LE IV NOVEMBRE. SAINT CHARLES, ÉVÊQUE ET CONFESSEUR.
Humilitas.
A sa naissance au château d'Arona, Charles
trouvait inscrit en chef de l'écu de famille ce mot couronné d'or (1). Parmi
les pièces nombreuses du blason des Borromées, on disait de celle-ci qu'ils ne
connaissaient l'humilité que dans leurs armes. Le temps était venu où
l'énigmatique devise de la noble maison se justifierait dans son membre le plus
illustre ; où, au faîte des grandeurs, un Borromée saurait vider de soi son
coeur pour le remplir de Dieu : en sorte pourtant que, loin de renier la fierté
de sa race,.plus intrépide qu'aucun, cet humble
éclipserait dans ses entreprises les hauts faits d'une longue suite d'aïeux.
Nouvelle preuve que l'humilité ne déprime jamais. Charles atteignait à peine sa
vingt-deuxième année, quand Pie IV, dont sa mère était la sœur, l'appelait au
poste difficile qu'on nomme aujourd'hui la Secrétairerie d'Etat, et bientôt le
créait cardinal, archevêque de Milan, semblait se complaire à entasser honneurs
et responsabilités sur ses jeunes épaules. On était au lendemain du règne de
Paul IV, si mal servi par une confiance pareille, que ses neveux, les Caraffa, y méritèrent le dernier
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supplice. Mais l'événement devait
montrer que son doux successeur recevait en cela ses inspirations de l'Esprit-Saint, non de la chair et du sang.
Soixante ans déjà s'étaient
écoulés de ce siècle de Luther qui fut si fatal au monde, et les ruines
s'amoncelaient sans fin, tandis que chaque jour menaçait l'Eglise d'un danger
nouveau. Les Protestants venaient d'imposer aux catholiques d'Allemagne le
traité de Passau qui consacrait leur triomphe, et octroyait aux dissidents l'égalité
avec la liberté. L'abdication de Charles-Quint découragé donnait l'empire à son
frère Ferdinand, tandis que l'Espagne et ses immenses domaines des deux mondes
allaient à Philippe II son fils ; or Ferdinand Ier inaugurait la coutume de se
passer de Rome, en ceignant le diadème mis au front de Charlemagne par saint
Léon III ; et Philippe, enserrant l'Italie par la possession de Naples au Sud,
du Milanais au Nord, semblait à plusieurs une menace pour l'indépendance de
Rome elle-même. L'Angleterre, un instant réconciliée sous Marie Tudor, était
replongée par Elisabeth dans le schisme où elle demeure jusqu'à nos jours. Des
rois enfants se succédaient sur le trône de saint Louis, et la régence de
Catherine de Médicis livrait la France aux guerres de religion.
Telle était la situation
politique que le ministre d'Etat de Pie IV avait mission d'enrayer, d'utiliser
au mieux des intérêts du Siège apostolique et de l'Eglise. Charles n'hésita
pas. Appelant la foi au secours de son inexpérience, il comprit qu'au déluge
d'erreurs sous lequel le monde menaçait de périr, Rome se devait avant tout
d'opposer comme digue l'intégrale vérité dont elle est la gardienne ; il se dit qu'en face
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d'une hérésie se parant du grand
nom de Réforme et déchaînant toutes les passions, l'Eglise, qui sans cesse
renouvelle sa jeunesse (1), aurait beau jeu de prendre occasion de l'attaque
pour fortifier sa discipline, élever les mœurs de ses fils, manifester à tous
les yeux son indéfectible sainteté. C'était la pensée qui déjà, sous Paul III
et Jules III, avait amené la convocation du concile de Trente, inspiré ses
décrets de définitions dogmatiques et de réformation. Mais le concile, deux
fois interrompu , n'avait point achevé son œuvre, qui
restait contestée. Depuis huit ans qu'elle demeurait suspendue, les difficultés
d'une reprise ne faisaient que s'accroître, en raison des prétentions
discordantes qu'affichaient à son sujet les princes. Tous les efforts du
cardinal neveu se tournèrent à vaincre l'obstacle. Il y consacra ses jours et
ses nuits, pénétrant de ses vues le Pontife suprême, inspirant son zèle aux
nonces accrédités près des cours, rivalisant d'habileté autant que de fermeté
avec les diplomates de carrière pour triompher des préjugés ou du mauvais
vouloir des rois. Et quand, après deux ans donnés à ces négociations épineuses,
les Pères de Trente se réunirent enfin, Charles apparut comme la providence et
l'ange tutélaire de l'auguste assemblée ; elle lui dut son organisation
matérielle, sa sécurité politique, la pleine indépendance de ses délibérations,
leur continuité désormais ininterrompue. Retenu à Rome, il est l'intermédiaire
du Pape et du concile. La confiance des légats présidents lui est vite acquise
; les archives pontificales en gardent la preuve : c'est à lui qu'ils recourent
journellement, dans leurs sollicitudes et parfois leurs angoisses,
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comme au meilleur conseil, à
l'appui le plus sûr.
