MARTIN

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LE XI NOVEMBRE. SAINT MARTIN, ÉVÊQUE   ET   CONFESSEUR.

 

Trois mille six cent soixante églises dédiées à saint Martin au seul pays de France (1), presque autant dans le reste du monde, attestent l'immense popularité du grand thaumaturge. Dans les campagnes, sur les montagnes, au fond des forêts, arbres, rochers, fontaines, objets d'un culte superstitieux quand l'idolâtrie décevait nos pères, reçurent en maints endroits et gardent toujours le nom de celui qui les arracha au domaine des puissances de l'abîme pour les rendre au vrai Dieu. Aux fausses divinités, romaines, celtiques ou germaniques, enfin dépossédées, le Christ, seul adoré par tous désormais, substituait dans la mémoire reconnaissante des peuples l'humble soldat qui les avait vaincues.

C'est qu'en effet, la mission de Martin fut d'achever la déroute du paganisme, chassé des villes par les Martyrs, mais jusqu'à lui resté maître des vastes territoires où ne pénétrait pas l'influence des cités.

Aussi, à l'encontre des divines complaisances, quelle haine n'essuya-t-il point de la part de l'enfer! Dès le début, Satan et Martin s'étaient

 

1. Une liste par diocèses s'en trouve dans le Saint Martin de Lecoy de la Marche, en l'Appendice.

 

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rencontrés : «Tu me trouveras partout sur ta route, » avait dit Satan (1) ; et il tint parole. Il l'a tenue jusqu'à nos jours : de siècle en siècle, accumulant les ruines sur le glorieux tombeau qui attirait vers Tours le monde entier ; dans le XVI°, livrant aux flammes, par la main des huguenots, les restes vénérés du protecteur de la France; au XIX° enfin, amenant des hommes à ce degré de folie que de détruire eux-mêmes, en pleine paix, la splendide basilique qui faisait la richesse et l'honneur de leur ville.

Reconnaissance du Christ roi, rage de Satan, se révélant à de tels signes, nous disent assez les incomparables travaux du Pontife apôtre et moine que fut saint Martin.

Moine, il le fut d'aspiration et de fait jusqu'à son dernier jour. « Dès sa première enfance, il ne soupire qu'après le service de Dieu. Catéchumène à dix ans, il veut à douze s'en aller au désert ; toutes ses pensées sont portées vers les monastères et les églises. Soldat à quinze ans, il vit de telle sorte qu'on le prendrait déjà pour un moine (2). Après un premier essai en Italie de la vie religieuse, Martin est enfin amené par Hilaire dans cotte solitude de Ligugé qui fut, grâce à lui, le berceau de la vie monastique dans les Gaules. Et, à vrai dire, Martin, durant tout le cours de sa carrière mortelle, se sentit étranger partout hormis à Ligugé. Moine paraîtrait, il n'avait été soldat que par force ; il ne devint évêque que par violence ; et alors, il ne quitta point ses habitudes monastiques. Il satisfaisait à la dignité de l'évêque, nous dit son historien, sans abandonner la règle et la

 

1. Sulpit. Sever. Vita, vi. — 2. Ita ut, jam illo tempore, non miles sed monachus putaretur. Ibid. II.

 

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vie du moine (1) ; s'étant fait tout d'abord une cellule auprès de son église de Tours ; bientôt se créant à quelque distance de la ville un second Ligugé sous le nom de Marmoutier ou de grand monastère (2). »

C'est à la direction reçue de l'ange qui présidait alors aux destinées de l'Eglise de Poitiers, que la sainte Liturgie renvoie l'honneur des merveilleuses vertus manifestées par Martin dans la suite (3). Quelles furent les raisons de saint Hilaire pour conduire par des voies si peu connues encore de l'Occident l'admirable disciple que lui adressait le ciel, c'est ce qu'à défaut d'Hilaire même, il convient de demander à l'héritier le plus autorisé de sa doctrine aussi bien que de son éloquence :

