême même de la confession publique et du sang répandu ne peut profiter à l'hérétique au point de vue du salut, attendu qu'il n'y a point de salut hors de l'Église, à combien plus forte raison ne lui servira-t-il de rien d'avoir été lavé d'une eau corrompue dans les ténèbres d'une caverne de voleurs. Non seulement il n'y aura pas laissé ses fautes ancienne, mais il en aura plutôt contracté de nouvelles, d'une gravité plus grande. Aussi le baptême ne peut-il nous être commun avec les hérétiques, avec qui ni Dieu le Père, ni le Christ son Fils, ni le saint Esprit, ni la foi, ni l'Église ne nous sont communs. Et voilà pourquoi il faut baptiser ceux qui viennent de l'hérésie à l'Église, afin qu'étant régénérés divinement et préparés au royaume de Dieu par le vrai, légitime et unique baptême de l'Église, ils reçoivent la vie de l'un et de l'autre sacrement, car il est écrit : 'Nul, s'il ne renaît de l'eau et de l'esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu." (Jn 3,5).
Mais quelques-uns en cet endroit, comme s'ils pouvaient par des raisonnements humains anéantir la vérité de l'enseignement évangélique, nous opposent les catéchumènes, et nous demandent si, au cas où l'un d'eux, avant d'être baptisé dans l'Église, serait arrêté pour avoir confessé le Nom du Christ, et mis à mort, il devrait renoncer à l'espoir du salut et à la récompense de sa confession, parce qu'il n'aurait pas auparavant puisé dans l'eau une vie nouvelle. Eh bien, qu'ils sachent, ces partisans, ces fauteurs d'hérétiques, que les catéchumènes en question, tout d'abord, ont la foi entière et la vérité de l'Église, et qu'ils partent du camp divin pour combattre le diable, avec une connaissance entière et pure de Dieu le Père, du Christ, et du saint Esprit; ensuite, qu'ils ne sont même pas privés du sacrement de baptême, vu qu'ils sont baptisés de ce baptême très glorieux et très noble, dont le Seigneur disait qu'il avait un autre baptême à recevoir. Or qu'ainsi baptisés dans leur sang, et sanctifiés par leurs souffrances, ils soient parfaits, et reçoivent la grâce promise par Dieu, c'est ce que le même Seigneur déclare, quand Il parle au larron, qui croyait en Lui et le confessait au milieu de ses souffrances, et qu'Il lui promet qu'il sera avec Lui dans le paradis. Voilà pourquoi nous, qui sommes les gardiens de la foi et de la vérité, nous ne devons point tromper et décevoir ceux qui viennent à la vérité et à la foi, et qui demandent que les péchés leur soient remis, mais plutôt nous devons les corriger, les réformer et les instruire pour le royaume des cieux, en leur apprenant les enseignements célestes.
Mais on dira : Quel sera donc le sort de ceux qui, dans le passé, venant de l'hérésie à l'Église, y ont été admis sans baptême ? La Miséricorde du Seigneur est assez puissante pour leur faire grâce, et ne point priver des avantages de son Église ceux qui, admis de bonne foi dans cette Église, sont venus à y mourir. Mais ce n'est pas une raison, parce qu'on a erré une fois, d'errer toujours, et il convient plutôt à des gens qui sont sages et ont la crainte de Dieu dans le coeur, de se rendre volontiers et promptement à la vérité découverte et reconnue, plutôt que de s'opiniâtrer à lutter pour les hérétiques, contre des frères et des évêques.
