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LE 11 NOVEMBRE. LA COMMÉMORATION DES MORTS.Nous ne voulons pas, mes Frères, que vous ignoriez la condition de ceux qui dorment dans le Seigneur, afin que vous ne soyez pas tristes comme ceux qui n'ont point d'espérance (1). C'était le désir de l'Apôtre écrivant aux premiers chrétiens ; l'Eglise, aujourd'hui, n'en a pas d'autre. Non seulement, en effet, la vérité sur les morts met en admirable lumière l'accord en Dieu de la justice et de la bonté : les cœurs les plus durs ne résistent point à la charitable pitié qu'elle inspire, et tout ensemble elle offre au deuil de ceux qui pleurent la plus douce des consolations. Si la foi nous enseigne qu'un purgatoire existe, où des fautes inexpiées peuvent retenir ceux qui nous furent chers, il est aussi de foi que nous pouvons leur venir en aide (2), il est théologiquement assuré que leur délivrance plus ou moins prompte est dans nos mains. Rappelons quelques principes de nature à éclairer ici la doctrine. Tout péché cause double dommage au pécheur, souillant son âme, et le rendant passible de châtiment. Tache vénielle, entraînant simple déplaisance du Seigneur, et dont l'expiation ne dure qu'un temps ; souillure allant jusqu'à la difformité qui fait du coupable un objet d'abomination devant Dieu, et dont par suite la sanction ne 1. I Thess. IV, 13. — 2. Conc. Trid. Sess. XXV. 114 saurait consister que dans le bannissement éternel, si l'homme n'en prévient en cette vie l'irrévocable sentence. Même alors cependant, l'effacement de 'a coulpe mortelle, en écartant la damnation, n'enlève pas de soi toute dette au pécheur converti ; bien qu'un débordement inusité de la grâce sur le prodigue puisse parfois, comme il est régulier dans le baptême ou le martyre, faire se perdre en l'abîme de l'oubli divin jusqu'au dernier vestige, aux moindres restes du péché, il est normal qu'en cette vie, ou par delà, satisfaction soit donnée pour toute faute à la justice. A contre-pied du péché, tout acte surnaturel de vertu implique double profit pour le juste : il mérite à son âme un nouveau degré de grâce ; il satisfait pour la peine due aux fautes passées en la mesure de juste équivalence qui revient devant Dieu à ce labeur, cette privation, cette épreuve acceptée, cette libre souffrance d'un des membres de son Fils bien-aimé. Or, tandis que le mérite ne se cède pas et demeure personnel à qui l'acquiert, la satisfaction se prête comme valeur d'échange aux transactions spirituelles ; Dieu veut bien l'accepter pour acompte ou pour solde en faveur d'autrui, que le concessionnaire soit de ce monde ou de l'autre, à la seule condition qu'il fasse lui aussi partie par la grâce de ce corps mystique du Seigneur qui est un dans la charité (1). C'est, comme l'explique Suarez en son beau traité des Suffrages, la conséquence du mystère de la communion des saints manifesté en ces jours. Invoquant l'autorité des plus anciens comme des plus grands princes de la science, discutant les objections, les restrictions proposées 1. I Cor. XII, 27. 115 depuis eux par plusieurs, l'illustre théologien n'hésite pas à conclure en ce qui touche plus particulièrement les âmes souffrantes : « J'estime que cette satisfaction des vivants pour les morts vaut en justice (1), et qu'elle est infailliblement acceptée selon toute sa valeur, et selon l'intention de celui ! qui l'applique ; en sorte que, par exemple, si la satisfaction qui est de mon fait me valait en justice, pour moi gardée, la remise de quatre degrés de purgatoire, elle en remet autant à l'âme pour laquelle il me plaît de l'offrir (2). » On sait comment l'Eglise seconde sur ce point la bonne volonté de ses fils. Par la pratique des Indulgences, elle met à la disposition de leur charité l'inépuisable trésor où, d'âge en âge, les surabondantes satisfactions des saints rejoignent celles des Martyrs, ainsi que de Notre-Dame, et la réserve infinie des souffrances du Seigneur. ] Presque toujours, elle approuve et permet que ! ces remises de peine, accordées aux vivants par sa directe puissance, soient appliquées aux morts, ; qui ne relèvent plus de sa juridiction, par mode de suffrage ; c'est-à-dire : en la manière où. comme nous venons de le voir, chaque fidèle peut offrir pour autrui à Dieu, qui l'accepte, le suffrage ou secours (3) de ses propres satisfactions C'est toujours la doctrine de Suarez, et il enseigne que l'Indulgence cédée aux défunts ne perd rien non plus de la certitude ou de la valeur qu'elle aurait eues pour nous qui militons encore (4). 1. Esse simpliciter de justitia.— 2. Suarez. De Suffragiis, Sectio VI. — 3. Est enim suffragium, ut sumitur ex D. Thoma et aliis in 4 d. 43, auxilium quoddam, quod unus fidelis praebet alteri ad obtinendum a Deo remissionem pœnœ temporalis, vel aliud hujusmodi. Suarez. De Suffrages, in Prœmio. — 4. De Indulgentiis, Disput. LIII. Sect. 116 Or, c'est sous toutes formes et c'est partout que s'offrent à nous les Indulgences. Sachons utiliser nos trésors, et pratiquer la miséricorde envers les pauvres âmes en peine. Est-il misère plus touchante que la leur ? si poignante, que n'en approche aucune détresse de la terre ; si digne pourtant, que nulle plainte ne trouble le silence de ce « fleuve de feu qui, dans son cours imperceptible, les entraîne peu à peu à l'océan du paradis (1). » Pour elles, le ciel est impuissant ; car on n'y mérite plus. Lui-même Dieu, très bon, mais très juste aussi, se doit de n'accorder leur délivrance qu'au paiement intégral de la dette qui les a suivies par delà le monde de l'épreuve (2). Dette contractée à cause de nous peut-être, en notre compagnie ; et c'est vers nous qu'elles se tournent, vers nous qui continuons de ne rêver que plaisirs, tandis qu'elles brûlent, et qu'il nous serait facile d'abréger leurs tourments ! Ayez pitié de moi, ayez pitié de moi, vous au moins qui êtes mes amis ; car la main du Seigneur m'a touchée (3). Comme si le purgatoire voyait plus que jamais regorger ses prisons sous l'affluence des multitudes qu'y précipite chaque jour la mondanité de ce siècle, peut-être aussi en raison de l'approche du règlement de compte final et universel qui clora les temps, l'Esprit-Saint ne se contente plus d'entretenir le zèle des anciennes confréries vouées dans l'Eglise au service des trépassés. Il suscite de nouvelles associations et jusqu'à des familles religieuses, dont l'unique but soit de promouvoir en toutes manières fa délivrance des âmes souffrantes ou leur soulagement. Dans cette 1. Mgr Gay, Vie et Vertus chrétiennes : De la charité envers l'Eglise, II. — 2. MATTH. V, 26. — 3. Job XIX, 21. 117 œuvre d'une autre rédemption des captifs, il est aussi des chrétiens qui s'exposent et s'offrent à prendre sur eux les chaînes de leurs frères, par l'abandon total consenti à cette fin, non-seulement de leurs propres satisfactions, mais encore des suffrages dont ils pourraient bénéficier après leur mort : acte héroïque de charité, qu'il ne faut point accomplir à la légère, que cependant l'Eglise approuve (1) ; car il glorifie grandement le Seigneur, et pour le risque encouru d'un délai temporaire de la béatitude, mérite à son auteur d'être à jamais plus près de Dieu, par la grâce dès maintenant, dans la gloire au ciel. Mais si les suffrages du simple fidèle ont tant de prix, combien plus ceux de l'Eglise entière, dans la solennité de la prière publique et l'oblation du Sacrifice auguste où Dieu même satisfait à Dieu pour toute faute ! Ainsi qu'avant elle la Synagogue (2), l'Eglise dès son origine a toujours prié pour les morts. En la manière qu'elle honorait par des actions de grâces l'anniversaire de ses fils les Martyrs, elle célébrait par des supplications celui de ses autres enfants qui pouvaient n'être point encore au ciel. Quotidiennement, dans les Mystères sacrés, elle prononçait les noms des uns et des autres à cette double tin de louange et de prière ; et de même que ne pouvant néanmoins rappeler en toute église particulière chacun des bienheureux du monde entier, elle les comprenait tous en une commune mention, ainsi faisait-elle, à la suite des recommandations spéciales au lieu ou au jour, mémoire générale des morts. Ceux qui ne possédaient ni parents, ni amis, 1. Propagé au XVIII° siècle par les Clercs réguliers Théatins, enrichi de faveurs spirituelles par les Souverains Pontifes Benoît XIII, Pie VI, Pie IX — 2. II Mach. XII, 46. 118 observe saint Augustin, n'étaient donc point dès lors cependant dépourvus de suffrages ; car ils avaient, pour obvier à leur abandon, la tendresse de la Mère commune (1). L'Eglise ayant suivi dès le commencement, à l'égard de la mémoire des bienheureux et de celle des défunts, une marche identique, il était à prévoir que l'établissement d'une fête de tous les Saints au IX° siècle appellerait bientôt la Commémoration présente des trépassés. En 998, selon la Chronique de Sigebert de Gembloux (2), l'Abbé de Cluny, saint Odilon, l'instituait dans tous les monastères de sa dépendance, pour être célébrée à perpétuité au lendemain même de la Toussaint; c'était sa réponse aux récriminations de l'enfer le dénonçant, lui et ses moines, en des visions rapportées dans sa Vie (3), comme les plus intrépides secoureurs d'âmes qu'eussent à redouter, au lieu d'expiation, les puissances de l'abîme. Le monde applaudit au décret de saint. Odilon, Rome l'adopta, et il devint la loi de l'Eglise latine entière. Les Grecs font une première Commémoration générale des morts la veille de notre dimanche de Sexagésime, qui est pour eux celui de Carême prenant ou d’ Apocreos, et dans lequel ils célèbrent le second avènement du Seigneur. Ils donnent le nom de samedi des âmes à ce jour, ainsi qu'au samedi d'avant la Pentecôte, où ils prient de nouveau solennellement pour tous les trépassés. 1. Aug. De cura pro mortuis, IV. — 2. Ad hunc annum. — 3. Petr. Dam.; Jotsald. II, XIII. LES MATINES DES MORTS.Amalaire observait déjà de son temps (1) que l'Office des défunts rappelle en sa forme les Offices célébrés aux jours anniversaires de la mort du Seigneur (2). Même absence d'Hymnes, Doxologies, Absolutions, Bénédictions ; même suppression du prélude accoutumé Domine labia mea aperies, Deus in adjutorium meum intende ; bien qu'à la différence des derniers jours de la Semaine sainte, l'Office complet des morts ait cependant gardé ou recouvré depuis longtemps l'Invitatoire. Or cet Invitatoire est, comme hier le premier Psaume des Vêpres, un chant d'amour et d'espérance: Tout vit, pour notre Roi; venez, adorons-le. Au delà comme en deçà de la tombe, tous les hommes vivent, devant Celui qui doit les ressusciter un jour (3). Dans la langue de l'Eglise, le champ des morts est le cimetière, c'est-à-dire un dortoir où ses fils reposent ; comme eux-mêmes sont des défunts, travailleurs qui, leur tâche accomplie, attendent le moment de la récompense. Rome s'est montrée ici mieux inspirée que d'autres Eglises, où l'Antienne choisie comme refrain du joyeux Venite exsultemus était : Circumdederunt me gemitus mortis ; dolores inferni circumdederunt me (4). Que de variantes semblables, et toutes à l'avantage de l'Eglise Maîtresse et Mère, seraient à signaler dans une étude historique de l'Office des morts ! Mais pareil but ne saurait être le nôtre en ces pages trop restreintes. 1. IX° siècle.— 2. Amalar. De ecclesiast. Officiis, III, XLIV. — 3. Luc. XX, 38. — 4. Voici que m'ont environne les gémissements de la mort, les douleurs de l'enfer. 120 INVITATOIRE.
