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LETTRE 31

AU PAPE CYPRIEN, MOISE ET MAXIME, PRETRES, ET NICOSTRATUS ET RUFINUS ET LES AUTRES CONFESSEURS QUI SONT AVEC EUX, SALUT.

Au milieu des multiples sujets de peine, ô notre frère, où nous ont jetés les chutes récentes d'un grand nombre dans le monde presque tout entier, une de nos principales consolations a été de recevoir votre lettre : elle a relevé nos courages et adouci l'amertume de notre douleur. Par là nous pouvons voir que la Bonté de la divine Providence n'a peut-être eu d'autre but, en nous tenant si longtemps en prison, que de nous permettre d'être édifiés et encouragés par votre correspondance, et d'aller aussi avec une ardeur plus grande vers la couronne qui nous est destinée. Votre lettre a brillé pour nous comme un instant de sérénité dans la tempête, comme le calme souhaité lorsque la mer est démontée, comme le repos au milieu des labeurs, comme la santé parmi les souffrances et les dangers de mort, comme, au milieu des ténèbres les plus épaisses, une blanche lumière qui resplendit. Notre âme altérée s'en est si bien rafraîchie, notre coeur affamé l'a prise avec tant d'ardeur, que nous nous en sentons tout réconfortés et vigoureux pour la lutte contre l'ennemi. Le Seigneur vous récompensera de cette charité et vous paiera l'intérêt de cette oeuvre de bienfaisance. On ne se rend pas moins digne de la couronne, à exhorter les autres qu'à souffrir soi-même, on ne mérite pas moins de gloire pour avoir appris aux autres à bien agir que pour avoir soi-même bien agi. On ne doit pas moins honorer celui qui a su donner des avis salutaires que celui qui les a mis en pratique, si ce n'est peut-être qu'il rejaillit parfois plus de gloire sur le maître qui forme que sur le disciple qui se montre docile. Celui-ci, en effet, n'aurait pas pu faire ce qu'il a fait, si le premier ne l'avait d'abord instruit.
Nous avons donc éprouvé, nous le répétons, frère Cyprien, une grande joie, une grande consolation, un grand réconfort, surtout à cause des dignes éloges que vous avez donnés, je ne dirai pas à la mort, mais plutôt à l'immortalité glorieuse des martyrs. De telles fins devaient être célébrées avec de tels accents et les exploits qu'on rapportait, redits tels qu'on les avait accomplit. Grâce à votre lettre, nous avons vu le glorieux triomphe des martyrs, nos yeux les ont suivis en quelque sorte, montant au ciel, et contemplés au milieu des anges, des puissances et des dominations célestes. Mieux que cela, c'est le Seigneur Lui-même, leur donnant, leur rendant devant son Père le témoignage promis, que nous avons en quelque manière entendu de nos propres oreilles. Voilà ce qui nous anime de plus en plus, et nous enflamme d'ardeur pour atteindre à un tel degré de gloire.
Quelle gloire plus grande, en effet, quel plus grand bonheur peut-il échoir à un homme par le bienfait de la grâce divine, que de confesser sans peur, au milieu des bourreaux, le Seigneur ? que d'être sans crainte, au milieu des supplices variés et raffinés de la puissance du siècle, quand on a le corps disloqué, meurtri, en lambeaux ? que de confesser le Christ Fils de Dieu, avec un esprit qui va s'éteindre, mais qui est libre encore ? que de laisser le monde pour le ciel, les hommes pour les anges, se dégageant de tous les embarras du siècle pour être libre sous le Regard de Dieu, et s'attachant sans hésitation au royaume céleste ? quoi de plus beau que d'être devenu, en confessant le Nom du Christ, l'associé de sa Passion, d'avoir été, par un effet de la grâce divine, le Juge même de son propre juge, d'être resté sans tâche au regard de la confession du nom du Christ, sans s'incliner devant les lois humaines et sacrilèges portées contre la Loi, attestant publiquement la vérité, soumettant en mourant cette mort que tout le monde redoute, s'assurant par la mort même l'immortalité, et se mettant au-dessus des tourments par les tourments mêmes, en y donnant son corps à torturer et à déchirer à tous les instruments de supplice ? Quoi de plus glorieux que d'avoir opposé une âme indomptable à toutes les souffrances d'un corps martyrisé, d'être resté sans effroi a la vue du sang que l'on perd, d'avoir aimé les supplices après avoir confessé la foi, et considéré comme un amoindrissement de sa vie de survivre aux tourments