Que l'on ne s'imagine pas d'ailleurs que le baptême qu'on oppose aux hérétiques les scandalise, comme si l'on parlait d'un second baptême, et les détourne de revenir à l'Église. Au contraire, la nécessité de venir à nous impose davantage à leurs esprits, quand on leur montre la vérité et qu'on les en convainc. Car s'ils voient que nos avis, et nos décisions tiennent pour authentique et légitime le baptême dont on baptise chez eux, ils croiront aussi posséder légitimement et authentiquement les autres biens de l'Église, et il n'y aura plus de raison pour eux de venir à nous, puisqu'ils paraîtront avoir le baptême, et tout le reste. Mais au contraire, en reconnaissant qu'il n'y a point de baptême au dehors, et que la rémission des péchés ne se peut obtenir hors de l'Église, ils ont plus d'ardeur, plus de promptitude à venir vers nous, et à solliciter les privilèges et les avantages de l'Église notre mère, certains de ne pouvoir du tout obtenir la vraie grâce promise par Dieu, s'ils ne viennent d'abord à la vraie Église. Et les hérétiques ne refuseront pas de se laisser baptiser chez nous du vrai et légitime baptême de l'Église, quand ils auront appris de nous, que ceux-là même furent baptisés par Paul, qui avaient reçu le baptême de Jean, d'après ce que nous lisons dans les Actes des apôtres.
Après cela, certains d'entre nous défendent encore le baptême des hérétiques, et, par une sorte d'aversion à l'égard d'un prétendu second baptême, ils estiment criminel de baptiser après les ennemis de Dieu, alors que nous voyons qu'on baptise ceux que Jean avait baptisés, ce Jean, qui fut tenu pour le plus grand des prophètes, rempli de la grâce divine dès le sein de sa mère, animé de l'esprit et de la vertu d'Elie, Jean, qui ne fut pas un adversaire du Seigneur, mais son précurseur et son héraut, qui n'annonça pas seulement le Seigneur par des prédications, mais le montra aux yeux, qui baptisa le Christ Lui-même au nom de qui tous les autres sont baptisés. Que si un hérétique a pu avoir le droit de baptême parce qu'il a baptisé le premier, le baptême ne sera plus désormais à personne, mais au premier occupant; et comme le baptême et l'Église ne peuvent absolument pas être séparés, celui qui a pu occuper le premier le baptême, a de même occupé l'Église, et voilà que vous devenez hérétique, vous qui, vous étant laissé prévenir, n'êtes arrivé que le second, et qui, en cédant, en vous rendant, avez abandonné le droit que vous aviez reçu. Or combien il est périlleux dans les choses spirituelles de céder de son droit et de son pouvoir, l'Écriture sainte le montre, lorsque, dans la Genèse, Esaü perd les avantages de sa primauté, et ne peut recouvrer ensuite ce qu'il a une fois cédé.
Voilà, en bref, frère très cher, ce que selon ses lumières mon humble personne avait à vous répondre. Je ne veux rien prescrire à qui que ce soit, ni empêcher que chaque évêque ne fasse ce qu'il veut : il a toute liberté de décision. Quant à nous, autant qu'il est en notre pouvoir, nous n'avons pas de démêlés au sujet des hérétiques avec nos collègues et nos co-evêques. Nous gardons avec eux la divine concorde et la paix du Seigneur. L'Apôtre dit : "quelqu'un pense devoir contester, telle n'est pas notre coutume, ni celle de l'Église de Dieu." (1 Cor 11,16). Avec patience et douceur, nous gardons l'union des âmes, l'honneur du collège, le lien de la fois, la concorde de l'épiscopat. Voilà pourquoi aussi, avec la permission de Dieu et son inspiration, nous avons composé, comme nos modestes lumières nous l'ont permis, un traité "avantages de la Patience. (7)" que nous vous envoyons, ainsi que notre mutuelle affection nous en faisait un devoir. Je souhaite, frère très cher, que vous vous portiez toujours bien.
(3) la lettre 70.
(4) C'est la lettre 71
(5) La lettre 71
(6) Aux environs de l'année 220 de sainte mémoire.
(7) C'est le XIIe traité de l'édition Hartel. C'est une adaptation du De patientia de Tertullien.

 


LETTRE 74

CYPRIEN A POMPÉIUS (8) SON FRERE, SALUT.

