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INSTRUCTION SUR LA COMMUNION.

ANALYSE.

 

I.  Avis pour le temps qui précède la communion.

II.  Avis pour le temps même de la communion.

III.  Avis pour le temps qui suit la communion.

 

 

Il y a trois temps à distinguer par rapport à la communion : celui qui la précède, celui de la communion même , et celui qui la suit. Selon cette différence , voici les différents avis que vous devez suivre , et qui vous serviront de règle pour un saint usage de la divine Eucharistie.

§ I. Avis pour le temps qui précède la communion.

 

I.  Bien comprendre que la plus grande, la plus sainte et la plus importante action de votre vie, c'est de communier ; et par conséquent , qu'il n'y en a aucune où il soit plus dangereux pour vous d'agir par coutume et par habitude, où vos négligences soient moins excusables, et où vous puissiez moins espérer de Dieu qu'il ne s'offense pas de vos froideurs cl de vos relâchements.

II.  Bien concevoir que le plus grand crime que vous puissiez commettre, c'est d'abuser de ce qu'il y a de plus auguste et de plus divin dans votre religion; de vous rendre coupable de la profanation du corps du Seigneur, et de vous faire un poison mortel de ce que Jésus-Christ a établi pour être la nourriture spirituelle de votre âme.

III.  Etre bien persuadé que le plus essentiel de tous vos devoirs, en qualité de chrétien, est de vous mettre en état de communier dignement et de travailler à purifier votre Ame, afin qu'elle puisse servir de demeure à Jésus-Christ, en vous disant à vous-même, mais avec bien plus de raison que Salomon : Il ne s'agit pas de préparer une demeure aux hommes, mais à Dieu, le Roi des rois.

IV.   Bien méditer ces paroles de saint Paul : Que l'homme s'éprouve donc soi-même, avant que de manger ce pain céleste ; car celui qui le mange indignement mange sa propre condamnation, parce qu'il ne fait pas le discernement qu'il doit faire du corps du Seigneur (1). Accomplir, dis-je, mais sincèrement et de bonne foi, ce précepte de l'Apôtre, en sorte que toutes les fois que vous communiez , vous puissiez vous rendre témoignage que vous vous êtes éprouvé, et que sans présumer, non plus que saint Paul, d'être justifié pour cela, votre conscience ne vous reproche rien qui puisse être un obstacle, du moins essentiel à ce sacrement, c'est-à-dire, que vous ne la sentiez chargée d'aucun péché mortel ; car c'est en quoi le concile de Trente fait principalement consister cette épreuve que vous devez faire de vous, avant que d'approcher de la communion.

V.  Faire une confession aussi exacte, aussi fervente et aussi parfaite pour communier que vous la voudriez faire pour mourir, étant bien convaincu qu'il ne faut pas une moindre pureté de cœur pour aller recevoir Jésus-Christ que pour paraître devant Dieu , et pour subir la rigueur de sou jugement. Cette pensée seule suffirait pour ne tomber jamais dans le désordre des communions sacrilèges, et même pour n'en faire jamais de tièdes, ni d'imparfaites , celle-ci servant bien souvent de dispositions aux autres.

VI.  Bien entendre que l'épreuve que chacun doit faire de soi-même, avant que de communier, ne consiste pas seulement à confesser son péché , à s'en accuser et à le délester, mais à sortir de l'occasion où l'on pourrait être de le commettre, à en retrancher la cause, à en réparer le scandale, et que tandis que le scandale d'un péché dure , ou qu'on est dans l'occasion de ce péché sans la vouloir quitter, on n'a pas encore satisfait à l'obligation indispensable que saint Paul nous impose par cette règle : Que l'homme s'éprouve.