« C'a été, dit le Cardinal Pie, la pensée dominante de tous les saints, dans tous les temps, qu'à côté du ministère ordinaire des pasteurs, obligés parleurs fonctions de vivre mêlés au siècle,il fallait dans l'Eglise une milice séparée du siècle et enrôlée sous le drapeau de la perfection évangélique, vivant de renoncement et d'obéissance, accomplissant nuit et jour la noble et incomparable fonction de la prière publique. C'a été la pensée des plus illustres pontifes et des plus grands docteurs, que le clergé séculier lui-même ne serait jamais plus apte à répandre et à populariser dans le monde les pures doctrines de l'Evangile, que quand il se serait préparé aux fonctions pastorales en vivant de la vie monastique ou en s'en rapprochant le plus

 

1. Ita implebat episcopi dignitatem, ut non tamen propositum monachi virtutemque desereret. Sulpit. Sev. Vita, X. — 2. Cardinal Pie, Homélie prononcée à l'occasion du rétablissement de l'Ordre de saint Benoît à Ligugé, 25 novembre 1853. — 3. Hilarium secutus est Martinus, qui tantum illo doctore profecit, quantum ejus postca sanctitas declaravit. In festo S. Hilarii, Noct. II, Lect. II.

 

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possible. Lisez la vie des plus grands hommes de l'épiscopat, dans l'Orient comme dans l'Occident, dans les temps qui ont immédiatement précédé ou suivi la paix de l'Eglise comme au moyen âge ; tous, ils ont professé quelque temps la vie  religieuse, ou vécu en contact ordinaire avec ceux qui la pratiquaient. Hilaire, le grand Hilaire, de son coup d'œil sûr et exercé, avait aperçu ce besoin; il avait vu quelle place devait occuper l'ordre monastique dans le christianisme,et le clergé régulier dans l'Eglise. Au milieu de ses combats, de ses luttes, de ses exils, témoin oculaire de l'importance des monastères en Orient, il appelait de tous ses vœux le moment où, de retour dans les Gaules, il pourrait jeter enfin auprès de lui les fondements de la vie religieuse. La Providence ne tarda pas à lui envoyer ce qui convenait pour une telle entreprise : un disciple digne du maître,un moine digne de l'évêque1.» On ne saurait présumer d'essayer mieux dire ; pour le plus grand honneur de saint Martin, l'autorité de l'Evêque de  Poitiers, sans égale en un tel sujet, nous fait un devoir de lui laisser la parole. Comparant donc ailleurs Martin, et ceux qui le précédèrent, et  Hilaire lui-même, dans leur œuvre commune d'apostolat des Gaules : « Loin de moi, s'écrie le Cardinal, que  je méconnaisse tout ce que la religion de Jésus-Christ possédait déjà de vitalité et de puissance dans nos diverses provinces, grâce à  la prédication  des premiers apôtres,  des  premiers martyrs ,  des premiers évoques, dont la série remonte aux temps les plus rapprochés du Calvaire. Toutefois, je ne crains pas de le dire, l'apôtre populaire de la Gaule, le convertisseur des  campagnes restées en grande

 

1. Cardinal Pie, ubi supra.

 

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partie païennes jusque-là, le fondateur du christianisme national, c'a été principalement saint Martin. Et d'où vint à Martin, sur tant d'autres grands évoques et serviteurs de Dieu, cette prééminence d'apostolat ? Placerons-nous Martin au-dessus de son maître Hilaire ? S'il s'agit de la doctrine, non pas assurément; s'il s'agit du zèle, du courage, de la sainteté, il ne m'appartient pas de dire qui fut plus grand du maître ou du disciple ; mais ce que je puis dire, c'est qu'Hilaire fut surtout un docteur, et que Martin fut surtout un thaumaturge. Or, pour la conversion des peuples, le thaumaturge a plus de puissance que le docteur; et, par suite, dans le souvenir et dans le culte des peuples, le docteur est éclipsé, il est effacé par le thaumaturge.