Le Sage disait de la Sagesse : «
A cause d'elle, ma jeunesse sera honorée des vieillards ; les princes admireront
mes avis : si je me tais, ils attendront que je parle; quand j'ouvrirai la
bouche, ils m'écouteront attentifs, les mains sur leurs lèvres (1). » Ainsi en
fut-il de Charles Borromée, à ce moment critique de l'histoire du monde ; et
l'on comprend que la Sagesse divine qu'il écoutait si docilement, qui
l'inspirait si pleinement, ait rendu son nom immortel dans la mémoire
reconnaissante des peuples (2).
C'est de ce concile de Trente
dont l'achèvement lui est dû, que Bossuet reconnaît, en sa. Défense de la trop
fameuse Déclaration, qu'il ramena l'Eglise à la pureté de ses origines autant
que le permettait l'iniquité des temps (3). Ecoutons ce qu'à l'heure où les
assises œcuméniques du Vatican venaient de s'ouvrir, l'évêque de Poitiers, le
futur cardinal Pie, disait « de ce concile de Trente, qui, à meilleur titre que
celui même de Nicée, a mérité d'être appelé le grand concile ; de ce concile
dont il est juste d'affirmer que, depuis la création du monde, aucune assemblée
d'hommes n'a réussi à introduire parmi les hommes une aussi grande perfection ;
de ce concile dont on a pu dire que, comme un arbre de vie, il a pour toujours
rendu à l'Eglise la vigueur de sa jeunesse. Plus de trois siècles se sont
écoulés depuis qu'il termina ses travaux, et sa vertu curative et fortifiante
n'a point cessé de se faire sentir (4). »
« Le concile de Trente est demeuré comme en
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permanence dans l'Eglise au moyen
des congrégations romaines chargées d'en perpétuer l'application, ainsi que de
procurer l'obéissance aux constitutions pontificales qui l'ont suivi et
complété (1). » Charles inspira les mesures adoptées dans ce but par Pie IV, et
au développement desquelles les Pontifes qui suivirent attachèrent leurs noms.
La revision des livres liturgiques, la rédaction du
Catéchisme romain l'eurent pour promoteur. Avant tout, et sur toutes choses, il
fut l'exemplaire vivant delà discipline renouvelée, acquérant ainsi le droit de
s'en montrer envers et contre tous l'infatigable zélateur. Rome, initiée par
lui à la réforme salutaire où il convenait qu'elle précédât l'armée entière des
chrétiens, se transforma en quelques mois. Les trois églises dédiées à saint
Charles en ses murs (2), les nombreux autels qui portent son nom dans les
autres sanctuaires de la cité reine, témoignent de la gratitude persévérante
qu'elle lui a vouée.
Son administration cependant et
son séjour n'y dépassèrent pas les six années du pontificat de Pie IV. A la
mort de celui-ci, malgré les instances de saint Pie V, qu'il contribua plus que
personne à lui donner pour successeur, Charles quitta Rome pour Milan où l'appelait
son titre d'archevêque de cette ville. Depuis près d'un siècle, la grande cité
lombarde ne connaissait guère que de nom ses pasteurs, et cet abandon l'avait,
comme tant d'autres en ces temps, livrée au loup qui ravit et disperse le
troupeau (3). Notre Saint
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comprenait autrement le devoir de
la charge des âmes. Il s'y donnera tout entier, sans ménagement de lui-même,
sans nul souci des jugements humains, sans crainte des puissants. Traiter
dans l'esprit de Jésus-Christ les intérêts de Jésus-Christ sera sa maxime (1),
son programmées ordonnances édictées à Trente. L'épiscopat de saint Charles fut
la mise en action du grand concile ; il resta comme sa forme vécue, son modèle
d'application pratique en toute Eglise, la preuve aussi de son efficacité , la
démonstration effective qu'il suffisait à toute réforme, qu'il pouvait
sanctifier à lui seul pasteur et troupeau.