C'est à ce combat que le Seigneur nous anime comme au son de la trompette en faisant entendre son évangile : "Celui qui me préfère son père ou sa mère n'est pas digne de moi; et celui qui aime son âme plus que moi ne l'est pas davantage; celui qui ne prend pas sa croix pour me suivre n'est pas non plus digne de moi." (Mt 10,37-38). Et encore : "Heureux ceux qui auront souffert persécution pour la justice, parce que le royaume des cieux leur appartient. Vous êtes heureux si on vous persécute et qu'on vous haïsse. Réjouissez-vous alors, et tressaillez d'allégresse. C'est ainsi qu'ils ont persécuté les prophètes qui furent avant vous". (Mt 5,10). Et aussi : "Vous comparaîtrez devant les rois et les gouverneurs, et le frère livrera son frère pour la mort, le père son fils, et celui qui persévérera jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé". (Mt 10,18-22). Et : "Le vainqueur, Je le ferai asseoir sur mon trône, comme Moi-même vainqueur Je me suis assis sur le trône de mon Père". (Ap 3,21) L'apôtre dit de son côté : "Qui nous séparera de l'amour du Christ ? La tribulation ? ou l'angoisse ? ou la persécution ? ou l'épée ? selon qu'il est écrit : A cause de vous nous sommes tout le temps livrés à la mort, et l'on nous regarde comme des brebis promises à la boucherie, mais dans toutes ces épreuves, nous sommes vainqueurs par celui qui nous a aimés". (Rom 8,35-37).
Ce sont ces choses et d'autres semblables que nous lisons dans l'évangile, et qui nous semblent des espèces de brandons que la divine parole approche de nous pour enflammer notre foi. Dès lors non seulement nous ne craignons pas les ennemis de la vérité, mais nous allons jusqu'à les provoquer; nous avons triomphé des ennemis de Dieu, rien qu'en ne leur cédant pas, et foulé aux pieds des lois scélérates portées contre la vérité. Si nous n'avons pas encore versé notre sang, nous sommes prêts à le verser : que personne ne considère comme une faveur le délai qui nous est imparti : il nous fait tort, il est un obstacle à notre gloire, il ajourne le ciel, il retarde pour nous la glorieuse contemplation de Dieu. Dans une lutte comme celle-ci, dans un combat où la foi prend part, ne point faire languir les martyrs, voilà la vraie clémence. Demandez donc, très cher Cyprien, que le Seigneur, par sa grâce, nous arme et nous glorifie de plus en plus chaque jour, nous soutienne et affermisse notre force et qu'enfin, comme fait un excellent général pour ses soldats qu'il a seulement exercés dans le camp et éprouvés, Il nous fasse sortir de prison pour nous conduire dans la plaine au combat qu'il se propose de livrer. Qu'Il nous donne ces armes divines, ces traits invincibles, la cuirasse de la justice que rien ne peut rompre, le bouclier de la foi qu'on ne saurait percer, le glaive de l'esprit qui ne reçut jamais d'entailles. Est-il, en effet, quelqu'un que nous devions prier d'intercéder pour nous, si ce n'est un si glorieux évêque ? Victimes destinées au sacrifice, à qui demander secours plutôt qu'au prêtre ?
Mais un autre sujet de joie pour nous, c'est la manière dont vous avez rempli vos fonctions épiscopales. Bien qu'éloigné de vos frères en raison des circonstances, vous ne leur avez cependant pas fait défaut; vos lettres ont fréquemment soutenu les confesseurs, vous leur avez fourni de quoi subvenir aux dépenses nécessaires en le prenant sur ce que vous avez légitimement acquis par votre travail, vous avez su être présent en quelque façon à tout; en aucune fonction de votre charge, vous n'avez marché de travers, comme le ferait un déserteur du devoir. Mais une chose nous a encore portés à nous réjouir davantage, et nous ne pouvons pas ne pas la louer de toutes nos forces. Nous avons remarqué qu'avec la sévérité convenable vous adressiez de justes remontrances, tout à la fois, à ceux qui, oubliant leurs fautes, avaient en votre absence montré un empressement excessif, et arraché la paix à des prêtres, et à ceux qui, sans faire attention à l'évangile, avaient donné "le Saint du Seigneur et les perles" (cf Mt 