VII.  Vous souvenir que comme la disposition

 

1 Cor., XI, 28.

 

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la plus naturelle, c'est-à-dire la plus conforme et aux inclinations de Jésus-Christ et à la dignité de son sacrement, c'est la pureté : aussi, de tous les péchés qui se commettent dans le monde, n'y en a-t-il point qui ait une opposition plus spéciale à la communion, et qui vous en rende plus indigne que le péché d'impureté, parce qu'en déshonorant votre chair, il déshonore la chair de Jésus-Christ même. L'avoir en abomination dans cette vue, et faire souvent réflexion à ces paroles étonnantes de saint Ambroise , qu'il adressait à Jésus-Christ : Quelle bonté, Seigneur, que pour sauver l'homme, vous n'ayez pas eu horreur de vous incarner dans le sein d'une vierge ! Car si toute pure qu'a été Marie, saint Ambroise n'a point cru lui faire tort de parler ainsi, qu'aurait-il dit d'une impudique qui, dans l'engagement et dans le désordre de son péché, approche de la communion , laquelle n'est rien autre chose selon les Pères, qu'une extension ou une suite de l'incarnation.

VIII.  N'attendre pas jusqu'au jour de la communion même pour vous y préparer; mais prendre pour cela un temps raisonnable, et y penser d'autant plus tôt, que vos communions seraient plus éloignées les unes des autres, surtout la veille d'un si saint jour, ou même deux ou trois jours auparavant, vous séparer de toutes les choses qui pourraient vous dissiper l'esprit, comme de certains divertissements et de certaines conversations dont l'inutilité et la vanité, sans parler du reste, sont plus opposées à la sainteté de l'action que vous devez faire.

IX.  Employer les trois ou quatre jours qui précèdent votre communion à faire de saintes lectures , qui vous remplissent l'esprit et le cœur des sentiments dont vous devez être pénétré sur un si grand sujet. Le livre du Mémorial de Grenade sera très-propre pour cela. Y ajouter de bonnes œuvres, particulièrement des aumônes, qui vous attirent les grâces nécessaires pour communier saintement et utilement. Y joindre une petite revue que vous ferez de votre conduite, pour reconnaître si depuis votre communion vous avez été plus fidèle à Dieu, et si vous avez avancé dans la voie de votre salut, et marquer en particulier les choses où vous vous apercevrez qu'il y a eu en vous du relâchement; cela même étant la matière des principaux actes intérieurs qui doivent entrer dans la communion suivante.

X.  Ménager, s'il est possible, quelques jours avant la communion, un entretien avec votre confesseur, afin qu'il vous aide , par ses conseils, à bien faire une action si sainte; rien n'étant plus capable de vous engager à remplir sur ce point tous vos devoirs, que d'en conférer avec celui qui vous tient la place de Dieu, et en qui vous avez pris confiance. Cet avis est de la dernière conséquence, particulièrement aux personnes de la cour, et à ceux qui vivent dans le commerce du grand monde.

 

§ II. Avis pour le temps même de la communion.

 

I.  Considérer le jour de votre communion comme un jour que vous devez entièrement et uniquement consacrer à Jésus-Christ; en sorte que vous accomplissiez à la lettre le précepte du Saint-Esprit : Ne laissez rien échapper d'un bon jour sans en profiter (1). C'est-à-dire , qu'aucune partie d'un jour si heureux ne soit perdue pour vous, et que tout ce que vous ferez ce jour-là se rapporte à l'action principale dont vous devez être occupé, qui est la communion même; vous levant, par exemple, dans cette pensée : Voici le jour que le Seigneur a fait pour moi (2); allant à l'église dans ce sentiment : Voici l'Epoux qui vient, allons au-devant de lui; mais par-dessus tout ne faisant aucune action ni profane, ni frivole, qui puisse marquer un esprit lâche, et peu touché des choses de Dieu.

II.  Assister à la messe où vous devez communier, avec le même esprit que vous auriez voulu assister avec les apôtres à la dernière cène, où Jésus-Christ les communia de sa propre main, puisqu'en effet ce qui se passa pour lors dans la personne des apôtres va se renouveler dans vous, et que, par le ministère du prêtre qui vous représente Jésus-Christ, vous allez être participant de la même grâce et recevoir le même honneur qu'eux. Pour cela, vous entretenir pendant la messe, et jusqu'au temps de la communion, dans les affections ou dans les pensées suivantes.