« On parle beaucoup aujourd'hui de raisonnement pour persuader les choses divines : c'est oublier l'Ecriture et l'histoire; et, de plus, c'est déroger. Dieu n'a pas jugé qu'il lui convînt déraisonner avec nous. Il a affirmé, il a dit ce qui est et ce qui n'est pas ; et, comme il exigeait la foi à sa parole, il a autorisé sa parole. Mais comment l'a-t-il autorisée ? En Dieu, non point en homme; par des œuvres, non par des raisons : non in sermone, sed in virtute ; non par les arguments d'une philosophie humainement persuasive : non in persuasibilibus humanae sapientiae verbis, mais par le déploiement d'une puissance toute divine : sed in ostensione spiritus et virtutis. Et pourquoi ? En voici la raison profonde : Ut fides non sit in sapientia hominum, sed in virtute Dei : afin que la foi soit fondée non sur la sagesse de l'homme, mais sur la force de Dieu (1). On ne le

 

1. I Cor. II, 4.

 

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veut plus ainsi aujourd'hui ;  on nous dit qu'en Jésus-Christ le théurge fait tort au moraliste, que le miracle est  une tache dans ce sublime idéal. Mais on n'abolira point cet ordre, on n'abolira ni l'Evangile ni l'histoire. N'en déplaise aux lettrés de notre siècle, n'en déplaise aux pusillanimes qui se font  leurs  complaisants,  non seulement le Christ a fait des miracles, mais il a fondé la foi sur des  miracles ; et le même Christ,  non pas pour confirmer ses propres miracles qui sont l'appui des autres,  mais par pitié pour nous  qui sommes prompts à l'oubli, et qui  sommes plus impressionnés de ce que  nous voyons que de ce que nous entendons, le même Jésus-Christ a mis dans l'Eglise, et pour jusqu'à la fin, la vertu des miracles. Notre siècle en a vu, il en verra encore ; le quatrième siècle eut principalement ceux de Martin.

« Opérer des prodiges semblait un jeu pour lui ; la nature entière pliait à son commandement. Les animaux lui étaient soumis : a Hélas! s'écriait un jour le saint, les serpents m'écoutent, et les hommes refusent de m'entendre. » Cependant les hommes l'entendaient souvent. Pour sa part, la Gaule entière l'entendit ; non seulement l'Aquitaine, mais la Gaule Celtique, mais la Gaule Belgique. Comment résister à une parole autorisée par tant de prodiges? Dans toutes ces provinces, il renversa l'une après l'autre toutes les idoles, il réduisit les statues en poudre, brûla et démolit tous les temples, détruisit tous les bois sacrés, tous les repaires de l'idolâtrie. Etait-ce légal, me demandez-vous ? Si j'étudie la législation de Constantin et de Constance, cela l'était peut-être. Mais ce que je puis dire, c'est que Martin, dévoré du zèle de la maison du Seigneur, n'obéissait en

 

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cela qu'à l'Esprit de Dieu. Et ce que je dois dire, c'est que Martin, contre la fureur de la population païenne, n'avait d'autres armes que les miracles qu'il opérait, le concours visible des anges qui lui était parfois accordé, et enfin, et surtout, les prières et les larmes qu'il répandait devant Dieu lorsque l'endurcissement de la multitude résistait à la puissance de sa parole et de ses prodiges. Mais, avec ces moyens, Martin changea la face de notre pays. Là où il y avait à peine un chrétien avant son passage, à peine restait-il un infidèle après son départ. Les temples du Dieu vivant succédaient aussitôt aux temples des idoles; car, dit Sulpice Sévère, aussitôt qu'il avait renversé les asiles de la superstition, il construisait des églises et des monastères. C'est ainsi que l'Europe entière est couverte de temples qui ont pris le nom de Martin (1). »