Tout vit, pour notre Roi :*
Venez, adorons-le. PSAUME XCIV.Venez, tressaillons dans le
Seigneur; chantons dans la jubilation des hymnes à Dieu notre Sauveur :
prévenons sa présence par des chants de louange, et jubilons en son honneur
dans la psalmodie. Tout vit, pour notre Roi : * Venez, adorons-le. Car le Seigneur est le grand
Dieu, le grand Roi au-dessus de tous les dieux: il ne repoussera point son
peuple. Dans sa main sont toutes les profondeurs de la terre, et son œil domine
les sommets des montagnes. Venez, adorons-le. La mer est à lui, et il l'a faite,
et ses mains ont formé la terre. Venez, adorons et prosternons-nous devant ce
Dieu ; pleurons devant ce Seigneur qui nous a faits : car il est le Seigneur
notre Dieu, et nous son peuple et les brebis de son pâturage. Tout vit, pour notre Roi : *
Venez, adorons-le. Si aujourd'hui vous entendez
sa voix, n'endurcissez pas vos cœurs, comme au jour du murmure et de la
tentation dans le désert, où vos pères me tentèrent, où ils me mirent a l'épreuve, et virent mes œuvres. Venez, adorons-le. Pendant quarante ans, j'ai
couvert de ma protection cette génération, et j'ai dit : « C'est un peuple dont
le cœur est égaré ; ils ne connaissent pas mes voies ; c'est pourquoi j'ai juré
dans ma colère qu'ils n'entreraient point dans la terre de mon repos. » Tout vit, pour notre Roi : *
Venez, adorons-le. Donnez-leur
, Seigneur, le repos éternel ; que luise pour eux la lumière sans fin. Venez, adorons-le. Tout vit, pour notre Roi : *
Venez, adorons-le. Un tel début montre assez quelle part il convient de faire, selon l'Eglise, à la reconnaissance et à la louange dans la prière pour les morts. PREMIER NOCTURNE.Elles débordent, dans le premier Psaume des Nocturnes, la reconnaissance et la louange de l'âme échappée aux filets des pécheurs, en ce premier matin du salut assuré pour jamais qui l'introduit parmi les âmes très saintes du purgatoire. C'est avec confiance qu'elle s'en remet à son Seigneur du soin de la conduire par le chemin douloureux et purifiant qui doit l'amener à l’entrée même de la maison de Dieu. Ant. SEIGNEUR mon Dieu, dirigez mes pas en votre présence. PSAUME V.Seigneur, prêtez l'oreille
aux paroles de ma bouche, entendez le cri démon cœur. Ecoutez ma voix suppliante, ô
mon Roi et mon Dieu. Oui ; c'est vous que
j'implore : Seigneur, au matin vous m'exaucerez. Au matin, me voici devant
vous ; je saurai que vous n'êtes point un Dieu favorable au péché, Que le méchant n'habitera
point votre demeure, que les injustes ne pourront subsister devant vous. Vous haïssez tous ceux qui
font l'iniquité ; vous perdrez tous ceux qui aiment le mensonge. Le Seigneur a en abomination
l'homme de sang et d'astuce. Pour moi, c'est me confiant en votre miséricorde
infinie, Que j'entrerai dans votre
maison ; c'est pénétré de votre crainte, que j'adorerai dans votre saint
temple. Seigneur, guidez-moi dans
votre justice ; à cause de mes ennemis, dirigez mes pas en votre présence. Eux, en effet, n'ont point la
vérité dans leur bouche ; leur cœur est vain. Leur gosier est un sépulcre
ouvert, leur langue un instrument de tromperie : jugez-les, ô Dieu. Qu'ils soient déçus dans
leurs pensées : rejetez-les ; car leurs impiétés sont sans nombre, et ils ont
mérité votre colère, ô Seigneur. Et que soient dans la joie
tous ceux qui espèrent en vous : ils seront dans l'allégresse à jamais ; vous
habiterez en eux. Et ils se glorifieront en
vous, tous ceux qui aiment votre nom ; car vous bénirez le juste. Seigneur, vous nous avez
comme d'un bouclier cou verts de votre amour. Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel ; Que luise pour eux la lumière
sans fin. Ant. Seigneur mon Dieu, dirigez mes pas en votre
présence. L'âme est exaucée : la justice s'est emparée d'elle ; car le temps de la miséricorde n'est plus. Sous la terrible mainmise de son guide nouveau, à l'implacable lumière qui, en regard de l'infinie pureté, met à nu ses replis les plus ignorés, et ses 124 vertus si mélangées, et tant de traces restées des souillures d'antan, la pauvre âme sent lui manquer tout ce qu'elle se croyait de force , tremblante, elle supplie Dieu de ne point la confondre en sa fureur avec les éternels maudits dont le voisinage accroît son tourment. Mais sa supplication, comme son effroi, est toute d'amour : Seigneur, sauvez-moi ; car il n'est personne qui pense à vous louer dans cette mort. Ce Psaume est le premier des sept de la pénitence. Ant. Seigneur , tournez - vous vers moi, et délivrez mon âme ;
car nul dans la mort ne se souvient de vous. PSAUME VI.Seigneur, ne me reprenez pas
dans votre fureur, et ne me châtiez pas dans votre colère. Ayez pitié de moi, Seigneur ;
car je languis de faiblesse ; guérissez - moi,
Seigneur, parce que le trouble m'a saisi jusqu'au fond de mes os. Mon âme est toute troublée ;
mais vous, Seigneur, jusqu'à quand différerez-vous ? Seigneur, tournez-vous vers
moi, et délivrez mon âme ; sauvez-moi, à cause de votre miséricorde. Car nul dans la mort ne se
souvient de vous : qui publiera vos louanges dans l'enfer ? Je me suis épuisé à force de
gémir ; j'ai baigné chaque nuit mon lit de mes pleurs ; j'ai arrosé ma couche
de mes larmes. Mon œil a été tout troublé de
fureur : j'ai vieilli au milieu de tous mes ennemis. Retirez-vous de moi, vous
tous qui commettez l'iniquité ; car le Seigneur a exaucé la voix de mes pleurs. Le Seigneur a exaucé ma
supplication ; le Seigneur a reçu ma prière. Que tous mes ennemis
rougissent et soient saisis d'étonnement ; qu'ils retournent en arrière, et
soient couverts de honte. Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel ; Que luise pour eux la lumière
sans fin. Ant. Seigneur, tournez-vous vers moi, et délivrez mon âme
; car nul dans la mort ne se souvient de vous. David, accusé par ses adversaires, en appelle au Seigneur de leurs calomnies. La crainte qui prosterne l'âme, au purgatoire, en un saint tremblement devant la justice de Dieu, n'a point fait vaciller l'espérance en elle plus que l'amour ; elle s'appuie sur la sentence même, sur le secours imploré de son juge, pour tenir tête au lion infernal qui la poursuit de ses indignes clameurs dans le délaissement et le dénuement auxquels la réduit son expiation. 126 Ant. Que l'ennemi comme un lion ne se saisisse pas de mon
âme, sans que personne se trouve pour m'arracher à lui et me sauver. PSAUME VII.Seigneur mon Dieu, j'ai mis
en vous mon espérance : sauvez-moi de tous ceux qui me persécutent, et
délivrez-moi. Que l'ennemi comme un lion ne
se saisisse pas de mon âme, sans que personne se trouve pour m'arracher à lui
et me sauver. Seigneur mon Dieu, si j'ai
fait ce dont il m'accuse, si l'iniquité se rencontre en mes œuvres, Si j'ai rendu le mal pour le
mal, ce sera justice, que je succombe sous mes ennemis sans nul espoir. Que l'ennemi poursuive mon
âme, qu'il s'en empare ; qu'à terre il foule aux pieds ma vie ; qu'en poussière
il réduise ma gloire. Levez-vous. Seigneur, dans
votre colère ; faites paraître votre puissance au territoire de mes
ennemis. Oui; levez-vous, Seigneur mon
Dieu ! Que vos édits soient respectés. Voici que va vous entourer l'assemblée
des peuples ; A cause d'elle, reprenez place
sur votre trône dans les hauteurs : le Seigneur juge les peuples. Jugez-moi, Seigneur, selon ma
justice, selon mon innocence. La malice
des pécheurs sera anéantie, et vous guiderez le juste, ô Dieu qui sondez les reins et les cœurs. Il est juste que j'attende le
secours du Seigneur qui sauve ceux qui ont le cœur droit. Dieu est un juge équitable,
fort et patient : fait-il chaque jour éclater sa colère? Si vous ne changez, il
brandira son glaive ; il a tendu son arc, il le tient prêt, Il y a mis des traits
mortels, ses flèches sont faites d'un feu dévorant. Ainsi l'impie, mettant son
injustice au jour, a conçu la douleur et enfanté l'iniquité. Préparant son piège, il a
creuse la terre, et il est tombé dans la fosse qu'il avait faite. Le mal qu'il me voulait se
retournera contre lui ; sa méchanceté retombera sur sa tête. Pour moi, je chanterai la
justice du Seigneur, j'exalterai le nom du Seigneur Très-Haut. Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel ; Que luise pour eux la lumière
sans fin. Ant. Que l'ennemi comme un lion ne se saisisse pas de mon
âme, sans que personne se trouve pour m'arracher à lui et me sauver. De la porte de l'enfer, R/. Seigneur, délivrez leurs
âmes. A la suite de ce cri maternel sorti du cœur de l'Eglise, toute l'assemblée prie en silence, offrant à Dieu l'Oraison Dominicale pour les trépassés aux prises avec les puissances de l'abîme. Et voici que dans le recueillement de ce silence, omettant la demande d'une Bénédiction qu'ils ne peuvent plus recevoir au même titre que nous de l'Eglise, s'élève seule en leur nom la voix du Lecteur. Empruntant les accents du juste de l'Idumée sous la main qui l'éprouve, elle dit la souffrance qui les oppresse, leur foi indomptée, leur prière sublime. Et comme dans la tragédie antique, le Chœur intervient après chaque Lecture, en autant de Répons dont la mélodie s'harmonise merveilleusement avec ces échos d'outre-tombe : soit qu'il reprenne en s'y unissant la parole des morts, ou appuie leur prière de ses propres supplications ; soit que terrifié par cette rigueur de Dieu contre des âmes qui pourtant lui sont chères et sont sûres de l'aimer toujours, il tremble pour lui-même pécheur, dont le jugement est encore en suspens. Au témoignage de saint Antonin et de Démocharès, cités par Gavanti (1), la composition de ces admirables Répons reviendrait pour une part à 1. De Officio Defunct. 129 Maurice de Sully, l'évêque de Paris qui commença Notre-Dame ; toutefois le plus grand nombre d'entre eux se trouvent déjà dans les manuscrits grégoriens de l'époque antérieure. D'autres livres de l'Ecriture que celui de Job, et aussi les Œuvres de saint Augustin, fournirent longtemps en différents lieux les Leçons des morts ; et diverses églises avaient la coutume de terminer celles-ci par la formule : Beati mortui qui in Domino moriuntur (1). 1. Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur. LEÇON I.Epargnez-moi, Seigneur ; car
mes jours ne sont que néant. Qu'est donc l'homme, pour l'estimer tant que
d'arrêter sur lui votre pensée ? Vous venez à lui dès le matin, pour aussitôt
l'éprouver. Jusques à quand ne m'épargnerez-vous pas, ne me laisserez-vous pas
même avaler ma salive ? J'ai péché : pour vous apaiser, que ferai-je, gardien
des hommes, à qui rien n'échappe? Pourquoi m'avoir mis en butte à vos
traits, me rendant à charge à moi-même ? Pourquoi n'ôtez-vous pas mon péché, ne
pardonnez-vous pas mon iniquité ? Voici que je vais m'endormir dans la
poussière du sépulcre, et si vous me cherchez au matin, je ne serai plus. R/. Je crois que mon
Rédempteur est vivant, et qu'au dernier jour je ressusciterai de la terre. * Et
dans ma chair je verrai Dieu mon Sauveur. V/. Je le verrai moi-même, et
non un autre, et mes yeux le contempleront. * Et dans ma chair. LEÇON II. (Job. X.)Mon âme a la vie en dégoût ;
je m'abandonnerai aux plaintes contre moi-même, je parlerai dans l'amertume
de mon
âme. Je dirai à Dieu : Ne me condamnez pas ; indiquez-moi pourquoi vous
me traitez de la sorte. Vous plairiez-vous à
m'accuser sans fondement, à m'accabler,
moi l'œuvre de vos mains, donnant gain
de cause aux impies ? Vos yeux à vous aussi sont-ils de chair, et voyez-vous à
la manière de l'homme? Vos jours sont-ils comptés comme les jours de l'homme et vos années s'écoulent-elles comme sa vie, pour vous
presser ainsi d'informer contre moi et scruter mon péché de la sorte ? Et
pourtant vous savez que je n'ai rien
fait d'impie ; qui d'ailleurs pourrait me tirer de vos mains? R/. Vous qui ressuscitâtes Lazare
du tombeau, quand déjà il sentait mauvais : * Seigneur, donnez-leur le repos,
conduisez-les au lieu du pardon. V/. Vous qui viendrez juger les
vivants et les morts, et ce monde par le feu. * Seigneur, donnez-leur. LEÇON III. (Job. X.)Vos mains m'ont fait et
façonné dans tout mon être : et c'est ainsi qu'en un instant vous me brisez ?