III.  D'une vive foi de la présence réelle de Jésus-Christ dans l'Eucharistie; faisant intérieurement la profession de cette foi, et disant avec l'aveugle-né de l'Evangile : Oui, Seigneur, je crois (3). Je crois que c'est vous-même que je vais recevoir dans ce sacrement, vous-même qui, étant né pour moi dans une crèche , avez voulu mourir pour moi sur la croix, et qui, glorieux dans le ciel, ne laissez pas d'être caché sous ces espèces adorables : je le crois, mon Dieu , et je m'en tiens plus assuré que si je le voyais de mes yeux, parce que

 

1 Eccli., XIV, 14. — 2 Psal., CXVII, 24. —  3 Joan., IX, 38.

 

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mes yeux me pourraient tromper, et que votre parole est infaillible. Quoique mes sens et ma raison me disent le contraire, je renonce à mis sens et à ma raison, pour me captiver sous l'obéissance de la foi ; et s'il fallait souffrir raille morts pour la confession de cette vérité, aidé de votre grâce, Seigneur, je les souffrirais, plutôt que de démentir sur ce point ma créance et ma religion.

IV.   D'une adoration respectueuse, qui est comme la suite naturelle de cet acte de foi : car, puisque c'est Jésus-Christ même que vous allez recevoir, il est juste que vous lui rendiez auparavant l'hommage que vous lui devez. comme à votre souverain et à votre Dieu ; à l'exemple des premiers chrétiens, qui, selon le témoignage de saint Augustin, ne recevaient jamais la chair du Sauveur dans les sacrés mystères, sans l'avoir premièrement adorée. Ainsi. pendant que le prêtre célèbre, mais particulièrement à l'élévation de l'hostie, vous répéterez souvent d'esprit et de cœur ces paroles de saint Thomas : Mon Seigneur et mon Dieu (1); adorant Jésus-Christ sur l'autel, comme les Mages l'adorèrent dans l’étable de Bethléem, et lui protestant, avec saint Bernard, que plus il a voulu se faire petit pour se donner à vous, plus vous voulez avoir de respect, de zèle et de réitération pour lui.

V.  D'un profond anéantissement de vous-même, vous étonnant qu'un Dieu d'une si haute majesté daigne bien descendre du ciel pour vous visiter; disant, avec bien plus de sujet que la mère de saint Jean-Baptiste, lorsqu'elle reçut la visite de la sainte Vierge : Et d’où me vient cet excès de bonheur (2), que mon Seigneur et mon Dieu veuille venir à moi? eu. comme le centenier : Ah! Seigneur, je ne suis pas digne que vous entriez dans ma maison (3) ; comme le saint homme Job: Et qu’est-ce que l’homme, Seigneur, pour être élevé à une telle gloire (4)? Et qui suis-je, moi pécheur, moi ver de terre, pour approcher d'un Dieu aussi saint que vous ; pour être assis a votre table, pour y manger le pain des anges et pour y être nourri de votre chair divine?

VI.   D'une humble confiance : car si Jésus-Christ se plaît et se tient même honoré que l’on se confie en lui, c'est particulièrement dans ce mystère où lui-même, sans réserve, se communique à nous. Or, s'il se donne lui-même, dit admirablement saint Paul,   comment ne

 