Nous eussions voulu donner mieux
qu'un souvenir à ces Acta Ecclesiae Mediolanensis, pieusement rassemblés par des mains
fidèles, et où notre Saint paraît si grand ! C'est là qu'à la suite des six
conciles de sa province et des onze synodes diocésains qu'il présida, se
déroule l'inépuisable série des mandements généraux ou spéciaux que lui dicta
son zèle ; lettres pastorales, où brille le Mémorial sublime qui suivit
la peste de Milan ; instructions sur la sainte Liturgie, la tenue des Eglises,
la prédication, l'administration des divers Sacrements, et entre lesquelles se
détache l'instruction célèbre aux Confesseurs; ordonnances concernant le for archiépiscopal,
la chancellerie, les visites canoniques; règlements pour la famille domestique
de l'archevêque et ses vicaires ou officiers de tous rangs, pour les prêtres
des paroisses et leurs réunions dans les conférences dont il introduisit
l'usage, pour les Oblats qu'il avait fondés, les séminaires, les écoles, les
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confréries; édits et décrets,
tableaux enfin et formulaire universels. Véritable encyclopédie pastorale ,
dont l'ampleur grandiose ne laisse guère soupçonner la brièveté de cette
existence terminée à quarante-six ans, ni les épreuves et les combats qui,
semble-t-il, auraient dû l'absorber tout entière.
Mais il est temps d'écouter la
sainte Eglise.
Charles naquit au territoire
de Milan , de la noble famille des Borromées. Une
lumière divine, qui brilla de nuit sur la chambre où sa mère le mettait au
monde, fit présager combien éclatante serait sa sainteté. Inscrit dès l'enfance
dans les rangs de la milice cléricale, et pourvu bientôt d'une abbaye, il
avertit son père qu'on ne devait pas convertir ses revenus en bien familial,
prenant grand soin, dès que l'administration lui en fut remise, de distribuer
lui-même tout le surplus aux pauvres. Pavie le vit adolescent s'adonner aux
études libérales. Son amour de la chasteté lui fit repousser avec une
invincible constance des femmes perdues envoyées plus d'une fois pour ébranler
sa pureté. Agrégé dans sa vingt-troisième année au sacre collège des Cardinaux
par Pie IV, son oncle, il l'illustra par la splendeur d'une piété insigne et de
toutes les vertus. Pie IV le créa
bientôt archevêque de Milan. On le vit dès lors employer tout son zèle pour
appliquer dans l'Eglise à lui confiée le saint concile de Trente, dont
l'achèvement récent était dû surtout à ses soins. Pour réformer les
dérèglements de son peuple, il célébra de nombreux synodes, et se montra
lui-même un modèle achevé de sainteté. Il se donna beaucoup de peine pour
chasser l'hérésie de la Suisse et du pays des Grisons ; grand nombre
d'habitants de ces contrées furent ainsi ramenés à la foi véritable.
Une des circonstances où la
charité du bienheureux se signala davantage, fut lorsqu'en un seul jour il
donna aux pauvres tout le prix provenant de la vente de la principauté d'Oria, lequel se montait à quarante mille écus d'or. Une
autre fois, c'était vingt autres mille, reçus en legs, qu'il distribuait non
moins généreusement. Abondamment pourvu de revenus d'Eglise par son oncle, il
se démit de ses bénéfices, n'en retenant quelques-uns que pour subvenir à ses
propres nécessités et aux besoins des malheureux. Au temps où la peste
sévissait à Milan, il aliéna en faveur de ceux-ci le mobilier de sa maison, sans
se réserver même un lit, et coucha dorénavant sur une planche nue. Les
pestiférés eurent en lui un père dont la tendresse et le dévouement leur furent
d'un merveilleux secours ; il les visitait assidûment, leur administrait les
Sacrements de ses propres mains ce pendant que, s'interposant comme médiateur
entre eux et le ciel, il s'abîmait dans la prière : on le vit présider des
supplications publiques qu'il avait ordonnées, les pieds nus et en sang, la
corde au cou, chargé d'une croix, s'offrant comme victime pour les péchés du
peuple, s'évertuant à détourner la colère de Dieu. Il se montra l'intrépide
défenseur de la liberté de l'Eglise. Son zèle pour le rétablissement de la
discipline amena des rebelles à tirer sur lui un coup d'arquebuse, pendant
qu'il était en prières ; mais par la protection divine, la balle, qui l'avait
atteint, ne lui fit aucun mal.