7,6) avec une facilité trop grande. En réalité, un désordre si grave, et qui s'est répandu dans le monde presque tout entier en y faisant d'incroyables ravages, doit être, comme vous l'écrivez, traité avec prudence et modération. Il faut que d'abord tous les évêques en aient délibéré avec les prêtres, les diacres, les confesseurs, et en présence des laïcs restés fidèles, comme vous le dites vous-même dans vos lettres, de peur qu'en voulant, mal à propos, remédier à des chutes, nous ne préparions d'autres chutes plus graves. Que restera-t-il de la crainte de Dieu, si l'on accorde si facilement le pardon aux pécheurs ? Il faut donner des soins à leurs âmes, les entretenir jusqu'au point de préparation convenable, et leur montrer par les Écritures combien la faute qu'ils ont commise est énorme et dépasse tout. Qu'ils ne s'excitent pas par la considération qu'ils sont nombreux, mais plutôt que la considération qu'ils ne sont pas en petit nombre les retienne. Pour atténuer une faute, ce qui vaut mieux, ce n'est pas de faire partie d'un grand nombre de pécheurs impudents, c'est d'avoir la honte, la modestie, la pénitence, la discipline, l'humilité et la soumission; c'est d'attendre, sur son cas, le jugement d'autrui, sur sa conduite, la sentence d'autrui. Voilà ce qui prouve la sincérité de la pénitence, ce qui cicatrise la blessure, ce qui redresse l'âme et la relève de ses ruines, ce qui éteint le mal ardent des fièvres du péché et y met un terme. Ce ne sont pas des aliments faits pour des gens bien portants que le médecin donnera aux malades, de peur qu'une nourriture mal appropriée n'aille aggraver, au lieu de le calmer, le mal qui exerce ses ravages. En d'autres termes, il ne faut-pas qu'un mal qui aurait pu être guéri plus tôt par le jeûne, traîne en longueur par suite d'un manque de patience qui ferait prendre à l'estomac un excès de nourriture.
Ainsi il faut laver par les bonnes oeuvres des mains qu'a souillées un sacrifice impie; des lèvres malheureuses qu'à profanées une nourriture criminelle doivent être purifiées par des discours qui marquent une pénitence véritable, et, dans l'intime de l'être, il faut planter à nouveau une âme fidèle. Que l'on entende de fréquents gémissements de pénitence, et que des yeux coulent les larmes d'une fidélité nouvelle, afin que ces mêmes yeux, qui ont eu tort de regarder les statues profanes, versent des larmes qui donnent satisfaction à Dieu, et effacent leur crime. L'impatience n'a que faire quand on est malade. Ils luttent contre leur mal ceux qui souffrent, et ils commencent seulement à espérer la santé, quand leur endurance a triomphé de la douleur. Impossible de compter sur une cicatrice qu'un médecin pressé a fait fermer trop tôt et, à la première occasion la guérison est compromise, si l'on ne demande pas le remède au temps lui-même. Un incendie reprend vite, si le feu n'a pas été éteint jusqu'à la dernière étincelle Les personnes dont nous parlons peuvent comprendre qu'on avise mieux à leurs intérêts en temporisant, et qu'elles doivent aux délais nécessaires des guérisons plus durables.
D'autre part, que signifie l'emprisonnement dans un cachot malpropre, de ceux qui confessent le Christ, si ceux qui le nient le font sans risquer la qualité de fidèle ? Que signifient les chaînes dont ils se laissent attacher pour le Nom de Dieu, si ceux-là ne sont pas privés de la communion qui ont refusé de confesser Dieu ? Que signifie leur mort glorieuse dans les prisons, si ceux qui ont abandonné la foi ne sentent pas l'étendue de leurs périls et de leurs fautes ? Que s'ils affichent une impatience excessive et mettent un empressement intolérable à demander la communion, c'est bien en vain qu'ils font entendre, d'une bouche ardente et sans frein, ces reproches odieux et geignards, impuissants d'ailleurs contre la vérité, puisqu'il était en leur pouvoir de conserver ce que maintenant, par suite d'une nécessité qui est leur faite, ils sont forcés de solliciter. La foi qui pouvait confesser le Christ pouvait être maintenue par le Christ dans la communion. Nous souhaitons, frère, que vous vous portiez toujours bien dans le Seigneur, et que vous vous souveniez de nous.