1 Joan., XX, 20. — 2 Luc, I, 43. — 3 Matth.,  VIII, 8. — 4 Job, VIII, 25.

 

nous donnera-t-il pas tout le reste? pourrait-il nous refuser quelque chose, en même temps qu'il se livre à nous? Vous devez donc considérer l'Eucharistie comme le trône de la miséricorde de Jésus-Christ, où vous avez droit de vous présenter, pour lui exposer vos misères, vos faiblesses, vos aveuglements, vos erreurs, sûr que vous devez être de lui que par la vertu de ce sacrement, si vous n'y apportez point d'obstacle, il vous fortifiera, il vous éclairera, il apaisera la violence de vos passions , il vous délivrera de vos mauvaises habitudes : d'emporté que vous étiez, il vous fera paraître modéré ; de tiède, il vous rendra fervent; de charnel et de mondain, il vous changera en homme spirituel et chrétien. Vous approcher, dis-je, de Jésus-Christ avec cette espérance, fondée sur sa puissance infinie et sur son infinie bonté : car n'êtes-vous pas, lui direz-vous, ô mon Dieu ! le maître de mon cœur ? et quand mon cœur sera-t-il plus absolument dans votre disposition, que quand vous y serez entré par votre adorable sacrement?

VII.  D'une crainte filiale, dont il faut que cette confiance soit accompagnée, comme si vous disiez à Jésus-Christ : Mais ne serais-je point, ô mon Sauveur, assez malheureux pour avoir dans moi un péché secret qui fût un empêchement à toutes les grâces que vous me voulez faire? ne serais-je point un Judas pour vous donner aujourd'hui le baiser de paix , et pour vous trahir demain? ne vous recevrais-je point comme lui dans l'état d'une conscience criminelle? et au lieu de venir à moi, comme à un disciple fidèle, n'y venez-vous point avec horreur et avec indignation, comme à un ennemi caché? Si cela était, ah! je vous dirais, comme saint Pierre : Retirez-vous de moi, Seigneur (1), parce que je suis un sacrilège et un impie; mais la même confiance que j'ai en vous me fait espérer, Seigneur, que vous m'avez remis mon péché, et qu'ensuite, tout indigne que je suis, vous ne me rejetterez pas de votre présence.

VIII.  D'un désir ardent de recevoir Jésus-Christ : car l'une des dispositions les plus nécessaires pour bien communier, c'est de le désirer ; comme l'une des meilleures dispositions pour profiter d'une viande, c'est de la manger avec appétit. Vous témoignerez donc à Notre-Seigneur, non-seulement le désir, mais, s'il est possible, l'impatience et l'empressement que vous avez de vous unir à lui dans ce

 

1 Luc, V, 8.

 

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sacrement, en lui disant, comme les patriarches de l'ancienne loi qui attendaient sa venue : Venez, Seigneur, et ne tardez pas davantage (1) ; venez prendre possession de mon cœur, il est tout prêt, et il ne peut être rempli que de vous : ou, comme le Prophète royal, dans ce psaume qui convient si bien à une âme chrétienne, au moment qu'elle approche de la communion : De même que le cerf soupire avec ardeur après les sources des eaux, mon âme soupire après vous, mon Dieu (2).

IX. D'une fervente contrition qui achève de sanctifier votre âme, et qui la mette dans ce degré de pureté où elle doit être pour devenir digne de Jésus-Christ; vous servant pour cela des paroles affectueuses de ce saint roi pénitent : J'espère, Seigneur, que vous m'avez déjà lavé par le sacrement de pénitence; mais lavez-moi encore davantage, et purifiez-moi de nouveau de toutes les souillures de mon péché (3), afin que je sois en état de me présenter à vous. Créez dans moi un cœur pur, et renouvelez jusqu'au fond de mes entrailles cet esprit de droiture et de justice (4), sans lequel toute la dévotion dont je me sens touché en communiant ne serait que mensonge et illusion. Comme le péché, ô mon Dieu, est l'unique chose qui puisse vous déplaire en moi, je le déleste et l'abhorre, parce qu'il vous déplaît. Quand il ne me rendrait point d'ailleurs sujet aux châtiments terribles et effroyables dont votre justice le punit, et quand il ne mériterait point l'enfer, il me suffit, pour l'avoir en exécration, qu'il m'éloigne de vous, et qu'il empêche que vous ne vous unissiez à moi par le sacrement de votre corps.