Bien que nous ayons traité pleinement toute la question du baptême des hérétiques dans les lettres dont nous vous envoyons des copies, pourtant, frère très cher, comme vous désirez connaître ce qu'a répondu Étienne, notre frère, à notre lettre, je vous envoie une copie de sa réponse. En la lisant, vous verrez de plus en plus l'erreur où il est, lui qui entreprend de soutenir la cause des hérétiques contre les chrétiens et contre l'Église de Dieu. Car, entre autres choses, ou hautaines, ou étrangères au sujet, ou contradictoires, qu'il a écrites, maladroitement et imprudemment, il a encore ajouté ceci : "Si donc des hérétiques viennent à nous, de quelque secte que ce soit, que l'on n'innove point, mais qu'on suive seulement la tradition, en leur imposant les mains pour les recevoir à pénitence, d'autant que les hérétiques eux-mêmes, d'une secte à l'autre, ne baptisent point suivant leur rite particulier ceux qui viennent à eux, mais les admettent simplement à leur communion.
Il défend de baptiser dans l'Église "ceux qui viennent de quelque hérésie que ce soit", c'est-à-dire qu'il tient les baptêmes de tous les hérétiques pour légitimes et authentiques. Et comme chaque secte a son baptême et ses péchés, en admettant le baptême de tous les hérétiques, ce sont les péchés de tous qu'il assemble et accumule sur sa tête. Il prescrit "de n'innover en rien, mais de suivre seulement la tradition", comme si celui-là innovait, qui, restant fidèle à l'unité, réclame pour l'Église unique un unique baptême, et non pas plutôt celui qui, oubliant l'unité, use du mensonge d'une ablution profane. "Qu'on n'innove en rien, dit-il, mais qu'on suive seulement la tradition." Mais, d'où vient cette tradition ? A-t-elle pour elle l'autorité du Seigneur et de l'Évangile ? Vient-elle des apôtres et de leurs Épîtres ? C'est en effet ce qui est écrit que l'on doit faire. Dieu l'atteste, et nous en avertit, lorsqu'Il dit à Josué, fils de Navé : "Le livre de cette loi ne s'éloignera point de votre bouche, mais vous le méditerez jour et nuit, afin d'être attentif à faire ce qui y est écrit". De même le Seigneur, envoyant ses apôtres, leur prescrit de baptiser les nations et de les instruire à garder tous ses préceptes. Si donc il est prescrit dans l'Évangile, ou dans les Épîtres des apôtres, ou dans les Actes, de ne point baptiser a ceux qui viennent de quelque hérésie que ce soit, mais de leur imposer seulement les mains pour les admettre à la pénitence, que l'on observe cette tradition divine et sainte. Mais si les hérétiques n'y ont jamais que le nom "d'adversaires", et &"d;'antichrists", s'ils y sont déclarés "gens à éviter, pervers, condamnés par eux-mêmes", comment peut-on trouver que ceux-là ne doivent pas être condamnés par nous, que le témoignage apostolique nous montre condamnés par eux-mêmes ? De sorte que personne ne doit faire tort aux apôtres, en laissant croire qu'ils aient approuvé les baptêmes des hérétiques, ou les aient admis à leur communion sans le baptême de l'Église, alors que les apôtres ont parlé de la sorte contre les hérétiques; et cela, à une époque où les plus dangereuses hérésies ne s'étaient pas encore déchaînées, ou Marcion le Pontique n'était pas encore sorti du Pont, lui dont le maître Cerdon ne vint à Rome que sous l'épiscopat d'Hygin, le neuvième évêque de cette ville. Marcion, suivit son maître, en ajoutant à ses crimes. Il blasphéma contre Dieu le Père, le Créateur, avec plus d'impudence et de violence que les autres, et mit une plus grande scélératesse à munir d'armes sacrilèges la fureur hérétique en révolte contre l'Église.