LETTRE 32

CYPRIEN AUX PRETRES ET AUX DIACRES SES FRERES, SALUT.

Pour que vous puissiez savoir ce que j'ai écrit au clergé de Rome et ce qu'il m'a répondu, et aussi ce que m'ont répondu les prêtres Moïse et Maxime, les diacres Nicostratus et Rufinus et les autres confesseurs emprisonnés avec eux, je vous en envoie copie.(1) Faites ce que vous pouvez avec votre zèle habituel, pour que mes lettres et leurs réponses soient portées à la connaissance de nos frères. De plus, si de l'étranger, des évêques mes collègues, ou des prêtres ou des diacres sont présents déjà ou arrivent près de vous, faites-leur connaître le tout. Et s'ils veulent prendre copie des lettres, et les porter chez eux, qu'on le leur permette. J'ai d'ailleurs mandé à Satyrus le lecteur, notre frère qu'il en permette la transcription à tous ceux qui le désirent, afin que, dans le règlement provisoire des affaires des églises, nous marchions d'accord. Pour le reste, comme je l'ai écrit à un grand nombre de nos collègues, nous réglerons ensemble plus complètement les mesures utiles, quand, avec la Permission de Dieu, nous pourrons nous réunir. Je souhaite, frères très chers et très regrettés que vous vous portiez toujours bien. Saluez la communauté. Adieu.
(1) Lettres 27,28,30 et 31


 