X. D'un parfait amour : car si vous êtes obligé d'aimer Jésus-Christ de tout votre cœur, et de cet amour de préférence qui vous est commandé par la loi divine, beaucoup plus devez-vous lui en donner des marques dans ce sacrement, qui est singulièrement et par excellence le sacrement de son amour et de sa charité envers les hommes. Il faut donc vous imaginer que, dans le moment de la communion, Jésus-Christ vous demande comme à saint Pierre : M’aimez-vous (5)? et ensuite lui répondre avec la même ferveur que cet apôtre: Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime (6). Mais la protestation sincère que je vous fais aujourd'hui est que je veux vous aimer d'un amour solide et effectif, qui ne consiste pas simplement dans les paroles, mais dans l'accomplissement

 

1 Psal., XXIX,   18. — 2 Psal., XLI, 2. — 3 Psal., L, 4. — 4 Ibid., 12. — 6 Joan., XXI, 17. — 6 Ibid.

 

de mes devoirs , dans l'observation exacte de vos commandements , dans un attachement inviolable à votre loi, dans la crainte de vous offenser, dans la fuite de tout ce qui vous déplaît, dans un renoncement éternel aux fausses maximes du monde, et à tout ce qui est contraire au christianisme que je professa

XI.  D'une attention particulière aux parole! du prêtre, lorsqu'il vous présentera le corps de Jésus-Christ, et qu'il vous dira : Que le corps de Notre-Seigneur Jésus- Christ garde votre âme jusque dans la vie éternelle (1) ! paroles qui doivent faire sur vous une vive impression, en vous faisant comprendre la fin pour laquelle vous communiez, qui est de persévérer dans la grâce ; c'est-à-dire de ne pas communier simplement pour observer pendant quelques jours une certaine régularité de vie, mais pour être constamment fidèle à Dieu, et vous maintenir dans l'état où vous a mis le sacrement de Jésus-Christ, en sorte qu'il soit maintenant pour vous un gage de la vie éternelle.

XII.  D'une prière courte, mais affectueuse, que vous ferez à Jésus-Christ, le conjurant if suppléer par sa grâce à tous vos défauts, et de mettre lui-même dans votre cœur les dispositions nécessaires pour le bien recevoir ; reconnaissant avec humilité que, quoi que vous ayez fait pour cela, vous êtes toujours infiniment indigne de ce sacrement.

§ III. Avis pour le temps qui suit la communion.

 

I.  Sortir de la sainte table avec un profond respect de la présence de Jésus-Christ, qui est au milieu de votre cœur, et dont il est vrai de dire dans ce moment là que la plénitude de sa divinité habite en vous corporellement. Etre quelque temps dans le silence, comme saisi d'admiration des choses qui viennent de s'accomplir en vous, et vous considérant vous-même comme le tabernacle vivant où réside alors le Saint des saints : pensée admirablement propre pour vous tenir dans un parfait recueillement, et pour arrêter toutes les distractions de votre esprit, qui ne pourraient être alors que criminelles , comme si Jésus-Christ vous disait : Appliquez-vous à me contempler, et reconnaissez que je suis votre Dieu (2), puisqu'on vertu de ce mystère vous en avez une expérience si sensible.

II.  Goûter le bonheur et l'avantage que vous avez de posséder Jésus-Christ, qui est voire souverain, et qui, par la communion, se fait le gage de votre béatitude , comme il en doit être

 

1 Off., Div. — 2 Psal., XLV, 11.

 