Ainsi, il est établi que depuis les apôtres, il s'est élevé des hérésies plus nombreuses et plus graves; nulle part d'ailleurs, dans le passé, il n'est prescrit ni écrit "que l'on doive imposer seulement la main à l'hérétique pour la pénitence", et l'admettre ainsi à la communion. D'autre part, il n'y a qu'un baptême qui est chez nous, à l'intérieur, confié par Dieu à l'Église seule. Quel est donc, après tout cela, cet entêtement, cette présomption, de préférer une tradition humaine à une disposition divine, et ne pas vouloir remarquer que Dieu s'irrite toutes les fois qu'une tradition humaine néglige et ruine les préceptes divins. C'est ce que Dieu Lui-même proclame par la bouche du prophète Isaïe, quand Il dit : "Ce peuple m'honore du bout des lèvres, mais son coeur est loin de Moi. C'est en vain qu'ils Me rendent un culte, puiqu'ils suivent des préceptes et des doctrines, qui sont de l'homme". (Is 29,13). C'est le même reproche que Dieu fait dans l'Évangile : "Vous rejetez les préceptes de Dieu, pour établir notre tradition". (Mc 7,13). Se souvenant de ces paroles, l'Apôtre donne des avertissements à son tour, et dit : "Si quelqu'un, par un aveuglement d'orgueil et par ignorance, vous enseigne autre chose, et ne se conforme pas aux salutaires instructions et à la doctrine de notre Seigneur Jésus Christ, éloignez-vous de lui." (1 Tim 6,3-5).
Elle est belle, ah oui, et légitime, la tradition que notre frère Étienne propose, pour nous fournir une autorité convenable ! N'ajoute-t-il pas au même endroit de sa lettre : "D'autant que les hérétiques eux-mêmes d'une secte à l'autre ne baptisent pas ceux qui viennent à eux, mais les admettent simplement à leur communion". L'Église de Dieu, l'épouse du Christ est, en effet, devenue bien malheureuse; voilà qu'elle doit se mettre à la remorque des hérétiques, que, pour l'administration des sacrements divins, ce sera la lumière qui empruntera aux ténèbres, et les chrétiens qui feront ce que font les hérétiques ! Mais quel est donc cet aveuglement, quelle est cette aberration, de ne point vouloir reconnaître l'unité de la foi, qui vient de Dieu le Père et de la tradition de Jésus Christ, notre Seigneur et notre Dieu ? En effet, si l'Église n'est pas chez les hérétiques, parce qu'elle est une et ne peut se diviser, et si le saint Esprit n'est pas chez eux, parce qu'Il est un et ne peut être chez des profanes et des gens du dehors, à coup sûr le baptême, qui a la même unité, ne peut être chez les hérétiques, puisqu'il ne peut être séparé ni de l'Église, ni du saint Esprit.
Ou bien, s'ils attribuent l'efficacité du baptême à la majesté du Nom du Christ, de telle façon que, pour eux, celui qui est baptisé en ce nom, de n'importe quelle manière et n'importe où, soit renouvelé et sanctifié, chez les hérétiques on impose aussi les mains à celui qui a été baptisé pour qu'il reçoive le saint Esprit : alors pourquoi la majesté du nom n'a t-elle pas, dans l'imposition des mains, la même efficacité qu'ils lui attribuent dans la sanctification pour le baptême ? Car si celui qui est né hors de l'Église peut devenir le temple de Dieu, pourquoi le saint Esprit ne pourrait-Il pas descendre dans ce temple ? Celui qui, déposant dans le baptême la souillure de ses péchés, a été sanctifié et est devenu spirituellement un homme nouveau, a été rendu apte à recevoir le saint Esprit, car l'apôtre dit : "Vous tous, qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ".