Souvenez-vous, je vous prie, que vous m'avez pétri comme l'argile : et déjà
vous me réduiriez en poussière ? N'ai-je pas d'abord été pour vous comme le
lait sans consistance, qui s'épaissit ensuite? Puis vous m'avez revêtu de peau
et de chair, consolidant par des nerfs et des os cet ouvrage de vos mains.
Enfin vous m'avez donné la vie et comblé de bienfaits ; votre providence
attentive a gardé mon âme. R/. Seigneur, quand vous viendrez
juger la terre, où me cacherai-je pour éviter la colère de vos yeux? * Car les
péchés de ma vie ont passé les bornes. V/. Mes forfaits
m'épouvantent; ma confusion devant vous est extrême : quand vous viendrez,ô Juge, ne me condamnez pas. * Car les péchés. V/. Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel ; que luise pour eux la lumière sans fin. * Car les péchés. DEUXIÈME NOCTURNE.J'ai une nourriture à manger que vous ne connaissez pas (1). » C'est la réponse que s'attirerait de la part de? chères âmes notre étonnement au sujet de l'Antienne qui va suivre. Ineffablement justes et saintes, la parole du Seigneur est aussi la leur : « Ma nourriture est d'accomplir la volonté de mon Père (2). » Or en effet, vu de ces sommets comme le voit notre Antienne, quel pâturage que le purgatoire ! Seigneur qui me conduisez, qui par votre grâce daignez être avec moi dans cette ombre de la mort, votre verge en me frappant me console; mon abandon à vos justices est l’huile qui coule à flots de ma tête et, oignant tous mes membres, les fortifie pour le combat ; avide de soumission, mon cœur a trouvé son calice enivrant. Saint Jean Chrysostome atteste qu'on chantait déjà de son temps ce Psaume aux funérailles des chrétiens, ainsi que le Psaume Dilexi, premier de nos Vêpres des morts (3). 1.
JOHAN. IV, 32. — Ibid. 34. — 3. Chrys. Hom. IV in Epist. ad Heb. Ant. Il m'a placé dans un pâturage. PSAUME XXII.Le Seigneur me conduit, et
rien ne me manquera : il m'a placé dans un pâturage. Il m'a élevé près d'une eau
nourrissante ; il a converti mon âme. Il m'a conduit dans les sentiers
de la justice, à cause de son nom. Aussi, même en marchant dans
l'ombre de la mort, je ne craindrai aucun mal ; car vous êtes avec moi. Verge et houlette, en vos
mains, me consolent. Vous avez préparé devant moi
une table, contre ceux qui me persécutent. Vous avez répandu l'huile à
flots sur ma tête : et qu'il est beau mon calice enivrant ! Votre miséricorde me suivra
tous les jours de ma vie. J'habiterai la maison du
Seigneur durant des jours sans fin. Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel ; Que luise pour eux la lumière
sans fin. Ant. Il m'a placé dans un pâturage. Les fautes de ma jeunesse, mes ignorances, Seigneur, ne vous en souvenez plus. Plût à Dieu que nos examens de conscience eussent présentement le sérieux de celui qu'il nous faudra faire au lieu d'expiation, pour réparer leur insuffisance ! L'ignorance, qu'on prétend excuser tant d'hommes de nos jours, sera bien lourde alors pour ceux dont la négligence à s'instruire aura obscurci la foi, endormi l'espérance, attiédi l'amour, faussé sur mille points le christianisme et la vie. Alors aussi se solderont « jusqu'au dernier denier (1) » 1. MATTH. V, 26. 134 ces dettes de pénitence accumulées par tant de péchés remis quant à la coulpe, il est vrai, dès longtemps peut-être, et depuis non moins longtemps, hélas ! totalement oubliés. O Dieu, voyez ma peine et mon humiliation. Ant. Les fautes de ma jeunesse ,
mes ignorances , Seigneur, ne vous en souvenez plus. PSAUME XXIV.Vers vous, Seigneur, j'ai
élevé mon âme; en vous, mon Dieu, j'ai mis ma confiance : je n'aurai pointa en
rougir. Que mes ennemis ne se rient
pas de moi : quiconque vous attend ne sera point confondu. Cette confusion, qu'elle soit
pour tous ceux qui font le mal comme à plaisir. Montrez-moi, Seigneur , la voie qui conduit à vous ; apprenez-moi
vos sentiers. Dirigez-moi dans votre
vérité, instruisez-moi ; car vous êtes mon Dieu sauveur, et je vous attends
tout le jour. Souvenez-vous de vos bontés,
Seigneur, de vos miséricordes qui sont à jamais. Les fautes de ma jeunesse,
mes ignorances, ne vous en souvenez plus. Souvenez-vous de moi selon
votre miséricorde, ô Seigneur, dans votre seule bonté. Doux et juste est le Seigneur
; c'est pour cela qu'il donne sa loi à ceux qui s'égarent. Il guide les humbles dans la
justice ; il enseigne ses voies à ceux qui sont doux Toutes les voies du Seigneur
sont miséricorde et vérité pour ceux qui recherchent son alliance et ses
commandements. Pour votre nom Seigneur, vous
pardonnerez mon péché, si grand qu'il soit. Quel est l'homme qui craint
le Seigneur ? il ne sera point sans loi et direction
dans le chemin qu'il a choisi. Son âme aura la tranquille
possession de tous les biens ; sa race aura la terre en héritage. Le Seigneur est un ferme appui pour ceux qui le craignent ; par son
alliance, il se révèle à eux. Mes yeux restent tournés vers
le Seigneur : c'est lui qui retirera mes pieds des filets. Tournez vers moi les yeux,
ayez pitié, car je suis pauvre et délaissé. Mes afflictions et mes
tribulations se sont multipliées; délivrez-moi de telles angoisses. Voyez mon humiliation et mon
labeur ; remettez-moi tous mes péchés. Considérez mes ennemis, leur
multitude, de quelle injuste haine ils me haïssent. Gardez mon âme, et
délivrez-moi : non, je n'aurai point à rougir d'avoir mis en vous mon espoir. Les justes et les cœurs
droits font avec moi cause commune, parce que c!est vous que j'attends. Mon Dieu, délivrez Israël de
toutes ses tribulations. Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel ; Que luise pour eux la lumière
sans fin Ant. Les fautes de ma jeunesse, mes ignorances, Seigneur,
ne vous en souvenez plus. Le Psaume XXVI° fut chanté au Vendredi saint pour exprimer le sentiment de confiance qui n'abandonna pas le Messie durant les épreuves de sa Passion. Il reparaissait aux Matines du lendemain pour annoncer sa prochaine délivrance ; et l'Antienne qui l'accompagnait en ce dernier jour était celle-là même qui va suivre. Comme au grand Samedi où les limbes possédèrent le Sauveur, les hôtes du purgatoire s'unissent au Chef divin dans son attente du retour à la lumière, à la vie. Leur prière, que l'Eglise elle aussi fait sienne, est d'une inspiration bien faite pour toucher le Seigneur. Ant. J'ai la ferme espérance de voir un jour les
richesses du Seigneur, dans la terre des vivants. PSAUME XXVI.Le Seigneur est ma lumière et
mon salut : qui craindrai-je ? Le Seigneur est le défenseur
de ma vie : qui pourrait m'intimider, En ce moment où les méchants
m'ont cerné pour me dévorer ? Mes persécuteurs se sont
affaiblis, et ils sont tombés. Quand même une armée ennemie
m'assiégerait, mon cœur serait sans crainte. Si elle me déclarait la
bataille,c'est alors que je serais plein de confiance. Je n'ai demandé qu'une chose
au Seigneur ; je la lui demanderai sans cesse : c'est d'habiter dans sa maison
tous les jours de ma vie ; Afin de goûter les délices du
Seigneur, et de contempler les beautés de son temple. Car il me couvrira de l'ombre
de son tabernacle ; au jour de mon affliction, il me protégera dans le secret
de son temple. Il m'a établi sur le roc ; il
a élevé ma tête au-dessus de mes ennemis. Après une marche sacrée,
j'offrirai dans son tabernacle un sacrifice accompagné de cris de joie ; je
chanterai des cantiques au Seigneur. Exaucez, Seigneur, le cri que
je vous adresse ; ayez pitié de moi, et exaucez-moi. Mon cœur vous parle ; mes
yeux vous cherchent : Seigneur, je ne cesserai de chercher votre présence. Ne détournez pas de moi votre
visage ; dans votre colère, ne vous éloignez pas de votre serviteur. Soyez mon appui ; ne
m'abandonnez pas ; ne me dédaignez pas, ô Dieu de mon salut. Mon père et ma mère m'ont
abandonné ; mais le Seigneur a pris soin de moi. Enseignez-moi vos sentiers,
Seigneur; dirigez-moi dans la voie droite pour confondre mes ennemis. Ne m'abandonnez pas à la
fureur de ceux qui me persécutent ; car de faux témoins se sont élevés contre
moi, et l'iniquité s'est menti à elle-même. J'ai la ferme espérance de
voir un jour les richesses du Seigneur, dans la terre des vivants. Attends le Seigneur,ô mon âme, sois ferme ; fortifie ton courage, et attends le
Seigneur. Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel ; Que luise pour eux la lumière
sans fin. Ant. J'ai la ferme espérance de voir un jour les
richesses du Seigneur, dans la terre des vivants. V/. Veuille le Seigneur les placer avec les
avec les princes de son peuple. Le Chœur a fait écho dans le Verset au désir des âmes; il prie de nouveau en silence, disant le Pater. C'est au début de la Leçon suivante que se rattache la scène terrifiante immortalisée dans la Vie de saint Bruno par le pinceau de Le Sueur. D'après une tradition conservée dans l'Ordre qu*il devait fonder, Bruno, séculier encore, assistait au service funèbre chanté à Notre-Dame de Paris pour un docteur de renom, Raymond Diocrès, lorsqu'à ces paroles : Responde mihi quantas habeo iniquitates et peccata, le mort se souleva de sa bière et prononça ces mots : « J'ai été accusé au juste jugement de Dieu. » L'Office interrompu dans l'émotion de tous, et remis au lendemain, la même tradition rapporte qu'on vit Diocrès se lever à nouveau, mais pour dire : « J'ai été jugé au juste jugement de Dieu. » Jusqu'à ce que, les funérailles une troisième fois reprises, la voix du malheureux se fit entendre au même moment que les deux premiers jours, et elle s'écriait, glaçant l'assemblée d'épouvante : « J'ai été condamné au juste jugement de Dieu (1). » 1. D. Le Couteulx, Annal. Cartns. in Proœmio, nis XXI XLI ; où l'on verra les arguments qui militent pour la substance du fait, sinon ses détails. LEÇON IV. (Job. XIII.)Répondez-moi : quel est le nombre
de mes iniquités? quelle est la gravité de mes fautes
? Faites-moi voir mes péchés et mes crimes. Pourquoi détourner de moi votre
visage, et me considérer comme un ennemi? Vous déployez votre puissance contre
une feuille qu'emporte le vent, vous poursuivez une paille desséchée. Car vous
édictez contre moi les mesures les plus dures, et pour me perdre vous remontez
jusqu'aux péchés de mon adolescence. Vous avez mis mes pieds dans les ceps,
vous avez observé tous mes sentiers, vous avez relevé les traces de mes pas, à
moi qui bientôt ne serai que pourriture, pareil au vêtement mangé des vers. R/. Souvenez-vous de moi, ô
Dieu, car ma vie n'est qu'un souffle.