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l'objet pendant foute l'éternité, vous appliquant ces paroles du psaume : Goûtez, et voyez combien le Seigneur est doux (1). Il est glorieux dans le ciel, il est tout-puissant sur la terre, il est terrible dans les enfers ; mais il est doux dans ce sacrement, et la douceur dont il y remplit les âmes justes est le caractère de sa divine présence. Ah ! mon Dieu, lui direz-vous, que le goût des saintes délices que tous me faites maintenant sentir m'ôte pour jamais le goût des douceurs criminelles et des plaisirs du monde, qui ne font qu'empoisonner mon cœur et corrompre ma raison ! Que cet avant-goût que vous me donnez de votre paradis, dans l'adorable Eucharistie, corrige en moi . tous les goûts dépravés de mes passions, qui me font aimer ce que je devrais souverainement haïr, et qui me font préférer, aussi bien que l'enfant prodigue, la nourriture des pourceaux, c'est-à-dire celle qui contente ma sensualité, aux véritables biens que vous communiquez à ceux qui s'attachent à vous. Entrez dais le sentiment du saint vieillard Siméon, lorsque, pour comble de ses désirs, il vit Jésus-Christ entre ses bras : C'est maintenant, Seigneur, que j’aurai la consolation de mourir en paix (2), puisque non-seulement mes yeux vous ont vu, mais que mon âme vous possède, et que ma chair est pénétrée de vous, qui êtes la source de la vie.

III. Faire après la communion ce que David pratiquait si saintement : J'écouterai ce que le Seigneur dira au dedans de moi (3). Car c'est proprement alors qu'il est dans vous ; et si tous vous rendez attentif, il ne manquera pas de parler secrètement à votre cœur pour vous dire bien des choses auxquelles vous ne pensez pas, et que vous vous dissimulez à vous-même, mais dont il vous fera convenir. Par exemple, il vous reprochera certaines infidélités où vous tombez, certains désordres dans lesquels vous vivez, certaines lâchetés que vous ne vous efforcez pas de vaincre; il vous dira en quoi il veut que vous changiez de conduite, ce qu'il veut que vous lui sacrifiiez, à quoi il veut que vous renonciez. En un mot, lui-même s'expliquant immédiatement à vous, et remuant tous les ressorts de votre conscience, il vous déclarera ses volontés, mais d'une manière dont il sera impossible que vous ne soyez touché, aussi bien que convaincu. Dites-lui donc alors, comme Samuel ; Parlez, Seigneur, parce que votre serviteur écoute (4).

 

1 Ps. XXXII , 9. — 2 Luc. II, 29. — 3 Ps. LXXXIV, 9. — 4 1 Reg. III, 9.

 

IV. Vous acquitter du principal devoir que Jésus-Christ attend de vous après la communion, qui est de lui témoigner votre reconnaissance pour le bienfait inestimable que vous venez de recevoir de lui. Car quelle ingratitude ne serait ce pas , si, rempli de ses dons et de lui-même, vous n'en aviez aucun sentiment? et   ne   mériteriez-vous   pas   d'être   regardé comme un monstre de la nature, si un amour aussi parlait que le sien ne trouvait dans votre âme aucun retour ? Ah ! Seigneur, devez-vous lui dire, que ma main droite s'oublie elle-même, si je vous oublie jamais ; et que ma langue demeure attachée à mon palais, si je ne me souviens éternellement de vous (1). J'ai été un infidèle , j'ai été un lâche , j'ai été un prévaricateur; mais je ne veux pas être un ingrat; et puisque le sacrement de votre corps est une véritable Eucharistie, c'est-à-dire un  sacrement d'actions de grâces, non-seulement  je veux vous marquer, par toute la suite de ma vie, combien je vous suis redevable de l'avoir reçu; mais je veux même qu'il me serve pour vous remercier de tous les autres biens que vous m'avez faits et que vous continuez à me faire. Car que vous rendrai-je, ô mon Dieu, pour avoir usé envers moi de tant de miséricorde ; et par où puis-je reconnaître les obligations excessives que je vous ai, les grâces dont vous m'avez comblé, les marques singulières de protection par où vous m'avez distingué, sinon en participant à ce calice mystérieux de votre passion? M'avez-vous enseigné un autre   moyen   que celui-là pour répondre avec quelque sorte d'égalité à votre charité infinie? Si je suis assez heureux pour avoir communié   en   état   de grâce, ne puis-je pas me consoler dans la pensée que, vous offrant vous-même à vous-même, puisque vous êtes maintenant à moi, je satisfais pleinement à tout ce que je vous dois?