Son abstinence fut admirable
: il jeûnait le plus souvent au pain et à l'eau, y ajoutant parfois quelques
légumes. Il domptait son corps par les veilles, un âpre cilice, des disciplines
sans fin. L'humilité et la douceur lui étaient deux vertus très chères. Bien
qu'occupé des plus graves soins, il n'omit jamais de prier ni de prêcher. Il
bâtit nombre d'églises, de monastères, de maisons d'enseignement. Nombreux
furent ses écrits, et précieux, pour l'instruction surtout des évêques ; on
doit aussi à son intervention le catéchisme des prêtres à charge d'âmes. Enfin
s'étant retiré dans la solitude du mont Varallo, où
les mystères de la Passion sont représentés au vif en de pieuses sculptures, il
y passa quelques jours moins durs par ses macérations volontaires qu'ils
n'étaient doux en la méditation des souffrances du Seigneur. Saisi de la fièvre
en ce lieu, il revint à Milan ; mais le mal s'aggravant, on le couvrit du
cilice et de la cendre, et les yeux sur le crucifix il passa au ciel. C'était
le trois des nones de novembre, en la quarante-septième année de son âge, qui
était l'an du Seigneur mil cinq cent quatre-vingt-quatre. Des miracles
éclatèrent bientôt à son invocation, et le Souverain Pontife Paul V le mit au
nombre des Saints.
Successeur d'Ambroise, vous fûtes
l'héritier de son zèle pour la maison de Dieu ; votre action fut puissante
aussi dans l'Eglise ; et vos deux noms, à plus de mille ans d'intervalle,
s'unissent dans une commune gloire. Puissent de même s'unir au pied du trône de
Dieu vos prières,
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en faveur de nos temps amoindris ;
puisse votre crédit au ciel nous obtenir des chefs dignes de continuer, de
reprendre au besoin, votre œuvre sur terre ! Elle éclata de vos jours en pleine
évidence, cette parole des saints Livres : Tel le chef de la cité, tels sent
les habitants (1). Et cette autre non moins : J'enivrerai de grâce les
âmes sacerdotales, et mon peuple sera rempli de mes biens, dit le Seigneur (2).
Combien justement vous disiez, ô
Charles : « Jamais Israël n'entendit pire menace que celle-ci : Lex peribit a sacerdote (3). Prêtres, instruments divins, desquels
dépend le bonheur du monde : leur abondance est la richesse de tous ; leur
nullité, le malheur des nations (4). »
Et lorsque, du milieu de vos
prêtres convoqués en synode, vous passiez à l'auguste assemblée des dix-sept
pontifes, vos suffragants; réunis en concile, votre voix se faisait, s'il se
peut, plus forte encore : « Craignons que le Juge irrité ne nous dise : Si vous
étiez les éclaireurs de mon Eglise, pourquoi donc fermiez-vous les yeux ? Si
vous vous prétendiez les pasteurs du troupeau, pourquoi l’avez-vous laissé
s'égarer ? Sel de la terre, vous vous êtes affadis. Lumière du monde, ceux qui
étaient assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort n'ont
point vu vos rayons. Vous étiez Apôtres ; mais qui donc éprouva votre vigueur
apostolique, vous qui jamais n'avez rien fait que pour complaire aux hommes ?
Vous étiez la bouche du Seigneur, et
l'avez rendue
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muette. Si votre excuse doit être
que le fardeau dépassait vos forces, pourquoi fut-il l'objet de vos brigues
ambitieuses (1) ? »
Mais, par la grâce du Seigneur
Dieu bénissant votre zèle pour l'amendement des brebis comme des agneaux, vous
pouviez ajouter, ô Charles : « Province de Milan, reprends espoir. Voici que,
venus à toi, tes pères se sont rassemblés dans le but de guérir tes maux; ils
n'ont plus d'autre souci que de te voir porter des fruits de salut, multipliant
à cette fin leurs efforts communs (2). »
Mes petits enfants que j’ enfante de nouveau, jusqu'à ce que le Christ soit formé
en vous (3) ! C'est l'aspiration de l'Epouse, le cri qui ne cessera qu'au
ciel : et synodes, visites, réformation, décrets concernant prédication,
gouvernement, ministère, ne sont à vos yeux que la manifestation de cet unique
désir de l'Eglise, la traduction du cri de la Mère (4) en travail de ses fils (5).