* Et les hommes ne me verront plus. V/. De l'abîme j'ai crié vers
vous, Seigneur ; Seigneur, écoutez ma voix. * Et les hommes. (Job. XIV.) LEÇON V. (Job. XIV.)L'homme, né de la femme, vit
peu de temps, et est rempli de beaucoup de misères. Il germe comme la fleur et
comme elle est foulé aux pieds ; il fuit comme l'ombre
et ne demeure jamais stable. Et c'est lui que vous estimez digne d'attirer vos
regards, c'est lui que vous appelez en jugement avec vous ! Qui peut rendre pur
l'être sorti d'une source souillée ? N'est-ce pas vous seul qui le pouvez? Les
jours de 1 homme sont courts ; vous connaissez les mois que doit durer sa vie :
vous en avez marqué les bornes, qui ne seront point dépassées. Retirez-vous un
peu de lui, afin qu'il ait quelque relâche , en
attendant que vienne le jour désiré qui comme pour le mercenaire finira ses
travaux. R/. Hélas ! Seigneur , "' O combien j'ai péché dans ma vie ! Que
ferai-je, malheureux ? Où fuir, sinon vers vous, mon Dieu ? * Ayez pitié de
moi, quand vous viendrez au dernier jour. V/. Mon âme est grandement
troublée ; mais vous, Seigneur, secourez-la.* Ayez pitié. LEÇON VI. (Job. XIV.)Qui me donnera de me voir mis
à l'abri, caché par vous au séjour des morts, jusqu'à ce que passe votre
fureur, et que vous me marquiez un temps où vous aurez souvenir de moi? Mais se
peut-il qu'une fois mort, l'homme revive ? Chacun de ces jours de ma milice
terrestre, j'attends que survienne ma transformation .
Vous m'appellerez alors, et je vous répondrai ; vous tendrez votre droite à
l'ouvrage de vos mains. Mais maintenant vous comptez tous mes pas ; pardonnez
mes péchés. R/. SEIGNEUR
, ne vous souvenez vous pas de mes péchés, * Quand vous viendrez juger
le inonde par le feu. V/. Seigneur mon Dieu,
dirigez mes pas en votre présence , * Quand vous
viendrez. V/. Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel ; que luise pour eux la lumière sans fin, * Quand vous viendrez. TROISIEME NOCTURNE.A mesure que se poursuit l'expiation purifiante, l'ombre qui ternissait l'âme se dissipe, et laisse comme poindre déjà l'auréole. Certes, ni l'expression de la souffrance, ni l'élan de la prière ne font défaut au Psaume XXXIX°, que nous chantâmes lui aussi à la mort du Sauveur (1). Mais combien s'y montre surtout l'union toujours plus marquée dans la douleur au libérateur divin, dont le sang éteignit la flamme de tous les holocaustes ! combien dominent en ce Psaume, non seulement l'action de grâces, mais l'admiration pour Dieu à cause de ses bontés, et le besoin de le louer pour lui-même, de le voir louer par tous ! Oui ; qu'il vous plaise, Seigneur, de me délivrer; mais qu'ils tressaillent en vous ceux qui vous cherchent, qu'ils disent sans fin : Soit magnifié le Seigneur ! I. IIe Nocturne du Vendredi saint. 143 Ant. Qu'il vous plaise, Seigneur , de me délivrer; Seigneur, protégez-moi de votre regard. PSAUME XXXIX.J'ai attendu le Seigneur avec
persévérance, et il s'est enfin tourné
vers moi. Il a exaucé ma prière ; il
m'a tiré d'un abîme de misère et d'un bourbier profond. Il a établi mes pieds sur le
roc, et dirigé lui-même mes pas. Il a mis dans ma bouche un
cantique nouveau, un cantique de louanges pour notre Dieu. Plusieurs verront ceci, ci
seront dans la crainte ; ils espéreront dans le Seigneur. Heureux l'homme qui met son
espérance dans le nom du Seigneur, et qui ne cherche pas des appuis vains et
insensés! Seigneur mon Dieu, vous avez
opéré d'innombrables merveilles ; et nulle créature, dans ses desseins, ne peut
être comparée à vous. Si je veux parler de vos
oeuvres et les annoncer,elles se trouvent au-dessus de
mes paroles. Vous n'avez pas agréé les
victimes ni les offrandes ; mais vous m'avez formé des oreilles dociles. Vous n'avez point demandé
d'holocaustes, ni sacrifices pour le péché ; alors j'ai dit : Voici que je
viens. Il est écrit de moi en tête
du livre que je ferai votre volonté ; je le veux ainsi, mon Dieu, et votre
commandement est gardé dans le plus intime de mon cœur. J'ai annoncé votre justice
dans une grande assemblée ; je n'ai point fermé mes lèvres ; vous le savez,
Seigneur. Je n'ai point retenu votre
justice dans le secret de mon cœur : j'ai publié votre vérité et le salut qui
vient de vous. Je n'ai point caché votre
miséricorde et votre vérité à cette réunion nombreuse. Mais vous, Seigneur,
n'éloignez pas de moi vos bontés ; que votre miséricorde et votre vérité
m'accompagnent toujours. Des maux sans nombre sont
venus fondre sur moi ; mes iniquités m'ont enveloppé de toutes parts ; et je
n'ai pu en soutenir la vue. Elles surpassent le nombre
des cheveux de ma tête ; et mon cœur en est tombé dans la défaillance. Qu'il vous plaise, Seigneur,
de me délivrer ; Seigneur, protégez-moi de votre regard. Que ceux qui cherchent à
m'ôter la vie soient couverts de honte et saisis de crainte. Que ceux qui désirent ma
perte soient mis en fuite et livrés à l'ignominie. Qu'ils soient couverts de
confusion, ceux qui disent en m'insultant : Allons, allons 1 Que tous ceux qui vous
cherchent soient dans l'allégresse ; que tous ceux qui n'attendent leur salut
que de vous disent sans cesse : Soit glorifié
le Seigneur 1 Pour moi, je suis pauvre et
mendiant ; mais le Seigneur prend soin de moi. Vous êtes mon libérateur et
mon appui : mon Dieu, ne tardez pas. Donnez-leur
, Seigneur, le repos éternel ; Que luise pour eux la lumière
sans fin. Ant. Qu'il vous plaise, Seigneur, de me délivrer ;
Seigneur, protégez-moi de votre regard. Pour moi, je suis le pauvre et le mendiant de Dieu, disait sur sa fin le dernier Psaume. Et le suivant débute en proclamant bienheureux celui qui s'ingénie à secourir l'indigent et le pauvre. Parmi tous les nobles sentiments qui règnent au purgatoire, ne pouvait manquer celui de la reconnaissance pour quiconque ne partage point l'oubli dont trop souvent sont l'objet les morts ; indifférence odieuse à l'égal d'une trahison, quand elle est celle de ces hommes de leur paix, comme dit le Psalmiste, de ces convives des heureux jours, en lesquels si à tort ils avaient mis espoir et confiance. Mais entendons leur prière humble et douce pour le bienfaiteur ignoré d'eux, dédaigné d'eux peut-être au temps de la prospérité mondaine, et venu au secours de leur abandon : Que le Seigneur le rende heureux sur la terre et le délivre de ses ennemis ; que le Seigneur lui vienne en aide, s'il est sur un lit de douleur. Ant. Seigneur, guérissez
mon âme, car j'ai péché contre vous. PSAUME XL.Heureux celui qui s'ingénie à
secourir l'indigent et le pauvre ! Le Seigneur le délivrera au jour mauvais. Que le Seigneur le garde et
qu'il le vivifie ; qu il le rende heureux sur la terre et le délivre des
embûches de ses ennemis. Que le Seigneur lui vienne en
aide, s'il est sur un lit de douleur. Ainsi faites-vous toujours, ô Dieu! vous-même alors refaites et retournez son lit. Pour moi, j'ai dit :
Seigneur, ayez pitié de moi ; guérissez mon âme, car j'ai péché contre vous. Mes ennemis ne me souhaitent
que du mal, et ils disent: Quand mourra-t-il? quand
périra son nom? Si quelqu'un d'eux entrait
pour me voir, il ne disait que tromperies, tandis qu'il amassait l'iniquité
dans son cœur. Une fois sorti, il se
concertait avec les autres ; Et ils chuchotaient contre
moi, et tous mes ennemis combinaient contre moi des desseins perfides. Entre eux s'est formé contre
moi un complot inique. Mais celui qui dort dans le tombeau ne pourra-t-il
ressusciter? L'homme de ma paix, de ma
confiance, l'homme qui mangeait mon pain m'a odieusement trahi. Mais vous, Seigneur, ayez
pitié de moi,ressuscitez-moi, et je le leur rendrai. Le signe que vous m'aimez,
c'est pour moi que mon ennemi n'aura point à se réjouir à mon sujet. Vous m'avez pris en votre
protection à cause de mon innocence, et vous m'avez établi devant vous pour
toujours. Béni soit le Seigneur, Dieu
d'Israël, dans tous les siècles. Ainsi soit-il, ainsi soit-il. Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel ; Que luise pour eux la lumière
sans fin. Ant. Seigneur, guérissez mon âme, car j'ai péché contre
vous. « Je ne crois point, dit sainte Catherine de Gênes, qu'il se puisse trouver contentement qui puisse être comparé à celui d'une âme de purgatoire, excepté celui des saints de paradis. Et d'autant croît ce contentement que la rouille du péché consumée par le feu diminue, laissant l'âme exposée d'autant mieux à la réverbération du vrai soleil, qui est Dieu. La peine pourtant ne diminue pas ; ains au contraire, l'amour, qui se trouve retardé, est ce qui fait la peine des âmes, et d'autant la fait-il plus grande que la perfection de l'amour, duquel Dieu les a faites capables, est grande (1). » Mais entendons l'âme elle-même exprimer son tourment ; nulle langue mortelle, fût-ce celle de la grande théologienne du purgatoire, ne rendra pareillement ces sublimités. Oh ! comme l'Eglise, avec ses Psaumes et sa Liturgie, surpasse ici encore ses fils les plus saints, les plus doctes ! 1. Traité du Purgatoire, traduction des Chartreux de Bourgfontaine, 1598. Ant. Mon âme a soif du Dieu vivant : quand viendrai-je et paraîtrai-je devant la face de Dieu? PSAUME XLI.Comme le cerf aspire après
l'eau des fontaines , ainsi mon âme aspire après vous,
ô Dieu. Mon âme a soif du Dieu fort
et vivant : quand viendrai-je et paraîtrai-je devant la face de Dieu? Mes larmes sont devenues mon
pain du jour et de la nuit : on me dit tous les jours : Où est ton Dieu ? J'ai repassé leurs injures, et
j'ai répandu mon âme au dedans de moi-même ; mais je passerai jusqu'au lieu du
tabernacle admirable, jusqu'à la maison de Dieu. Voix d'allégresse et de
louange ! c'est l'écho du festin. Pourquoi es-tu triste, mon âme?pourquoi me troubles-tu? Espère en Dieu, parce que je
le louerai encore : il est le salut que verra mon visage, il est mon Dieu. Mon âme s'est troublée en
moi-même; c'est pourquoi je me souviendrai de vous dans la terre du Jourdain,
sur les montagnes d'Hermon. L'abîme appelle l'abîme au
bruit de vos cataractes. Tous les torrents des nues,
tous les flots de la terre ont passé sur moi. Le Seigneur a fait éclater sa
miséricorde en plein jour, et la nuit je chanterai ses louanges. Je prierai en mon cœur le Dieu
de ma vie ; je dirai à mon Dieu : Vous êtes mon refuge. Pourquoi m'avez-vous oublié ?