Celui qui peut, en recevant le baptême des hérétiques, revêtir le Christ, peut, à bien plus forte raison, recevoir le saint Esprit que le Christ a envoyé. Aussi bien, pour que celui qui a été baptisé en dehors ait pu revêtir le Christ sans recevoir le saint Esprit, il faudra que celui qui est envoyé soit plus grand que celui qui l'envoie, sans compter d'ailleurs que le Christ ne saurait être revêtu sans l'Esprit, ni l'Esprit séparé du Christ. C'est un autre illogisme de dire, alors que la naissance est spirituelle dont nous naissons dans le Christ par le bain de la régénération, que quelqu'un peut naître spirituellement chez les hérétiques, où ils n'admettent pas la Présence de l'Esprit. L'eau seule, sans le saint Esprit, ne peut effacer les péchés et sanctifier l'homme. Il est donc nécessaire, ou bien qu'ils nous accordent que le saint Esprit aussi est là ou ils disent qu'est le baptême, ou bien que le baptême n'est pas là où l'Esprit n'est pas, puisque le baptême ne peut être sans l'Esprit.
Quelle est d'autre part cette prétention de soutenir que l'on puisse être fils de Dieu sans être né dans l'Église ? C'est dans le baptême que meurt le vieil homme et que naît l'homme nouveau, comme le montre le bienheureux Apôtre : "Il nous a sauvés, dit-il, par le bain de la régénération". (Tit 3,5). Si donc c'est par le bain, c'est-à-dire par le baptême, que se fait cette régénération, comment l'hérésie pourrait-elle enfanter des fils à Dieu par le Christ, elle qui n'est pas l'épouse du Christ ? C'est l'Église seule en effet qui, unie au Christ, enfante spirituellement, comme le dit encore le même Apôtre : "Le Christ a aimé son Église, et S'est livré pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant par son bain". (Ep 5,25-26). Si donc elle est la bien-aimée et l'épouse, qui seule est sanctifiée par le Christ, et seule purifiée par son bain, il est manifeste que l'hérésie, qui, n'étant pas l'épouse du Christ, ne peut être purifiée ni sanctifiée par son bain, ne peut enfanter des fils à Dieu
De plus, ce n'est pas quand on reçoit le saint Esprit par l'imposition des mains, que l'on naît, c'est dans le baptême; mais l'on reçoit le saint homme. Dieu le forma d'abord, puis il souffla sur sa face un souffle de vie. Le saint Esprit, en effet, ne peut être reçu si celui qui le doit recevoir n'existe d'abord. Mais alors, comme la naissance des chrétiens a lieu au baptême, que la génération et la sanctification ne se trouvent que chez l'épouse du Christ, qui seule peut enfanter spirituellement et donner des enfants à Dieu, où donc, de qui, à qui est né celui qui n'est pas le fils de l'Église ? Pour pouvoir avoir Dieu pour père, qu'il ait d'abord l'Église pour mère ! Et, alors que, hors de l'Église, aucune hérésie, ni même aucun schisme ne peut posséder la sanctification du baptême salutaire, l'inflexible entêtement de notre frère Étienne va jusqu'à prétendre que même le baptême de Marcion, et aussi celui de Valentin, d'Apelle et des autres, qui blasphèment contre Dieu le Père, donne naissance à des enfants de Dieu, jusqu'à dire que la rémission des péchés est accordée au Nom de Jésus Christ là même ou l'on blasphème contre le Père et contre le Christ notre Seigneur !