La mort ne suspendit pas ses bienfaits ; eux seuls expliquent le concours ininterrompu des peuples à sa tombe bénie. Ses nombreuses fêtes au cours de l'année, Déposition ou Natal, Ordination, Subvention, Réversion, ne parvenaient point à lasser la piété des fidèles. Chômée en tous lieux (2), favorisée par le retour momentané des beaux jours que nos aïeux nommaient l'été de la Saint-Martin, la solennité du XI novembre rivalisait avec la Saint-Jean pour les réjouissances dont elle était l'occasion dans la chrétienté latine. Martin était la joie et le recours universels.

Aussi Grégoire de Tours n'hésite pas à voir dans  son  bienheureux prédécesseur  le  patron

 

1. Cardinal Pie, Sermon prêché dans la cathédrale de Tours le dimanche de la solennité patronale de saint Martin, 14 novembre 1858. —2. Concil. Mogunt. an. 813, can. XXXVI.

 

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spécial du monde entier (1) ! Cependant moines et clercs, soldats, cavaliers, voyageurs et hôteliers en mémoire de ses longues pérégrinations, associations de charité sous toutes formes en souvenir du manteau d'Amiens, n'ont point cessé de faire valoir leurs titres aune plus particulière bienveillance du grand Pontife. La Hongrie, terre magnanime qui nous le donna sans épuiser ses réserves d'avenir, le range à bon droit parmi ses puissants protecteurs. Mais notre pays l'eut pour père : en la manière que l'unité de la foi fut chez nous son œuvre, il présida à la formation de l'unité nationale ; il veille sur  sa durée; comme le pèlerinage de Tours précéda celui de Compostelle en l'Eglise, la chape de saint Martin conduisit avant l'oriflamme de saint Denis nos armées au combat (2). Or donc, disait Clovis, « où sera l'espérance de la victoire, si l'on offense le bienheureux Martin (3) ? »

 

1. Greg. Tur. De miraculis S. Martini, IV, in Prolog.— 2. Quel qu'ait pu être le vêtement de saint Martin désigné par cette appellation, on sait que l'oratoire des rois de France tira de lui son nom de chapelle, passé ensuite à tant d'autres. — 3. Et ubi erit spes victoriae, si beatus Martinus offenditur ? Greg. Tur. Historia Francorum, II, XXXVII.

 

Lisons le récit de l'Eglise, qui s'étend avec complaisance sur les derniers moments de son illustre fils, vraiment dignes en effet d'être admirés par tous.

 

Martin était né à Sabarie en Pannonie. Comme il atteignait sa dixième année, il courut malgré ses parents à l'Eglise et s'y fit inscrire parmi les catéchumènes. Parti à quinze ans pour l'armée, il  servit sous Constance d'abord et ensuite sous Julien. Un jour qu'à Amiens , un pauvre mendiant nu lui demandait l'aumône au nom de Jésus-Christ, n'ayant rien que ses armes et le vêtement dont il était couvert, il partagea sa chlamyde avec le pauvre. Or, la nuit suivante,le Christ lui apparut couvert de cette moitié de manteau, et il disait : Martin catéchumène m'a revêtu de ce vêtement.

 

A dix-huit ans, il fut baptisé. Renonçant dès lors à la vie militaire, il se rendit près d'Hilaire, évêque de Poitiers, qui le mit au nombre des acolythes de son église. Fait par la suite évêque de Tours, il mena une vie très sainte avec quatre-vingts moines, dans le monastère qu'il y bâtit. Saisi à Cande, bourg de son diocèse, d'une fièvre très grave, il priait instamment Dieu qu'il le délivrât de cette prison mortelle. Ce qu'entendant, ses disciples le suppliaient : Père, pourquoi nous abandonnez-vous? à qui nous laissez-vous dans notre malheur? Et Martin, ému de leurs larmes, disait à Dieu : Seigneur, si je suis encore nécessaire à votre peuple, je ne refuse pas le travail.