pourquoi suis-je réduit à marcher dans la tristesse,
sous l'affliction de mon ennemi? Mes os en sont brisés ; les
ennemis qui me poursuivent m'accablent d'injures. Ils me disent tous les jours : « Où est ton Dieu ? » Pourquoi
cette tristesse, ô mon âme? pourquoi me troubles-tu? Espère en Dieu, car je le
louerai encore : il est le salut que verra mon visage, il est mon Dieu. Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel ; Que luise pour eux la lumière
sans fin. Ant. Mon âme a soif du Dieu vivant : quand viendrai-je et
paraîtrai-je devant la face de Dieu ? V/. Ne livrez pas aux bêtes
les âmes qui vous louent. R/. N'oubliez pas à jamais
les âmes de vos pauvres. C'est toujours des mêmes pauvres que précédemment, à savoir les âmes souffrantes, qu'il est question dans la supplication instante du Verset (1). 1. Psalm. LXXIII, 19. Après la récitation silencieuse du Pater par le Chœur, la voix de Job retentit à nouveau pour nous redire au nom des trépassés la vanité de cette courte vie, les lugubres réalités de la tombe, mais aussi, par delà cette vie et la tombe, les splendeurs attendues de la résurrection finale où dans sa chair tout homme verra son Dieu. LEÇON VII. (Job. XVII.)Ton souffle s'épuise, mes
jours s'abrègent, il ne me reste plus que la tombe. Je n'ai point péché, et mon
œil ne voit que persévérantes amertumes. Délivrez-moi, Seigneur, placez-moi
près de vous : et que la main de qui que ce soit me combatte. Mais mes jours
ont passé ; mes espérances se sont dissipées, ne me laissant au cœur que
tourments. Elles prétendaient changer la nuit en jour, et me promettent encore
qu'après les ténèbres reviendra la lumière. Mais
qu'attendre, maintenant que je n'ai plus à compter sur d'autre asile que le
séjour des morts ? Déjà j'ai dressé mon lit au pays des ombres. J'ai dit à la
pourriture : C'est toi mon père ; aux vers : Vous êtes ma mère et ma sœur ! Où
donc est désormais pour moi l'espoir, et qui prend souci de mes maux? R/. PÉCHANT tous les jours , et
ne faisant point pénitence, je suis troublé par la crainte de la mort ; * Car
en enfer, aucune rédemption n'a plus lieu : ayez pitié de moi, ô Dieu, et
sauvez-moi. V/. O Dieu, pour la gloire de
votre nom, sauvez-moi ; faites éclater votre puissance, et délivrez-moi. * Car
en enfer. LEÇON VIII. (Job. XIX.)Mes chairs se sont consumées,
mes os sont collés à ma peau, et il ne me reste plus que les lèvres autour des
dents. Ayez pitié de moi, ayez pitié de moi, vous au moins qui êtes mes amis ;
car la main du Seigneur m'a touché. Pourquoi me persécuter comme Dieu, et vous
rassasier de ma chair? De qui obtiendrai-je que mes paroles soient écrites ? qui me donnera qu'elles soient tracées dans un livre,
qu'elles soient gravées avec un stylet de fer sur une lame de plomb, qu'elles
soient sculptées dans le roc avec le ciseau? Car ce que je dis, je le
sais : mon Rédempteur est vivant, et au dernier jour je ressusciterai de la
terre ; et de nouveau je revêtirai cette peau qui est mienne, et dans ma chair
je verrai mon Dieu. Je le verrai moi-même, et non un autre, et mes yeux le contempleront.
Cette espérance repose en mon sein. R/. Seigneur, ne me jugez pas
selon mes actions : je n'ai rien fait devant vous qui soit digne de vous ; c'est
pourquoi j'implore votre majesté, * Pour que vous daigniez, ô Dieu, effacer mon
péché. V/. Seigneur, lavez-moi
toujours plus de mon iniquité, purifiez-moi de mon offense. * Pour que. LEÇON IX.Pourquoi m'avez-vous tiré du sein de ma mère ? que n'y suis-je mort sans que personne m'eût jamais vu? J'aurais été comme n'ayant point été, du sein de ma mère porté au tombeau. Le petit nombre de mes jours ne doit-il pas au moins finir bientôt? Laissez-moi donc exhaler un peu ma douleur avant de m'en aller, pour ne plus revenir, à la terre ténébreuse que la mort ensevelit dans ses ombres : terre de misère et de ténèbres où sous la nuit mortelle habite le chaos, l'éternelle horreur. R/. Délivrez-m o i, Seigneur, de la mort éternelle, en ce jour redoutable ; * Quand les deux et la terre seront ébranlés ; * Lorsque vous viendrez juger le siècle par le feu. V/. Je tremble et suis dans l'épouvante, à la pensée de l'examen final, de la colère qui le suivra. * Quand les cieux. V/. Quel jour que ce jour de colère, de malheur et de larmes ! grand jour, plein d'amertume,* Où vous viendrez juger. V/. Donnez-leur,Seigneur, le repos éternel ; que luise pour eux la lumière sans fin. On reprend Délivrez-moi jusqu'au premier V/. 154 LES LAUDES DES MORTS.Les Laudes des morts débutent, comme celles de l'Office férial au cours de l'année, par le Psaume I, que David composa après son péché, et dans lequel il épanche d'une manière si vive et si humble les sentiments de sa pénitence. L'Eglise l'emploie toutes les fois qu'elle veut implorer la miséricorde de Dieu ; et de tous les Cantiques du Roi-Prophète il n'en est aucun qui soit plus familier aux chrétiens. C'est comme naturellement qu'il revient sur leurs lèvres, au lieu d'expiation. Ant. Mes os humiliés tressailliront d'allégresse. PSAUME L.
Ayez pitié de moi, Seigneur , selon
votre grande miséricorde. Et dans l'immensité de votre
clémence, daignez effacer mon péché. Lavez-moi de plus en plus de
mon iniquité, et purifiez-moi de mon offense. Car je reconnais mon iniquité
; et mon péché est toujours devant moi. C'est contre vous seul que
j'ai péché, et j'ai fait le mal en votre présence. Je le confesse; daignez me
pardonner, afin que vous soyez reconnu juste dans vos paroles, et que vous
demeuriez victorieux dans les jugements qu'on fera de vous. J'ai été conçu dans
l'iniquité ; ma mère m'a conçu dans le péché. Vous aimez la vérité, vous
m'avez découvert ce qu'il y a de plus mystérieux et de plus caché dans votre
sagesse. Vous m'arroserez d'eau avec
l'hysope, comme le lépreux, et je serai purifié ; vous me laverez,et je deviendrai plus blanc que la neige. Vous me ferez entendre des
paroles de joie et de consolation ; et mes os humiliés tressailliront
d'allégresse. Détournez votre face de mes
péchés, et effacez toutes mes offenses. O Dieu, créez en moi un cœur
pur, et renouvelez l'esprit droit dans mes entrailles. Ne me rejetez pas de votre
face, et ne retirez pas de moi votre Esprit-Saint. Rendez-moi la joie en celui
par qui vous voulez me sauver, et confirmez-moi par l'Esprit de force. J'enseignerai vos voies aux
méchants, et les impies se convertiront à vous. Délivrez-moi du sang que j'ai
versé, ô Dieu, ô Dieu mon Sauveur ! et ma langue
publiera avec joie votre justice. Seigneur , ouvrez mes lèvres ; et ma bouche chantera vos louanges. Si vous aimiez les sacrifices
matériels , je vous en offrirais ; mais les
holocaustes ne sont pas ce qui vous est agréable. Une âme brisée de regrets est
le sacrifice que Dieu demande; ô Dieu, vous ne mépriserez pas un cœur contrit
et humilié. Seigneur, traitez Sion selon
votre miséricorde, et bâtissez les murs de Jérusalem. Vous agréerez alors le
sacrifice de justice, les offrandes et les holocaustes; et on vous offrira des
génisses sur votre autel. Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel ; Que luise pour eux la lumière
sans fin. Ant. Mes os humiliés tressailliront d'allégresse. L'effet de la prière prolongée des fidèles unis à l'Eglise, leur Mère, se fait sentir aux trépassés. Les temps s'abrègent, les distances se rapprochent ; voici qu'apparaissent enfin les horizons delà terre promise. En marche déjà pour quitter Babylone, les tribus captives célèbrent cette vision si douce; elles chantent la patrie aux fraîches eaux, aux collines bénies, aux vallons fertiles, Sion où réside le bonheur, Jérusalem où Dieu est loué comme il doit l'être. Ant. Seigneur! exaucez ma prière ; à vous viendra toute chair. PSAUME LXIV Il convient qu'on vous loue
dans Sion, ô Dieu; à vous l'on doit rendre ses voeux dans Jérusalem. Exaucez ma prière ; à vous
viendra toute chair. Les méchants avaient prévalu