LETTRE 33

Notre Seigneur, dont nous devons révérer et garder les commandements, réglant ce qui concerne les égards dus à l'évêque, et le plan de son Église, parle dans l'évangile et dit à Pierre : "Je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. Je te donnerai les clefs du royaume des cieux, et ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans le ciel, et que tu auras délié sur la terre sera délié dans le ciel". (Mt 16,18-19). De là découle, à travers la série des temps et des successions,l'élection des évêques et l'organisation de l'Église : l'Église repose sur les évêques et toute sa conduite obéit à la direction de ces mêmes chefs. Les choses ayant été ainsi établies par Disposition divine, je m'étonne de l'audace téméraire de certains qui m'ont écrit, en affectant de parler au nom de l'Église, alors que l'Église est établie sur les évêques, le clergé et ceux qui sont restés fidèles. A Dieu ne plaise que la Miséricorde divine et la Puissance invincible du Seigneur permettent que l'on appelle Église un groupe de lapsi, alors qu'il est écrit : "Dieu n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants". (Mt 22,32). Nous souhaitons sans doute que tous vivent, et nos prières et nos gémissements demandent qu'ils soient rétablis dans leur premier état. Mais si certains lapsi veulent être l'Église, et si l'Église est chez eux et en eux, que reste-t-il à faire, sinon que nous les supplions de daigner nous recevoir dans l'Église ? Bref, ceux-là doivent être modestes, paisibles et réservés, qui, se souvenant de leur faute, ont à donner satisfaction à Dieu et à s'abstenir d'écrire au nom de l'Église, sachant bien que c'est plutôt à l'Église qu'ils écrivent.
D'autres lapsi m'ont` écrit, qui sont humbles, doux, craignant Dieu, et qui ont fait dans les Églises des oeuvres grandes et glorieuses, sans porter cependant ce qu'ils ont fait au compte du Seigneur, sachant qu'il a dit : "Quand vous aurez fait tout cela, dites : Nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire". (Lc 17,10). Pleins de ces pensées, bien qu'ils eussent revu un billet des martyrs, pour que leur satisfaction pût être admise de Dieu, ils m'ont adressé une prière. Ils déclarent qu'ils reconnaissent leur faute et en font une pénitence sincère, qu'ils ne montrent point, pour obtenir la paix, un empressement téméraire et hors de propos, mais attendent notre présence, ajoutant que la paix même leur serait plus chère, si nous étions là pour la leur accorder. Combien je les ai félicités, Dieu le sait, qui a daigné nous faire connaître ce que de tels serviteurs méritent de sa Bonté. J'ai reçu cette lettre, et maintenant je lis que vous m'avez écrit autre chose : je vous prie donc de bien mettre à part l'expression de vos désirs à chacun, et je demande que tous ceux parmi vous qui viennent de m'envoyer cette nouvelle lettre signent un billet et me l'envoient avec les noms de chacun. Alors, sur les divers points touchés par vous, je répondrai comme il convient à ma dignité et à la ligne de conduite adoptée par mon humble personne. Je souhaite, frères, que vous vous portiez bien, et agissiez pacifiquement et avec calme, suivant la discipline du Seigneur. Adieu.


LETTRE 34

CYPRIEN AUX PRETRES ET AUX DIACRES DE ROME SES FRERES, SALUT.

