LE VIII NOVEMBRE. L'OCTAVE DE LA TOUSSAINT.
Quelle conclusion donner aux
enseignements de l'Octave qui va finir, sinon celle que formule elle-même
aujourd'hui la Liturgie sainte ? « Etrangers et pèlerins sur la terre,
saluons du cœur et de la pensée le jour qui doit nous rendre à tous une demeure
stable en nous ouvrant le paradis. Qui, loin de la patrie, ne hâterait le
retour ? Qui, naviguant vers les siens, n'appellerait lèvent favorable et ne
souhaiterait d'embrasser au plus tôt ses bien-aimés?
Parents, frères, fils, amis nombreux, nous attendent et désirent en la patrie
des cieux : foule fortunée, déjà sûre de l'immortalité bienheureuse, encore
anxieuse à notre endroit. Quelle joie pour eux, quelle joie pour nous, quand
nous pourrons les voir enfin, quand ils pourront nous serrer dans leurs bras !
Plus rien, dans ce royaume du ciel, que bonheur à goûter ensemble; plus de
crainte de mourir; plus rien que l'éternelle et souveraine félicité ! Que tous
nos désirs tendent à cet unique but : rejoindre les saints, pour avec eux
posséder le Christ (1). »
A ces effusions que l'Eglise
emprunte au beau livre de saint Cyprien sur la Mortalité, font écho,
dans l'Office de la nuit, les fortes paroles de saint Augustin rappelant,
consolation sublime, au fidèle
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que l'exil menace de retenir
encore, la vraie compensation, la grande béatitude de cette terre : la
béatitude de ceux que le monde persécute et maudit. Souffrir pour le Christ
avec joie, c'est la gloire du chrétien, l'invisible beauté qui vaut à son âme
les divines complaisances et lui assure une grande récompense dans les cieux (1).
Que celui qui nuit nuise
encore, dit le Seigneur, et que le souillé se souille encore; et que le
juste se justifie encore ; et que le saint se sanctifie encore. Voici que
je viendrai bientôt, et ma récompense avec moi, pour rendre à chacun selon ses
œuvres, moi l'Alpha et l’Oméga, le premier et le dernier, le commencement et la
fin (2). Patience donc à nous chrétiens, patience aux méprisés de l'heure
présente! Le temps est court; la figure de ce monde passe (3). Voyons du
haut de notre baptême les insensés qui
se croient forts parce qu'ils ont à leur disposition la violence, qui se disent
sages parce que le plaisir est leur unique loi. Quand d'un souffle de sa bouche
l'Homme-Dieu fera justice de leur chef (4), leur part
sera la sentence indignée qu'entendit le
prophète de Pathmos : Arrière, chiens ! dehors les
empoisonneurs et les menteurs (5) !
Et ce pendant la création entière,
la création dont ils avaient fait l'esclave gémissante de leur corruption (6),
répondra par un chant de délivrance à leur chute honteuse. Elle-même,
réhabilitée, se transformera en de nouveaux cieux, en une terre nouvelle (7).
Elle participera de la gloire des enfants de Dieu délivrés comme elle (8) et
portera dignement la nouvelle Jérusalem, la sainte cité où
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dans nos corps nous verrons Dieu
(1), où siégeant à la droite du Père dans le Christ Jésus (2), l'humanité
glorifiée jouira pour jamais des honneurs d'Epouse.
Entrons parla pensée dans Rome, et dirigeons nos pas vers
l'antique église qui porte, au mont Cœlius,le nom des Quatre saints couronnés. Il est peu de Martyrs
dont les Actes aient été plus que les leurs dédaignés « par une critique
superficielle et ignorante de la science archéologique (3) », comme le fut trop
souvent celle des XVI°, XVII° et XVIII° siècles. Mais « aujourd'hui, l'histoire
et les traditions relatives à l'auguste monument du Cœlius
ont été remises en honneur par des savants et des antiquaires que nul ne
saurait taxer de superstition ou d'une aveugle crédulité pour les légendes du
moyen âge (4). » C'est l'irréfragable jugement du Commandeur de Rossi. Honorons
donc et prions, avec la sainte Liturgie, les titulaires de la vénérable église,
autrefois fonctionnaires impériaux, sans oublier les cinq sculpteurs, aussi
Martyrs, qui préférèrent comme eux la mort à l'infidélité et partagent
maintenant la gloire de leur tombe.
ORAISON.