contre nous ; mais nos péchés vont recevoir de vous le pardon. Heureux l'élu de votre grâce
: il habitera vos parvis. Nous aurons dans votre maison
l'abondance de tous biens. Saint est votre temple ; admirable s'y révèle votre
équité. Exaucez-nous, ô Dieu notre sauveur , vous l'espérance de toute nation jusqu'aux plus
lointains rivages ; Vous qui, vous ceignant de
force, affermissez les monts par votre puissance, qui soulevez la mer en ses
profondeurs et faites mugir ses flots. Jusqu'aux extrémités de la
terre, les nations sont troublées, les peuples tremblent, à la vue de vos
prodiges. Et c'est vous qui, de l'orient à l'Occident, répandez la félicité. Vous visitez la terre et
l'arrosez ; vous multipliez ses trésors. Le fleuve de Dieu coule à
pleins bords ; c'est l'abondance pour
les humains : ainsi préparez-vous leur nourriture. Enivrez les sillons, fécondez
les germes ; le sol, fertilisé par la rosée des cieux, sera dans la joie. Tout le cours de l'année,
béni par vous, ressentira votre bonté : on verra les moissons déborder des
champs, Et s'engraisser les oasis du
désert; les collines se revêtiront d'allégresse. Les béliers au milieu des
brebis seront fiers de leurs opulentes toisons ; le froment regorgera dans les
vallées : tout retentira de cris joyeux, tout chantera vos louanges. Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel ; Que luise pour eux la lumière
sans fin. Ant. Seigneur, exaucez ma prière ; à vous viendra toute
chair. L'aurore s'est donc montrée, au purgatoire. Aussi l'Eglise se garde-t-elle de remplacer le troisième Psaume qui revient chaque jour, sur la terre, à l'Office des Laudes. C'est le cri du chrétien qui élève son cœur vers Dieu à l'apparition de la lumière, et lui témoigne son amour et sa confiance. Ce Psaume est, comme toujours, accompagné du LXVI°, dans lequel le Psalmiste,au lever du soleil matériel, implore sur le monde le regard de la miséricorde divine. Ant .Votre droite m'a soutenu, ô Seigneur! PSAUME LXIIO Dieu, ô mon Dieu, je veille
vers vous dès le point du jour. Mon âme a soif de vous, et ma
chair se consume pour vous, Dans cette terre déserte,
sans route et sans eau. Je me présente devant vous, dans votre sanctuaire, pour
contempler votre puissance et votre gloire. Votre miséricorde est pour
moi plus douce que la vie ; mes lèvres ne cesseront de faire entendre vos
louanges. Tant que je vivrai, je vous
bénirai ; pour invoquer votre nom, j'élèverai mes mains. Mon Ame s'engraissera de vos
faveurs, et ma bouche s'ouvrira pour des chants d'allégresse. Je me souviendrai de vous sur
ma couche : dès le matin je penserai à vous, parce que vous m'avez secouru. Je tressaillirai de joie à
l'ombre de vos ailes ; mon âme s'est attachée à vous ; votre droite m'a soutenu. Mes ennemis ont en vain
cherché ma ruine : les voilà précipités dans les abîmes de la terre ; ils
seront livrés au glaive, et deviendront la proie des bêtes dévorantes. Le juste délivré, semblable
à un roi, se réjouira en Dieu : tous ceux qui jurent par son nom recevront
des louanges ; parce que la bouche de l'iniquité est fermée à jamais. PSAUME LXVI.Que Dieu ait pitié de nous et qu'il nous bénisse ; qu'il fasse luire sur
nous la lumière de son visage, et qu'il nous envoie sa miséricorde ; Afin que nous connaissions
sur la terre votre voie, et dans toutes les nations le salut que vous nous avez donné. Que les peuples vous louent,
ô Dieu ! que tous les peuples vous rendent hommage. Que les nations soient dans
la joie et l'allégresse ; car vous jugez les peuples dans l'équité, et vous
dirigez les nations sur la terre. Que les peuples vous louent,
ô Dieu ! que tous les peuples vous rendent hommage ;
la terre a porté son fruit. Que Dieu, que notre Dieu nous
bénisse ; que Dieu nous comble de ses bénédictions, et qu'il soit craint
jusqu'aux confins de la terre. Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel ; Que luise pour eux la lumière
sans fin. Ant. Votre droite m'a soutenu, ô Seigneur ! 161 Le Samedi saint, qui vit l'Homme-Dieu habiter les demeures souterraines, est le grand jour des trépassés. C'est pourquoi l'Eglise, ayant à faire choix du Cantique qu'elle a coutume de chanter à cet endroit des Laudes matutinales, met en la bouche de ses défunts celui d'Ezéchias qui fut pour elle, en cette solennelle journée, le type du Christ implorant sa prochaine délivrance. La même Antienne qu'au Samedi saint l'accompagne. Ant. De la porte de l’enfer, Seigneur, délivrez mon âme. CANTIQUE D'EZECHIAS.J'ai dit : A la moitié de ma
vie, je vais donc voir les portes de la mort. J'ai cherché en vain le reste
de mes années ; et j'ai dit : Je ne verrai donc plus le Seigneur mon Dieu sur
la terre des vivants. Je ne verrai plus les hommes
désormais, ceux qui habitent ce monde dans la paix. Le tissu de ma vie est enlevé
et replié, comme la tente d'un berger. La trame en est coupée comme
parle tisserand; il vient de la couper pendant qu'on l'ourdissait encore; du
matin au soir vous aurez achevé ma vie. J'espérais encore vivre
jusqu'au matin ; mais le mal comme un lion a broyé tous mes os. Du matin au
soir vous aurez achevé ma vie : mes cris sont semblables à ceux du petit
de l'hirondelle ; je gémis comme la colombe. A force de regarder en haut,
mes yeux se sont épuisés. Seigneur, je souffre violence
: soyez ma caution. Mais que dirai-je et que me répondra-t-il, quand c'est
lui-même qui m'a frappé ? Je repasserai devant vous
toutes mes années dans l'amertume de mon âme. Seigneur, si j'ai vécu ainsi,
si mon âme s'est ainsi rendue coupable, châtiez-moi ; mais ensuite rendez-moi
la vie. Déjà je sens la paix qui vient succéder aux plus amères douleurs. Vous retirez ma vie du
tombeau; vous jetez derrière vous tous mes péchés. Le tombeau, en effet, ne vous
rendrait plus d'actions de grâces; la mort ne saurait vous louer ; et ceux qui
descendent dans le sépulcre n'attendent plus la vérité de vos promesses. Ce sont les vivants qui vous
louent, comme je fais aujourd'hui; le père racontera à ses enfants combien vous
êtes fidèle à vos promesses. Conservez-moi la vie,
Seigneur, et nous chanterons dans votre maison des cantiques à votre gloire,
tous les jours de notre vie. Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel; Que luise pour eux la lumière
sans fin. Ant. De la porte de l'enfer, Seigneur, délivrez mon âme. Soit loué le Seigneur par tout ce qui respire ! L'amour déborde au purgatoire ; la louange y devient tout ; le ciel est proche. L'oubli de soi absolu marque la fin des purifications douloureuses. Dût l'âme rester encore dans le feu de l'expiation, qu'elle n'en serait point éprouvée, n'ayant plus tache ni rouille qui puisse tomber sous la prise des flammes, pleine de Dieu, impuissante à tout autre sentiment que celui de sa gloire. Ant. Soit loué le
Seigneur par tout ce qui respire. PSAUME CXLVIII.LOUEZ le Seigneur du haut des cieux; louez-le dans les
hauteurs célestes. Vous tous, ses
Anges, louez-le ; vous tous qui formez ses armées, louez-le. Soleil et lune, louez-le;
étoiles et lumière, louez-le. Cieux des cieux, louez-le ;
eaux qui êtes par delà les airs, louez le nom du Seigneur. Car il a dit, et tout a été
fait ; il a commandé, et tout a été créé. Il a établi ses créatures à
jamais, et pour les
siècles des siècles : il en a porté le décret, et sa parole ne passera
pas. Louez le Seigneur, vous qui
êtes sur la terre; dragons, abîmes des eaux; Feux, grêle, neige, glaces,
souffles des tempêtes, qui obéissez à sa parole; Montagnes et collines, arbres
fruitiers et cèdres ; Bêtes et troupeaux ; serpents
et volatiles empennés; Rois de la terre, et tous les
peuples ; princes et juges de la terre ; Jeunes hommes et vierges,
vieillards et enfants, louez le nom du Seigneur ; car son nom seul est grand. Sa gloire éclate au ciel et
sur la terre; et il a relevé la puissance de son peuple. Que sa louange soit dans la
bouche de tous ses saints, des fils d'Israël, du peuple qu'il daigne réunir
autour de lui. PSAUME CXLIX.