 

Et comme, malgré la violence de la fièvre, ses disciples le voyaient prier constamment tourné vers le ciel, ils le supplièrent de se laisser changer de position quelque temps, pour que le mal prît quelque relâche et lui permît de reposer. Mais Martin: Laissez-moi, dit-il, regarder le ciel plutôt que la terre, pour que mon âme sur le départ trouve son chemin vers le Seigneur. Comme la mort approchait, voyant l'ennemi du genre humain, il dit : Que fais-tu là, bête cruelle ! tu ne trouveras rien en moi pour toi. Ce fut en prononçant ces mots, qu'âgé de quatre-vingt-un ans, il rendit à Dieu son âme. Elle fut reçue par le chœur des Anges, dont plusieurs personnes ouïrent les divines mélodies, spécialement l'évêque de Cologne saint Séverin.

 

Nous donnons ici les belles Antiennes des Vêpres de la fête. Les cinq premières sont composées de passages de Sulpice Sévère en sa lettre à Bassula, où il raconte la mort du bienheureux, complétant ainsi le livre qu'il avait écrit de la Vie de saint Martin pendant que celui-ci vivait encore.

 

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ANTIENNES.

 

Ses disciples dirent au bienheureux Martin : Père, pourquoi nous abandonnez-vous? à qui nous laissez-vous dans notre malheur ? Des loups ravisseurs se jetteront sur votre troupeau.

 

Seigneur, si je suis encore nécessaire à votre peuple, je ne refuse pas le travail : qu'il en soit ce que décidera votre volonté.

 

Homme ineffable! ni le labeur ne l'a vaincu, ni la mort ne le saurait vaincre, ne craignant point de mourir , ne refusant point la vie.

 

Les yeux et les mains continuellement levés vers le ciel, l'esprit infatigable, il ne donnait nulle trêve à sa prière. Alléluia.

 

Martin est accueilli au sein d'Abraham dans la joie; Martin, pauvre et humble ici-bas, fait son entrée au ciel dans l'abondance , célébré par les chants des cieux.

 

O bienheureux homme, dont l'âme est en possession du paradis ! Aussi les Anges tressaillent, les Archanges se réjouissent, le chœur des Saints publie sa gloire, les Vierges l'entourent et elles disent : Demeurez avec nous toujours.

 

O bienheureux Pontife, qui par toutes les fibres de son être aimait le Christ Roi, et ne redoutait point les puissants de ce monde! ô âme très sainte, que le glaive du persécuteur n'a point séparée de son corps, et qui pourtant n'a pas perdu la palme du martyre.

 

L'un des plus illustres et dévots clients de saint Martin, saint Odon, Abbé de Cluny, composa en son honneur l'Hymne suivante. Les fidèles trouveront aux Communs de leurs livres d'Offices l'Hymne plus ancienne, Iste Confessor, à la rédaction modifiée depuis il est vrai, mais qui, primitivement, chanta l'Evêque de Tours et les miracles opérés au tombeau de ce premier des justes non martyrs honorés dans l'Eglise entière.

 

HYMNE.

 

Christ Roi, de Martin la gloire : vous êtes sa louange, il est la vôtre ; vous honorer en lui, comme lui-même en vous, est notre désir.

 

Vous qui d'un pôle à l'autre du monde faites briller la perle des Pontifes, délivrez-nous par son très grand mérite des lourds péchés qui nous oppressent.

 

Il  était pauvre ici-bas et humble : et voici qu'au ciel il fait son entrée dans l'abondance, que les phalanges des cieux viennent au-devant de lui, que toute langue, toute tribu, toute nation applaudit au triomphe.

 

Comme avait fait sa vie, resplendit sa mort, admiration de la terre et des cieux : pour tous, c'est acte pie que se réjouir ; pour tous que ce jour soit un jour de salut.