Et ici, frère très cher, nous devons nous demander, en tenant compte des devoirs de notre charge, si au jour du jugement, un évêque de Dieu pourra être en règle avec son maître, s'il défend, approuve, et reçoit comme authentiques les blasphèmes des blasphémateurs, alors que le Seigneur fait cette menace : "Et maintenant voici mon décret pour vous, ô prêtres. Si vous n'écoutez pas, et si vous ne prenez pas à coeur d'honorer mon Nom, dit le Seigneur Tout-Puissant Je lancerai contre vous ma malédiction, et Je maudirai vos bénédictions". (Mt 2,1-2). Honore-t-il Dieu, celui qui est en communion avec le baptême de Marcion ? Honore-t-il Dieu, celui qui estime que la rémission des péchés se donne chez ceux qui blasphèment contre Dieu ? Honore-t-il Dieu, celui qui prétend que, hors de l'Église naissent, d'une adultère et d'une pros tituée, des enfants de Dieu ? Honore-t-il Dieu, celui qui, infidèle à l'unité et à la vérité établie par l'institution divine, défend les hérésies contre l'Église ? Honore-t-il Dieu celui qui, se faisant l'ami des hérétiques et l'ennemi des chrétiens, croit que les évêques, qui restent fidèles à la vérité du Christ, et à l'unité de l'Église, doivent être excommuniés ? Si c'est ainsi que Dieu est honoré, si c'est ainsi que la crainte de Dieu et la discipline sont observées par ses adorateurs et ses évêques, mettons bas les armes, rendons-nous pour être esclaves, livrons au diable les règles de l'Évangile, la loi du Christ, la Majesté de Dieu. Rompons les serments de la milice divine, livrons les étendards du camp spirituel, que l'Église cède à l'hérésie, la lumière aux ténèbres, la foi à l'infidélité, l'espérance au désespoir, la raison à l'erreur, l'immortalité à la mort, la charité à la haine, la vérité au mensonge, le Christ à l'Antichrist. Quoi d'étonnant alors, que chaque jour s'élèvent des schismes et des hérésies, qu'ils croissent et grandissent, que les serpents de leurs têtes prennent plus de force pour lancer leur venin contre l'Église de Dieu, quand certains les soutiennent et leur prêtent l'appui de leur patronage, quand on défend leur baptême, quand on trahit la foi, la vérité; quand ce qui se fait au dehors contre l'Église est ratifié à l'intérieur, dans l'Église même ?
Que si nous avons en nous, frère très cher, la crainte de Dieu, si nous observons les préceptes du Christ, si nous gardons incorruptible et inviolable la sainteté de son épouse, si nos sens et nos coeurs ont présente la parole du Seigneur : "Croyez-vous; que quand le Fils de l'homme viendra, il trouvera de la foi sur la terre ?", (Lc 18,8) en tant que fidèles soldats de Dieu, faisant notre service avec une foi et une piété sincère, gardons courageusement et fidèlement le camp qui nous a été divinement confié. La coutume, qui s'est peu à peu établie chez quelques-uns, ne doit pas empêcher la vérité de prévaloir et de triompher. Car la coutume sans la vérité n'est qu'une erreur qui est vieille. Donc laissons-là l'erreur et attachons nous à la vérité, sachant bien que la vérité triomphe, comme il est écrit en Esdras. "La vérité demeure et reste forte éternellement, elle subsiste dans les siècles des siècles. Il n'y a pas chez elle d'acception de personnes, ni de différence; elle fait ce qui est juste. L'iniquité n'est point dans son jugement. Elle est la force, l'autorité, la majesté et la puissance pour tous les siècles. Béni soit le Dieu de vérité". (1 Esr 4,38-40). C'est cette vérité que le Christ nous montre, quand Il dit dans son Évangile : "Je suis la Vérité". (Jn 14,6). Par conséquent si nous sommes dans le Christ et que le Christ soit en nous, si nous demeurons dans la vérité, et que la vérité demeure en nous, attachons nous à ce qui est vrai.