Chantez au Seigneur un
cantique nouveau ; que sa louange retentisse dans rassemblée des saints. Qu'Israël se réjouisse en
celui qui l'a fait ; que les fils de Sion tressaillent d'allégresse en leur
roi. Qu'ils louent son nom dans les chœurs ; qu'ils lui chantent d*
psaumes au son du tambour et de la harpe. Car le Seigneur aime son
peuple avec tendresse ; il glorifiera, il sauvera les humbles. Les saints tressailliront
d'allégresse dans leur gloire ; ils seront comblés de joie sur leurs couches
d'honneur. La louange de Dieu sera dans
leur bouche, et le glaive à deux tranchants dans leurs mains, Pour tirer vengeance des
nations, pour châtier les peuples rebelles ; Pour enchaîner les rois
superbes, et contenir les puissants par des liens de fer ; Pour exercer sur eux le
jugement rendu par le Seigneur : telle est la gloire qu'il a réservée à tous
ses saints. PSAUME CLLouez le Seigneur dans son
sanctuaire ; louez-le au firmament où éclate sa puissance. Louez-le dans ses merveilles
; louez-le à cause de sa grandeur sans bornes. Louez-le au son de la
trompette, louez-le sur le psaltérion et la harpe. Louez-le sur les tambours et
dans les chœurs ; louez-le sur les
instruments à cordes et dans les concerts. Louez-le sur les cymbales
harmonieuses, louez-le sur les cymbales de l'allégresse ; que tout ce qui
respire loue le Seigneur. Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel ; Que luise pour eux la lumière
sans fin. Ant. Soit loué le Seigneur
par tout ce qui respire. Comme à la fin déjà des Vêpres des morts, c'est en effet du ciel lui-même que descend jusqu'à nous le cri d'allégresse contenu au Verset. V/. J'ai entendu une voix venant du ciel, qui me disait : R/. Bienheureux ceux qui meurent dans le Seigneur. Et dans le Cantique de Zacharie, l'Eglise, avec toutes les âmes délivrées ou soulagées par la vertu des suffrages liturgiques, remercie le Seigneur Dieu d'Israël qui a visité et racheté son peuple. Nous aussi rendons grâces, pour nos morts bien-aimés, à Celui qui est la résurrection et la vie: il n'abandonne, même dans la mort, aucun de ceux qui crurent en lui sur la terre (1). 1. Johan. XI, 25. Ant. Je suis la résurrection et la vie : celui qui croit en moi, quand bien
même il serait mort, vivra ; et quiconque vit et croit en moi, ne mourra pas à
jamais. CANTIQUE DE ZACHARIEBéni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël ; car il a visité et racheté son peuple. Et il nous a suscité un
puissant Sauveur dans la maison de David, son serviteur ; Comme il l'avait promis par
la bouche de ses saints, de ses Prophètes,qui ont prédit,
dans les siècles passés,. Qu'il nous sauverait de nos
ennemis et de la main de tous ceux qui nous haïssent ; Qu'il ferait la miséricorde
promise à nos pères, et se souviendrait de son alliance sainte, Du serment par lequel il
avait juré à Abraham, notre père, de faire, dons sa bonté, Que, délivrés de la main de
nos ennemis, nous le puissions servir sans crainte, Dans la sainteté et la
justice, marchant devant lui tous les jours de notre vie. Et vous ,
petit enfant, vous serez appelé prophète du Très-Haut ; car vous marcherez
devant la face du Seigneur, pour préparer ses voies Pour donner à son peuple la
connaissance du salut, et annoncer la rémission des péchés, Par les entrailles de la miséricorde
de notre Dieu, ce divin Orient qui s'est levé sur nous du haut du ciel. Pour éclairer ceux qui sont
assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort, pour diriger nos pas dans
la voie de la paix. Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel; Que luise pour eux la lumière
sans fin. Ant. Je suis la résurrection et la vie : celui qui croit
en moi, quand bien même il serait mort, vivra ; et quiconque vit et croit en
moi, ne mourra pas à jamais. Le Prêtre commence, toute l'assemblée à genoux, l'Oraison Dominicale : NOTRE Père. Le reste se continue dans le silence, jusqu'à cette conclusion que suivent les Versets et l'Oraison terminant l'Office des morts : V/. Et ne nous laissez pas
succomber à la tentation. R/. Mais délivrez-nous du
mal. V/. De la porte de l'enfer, R/. Seigneur, délivrez leurs
âmes. V/. Qu'ils reposent en paix. R/. Amen. V/. Seigneur, exaucez ma
prière ; R/. Et que mon cri parvienne
jusqu'à vous. V/. Le Seigneur soit avec vous. R/. Et avec votre esprit. ORAISON.Dieu Créateur et Rédempteur
de tous les fidèles, accordez la remise de tous leurs péchés aux âmes de vos
serviteurs et de vos servantes, afin que soit acquise à leurs pieuses
supplications l'indulgence qu'ils ont toujours désirée. Vous qui vivez et
régnez avec Dieu le Père en l'unité du Saint-Esprit, Dieu vous-même, durant
tous les siècles des siècles. R/. Amen. V/. Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel ; R/. Que luise pour eux la
lumière sans fin. V/. Qu'ils reposent en paix. R/. Amen. LA MESSE DES MORTS.L'Eglise Romaine double aujourd'hui la tâche de son service quotidien envers la Majesté divine. La mémoire des défunts ne lui fait pas mettre en oubli l'Octave des Saints. L'Office du deuxième jour de cette Octave a précédé pour elle celui des morts ; Tierce de tous les Saints a été suivie de la Messe correspondante ; et c'est après None du même Office qu'elle va offrir le Sacrifice de l'autel pour les trépassés. Un tel surcroît, le souci de maintenir la proportion harmonieuse établie par elle entre le double objet liturgique de ce jour, ont rendu jusqu'ici Rome peu favorable à l'extension du privilège qui autorise chaque prêtre, en Espagne, à célébrer aujourd'hui trois Messes pour les morts. Longtemps l'Eglise mère fut presque seule, en la compagnie de ses filles les plus rapprochées, à ne pas omettre au 11 Novembre le souvenir des Saints ; la plupart des Eglises d'Occident n'avaient en ce jour d'autre Office que celui des morts. On supprimait aux différentes Heures, aussi bien qu'à Matines et à Laudes, l'Hymne ainsi que le Deus in adjutorium ; les Psaumes ordinaires y étaient suivis du Requiem aeternam, et l'on concluait par l'Oraison des défunts, comme il est de nos jours encore en usage chez les Frères Prêcheurs. L'unique Messe solennelle, celle des morts, était après Tierce. On terminait généralement à None cette commémoration des trépassés, bien que Cluny jusqu'au dernier siècle ait gardé la coutume d'en célébrer aussi les secondes Vêpres. Quant à l'obligation de chômer le
jour des âmes, elle n'était que de demi-précepte
en Angleterre, où les travaux plus nécessaires demeuraient permis ; le chômage
ne dépassait pas le milieu de la journée en plusieurs lieux ; en d'autres,
l'assistance à la Messe était seule prescrite. Paris observa quelque temps le
11 Novembre comme une fête de première obligation ; en 1613, l'archevêque La remarque d'Amalaire citée plus haut, en ce qui touche l'Office des défunts (1) , ne s'applique pas moins,à la Messe des morts. Sans parler de la suppression du Gloria in excelsis et de l’Alléluia, le Prêtre y omet au pied de l'autel le Psaume Judica me Deus, comme on le fait dans le Temps de la Passion. Il est revêtu d'ornements noirs comme au jour de la mort du Seigneur ; même suppression qu'au grand Vendredi de la plupart des bénédictions, du baiser de paix, des signes d'honneur rendus au Célébrant ; l'autel n'y est pareillement encensé qu'une fois ; le chant de l'Evangile s'y accomplit suivant le même rit, non seulement sans bénédiction du Diacre par l'Officiant, mais sans cierges, ni encens, ni baiser du texte sacré par le Prêtre. Ainsi toujours, et jusque dans la mort, l'Eglise rapproche en toutes manières ses fils de Celui dont ils sont les membres. L'Antienne d'Introït n'est autre que la supplication instante qui remplace toute doxologie à l'Office des défunts, et qui s'inspire d'un passage du quatrième Livre d'Esdras (2). Le deuxième Psaume des Laudes a fourni le Verset. 1. Page 119.— 2. IV Esdr. II, 34-35. INTROÏT.Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel; que luise pour eux la lumière sans fin. Ps. Il convient qu'on vous
loue dans Sion, ô Dieu ; à vous l'on doit rendre ses vœux dans Jérusalem :
exaucez ma prière ; à vous viendra toute chair. Donnez-leur. 172 Dans la Collecte, l'Eglise s'approprie maternellement la prière des âmes souffrantes ; et c'est à son Epoux, au Dieu fait homme, qu'elle la présente, l'appelant de ses titres de Créateur et de Rédempteur, qui disent tout ce que ces âmes lui ont coûté et l'invitent à parfaire son oeuvre. COLLECTE.Dieu Créateur et Rédempteur
de tous les fidèles, accordez la remise de tous leurs péchés aux âmes de vos
serviteurs et de vos servantes, afin que soit acquise à leurs pieuses
supplications l'indulgence qu'ils ont toujours désirée. Vous qui vivez et
régnez avec Dieu le Père en l'unité du Saint-Esprit, durant tous les siècles
des siècles. Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Corinthiens. I, Chap. XV. Mes Frères, écoutez ce
mystère : nous ressusciterons tous, mais nous ne serons pas tous changés. En un
moment, en un clin d'oeil, au son de la trompette dernière, car la trompette
sonnera, les morts ressusciteront incorruptibles, et nous nous serons changés.
Il faut en effet que ce corps corruptible revête l'incorruptibilité
, que ce corps mortel revête l'immortalité. Et quand ce corps mortel
au*a revêtu l'immortalité, alors sera accomplie la parole de l'Ecriture : La
mort a été engloutie dans la victoire. O mort, où est ta victoire ? O mort, où
est ton aiguillon? L'aiguillon de la mort, c'est le péché ; comme la force du
péché, c'est la loi. Mais grâces soient rendues à Dieu qui nous a donné de
vaincre par notre Seigneur Jésus-Christ. Tandis qu'au sortir de la vie Pâme supplée dans le purgatoire à l'insuffisance de ses expiations, le corps qu'elle a quitté retourne à la terre en exécution de la sentence portée contre Adam et sa race dès l'origine du monde (1). Mais pour le corps non moins que pour l'âme du fidèle, la justice est aussi amour ; ses reprises au delà du temps sont le prélude de la gloire qui attend l'être humain tout entier. L'humiliation du tombeau est le trop juste châtiment de la faute première ; mais ce renvoi de l’homme au limon d'où il fut tiré, saint Paul nous y fait voir encore l'ensemencement nécessaire à la transformation du grain prédestiné qui doit un jour reprendre vie dans des conditions tout autres (2). C'est qu'en effet, la chair et le sang ne sauraient posséder le royaume de Dieu (3), ni des organes soumis à la dissolution prétendre à l'immortalité Froment du Christ, selon le mot de saint Ignace d'Antioche (4), le corps du chrétien est jeté dans le sillon de la tombe pour y laisser à la corruption ce qui était d'elle : 1.
Gen. III, 19. 2. I Cor. XV, 36. — 3. Ibid.