 

Martin, l'égal des Apôtres, bénissez-nous célébrant votre fête : jetez sur nous les yeux, vous qui pour vos disciples demeurez prêt à vivre comme à mourir.

 

Faites maintenant ce que vous fîtes autrefois : des Pontifes faites briller les vertus, de l'Eglise accroissez la gloire, de Satan déjouez les embûches.

 

Vous qui trois fois avez dépouillé l'abîme, sauvez ceux que leurs fautes ont engloutis; en souvenir du manteau partagé, revêtez-nous de justice.

 

Et vous rappelant cette gloire qui dans le temps fut vôtre à titre spécial, de l'Ordre monastique aujourd'hui presque éteint montrez-vous le secours.

 

Gloire soit à la Trinité, dont par sa vie Martin fut le confesseur ;  puisse-t-il faire que  chez nous  aussi la foi en soit appuyée par les oeuvres. Amen.

Amen.

 

Adam de Saint - Victor consacre au grand Evêque de Tours une de ses plus enthousiastes productions.

 

SÉQUENCE.

 

Sion, sois dans la joie en célébrant le jour où Martin, l'égal des Apôtres,triomphant du monde, est couronné parmi les habitants des cieux.

 

C'est lui Martin, l'humble et le pauvre, le serviteur prudent, le fidèle économe : au ciel, à lui la richesse et la gloire, devenu qu'il est concitoyen des Anges.

 

C'est lui Martin, qui catéchumène revêt un pauvre, et le Seigneur, dès la nuit suivante, a revêtu le manteau.

 

C'est lui Martin, qui dédaignant les armes, offre d'aller sans nulle défense au-devant des ennemis ; car il est baptisé.

 

C'est lui Martin, qui offrant l'hostie sainte, s'embrase au dedans par la divine grâce, tandis qu'un globe de feu apparaît sur sa tête.

 

C'est lui Martin, qui ouvre le ciel, commande à l'océan, donne des ordres à la terre, guérit les maladies, chasse les monstres, ô l'homme incomparable !

 

C'est lui Martin, qui ne craignit point de mourir, qui ne refusa point le labeur de vivre, et de la sorte à la divine volonté s'abandonna tout entier.

 

C'est lui Martin, qui ne nuisit à personne ; c'est lui Martin, qui fit du bien à tous ; c'est lui Martin, qui plut à  la  trine Majesté.

 

C'est lui Martin, qui renverse les temples, lui qui instruit dans la foi les gentils, et de ce qu'il enseigne leur donne en ses œuvres l'exemple.

 

C'est lui Martin, qui sans pareil en mérites, rend la vie à trois morts ; maintenant il voit Dieu pour toujours.

 

O Martin, pasteur excellent, ô vous qui faites partie de la céleste milice, défendez-nous contre la rage du loup furieux.

 

O Martin, faites maintenant comme autrefois : offrez pour nous à Dieu vos prières ; souvenez-vous , pour ne jamais l'abandonner, de cette nation qui est vôtre.

Amen.

 

O saint Martin, prenez en pitié la profondeur de notre misère ! L'hiver, un hiver plus funeste que celui où vous partagiez votre manteau, sévit sur le monde ; beaucoup périssent dans la nuit glaciale causée par l'extinction de la foi et le refroidissement de la charité. Venez en aide aux malheureux dont le fatal engourdissement ne songe pas à demander de secours. Prévenez-les sans attendre leur prière, au nom du Christ dont se recommandait le pauvre d'Amiens, tandis qu'eux n'en savent plus trouver le nom sur leurs lèvres. Pire que celle du mendiant est cependant leur nudité, dépouillés qu'ils sont du vêtement de la grâce que se transmettaient, après l'avoir reçu de vous, leurs pères.