Dieu tout-puissant, soyez
favorable à notre humble demande : comme nous est connue la force de vos
glorieux Martyrs en leur confession, faites que nous éprouvions la tendresse de
leur charité dans leur intercession près de vous en notre faveur. Par Jésus
Christ.
Séville nous donnera, pour
honorer les Saints, la Séquence qu'elle
chanta longtemps en ce jour de
l'Octave.
SÉQUENCE.
Qu'a l’honneur du Sauveur
chante cette assemblée ; qu'elle chante au dedans en son cœur, que sa voix
retentisse au dehors ; douce sera la mélodie, pourvu que s'accordent ces trois
: le cœur, la bouche et la conduite.
Admirable est Dieu dans ses
saints. Si cependant pour finir il les comble de tant de biens, comment donc en
cette vie les laisse-t-il respirer à peine sous l'épreuve et sous la douleur ?
Comment s'accorde, ô Christ,avec l'amour une haine qui vous fait juger bon de les
accabler par tous les genres de souffrance, de les laisser broyer dans les
tourments, de permettre qu'ils meurent de la plus cruelle mort ?
Mais non, ce n'est pas haine:
il veut savoir de quel amour chacun à son service est animé ; lui les aime
tous, et cependant éprouve dans la fatigue et le combat leur degré de fidélité.
Ils luttent donc contre le
monde, contre l'ennemi réprouvé et immonde, contre les vices aussi de la chair
: lutte virile où se forment à la vertu confesseurs et aussi martyrs.
Au martyr le combat spécial
que lui vaut le dernier supplice; mais au confesseur parfois c'est le licteur
qui se dérobe, pour le laisser aux prises avec les passions.
Combattent donc pour l'amour
du Christ et ceux-ci, et ceux-là, quel que soit leur sexe : à qui peine plus en
la lutte, revient pour son labeur plus belle couronne et meilleure récompense.
Tous ils sont les élus de
Dieu ; qu'il daigne se laisser fléchir en considération de leurs mérites et
prières, pour qu'au jour du terrible avènement, son courroux ne nous livre pas
aux bourreaux d'enfer.
Mais que notre lyre soit
admise à le louer dans la compagnie des habitants des cieux. Amen.
Prions toujours pour nos chers
disparus. Les Missels de diverses Eglises nous fournissent à cette fin la pièce
qui suit, aux accents d'une supplication si instante.
SEQUENCE.
Du fond de l'abîme nous
crions ; Christ, entendez nos voix du haut des cieux : pour tous les fidèles
défunts la Mère Eglise vous prie et supplie à cette heure.
Que votre oreille soit donc
attentive, et qu'elle écoute cette voix suppliante : ô Roi de gloire, cette
voix vous prie pour vos fidèles et vous demande d'alléger aujourd'hui leurs
maux.
Bien que pécheurs, bien
qu'indignes même de subsister, si vous considérez nos vices : que produise
cependant ses fruits de salut fa victime offerte par nous à cette heure pour
les trépassés.
L'hostie offerte par vous au
Père, c'est elle que nous-mêmes aussi nous offrons : qu'elle leur soit
secourable; oui, soyez-leur secourable, ô Jésus, déliez les liens de leurs
péchés dans votre puissance.
A cause de la loi que vous
avez donnée,ceux qui furent l'œuvre de vos mains vous
attendent : écartez d'eux les supplices ; ils vous attendent, délivrez-les ; en
vous ils espèrent, conduisez-les aux palais des cieux.
En vous ils espèrent, en vous
ils croient, vers vous ils tendent et ils soupirent du fond de leur misère; qu'en
vous le jour, qu'en vous la nuit, qu en vous le matin et le soir ils se
confient.
Nous vous le demandons :
qu'abonde en vous la miséricorde implorée; Christ, cette assemblée vous supplie
prosternée de les délivrer de tout mal.
Daigne vous prier la reine
des reines, l'impératrice votre mère; que par Marie nous soient obtenues nos
demandes. Bon Jésus, Roi de gloire, que tous les
Saints, spécialement en ce jour, implorent de vous pour eux la grâce désirée.
C'est par pitié pour les
pécheurs que sur la croix vous êtes
monté : écoutez miséricordieusement
les prières et les cris de notre dévote assemblée. Que par vous soient brisées
les chaînes, détruites les portes de la mort, confondus les démons : que par
vous les âmes entrent en possession des joies éternelles. Amen.