50. — 4. Epist. ad
Rom. 174 la forme du premier Adam avec sa pesanteur et son infirmité ; mais par la vertu de l'Adam nouveau le reformant à sa propre image, il en sortira tout céleste et spiritualisé, agile, impassible et glorieux (1). Honneur à Celui qui n'a voulu mourir comme nous que pour détruire la mort et faire de sa victoire notre victoire ! L'Eglise continue d'implorer, au Graduel, la délivrance des trépassés. 1. I Cor. XV, 42-40, GRADUEL.Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel ; que luise pour eux la lumière sans fin. V/. La mémoire du juste sera
éternelle ; il ne craindra point les paroles fâcheuses. TRAIT.Absolvez, Seigneur, les âmes
de tous les fidèles défunts des liens de tous leurs péchés. V/. Que, secourus par votre
grâce, ils méritent de sortir des peines portées contre eux par la sentence de
votre justice. V/. Qu'ils soient heureux
dans l'éternelle lumière. L'Eglise, nous le verrons, ne répudiait pas autrefois l'Alleluia dans les funérailles de ses fils; il exprimait son allégresse, motivée par l'espoir fondé qu'une mort sainte venait d'assurer au ciel un élu nouveau, dût le chrétien pour lequel prenait fin l'épreuve de la vie voir quelque temps se prolonger son expiation. Mais l'adaptation de la Liturgie des morts aux rites des derniers jours de la Semaine sainte ayant modifié sur ce point les anciennes coutumes, il eût semblé que la Séquence, développement festif, et suite originairement de l'Alleluia, ne devait pas non plus trouver place à la Messe des défunts. Rome cependant, et qui pourrait s'en plaindre? faisait une exception sur ce point aux règles traditionnelles, en faveur de l'insigne poème de Thomas de Celano, lequel suivi bientôt du Stabat mater, œuvre de Frère Jacopone, méritait si belle place à la lyre franciscaine au sommet du Parnasse chrétien. Chanté dès le XIVe siècle en Italie, le Dies irœ passait plus tard les monts, et ses accents inspirés retentissaient au XVIe en toute Eglise. SÉQUENCE.Jour de colère que ce
jour-là, qui doit réduire le monde en cendres, au témoignage de David comme de
la Sibylle (1). Combien la frayeur sera
grande, lorsque le Juge se présentera pour tout scruter rigoureusement ! La trompette éclatante,
retentissant par les sépulcres de l'univers, rassemblera tous les humains
devant le trône. La mort et la nature seront
dans la stupeur, lorsque ressuscitera toute créature pour répondre à son Juge. On produira le livre écrit
renfermant tout l'objet du jugement du monde. Quand donc le Juge s'assiéra,
tout ce qui se cache apparaîtra, rien ne demeurera sans châtiment. Que dirai-je alors,
malheureux? quel protecteur implorerai-je, quand à
peine rassuré sera le juste ? Roi de majesté redoutable,
qui sauvez gratuitement ceux qui doivent se sauver, sauvez-moi, source de
miséricorde. Souvenez-vous, ô doux Jésus,
que je suis la cause de votre venue : ne me perdez pas en ce jour ! En me cherchant, vous vous
êtes assis de fatigue ; vous m'avez racheté en souffrant la croix : que tant de
peine ne soit pas inutile. Juge vengeur et juste,
accordez-moi remise avant le jour des comptes. Je me lamente, comme un
coupable que je suis ; la confusion de mon péché couvre mon visage: ô Dieu,
pardonnez à un suppliant ! Vous avez absous Madeleine ;
vous avez exaucé le larron : à moi aussi vous avez donné l'espérance. Mes prières ne sont pas
dignes ; mais vous êtes bon : faites dans votre bonté que j'échappe au feu éternel. Donnez-moi place au milieu
des brebis, séparez-moi des boucs en me rangeant à votre droite. Quand les maudits couverts de
honte seront livrés par sentence aux terribles flammes, appelez-moi avec les
bénis. Suppliant, défaillant, le
cœur broyé et comme réduit en cendres, je vous en prie, veillez sur mon heure
dernière. Jour de larmes que celui où
ressuscitera de sa cendre, Pour être jugé, l'homme
coupable : daignez lui pardonner, ô Dieu ! Pie Jesu Domine, Dona eis requiem. Amen. O doux Jésus, Seigneur,
donnez-leur le repos. Amen. 1. Allusion au célèbre oracle de la Sibylle Erythrée sur la fin du monde, cité par saint Augustin en son Livre XVIII (ch. 23) de la Cité de Dieu, et dont les premières lettres de chaque vers réunies donnent en grec la formule : Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur. EVANGILE.La suite du saint Evangile selon saint Jean. Chap. V. En ce temps-là, Jésus dit à la foule des Juifs : En vérité, en vérité, je vous le dis : l'heure vient, et elle est déjà venue, où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et l'entendant ils vivront. Car tout ainsi que le Père a la vie en lui-même, il a donné au Fils d'avoir pareillement la vie en lui-même ; et parce qu'il est Fils de l'homme, il lui a donné aussi le pouvoir de juge. N'en soyez point étonnés : l'heure vient où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront la voix du Fils de Dieu ; et ceux qui ont accompli le bien ressusciteront à la vie ; mais ceux qui ont fait le mal ressusciteront pour leur condamnation. Le purgatoire n'est pas éternel. Les arrêts du jugement particulier qui suit la mort varient à l'infini sa durée ; il peut se prolonger des siècles entiers pour certaines âmes plus coupables, ou qui exclues de la communion catholique, demeurent privées des suffrages de l'Eglise, bien que la miséricorde divine ait daigné les arracher à l'enfer. Cependant la fin du monde et de tout ce qui est du temps, doit fermer le lieu de l'expiation temporaire. Dieu saura concilier sa justice et sa grâce dans la purification des derniers venus de la race humaine, suppléer par l'intensité de la peine expiatrice à ce qui pourrait lui manquer en durée. Mais au lieu qu'en ce qui touche la béatitude, les arrêts du jugement particulier sont le plus souvent suspensifs et dilatoires, qu'ils laissent provisoirement le corps de l'élu comme du réprouvé au sort commun de la tombe : le jugement universel aura ce caractère définitif de n'enregistrer pour le ciel comme pour l'enfer que des sentences absolues, immédiatement et totalement exécutoires. Vivons donc dans l'attente de l'heure solennelle où les morts entendront la voix du Fils de Dieu. Celui qui doit venir viendra, et il ne tardera pas, nous rappelle le Docteur des nations (1) ; son jour aura la soudaineté de l'arrivée d'un voleur, nous disent comme lui (2) et le Prince des Apôtres (3) et Jean le bien-aimé (4), faisant écho à la parole du Seigneur même (5) : comme l'éclair sort de l'Orient et brille déjà en Occident, ainsi sera l'avènement du Fils de l'homme (6). Entrons dans les sentiments qui inspirent le sublime Offertoire des défunts. Bien que l'éternelle béatitude demeure finalement assurée aux pauvres âmes en peine, et qu'elles en aient conscience, la route plus ou moins longue qui les conduit au ciel s'ouvre toutefois dans le péril du suprême assaut diabolique et l'angoisse du jugement. L'Eglise donc, étendant sa prière à toutes les étapes de cette voie douloureuse, n'a 1. Heb. X, 37, ex Habac. II, 3. — 2. I Thess. V, 2. — 3. II Petr. III, 10. — 4. Apoc. XVI, 15. — 5. MATTH. XXIV, 43. — 6. Ibid. 27. 180 garde d'en oublier l'entrée ; et elle ne craint point de se montrer en cela trop tardive. Pour Dieu qui d'un regard embrasse tous les temps, sa supplication d'aujourd'hui, déjà présente à l'heure du redoutable passage, ménageait aux âmes le secours ici imploré. Cette même supplication les suit du reste au cours des péripéties de leur lutte contre les puissances de l'abîme, quand Dieu permet que celles-ci servent elles-mêmes sa justice au lieu d'expiation, en la manière que plus d'une fois l'ont vu les Saints. En ce moment solennel où l'Eglise offre ses dons pour l'auguste et tout-puissant Sacrifice, redoublons nous aussi nos prières pour les trépassés. Implorons leur délivrance de la gueule du lion infernal. Obtenons du glorieux Archange préposé au Paradis, appui des âmes au sortir de ce monde, leur guide envoyé de Dieu (1), qu'il les amène à la lumière, à la vie, à Dieu même, promis comme récompense aux croyants dans la personne d'Abraham leur père (2). 1.
Ant. et Resp. in fest. S. Michaelis. — 2. Gen. XV, 1. OFFERTOIRE.Seigneur Jésus-Christ, Roi de
gloire, délivrez les âmes de tous les fidèles défunts des peines de l'enfer et
de l'abîme; délivrez-les de la gueule du lion; qu'ils ne soient pas la proie du
tartare, qu'ils ne tombent pas dans la nuit : mais que saint Michel,
porte-étendard, les présente à la sainte lumière * Qu'autrefois vous promîtes à
Abraham et à sa descendance. V/. Seigneur, nous vous offrons
nos prières et ces hosties de louange ; recevez-les pour ces âmes dont nous
faisons mémoire aujourd'hui : Seigneur , faites
qu'elles passent de la mort à la vie * Qu'autrefois. C'est la foi dont elles firent les œuvres en ce monde, qui garantit aux âmes du purgatoire la récompense dernière, et rend Dieu propice aux dons présentés pour elles, comme l'exprime la Secrète. SECRETE.Daignez, Seigneur, regarder
favorablement ces dons qui vous sont offerts par nous pour les âmes de vos
serviteurs et de vos servantes : et les ayant gratifiées du mérite de la foi
chrétienne, donnez-leur-en la récompense. Par Jésus-Christ. A l’Agnus Dei, la demande du repos pour les morts remplace celle de la paix pour les vivants: Agneau de Dieu, qui ôtez les péchés du monde, donnez-leur le repos. Agneau de Dieu, qui ôtez les péchés du monde, donnez-leur le repos. Agneau de Dieu, qui ôtez les péchés du monde, donnez-leur le repos à jamais. Comme descendent les flocons silencieux d'une neige abondante en un jour d'hiver, ainsi montent blanches et douces les âmes délivrées, à cette heure où par le monde entier l'Eglise, achevant ses longues supplications, verse à flots sur les flammes expiatrices le Sang rédempteur. Forts du crédit que donne à notre prière la participation aux Mystères sacrés, disons avec elle dans la Communion : COMMUNION.Que la lumière éternelle luise
pour eux, Seigneur,* En la société de vos Saints à jamais, parce que vous êtes bon. V/. Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel; que luise pour eux la lumière sans fin. * En la société. Tel est cependant, bien au-dessus de nos humaines conceptions, l'impénétrable et adorable mystère de la justice de Dieu, que pour plus d'une âme l'expiation doit se prolonger encore. Aussi l'Eglise, sans se lasser ni cesser d'espérer, prolonge elle aussi dans la Postcommunion sa prière. A toutes les Heures de l'Office de chaque jour, en toutes les Messes offertes au cours de l'année, quelle qu'en puisse être la solennité, les trépassés auront un souvenir de leur Mère. POSTCOMMUNION.Daignez faire, Seigneur, que
nos prières et nos supplications servent aux âmes de vos serviteurs et de vos
servantes, en vous amenant à les délivrer de tous leurs péchés et à leur donner
part à votre rédemption. Vous qui vivez. Le Benedicamus Domino, qui tient lieu de L’Ite Missa est dans les Messes où l'on supprime le Gloria in excelsis, est remplacé lui-même à celle des défunts par une invocation pour les morts. Qu'ils reposent en paix. R/. Amen. L'ABSOUTE.La Messe achevée, les Clercs, précédés de la Croix et suivis du Célébrant, viennent se ranger autour du catafalque élevé dans la nef de l'église pour représenter les morts, à l'endroit même où leur dépouille inanimée reposa devant l'autel du Seigneur. Les Chantres y reprennent le neuvième Répons de l'Office des défunts ; suivent les prières de conclusion, pendant lesquelles le Prêtre rend aux trépassés l'hommage de l'eau sainte et de l'encens, comme au jour qui fut pour chacun d'eux le dernier des jours. L'Absoute tire son nom de l'Oraison Absolve, qui la termine le plus souvent, bien qu'on puisse comme aujourd'hui choisir la Collecte de la Messe, ou quelque autre Oraison indiquée par les circonstances. REPONS.Délivrez-moi, Seigneur, de la
mort éternelle, en ce jour redoutable ; * Quand les cieux et la terre seront
ébranlés;* Lorsque vous viendrez juger le siècle par le feu. V/. Je tremble et suis dans
l'épouvante, à la pensée de l'examen final, de la colère qui le suivra, * Quand
les cieux. V/. Quel jour que ce jour de
colère, de malheur et de larmes ! grand jour, plein
d'amertume,* Où vous viendrez juger. V/. Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel ; que luise pour eux la lumière sans fin. On
reprend Délivrez-moi jusqu'au
premier V/. Seigneur, ayez pitié. Christ, ayez pitié. Seigneur, ayez pitié. Notre Père, et le reste en
silence. V/. Et ne nous laissez pas
succomber à la tentation. R/. Mais délivrez-nous du
mal. V/. De la porte de l'enfer, R/. Seigneur, délivrez leurs
âmes. V/. Qu'ils reposent en paix. R/. Amen. V/. Seigneur, exaucez ma
prière ; R/. Et que mon cri
parvienne jusqu'à vous. V/. Le Seigneur soit avec
vous. R/. Et avec
votre esprit. ORAISON.Absolvez de tout lien de
péché, Seigneur, nous vous en supplions, les âmes de vos serviteurs et de vos
servantes, pour qu'en la résurrection, ressuscités à la gloire, ils vivent
parmi vos Saints et vos élus. Par Jésus-Christ notre Seigneur. R/. Amen. V/. Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel ; R/. Que luise pour eux la
lumière sans fin. V/. Qu'ils reposent en paix. R/. Amen. Pour honorer les Saints, dont l'Octave se célèbre aujourd'hui concurremment avec le souvenir des morts, le Missel de Marmoutier nous donnera cette Séquence. SEQUENCE.Pour nous porter à suivre,
héritiers de leur zèle, les traces des Saints, l'Eglise met sous nos yeux leur
vie et leurs mœurs. Elle nous présente la rose,
la violette et le lis, nous montrant par les trois le chemin qui conduit à la
récompense des cieux. La rose rouge signifie les
Martyrs ; les Confesseurs sont indiqués par la violette en leur ; Le lis décèle l'amant de la
virginité : par l'une donc de ces trois routes, il nous faut suivre Dieu. Martyrs et immolés, soyons-le
par une
vraie patience ; qu'une retenue persévérante fasse de nous des
Confesseurs. Une pureté vigilante gardera
les Vierges ; une courageuse continence sauvera ies
tombés. Viennent à notre aide les
Saints dont nous célébrons la fête ; que leur prière nous fasse atteindre les
deux. Amen. |