Combien lamentable est devenu surtout le dénuement de ce pays de France, que vous aviez rendu riche autrefois des bénédictions du ciel, et dans lequel vos bienfaits furent reconnus par de telles injures ! Daignez considérer pourtant que nos jours ont vu commencer la réparation, près du saint tombeau rendu à notre culte filial. Ayez égard à la piété des grands chrétiens dont le cœur sut se montrer,  comme la générosité des foules, à la hauteur des plus vastes projets; voyez, si réduit que le nombre en demeure encore, les pèlerins reprenant vers Tours le chemin que peuples et rois suivirent aux meilleurs temps de notre histoire.

Cette histoire qui fut celle des beaux jours de l'Eglise, du règne du Christ Roi, ô Martin, serait-elle finie? Laissons l'ennemi sceller déjà en pensée notre tombe. Mais le récit de vos prodiges nous apprend qu'il vous appartient de redresser sur leurs pieds les morts mêmes. Le catéchumène de Ligugé n'était-il pas rayé du nombre des vivants (1), quand vous le rappelâtes à la vie, au baptême ? Fussions-nous comme lui déjà parmi ceux dont le Seigneur ne se souvient plus (2), l'homme ou le pays qui a Martin pour protecteur et pour père ne saurait abandonner l'espérance. Si vous daignez garder souvenir de nous, les Anges viendront redire au Juge suprême : C'est celui-là, c'est la nation, pour qui Martin prie ; et ils recevront l'ordre de nous retirer des lieux obscurs où végètent les peuples sans gloire, pour nous rendre à Martin, aux nobles destinées que nous valut sa prédilection (3).

Nous savons néanmoins que votre zèle pour l'avancement du règne de Dieu ne connut pas de frontières. Inspirez donc, fortifiez, multipliez les apôtres qui poursuivent sur tous les points du monde, comme vous le fîtes chez nous, les restes de l'infidélité. Ramenez l'Europe chrétienne, où votre nom est demeuré si grand, à l'unité que l'hérésie et le schisme ont détruite pour le malheur des nations. Malgré tant d'efforts contraires,

 

1. Psalm. LXVIII, 29. — 2. Psalm. LXXXVII, 6. — 3. Sulpit. Sev. Vita, VII.

 

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gardez à son poste d'honneur, à ses traditions de vaillante fidélité, le noble pays où vous naquîtes. Puissent partout vos dévots clients éprouver que le bras de Martin suffit toujours à protéger ceux qui l'implorent.

Au ciel aujourd'hui, chante l'Eglise, « les Anges sont dans la joie, les Saints publient votre gloire, les Vierges vous entourent et elles disent: « Demeurez avec nous toujours (1) ! » N'est-ce pas la suite de ce que fut votre vie sur terre, où vous et les vierges rivalisiez d'une vénération si touchante (2); où Marie leur Reine, accompagnée de Thècle et d'Agnès, se complaisait à passer déjà de longues  heures  en votre  cellule  de  Marmoutier, devenue, nous  dit  votre historien, l'égale  des pavillons des Anges (3) ? Imitant leurs  frères et sœurs du  ciel, vierges et moines, clercs et pontifes se tournent vers vous, sans nulle crainte que leur multitude ne nuise à aucun d'eux à vos pieds, sachant que votre seule vie suffit à les  éclairer tous, qu'un regard de Martin leur assurera les bénédictions du Seigneur.

Originaire d'Egypte, le soldat Mennas devint, après son martyre, le protecteur d'Alexandrie. Il n'est pas rare de rencontrer, encore aujourd'hui, des ampoules rapportées autrefois par les pèlerins qui les remplissaient de l'huile brûlant à son tombeau. Disons avec l'Eglise :

 

1. Ant. ad Magnificat in Iis Vesp. — 2. Sulpit. Sev. Dialog. I (II, 8, 12). — 3. Ibid. 13.

 

ORAISON.

 

Accordez à  notre prière, Dieu tout-puissant, que nous, qui célébrons la naissance au ciel du bienheureux Mennas votre Martyr, soyons par son intercession fortifiés dans l'amour de votre nom. Par Jésus-Christ.

 

 

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