Il arrive malheureusement que par présomption et entêtement on défende son opinion, fausse et mauvaise, plutôt que de se rallier à celle d'autrui, même juste et vraie. C'est à quoi pense le bienheureux apôtre Paul, quand, écrivant à Timothée, il l'avertit qu'un évêque ne doit pas être querelleur ni opiniâtre, mais doux et docile. Or, celui-là est docile, qui est assez doux et facile pour avoir la patience de s'instruire. Il faut, en effet, que les évêques non seulement enseignent, mais encore s'instruisent, car justement on enseigne mieux quand on gagne tous les jours et qu'on fait des progrès en s'instruisant. C'est précisément ce que nous enseigne le même apôtre Paul, en prescrivant que si, pendant que l'un parle, "l'autre qui est assis a une meilleure révélation, le premier se taise". (cf 1 Cor 14,30). Or, il est facile aux âmes religieuses et droites de se défaire de l'erreur, de découvrir la vérité et de l'amener au jour. Si l'on remonte à la source et à l'origine de la tradition divine, l'erreur humaine cesse, et, quand on a pénétré l'économie des sacrements célestes, tout ce qui restait obscur sous le voile de la nuit et des ténèbres vient à la lumière de la vérité et s'éclaire. Quand l'eau d'un aqueduc, qui coulait en abondance, vient à manquer, est-ce qu'on ne remonte pas à la source pour reconnaître la cause de l'arrêt ? On recherche si les veines se sont taries au point de départ, ou bien si l'eau s'est arrêtée au milieu de sa course, afin que, si ce qui empêche l'eau de couler sans cesse, c'est que l'aqueduc a une solution de continuité, ou n'est plus étanche, on le répare, et qu'ainsi la même quantité qui sort de la source soit transportée de nouveau et soit à la disposition de la cité. C'est ce que doivent faire ces évêques de Dieu, qui sont fidèles à ses préceptes, afin que, si la vérité a fléchi en quelque point, nous revenions à l'usage originel établi par notre Seigneur, à la tradition évangélique et apostolique, et que notre conduite tire ses règles de là même d'où notre dignité tire son origine.
Cette tradition porte qu'il y a un seul Dieu, un seul Christ, une seule espérance et une seule foi, une seule Église et un seul baptême qui n'est que dans l'Église, de laquelle on ne peut se séparer sans se trouver avec les hérétiques et sans attaquer l'enseignement sacré de la tradition divine, en les soutenant contre l'Église. C'est le mystère de cette unité que nous voyons exprimé au Cantique des Cantiques ou, parlant au nom du Christ, quelqu'un dit : "Ma soeur est un jardin fermé, mon épouse une fontaine scellée, un puits d'eau vive, un jardin avec le fruit de ses arbres" (Can 4,12). Mais si son Église est un jardin fermé, une fontaine scellée, comment pourrait-il entrer dans ce jardin, ou boire à cette fontaine, celui qui n'est pas dans l'Église ? De même, Pierre, signifiant lui aussi et défendant l'unité, nous fait remarquer que nous ne pouvons être sauvé que par le baptême unique d'une unique Église : "Dans l'arche de Noé, dit-il, peu de monde c'est-à-dire huit personnes, furent sauvés à travers l'eau. C'est de la même manière que le baptême vous sauvera."(1 Pi 3,20-21). Dans ce résumé bref et symbolique, il a exprimé le mystère de l'unité. De même, en effet, que dans ce baptême du monde, qui le purifia de la perversité d'autrefois, celui qui n'était pas dans l'arche, ne put être sauvé à travers l'eau, de même maintenant on ne peut être tenu pour sauvé par le baptême, si l'on n'a été baptisé dans l'Église, qui selon le symbole de l'arche unique a été fondée sur l'unité.
Donc, frère très cher, après avoir cherché et reconnu la vérité, nous observons de baptiser de l'unique baptême légitime tous ceux qui, de l'hérésie quelle qu'elle soit, viennent à l'Église, à l'exception de ceux qui sont passés à l'hérésie après avoir été baptisés dans l'Église. Pour ceux-ci, quand ils reviennent et ont fait pénitence, ils doivent être reçus par la seule imposition des mains du pasteur et réadmis dans le bercail dont ils s'étaient écartés. Je souhaite, frère très cher, que vous vous portiez toujours bien.

(8) Probablement, l'évêque de Sabrata, en Tripolitaine.

 


 

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