V. Faire à Jésus-Christ une oblation entière de votre personne, lui protestant qu'après l'avoir reçu dans la communion, vous ne voulez plus vivre que pour lui, afin de vérifier sa parole : Celui qui mange ma chair vivra pour moi (2) ; que vous ne voulez plus avoir de pensées, former de desseins, exécuter d'entreprises, que dans l'ordre de la parfaite soumission que vous lui devez ; que vous ne voulez plus employer votre santé, vos forces, les talents de votre esprit, votre autorité , votre crédit, vos biens, enfin tout ce qui dépend de vous, que pour les intérêts de sa gloire : lui assujettissant toutes les puissances de votre âme, en sorte qu'il en

 

1 Psal. CXXXVI, 5, 6. — 2 Joan., VI, 55.

 

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soit le maître, et qu'il y règne absolument ; et afin que cette oblation ne soit pas vaine et d'une pure spéculation, la réduisant en pratique par l'examen que vous ferez de vous-même : c'est-à-dire que si vous étiez assez malheureux pour avoir quelque attache dans le monde, vous en fassiez le sacrifice à Jésus-Christ dans ce moment-là, en lui disant : Non, Seigneur, après la faveur singulière dont vous venez de m'honorer, je ne souffrirai pas qu'il y ait rien dans moi qui puisse partager mon cœur entre vous et aucun être créé.

VI. Demander à Jésus-Christ, tandis qu'il est encore au milieu de vous, toutes les grâces dont vous avez besoin; le forçant par une aimable et sainte violence à vous les accorder, et lui disant, comme Jacob disait à l'ange : Non, je ne vous laisserai point aller que vous ne ni ayez donné votre bénédiction (1). Je ne vous demande point, Seigneur, lui ajouterez-vous, des grâces temporelles, de la réputation, des honneurs, des prospérités, des richesses : tout cela ne servirait peut-être qu'à me perdre. Je vous demande les grâces de mon salut, un esprit  humble  et un  cœur chrétien ; je vous demande la haine du péché, une horreur éternelle de l'impiété et du libertinage, la crainte de vos jugements, et par-dessus tout votre saint amour. Je vous demande la force et la solidité de l'esprit, qui m'est nécessaire pour me préserver de la corruption du monde, pour ne me pas laisser emporter au torrent de la coutume, pour résister à la tentation et au scandale du mauvais exemple, pour me  mettre au-dessus du respect humain, pour me défendre du poison de la flatterie, pour n'être pas esclave de l'ambition, pour ne point succombera l'intérêt, pour éviter les pièges funestes que le démon de la chair me tend de tous côtés, pour conserver, au milieu des dangers auxquels ma condition m'expose, la liberté et la pureté de ma religion ; enfin pour pouvoir tout à la fois être ce que je suis et ce que votre providence m'a fait naître, et être chrétien. Voilà, mon Dieu, les grâces qui me sont nécessaires. J'ai droit en tout temps de vous les demander ; mais quand vous les demanderais-je avec plus de foi et plus d'assurance de les obtenir, que maintenant que je vous possède, vous qui en êtes l'auteur?

VII. Former de saintes résolutions sur les points particuliers où vous aurez reconnu que Dieu demande de vous quelque changement et quelque réforme de vie : par exemple, sur le

 

1 Genes., XXXII, 26.

 

défaut le plus notable que vous avez à corriger, sur l'habitude la plus vicieuse que vous devez combattre, sur l'occasion la plus prochaine du péché dont vous voulez sortir. Et afin que ces résolutions soient plus solides, les concevoir en présence de Jésus-Christ, qui, dans le fond de votre cœur, les ratifie et les accepte, comme si vous lui disiez : Oui, Seigneur, c'est à vous-même que je m'engage ; et je veux bien que vous vous éleviez contre moi, si les promesses que je vous fais ne sont sincères et véritables. J'ai juré, ô mon Dieu, de garder les ordonnances de votre divine loi (1). J'ai juré d'être plus régulier et plus exact dans mes devoirs de chrétien, d'avoir plus de charité pour mon prochain, de retrancher en moi la liberté que je, me donne de parler d'autrui, etc. J'en ai juré, et c'est vous-même que je prends à témoin de ce serment, afin que vous le confirmiez, et que votre sacrement adorable que je viens de recevoir en soit comme le sceau qu'il ne me soit jamais permis de violer, à moins de passer devant vous pour un parjure et pour un anathème.