Vous avez agi, conformément au devoir et à la discipline, très chers frères, en décidant, sur l'avis de ceux de mes collègues qui étaient présents, qu'il fallait refuser la communion au prêtre Gaius de Dida et de son diacre. Ceux-ci, en effet, communiquent avec les lapsi et offrent leurs oblations. Ils avaient été souvent pris à suivre ces errements fâcheux et plusieurs fois, d'après ce que vous m'écrivez, avertis par mes collègues d'avoir à cesser. Ils ont persévéré obstinément dans leur présomption et leur audace. Ils trompaient certains de nos frères laïcs, aux intérêts desquels nous désirons aviser le plus utilement possible, tâchant de procurer leur salut, non par des complaisances perverses, mais par un dévouement fidèle et sincère, et cherchant à leur faire pratiquer une vraie pénitence et apaiser Dieu par les gémissements d'une douleur profonde. Il est écrit, en effet : "Souvenez-vous d'où vous êtes tombé et faites pénitence". (Ap 2,5). Et la divine Écriture dit encore : "Voici la parole du Seigneur : Quand, étant converti, vous gémirez, alors vous serez sauvé, et vous saurez où vous étiez". (Is 30,15).
Mais comment ceux-là peuvent-ils gémir et faire pénitence, dont certains prêtres empêchent les gémissements et les larmes, estimant à la légère que l'on doit communiquer avec eux, ignorant qu'il est écrit : "Ceux qui vous disent heureux, vous égarent et vous trompent sur le chemin où vous devez marcher". (Is 3,12). Il n'est donc pas étonnant que nos bons et sincères conseils ne servent à rien, quand des flatteries et des complaisances funestes font obstacle à la vérité salutaire, et que l'âme blessée et malade des lapsi éprouve ce qu'éprouvent corporellement les malades et les infirmes : en repoussant comme amers et insupportables des aliments sains et des breuvages salutaires, et en demandant ce qui semble devoir leur plaire et leur être agréable pour le moment, ils vont d'eux-mêmes au-devant de la mort, par leur indocilité et leur intempérance. Les soins sérieux de l'homme de l'art ne servent de rien pour la guérison, quand on se laisse prendre à l'appât d'une complaisance trompeuse.
Vous donc qui, comme je l'ai écrit, avisez d'une manière honnête et saine au sort des lapsi, ne vous écartez pas du parti le plus sage. Lisez cette lettre à mes collègues, à ceux qui sont déjà présents, comme à ceux qui peuvent survenir, afin que, d'un accord unanime, nous prenions les mesures salutaires pour soigner et guérir les blessures des lapsi, sauf à traiter pleinement de toutes choses, quand la Miséricorde divine nous permettra de nous réunir. En attendant, si quelque emporté, quelque téméraire, soit de nos prêtres ou de nos diacres, soit des étrangers, osait, avant notre sentence, communiquer avec les lapsi, qu'il soit écarté de notre communion, jusqu'à ce qu'il essaie de justifier sa téméraire conduite, quand, avec la grâce de Dieu, nous aurons pu nous réunir.
Vous avez aussi exprimé le désir de connaître notre sentiment sur les sous-diacres Philomenus et Fortunatus, et l'acolyte Favorinus qui ont disparu pour un temps et sont revenus. Sur ce point je ne crois pas devoir donner mon avis tout seul : beaucoup de membres du clergé sont encore absents et n'ont pas cru devoir, même tardivement, regagner leur poste, et, d'autre part, je dois connaître de ces cas particuliers et en étudier soigneusement la solution, non seulement avec mes collègues, mais avec le peuple tout entier. Il faut, en effet, tout bien peser et balancer, avant de donner à une affaire un règlement qui, pour l'avenir constituera un précédent relativement aux ministres de l'Église. En attendant, qu'ils s'abstiennent de réclamer la rétribution mensuelle, non pas comme écartés définitivement du ministère ecclésiastique, mais comme renvoyés à l'époque où nous serons présent, leur affaire restant entière. Je souhaite, frères très chers, que vous vous portiez toujours bien. Saluez toute la communauté. Adieu.


LETTRE 35

CYPRIEN AUX PRETRES ET AUX DIACRES SES FRERES QUI SONT A ROME, SALUT

Notre amitié réciproque et la raison même demandent de nous, frères très chers, qu'il n'y ait rien que nous ne portions à votre connaissance de ce qui se fait ici, afin que, pour le bon gouvernement de l'Église, nous mettions nos idées en commun. Depuis que je vous ai écrit une lettre que j'ai envoyée par le lecteur Saturus et le sous-diacre Optatus nos frères, un parti de lapsi téméraires, qui refusent de faire pénitence et de satisfaire, m'a écrit, demandant moins qu'on leur donnât la paix que la réclamant comme leur appartenant déjà, sous le prétexte que Paul l'a donnée à tous, comme vous le pourrez lire dans leurs lettres, dont je vous transmet une copie. En même temps, je vous envoie un exemplaire de ce que je leur ai répondu (2) et de la lettre que j'ai ensuite adressée au clergé. (3) Que si désormais leur témérité n'est point arrêtée ni par vos lettres, ni par les miennes, et ne se rend point a des conseils salutaires, nous ferons ce que le Seigneur nous prescrit de faire, selon l'esprit de l'Évangile. Je souhaite, frères très chers, que vous vous portiez toujours bien. Adieu.
(2) Lettre 33
(3) Lettre 34



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