Daignez, bienheureux Pontife,
ranimer en tous lieux l'amour de cette discipline sainte, où la sollicitude
pastorale qui vous rendit glorieux (6) trouva le secret de sa fécondité
merveilleuse. Il peut suffire aux simples fidèles de n'ignorer point que parmi
les trésors de l'Eglise leur Mère existe, à côté de la doctrine et des
Sacrements, un corps de droit incomparable, œuvre des siècles, objet de
légitime fierté pour tous ses fils dont il protège les privilèges divins ; mais
le clerc, qui se voue à l'Eglise, ne saurait la servir utilement sans l'étude
approfondie, persévérante, qui lui donnera l'intelligence du détail de ses lois
; mais fidèles et
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clercs doivent supplier Dieu que le
malheur des temps ne mette plus obstacle à la tenue par nos chefs vénérés de
ces assemblées conciliaires et synodales prescrites à Trente (1),
magnifiquement observées par vous, ô Charles, qui fîtes l'expérience de leur
vertu pour sauver la terre. Veuille le ciel exaucer en votre considération
notre prière, et nous pourrons redire avec vous (2) à l'Eglise : « 0 bénigne
Mère, ne pleurez plus ; vos peines seront récompensées, vos fils vous
reviendront de la contrée ennemie. Et moi, dit le Seigneur, j'enivrerai de
grâce les âmes sacerdotales, et mon peuple sera rempli de mes biens (3). »
Offrons notre hommage aux deux
Martyrs dont la mémoire précéda celle de Charles Borromée sur le Cycle en ce
jour. Vital et Agricola, l'esclave et le maître, montrèrent, par leur rencontre
dans l'arène glorieuse, que la vraie noblesse se rit des inégalités sociales.
Saint Ambroise, séjournant à Bologne où ils avaient souffert, retrouva leurs
corps et célébra leur commun triomphe (4). L'Eglise, à la suite de l'abeille de
Milan, n'a point cessé de les associer dans une commune gloire.
ORAISON.
Accordez, Dieu tout-puissant,
à nous qui célébrons la solennité de vos saints Martyrs Vital et Agricola, la
grâce d'être aidés près de vous par leurs prières. Par Jésus-Christ.
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Revenons à l'Octave des Saints par cette Séquence de Notker, que l'Allemagne
chantait jadis au jour de la fête.
SEQUENCE.
Tous les saints Séraphins,
Chérubins, Et Trônes et Dominations,
Principautés, Puissances,
Vertus,
Archanges, Anges, à vous
louange, honneurs !
Vous êtes les neuf ordres des
esprits bienheureux
Que l'amour affermit dans la
divine louange :
Fragiles humains, que vos
prières nous affermissent de même ;
Que par vous secourus, nous
repoussions courageusement les esprits de malice,
Afin d'être dignes de prendre
part à vos solennités sacrées, maintenant et dans l'éternité.
Vous que la grâce de Dieu fit
vainqueurs sur terre,
Et au ciel compagnons des
anges :
Vous patriarches, prophètes,
apôtres, confesseurs, martyrs, moines, vierges,
Peuple des
saintes veuve s et de tous ceux qui plurent au Seigneur suprême :
Que votre appui, maintenant
et toujours, soit notre garde et protection ;
C'est notre prière au jour de
vos joies.
Amen.
Nous empruntons à l'Euchologe, ou Rituel des Grecs, quelques traits de ses
prières pour les morts.
IN OFFICIO EXSEQUIARUM.
Venez, disons au mort le
dernier adieu, en rendant grâces au Seigneur. Prions le Seigneur de lui donner
le repos.
Qu'est-ce donc que notre vie?
Une fleur, une vapeur, véritablement la rosée du matin. Venez : parcourons les
tombeaux. Qu'est devenue cette beauté ? qu'est devenue
cette jeunesse ? et ces yeux ? et
cette grâce attrayante ? Tout n'était qu'une herbe éphémère, tout s'est flétri ! Aux pieds du Christ, laissons couler nos pleurs.
Sauvez ceux qui espèrent en
vous, Mère du soleil qui ne connaît pas de couchant ! Mère de Dieu, nous vous
en supplions, intervenez près de votre très doux fils : priez-le qu'à celui qui
nous quitte il donne le repos, là où les âmes des justes sont dans la paix.
Immaculée, faites-le entrer en possession du divin héritage, au séjour des élus
; que sa mémoire soit éternelle.
Que le Christ notre vrai
Dieu, lui qui ressuscita d'entre les morts, daigne, avant égard à
l'intercession de sa très pure Mère et de tous les Saints, placer son défunt
serviteur dans les tabernacles des justes, le faire reposer doucement, ce
nouveau juste, au sein d'Abraham, et, dans sa bonté, dans sa clémence, avoir
aussi pitié de nous. Amen.
A vous éternelle mémoire, ô
notre Frère ! Soyez heureux à jamais ; comme toujours aura souvenir de
vous notre cœur.
Gloire à Dieu, auquel il a
plu ainsi !