VIII.  Vous exciter à la persévérance chrétienne, qui doit être l'un des principaux fruits de votre communion, en vous demandant à vous-même, comme saint Paul : Qui est-ce qui pourra désormais me séparer de Jésus-Christ (2) après m'être uni à lui si étroitement? Puis vous répondant avec les p'aroles du même apôtre: Non, je suis sûr que ni la mort, ni la vie. ni lu prospérité, ni l'adversité, ni la grandeur, ni l'abaissement, ni quelque autre créature que ce soit, ne me séparera jamais de lui (3). Ce n'est point, mon Dieu, par un esprit de présomption que je parle ainsi ; je connais ma misère et mon néant, et je sais que si vous m'abandonniez à moi-même, je retomberais dans l'abîme de tous mes désordres. Mais uni à vous comme je le suis par votre sacrement, j'ai droit de m'élever au-dessus de moi, et de me promettre que, tout inconstant et tout fragile que je puis être, je persévérerai dans votre amour et dans la possession de votre grâce.

IX.  Accomplir réellement, dans la suite de votre vie, ce que vous vous êtes proposé dans la communion, vous comportant de telle sorte qu'après avoir communié, vous puissiez encore dire, comme saint Paul : Je vis; mais non, ce n'est plus moi, c'est Jésus-Christ qui vit en moi (4) ; vous souvenant que le plus grand de tous les scandales, selon le jugement  même du

 

1 Psal., CXVIII, 106. — 2 Rom., VIII, 38, 39. — 3 Ibid. — 4 Galat., II, 20.

 

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monde, est de voir un chrétien qui communie, mais dont la conduite n'en est pas pour cela plus chrétienne ni plus édifiante. Il faut donc, puisque Jésus-Christ vit en vous par la communion, que ce soit lui qui désormais agisse en vous; c'est-à-dire qui vous fasse penser, agir et parler, et qu'il n'y ait rien dans toute votre conduite qui ne soit digne de lui. Car si après la communion vous viviez, comme auparavant, dans le désordre d'une vie lâche ou libertine; si vos pensées étaient aussi mondaines, vos paroles aussi dissolues, vos actions aussi déréglées qu'elles étaient avant que vous eussiez communié ; ce que Salvien disait autrefois se vérifierait dans vous à la lettre, savoir, que Jésus-Christ recevrait en vous de la confusion et de la honte, puisqu'il lui serait honteux qu'une langue, par exemple, qui a été sanctifiée par le sacrement de son corps, proférât encore des paroles lascives et impures; qu'un cœur dont il a fait sa demeure fût encore rempli de mauvais désirs.

X. Remarquer, et, s'il est possible, mettre par écrit, après la communion, certains sentiments plus tendres et plus affectueux dont vous avez été touché à la sainte table : afin que, s'il vous arrive ensuite de tomber dans la sécheresse, ou même dans le relâchement et dans la tiédeur, vous puissiez vous ranimer par le souvenir des choses qui ont fait alors impression sur votre esprit. Car vous profiterez ainsi de l'avis salutaire de David, conçu dans ces paroles du psaume : Les saintes pensées dont votre cœur a été rempli dans la communion, étant recueillies et conservées, comme autant de précieuses reliques, vous feront un nouveau jour de fête, autant de fois que vous y aurez recours et que vous les rappellerez.

 

FIN  DES  INSTRUCTIONS.

 

 

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